Analyse Multidimensionnelle de la Pauvreté en Tunisie Entre
Transcription
Analyse Multidimensionnelle de la Pauvreté en Tunisie Entre
Poverty Monitoring, Measurement and Analysis (PMMA) Network Analyse Multidimensionnelle de la Pauvreté en Tunisie Entre 1988 et 2001 par une Approche Non-Monétaire Mohamed Ayadi Tunisia A paper presented during the 4th PEP Research Network General Meeting, June 13-17, 2005, Colombo, Sri Lanka. Analyse Multidimensionnelle de la Pauvreté en Tunisie entre 1988 et 2001 par une Approche Non-Monétaire ∗ Mohamed Ayadi† Chtioui Naouel ‡ AbdelRahmen El Lahga§ 3 mai 2005 Résumé L’objectif de ce travail est de mesurer et analyser l’évolution de la pauvreté multidimensionnelle en Tunisie entre 1988 et 2001 par une approche non-monétaire. L’indicateur de bien être utilisé est un indice composite construit, par la technique d’analyse factorielle, à partir des indicateurs non-monétaires des conditions de vies des ménages. Dans un second temps nous procédons à une analyse plus fine de la pauvreté au niveau de chaque région et milieu du pays, dans l’objectif de tenir compte des spécificités des modes de vies et des besoins. Ce travail offre une nouvelle alternative pour définir et étudier la pauvreté en Tunisie en tenant compte de la multidimensionalité de ce phénomène. Notre étude se démarque, ainsi, des études précédentes qui ont adopté une approche monétaire unidimensionnelle pour étudier les mêmes questions. Nos résultats offriraient de nouvelles conclusions qui pourraient aider les décideurs publics dans la mise en œuvre de nouvelles politiques de suivi et de la réduction de la pauvreté. ∗ Nous tenons à remercier notre collègue Mohamed Kriaa pour ses encouragements et ses commentaires précieux † Institut Supérieur de Gestion et U.A.QU.AP université de Tunis, Tunisie. Email : [email protected] ‡ Institut Supérieur de Gestion et U.A.QU.AP université de Tunis, Tunisie. Email : [email protected] § Institut Supérieur de Gestion et U.A.QU.AP université de Tunis, Tunisie. Email :[email protected] 1 Introduction et objectifs du travail 1.1 Contexte général Pendant les quatres dernières décennies un ensemble de politiques pour combattre la pauvreté et promouvoir le bien être de la population ont été entreprises en Tunisie. Depuis l’indépendance en 1956 le gouvernement a généralisé l’enseignement public dans les différentes régions du pays, pour les différentes catégories de la population et plus particulièrement pour le sexe féminin. Le niveau de l’éducation a presque doublé entre 1960 et 1980 et a continué de s’accroître depuis. Le nombre moyen d’années d’études est passé de 0.6 année en 1960 à plus de 5 ans en 1999. Le taux d’analphabétisation est passé de 72% pour les hommes et 85% pour les femmes en 1970 à 31% et 42% respectivement en 1998. Des politiques de gratuité des soins médicaux et de subventions des produits de première nécessité via la caisse générale de compensation ont permis d’améliorer le niveau nutritionnel et la santé de la frange de la population la plus démunie. À ces politiques s’ajoutent des programmes de transferts directs ( programme d’aides aux familles nécessiteuses) visant à améliorer les conditions de vie quotidienne des individus nettement défavorisés. Le développement des industries exportatrices et fortement utilisatrices de la main d’œuvre- plus particulièrement la main d’œuvre féminine- et l’amélioration de l’infrastructure des régions défavorisées ont contribué à la promotion de la politique d’emploi et l’augmentation des revenus. Ces différents investissements substantiels et ces stratégies économiques et politiques ont permis une amélioration de la qualité du capital humain à travers tout le pays. Un constat évident du recul de la pauvreté s’est enregistré grâce à l’amélioration des indicateurs de santé, d’éducation en plus d’un allégement du chômage familial qui sont tous des conditions nécessaires à l’intégration des plus défavorisés au tissu social et à la sortie de la pauvreté d’une bonne proportion de la population tunisienne(Ayadi et al (2004), BM(2003)). L’évaluation objective de l’impact de ces différentes politiques et programmes sur la population nécessite l’étude de la pauvreté et des performances du pays dans ses efforts d’allégement de ce phénomène. L’analyse de la pauvreté en Tunisie, a fait l’objet de plusieurs travaux, Ayadi et al (1995,2001,2004), la Banque Mondiale (1990,2003)1 . Plusieurs conclusions ont été tirées concernant le niveau, l’intensité et la sévérité du phénomène au niveau national et régional. L’évolution de ces indicateurs dans le temps2 , inter1 Voir, aussi, INS(1985,90,95, 2000) et Bibi(2001) Notons à ce niveau que toutes les recherches académiques ne couvrent que la période d’avant 1990, faute de disponibilité des micro-données pour les chercheurs universitaires. Toutes les conclusions sur la situation de la pauvreté après 1990 sont basées sur les rapports publiés des 2 1 régions et inter-milieux ont été aussi analysées. Les conclusions générales qui se dégagent de ces études montrent que la Tunisie a eu une réduction substantielle du niveau de la pauvreté, dépassant ceux de plusieurs pays ayant des taux de croissance économique supérieurs (Ayadi et al 2004). Elles s’entendent sur le fait que les régions ouest du pays, notamment leurs milieux ruraux regroupent la majorité des personnes pauvres et économiquement vulnérables3 . Cependant, tous ces travaux se sont basés sur une approche unidimensionnelle4 d’analyse de la pauvreté utilisant le revenu comme seul indicateur de bien être. Mais cette approche ne fait plus l’unanimité parmi les économistes comme étant le seul cadre d’analyse de la pauvreté et ce à cause des multiples problèmes conceptuels et techniques qui la caractérisent. Sur le plan conceptuel un consensus s’est dégagé, depuis quelques années arguant que la pauvreté est un phénomène multidimensionnel. Certains indicateurs sociaux apportent une information qui n’est pas reflétée par l’approche monétaire d’évaluation de la pauvreté. La faiblesse du revenu n’est pas le seul facteur dont dépend la privation individuelle. En effet, le bien être individuel est intimement lié à la capacité qu’a l’individu de subvenir à certains besoins fondamentaux, comme : être adéquatement logé, nourri, instruit...etc. Ces besoins reflètent les aspects multiples de la privation individuelle et illustrent la multidimensionnalité du phénomène de la pauvreté. Le revenu peut être considéré, donc, comme un moyen parmi d’autres pour se procurer un niveau de vie requis. Ces arguments puisent leur soubassement dans l’approche par les capabilités de Sen (1985, 1987) qui argumente que si le revenu est instrumentalement important, d’autres mesures de bien être, tel que le statut nutritionnel, sont intrinsèquement important5 . Ainsi, selon l’approche par les capabiliés l’étude de la pauvreté doit identifier et analyser d’autres attributs non nécessairement monétaires et qui agissent directement sur le bien être individuel. Sur le plan technique, l’approche monétaire présuppose que les niveaux de consommations sont convenablement mesurés en terme de dépenses, ce qui n’est pas évident surtout pour les produits non alimentaires suite aux différentiels des prix régionaux qui existent et qui ne sont pas objectivement observés. Les comparaisons inter-temporelles de la pauvreté souffriraient encore plus des problèmes de différentiels des prix inter-régionaux et inter-temporels. Par conséquent, toutes organismes gouvernementaux et les rapports de missions des équipes de la banque mondiale en Tunisie. 3 Un individu est considéré comme économiquement vulnérable si ses dépenses se situent dans un intervalle, raisonnable, juste au dessus d’un seuil de pauvreté absolu. 4 A l’exception d’une première tentative de Bibi(2003) qui a utilisé une approche bidimensionnelle (revenu et nombre de pièces par tête) pour une comparaison de la pauvreté entre la Tunisie et l’Egypte. 5 Citation évoquée dans Sahn et Stifel (2000) 2 les conclusions seront tributaires du bon choix du déflateur des dépenses. Étant donnée ces problèmes multiples une alternative naturelle à l’approche monétaire est d’adopter une approche non-monétaire pour la construction d’un indicateur de bien bien être individuel permettant d’étudier la pauvreté. L’idée sous-jacente de cette approche est que certains attributs non-monétaires, tels que le statut nutritionnel d’un individu , ses conditions de logement, l’environnement sanitaire dans lequel il vit...etc, peuvent être considérés comme des indicateurs du bien être individuel. La construction d’un indice composite de bien être basé sur ces indicateurs offre une sérieuse alternative fiable6 à l’indicateur monétaire du bien être et s’inscrit dans le cadre général de l’analyse multidimensionnelle de la pauvreté. Avant de présenter les objectifs de ce projet de recherche il serait intéressant de procéder à une brève revue de littérature su l’approche d’analyse multidimensionnelle de la pauvreté et dont le but est de donner une vision globale de cette approche et non de présenter les résultats des différents études. 1.2 Revue de la littérature : L’approche multidimensionnelle de la pauvreté Utilité ou "capabilités" ? Une question dont la réponse est de plus en plus insistante dans le cadre de l’analyse de la pauvreté. L’approche utilitariste prône l’utilisation de la fonction d’utilité en tant que résumé statistique du bien être. Au sein de cette approche, le revenu est supposé représenter un bon indicateur du niveau de vie. Toutefois cette approche monétaire paraît incapable de capturer les différents aspects de la vie humaine. La diversification des formes de pauvreté - de la malnutrition à des conditions de logement indécentes aux sentiments d’insécurité et de manque de libertés- montre que les aspects sociaux doivent être pris en considération conjointement aux aspects économiques. En d’autres termes, "être pauvre ne signifie pas seulement avoir un revenu et une consommation trop faible, mais aussi ne rien avoir en suffisance, qu’il s’agissent de l’instruction, de la nutrition et d’autres aspects du développement humain" (Rapport Mondial sur le Développement 2000). Il faut identifier les pauvres d’une manière plus fine, en fonction des facteurs à l’origine de leur faible niveau de vie. L’approche des capabilités développée par Sen (1985,1987) est venue enrichir le modèle standard en incorporant dans le bien être des éléments relatifs à la qualité de l’existence humaine. Une analyse de la pauvreté en tant que phénomène multidimensionnel peut tirer profit du cadre apporté par l’approche de Sen. Ainsi, 6 Voir Sahn et Stifel (2003) pour une évaluation des performances d’un indice composite construit à partir des attributs non-monétaires des ménages africains dans la prédiction de leur bien être comparativement au revenu. 3 la problématique n’est plus de répertorier les individus selon que leur revenu est en dessous ou en dessus d’une ligne de pauvreté. Il s’agit désormais de détecter les facteurs à l’origine de la privation connue par certaines catégories de la population. L’opérationnalisation de l’approche des capabilités a connu un rythme croissant depuis la publication du rapport mondial sur le développement humain en 1990. Ceci a entraîné un développement parallèle des mesures de pauvreté multidimensionnelle permettant, comme dans le cadre unidimensionnel, d’évaluer l’ampleur de la pauvreté et mener des comparaisons dans le temps et dans l’espace. Plusieurs indicateurs multidimensionnelles ont été proposés par le PNUD dont l’IPH (Indice de pauvreté humaine, l’IDH (indice de développement humain) ou l’IPC (indicateur de pénurie des capacités). Cependant ces derniers se basent sur un choix arbitraire des poids accordés aux différents indicateurs de la pauvreté et des formes fonctionnelles utilisées en agrégeant ces indicateurs ( Asselin 2002). Pour palier à cette insuffisance plusieurs contributions ont été faites. Une lecture des différentes contributions à cette littérature permet de distinguer trois approches : – Approche axiomatique de généralisation : qui consiste en une extension, au contexte multidimensionnel, de certaines mesures développées dans le cadre de la pauvreté engendrée par le revenu (Bourguignon et Chakravarty 1998, 2002a ; Tsui 2002) de l’ordre de pauvreté (Bourguignon et Chakravarty 2002b) et de la dominance stochastique (Duclos et al. 2001). Ces travaux se basent sur l’approche axiomatique pour définir les propriétés d’un indice composite et sur une mesure de pauvreté composite se rapportant à un seuil de pauvreté primaire de la pauvreté. Cependant ces indicateurs et les indices qui en résultent sont utilisable seulement pour ce type d’indicateur (Asselin 2002). En se basant sur cette approche Bibi (2003) a entrepris une analyse bi- dimensionnelle de la pauvreté en Tunisie et en Egypte, basée sur le revenu et le logement. Il montre que la pauvreté est plus élevé en egypte qu’en Tunisie si le revenu et le logement sont considérés comme substituts. Néanmoins sous l’hypothèse d’indépendance ou de complémentarité certains indices bi-dimensionnels de la pauvreté montrent le contraire. En outre, il conclut que les politiques de lutte contre la pauvreté en Tunisie doivent se concentrer plus sur le facteur non monétaire (le logement) que le facteur monétaire (le revenu). – Approche floue de pauvreté multidimensionnelle : basée sur la théorie des sous ensemble flous pour la construction des mesures (Cerioli et Zani 1990, Cheli et Lemmi 1995, Dagum et al. 1994, Dagum 2002). La pauvreté d’une personne est identifiée par son degré d’appartenance aux sous ensembles flous et ceci respectivement à chacun des attributs de la pauvreté (Costa 2002). Le degré d’appartenance est déterminé par le degré de possession 4 de l’attribut, qui peut prendre la valeur un, la valeur zéro ou des valeurs appartenant à l’intervalle [ 0 , 1 ]. Ayadi, Chtioui et Ben Hassin (2005) ont entrepris une analyse multidimensionnelle de la pauvreté par l’approche floue pour la Tunisie. Ils montrent une grande contribution de l’éducation et des conditions de logement à la pauvreté totale, combinée à une forte disparité régionale. – Approche consistante de la pauvreté multidimensionnelle : qui se base sur deux étapes elle définit un indicateur composite pour chaque unité de la population, qui servira à classer les différents individus selon leur niveau de pauvreté multidimensionnelle et servira à l’évaluation dans un deuxième temps de l’indice de la pauvreté. Dans l’étape du calcul de l’indicateur de bien-être on utilise la technique de l’analyse factorielle. Cette approche aussi de faire un choix optimal des dimensions pertinentes de la pauvreté tout en évitant la redondance le l’information (Asselin 2002, Sahn et Stifel 2000, Ki et al (2004). 1.3 Objectifs du travail Dans ce travail nous nous intéressons à l’élargissement de la définition de la pauvreté jusque là utilisée par toutes les études précédentes de la pauvreté en Tunisie et ce afin d’enrichir la panoplie des mesures envisageables pour son éradiction. Deux points motivent notre travail : l’adoption d’une nouvelle manière de définir et de mesurer la pauvreté basée sur une approche multidimensionnelle utilisant les facteurs intrinsèque et non-monétaires de la pauvreté. Une fois la pauvreté définie, nous serons en mesure d’identifier les politiques et les stratégies qui permettent de la réduire. Ces deux points sont interdépendants car c’est de la définition que l’on donne à la pauvreté dépend le choix de la politique à mener. Ainsi nous nous proposons dans ce travail de : – Dresser un profil de la pauvreté en Tunisie pour la période 1988-2001, en utilisant l’approche non-monétaire. Plus spécifiquement, nous construisons un indice composite de bien être à partir des attributs non monétaires des ménages et qui servira comme une base pour quantifier l’importance du phénomène de la pauvreté. Cela permettrait, d’une part, de tenir compte de la multidimensionnalité du phénomène étudié. D’autre part, offrir une nouvelle analyse basée sur une approche non-monétaire qui donnerait de nouvelles indications et conclusions permettant de mieux comprendre ce phénomène. – Mener une analyse de l’évolution de la pauvreté, basée sur cette nouvelle approche durant ces dernières 15 années, au niveau national, régional et selon les milieux dans les différentes régions et milieux du pays (urbain/rural). – Comparer les conclusions de notre approche à celles publiées dans les rap5 ports officiels et qui se basent sur une approche monétaire unidimensionnelle. Selon certains points de vues, notamment ceux des sociologues et des psychologues, les circonstances et la situation d’un individu, relativement à celle d’autres individus dans un groupe de référence, influence la perception de la privation et du bien être. "the dividing line... between necessities and luxuries turns out to be not objective and immuable, but socially determined and ever changing” (Scitovsky (1978, p108)). Quelqu’un peut arguer que la nécessité d’avoir une voiture, par exemple, pour un habitant de la capitale tunis n’est pas nécessairement la même que celle pour un habitant d’une ville du Sud tunisien. D’où la nécessité de construire des indices composites de bien être spécifiques aux différentes régions et milieux. Par conséquent, toute analyse de la pauvreté basée sur ces indices restera attaché au respect des spécificités et des habitudes de consommation de chaque région et milieu. – Ainsi, nous nous fixons comme objectif additionnel une analyse plus fine de la pauvreté au sein de chaque region et milieu basée sur des indices composites régionaux de bien être. Bien entendu cette démarche nous prive de faire des comparaisons inter-régionales, à un instant donné ou à travers le temps, puisque les échelles de valeurs sur lesquelles se basent la construction des différents indices ne sont pas nécessairement identiques d’une région à une autre, mais elle permettra d’analyser l’évolution inter-temporelle du phénomène de la pauvreté au sein de chaque région. Il serait très intéressant de comparer les conclusions de cette démarche à ceux trouvés plus haut. Avant de discuter la pertinence du travail et ses implications en termes de politiques économiques pour le cas de la Tunisie il serait judicieux de présenter la méthodologie à adopter dans ce travail. 2 Méthodologie Pour atteindre les objectifs principaux de ce travail, énumérés ci-dessus, il est indispensable d’utiliser un indicateur de bien être individuel7 et définir les méthodes de comparaisons inter-temporelle de la pauvreté. 2.1 Construction d’un indice non-monétaire de bien être La première étape du travail consiste à construire un indice d’actifs détenus par le ménage et qui sera considéré comme un indicateur non-monétaire de bien 7 L’unité d’analyse dans ce travail est le ménage. Tout au long du reste du travail nous entendons dire par individu un ménage. 6 être. C’est sur la base de cet indice, qui joue, aussi, le rôle d’un indicateur nonmonétaire de bien être à la manière du revenu par tête, que nous analyserons le profil de la pauvreté et son évolution durant la période d’étude. Considérons K indicateurs primaires qui reflètent les conditions de vie du ménage tels que la possession de certains biens durables ou le type de sol de logement, par exemple8 . L’idée de base est de résumer l’information apportée par ces indicateurs qualitatifs en un seul indice composite que nous appelons A et que nous pouvons écrire sous une forme générale comme : Ai = K X γj Iij , (1) j=1 avec Iij est l’indicateur primaire j (j = 1..K) pour le ménage i (i = 1...n). γj est le poids attribué à l’indicateur Iij dans le calcul de l’indice composite Ai du ménage i. À ce stade une remarque s’impose. Dans les données d’enquêtes que nous utilisons dans ce travail, certains indicateurs primaires sont représentés par des variables binaires (0/1) indiquant la possession ou non de certains biens durables, alors que d’autres indicateurs sont représentés par des variables ordinales décrivant plusieurs modalités de ces indicateurs. À titre d’exemple l’indicateur type de sol du logement est représenté par une variable décrivant 4 modalités possibles : (1) Carrelage, marbre, (2) ciment, (3) terre, et (4) autres sols. Afin d’harmoniser la nature des variables utilisées il est nécessaire de découper ces variables ordinales en des variables binaires. Ainsi, la variable qualité du sol sera représentée par 4 variables binaires représentant chacune une modalité de la variable initiale. Le même raisonnement s’appliquera à toutes les autres variables de ce type9 L’indice composite Ai pour le ménage i peut se réécrire selon la forme fonctionnelle suivante PK PJk k k k=1 jk =1 Wjk Iijk , (2) Ai = K avec K : nombre d’indicateurs primaires ; Jk : nombres de modalités de l’indicateur k ; Wjkk : le poids accordé à la modalité jk ; Iijk k : une variable binaire (0/1), prenant la valeur 1 lorsque le ménage i a la modalité jk , 0 sinon. L’indice Ai , pour un ménage i, est tout simplement la moyenne des poids des variables binaires Iijk k . 8 Une liste complète des indicateurs utilisés dans ce travail est présentée dans le tableau 1 Cette opération est nécessaire dans la procédure que nous avons choisi, et que nous décrivons ultérieurement, pour construire notre indice composite. 9 7 La question qui se pose maintenant est : quelle est la méthode appropriée pour déterminer les poids Wjkk ? Dans la littérature plusieurs méthodes sont proposées, elles se basent presque toutes sur les analyses statistiques multivariées. Sahn et Stifel (2000) proposent l’utilisation de la technique d’analyse factorielle afin de déterminer les poids. Filmer et Pritchett (1998) utilisent une variante de l’analyse factorielle, à savoir l’analyse en composante principale (ACP). Dans ce travail nous nous proposons d’utiliser une troisième variante de l’analyse factorielle, à savoir l’analyse de correspondance multiple (ACM) tel que suggéré, et présentée en détail, par Asselin (2002). Cette méthode se prête mieux à la nature des données dont nous disposons qui comportent un ensemble de variables binaires représentant les différentes modalités que peuvent prendre les indicateurs primaires reflétant les conditions de vies des ménages. Le poids Wjkk à attribuer à chaque composante de l’indice Ai est le score normalisé de la modalité Iijk k obtenu après l’application d’une ACM à la matrice des données. Dans cette matrice chaque ligne décrit un ménage i(= 1...n) et dont les colonnes contiennent des variables binaires représentant les différentes modalités qui peuvent prendre les indicateurs primaires des conditions de vies des ménages10 . L’indice Ai étant construit, nous pouvons ainsi définir des seuils de pauvreté relatifs qui permettent de construire les différentes mesures de pauvreté, telles que les mesures F GTα , pour α = 0.1, 2 définies par Foster et al (1984) et dresser un profil de ce phénomène pour la Tunisie. Toutefois il est nécessaire de souligner que la valeur de l’indice Ai pour un ménage i peut prendre une valeur négative tel qu’il est calculé par la procédure décrite un peu plus haut. Cette situation est problématique pour le calcul de certains indices de pauvreté telle que F GTα pour α ≥ 1. D’où la nécessité de procéder à une transformation de la distribution des indices obtenus. La transformation appliquée dans ce travail consiste à ajouter à l’indice Ai de chaque ménage i la valeur absolue du M in(Ai ) (La valeur minimale de Ai ) afin d’obtenir une distribution des indices définie sur un support positif11 . Une telle transformation n’affecterait pas les comparaisons inter-régions ou intermilieux ainsi que les comparaisons inter-temporelles. En revanche, les mesures FGT calculée pour α ≥ 1 n’auront de signification que dans le cadre restreint de ce travail. 2.2 Tests de dominance stochastique Le deuxième objectif de ce travail est de procéder à des comparaisons intertemporelle de la pauvreté durant la période 1988-2001. Toutefois, ce genre de 10 11 Voir l’annexe pour une description détaillée de cette méthode. Voir Asselin (2002 et Booysen et al (2004). 8 comparaison est problématique dans la mesure où le choix d’un indice et/ou d’un seuil particulier de pauvreté pourrait inverser les conclusions tirées à propos du 0 phénomène de la pauvreté entre l’instant t et l’instant t . Les analyses de dominance stochastiques sont donc des outils nécessaires pour s’assurer que les comparaisons inter-temporelle de la pauvreté restent valables pour un intervalle donné de seuils de pauvreté et pour une classe donnée de mesures de pauvreté. Dans ce qui suit nous procédons à une brève présentation de l’analyse de dominance tirée de Davidson et Duclos (1998) et reprise par Sahn et Stifel (2000). Considérons deux distributions de bien être dont les fonctions de distributions cummulatives sont données par FA et FB définies sur un intervalle positif. Les courbes de dominance stochastique sont définies par : Z x 1 dFA (x) DA (x) = FA (x) = 0 et d’une manière itérative définissons s DA (x) x Z s−1 DA (y)dy, = 0 pour s ≥ 2. On dit que la distribution A domine (strictement) la distribution B s s (x), pour tout x ∈ [0, zmax ], où zmax est un seuil (x) ≤ (<)DB à l’ordre s si DA de pauvreté déterminé. Davidson et Duclos(2000) montrent que Ds (x) peut être exprimée comme Z x 1 s (x − y)s−1 dF (y). D (x) = (s − 1)! 0 Un estimateur de Ds (x) basé sur un échantillon aléatoire de taille N iid peut s’exprimer comme Z x 1 s b D (x) = (x − y)s−1 dFb(y), N (s − 1)! 0 où Fb est la distribution cummulative empirique de l’indicateur de bien être yi . À ce stade une précision s’impose. Afin de mener des comparaisons intertemporelles cohérentes de la pauvreté, il est nécessaire que le poids accordé à chaque attribut entrant dans le calcul de l’indice composite du bien être soit constant à travers toute la période d’étude. À cet effet nous empilons toutes les données disponibles (3 enquêtes) en une seul base de données et nous appliquons ensuite une analyse ACM pour déterminer les poids permettant de calculer notre indice composite12 . 12 Une autre façon de faire consisterait à utiliser les données de la période initiale pour déterminer les poids des différents attributs et les utiliser ensuite pour le calcul des indices des périodes suivantes. Le choix de l’une ou l’autre méthodes reste une question empirique. 9 Toutes les analyses présentées dans cette section peuvent être mises en application à l’aide du logiciel DAD (Distributive Analysis/Analyse Distributive)13 2.3 Analyses spécifiques de la pauvreté Le dernier objectif de ce travail étant de procéder à une analyse spécifique de la pauvreté dans chacune des différentes régions géographique du pays. Nous adoptons la même méthodologie décrite un peu plus haut pour l’ensemble du pays. Cela reviendrait à considérer chaque région comme une entité indépendante. 3 Contribution scientifique du travail La contribution scientifique de ce travail est d’ordre empirique. Notre analyse permettra de mieux évaluer les performances de l’économie tunisienne en matière de politique de réduction de la pauvreté en l’absence de toutes autres études académiques analysant ce phénomène durant les 15 dernières années14 . Nous proposons également une analyse plus fine (au niveau régionale) de la pauvreté dans chacune des régions géographique du pays en essayant de tenir compte des spécificités des modes de vies régionaux, et ce en construisant des indices de bien être qui se veulent attachés aux caractéristiques régionales. 4 Implications en terme de politique économique Les conclusions tirées pourraient être un outil précieux d’aide pour le décideur public pour la formulation des politiques de lutte contre la pauvreté. Plus spécifiquement, la mise en œuvre d’une politique de ciblage en faveur des pauvres basée sur l’indicateur composite de bien être défini et décrit plus haut sera plus efficace et plus facile qu’une autre politique basée sur un indicateur monétaire de bien être (revenu ou consommation par tête). En effet, dans un pays en voie de développement, comme la Tunisie, il est plus facile d’identifier un individu privé d’une source d’eau potable ou habitant un logement insalubre qu’un individu ayant un revenu (ou un niveau de consommation) inférieur à un seuil donné. 13 voir Duclos et Araar (2004 Les micro-données des enquêtes sur le budget et la consommation des ménages (EBCM) couvrant la période 1988-2001 ne sont pas accessibles aux chercheurs académiques. 14 10 Dimensions Habitat Possession des bien durables Capital Humain 5 TAB . 1 – Liste des variables Attributs nature du sol de logement, nature du toit, nature des murs, source d’approvisionnement en eau potable, mode d’éclairage, disponibilité des toilettes, qualité des toilettes, disponibilité d’une cuisine Radio, television, frigidaire, telephone, voiture ou moto Niveau d’instruction du chef de ménage, Niveau d’instruction de l’épouse Les données Les données utilisées dans ce travail proviennent de trois enquêtes. La première enquête, réalisée en 1988, s’inscrit dans le cadre du programme DHS : Demographic and Health Survey et financée par l’agence américaine du développement international (USAID). La deuxième et la troisième enquêtes, intitulées : Enquête Nationale sur la santé de la famille ont été réalisées respectivement en 1994 et 2001 par l’Office National de la Population et de la Famille tunisien (ONPF) et financé par le programme arabe de la santé de la famille. Elles sont considérées comme la continuation du programme DHS en Tunisie. Les trois enquêtes sont similaires au niveau des questions posées, de la méthodologie de l’échantillonnage et du plan de sondage adopté. Les tailles des échantillons obtenus de ces enquêtes après élimination des données manquantes s’élèvent à 3994, 5991 et 5428 pour les années 1988, 1994 et 2001 respectivement. Bien qu’elles aient été désignées pour évaluer la santé des femmes tunisiennes ces enquêtes contiennent des informations, assez précises sur les conditions de vie des ménages. Ces enquêtes seront utilisées pour la construction de notre indice nonmonétaire du bien être. Nous nous intéressons essentiellement aux dimensions de bien être décrits par les différents attributs présentées dans le tableau 1. L’annexe B décrit les plans d’échantillonnage des différentes enquêtes. 6 Stratégie de dissémination des résultats Les résultats de cette recherche seront disséminées selon la stratégie suivante : – l’Unité d’Analyse QUuantitative APpliquée (U.A.QU.AP), qui est une unité de recherche relevant de l’Institut Supérieur de Gestion de Tunis (ISG Tunis) et dont le leader de ce projet est le premier responsable organisera une journée nationale d’étude sur la pauvreté en Tunisie. Les responsables pu11 blics y seront invités, notamment les dirigeants de l’Institut d’Économie Quantitative et avec lequel l’ISG Tunis entretient des relations de coopération scientifique, ainsi que les responsables de l’Institut National des Statistiques et ceux de l’ONPF qui sont les instigateurs des enquêtes utilisées dans notre étude. Cette journée offrira l’occasion de présenter les résultats de ce travail au niveau national et permettra de discuter avec la communauté universitaire tunisienne l’état de la question de la pauvreté dans le pays et a comme ambition de convaincre éventuellement les décideurs publics de l’intérêt et de la portée pratique de notre travail d’analyse de la pauvreté. La date et le programme de la journée seront fixés et diffusés par plusieurs moyens notamment le site web de l’ISG Tunis (www.isg.rnu.tn) – Une version concise de ce travail sera présenté sous forme d’article scientifique pour des présentations dans des meeting régionaux, tel que la réunion annuelle de l’ERF (Economic Research Forum), ainsi que pour une éventuelle publication dans une revue académique. 7 L’équipe de recherche L’équipe de recherche est composée de trois personnes. Elle est mené par le professeur Mohamed Ayadi qui est un enseignant chercheur à l’ISG Tunis et responsable de l’unité de recherche U.A.QU.AP. Ses intérêts de recherches portent essentiellement sur l’analyse de comportement de consommation des ménages et la pauvreté. Le Professeur Mohamed Ayadi possède une grande expérience dans ce domaine comme en témoignent ses publications scientifiques et ses recherches présenté dans les conférences internationales. Le tableau 2, résume les principaux projet passés auxquels il a participé le leader de cette équipe. Monsieur AbdelRahmen El Lahga est un chercheur et assistant d’enseignement supérieur à l’ISG Tunis et membre de l’U.A.QU.AP. Il prépare actuellement sa thèse à l’université de Tunis. Ses intérêts de recherches portent sur l’équité dans la consommation des soins médicaux, les modèles collectifs de comportements des ménages et la pauvreté. AbdelRahmen El Lahga possède une expérience dans le traitement et l’analyse des données d’enquêtes. Mademoiselle Naouel chtioui est une jeune économiste âgée de 28 ans. Elle a obtenu en 2004 son master en Modélisation. Son mémoire de master est intitulé “Analyse multidimensionnelle de la pauvreté par une approche des ensembles flous. Cette recherche offrira l’occasion aux différents membres de l’équipe de consolider leurs expériences dans ce domaine de recherche et permettrait à Mademoiselle Naouel Chtioui de poursuivre ses recherches afin de préparer une projet de thèse sur l’analyse de la pauvreté. 12 TAB . 2: Liste des Projets passés Date 1992-1994 Projet Taxes et Subventions Organisme Subventionnaire CRDI Canada 1996-1999 Gestion Durable des Ressources en Eau CRDI Canada 1998-2002 Analyse de la Demande et des déterminants de la Pauvreté en Tunisie La direction du développement et de la coopération du département fédéral des affaires étrangères Suisse 1999 Estimation de l’impact des régulation environnementales sur la compétitivité Mobilité des capitaux et croissance économique Harvard Institute for International Development Pro-poor Growth in Tunisia Banque Mondiale, AFD et DSIDGTZ 2000-2002 2003-2004 8 Comité Mixte Franco-Tunisien de Coopération Universitaire CMCU Equipe M.S. Mattoussi, M. Ayadi, R. Baccouche et M. Goaied M.S. Mattoussi, M. Ayadi, R. Baccouche, M. Goaied et S. Slama M.S. Mattoussi, M. Ayadi, M. Belloumi, F. Mansouri, B. Belhadj, F Calevaro, E. Ronchetti, J. Krishnakumar et M. P. Victoria Feser M.S. Mattoussi, M. Ayadi et B. Jaoudi M. Ayadi, L. Lahouaoui, N. Mehri, M. Smaili, J. P. Allegret, R. Sandretto, B Courbis et A. Lahsen M. Ayadi G. Boulila, M. H. Lahouel et Ph. Montigny Contribution du projet au développement de capacités pour les chercheurs et leurs institutions La particularité de ce projet c’est que nous analysons le cas d’un pays émergent pour qui certains efforts de lutte contre la pauvreté ont pu aboutir, mais des problèmes particuliers apparaissent. En outre plusieurs études sur la pauvreté ont été faites et ont dégagé un certain nombre de résultats qu’il serait intéressant d’utiliser comme repères pour garantir d’avantage de consistance à notre étude. Néanmoins certaines incohérences persistent et l’un des objectifs de ce projet est de les corriger afin de parfaire l’analyse de la pauvreté et pouvoir proposer des politiques de lutte contre la pauvreté plus efficaces. Le projet aidera les chercheurs, les institutions universitaires, les décideurs publics ainsi que les différentes institutions nationales et internationales concernées 13 par les problèmes de développement à mieux cerner le problème de la pauvreté en tenant compte de son aspect multidimensionnel tout en l’intégrant dans un cadre assez exhaustif et pragmatique. La suite logique du projet est la formation d’une équipe de chercheurs à la pointe des techniques d’analyse de la pauvreté assimilant parfaitement les théories les plus percutantes, maîtrisant parfaitement l’outil d’analyse statistique et informatique en l’occurrence l’analyse factorielle et ayant une vision assez fine des problèmes locaux et internationaux du développement et de leurs relations avec l’allègement de la pauvreté. Cette équipe jouera un double rôle : Elle aura un rayonnement scientifique au sein de l’université et Elle servira comme interface entre les institutions de développement et institutions académiques d’une part et les décideurs publics d’autres parts. Le projet permettra aussi à l’équipe et leurs institutions d’acquérir le matériel nécessaire pour poursuivre leur recherches futures. (Ordinateurs, Logiciels, Livres...etc) 8.1 Rayonnement sur l’université L’orientation et l’objectif poursuivi dans ce projet vont permettre de compléter et surtout enrichir les études sur la pauvreté. Par comparaison aux autres études faites sur la Tunisie sur ce thème, nous utilisons une nouvelle méthodologie et une nouvelle base de données enquête DHS ( jusque là ignorée). Ce point est d’autant plus important que les enquêtes de consommation de l’Institut National de Statistique ne sont plus accessible au chercheurs académiques ce qui ne permettait plus aux chercheurs d’entreprendre des analyses de l’état actuelle de la pauvreté en Tunisie. La nouvelle méthodologie va permettre donc d’utiliser d’une manière adéquate les nouvelles bases de données et d’éliminer ainsi la contrainte d’absence d’informations statistiques qui décourageait plusieurs chercheurs à affiner leur recherche et les jeunes doctorants d’orienter leurs travaux de recherche vers cette discipline des sciences économiques. En outre elle leur permettra de faire assez facilement des comparaisons internationales entre différent pays en voie de Développement puisque ces enquête DHS existent pour un nombre de pays. Par comparaison à d’autres études utilisant les enquêtes DHS ou d’autres enquêtes similaires, (Ki et al.(2004), pour le Sénégal) notre étude permettra d’introduire la dimension temporelle et développera un cadre d’analyse assez consistant de la dynamique de la pauvreté en se basant sur ces bases de donnés. Nous utiliserons les résultats des différentes études monétaires sur la pauvreté comme des repères afin de déceler les atouts de l’approche multidimensionnelle et préciser sa portée informationnelle. 14 8.2 Connexion Institutions de développement, institutions universitaires et décideurs publics L’implementation des différentes recommandations des différentes études sur la pauvreté nécessite l’existence d’une équipe formée de chercheurs ayant la compétence scientifique et l’habilité technique suffisante pour servir comme interface entre l’administration, qui n’est forcément familiarisée avec les méthodologies développés par les différentes études et désirés par les ordonnateurs de ces études. Au niveau de notre institution universitaire (l’Institut Supérieure de Gestion de Tunis) nous avons un accord de coopération dans ce sens reliant l’ISG et L’institut d’Économie Quantitatives (IEQ : une institution gouvernementale) qui est régie par un accord cadre signé par les directeurs des deux institution et paraphés par les ministres de tutelle respectifs. En outre l’Office National de la Population et de la Famille, qui nous a donné gracieusement les deux enquêtes 1994 et 2001 nous a sollicité chaleureusement de lui faire part des résultats de nos recherches scientifiques sur la pauvreté. Par ailleurs, les retombés du projet toucheront en premier lieu les trois membres de l’équipe et plus particulièrement les deux doctorants qui vont avoir suffisamment de matière pour avancer dans l’élaboration de leurs thèses de doctorat. Tous les membres auront à travailler sur les différentes parties sur projet avec une certaine spécialisation. AbdelRahmen El Lahga : s’occupera de la partie analyse factorielle et l’estimation des différents indices de la pauvreté. Mlle Chtioui Naouel : s’occupera de la partie des données afin de parfaire le manque ou l’incohérence de certaines informations statistiques grâce à sa liaison avec ONPF le concepteur de l’enquête. Elle assurera aussi la rédaction de certaines partie du papier final. Mohamed Ayadi : supervisera les différentes partie et fera profiter le reste de l’équipe de ses compétences sur l’analyse de la pauvreté pour la cas de la Tunisie tout en contribuant aux différentes phases du travail. Il s’occupera en outre de la rédaction d’une version plus courte du travail sous la forme d’un article. 15 Annexe A l’Analyse de Correspondance Multiple Considérons une matrice de données de dimension (N × J) décrivant N individus à l’aide de J variables. Chaque individu i(= 1...N ) est décrit par une ligne de J chiffres. Dans le cadre de notre étude, l’individu est un ménage et les variables sont des indicateurs primaires des conditions de vie du ménage. Les N individus forment un espace vectoriel E de dimension J (dim E = J). Chaque individu peut être représenté par un point dans un espace de dimension J. Dans cet espace de variables les individus forment autour d’un centroïde, un nuage de points. La somme pondérée des distances au centroïde, selon la métrique utilisée, correspond à l’inertie totale du nuage de points. Lorsque la dimension de l’espace des variables est élevée (J > 3) les relations entre individus et variables ne sont pas facilement appréhendables. D’où la nécessité de trouver une procédure qui consiste à résumer l’information véhiculée par les J variables initiales à l’aide d’un nombre plus petit de variables composites ou facteurs. Les techniques d’analyse factorielle offrent une telle procédure qui consiste à projeter le nuage initial de points de l’espace de dimension J dans un sous-espace optimal L de dimension p, avec p < J, tout en conservant l’essentiel de l’information, ou encore en minimisant la perte d’inertie du nuage initial. Ainsi, le sous-espace L est formé de p droites ou axes factoriels uα vérifiant L = u1 ⊕ ... ⊕ up . Plus l’inertie du nuage projeté est élevée plus le nuage source est reproduit correctement dans le nouvel espace. L’implementation d’une telle procédure peut s’effectuer à l’aide de plusieurs techniques d’analyse factorielle, telles que l’analyse en composante principale (ACP) ou l’analyse de correspondance multiple (ACM). Présentation de la technique ACM Dans le cadre de ce travail nous avons un ensemble de variables binaires décrivant les différentes modalités que peuvent prendre les indicateurs primaires des conditions de vie du ménage. Par conséquent la technique la plus appropriée consiste à utiliser une ACM. Cette technique consiste à maximiser l’inertie15 du nuage de points projeté sur L ce qui conduit à chercher les vecteurs propres uα (vecteurs directeurs du sous espace optimal) associées aux valeurs propres λα de la matrice initiale des données. Le premier vecteur propre associé à la première valeur propre (la valeur la plus élevée) est appelé aussi premier axe factoriel. Cet axe a un sens particulier. C’est l’axe en direction duquel l’étalement du nuage de points est maximal. Sur le premier axe chaque variable a une coordonnée factorielle appelée aussi score qui reflète l’importance de la variable sur le premier axe factoriel. 15 En utilisant la métrique de Mahalanobis 16 Le poids que nous cherchons à déterminer pour chaque variable dans l’indicateur composite de bien être Ai n’est autre que le score normalisé de cette variable c’est à dire le rapport entre le score et la valeur propre. Formellement, considérons une ACM incluant K variable et P modalités, avec P N individus. L’inertie totale à expliquer vaut : K − 1. Si Z désigne le tableau disjonctif complet de mesure dont le terme général s’écrit : zij = 1 ou zij = 0, D la matrice diagonale ayant les éléments de la diagonale du tableau de Burt16 , l’équation du αieme axe factoriel qui maximise l’inertie du nuage des variables en direction d’un vecteur uα est donnée par 1 0 Z ZD−1 uα = λα uα ; K 0 où uα est un vecteur propre de la matrice d’inertie K1 Z ZD−1 et λα est la valeur propre associée au vecteur propre uα . Pour trouver les axes factoriels, uα , on dia0 gonalise la matrice K1 Z ZD−1 . Facteurs et composantes principales L’équation du αieme facteur Φα = D−1 uα maximisant le nuage des variables s’écrit : 1 0 Z ZD−1 Φα = λα Φα . K De même l’équation du αieme facteur Fα maximisant le nuage des individus s’écrit 1 0 Z ZD−1 Fα = λα Fα . K Les facteurs Φα et Fα représentant respectivement les coordonnées factorielles des variables et des individus dans leurs espaces respectifs. Les relation de transitions entre les facteurs Φα et Fα s’écrivent respectivement : 1 0 Φα = √ D−1 Z Fα λα 1 √ ZΦα Fα = K λα ou encore Φα j 1 = √ λα Fαi = 1 √ N X i/possedant j K λα P X zij j=1 z.j zij 1 Fαi = √ z.j z.j λα N X Fαi i/possedant j Φαi × Ij 16 Le tableau de Burt est le tableau croisant toutes les variables (avec toutes les modalités) incluses dans une ACM. 17 Les coordonnées factorielles d’un individu i, sur un axe α, correspond aussi à la valeur de l’indice composite de bien être, est donnée par Fαi = 1 √ P X K λα Φαj × Ij , j=1 avec K le nombre total de variables, λα (valeur propre) l<inertie expliquée par l’axe α, Φαj le score de la modalité j sur l’axe α, Ij vaut 1 si l’individu a la modalité j et 0 sinon. La distance d’une modalité j au centre de gravité G vaut d2 (j, G) = NN.j − 1 = f1.j − 1, avec N le nombre total d’individus, N.j la fréquence absolue de la modalité j, f.j la fréquence relative de la modalité j. Qualité de la représentation Pour mesurer la qualité de représentation d’une modalité j sur un axe α on utilise Φ2αj le cosinus carré défini par cos2αj = d2 (j,G) et qui mesure la part de l’inertie restituées par l’axe α du sous espace de projection L. P Une modalité est pertinente si elle a une bonne qualité de représentation donc un cos2 élevée. Un autre critère pour mesurer la qualité de représentation d’une modalité est relative de à l’inertie f.j Φ2αj . Ce critère permet en fait de de l’axe factoriel qui est définie par : ctrαj = λα ×K classer l’ensemble des modalités en fonction de leur apport d’inertie à constitution de chaque axe factoriel. Plus la contribution d’une modalité est forte plus elle a de l’importance dans la définition de l’axe. Calcul de l’indice de bien-être La forme fonctionnelle de l’indice de bien être d’un ménage i est donnée par PK PJk k k k=1 jk =1 Wjk Iijk , Ai == K avec K : nombre d’indicateurs primaires ; Jk : nombres de modalités de l’indicateur k ; √ de la Wjkk : le poids accordé à la modalité jk ; il s’agit du score normalisé, score λ1 catégorie Jk et λ1 étant la première valeur propre. Iijk k : une variable binaire (0/1), prenant la valeur 1 lorsque le ménage i a la modalité jk , 0 sinon. L’indice Ai , pour un ménage i, est tout simplement la moyenne des poids des variables binaires Iijk k . Une propriété importante que toute variable incluse dans l’indice composite de bien être doit vérifier est la Consistence ordinale sur le premier axe (COPA). Cette propriété consiste pour une variable à voir sa structure ordinale de bien être respectée par la structure ordinale des scores de ses modalités. Afin de vérifier cette 18 propriété on peut procéder à une première ACM en utilisant toutes les variables candidates et vérifier pour chacune la COPA. Dans le cas où certaines variables ne satisfaient pas la COPA on peut procéder à un changement de codage adopté préalablement, regrouper certaines modalités ou bien éliminer une sous population de l’échantillon des ménages. Si toutes les corrections précédentes n’aboutissent pas il faut éliminer tout simplement les variables en question. 19 Annexe B Plans d’échantillonnage des enquêtes utilisées L’enquête de 1988 Cette enquête utilise un échantillon auto pondéré et représentatif de la tunisie entière. L‘INS a établi en 1986 un échantillon constitué de 1300 districts sur la base des travaux cartographiques pour effectuer toutes les enquêtes (enquête emploi et enquête consommation) jusqu‘au prochain recensement. Cet échantillon a été emprunté par l’enquête DHS 1988. Les 1300 districts ont été tires avec probabilités proportionnelles au nombre de ménages recensés dans chaque district. Le tirage des districts a été effectue par sondage systématique. L’enquête de 1994 Cette enquête a été réalisée sur la base d’un échantillon national de ménages choisis d’une façon aréolaire. Les districts du recensement général de la population et de l’habitat du 20 Avril 1994 ont constitué la base de sondage pour le choix de l’échantillon de l’enquête. Il s‘agit d’un sondage aléatoire a deux degrés où l’unité primaire (district du recensement de la population en 1994) et l’unité secondaire (une partie du district) représentant des aires géographiques strictement délimitées. Le sondage propose n’est pas auto pondéré et chaque district échantillonné a son propre coefficient d’extrapolation. L’enquête de 2001 Son plan de sondage est similaire à celui de l’enquête de 1994 tout en utilisant un échantillon national des ménage actualisé en 2000 en se basant sur les données administratives de l’état civil et les résultats de l’enquête emploi 2000. 20 Une courte bibliographie [1] Asselin, L-M., (2002) “Multidimensional poverty : Composite indicator of multidimensional poverty.” Institut de Mathématique Gauss : Lévis, Québec. [2] Ayadi, M., M. S. Matoussi et M.P.Victoria-Feser (2001) ”Putting Robust Statistical Methods into Practice : Poverty Analysis in Tunisia ", Swiss Journal of Economics and Statistics vol.137, (3) [3] Ayadi, M., R. Baccouche, M. Goaied et M. S. Matoussi (1995) ”Variation spatiale des prix et analyse de la demande des ménages en Tunisie" 7th World Congres of the Econometric Society, Tokyo, Japan. [4] Ayadi, M., A. Ben Hassine et N. Chtioui (2005) ”Analyse multidimensionnelle de la pauvreté en Tunisie : Une approche par les ensembles flous ” JMA 2005 Hammamet Tunisie [5] Ayadi, M. et M. S. Matoussi (1996) ”Urban Rural Poverty comparaisons in Tunisia" 11th Annual congres of the Eurorean Economic Association 21-24 Août 1996, Istanbul, Turkey. [6] Ayadi, M., G. Boulila, M. H. Lahouel et Ph. Montigny (2004) ”Pro-poor Growth in Tunisia" Mimeo Université de Tunis [7] Bibi, S. (2001) "Les Dépenses publiques et le ciblage de la population pauvre en Tunisie” Thèse Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Tunis [8] Bibi, S. (2003) "Comparing Multidimensional Poverty between Egypt and Tunisia”10th ERF‘s Annual Conference Marekch Maroc [9] Booysen, F. le R., Van der Berg, S., Du Rand, G., Von Maltitz, M. and Burger, R. (2004) “Poverty and inequality analysis for seven African countries, using asset indices constructed from DHS data” Document de travail PEP-PMMA www.pep-net.org [10] Davidson, R. and J.Y. Duclos (2000), "Statistical Inference for Stochastic Dominance and the for the Measurement of Poverty and Inequality", Econometrica, vol. 52 (3), pp. 761-765. [11] Duclos, J.-Y., A. Araar (2004), Poverty and Equity : Measurement, Policy and Estimation with DAD. Université Laval [12] Filmer, D., Pritchett, L., (1998) “Estimating wealth effects without expenditure data - or tears : An application to educational enrollments in states of India” World Bank Policy Research Working Paper No. 1994, Washington DC : World Bank. [13] Foster, J. E., J. Greer et E. Thorbecke. (1984), "A Class of Decomposable Poverty Measures". Econometrica, vol. 68 (6), pp. 1435-64. [14] Institut National des Statistiques "Enquête sur la consommation et le budget des ménages ” Plusieurs volumes 1990, 1995 2000 [15] Kanbur, R., et al (2002)"L’évolution de notre manière d’envisager la pauvreté : analyse des interactions” in Aux frontières de l’économie du développement : le futur en perspective eds G. Meier et J. E. Stiglitz, Banque Mondiale Washington D.C [16] Ki J. B., B. Faye et S. Faye. (2004), "Pauvreté multidimensionnelle au Sénégal". Projet PEP. [17] Pradhan, M. et M. Ravallion, (2000), Measuring Poverty Using Qualitative Perceptions of Consumption Adequacy. Review of Economics and Statistics, vol. 82 (3), pp. 462-471. [18] Sahn, D. E. and D. C. Stifel (2000) : "Poverty Comparisons Over Time and Across Countries in Africa,” World Development, 28, pp. 2123-55 [19] Sahn, D. E. and D. C. Stifel (2003) "Exploring Alternative Measures of Welfare in the Absence of Expenditure Data,” Review of income and wealth, 49(4)pp. 463-489 21 [20] Scitovsky, T. (1976) The Joyless Economy, Oxford University Press [21] Sen, A.K. (1985), Commodities and Capabilities. North-Holland, Amsterdam. [22] Sen, A. K. (1987), The Standard of Living. Cambridge : Cambridge University Press. [23] World Bank (1990), Republic of Tunisia, Poverty Update rapport en deux volumes [24] World Bank (2003), Republic of Tunisia, Poverty Update rapport en deux volumes 22