Analyse Multidimensionnelle de la Pauvreté en Tunisie Entre

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Analyse Multidimensionnelle de la Pauvreté en Tunisie Entre
Poverty Monitoring, Measurement and Analysis
(PMMA) Network
Analyse Multidimensionnelle
de la Pauvreté en Tunisie Entre
1988 et 2001 par une
Approche Non-Monétaire
Mohamed Ayadi
Tunisia
A paper presented during the 4th PEP Research Network General Meeting,
June 13-17, 2005, Colombo, Sri Lanka.
Analyse Multidimensionnelle de la Pauvreté
en Tunisie entre 1988 et 2001 par une
Approche Non-Monétaire ∗
Mohamed Ayadi†
Chtioui Naouel ‡
AbdelRahmen El Lahga§
3 mai 2005
Résumé
L’objectif de ce travail est de mesurer et analyser l’évolution de la pauvreté multidimensionnelle en Tunisie entre 1988 et 2001 par une approche non-monétaire.
L’indicateur de bien être utilisé est un indice composite construit, par la technique
d’analyse factorielle, à partir des indicateurs non-monétaires des conditions de vies
des ménages. Dans un second temps nous procédons à une analyse plus fine de
la pauvreté au niveau de chaque région et milieu du pays, dans l’objectif de tenir
compte des spécificités des modes de vies et des besoins. Ce travail offre une nouvelle alternative pour définir et étudier la pauvreté en Tunisie en tenant compte de la
multidimensionalité de ce phénomène. Notre étude se démarque, ainsi, des études
précédentes qui ont adopté une approche monétaire unidimensionnelle pour étudier
les mêmes questions. Nos résultats offriraient de nouvelles conclusions qui pourraient aider les décideurs publics dans la mise en œuvre de nouvelles politiques de
suivi et de la réduction de la pauvreté.
∗
Nous tenons à remercier notre collègue Mohamed Kriaa pour ses encouragements et ses commentaires précieux
†
Institut Supérieur de Gestion et U.A.QU.AP université de Tunis, Tunisie. Email : [email protected]
‡
Institut Supérieur de Gestion et U.A.QU.AP université de Tunis, Tunisie. Email :
[email protected]
§
Institut Supérieur de Gestion et U.A.QU.AP université de Tunis, Tunisie. Email :[email protected]
1
Introduction et objectifs du travail
1.1
Contexte général
Pendant les quatres dernières décennies un ensemble de politiques pour combattre la pauvreté et promouvoir le bien être de la population ont été entreprises en
Tunisie. Depuis l’indépendance en 1956 le gouvernement a généralisé l’enseignement public dans les différentes régions du pays, pour les différentes catégories
de la population et plus particulièrement pour le sexe féminin. Le niveau de l’éducation a presque doublé entre 1960 et 1980 et a continué de s’accroître depuis. Le
nombre moyen d’années d’études est passé de 0.6 année en 1960 à plus de 5 ans
en 1999. Le taux d’analphabétisation est passé de 72% pour les hommes et 85%
pour les femmes en 1970 à 31% et 42% respectivement en 1998. Des politiques de
gratuité des soins médicaux et de subventions des produits de première nécessité
via la caisse générale de compensation ont permis d’améliorer le niveau nutritionnel et la santé de la frange de la population la plus démunie. À ces politiques
s’ajoutent des programmes de transferts directs ( programme d’aides aux familles
nécessiteuses) visant à améliorer les conditions de vie quotidienne des individus
nettement défavorisés.
Le développement des industries exportatrices et fortement utilisatrices de la
main d’œuvre- plus particulièrement la main d’œuvre féminine- et l’amélioration
de l’infrastructure des régions défavorisées ont contribué à la promotion de la
politique d’emploi et l’augmentation des revenus.
Ces différents investissements substantiels et ces stratégies économiques et
politiques ont permis une amélioration de la qualité du capital humain à travers
tout le pays. Un constat évident du recul de la pauvreté s’est enregistré grâce à
l’amélioration des indicateurs de santé, d’éducation en plus d’un allégement du
chômage familial qui sont tous des conditions nécessaires à l’intégration des plus
défavorisés au tissu social et à la sortie de la pauvreté d’une bonne proportion de
la population tunisienne(Ayadi et al (2004), BM(2003)).
L’évaluation objective de l’impact de ces différentes politiques et programmes
sur la population nécessite l’étude de la pauvreté et des performances du pays
dans ses efforts d’allégement de ce phénomène.
L’analyse de la pauvreté en Tunisie, a fait l’objet de plusieurs travaux, Ayadi
et al (1995,2001,2004), la Banque Mondiale (1990,2003)1 . Plusieurs conclusions
ont été tirées concernant le niveau, l’intensité et la sévérité du phénomène au
niveau national et régional. L’évolution de ces indicateurs dans le temps2 , inter1
Voir, aussi, INS(1985,90,95, 2000) et Bibi(2001)
Notons à ce niveau que toutes les recherches académiques ne couvrent que la période d’avant
1990, faute de disponibilité des micro-données pour les chercheurs universitaires. Toutes les
conclusions sur la situation de la pauvreté après 1990 sont basées sur les rapports publiés des
2
1
régions et inter-milieux ont été aussi analysées. Les conclusions générales qui se
dégagent de ces études montrent que la Tunisie a eu une réduction substantielle du
niveau de la pauvreté, dépassant ceux de plusieurs pays ayant des taux de croissance économique supérieurs (Ayadi et al 2004). Elles s’entendent sur le fait que
les régions ouest du pays, notamment leurs milieux ruraux regroupent la majorité
des personnes pauvres et économiquement vulnérables3 . Cependant, tous ces travaux se sont basés sur une approche unidimensionnelle4 d’analyse de la pauvreté
utilisant le revenu comme seul indicateur de bien être. Mais cette approche ne fait
plus l’unanimité parmi les économistes comme étant le seul cadre d’analyse de la
pauvreté et ce à cause des multiples problèmes conceptuels et techniques qui la
caractérisent.
Sur le plan conceptuel un consensus s’est dégagé, depuis quelques années arguant que la pauvreté est un phénomène multidimensionnel. Certains indicateurs
sociaux apportent une information qui n’est pas reflétée par l’approche monétaire d’évaluation de la pauvreté. La faiblesse du revenu n’est pas le seul facteur
dont dépend la privation individuelle. En effet, le bien être individuel est intimement lié à la capacité qu’a l’individu de subvenir à certains besoins fondamentaux,
comme : être adéquatement logé, nourri, instruit...etc. Ces besoins reflètent les aspects multiples de la privation individuelle et illustrent la multidimensionnalité du
phénomène de la pauvreté. Le revenu peut être considéré, donc, comme un moyen
parmi d’autres pour se procurer un niveau de vie requis. Ces arguments puisent
leur soubassement dans l’approche par les capabilités de Sen (1985, 1987) qui
argumente que si le revenu est instrumentalement important, d’autres mesures de
bien être, tel que le statut nutritionnel, sont intrinsèquement important5 . Ainsi, selon l’approche par les capabiliés l’étude de la pauvreté doit identifier et analyser
d’autres attributs non nécessairement monétaires et qui agissent directement sur
le bien être individuel.
Sur le plan technique, l’approche monétaire présuppose que les niveaux de
consommations sont convenablement mesurés en terme de dépenses, ce qui n’est
pas évident surtout pour les produits non alimentaires suite aux différentiels des
prix régionaux qui existent et qui ne sont pas objectivement observés. Les comparaisons inter-temporelles de la pauvreté souffriraient encore plus des problèmes
de différentiels des prix inter-régionaux et inter-temporels. Par conséquent, toutes
organismes gouvernementaux et les rapports de missions des équipes de la banque mondiale en
Tunisie.
3
Un individu est considéré comme économiquement vulnérable si ses dépenses se situent dans
un intervalle, raisonnable, juste au dessus d’un seuil de pauvreté absolu.
4
A l’exception d’une première tentative de Bibi(2003) qui a utilisé une approche bidimensionnelle (revenu et nombre de pièces par tête) pour une comparaison de la pauvreté entre
la Tunisie et l’Egypte.
5
Citation évoquée dans Sahn et Stifel (2000)
2
les conclusions seront tributaires du bon choix du déflateur des dépenses.
Étant donnée ces problèmes multiples une alternative naturelle à l’approche
monétaire est d’adopter une approche non-monétaire pour la construction d’un
indicateur de bien bien être individuel permettant d’étudier la pauvreté. L’idée
sous-jacente de cette approche est que certains attributs non-monétaires, tels que
le statut nutritionnel d’un individu , ses conditions de logement, l’environnement
sanitaire dans lequel il vit...etc, peuvent être considérés comme des indicateurs du
bien être individuel. La construction d’un indice composite de bien être basé sur
ces indicateurs offre une sérieuse alternative fiable6 à l’indicateur monétaire du
bien être et s’inscrit dans le cadre général de l’analyse multidimensionnelle de la
pauvreté.
Avant de présenter les objectifs de ce projet de recherche il serait intéressant
de procéder à une brève revue de littérature su l’approche d’analyse multidimensionnelle de la pauvreté et dont le but est de donner une vision globale de cette
approche et non de présenter les résultats des différents études.
1.2
Revue de la littérature : L’approche multidimensionnelle
de la pauvreté
Utilité ou "capabilités" ? Une question dont la réponse est de plus en plus insistante dans le cadre de l’analyse de la pauvreté. L’approche utilitariste prône
l’utilisation de la fonction d’utilité en tant que résumé statistique du bien être.
Au sein de cette approche, le revenu est supposé représenter un bon indicateur
du niveau de vie. Toutefois cette approche monétaire paraît incapable de capturer
les différents aspects de la vie humaine. La diversification des formes de pauvreté - de la malnutrition à des conditions de logement indécentes aux sentiments
d’insécurité et de manque de libertés- montre que les aspects sociaux doivent être
pris en considération conjointement aux aspects économiques. En d’autres termes,
"être pauvre ne signifie pas seulement avoir un revenu et une consommation trop
faible, mais aussi ne rien avoir en suffisance, qu’il s’agissent de l’instruction, de
la nutrition et d’autres aspects du développement humain" (Rapport Mondial sur
le Développement 2000). Il faut identifier les pauvres d’une manière plus fine, en
fonction des facteurs à l’origine de leur faible niveau de vie.
L’approche des capabilités développée par Sen (1985,1987) est venue enrichir
le modèle standard en incorporant dans le bien être des éléments relatifs à la qualité de l’existence humaine. Une analyse de la pauvreté en tant que phénomène
multidimensionnel peut tirer profit du cadre apporté par l’approche de Sen. Ainsi,
6
Voir Sahn et Stifel (2003) pour une évaluation des performances d’un indice composite
construit à partir des attributs non-monétaires des ménages africains dans la prédiction de leur
bien être comparativement au revenu.
3
la problématique n’est plus de répertorier les individus selon que leur revenu est
en dessous ou en dessus d’une ligne de pauvreté. Il s’agit désormais de détecter les facteurs à l’origine de la privation connue par certaines catégories de la
population.
L’opérationnalisation de l’approche des capabilités a connu un rythme croissant depuis la publication du rapport mondial sur le développement humain en
1990. Ceci a entraîné un développement parallèle des mesures de pauvreté multidimensionnelle permettant, comme dans le cadre unidimensionnel, d’évaluer
l’ampleur de la pauvreté et mener des comparaisons dans le temps et dans l’espace. Plusieurs indicateurs multidimensionnelles ont été proposés par le PNUD
dont l’IPH (Indice de pauvreté humaine, l’IDH (indice de développement humain)
ou l’IPC (indicateur de pénurie des capacités). Cependant ces derniers se basent
sur un choix arbitraire des poids accordés aux différents indicateurs de la pauvreté et des formes fonctionnelles utilisées en agrégeant ces indicateurs ( Asselin
2002). Pour palier à cette insuffisance plusieurs contributions ont été faites. Une
lecture des différentes contributions à cette littérature permet de distinguer trois
approches :
– Approche axiomatique de généralisation : qui consiste en une extension,
au contexte multidimensionnel, de certaines mesures développées dans le
cadre de la pauvreté engendrée par le revenu (Bourguignon et Chakravarty
1998, 2002a ; Tsui 2002) de l’ordre de pauvreté (Bourguignon et Chakravarty 2002b) et de la dominance stochastique (Duclos et al. 2001). Ces travaux se basent sur l’approche axiomatique pour définir les propriétés d’un
indice composite et sur une mesure de pauvreté composite se rapportant à
un seuil de pauvreté primaire de la pauvreté. Cependant ces indicateurs et
les indices qui en résultent sont utilisable seulement pour ce type d’indicateur (Asselin 2002). En se basant sur cette approche Bibi (2003) a entrepris
une analyse bi- dimensionnelle de la pauvreté en Tunisie et en Egypte, basée sur le revenu et le logement. Il montre que la pauvreté est plus élevé
en egypte qu’en Tunisie si le revenu et le logement sont considérés comme
substituts. Néanmoins sous l’hypothèse d’indépendance ou de complémentarité certains indices bi-dimensionnels de la pauvreté montrent le contraire.
En outre, il conclut que les politiques de lutte contre la pauvreté en Tunisie
doivent se concentrer plus sur le facteur non monétaire (le logement) que le
facteur monétaire (le revenu).
– Approche floue de pauvreté multidimensionnelle : basée sur la théorie des
sous ensemble flous pour la construction des mesures (Cerioli et Zani 1990,
Cheli et Lemmi 1995, Dagum et al. 1994, Dagum 2002). La pauvreté d’une
personne est identifiée par son degré d’appartenance aux sous ensembles
flous et ceci respectivement à chacun des attributs de la pauvreté (Costa
2002). Le degré d’appartenance est déterminé par le degré de possession
4
de l’attribut, qui peut prendre la valeur un, la valeur zéro ou des valeurs
appartenant à l’intervalle [ 0 , 1 ]. Ayadi, Chtioui et Ben Hassin (2005)
ont entrepris une analyse multidimensionnelle de la pauvreté par l’approche
floue pour la Tunisie. Ils montrent une grande contribution de l’éducation
et des conditions de logement à la pauvreté totale, combinée à une forte
disparité régionale.
– Approche consistante de la pauvreté multidimensionnelle : qui se base sur
deux étapes elle définit un indicateur composite pour chaque unité de la population, qui servira à classer les différents individus selon leur niveau de
pauvreté multidimensionnelle et servira à l’évaluation dans un deuxième
temps de l’indice de la pauvreté. Dans l’étape du calcul de l’indicateur
de bien-être on utilise la technique de l’analyse factorielle. Cette approche
aussi de faire un choix optimal des dimensions pertinentes de la pauvreté
tout en évitant la redondance le l’information (Asselin 2002, Sahn et Stifel
2000, Ki et al (2004).
1.3
Objectifs du travail
Dans ce travail nous nous intéressons à l’élargissement de la définition de la
pauvreté jusque là utilisée par toutes les études précédentes de la pauvreté en Tunisie et ce afin d’enrichir la panoplie des mesures envisageables pour son éradiction.
Deux points motivent notre travail : l’adoption d’une nouvelle manière de définir
et de mesurer la pauvreté basée sur une approche multidimensionnelle utilisant les
facteurs intrinsèque et non-monétaires de la pauvreté. Une fois la pauvreté définie,
nous serons en mesure d’identifier les politiques et les stratégies qui permettent
de la réduire. Ces deux points sont interdépendants car c’est de la définition que
l’on donne à la pauvreté dépend le choix de la politique à mener. Ainsi nous nous
proposons dans ce travail de :
– Dresser un profil de la pauvreté en Tunisie pour la période 1988-2001, en
utilisant l’approche non-monétaire. Plus spécifiquement, nous construisons
un indice composite de bien être à partir des attributs non monétaires des
ménages et qui servira comme une base pour quantifier l’importance du
phénomène de la pauvreté. Cela permettrait, d’une part, de tenir compte
de la multidimensionnalité du phénomène étudié. D’autre part, offrir une
nouvelle analyse basée sur une approche non-monétaire qui donnerait de
nouvelles indications et conclusions permettant de mieux comprendre ce
phénomène.
– Mener une analyse de l’évolution de la pauvreté, basée sur cette nouvelle
approche durant ces dernières 15 années, au niveau national, régional et selon les milieux dans les différentes régions et milieux du pays (urbain/rural).
– Comparer les conclusions de notre approche à celles publiées dans les rap5
ports officiels et qui se basent sur une approche monétaire unidimensionnelle.
Selon certains points de vues, notamment ceux des sociologues et des psychologues, les circonstances et la situation d’un individu, relativement à celle d’autres
individus dans un groupe de référence, influence la perception de la privation et
du bien être. "the dividing line... between necessities and luxuries turns out to
be not objective and immuable, but socially determined and ever changing” (Scitovsky (1978, p108)). Quelqu’un peut arguer que la nécessité d’avoir une voiture,
par exemple, pour un habitant de la capitale tunis n’est pas nécessairement la
même que celle pour un habitant d’une ville du Sud tunisien. D’où la nécessité de
construire des indices composites de bien être spécifiques aux différentes régions
et milieux. Par conséquent, toute analyse de la pauvreté basée sur ces indices
restera attaché au respect des spécificités et des habitudes de consommation de
chaque région et milieu.
– Ainsi, nous nous fixons comme objectif additionnel une analyse plus fine de
la pauvreté au sein de chaque region et milieu basée sur des indices composites régionaux de bien être. Bien entendu cette démarche nous prive de faire
des comparaisons inter-régionales, à un instant donné ou à travers le temps,
puisque les échelles de valeurs sur lesquelles se basent la construction des
différents indices ne sont pas nécessairement identiques d’une région à une
autre, mais elle permettra d’analyser l’évolution inter-temporelle du phénomène de la pauvreté au sein de chaque région. Il serait très intéressant de
comparer les conclusions de cette démarche à ceux trouvés plus haut.
Avant de discuter la pertinence du travail et ses implications en termes de
politiques économiques pour le cas de la Tunisie il serait judicieux de présenter la
méthodologie à adopter dans ce travail.
2
Méthodologie
Pour atteindre les objectifs principaux de ce travail, énumérés ci-dessus, il
est indispensable d’utiliser un indicateur de bien être individuel7 et définir les
méthodes de comparaisons inter-temporelle de la pauvreté.
2.1
Construction d’un indice non-monétaire de bien être
La première étape du travail consiste à construire un indice d’actifs détenus
par le ménage et qui sera considéré comme un indicateur non-monétaire de bien
7
L’unité d’analyse dans ce travail est le ménage. Tout au long du reste du travail nous entendons
dire par individu un ménage.
6
être. C’est sur la base de cet indice, qui joue, aussi, le rôle d’un indicateur nonmonétaire de bien être à la manière du revenu par tête, que nous analyserons le
profil de la pauvreté et son évolution durant la période d’étude.
Considérons K indicateurs primaires qui reflètent les conditions de vie du
ménage tels que la possession de certains biens durables ou le type de sol de
logement, par exemple8 . L’idée de base est de résumer l’information apportée par
ces indicateurs qualitatifs en un seul indice composite que nous appelons A et que
nous pouvons écrire sous une forme générale comme :
Ai =
K
X
γj Iij ,
(1)
j=1
avec Iij est l’indicateur primaire j (j = 1..K) pour le ménage i (i = 1...n). γj
est le poids attribué à l’indicateur Iij dans le calcul de l’indice composite Ai du
ménage i.
À ce stade une remarque s’impose. Dans les données d’enquêtes que nous
utilisons dans ce travail, certains indicateurs primaires sont représentés par des
variables binaires (0/1) indiquant la possession ou non de certains biens durables,
alors que d’autres indicateurs sont représentés par des variables ordinales décrivant plusieurs modalités de ces indicateurs. À titre d’exemple l’indicateur type de
sol du logement est représenté par une variable décrivant 4 modalités possibles :
(1) Carrelage, marbre, (2) ciment, (3) terre, et (4) autres sols. Afin d’harmoniser
la nature des variables utilisées il est nécessaire de découper ces variables ordinales en des variables binaires. Ainsi, la variable qualité du sol sera représentée
par 4 variables binaires représentant chacune une modalité de la variable initiale.
Le même raisonnement s’appliquera à toutes les autres variables de ce type9
L’indice composite Ai pour le ménage i peut se réécrire selon la forme fonctionnelle suivante
PK PJk
k k
k=1
jk =1 Wjk Iijk
,
(2)
Ai =
K
avec
K : nombre d’indicateurs primaires ;
Jk : nombres de modalités de l’indicateur k ;
Wjkk : le poids accordé à la modalité jk ;
Iijk k : une variable binaire (0/1), prenant la valeur 1 lorsque le ménage i a la modalité jk , 0 sinon.
L’indice Ai , pour un ménage i, est tout simplement la moyenne des poids des
variables binaires Iijk k .
8
Une liste complète des indicateurs utilisés dans ce travail est présentée dans le tableau 1
Cette opération est nécessaire dans la procédure que nous avons choisi, et que nous décrivons
ultérieurement, pour construire notre indice composite.
9
7
La question qui se pose maintenant est : quelle est la méthode appropriée pour
déterminer les poids Wjkk ? Dans la littérature plusieurs méthodes sont proposées,
elles se basent presque toutes sur les analyses statistiques multivariées. Sahn et
Stifel (2000) proposent l’utilisation de la technique d’analyse factorielle afin de
déterminer les poids. Filmer et Pritchett (1998) utilisent une variante de l’analyse
factorielle, à savoir l’analyse en composante principale (ACP). Dans ce travail
nous nous proposons d’utiliser une troisième variante de l’analyse factorielle, à
savoir l’analyse de correspondance multiple (ACM) tel que suggéré, et présentée
en détail, par Asselin (2002). Cette méthode se prête mieux à la nature des données dont nous disposons qui comportent un ensemble de variables binaires représentant les différentes modalités que peuvent prendre les indicateurs primaires
reflétant les conditions de vies des ménages.
Le poids Wjkk à attribuer à chaque composante de l’indice Ai est le score normalisé de la modalité Iijk k obtenu après l’application d’une ACM à la matrice des
données. Dans cette matrice chaque ligne décrit un ménage i(= 1...n) et dont
les colonnes contiennent des variables binaires représentant les différentes modalités qui peuvent prendre les indicateurs primaires des conditions de vies des
ménages10 .
L’indice Ai étant construit, nous pouvons ainsi définir des seuils de pauvreté
relatifs qui permettent de construire les différentes mesures de pauvreté, telles que
les mesures F GTα , pour α = 0.1, 2 définies par Foster et al (1984) et dresser un
profil de ce phénomène pour la Tunisie. Toutefois il est nécessaire de souligner
que la valeur de l’indice Ai pour un ménage i peut prendre une valeur négative
tel qu’il est calculé par la procédure décrite un peu plus haut. Cette situation est
problématique pour le calcul de certains indices de pauvreté telle que F GTα pour
α ≥ 1. D’où la nécessité de procéder à une transformation de la distribution des
indices obtenus. La transformation appliquée dans ce travail consiste à ajouter à
l’indice Ai de chaque ménage i la valeur absolue du M in(Ai ) (La valeur minimale
de Ai ) afin d’obtenir une distribution des indices définie sur un support positif11 .
Une telle transformation n’affecterait pas les comparaisons inter-régions ou intermilieux ainsi que les comparaisons inter-temporelles. En revanche, les mesures
FGT calculée pour α ≥ 1 n’auront de signification que dans le cadre restreint de
ce travail.
2.2
Tests de dominance stochastique
Le deuxième objectif de ce travail est de procéder à des comparaisons intertemporelle de la pauvreté durant la période 1988-2001. Toutefois, ce genre de
10
11
Voir l’annexe pour une description détaillée de cette méthode.
Voir Asselin (2002 et Booysen et al (2004).
8
comparaison est problématique dans la mesure où le choix d’un indice et/ou d’un
seuil particulier de pauvreté pourrait inverser les conclusions tirées à propos du
0
phénomène de la pauvreté entre l’instant t et l’instant t . Les analyses de dominance stochastiques sont donc des outils nécessaires pour s’assurer que les comparaisons inter-temporelle de la pauvreté restent valables pour un intervalle donné
de seuils de pauvreté et pour une classe donnée de mesures de pauvreté. Dans ce
qui suit nous procédons à une brève présentation de l’analyse de dominance tirée
de Davidson et Duclos (1998) et reprise par Sahn et Stifel (2000).
Considérons deux distributions de bien être dont les fonctions de distributions
cummulatives sont données par FA et FB définies sur un intervalle positif. Les
courbes de dominance stochastique sont définies par :
Z x
1
dFA (x)
DA (x) = FA (x) =
0
et d’une manière itérative définissons
s
DA
(x)
x
Z
s−1
DA
(y)dy,
=
0
pour s ≥ 2. On dit que la distribution A domine (strictement) la distribution B
s
s
(x), pour tout x ∈ [0, zmax ], où zmax est un seuil
(x) ≤ (<)DB
à l’ordre s si DA
de pauvreté déterminé. Davidson et Duclos(2000) montrent que Ds (x) peut être
exprimée comme
Z x
1
s
(x − y)s−1 dF (y).
D (x) =
(s − 1)! 0
Un estimateur de Ds (x) basé sur un échantillon aléatoire de taille N iid peut
s’exprimer comme
Z x
1
s
b
D (x) =
(x − y)s−1 dFb(y),
N (s − 1)! 0
où Fb est la distribution cummulative empirique de l’indicateur de bien être yi .
À ce stade une précision s’impose. Afin de mener des comparaisons intertemporelles cohérentes de la pauvreté, il est nécessaire que le poids accordé à
chaque attribut entrant dans le calcul de l’indice composite du bien être soit constant
à travers toute la période d’étude. À cet effet nous empilons toutes les données
disponibles (3 enquêtes) en une seul base de données et nous appliquons ensuite
une analyse ACM pour déterminer les poids permettant de calculer notre indice
composite12 .
12
Une autre façon de faire consisterait à utiliser les données de la période initiale pour déterminer les poids des différents attributs et les utiliser ensuite pour le calcul des indices des périodes
suivantes. Le choix de l’une ou l’autre méthodes reste une question empirique.
9
Toutes les analyses présentées dans cette section peuvent être mises en application à l’aide du logiciel DAD (Distributive Analysis/Analyse Distributive)13
2.3
Analyses spécifiques de la pauvreté
Le dernier objectif de ce travail étant de procéder à une analyse spécifique
de la pauvreté dans chacune des différentes régions géographique du pays. Nous
adoptons la même méthodologie décrite un peu plus haut pour l’ensemble du pays.
Cela reviendrait à considérer chaque région comme une entité indépendante.
3
Contribution scientifique du travail
La contribution scientifique de ce travail est d’ordre empirique. Notre analyse
permettra de mieux évaluer les performances de l’économie tunisienne en matière de politique de réduction de la pauvreté en l’absence de toutes autres études
académiques analysant ce phénomène durant les 15 dernières années14 .
Nous proposons également une analyse plus fine (au niveau régionale) de la
pauvreté dans chacune des régions géographique du pays en essayant de tenir
compte des spécificités des modes de vies régionaux, et ce en construisant des
indices de bien être qui se veulent attachés aux caractéristiques régionales.
4
Implications en terme de politique économique
Les conclusions tirées pourraient être un outil précieux d’aide pour le décideur
public pour la formulation des politiques de lutte contre la pauvreté. Plus spécifiquement, la mise en œuvre d’une politique de ciblage en faveur des pauvres basée
sur l’indicateur composite de bien être défini et décrit plus haut sera plus efficace
et plus facile qu’une autre politique basée sur un indicateur monétaire de bien être
(revenu ou consommation par tête). En effet, dans un pays en voie de développement, comme la Tunisie, il est plus facile d’identifier un individu privé d’une
source d’eau potable ou habitant un logement insalubre qu’un individu ayant un
revenu (ou un niveau de consommation) inférieur à un seuil donné.
13
voir Duclos et Araar (2004
Les micro-données des enquêtes sur le budget et la consommation des ménages (EBCM)
couvrant la période 1988-2001 ne sont pas accessibles aux chercheurs académiques.
14
10
Dimensions
Habitat
Possession des
bien durables
Capital Humain
5
TAB . 1 – Liste des variables
Attributs
nature du sol de logement, nature du toit, nature des murs,
source d’approvisionnement en eau potable, mode d’éclairage, disponibilité des toilettes, qualité des toilettes, disponibilité d’une cuisine
Radio, television, frigidaire, telephone, voiture ou moto
Niveau d’instruction du chef de ménage, Niveau d’instruction de l’épouse
Les données
Les données utilisées dans ce travail proviennent de trois enquêtes. La première enquête, réalisée en 1988, s’inscrit dans le cadre du programme DHS :
Demographic and Health Survey et financée par l’agence américaine du développement international (USAID). La deuxième et la troisième enquêtes, intitulées : Enquête Nationale sur la santé de la famille ont été réalisées respectivement en 1994 et 2001 par l’Office National de la Population et de la Famille
tunisien (ONPF) et financé par le programme arabe de la santé de la famille.
Elles sont considérées comme la continuation du programme DHS en Tunisie. Les
trois enquêtes sont similaires au niveau des questions posées, de la méthodologie
de l’échantillonnage et du plan de sondage adopté. Les tailles des échantillons
obtenus de ces enquêtes après élimination des données manquantes s’élèvent à
3994, 5991 et 5428 pour les années 1988, 1994 et 2001 respectivement. Bien
qu’elles aient été désignées pour évaluer la santé des femmes tunisiennes ces enquêtes contiennent des informations, assez précises sur les conditions de vie des
ménages. Ces enquêtes seront utilisées pour la construction de notre indice nonmonétaire du bien être. Nous nous intéressons essentiellement aux dimensions de
bien être décrits par les différents attributs présentées dans le tableau 1.
L’annexe B décrit les plans d’échantillonnage des différentes enquêtes.
6 Stratégie de dissémination des résultats
Les résultats de cette recherche seront disséminées selon la stratégie suivante :
– l’Unité d’Analyse QUuantitative APpliquée (U.A.QU.AP), qui est une unité
de recherche relevant de l’Institut Supérieur de Gestion de Tunis (ISG Tunis) et dont le leader de ce projet est le premier responsable organisera une
journée nationale d’étude sur la pauvreté en Tunisie. Les responsables pu11
blics y seront invités, notamment les dirigeants de l’Institut d’Économie
Quantitative et avec lequel l’ISG Tunis entretient des relations de coopération scientifique, ainsi que les responsables de l’Institut National des Statistiques et ceux de l’ONPF qui sont les instigateurs des enquêtes utilisées
dans notre étude. Cette journée offrira l’occasion de présenter les résultats
de ce travail au niveau national et permettra de discuter avec la communauté
universitaire tunisienne l’état de la question de la pauvreté dans le pays et
a comme ambition de convaincre éventuellement les décideurs publics de
l’intérêt et de la portée pratique de notre travail d’analyse de la pauvreté.
La date et le programme de la journée seront fixés et diffusés par plusieurs
moyens notamment le site web de l’ISG Tunis (www.isg.rnu.tn)
– Une version concise de ce travail sera présenté sous forme d’article scientifique pour des présentations dans des meeting régionaux, tel que la réunion
annuelle de l’ERF (Economic Research Forum), ainsi que pour une éventuelle publication dans une revue académique.
7
L’équipe de recherche
L’équipe de recherche est composée de trois personnes. Elle est mené par le
professeur Mohamed Ayadi qui est un enseignant chercheur à l’ISG Tunis et responsable de l’unité de recherche U.A.QU.AP. Ses intérêts de recherches portent
essentiellement sur l’analyse de comportement de consommation des ménages et
la pauvreté. Le Professeur Mohamed Ayadi possède une grande expérience dans
ce domaine comme en témoignent ses publications scientifiques et ses recherches
présenté dans les conférences internationales. Le tableau 2, résume les principaux
projet passés auxquels il a participé le leader de cette équipe.
Monsieur AbdelRahmen El Lahga est un chercheur et assistant d’enseignement supérieur à l’ISG Tunis et membre de l’U.A.QU.AP. Il prépare actuellement
sa thèse à l’université de Tunis. Ses intérêts de recherches portent sur l’équité dans
la consommation des soins médicaux, les modèles collectifs de comportements
des ménages et la pauvreté. AbdelRahmen El Lahga possède une expérience dans
le traitement et l’analyse des données d’enquêtes.
Mademoiselle Naouel chtioui est une jeune économiste âgée de 28 ans. Elle
a obtenu en 2004 son master en Modélisation. Son mémoire de master est intitulé “Analyse multidimensionnelle de la pauvreté par une approche des ensembles
flous.
Cette recherche offrira l’occasion aux différents membres de l’équipe de consolider leurs expériences dans ce domaine de recherche et permettrait à Mademoiselle Naouel Chtioui de poursuivre ses recherches afin de préparer une projet de
thèse sur l’analyse de la pauvreté.
12
TAB . 2: Liste des Projets passés
Date
1992-1994
Projet
Taxes et Subventions
Organisme Subventionnaire
CRDI Canada
1996-1999
Gestion Durable des
Ressources en Eau
CRDI Canada
1998-2002
Analyse de la Demande et des déterminants de la Pauvreté en Tunisie
La direction du développement
et de la coopération du département fédéral des affaires étrangères
Suisse
1999
Estimation de l’impact des régulation
environnementales
sur la compétitivité
Mobilité des capitaux et croissance
économique
Harvard Institute for International
Development
Pro-poor Growth in
Tunisia
Banque Mondiale, AFD et DSIDGTZ
2000-2002
2003-2004
8
Comité Mixte Franco-Tunisien de
Coopération Universitaire CMCU
Equipe
M.S. Mattoussi, M.
Ayadi, R. Baccouche
et M. Goaied
M.S.
Mattoussi,
M. Ayadi, R. Baccouche, M. Goaied et
S. Slama
M.S. Mattoussi, M.
Ayadi, M. Belloumi,
F. Mansouri, B. Belhadj, F Calevaro, E.
Ronchetti, J. Krishnakumar et M. P. Victoria Feser
M.S. Mattoussi, M.
Ayadi et B. Jaoudi
M. Ayadi, L. Lahouaoui, N. Mehri,
M. Smaili, J. P. Allegret, R. Sandretto, B
Courbis et A. Lahsen
M. Ayadi G. Boulila,
M. H. Lahouel et Ph.
Montigny
Contribution du projet au développement de capacités pour les chercheurs et leurs institutions
La particularité de ce projet c’est que nous analysons le cas d’un pays émergent
pour qui certains efforts de lutte contre la pauvreté ont pu aboutir, mais des problèmes particuliers apparaissent. En outre plusieurs études sur la pauvreté ont été
faites et ont dégagé un certain nombre de résultats qu’il serait intéressant d’utiliser
comme repères pour garantir d’avantage de consistance à notre étude. Néanmoins
certaines incohérences persistent et l’un des objectifs de ce projet est de les corriger afin de parfaire l’analyse de la pauvreté et pouvoir proposer des politiques de
lutte contre la pauvreté plus efficaces.
Le projet aidera les chercheurs, les institutions universitaires, les décideurs publics ainsi que les différentes institutions nationales et internationales concernées
13
par les problèmes de développement à mieux cerner le problème de la pauvreté en
tenant compte de son aspect multidimensionnel tout en l’intégrant dans un cadre
assez exhaustif et pragmatique.
La suite logique du projet est la formation d’une équipe de chercheurs à la
pointe des techniques d’analyse de la pauvreté assimilant parfaitement les théories les plus percutantes, maîtrisant parfaitement l’outil d’analyse statistique et
informatique en l’occurrence l’analyse factorielle et ayant une vision assez fine
des problèmes locaux et internationaux du développement et de leurs relations
avec l’allègement de la pauvreté. Cette équipe jouera un double rôle : Elle aura un
rayonnement scientifique au sein de l’université et Elle servira comme interface
entre les institutions de développement et institutions académiques d’une part et
les décideurs publics d’autres parts. Le projet permettra aussi à l’équipe et leurs
institutions d’acquérir le matériel nécessaire pour poursuivre leur recherches futures. (Ordinateurs, Logiciels, Livres...etc)
8.1
Rayonnement sur l’université
L’orientation et l’objectif poursuivi dans ce projet vont permettre de compléter
et surtout enrichir les études sur la pauvreté. Par comparaison aux autres études
faites sur la Tunisie sur ce thème, nous utilisons une nouvelle méthodologie et une
nouvelle base de données enquête DHS ( jusque là ignorée). Ce point est d’autant
plus important que les enquêtes de consommation de l’Institut National de Statistique ne sont plus accessible au chercheurs académiques ce qui ne permettait
plus aux chercheurs d’entreprendre des analyses de l’état actuelle de la pauvreté
en Tunisie. La nouvelle méthodologie va permettre donc d’utiliser d’une manière
adéquate les nouvelles bases de données et d’éliminer ainsi la contrainte d’absence d’informations statistiques qui décourageait plusieurs chercheurs à affiner
leur recherche et les jeunes doctorants d’orienter leurs travaux de recherche vers
cette discipline des sciences économiques. En outre elle leur permettra de faire
assez facilement des comparaisons internationales entre différent pays en voie de
Développement puisque ces enquête DHS existent pour un nombre de pays. Par
comparaison à d’autres études utilisant les enquêtes DHS ou d’autres enquêtes
similaires, (Ki et al.(2004), pour le Sénégal) notre étude permettra d’introduire
la dimension temporelle et développera un cadre d’analyse assez consistant de la
dynamique de la pauvreté en se basant sur ces bases de donnés. Nous utiliserons
les résultats des différentes études monétaires sur la pauvreté comme des repères
afin de déceler les atouts de l’approche multidimensionnelle et préciser sa portée
informationnelle.
14
8.2
Connexion Institutions de développement, institutions universitaires et décideurs publics
L’implementation des différentes recommandations des différentes études sur
la pauvreté nécessite l’existence d’une équipe formée de chercheurs ayant la compétence scientifique et l’habilité technique suffisante pour servir comme interface
entre l’administration, qui n’est forcément familiarisée avec les méthodologies
développés par les différentes études et désirés par les ordonnateurs de ces études.
Au niveau de notre institution universitaire (l’Institut Supérieure de Gestion de
Tunis) nous avons un accord de coopération dans ce sens reliant l’ISG et L’institut d’Économie Quantitatives (IEQ : une institution gouvernementale) qui est
régie par un accord cadre signé par les directeurs des deux institution et paraphés
par les ministres de tutelle respectifs. En outre l’Office National de la Population
et de la Famille, qui nous a donné gracieusement les deux enquêtes 1994 et 2001
nous a sollicité chaleureusement de lui faire part des résultats de nos recherches
scientifiques sur la pauvreté.
Par ailleurs, les retombés du projet toucheront en premier lieu les trois membres
de l’équipe et plus particulièrement les deux doctorants qui vont avoir suffisamment de matière pour avancer dans l’élaboration de leurs thèses de doctorat. Tous
les membres auront à travailler sur les différentes parties sur projet avec une certaine spécialisation. AbdelRahmen El Lahga : s’occupera de la partie analyse factorielle et l’estimation des différents indices de la pauvreté.
Mlle Chtioui Naouel : s’occupera de la partie des données afin de parfaire le
manque ou l’incohérence de certaines informations statistiques grâce à sa liaison avec ONPF le concepteur de l’enquête. Elle assurera aussi la rédaction de
certaines partie du papier final.
Mohamed Ayadi : supervisera les différentes partie et fera profiter le reste de
l’équipe de ses compétences sur l’analyse de la pauvreté pour la cas de la Tunisie tout en contribuant aux différentes phases du travail. Il s’occupera en outre
de la rédaction d’une version plus courte du travail sous la forme d’un article.
15
Annexe A
l’Analyse de Correspondance Multiple
Considérons une matrice de données de dimension (N × J) décrivant N individus
à l’aide de J variables. Chaque individu i(= 1...N ) est décrit par une ligne de J
chiffres. Dans le cadre de notre étude, l’individu est un ménage et les variables
sont des indicateurs primaires des conditions de vie du ménage. Les N individus
forment un espace vectoriel E de dimension J (dim E = J).
Chaque individu peut être représenté par un point dans un espace de dimension
J. Dans cet espace de variables les individus forment autour d’un centroïde, un
nuage de points. La somme pondérée des distances au centroïde, selon la métrique
utilisée, correspond à l’inertie totale du nuage de points.
Lorsque la dimension de l’espace des variables est élevée (J > 3) les relations entre individus et variables ne sont pas facilement appréhendables. D’où la
nécessité de trouver une procédure qui consiste à résumer l’information véhiculée
par les J variables initiales à l’aide d’un nombre plus petit de variables composites ou facteurs. Les techniques d’analyse factorielle offrent une telle procédure
qui consiste à projeter le nuage initial de points de l’espace de dimension J dans
un sous-espace optimal L de dimension p, avec p < J, tout en conservant l’essentiel de l’information, ou encore en minimisant la perte d’inertie du nuage initial. Ainsi, le sous-espace L est formé de p droites ou axes factoriels uα vérifiant
L = u1 ⊕ ... ⊕ up . Plus l’inertie du nuage projeté est élevée plus le nuage source
est reproduit correctement dans le nouvel espace. L’implementation d’une telle
procédure peut s’effectuer à l’aide de plusieurs techniques d’analyse factorielle,
telles que l’analyse en composante principale (ACP) ou l’analyse de correspondance multiple (ACM).
Présentation de la technique ACM
Dans le cadre de ce travail nous avons un ensemble de variables binaires décrivant
les différentes modalités que peuvent prendre les indicateurs primaires des conditions de vie du ménage. Par conséquent la technique la plus appropriée consiste
à utiliser une ACM. Cette technique consiste à maximiser l’inertie15 du nuage de
points projeté sur L ce qui conduit à chercher les vecteurs propres uα (vecteurs
directeurs du sous espace optimal) associées aux valeurs propres λα de la matrice initiale des données. Le premier vecteur propre associé à la première valeur
propre (la valeur la plus élevée) est appelé aussi premier axe factoriel. Cet axe a un
sens particulier. C’est l’axe en direction duquel l’étalement du nuage de points est
maximal. Sur le premier axe chaque variable a une coordonnée factorielle appelée aussi score qui reflète l’importance de la variable sur le premier axe factoriel.
15
En utilisant la métrique de Mahalanobis
16
Le poids que nous cherchons à déterminer pour chaque variable dans l’indicateur
composite de bien être Ai n’est autre que le score normalisé de cette variable c’est
à dire le rapport entre le score et la valeur propre.
Formellement, considérons une ACM incluant K variable et P modalités, avec
P
N individus. L’inertie totale à expliquer vaut : K
− 1. Si Z désigne le tableau
disjonctif complet de mesure dont le terme général s’écrit : zij = 1 ou zij = 0,
D la matrice diagonale ayant les éléments de la diagonale du tableau de Burt16 ,
l’équation du αieme axe factoriel qui maximise l’inertie du nuage des variables en
direction d’un vecteur uα est donnée par
1 0
Z ZD−1 uα = λα uα ;
K
0
où uα est un vecteur propre de la matrice d’inertie K1 Z ZD−1 et λα est la valeur
propre associée au vecteur propre uα . Pour trouver les axes factoriels, uα , on dia0
gonalise la matrice K1 Z ZD−1 .
Facteurs et composantes principales
L’équation du αieme facteur Φα = D−1 uα maximisant le nuage des variables
s’écrit :
1 0
Z ZD−1 Φα = λα Φα .
K
De même l’équation du αieme facteur Fα maximisant le nuage des individus s’écrit
1 0
Z ZD−1 Fα = λα Fα .
K
Les facteurs Φα et Fα représentant respectivement les coordonnées factorielles des
variables et des individus dans leurs espaces respectifs. Les relation de transitions
entre les facteurs Φα et Fα s’écrivent respectivement :
1
0
Φα = √ D−1 Z Fα
λα
1
√ ZΦα
Fα =
K λα
ou encore
Φα j
1
= √
λα
Fαi =
1
√
N
X
i/possedant j
K λα
P
X
zij
j=1
z.j
zij
1
Fαi = √
z.j
z.j λα
N
X
Fαi
i/possedant j
Φαi × Ij
16
Le tableau de Burt est le tableau croisant toutes les variables (avec toutes les modalités) incluses dans une ACM.
17
Les coordonnées factorielles d’un individu i, sur un axe α, correspond aussi à la
valeur de l’indice composite de bien être, est donnée par
Fαi =
1
√
P
X
K λα
Φαj × Ij ,
j=1
avec K le nombre total de variables, λα (valeur propre) l<inertie expliquée par
l’axe α, Φαj le score de la modalité j sur l’axe α, Ij vaut 1 si l’individu a la
modalité j et 0 sinon. La distance d’une modalité j au centre de gravité G vaut
d2 (j, G) = NN.j − 1 = f1.j − 1, avec N le nombre total d’individus, N.j la fréquence
absolue de la modalité j, f.j la fréquence relative de la modalité j.
Qualité de la représentation
Pour mesurer la qualité de représentation d’une modalité j sur un axe α on utilise
Φ2αj
le cosinus carré défini par cos2αj = d2 (j,G)
et qui mesure la part de l’inertie restituées par l’axe α du sous espace de projection L. P
Une modalité est pertinente si
elle a une bonne qualité de représentation donc un cos2 élevée. Un autre critère
pour mesurer la qualité de représentation d’une modalité est relative de à l’inertie
f.j Φ2αj
. Ce critère permet en fait de
de l’axe factoriel qui est définie par : ctrαj = λα ×K
classer l’ensemble des modalités en fonction de leur apport d’inertie à constitution
de chaque axe factoriel. Plus la contribution d’une modalité est forte plus elle a de
l’importance dans la définition de l’axe.
Calcul de l’indice de bien-être
La forme fonctionnelle de l’indice de bien être d’un ménage i est donnée par
PK PJk
k k
k=1
jk =1 Wjk Iijk
,
Ai ==
K
avec
K : nombre d’indicateurs primaires ;
Jk : nombres de modalités de l’indicateur k ;
√
de la
Wjkk : le poids accordé à la modalité jk ; il s’agit du score normalisé, score
λ1
catégorie Jk et λ1 étant la première valeur propre.
Iijk k : une variable binaire (0/1), prenant la valeur 1 lorsque le ménage i a la modalité jk , 0 sinon.
L’indice Ai , pour un ménage i, est tout simplement la moyenne des poids des
variables binaires Iijk k .
Une propriété importante que toute variable incluse dans l’indice composite de
bien être doit vérifier est la Consistence ordinale sur le premier axe (COPA). Cette
propriété consiste pour une variable à voir sa structure ordinale de bien être respectée par la structure ordinale des scores de ses modalités. Afin de vérifier cette
18
propriété on peut procéder à une première ACM en utilisant toutes les variables
candidates et vérifier pour chacune la COPA. Dans le cas où certaines variables ne
satisfaient pas la COPA on peut procéder à un changement de codage adopté préalablement, regrouper certaines modalités ou bien éliminer une sous population de
l’échantillon des ménages. Si toutes les corrections précédentes n’aboutissent pas
il faut éliminer tout simplement les variables en question.
19
Annexe B
Plans d’échantillonnage des enquêtes utilisées
L’enquête de 1988
Cette enquête utilise un échantillon auto pondéré et représentatif de la tunisie entière. L‘INS a établi en 1986 un échantillon constitué de 1300 districts sur la base
des travaux cartographiques pour effectuer toutes les enquêtes (enquête emploi et
enquête consommation) jusqu‘au prochain recensement. Cet échantillon a été emprunté par l’enquête DHS 1988. Les 1300 districts ont été tires avec probabilités
proportionnelles au nombre de ménages recensés dans chaque district. Le tirage
des districts a été effectue par sondage systématique.
L’enquête de 1994
Cette enquête a été réalisée sur la base d’un échantillon national de ménages choisis d’une façon aréolaire. Les districts du recensement général de la population et
de l’habitat du 20 Avril 1994 ont constitué la base de sondage pour le choix de
l’échantillon de l’enquête.
Il s‘agit d’un sondage aléatoire a deux degrés où l’unité primaire (district du
recensement de la population en 1994) et l’unité secondaire (une partie du district)
représentant des aires géographiques strictement délimitées.
Le sondage propose n’est pas auto pondéré et chaque district échantillonné a
son propre coefficient d’extrapolation.
L’enquête de 2001
Son plan de sondage est similaire à celui de l’enquête de 1994 tout en utilisant un
échantillon national des ménage actualisé en 2000 en se basant sur les données
administratives de l’état civil et les résultats de l’enquête emploi 2000.
20
Une courte bibliographie
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21
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22