génèse du carnet d`un poilu - Pédagogie - Académie d`Aix

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génèse du carnet d`un poilu - Pédagogie - Académie d`Aix
Concours carnet d'un poilu, Henri Galvin
Petits artistes de la mémoire
École de Lardier et Valença – Hautes Alpes
Notre école est située dans les Hautes Alpes, dans un
petit village de 250 habitants, perché à 800 mètres
d'altitude. Elle est composée de deux classes et
comptabilise une petite quarantaine d'élèves de la
grande section de maternelle au CM2.
La génèse du carnet
Chaque année, les élèves lisaient le message de
l'ONAC au monument aux morts le 11 novembre. De
nombreuses familles assistaient à la commémoration.
L'école était toujours bien représentée.
Que se passait-il en classe au préalable ? Nous
préparions la lecture du message, parlions de la Grande
Guerre. Nous nous rendions au monument aux morts,
lisions les noms. Les élèves me posaient de nombreuses
questions auxquelles je restais souvent sans réponses … Je
leur proposai un jour de pousser la porte du cimetière
chercher les tombes de ces poilus dont nous ne savions rien.
Leurs questions furent nombreuses. L'idée fit son chemin …
Qui se cachaient derrière ces sept noms ? Il fallait en savoir
plus.
Les recherches – nos sources
La participation au concours Carnet d'un poilu se
greffa ensuite sur notre projet « Nos poilus lardiérains ».
Des groupes de deux ou trois élèves furent constitués et
chaque groupe put alors choisir son poilu.
Un vrai travail d'historien débuta alors : les élèves avaient
une fiche d'identité de leur poilu et devaient la compléter
au fur et à mesure de leurs recherches.
Nous avons donc remonté les différentes sources :
– cimetière,
– archives municipales à la mairie de Lardier et
Valença avec un travail sur les différents registres
d'état civil accompagnés par la secrétaire de mairie
et par des personnes ressources pour aider au
déchiffrage des documents,
– archives départementales à Gap avec un travail
sur les registres militaires ainsi qu'un atelier autour de
huit lettres archivées écrites par Nénin, petit garçon
de huit/dix ans, adressées à son père, soldat au front.
– recherches internet (site mémoire des hommes),
– intervention en classe du professeur d'histoire
du collège Centre à Gap Mr Spitalier, féru de
guerre 14/18 avec diaporama sur les grandes étapes
de la guerre, observation d'objet de guerre, travail sur
les outils de propagande, sur les affiches publicitaires
et illustrations de Poulbot.
Fin janvier, notre travail de recherche était achevé.
Chaque groupe put alors faire une présentation de
son poilu aux autres.
Le choix du poilu fut alors difficile. Il se porta sur Henri
Galvin pour plusieurs raisons :
– C'est le premier de nos sept poilus lardiérains à
décéder sur le front,
– C'est le plus jeune d'entre eux,
– C'est le seul à être passé quasiment directement des
bancs de l'école au service militaire puis au front ; il
n'a pas eu le temps de fonder une famille,
– C'est celui qui a fait les études les plus poussées,
– Il est mort à Flirey là où de nombreux régiments haut
alpins ont combattu,
– Il a connu un destin tragique : soutien de famille au
décès de son père, il a à peine 18 ans lorsqu'il doit
subvenir aux besoins de ses quatre frères et sœurs et
prendre en main la ferme familiale.
Ce dernier fait a tout particulièrement marqué les
élèves et c'est ainsi qu'ils ont décidé de faire débuter
le carnet bien avant la guerre, au moment du décès
de son père. Ce choix proposé par un élève de CM2 a
été salué unanimement par l'ensemble de la classe et
il se justifie dans le parcours de vie d'Henri. Son destin
prend un tournant en 1911 et il s'accélère ensuite
jusqu'à son tragique décès en 1915.
Lorsqu'il a fallu choisir un poilu pour notre carnet, cela n'a
pas été simple pour les élèves de laisser de côté le leur
pour ne se consacrer qu'à un seul. Leur poilu les a
accompagnés durant de long mois, mais ils se sont
rapidement attachés à Henri et à son destin si triste.
Ensuite, il a fallu approfondir les recherches. De nouveaux
groupes ont été établis : cinq groupes pour les cinq années
sur lesquelles courent le carnet (1911 à 1915). De grandes
affiches ont été constituées avec tous les renseignements
inhérents aux années ainsi que les photos, les lettres et tous
les documents en notre possession.
Un grand moment d'émotion a été la visite d'Arlette,
nièce d'Henri, qui vit toujours à Serre l'Amandier et que
certains enfants connaissaient sans avoir jamais fait le lien
avec son oncle.
Elle est venue un après midi de mars avec un panier, son
sourire, sa douceur, des objets et des lettres ayant
appartenu à son oncle ainsi que ses propres recherches.
Elle a répondu à nos questions et a remercié les enfants du
travail entrepris. Elle leur a dit que depuis que nous
l'avions contacté, elle s'était mis en quête d'informations
sur la vie de son oncle, de ses frères et sœurs, de son décès.
Elle aussi a épluché des archives, a fouillé dans son grenier.
Elle nous a confié se retrouver absorbée à 2h30 du matin
dans des lectures de registres militaires … Elle était très
émue, moi aussi, les élèves également. Lorsque j'ai proposé
aux élèves d'offrir le carnet d'Henri à Arlette, ils ont tous
accepté avec joie. Elle est devenue une sorte de marraine
de l'école.
Le carnet, une réalisation artistique
Pour ce qui est de la confection matérielle du carnet, nous
avons trempé différents types de feuilles dans du café, et
frotté avec du marc pour obtenir un effet vieilli. Chaque
élève a appris à relier un petit livre en couture avec fil de
lin et nous avons pu relier les pages du carnet avant de
l'écrire. La couverture de papier bleu est un vieux papier
trouvé dans les placards de l'école qui servait autrefois à
recouvrir les livres, un sparadrap tient l'étiquette avec le
nom d'Henri.
Pour ce qui est des textes, chaque élève a produit
individuellement puis a ensuite mis en commun avec son
groupe ce qu'il avait pu écrire.
Après chaque moment d'écriture, le groupe lisait sa
production à la classe et nous apportions les modifications
nécessaires.
La question centrale était : « on se base sur des faits réels
ayant existé, faits que l'on a trouvés, dont on a une
preuve, ce ne sont pas des suppositions ; on romance une
vie en se mettant à la place d'Henri au maximum, mais
on ne lui invente pas une vie qu'il n'a pas eu ». Cette idée
a été récurrente et il a souvent fallu relire nos textes avec
cette idée en fond de tête.
Les bénéfices de cette aventure ont hautement
dépassé mes attentes. Je n'aurais jamais pensé que les
élèves puissent être aussi passionnés et aussi impliqués
dans cette quête.
Nous avons lu beaucoup de livres tout au long de l'année
(Bleu chien des tranchées, Lulu et la grande guerre, La
marraine de guerre, Le bleuet de France, Bleu horizon,
L'ennemi, Zappe la guerre ...), ces lectures ont imprégné
leurs textes, leur écriture s'en est vu enrichie : tournures
plus soutenues avec plus de rigueur, plus d'originalité.
Lorsque chaque groupe lisait ses textes, j'étais stupéfaite
de leur richesse, de leur profondeur … loin de simples mots
d'enfants, l'émotion affleurait, palpable …
Lorsque j'ai évalué les acquisitions et le ressenti de chacun
suite au projet, j'ai été très agréablement surprise par les
connaissances et l'ouverture d'esprit gagnées.
Enfin, une élève de CM2, inhibée, timide a été choisie pour
recopier le carnet. Elle était la plus « sage » de la classe
aux yeux des autres et ils ont tous proposés que ce soit elle
qui recopie leurs mots pour les faire devenir ceux d'Henri.
Très émue, elle a accepté. Elle a travaillé d'arrache-pied,
encouragée et aidée par ses camarades et a reçu de
grands applaudissements lorsqu'elle a écrit les derniers
mots.
Lors de l'évaluation du projet, voici ses mots : « ce qui m'a
touché, c'était d'écrire le carnet car j'avais l'impression
d'être Henri Galvin, c'est comme si j'étais lui ».
Ce projet a été également une réelle occasion d'échange
et de travail avec des partenaires : Valérie, mère d'élève,
passionnée par cette guerre nous a guidés, aidés, durant
tout le projet ; des personnes ont cheminé avec nous lors
des différentes étapes : un professeur d'histoire du collège,
Mr Spitalier, les personnels des archives municipales, la
secrétaire de mairie, Arlette, Odile, directrice de l'école,
Yves Boccoz, les parents d'élèves qui apportaient
spontanément des documents, des témoignages de
membres de leur famille … etc.
Les enfants ont pu emporter une copie imprimée des
textes avec pour consigne de relire le carnet dans son
intégralité et de le présenter à leur famille. J'ai reçu dans
les jours qui ont suivi de nombreux témoignages écrits,
oraux de parents qui m'ont dit à quel point ce travail
avait été porteur pour leur enfant, à quel point ils avaient
été touchés par les textes.
De par tout cela, le projet est une vraie réussite tant sur le
plan humain que scolaire.
Je pense que le carnet reflète leur travail et leur
engagement, il va vivre à présent pour les expositions
prévues sur notre commune à l'occasion du centenaire. Et
je pense qu'il va résonner longtemps encore dans nos têtes.

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