Annonce d`un diag médical

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Annonce d`un diag médical
Chapitre 1. Annonce d’un diagnostic grave
CHAPITRE 1
L’annonce d’un diagnostic grave : un acte thérapeutique
Philippe FRAISSE
Département de pneumologie (Pr E. Quoix). Hôpital de Hautepierre, Strasbourg.
[email protected]
Ce document bref répond aux objectifs du programme officiel (item 1a):
-
« se comporter de façon appropriée lors de l’annonce d’un diagnostic de maladie
grave, d’un handicap ou d’un décès,
établir avec le patient une relation empathique, dans le respect de sa personnalité et de
ses désirs. »
Pour aller plus loin, une version complète du cours est disponible sur le site internet de la
faculté. Elle comprend les références bibliographiques et les annexes (textes de lois).
Suivi d’un supplément : Annonce d’une maladie d’Alzheimer
Marc BERTHEL
Pôle de Gériatrie
[email protected]
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Chapitre 1. Annonce d’un diagnostic grave
POINTS CLEFS
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L’annonce du diagnostic grave est un droit de la personne malade (son refus
aussi sauf cas prévu par la loi). Le dispositif d’annonce est la mesure 40 du
Plan cancer 2003-2007.
La gravité est objective, mais pas seulement (notion de « perte » tenant
compte de la personnalité de chacun).
L’annonce porte sur le diagnostic, les options thérapeutiques et le pronostic.
L’annonce est un acte médical avec des conditions et des objectifs (conseil
thérapeutique, négociation des projets de soins et consentement éclairé,
soutien).
La démarche « pas à pas » (sauf urgence) respecte la personnalité de chacun
et établit une relation « empathique ». Les autres soignants participent au
processus d’annonce.
Les annonces se succèdent dans l’évolution d’une maladie grave, chacune
intégrée dans un projet thérapeutique curatif ou palliatif.
« L’ANNONCE D’UN DIAGNOSTIC DE MALADIE GRAVE » :
DEFINITION DU SUJET.
1. Il s’agit d’information médicale. L’annonce porte sur le diagnostic, et surtout les options
thérapeutiques et le pronostic.
2. Mais qu’est-ce qu’un diagnostic « grave » ?
Le terme de « maladie grave » n’est pas précisément défini dans la littérature. Les diagnostics
graves aux yeux du médecin (et en général du malade) comprennent les affections mettant en
jeu le pronostic vital (à court terme ou plus tard), a fortiori le décès du patient, ou enfin les
maladies ou traumatismes à l’origine de handicaps durables imposant un changement du
mode de vie du malade (et de ses proches). Toute « maladie grave » n’est pas mortelle, ni
même incurable.
Le dénominateur commun à toutes ces situations que l’on peut identifier, c’est finalement une
perte envisageable par le malade (ou ses proches).
Pour clarifier le sujet, nous définissons donc l’annonce du diagnostic grave comme une parole
(une attitude, un écrit), dite dans une intention thérapeutique, qui prédit (ou constate) une
perte (potentielle ou réelle) significative pour la personne.
3. Caractéristiques de la « gravité ».
Pour répondre à l’objectif de « respecter la personnalité du patient », on doit souligner que la
gravité est une donnée en partie objective (les « scores de gravité »), et en partie subjective
(car elle résulte de la signification et l’intensité de la perte potentielle ou réelle, aux yeux de la
personne malade). Cela justifie la méthode dite « pas à pas » dans la révélation du diagnostic
(cf infra).
4. Caractéristiques du pronostic.
Le pronostic des maladies n’est pas certain. En l’état des connaissances, il apparaît
présomptueux ou illégitime de vouloir fixer une durée de vie précise, même à l’invitation du
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Chapitre 1. Annonce d’un diagnostic grave
malade ou de ses proches. Il est en revanche à notre portée de préciser si une guérison peut
être raisonnablement envisagée ou non, quelles sont les complications ou séquelles
prévisibles, les avantages escomptés ou les effets indésirables des traitements proposés.
5. Caractéristiques du processus de deuil.
La prise de conscience d’une perte significative déclenche un processus de deuil. C’est même
à cela que l’on reconnaît qu’un diagnostic grave a été annoncé et c’est cela que l’on peut
accompagner et soutenir ; il est donc justifié de connaître les caractéristiques de ce processus
pour éviter de se comporter de « manière inappropriée » (réaction à la révolte par
l’agressivité…). Elisabeth Kubler-Ross a observé les « phases » de ce travail de deuil chez des
malades atteints de maladies mortelles incurables : schématiquement la sidération, le
déni/révolte, le marchandage, la dépression, l’acceptation/résignation.
Qu’il s’agisse de maladies « graves » curables ou incurables, le deuil est un processus de
réajustement de nature à faciliter (ou contrarier) l’intégration de la démarche thérapeutique
conseillée par le médecin. Il permet de plus au patient de tirer le meilleur parti de sa vie
modifiée par la maladie, et c’est un point fondamental dans l’accompagnement.
6. L’annonce comme acte médical.
L’annonce du diagnostic grave est un acte de communication, un partage d’informations dont le
malade et ses proches ont besoin. Mais pas n’importe quel acte : un acte médical . Comme tout
acte médical, il suppose une intention thérapeutique de la part du médecin, et l’accord du
patient (dans des limites reconnues). De plus l’annonce est en principe un acte thérapeutique :
sans annonce du diagnostic, une prise en charge éclairée et un accompagnement ne sont pas
possibles. C’est le fondement même du principe de consentement éclairé et le premier maillon
de la prise en charge.
« RESPECTER LES DESIRS DU PATIENT » : A QUI DIRE LE
DIAGNOSTIC ?
1.
Au patient.
Dans notre civilisation occidentale, le malade est prioritaire pour recevoir l’information, la
demander ou la refuser. Toutefois la culture module l’annonce au malade.
2. A ses proches ou en présence de ses proches ?
L’annonce en présence des proches (avec l’accord du patient) est une solution souvent
adoptée. La personne de confiance désignée par le patient est autorisée à connaître le
diagnostic et le pronostic, du vivant du patient et pour prendre les décisions éventuellement en
son nom. Après la mort, seuls les ayants droit ont connaissance du diagnostic, si le patient ne
s’y est pas opposé de son vivant.
3. A l’équipe de soins et autres intervenants (avec l’accord du patient), car le médecin
travaille actuellement dans le cadre d’une équipe ou d’un réseau pluriprofessionnel. Cette
communication permet s’assurer la continuité, la cohérence et le sens des soins.
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Chapitre 1. Annonce d’un diagnostic grave
QUI ANNONCE ?
Cette responsabilité appartient au médecin (il ne doit pas s’y dérober) : un médecin « senior »
spécialiste, le médecin traitant, l’interne formé à cette pratique.
Si l’on veut respecter une cohérence, la continuité dans l’information entre les médecins
intervenant auprès du malade doit être prévue. Les professionnels paramédicaux participent
au dispositif d’annonce (infirmières) et au soutien des patients (soins « de support » :
psychologues, travailleurs sociaux, kinésithérapeutes).
POURQUOI (NE PAS) ANNONCER ?
Les raisons d’annoncer ou non le diagnostic sont liées à l’éthique, aux aspects
psychologiques, à la réglementation, et au pragmatisme.
1. Les convictions des médecins varient selon les cultures. Comme tout acte médical,
l’annonce aura des effets souhaités et des effets jugés « indésirables », qui sont
respectivement des raisons d’annoncer ou non le diagnostic.
2. Valeurs éthiques et annonce du diagnostic grave.
Les principes qui fondent la réflexion sont essentiellement le respect de l’autonomie et le
paternalisme.
3. Des motifs d’ordre psychologique ou spirituel sont invoqués en faveur de la révélation
du diagnostic : instaurer une relation de confiance. Mettre fin à la pénible incertitude.
Favoriser le processus de deuil.
4. De multiples dispositions légales proposent ou imposent la révélation du diagnostic (elles
sont détaillées dans les Annexes, voir le texte long sur le site de la faculté).
Information a priori. Recommandations de la Haute autorité de santé, déclaration des droits de
l’homme, code de déontologie, arrêts de la cour de cassation, charte du patient hospitalisé, loi sur les
droits des malades du 4 mars 2002. L’annonce du diagnostic est nécessaire pour recueillir un
consentement éclairé. Elle est imposée en cas de risque de transmission de maladies infectieuses et avec
certaines limites lors de l’inclusion dans un essai thérapeutique. L’information a posteriori est un droit
du malade (par la consultation du dossier médical).
Le référentiel de l’accréditation des établissements de santé prévoit l’information des patients.
La mesure 40 du Plan cancer 2003-2007 est le dispositif d’annonce .
5. Des raisons d’ordre pragmatique. L’annonce est un besoin de la personne malade et un
des maillons intégrés dans la chaîne de sa prise en charge : informer sur les traitements
disponibles, amorcer une négociation sur les objectifs ultérieurs et les modalités des soins,
favoriser l’acceptation des soins et l’observance.
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Chapitre 1. Annonce d’un diagnostic grave
« SE COMPORTER DE MANIERE APPROPRIEE », « ETABLIR UNE
RELATION EMPATHIQUE » : COMMENT ANNONCE-T-ON UN
DIAGNOSTIC GRAVE ?
1. Il s’agit de la rencontre singulière entre deux individus, inégalitaire en termes de savoir
et de pouvoir thérapeutique. Une attitude « empathique » est donc préconisée, c’est-à-dire une
attention adaptative aux besoins globaux de la personne malade qui respecte sa personnalité.
2. Les moyens de communication à notre disposition sont multiples : celle-ci est verbale
(explicite, compréhensible), paraverbale (ton, débit et intensité de la voix), non verbale (attitude
voulue ou non comme telle par le médecin, regard), écrite. C’est l’annonce orale qui est
privilégiée, la communication écrite est plutôt réservée en complément ou aux aspects médicolégaux.
3. La démarche « pas à pas ».
C’est celle qui tient compte au mieux des réactions de la personne malade. « Que faut-il dire
au malade ? Il faut le lui demander. » (J. Katz) ; il est en effet difficile de prédire quel patient
désire ou non connaître la « vérité » et à quel moment. En dehors de l’urgence, il s’agit donc
d’un processus centré sur la personne malade, adaptatif à ses besoins et à ceux de ses
proches : « en tenant compte des besoins propres de ce dernier et du respect dû à sa
personne. ». Le recueil des attentes du patient est primordial. Le médecin présente alors au
malade un résumé de la situation et un conseil thérapeutique. Un choix (urgent ou non), donc
un consentement ouvre la voie à la prise en charge.
4. Environnement, espace et temps doivent être appropriés.
5. Dans le dispositif d’annonce du plan cancer, sont prévus un temps médical, un temps
infirmier, la proposition de soins de support, l’articulation avec la médecine de ville et la
remise d’un « plan personnalisé de soins » élaboré dans la réunion de concertation
pluridisciplinaire.
QUAND ANNONCER LE DIAGNOSTIC ?
1. Parfois il y a urgence (symptômes brutaux, transfert en réanimation, traumatismes) : le
diagnostic sera donné immédiatement, dans les limites de faisabilité reconnues par la loi.
2. S’il n’y a pas d’urgence, le rythme de l’interlocuteur guide le moment de l’annonce. Il y
aura plusieurs « diagnostics graves » dans l’évolution d’une maladie incurable.
CONCLUSION.
Une mauvaise nouvelle reste une mauvaise nouvelle : l’annonce d’un diagnostic grave est
potentiellement violente et éprouvante pour le malade et le médecin. Etant néanmoins un
besoin de la personne malade, elle trouve son sens comme un acte médical librement consenti,
s’inscrivant dans une démarche thérapeutique. Elle représente le fondement même du
consentement éclairé aux soins et de là scelle l’alliance nécessaire entre la personne malade et
le médecin ou l’équipe.
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Chapitre 1. Annonce d’un diagnostic grave
SUPPLEMENT AU CHAPITRE 1.
ANNONCE D’UNE MALADIE D’ALZHEIMER
(Marc Berthel)
L’annonce du diagnostic de maladie d’Alzheimer fait partie de l’annonce d’une maladie
grave. Cette annonce a des analogies avec les autres maladies graves telles que les cancers, le
SIDA, la sclérose en plaque…, car son existence va profondément bouleverser la destinée du
malade. L’annonce a aussi des particularités, liées aux symptômes mêmes de destruction de la
pensée, aux implications familiales et au grand âge de la majorité des personnes concernées.
Trois questions méritent d’être discutées :
- faut-il annoncer le diagnostic au malade ?
- faut-il annoncer le diagnostic à l’entourage ?
- s’il y a transmission de quelque chose : quoi et comment ?
1. Annonce du diagnostic au malade
Sachant que la maladie d’Alzheimer se manifeste par des troubles de la mémorisation, du
jugement et par une fréquente anosognosie, donner au malade une information qu’il
risque de ne pas retenir, pour une maladie dont il n’a pas conscience, a-t-il un sens ?
Voilà de façon caricaturale comment se pose le problème.
Les opposants à l’annonce s’appuient sur ces éléments. Ils disent aussi que l’annonce
peut avoir des effets désastreux de panique voire de suicide chez un malade encore
conscient, mais fragilisé.
Les partisans de l’annonce argumentent que l’information (dont les modalités sont
discutées au point 3), clarifie la situation, permet de parler de la thérapeutique et de la
prise en charge. Dans le cas de diagnostic précoce, le malade, encore relativement
performant, peut prendre des dispositions importantes dans son organisation de vie, dans
la transmission de ses avoirs selon sa volonté et ses intérêts.
Le fait que les traitements par anticholinestérasiques mentionnent sur les boîtes
« traitement de la maladie d’Alzheimer », force en quelque sorte la main des médecins
prescripteurs dans le sens d’une augmentation de l’information des malades.
Mais quoi et comment reste le débat.
2. Annonce du diagnostic à l’entourage
L’entourage familial est le témoin des troubles. Il initie bien souvent la consultation et les
examens complémentaires qui vont aboutir au diagnostic. Dans certains cas, le médecin
permet à l'entourage d'assister à la consultation et au déroulement des tests. De toute
façon, à la fin de la consultation, la question sera posée : « alors docteur, qu'est-ce qu’il
ou elle a ? »
En principe, le malade est seul en droit d’obtenir le diagnostic le concernant de la part du
médecin qui l’a examiné. Seul le malade peut autoriser la communication du diagnostic à
un tiers qu’il désigne. Peut-on faire fi de cette règle pour informer l’entourage ? Peut-on
d’un autre côté, tenir l’entourage dans l’ignorance du diagnostic alors qu’ils sont témoins
des troubles et qu’ils doivent y faire face ?
Il est évident que, sauf opposition explicite du malade (par exemple malade au stade
débutant, encore lucide et conscient, craignant de la part d’un entourage non bienveillant,
d’être victime de malversations), il y a tout intérêt, à informer l’entourage. Cela donne
une explication aux troubles constatés, cela permet de faire cesser des reproches au
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Chapitre 1. Annonce d’un diagnostic grave
malade concernant ses oublis, cela permet de réfléchir à l’avenir, cela permet d’adopter
des attitudes aidantes et de se protéger soi-même.
L’accord ou la présomption d’accord du malade est cependant à rechercher avant
d’informer l’entourage. Des questions simples permettent de le savoir : « voulez-vous que
je parle de vos difficultés avec votre famille ? »
La majorité des malades expriment un acquiescement et même un soulagement à cette
idée.
Une autre question se pose par la suite : l’entourage proche va-t-il diffuser l’information à
d’autres personnes : autres membres de la famille, voisins, personnels intervenant à domicile ?
3. Transmission : quoi et comment ?
Il est évident que le silence sur le diagnostic n’est pas possible. Il faut transmettre quelque
chose au malade d’une part, à l’entourage presque toujours d’autre part. Quoi et comment
est la vraie question concrète.
¾ Le premier principe qui doit éclairer c’est de faire de l’annonce quelle qu’elle soit, un
acte thérapeutique.
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Dire qu’il y a une maladie de la mémoire, une maladie du cerveau, dans certains cas
donner le nom de maladie d’Alzheimer.
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Dire qu’il y a des médicaments qui peuvent aider, dire de façon simple comment ils
agissent.
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Dire qu’il faudra suivre les signes, refaire des évaluations, suivre le moral,
veiller à l’alimentation, etc….
Tout ceci annonce non pas seulement un diagnostic (Alzheimer), mais que le médecin a
reconnu une vraie maladie, de vraies difficultés et qu’il va chercher à apporter un
traitement, des conseils, un accompagnement et un suivi. Cette démarche s’adresse à
l’ensemble constitué par le malade et son entourage.
¾ Le deuxième principe est la prise en compte de la singularité des situations :
- celle du malade, celle de l’entourage (conjoint, enfants unique ou multiples…),
- celle des rapports constatés entre malade et entourage.
Le médecin doit avoir une grande vigilance et du discernement. Il n’est pas question d’adopter une
procédure standardisée de transmission.
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