IONESCO - Rhinocéros

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IONESCO - Rhinocéros
TEXTE BAC
IONESCO - Rhinocéros - 1959
Acte III
2. La tentation de la métamorphose : conséquence de sa honte d’être à côté de cette
nouvelle norme.
- expression du souhait : « je voudrais » (l. 8, 14, 25) : conditionnel présent + propositions
introduites par « comme » (l. 14) ou « si » (l. 16). De même, les formules comparatives
révèlent le désir de devenir rhinocéros : « être comme eux » l.8, « comme la leur » l.16 : volonté
de Bérenger de devenir rhinocéros, de rejoindre cette norme.
- Par conséquent, « il essaie de les imiter », didascalie l. 18 + « essayons encore » (l. 19) :
Bérenger tente d’adopter leur barrissement : succession d’onomatopées : « ahh, ahh, brr ! » (l.
18 à 21) : difficulté de jeu pour le comédien. Le monologue prend des allures de farce, farce
tragique, mais farce quand même. Notons qu’Emmanuel Demarcy-Mota, dans sa mise en
scène de la pièce, a choisi d’enlever ce passage : modification du texte pour ne garder que le
registre tragique.
- « Non, faible, manque de vigueur, je n’arrive pas, je ne peux pas » : avalanche de tournures
négatives : traduction de l’échec de Bérenger. Passage de l’espoir au constat d’échec +
expression du regret : utilisation du conditionnel passé : « j’aurais dû les suivre à temps » (l.
23) + « trop tard, jamais (répété 3 fois) » : lyrisme un peu pathétique de cette plainte : son
échec a un caractère irréversible.
> cet échec de devenir rhinocéros en est-il vraiment un ?
3. Un héros malgré tout, et surtout malgré lui.
- « malheur à celui qui veut conserver son originalité » (l. 27) : sorte d’imprécation finale (=
souhait de malheur) : Bérenger souhaite du malheur à celui qui veut être original, c’est-à-dire
anti-conformiste, marginal : condamnation de l’originalité. Non seulement il constate son
échec mais il se condamne. Joue le rôle de la victime et du juge. Mais le mot « originalité »
peut être pris dans son deuxième sens : « ce qui est à l’origine », c’est-à-dire non pas
l’humanité, le fait d’être homme. Et c’est peut-être cela qui fait réagir Bérenger.
- didascalie l. 28 : « Il a un brusque sursaut » : sorte de pléonasme (la brusquerie est dite 2
fois) pour décrire la réaction de Bérenger à son propre échec : il sort de sa léthargie, de sa
plainte.
- « se retourne face au mur du fond où sont fixées les têtes de rhinocéros, tout en criant » (l.
30) : affronte. Passage de l’autre côté : il cesse de vouloir être comme pour contre.
- « je me défendrai contre tout le monde… Contre tout le monde je me défendrai » : (l. 2831) : chiasme qui met en valeur le verbe d’action au futur (changement radical par rapport au
conditionnel : le futur est le temps de la résolution certaine) et qui met au centre « le monde »,
c’est-à-dire l’ennemi : même la syntaxe enferme, emprisonne l’ennemi.
défendrai tout le monde
tout le monde défendrai
 passage à l’action, confirmée par la mention de la « carabine » x 2 + par la phrase finale
« je ne capitule pas » : phrase négative mais qui affirme et revendique sa nouvelle
position : force du personnage : il a subi un revirement de situation total : espoir > échec
> sursaut et action. Même si on a l’impression que Bérenger subit son héroïsme plus qu’il
le choisit (il agit parce qu’il a échoué sa métamorphose), il finit en héros.
III. Une critique politique.
1. Une critique ciblée
- « beau » ≠ « laid » : opposition de ces deux adjectifs > rappel le culte du beau répandu
par Hitler : race « aryenne » : allusion plus que claire à l’idéologie nazie.
Lise André – Lycée Paul Langevin
- « peau dure et magnifique, nudité décente… » : champ lexical du corps > adjectifs
mélioratifs > autre allusion au culte du corps (sport…)
- « rhinocéros » : choix important de l’animal : force, puissance. Choix pas anodin.
- « chant » : allusion à l’envoûtement par la parole opéré par Hitler. Arrivé au pouvoir
grâce à son éloquence (discours…). Bérenger trouve à ces chants du « charme »,
c’est-à-dire un pouvoir magique, séducteur. Rappel : « chant » et « charme » viennent
du même mot latin, « carmen », désignant le chant. Bérenger insiste donc dans une
sorte de faux pléonasme (il dit deux fois le pouvoir magique de ces barrissements) sur
la séduction opérée par la parole.
 idéal de beauté, de corps parfait et de force : principes sur lesquels est construite
l’idéologie nazie.
2. Une apologie de la résistance
- le monologue s’achève sur le passage à l’action, après un grand moment de doute et
d’hésitation.
- Les phrases sont courtes, affirmatives et montrent l’assurance acquise de Bérenger. II
y a donc bien une progression de la figure de Bérenger qui assume une forme de
résistance parce qu'il n'a d'autre choix que d'être un homme. Ces dernières répliques
constituent un renversement ultime de situation et renvoient les rhinocéros à leur
monstruosité réelle. Ce n’est plus lui le monstre, ce sont les autres.
- Cependant, la victoire de l’humanité est-elle assurée pour autant ? Le dénouement en fait
reste ouvert. Ce monologue ne consacre pas le triomphe de Bérenger et de l'humanité ;
l'issue paraît être fatale : il est le « dernier homme », ce contât est un peu pessimiste. Et
en disant qu’il le restera « jusqu'au bout », il sous-entend qu’il ira peut-être jusqu'à la
mort. Le futur (« je le resterai ») laisse malgré tout une petite place à l'espoir. La faillite
de l'humanité n'est pas non plus ici totale ; malgré lui, Bérenger dit son sens inné de
l'humain et en proclame la dignité.
Conclusion : La vraie métamorphose dont parle le texte est en fait celle de Bérenger qui
d’homme faible et hésitant devient un véritable héros.
Ionesco livre avec cette fable théâtrale et tragique, un vrai texte engagé.