Jean-Mathieu Fallu Candidat au doctorat en marketing, HEC

Transcription

Jean-Mathieu Fallu Candidat au doctorat en marketing, HEC
1
Jean-Mathieu Fallu
Candidat au doctorat en marketing, HEC Montréal
Proposition de thèse
L’adoption de comportements spontanés et de comportements délibérés de
consommation socialement responsable : Une perspective attitudinale
Résumé
Plusieurs études montrent que les consommateurs occidentaux s’intéressent à la
consommation socialement responsable (CSR) et qu’ils ont une attitude positive envers
les comportements de consommation socialement responsable. Il ressort néanmoins de
ces recherches un écart significatif entre les attitudes rapportées par les consommateurs et
leurs comportements (d’Astous et Legendre, 2009 ; Carrigan et Attalla, 2001; De
Pelsmacker et alii, 2005 ; Ehrich et Irwin, 2005 ; Irwin et Naylor, 2009 ; Van Doorn,
Verhoef et Bijmolt, 2007; World Business Council for Sustainable Development, 2008).
Les travaux en marketing et en psychologie sociale portant sur l’attitude envers la CSR et
son impact sur le comportement reposent généralement sur des assises attitudinales et de
persuasion (Ajzen 1991 ; Fishbein et Ajzen, 1975 ; Petty et Cacioppo, 1986). Dans ces
travaux, l’attitude est mesurée directement (explicitement), sa structure est univalente et
il est supposé que, tant et aussi longtemps que l’environnement supporte normativement
le comportement et que la personne un contrôle suffisant sur sa réalisation, l’attitude
influence des comportements qui sont raisonnés ou délibérés à partir de son influence sur
les intentions comportementales (Steg et Vlekl, 2009 ; Stern, 2000).
Dans cette thèse, on propose un traitement différent de l’étude de l’influence de l’attitude
sur l’adoption de comportements de CSR. On vise premièrement à introduire une
distinction importante entre l’attitude implicite (niveau associatif), et l’attitude explicite
(niveau délibéré) des consommateurs envers la CSR (voir Gawronski et Payne, 2010 pour
une revue récente du paradigme de l’attitude implicite). On vise ensuite à déterminer si la
structure de l’attitude entretenue vis-à-vis de la CSR pourrait être plus ambivalente,
qu’univalente, avant de se questionner sur l’impact que pourraient avoir les attitudes
implicite et explicite, ainsi qu’une attitude dont la structure est ambivalente sur l’adoption
de comportements spontanés et l’adoption de comportements délibérés de CSR.
2
Spécifiquement, on suggère que l’attitude explicite positive que les consommateurs
rapportent envers la CSR dans les études pourrait, au niveau de la structure associative
déterminant l’attitude implicite :1) ne pas être suffisamment forte ou accessible
cognitivement, voire se rapprocher de la neutralité, 2) être négative ou surtout, 3) être
implicitement ambivalente (Petty et alii, 2007). Ensuite, parce que l’attitude implicite, le
plus souvent, est prédictive des comportements automatiques de la personne,
indépendamment de l’attitude explicite (Fazio, 1990 ; Perugini, Richetin et Zogmaister,
2010), on suggère que la force et la structure de l’attitude implicite des consommateurs
envers la CSR la rendent peu prédictive de l’adoption de comportements spontanés de
CSR; pour plusieurs consommateurs, l’adoption ou la non-adoption de comportements de
CSR dépendraient d’automatismes comportementaux ou de l’habitude (Lutzenhister,
2002 ; Steg et Vlek, 2009 ; Stern, 2000; Winter, 2000). Enfin, parce qu’elle réside à
l’origine du processus menant de l’attention, à la perception et aux comportements
délibérés (Fazio, 1990 ; 2007; Gawronski et Bodenhausen, 2006), on suggère que la force
et la structure de l’attitude implicite des consommateurs envers la CSR peuvent expliquer
qu’une personne puisse être fortement convaincue du caractère positif de la CSR au
niveau explicite – ce qui est révélé par les enquêtes portant sur l’attitude envers la CSR –,
mais que, le plus souvent, elle n’adopte pas de comportements de CSR (Fabrigar et
Wegener, 2010).
On propose deux études afin de résoudre la problématique identifiée. La première étude
servira à faire un diagnostic ou un état des lieux de la force et de la structure de l’attitude
des consommateurs envers la CSR à partir de la mesure indirecte de leur attitude
implicite (au moyen de l’amorçage séquentiel des structures cognitives, Fazio et
alii,1986, et du test des associations implicites, Greenwald et alii, 1998), de la mesure
directe de leur attitude explicite (à l’aide d’un questionnaire autoadministré), et de la
comparaison entre ces mesures. La seconde étude a pour objectif d’étudier, à partir d’une
expérience réalisée en laboratoire, l’impact des attitudes implicite et explicite envers la
CSR sur l’adoption de comportements spontanés et de comportements délibérés de CSR.
Un objectif sous-jacent à l’ensemble de la recherche est le développement d’un cadre
théorique intégrateur des théories portant sur la structure des attitudes implicite et
3
explicite (Fazio et alii, 1986 ; Fazio, 1990, 1995 ; Petty et alii, 2007) et des théories de
l’impact des attitudes implicite et explicite sur le comportement (Fazio, 1990 ; Gawronski
et Bodenhausen, 2006 ; Pereguini, 2005; Strack et Deutsch, 2004). L’intérêt de la
différenciation des attitudes implicite et explicite réside dans un potentiel important de
cadrage et de prédictions théoriques portant sur 1) la structure de l’attitude, 2) les
processus à l’œuvre dans la formation et le changement de l’attitude et 3) l’impact
spécifique des attitudes implicite et explicite sur le comportement. Le paradigme des
attitudes implicite et explicite suppose qu’une attitude peut avoir des effets sur le
comportement qui sont opposés aux croyances et aux intentions affirmées de l’individu et
que, par conséquent, les cognitions sociales implicites et explicites sont étroitement liées
à la notion de déterminants multiples et potentiellement dissociés du comportement
(Deutsch et Strack, 2010 ; p.62). Enfin, l’étude proposée a également pour objectif de
contribuer au développement des connaissances en marketing, en comportement du
consommateur, en cognition sociale et de produire des recommandations managériales
ayant une portée sociale.
Mots clés : consommation socialement responsable, comportement des consommateurs,
attitude implicite, attitude explicite, mesure indirecte de l’attitude, mesure directe de
l’attitude, attitude ambivalente.
4
Références
Ajzen, I. (1991). The theory of planned behavior. Organizational Behavior and Human
Decision Processes, 50, 179–211.
Carrigan, M., & Attalla, A. (2001). The myth of the ethical consumer – do ethics matter
in purchase behavior. The Journal of consumer marketing, 17, 560-577.
d’Astous, A., & Legendre, A. (2009). A Scale for appraising consumers’ reasons for Not
Behaving ethically. Journal of business ethic, 87, 255-268.
De Pelsmacker, P., Driesen, L., & Rayp, G. (2005). Do consumers care about ethics?
Willingness to pay for fair-trade coffe. The Journal of consumer affairs, 39, 363-385.
Deutsch, R., & Strack, F. (2010). Building blocks of social behavior: Reflective and
impulsive processes. In B. Gawronski, & B. K. Payne (Eds.), Handbook of Implicit Social
Cognition (pp. 62-79). Guilford: New York.
Ehrich, K.R., & Irwin, J.R. (2005). Willful ignorance in the request of product attribute
information. Journal of Marketing Research, 42, 266–277.
Fabrigar, L. R., & Wegener, D. T. (2010). Attitude structure. In R. F. Baumeister & E. J.
Finkel (Eds.), Advanced social psychology: The state of the science (pp. 177-216). New
York, NY: Oxford University Press.
Fazio, R. H. (1990). Multiple processes by which attitudes guide behavior: The MODE
model as an integrative framework. In M.P. Zanna (Ed.), Advances in experimental
social psychology, (Vol. 23, pp. 75-109). San Diego, CA: Academic Press
Fazio, R. H. (1995). Attitudes as object-evaluation associations: Determinants,
consequences, and correlates of attitude accessibility. In R. E. Petty & J. A. Krosnick
(Eds.), Attitude strength: Antecedents and consequences (pp. 247-282). Hillsdale, NJ:
Lawrence Erlbaum Associates,Inc.
Fazio, R. H. (2007). Attitudes as object-evaluation associations of varying strength.
Social Cognition, 25, 603-637.
Fishbein, M., & Ajzen, I. (1975). Belief, attitude, intention and behavior: An introduction
to theory and research. Reading, MA: Addison-Wesley.
Fazio, R. H., Sanbonmatsu, D. M., Powell, M. C., & Kardes, F. R. (1986). On the
automatic activation of attitudes. Journal of Personality and Social Psychology, 50, 229238.
Gawronski, B., & Payne, B. K. (Eds.). (2010). Handbook of implicit social cognition:
Measurement, theory, and applications. New York: Guilford Press.
5
Gawronski, B., & Bodenhausen, G. V. (2006). Associative and propositional processes in
evaluation: An integrative review of implicit and explicit attitude change. Psychological
Bulletin, 132, 692-731.
Greenwald, A. G., McGhee, D. E., & Schwartz, J. K. L. (1998). Measuring individual
differences in implicit cognition: The Implicit Association Test. Journal of Personality
and Social Psychology, 74, 1464-1480.
Irwin, J., & Naylor, R.W. (2009). Ethical decisions and response mode compatibility:
Weighting of ethical attributes in consideration sets formed by excluding versus
including product alternatives. Journal of Marketing Research, 46, 234–246.
Lutzenhister, L. (2002). Marketing household energy conservation: The message and the
reality. In T. Dierz & P.C Stern (Eds,), New Tools for Environmental Protection (pp.4966). Washington, DC : The National Academy Press.
Perugini, M. (2005). Predictive models of implicit and explicit attitudes. British Journal
of Social Psychology, 44, 29–45.
Perugini, M., Richetin, J., & Zogmaister, C. (2010). Prediction of behavior. In B.
Gawronski, & B. K. Payne (Eds.), Handbook of implicit social cognition: Measurement,
theory, and applications (pp.255-277). New York: Guilford Press.
Petty, R. E., & Cacioppo, J. T. (1986). The elaboration likelihood model of persuasion. In
L. Berkowitz (Ed.), Advances in experimental social psychology, (Vol. 19, pp. 123–205).
New York: Academic Press.
Petty, R. E., Briñol, P., & DeMarree, K. G. (2007). The meta-cognitive model (MCM) of
attitudes: Implications for attitude measurement, change, and strength. Social Cognition,
25, 657-686.
Steg, L., & Vlek, C. (2009). Encouraging pro-environmental behaviour: An integrative
review and research agenda. Journal of Environmental Psychology, 29, 309-317.
Stern, P.C. (2000). Psychology and the science of human-environment interactions,
American Psychologist. 55, 523-530.
Strack, F., & Deutsch, R. (2004). Reflective and impulsive determinants of social
behavior. Personality and Social Psychology Review, 8, 220–247.
Van Doorn, J., Verhoef, P.C., & Bijmolt, T.H. (2007). The importance of non-linear
relationships between attitude and behavior in policy research. Journal of consumer
policy, 30, 75-90.
6
Winter, D. (2000). Some big ideas for some big problems. American Psychologist, 55,
516-522.
World Business Council for Sustainable Development’s (2008). Sustainable consumption
facts and trends from a business perspective, WBCSD Report, 40p. [EN LIGNE],
http://www.wbcsd.org/DocRoot/I9Xwhv7X5V8cDIHbHC3G/WBCSD_Sustainable_Con
sumption_web.pdf