La page blanche - Revue Internationale de Géomatique

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La page blanche - Revue Internationale de Géomatique
ÉDITORIAL
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JACQUES BARRAUX
La page blanche
L
’Histoire du futur se lira sans doute sur des tablettes
numériques. Celle du passé aura du mal à quitter le refuge
des livres en papier. Ces livres qui s’empilent dans le
délicieux désordre d’un bureau ou d’une bibliothèque. Ces livres
qu’un beau matin on décide d’épousseter, de trier et de feuilleter
au hasard. On tombe soudain sur des passages qui jettent un pont
inattendu entre un monde oublié et une actualité brûlante.
Ainsi en va-t-il des livres consacrés aux mondes du travail et
de l’entreprise. Un monde plus transformé en quarante ans que
tout au long des deux précédentes révolutions industrielles. Un
exemple. On ne parle plus beaucoup aujourd’hui de Peter Drucker,
quintessence de l’esprit viennois transposé dans l’univers de la
grande corporation américaine. Conseiller préféré des PDG de
multinationales entre 1950 et 1980. Auteur délibérément snobé
par le monde académique. La relecture fortuite d’un texte publié
en 1949, avant qu’il ne devienne un auteur de best-seller, laisse
quelque peu songeur. « Nous allons vers le déclin des grandes
oligarchies marchandes qui règnent à la City de Londres, à Wall
Street et à State Street à Boston assure-t-il. Bientôt, les plus
brillants diplômés de Harvard ne chercheront plus un job dans la
finance ou au New York Stock Exchange. Ils viseront des postes
de responsabilité dans l’énergie, l’automobile, l’électricité ou les
produits de consommation de masse. » La finance détrônée par
l’industrie ? On sursaute à la lecture de ces lignes en pensant aux
décennies qui allaient suivre.
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Revue française de gestion – N° 236/2013
Mais le propos revient bientôt en mémoire.
Deux remarques viennent alors à l’esprit.
Supposons que ce vieux livre oublié ait été
feuilleté avant 2007 et les premiers symptômes de la crise des « subprimes ». Les
anticipations de Peter Drucker auraient tout
bonnement provoqué l’hilarité. À présent,
ils laissent songeurs. Est-il aujourd’hui
plus tentant pour un « haut potentiel », de
faire carrière chez Goldman Sachs plutôt
qu’au sein de l’état-major de Google ou de
Biogen ? Chez Lazard ou Colony Capital
plutôt que chez Nestlé, Airbus, Procter &
Gamble ou General Electric ? La question
est redevenue ouverte.
La seconde remarque concerne le caractère
cyclique des modes de pensée en matière
de management. De l’organisation intégrée des grandes firmes des années 19501980 à l’obsession du « core business » des
années 1980-2010. Des campagnes offensives sur les marchés de grande consommation à la guerre froide de la valeur
actionnariale. De l’âge d’or du marketing
aux heures de gloire de la finance créative,
Peter Drucker s’est trompé sur une longue
séquence de l’histoire économique. Mais
rien ne dit qu’un nouveau chapitre ne soit
pas en train de s’écrire, plus conforme à ses
prévisions sur le rôle de l’entrepreneur, le
levier de la technologie et le pouvoir souverain du client.
L’entreprise n’est pas le jouet des oligarchies. Elle est le reflet de la société dans
laquelle elle s’insère. Reflet des mentalités, des attentes exprimées, du degré de
consensus social, du niveau d’instruction,
du niveau de vie, en un mot d’un faisceau
de données qui décident de la conformité
de son offre avec les attentes des citoyensconsommateurs. Développement durable,
mondialisation, révolution numérique, crispations sociales… Encore toute étourdie par
les effets de la bourrasque financière, l’entreprise se retrouve aujourd’hui face à une
page blanche. À elle d’imaginer une règle
du jeu en harmonie avec le nouveau cycle
de croissance qui se profile à l’horizon.
SOMMAIRE
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numéro 236
octobre 2013
7
Éditorial – Jacques Barraux
11
Ont contribué à ce numéro
15
Adaptation des systèmes de contrôle en temps de crise.
Perceptions et réactions des commerciaux
Madeleine Besson, Laure Lavorata
33
Identité organisationnelle et adoption d’une innovation
de business model. Le modèle low cost de Transavia au sein
d’Air France (2004-2012)
Jean-François Gagne
49
Le Jam : analyse et enjeux de l’outil crowdsourcing d’IBM.
Le cas du Nekoé Jam
Erwan Boutigny, Sophie Renault
Dossier : L’investissement socialement responsable
Sous la direction de Patricia Crifo, Nicolas Mottis
69
L’ISR à la recherche de nouveaux élans ?
Patricia Crifo, Nicolas Mottis
79
L’investissement socialement responsable.
Origines, débats et perspectives
Christophe Revelli
93
Le rôle de la labellisation dans la construction d’un marché.
Le cas de l’ISR en France
Diane-Laure Arjaliès, Samer Hobeika, Jean-Pierre Ponssard,
Sylvaine Poret
109
Mesurer les performances extrafinancières.
Le véritable défi de l’ISR
Gunther Capelle-Blancard, Aurélien Petit
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Revue française de gestion – N° 236/2013
127
Les investisseurs particuliers et l’ISR.
Une relation complexe
Fabien Durif, Isabelle Prim-Allaz, Hind Sami
149
La recommandation des fonds ISR.
Une étude empirique sur les conseillers clients bancaires français
Marco Heimann, Sébastien Pouget
163
La RSE et les PME.
Analyse descriptive à partir de l’enquête COI 2006
Rim Oueghlissi
181 Summary
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ONT CONTRIBUÉ À CE NUMÉRO
Diane-Laure ARJALIÈS est professeur
assistant au département de comptabilité et
contrôle de gestion d’HEC Paris. Diplômée
de l’ESSEC et de l’université Paris Ouest
Nanterre, ses travaux portent sur le développement de l’ISR dans la gestion d’actifs
et sur l’introduction de mesures de performance non financière dans les systèmes
de comptabilité et de contrôle de gestion.
Avant de rejoindre le corps professoral de
HEC Paris, elle fut analyste ISR dans une
société de gestion d’actifs et chercheur au
sein de l’École polytechnique et de la Manchester Business School. 
de management international, il enseigne
le management stratégique et le marketing
international. Il est l’auteur d’une thèse
portant sur la compréhension du rôle de
la compétence collective au sein de phénomènes de coopération dans l’entreprise.
Ses recherches portent sur les innovations
managériales en règle générale et le crowdsourcing en particulier. Il étudie en outre
les nouvelles modalités organisationnelles
de partage de connaissances autorisées par
les technologies de l’information et de la
communication.
Madeleine BESSON, diplômée de
HEC, titulaire d’un doctorat en sciences de
gestion et habilitée à diriger des recherches,
enseigne le marketing à Télécom École de
management et met en place des pédagogies actives. Ses deux principaux thèmes
de recherche sont le management commercial et le marketing de l’innovation. Elle a
publié de nombreux articles dans des revues
francophones et anglophones. Elle a mis
en place l’organisation de la recherche de
l’école de management entre 2005 et 2008
et encadre aujourd’hui des thèses en marketing au sein du laboratoire IRG.
Gunther CAPELLE-BLANCARD est
professeur à l’université Paris 1 PanthéonSorbonne depuis 2007, il y dirige le master
« Monnaie-banque-finance ». Ses travaux
de recherche portent globalement sur la
place et le rôle de la finance dans l’économie. Il est l’auteur de plus d’une trentaine
d’articles académiques sur l’organisation,
le fonctionnement et la régulation des marchés, la finance éthique et la responsabilité
sociale des entreprises. De 2007 à 2009,
il a été conseiller scientifique au Conseil
d’analyse économique, avant d’occuper, de
2009 à 2013, le poste de directeur-adjoint
du CEPII.
Erwan BOUTIGNY est maître de conférences en sciences de gestion au pôle international de management de l’université
du Havre et membre du laboratoire de
recherche Nimec. Responsable du master 2
Patricia CRIFO est professeur à l’université Paris Ouest Nanterre la Défense
et professeur chargé de cours à l’École
polytechnique, chercheur associé externe
de CIRANO (Montréal) et membre du
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Revue française de gestion – N° 236/2013
Conseil économique pour le développement durable, de la Commission des
comptes et de l’économie de l’environnement, de la plateforme RSE, du jury du
prix FIR. Elle est coresponsable de la chaire
FDIR. En 2010 elle a été nominée au prix
du Meilleur jeune économiste (Le Monde/
Cercle des économistes). Elle a publié une
trentaine d’articles académiques, rapports
ou chapitres d’ouvrage sur la responsabilité
sociale et environnementale des entreprises,
la croissance verte, le progrès technique,
l’organisation du travail et les inégalités.
Marco HEIMANN, est doctorant en psychologie cognitive et en sciences de gestion
à l’université de Toulouse. Il est intéressé
par les processus de prise de décision qui
sous-tendent les choix des investisseurs,
en particulier en présence d’informations
extrafinancières. Membre actif dans les
communautés de l’investissement socialement responsable tels que les UNPRI et la
chaire FDIR, son travail de thèse a déjà été
récompensé par plusieurs financements et a
suscité l’intérêt de nombreux chercheurs et
professionnels.
Fabien DURIF est professeur au département marketing de l’École des sciences
de gestion (ESG) à l’université du Québec
à Montréal. Il est directeur de l’Observatoire de la consommation responsable et de
l’Équipe de recherche sur la consommation
responsable. Il conduit des recherches sur
les thèmes de la consommation socialement
responsable et de la gouvernance éthique.
Samer HOBEIKA a effectué sa thèse de
doctorat au sein du laboratoire d’économétrie de l’École polytechnique, dans le cadre
d’une collaboration CIFRE avec Novethic,
filiale de la Caisse des dépôts et centre
de recherche sur l’investissement socialement responsable. En décembre 2011, il
a soutenu sa thèse intitulée « L’ISR : des
épargnants particuliers aux investisseurs
institutionnels de long terme », qui porte
sur les problématiques de labellisation des
produits d’épargne ISR à destination des
particuliers, ainsi que sur la perception des
enjeux d’investissement responsable par les
grands investisseurs, souvent publics, de
long terme.
Jean-François GAGNE a été consultant en stratégie et transformation d’entreprise pendant quinze ans. Il a ensuite
soutenu en 2008 une thèse sur les dynamiques d’identification des salariés à un
nouveau discours organisationnel. Ses axes
de recherche portent sur l’identification
des salariés, l’identité organisationnelle et
les identités des salariés. Il est enseignantchercheur à l’ISG Paris. Il est aussi Professional Associate au sein du cabinet de
conseil Aldema Partners, structure au sein
de laquelle il collabore sur les thématiques
de la transformation d’entreprise, de la
formulation de stratégie d’entreprise et du
management par la marque.
Laure LAVORATA est maître de conférences habilitée à diriger des recherches à
l’université Paris-Est Créteil Val-de-Marne
(UPEC). Titulaire d’un doctorat sur le
comportement éthique du vendeur et les
facteurs qui l’influencent, ses recherches
portent également sur l’éthique des distributeurs, l’éthique en marketing et le marketing durable ainsi que sur des outils métho-
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Ont contribué à ce numéro
dologiques (ex. méthode des scénarios).
Elle est coordinatrice d’un projet financé
par l’Agence nationale de la recherche sur
4 ans intitulé DIACODD (« Distribution
alimentaire, consommation et développement durable ») qui a pour objectif d’étudier la perception que les consommateurs
ont des pratiques de développement durable
des distributeurs. Par ailleurs, elle a travaillé
dans le secteur de la presse professionnelle
en tant que directrice de publicité.
Nicolas MOTTIS est docteur en économie de l’École polytechnique et professeur
à l’ESSEC, dont il a été directeur de 2002
à 2005. Ses recherches portent sur l’articulation entre stratégie et contrôle de gestion,
la gestion de projet et sur l’ISR. Il a publié
plusieurs ouvrages, notamment récemment Pilotage de l’entreprise et contrôle
de gestion (coécrit avec R. Demeestère et
P. Lorino, 5e édition, Dunod, 2013), et de
nombreux articles dans des revues nationales et internationales. Il est membre du
jury académique des Principles of Responsible Investment (PRI – United Nations
FI) et de celui du Forum de l’investissement
responsable.
Rim OUEGHLISSI est doctorante au
département d’économie (EPEE) de l’université d’Évry Val d’Essonne. Elle prépare
sa thèse en cotutelle avec l’Institut des
hautes études commerciales de Tunis. Ses
recherches portent sur la RSE, ISR, les performances des entreprises, la dette publique
et l’économétrie.
Aurélien PETIT est docteur en économie
à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il
13
a soutenu sa thèse en octobre 2013 sur « La
responsabilité sociale de l’entreprise :
enjeux, stratégies, impacts ».
Jean-Pierre PONSSARD est ancien
élève de l’École polytechnique et titulaire
d’un PhD de l’université de Stanford. Il
est professeur à l’École polytechnique et
directeur de recherche au CNRS. Il coordonne les chaires « Business Economics »
et « Finance durable et investissement responsable ». Il est l’auteur de La montée en
puissance des fonds d’investissement : quels
enjeux pour les entreprises ? (coécrit avec
D. Plihon, 2002, Documentation française).
Sylvaine PORET, docteur en économie
de l’université Paris Panthéon-Sorbonne,
est chargée de recherche à l’INRA, chercheuse associée au département d’économie de l’École polytechnique et participe à
la chaire Finance durable et investissement
responsable. Ses recherches utilisent les
outils théoriques de l’économie industrielle
et l’analyse économique du droit et portent
notamment sur le commerce équitable, les
organismes génétiquement modifiés, et les
labels durables.
Sébastien POUGET est professeur de
finance à l’IAE de Toulouse et membre de
Toulouse School of Economics (université
Toulouse 1 Capitole). En 2010-2011, il
a été professeur invité à l’université de
Princeton où il enseignait la gestion de
portefeuille et la finance comportementale.
Ses recherches portent sur les marchés
financiers avec une approche multidisciplinaire qui mêle l’économie, la psychologie,
et l’histoire. Elles ont été publiées dans des
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Revue française de gestion – N° 236/2013
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revues internationales. Il est codirecteur de
la chaire « Finance durable et investissement responsable » (FDIR).
Isabelle PRIM-ALLAZ est agrégée du
secondaire en économie et gestion, docteur
en sciences de gestion, maître de conférences en marketing, rattachée au centre
de recherche Coactis – université de Lyon/
Lyon 2 (EA 4161). Ses recherches portent
principalement sur les relations entre les
banques et les PME (analyse des échanges
relationnels versus transactionnels, notamment à travers la théorie du contrat social),
la gestion de la relation client et la croissance des PME/ETI, mais aussi sur le
tourisme durable. Elle est membre de l’Observatoire de la consommation responsable.
Sophie RENAULT est maître de conférences en sciences de gestion à l’IAE
de l’université d’Orléans et membre du
laboratoire Vallorem. Ses recherches
s’articulent autour de deux principaux axes.
Le premier axe a trait à l’implantation
des équipementiers à proximité immédiate
des sites de production des constructeurs
automobiles au sein de parcs industriels
fournisseurs. Ses travaux traitent alors de
la question de la coordination interentreprise dans un contexte d’agglomération
spatiale. Le second axe repose sur le crowdsourcing et les enjeux du recours aux
ressources et compétences dont la foule
dispose. Sa recherche s’est alors enrichie
de l’observation de formules originales
d’idéagoras dont le Nekoé Jam ou bien
encore le Global Service Jam. Par ailleurs,
elle s’intéresse au fonctionnement de plusieurs plateformes de crowdsourding (eYeka,
Duolingo, etc.) et de crowdfunding (Ulule,
MyMajorCompany…).
Christophe REVELLI est professeur de
finance au sein de Kedge Business School.
Il est membre du conseil scientifique de
la chaire AGR2 - La Mondiale « Finance
autrement : investissement – solidarité –
responsabilité » et membre du réseau de
recherche FAS (Finance and Sustainability). Ses recherches s’inscrivent dans le
champ de la finance durable (ISR, impact
investing, finance islamique). Il a reçu en
2012 le prix de recherche RIODD-VIGEO
pour sa thèse « Performance financière de
l’investissement socialement responsable
(ISR) : approche métaanalytique ».
Hind SAMI est maître de conférences
en finance à l’université Lumière Lyon
2 depuis septembre 2009 et membre du
laboratoire de recherche Coactis. Elle est
docteur en sciences économiques, mention finance. Sa thématique de recherche
porte sur le thème général de la diffusion
d’information sur les marchés financiers.
Ses principales applications sont : le marché de l’information financière (analystes
financiers), la gouvernance d’entreprise et
l’investissement socialement responsable.