les temps des enfants - Observatoire de l`Enfance, de la Jeunesse et

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les temps des enfants - Observatoire de l`Enfance, de la Jeunesse et
LES TEMPS
DES ENFANTS
LES TEMPS DES ENFANTS
Etude documentaire commanditée par l’Observatoire de l’Enfance et de la
Jeunesse de la Communauté Française de Belgique
Gentile Manni, chercheur
Département « Education et formation »
Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Liège
Mai 2004
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
1
I. INVENTAIRE DE LA DOCUMENTATION PORTANT SUR LES TEMPS DES
ENFANTS ET SES DETERMINANTS.
2
A. ÉTUDES DESCRIPTIVES
1. Études portant sur l’emploi du temps des enfants
2. Études portant sur l’organisation des temps des enfants
3. Travaux portant sur les rythmes de vie des enfants.
B. ANALYSES, REFLEXIONS ET POINTS DE VUE CRITIQUES
1. L’organisation du temps des enfants
2. Les rapports entre temps et construction de l’identité
9
9
17
C. RECHERCHES ACTIONS ET EXPÉRIENCES PÉDAGOGIQUES
a. Dans les établissements scolaires.
b. Dans les milieux d’accueil de la petite enfance.
21
21
22
D. DES INITIATIVES POLITIQUES
26
II. LE TEMPS DES PARENTS.
III.
2
2
5
7
27
A. DES ÉTUDES DESCRIPTIVES.
27
B. DES ANALYSES ET POINTS DE VUE CRITIQUES
30
C. DES INITIATIVES POLITIQUES
35
PROBLEMES IDENTIFIES
37
1. CONFLIT ENTRE TEMPS DES ENFANTS ET TEMPS PROFESSIONNELS DES PARENTS,
TEMPS DES PROFESSIONNELS.
37
IV.
2. CONFLIT ENTRE RYTHMES INDIVIDUELS ET NORMES SCOLAIRES OU DE
DEVELOPPEMENT.
37
3. ARTICULATIONS MALAISEES ENTRE TEMPS FAMILIAUX ET TEMPS SOCIAUX.
38
4. DEBATS ET FLOU AUTOUR DE LA NOTION DE TEMPS LIBRE DES ENFANTS
38
PISTES D’ETUDES
40
1. ETUDES D’EMPLOI DU TEMPS DES ENFANTS
41
2. ENQUÊTES D’OPINION AUPRES DES ENFANTS
41
3. ENQUÊTE SUR LES REFERENTIELS GUIDANT L’ORGANISATION DES HORAIRES ET
LE DEROULEMENT DU TEMPS AUPRES DES MILIEUX D’ACCUEIL, ETABLISSEMNTS
SCOLAIRE ET OPERATEURS EXTRASCOLAIRES.
42
V. BIBLIOGRAPHIE THEMATIQUE
43
1. Etudes de budget temps enfants
43
2. Aménagement du temps des enfants (ATE)
43
3. Temps scolaires/temps sociaux
44
4. Enfance et contexte de vie
45
5. Temps des adultes/des parents
45
6. Temps sociaux
47
7. Cadre conceptuel et méthodologique
48
8. Approche psychologique
48
9. Approche pédagogique
49
INTRODUCTION
Les études et recherches portant sur le temps foisonnent. Ils couvrent des champs extrêmement
divers : philosophie, psychologie, sociologie, histoire, pédagogie, physique, chronobiologie,
anthropologie. Les enjeux sont multiples : économiques, politiques, éducatifs, syndicaux. Les
travaux portant spécifiquement sur le temps, les temps des enfants sont plus rares et par ailleurs
éparpillés dans les différentes approches, quelques fois cachés dans les enquêtes dédiées aux
adultes. Les repérer relève du jeu de piste. Aussi ce travail documentaire a pris l’option suivante :
relever des études illustrant la diversité de la problématique et des domaines relatifs aux temps
des enfants. Il ne prétend pas à l’exhaustivité.
Plusieurs ouvrages ont guidé la lecture de la documentation :
- Les temps de la vie quotidienne 1 et Pour une science des temps. Introduction à l’écologie temporelle2 de William
GROSSIN.
- Temps et ordre social3 de Robert SUE ;
- Sociologie de temps4 de Gilles Pronovost.
Ils ont ouvert la problématique et indiqué la nécessité, si on veut approcher « le temps »,
d’appréhender « les temps ».
Enfin ce travail a bénéficié d’apports critiques et stimulants de Patricia Palermini, philosophe5.
1
Paris, Mouton, 1974.
Toulouse, Octares Editions, 1996.
3
Paris, PUF Le sociologue, 1994.
4
Bruxelles, De Boeck, 1996.
5
Auteure de « Misère de la bioéthique », Labor, collection « Liberté, j’écris ton nom », Bruxelles,
2003.
2
Les temps des enfants
1
I. INVENTAIRE DE LA DOCUMENTATION PORTANT SUR LES TEMPS
DES ENFANTS ET SES DETERMINANTS.
Les résultats de la recherche documentaire s’articulent autour de quatre pôles
A. Études descriptives.
B. Analyses, réflexions et points de vue critiques.
C. Recherches action et expériences pédagogiques.
D. Initiatives politiques.
A. ÉTUDES DESCRIPTIVES
1. Études portant sur l’emploi du temps des enfants
Les études portant sur l’emploi du temps sont généralement menées par les instituts de
statistiques. Rares sont celles qui incluent les enfants. Ainsi :
Belgique : INS : seules données disponibles pour les individus à partir de l’âge de 15 ans ;
demande a été faite à l’INS afin de savoir si il existait des données pour les enfants en dessous de
12 ans et, dans l’affirmative, s’il était possible de les traiter ; pas de réponse.
Communauté européenne : Eurostat : pas de données (demandées).
Angleterre : pas de données.
France : INSEE : étude sur l’emploi du temps, questionnaires à partir de 12 ans mais le
traitement des résultats regroupe les 12-19 ans. Une donnée concernant l’emploi du temps d’un
enfant en France : 8500 heures annuelles, dont 5000 éveillées : 1000 à l’école, 2000 dans le temps
libre, 750 devant la télé ou autres média.
Italie : ISTAT : données dans le cadre du thème : Emploi du temps des hommes et des femmes
en Italie6.
L’analyse quantitative italienne porte sur l’emploi du temps en fonction de l’âge et du sexe. Elle
envisage le temps dédié aux activités physiologiques (manger, dormir, hygiène personnelle), et le
temps « obligatoire » (répartition entre école, travaux domestiques, courses). Elle examine les
6
LL. SABBADINI, R. PALOMBA, Tempi diversi, L’uso del tempo di uomini e donne nell’Italia di
oggi, Rome, ISTAT, 1994. Voir en particulier le chapitre 2 « Il tempo dei bambini : fin da piccoli una
strada segnata ? ».
Les temps des enfants
2
différentes activités dont se compose le temps libre des enfants ainsi que l’utilisation du temps
pour des jeux, des fêtes, des bavardages. Enfin l’étude envisage le temps consacré aux mass media
et à la lecture, à des activités d’expression (dessiner, faire de la musique) et contemplatif (penser,
prier,…).
Les activités physiologiques et l’école absorbent ¾ d’une journée standard. Le temps libre
(résiduaire) constitue ¼ de la journée. Ce temps libre est concentré pour les plus petits sur des
activités ludiques, la télévision ne venant qu’en deuxième position alors que la situation s’inverse
pour les plus grands ( 2H par jour à partir de 6 ans). La perte d’intérêt pour les jeux est également
compensée par la lecture. Les auteurs soulignent la place importante prise par l’activité « parler »,
une demi-heure pour les plus petits, une heure pour les plus grands. « Des premières analyses il
semble qu’il existe deux mondes différents : celui des enfants plus petits (de 3 à 5 ans) pour lequel
le temps libre est prévalent et constitué principalement d’activité ludiques ; et celui des plus
grands, pour lequel le temps libre est parcellisé et plus distinctement caractérisé : activités
sportives organisées ou non, télévision, lecture ; dans cet ultime monde le jeu est remplacé, en
partie, par un « temps libre formatif ».
Au-delà d’une approche quantitative, ce travail offre une approche qualitative à partir de l’analyse
de « journaux d’emploi du temps » c'est-à-dire de tableaux où il est demandé aux participants de
noter au fil de la journée : les différentes activités, l’heure de début et de fin, le lieu où se déroule
l’activité, les personnes présentes, une activité concomitante, secondaire. Il semble (mais ce n’est
pas explicité) que, dans le cadre de cette recherche, on ait demandé à des enfants, dès l’age de
6ans, de tenir ce type de journal.
L’analyse qualitative met en évidence une vision propre, spécifique aux enfants, de « l’activité » :
ainsi rêver, ronfler,…sont considérés par certains enfants comme une activité, remettant en
question les catégories « adultes » et par là le système de codage des données. Les auteurs
reconnaissent également la difficulté à traduire la dimension émotionnelle des termes enfantins :
« ma petite sœur » sera codé « frères et sœurs », « je prends un bon petit bain » devient« se laver ».
L’étude met en évidences des différences filles/garçons quant à la répartition et l’utilisation des
différents temps ; les petites filles sont plus impliquées dans le travail domestique. Les auteurs y
voient une préfiguration de la situation adulte.
Relevons donc la quasi absence d’études sur l’emploi du temps des enfants révèle le peu d’intérêt
des instituts de statistiques – c’est-à-dire des pouvoirs publics – pour l’emploi du temps des
enfants.
Mais aussi, de façon plus large, divers auteurs mettent en évidence les limites7 et les problèmes
méthodologiques et d’analyse des études « budgets-temps ». Ainsi Nicole Samuel8 :
« une controverse persiste sur la valeur de la méthode des budgets-temps. Que lui reproche-t-on ?
Principalement d'être "extensive" et non "intensive" c'est-à-dire de rester au niveau descriptif ;
d'être trop proche du langage courant et de n'en proposer qu'une simple transposition ; de ne
comporter que des données sur les aspects manifestes de comportements humains sans qu'il soit
7
C. BELLONI, Les limites de recherche des budgets-temps, Temporalistes, n° 8, avril 1988.
I. GLORIEUX, Que signifie votre temps ? Quelques arguments pour inclure, dans la recherche sur les
budgets-temps, des indicateurs sur la signification du temps, Temporalistes, n° 39 (numéro thématique
: Les budgets-temps), mars 1999.
W. GROSSIN, Limites, insuffisances et artifices des budgets-temps, Temporalistes, n° 39 (numéro
thématique : Les budgets-temps), mars 1999.
N. SAMUEL, Pour ou contre les budgets-temps ?, Temporalistes, n° 39 (numéro thématique : Les
budgets-temps), mars 1999
Les temps des enfants
3
possible d'analyser en profondeur le discours des répondants ; de se limiter à une classification
des activités qui ne donne pas sa place à la complexité des comportements humains et enfin de
manquer de fiabilité, car les répondants découpent souvent leur temps de manière imprécise et ne
mentionnent que les plus importantes de leurs activités et celles qui leur semblent socialement
valorisées ou au moins acceptables.
Différents points de vue sont exprimés sur cette controverse (dans ce numéro des
"Temporalistes"). Celui de William Grossin va dans le sens de la critique de la méthode des
budgets-temps. Analysant l'étude internationale des budgets-temps dirigée par A. Szalai et citée
plus haut, il insiste sur les faiblesses existant dans la collecte des données, souligne en particulier
la fragilité du témoignage des répondants et met en doute la validité de la mesure des faits par un
étalon (l'heure, la journée), étalon qu'il juge arbitraire car imposé par la société industrielle qui
découpe artificiellement le temps. Concluant que les budgets-temps ne constituent pas un
instrument de connaissance scientifique et qu'il faut se garder de les utiliser pour analyser des
temps hautement qualitatifs comme ceux de la vie personnelle et familiale, il concède cependant
leur utilité comme procédé de portée limitée et provisoire pour dénoncer en les chiffrant les
contraintes temporelles imposées à la vie quotidienne.
Dans une perspective constructive, Ignace Glorieux - comme l'avaient notamment tenté dans le
passé Sorokin en 1939, Chombart de Lauwe en 1956 ainsi que Foote et Meyersohn en 1961 propose, dans son travail avec Mark Elchardus, d'ajouter une dimension qualitative aux budgetstemps : en attribuant des significations aux temps étudiés, il obtient des informations sur les
motivations de l'allocation du temps et sur les critères de cette allocation, ouvrant ainsi de
nouvelles perspectives théoriques et méthodologiques à l'analyse des données recueillies grâce à la
méthode des budgets-temps. Enfin Jiri Zuzanek et John Robinson montrent concrètement
comment, pour analyser le problème de la pression temporelle et du "stress" et pour comparer
sur ce point le Canada et les USA, il est fructueux d'utiliser les enquêtes de budgets-temps à
condition de les compléter par d'autres types d'analyse.
Au total, on peut conclure que les enquêtes de budgets-temps, malgré les critiques souvent
fondées dont elles font l'objet, offrent un intérêt théorique et pratique réel : en effet, les données
qu'elles permettent de recueillir sont d'une grande richesse et, grâce aux progrès de
l'uniformisation dans l'utilisation des statistiques, dans la classification des activités et dans la
connaissance de la signification de ces dernières, elles constituent un outil précieux - sinon
parfait, pour mener les études temporelles longitudinales et internationales qui permettent
d'analyser le changement social et les tendances internationales dans l'emploi du temps.
W. Grossin, particulièrement critique, pose la question de la proscription de ces études. Ci-après
sa réponse : « il ressort que l'on peut utiliser des évaluations d'activités en heures et minutes
d'horloge avec d'autant plus d'à-propos que l'on connaît la précarité, les limites, les insuffisances
des budgets-temps. L'on ne cessera pas de "compter son temps" tant qu'il continuera d'être une
mesure de valeur matérielle. On dénoncera les contraintes imposées, parfois stériles, de la vie
quotidienne, tant en durées qu'en horaires, en les chiffrant. Inversement, on se gardera de
rapporter à des heures d'horloge les temps familiaux ou personnels qui n'admettent pas cette
mesure parce que leur jouissance n'a pas de prix, ni d'une occupation à l'autre, ni d'une personne
à l'autre, ni en eux-mêmes parce que diversement appréciés ou répartis. Ranger sous la rubrique
de "soins aux enfants" ceux qui coûtent peine et soucis ou source intense des joies de la
maternité, par exemple, n'a pas de sens. Il n'y a pas lieu non plus de procéder à la méthode
systématique du découpage de la journée d'hier en distribuant les vingt-quatre heures pour tous et
pour tout.Autant devrait-on refuser les budgets-temps comme un instrument de connaissance
scientifique, car en fait ils la desservent plus qu'ils y contribuent, autant peut-on s'en servir
comme d'un procédé de portée limitée et provisoire, par exemple en cas de litige1. Par là
reconnaît-on le fait des lois et règles, des usages et signes qui régissent nos rapports sociaux.
Les temps des enfants
4
Nulle crainte ici d'une ossification des structures mentales. C'est la pratique du temps mesuré et
les relevés qui en sont fait qui portent en eux la plus solide critique du bien-fondé de la mesure. »
2. Études portant sur l’organisation des temps des
enfants
a. L’organisation de la journée
Un deuxième courant, né de considérations de politique éducative, s’intéresse à l’organisation des
journées des enfants d’âge préscolaire.
Dans le cadre d’une vaste enquête internationale « IEA PRESCHOOL », des études ont portés
sur l’organisation d’une journée des enfants de 4 ans. Des chercheurs de l’ULG qui dans ce cadre
ont étudié l’organisation d’une journée de 4 à 6 ans dans la région liégeoise, présentent ainsi leur
travail9 :
« Cette étude essaie, dans un premier temps, de cerner les conditions de vie des enfants de 4 à 6
ans par le biais de l’organisation de leur journée. Ensuite, les liens entre contraintes familiales
(travail des parents, leur absence du domicile,…), ressource de garde et organisation de la journée
de l’enfant sont envisagés. Ces analyses sont principalement basées sur le temps que l’enfant
passe dans différents lieux et avec différentes personnes ainsi que leur nombre. Il en résulte que,
si des enfants connaissent peu de lieux différents et y restent longtemps, d’autres fréquentent
beaucoup de lieux différents. Tous sont finalement peu en contact avec leur père. L’organisation
de la journée de la mère déterminerait celle de leur enfant, tandis que l’activité du père n’a
presque aucune influence. »
Ces études10 indiquent et confirment que les conditions de vie des enfants sont étroitement
dépendantes des modalités de vie de leur mère. Par ailleurs elles fournissent des indications
intéressantes pour fonder des choix, des priorités en matière de services à développer ou
encourager en matière d’accueil extrascolaire notamment.
Cette voie de recherche, basée sur des recueils de déroulement de journée, a été reprise par la
même équipe de recherche dans le cadre d’une vaste étude suivant une cohorte d’enfants pendant
20 années11.
9
M. CRAHAY, A. DELHAXHE, G. HYNDRYCKX, V. PIELTAIN, L’organisation d’une journée
d’un enfant de 4 à 6 ans: enquête dans la région liégeoise, 1991, Enfance, 45 (1-2), 127-152.
10
A.DELHAXHE, G.HYNDRYCKX, PP.OLMSTED, Ma.ZHENKUI, Study Findings: Children’s
daily routines, in OLMSTED PP, WEIKART DP (ED.), Early Chidhood and Education in 11
Countries, , IEA Preprimary Project Phase 1, High/Scope Educationnal Foundation, Ypsilanti, 1994,
pp 185-237
11
GRANDIR EN L’AN 2000, Présentation succincte de la recherche, Liège, ULG, Service de
Pédagogie Expérimentale, doc. ronéotype, s.d.
Les temps des enfants
5
L’attention s’est portée sur une semaine ordinaire de ces enfants dans leur quatrième année. Les
données existent mais à ce jour n’ont pas été traitées.
Aucun exemple de recherches portant sur le déroulement de la journée d’enfants à d’autres âges,
0-3 ans, 6-12 ans n’a été repéré. Il semblerait que le temps de l’enfant avant l’âge de trois ans soit
inclus dans le temps domestique des parents sinon des mères.
b. L’organisation du temps scolaire
Le temps passé à l’école diffère de pays à pays : nombres d’heures par jour, nombre de jours, de
semaines, calendrier des vacances et congés. Il peut varier selon les âges ; ainsi à titre d’exemple,
au Danemark, l’obligation scolaire commence à 7 ans et le nombre d’heures de scolarité croît
avec l’âge des enfants : de 15 à 22H/semaine pour ceux de 7 ans à 20 à 27H/semaine pour les
enfants de 10 ans (Carels, 1989). Les études comparatives des divers systèmes ne sont pas
répertoriées dans ce travail.
Sabbbadini et Palomba (ISTAT) estiment que le temps scolaire est un temps obligatoire puisque
les enfants ne peuvent s’y soustraire et qu’ils ne disposent d’aucun pouvoir décisionnel quant à
son utilisation. Vu ces caractéristiques et vu que ce temps contraint occupe la deuxième place
dans la vie des enfants – après les activités physiologiques – les auteurs l’assimilent au temps de
travail des adultes.
Gilles PRONOVOST12 consacre son article à une analyse comparative de l’évolution des temps
sociaux et des temps scolaire et met en évidence un « brouillage » des temps sociaux.
Il note « (…) C’est à l’école que l’enfant apprend bien souvent malgré lui à devoir structurer son
temps ! L’organisation scolaire est pratiquement orientée selon un modèle analogue à
l’organisation du temps de travail : la mesure du succès scolaire est définie par le temps qu’on y
consacre. (…) Pour ce qui est de l’institution scolaire, il n’est pas exagéré de dire que ses rôles et
fonctions dans l’organisation contemporaine du temps ont été par trop négligées. L’école a
constitué à la fois le miroir et la contrepartie des conceptions contemporaines du temps. Comme
je l’ai souligné entre le temps industriel et le temps scolaire, la distinction a parfois été mince,
renvoyant à des conceptions analogues d’organisation et de structuration du temps. Mais voilà, la
diversité de plus en plus grande des cadres temporels de toute activité humaine, l’enchevêtrement
des frontières institutionnelles, l’hétérogénéité des significations accordées au moindre geste, ont
fait en sorte que les « marqueurs » temporels se sont brouillés, à plus forte raison ce qui constitue
un temps scolaire et ce qui n’en constitue pas, ce qui est « éducatif » et ce qui ne l’est pas. L’un
des défis de l’école contemporaine est de s’intégrer à une multiplicité de voies d’accès à
l’information et à l’éducation, au travers des temps multiples de la vie quotidienne. »
GRANDIR EN L’AN 2000, Déroulement d’une semaine ordinaire, Liège, ULG, Service de Pédagogie
Expérimentale, doc. ronéotype, 1992.
12
G. PRONOVOST, Temps sociaux et temps scolaires en Occident : le brouillage des frontières, in
ST-JARRE C ET DUPUY-WALKER L (sous la direction de) : Regards multiples sur le temps, SainteFoy, PUQ, 2001, pp 43-58
Les temps des enfants
6
3. Travaux portant sur les rythmes de vie des enfants.
Ces travaux apportent certains éléments de réponse aux questions relatives aux aménagement du
temps des enfants telles qu’elles sont habituellement formulées :
- l’adaptation des horaires scolaires aux biorythmes des enfants ;
- les critères « enfants » d’adaptation du calendrier scolaire.
Relevons particulièrement deux ouvrages de références : Des rythmes de vie aux rythmes
scolaires et Les rythmes de l’enfant et de l’adolescent.
Des rythmes de vie aux rythmes scolaires13.
« Prendre en compte les rythmes de vie et les respecter conditionne grandement la santé des
adultes et surtout des enfants, principalement dans nos sociétés modernes et conditionnées.
Il est donc nécessaire de connaître l’intérêt, l’importance et la fragilité de ces rythmes qui règlent
la biologie et l’existence de chacun.
Les « rythmes scolaires » représentent une tentative sociale et officielle d’appliquer aux activités
scolaires et aux vacances une correspondance réelle. La rigueur des conditions à respecter d’une
part, les contraintes sociales, professionnelles, familiales comme les genres de vie et les mœurs
modernes d’autre part rendent difficile et ambitieuse cette mise en harmonie au niveau de
l’existence des enfants scolarisés et de l’institution scolaire. Mais si les « rythmes scolaires » ne
sont encore qu’une caricature de cette mise en harmonie, ils offrent un fil conducteur à exploiter
et une raison d’exigence et de persévérance pour la santé et la formation de la jeunesse » .
Dans cet ouvrage la réflexion sur les rythmes de vie prend ancrage dans la chronobiologie. Dans
une première partie l’auteur envisage les relations entre rythmes et biologie : chronobiologie, les
fonctions en chronobiologie, la chronobiologie de l’enfant. Dans une deuxième partie, « Les
rythmes et l’enfant », sont étudiés :les mécanismes d’adaptation des rythmes au cours du
développement, les rythmes chez l’enfant scolarisé, la dysharmonie physiologique chez l’enfant
scolarisé (fatigue, sa symptomatologie et son diagnostic), les processus rythmiques et leur
dysfonctionnement chez l’enfant. La troisième partie, consacrée aux rythmes scolaires, envisage :
le temps scolaire, synchronisation et modification des rythmes et enfin les altérations temporelles
de l’institution scolaire. Enfin de dernier chapitre traite des aménagements et perspectives : d’une
part les avis du Conseil économique et social (1979,1980), d’autre part des principes de
réorganisation (principes d’intervention, organisation globale du temps, principes directeurs pour
l’établissement d’un calendrier scolaire et notamment un schéma de proposition pour
l’enseignement primaire et enfin des prospectives.
Le second ouvrage « Les rythmes de l’enfant et de l’adolescent » 14« constitue un document de
référence pour ceux qui, chercheurs, parents, enseignants, éducateurs, médecins, etc. se penchent
13
P.MAGNIN, Des rythmes de vie aux rythmes scolaires, Puf, Politique d’aujourd’hui, Paris, 1993.
Les temps des enfants
7
sur les différents aspects des rythmes de l’enfant et de l’adolescent. Il traite des rythmes de
développement de l’enfant (marche, langage, écriture, etc.), et des rythmes au sens de la
chronobiologie, c’est-à-dire des événements biologiques et psychologiques qui, périodiquement,
se reproduisent identiques à eux-mêmes.
Trois grandes conclusions doivent être soulignées :
1. les rythmes sont très variables d’un enfant à l’autre ;
2. les modes et rythmes de vie de la famille, l’ambiance familiale et les comportements de la
famille constituent des déterminants puissants des rythmes de l’enfant, mais le
comportement des éducateurs et les facteurs scolaires jouent un rôle non moins important ;
3. la chronobiologie commence à dégager des temps faibles et des temps forts pour un
nombre croissant de variables biologiques et psychiques chez l’enfant et l’adolescent, tant au
cours de la journée que dans la semaine et l’année. On peut désormais en tenir compte dans
l’organisation de la journée scolaire, du temps des loisirs et des vacances. »
14
H. MONTAGNER, Les rythmes de l’enfant et de l’adolescent : ces jeunes en mal de temps et
d’espace, Stock, Paris, 1984.
Les temps des enfants
8
B. ANALYSES, REFLEXIONS ET POINTS DE VUE CRITIQUES
Sont rassemblées sous ce titre des travaux proposant une réflexion sur le rapport au temps des
enfants et sur les contraintes auxquels ils sont soumis. Certaines de ces recherches s’appuient sur
des interviews d’enfants, de parents, d’éducateurs et des observations directes de leur contexte de
vie.
1. L’organisation du temps des enfants
a. Le temps de la puériculture
Les horaires et rythmes des bébés occupent une grande place dans les préoccupations parentales.
Les conceptions, modes et pratiques d’éducation des bébés varient selon les époques et les classes
sociales, les cultures (Boltanski)15.
Dans leur ouvrage portant sur l’histoire de la puériculture, « L’art d’accommoder les bébés »,
Delaisi de Perseval et Lallemand16 posent comme hypothèse que la recommandation de nourrir
les bébés selon des horaires fixes (fin du 19°- début du 20° siècle) faisait partie de l’arsenal des
moyens de « moralisation de la classe ouvrière » adoptés par les hygiénistes français ; l’effet
attendu était d’aligner l’horaire des ménagères, des femmes au foyer sur les rythmes et horaires du
travailleur en usine.
Cette étude n’a pas été actualisée selon la lecture des récents ouvrages de puériculture. Il serait
intéressant, 25 ans plus tard, d’actualiser cette analyse: étudier les horaires et rythmes à proposer
aux nourrissons tels qu’ils sont recommandés dans les ouvrages récents de puériculture et
s’interroger sur leur éventuelle fonction sociale dans le contexte de vie actuel.
b. Le temps de l’école
L’entrée à l’école signe pour les petits – dès l’âge de 2 ans ½ - 3ans en Belgique – la soumission à
des horaires rigoureux : heure d’entrée et de sortie de l’école ; dans l’école, alternance de temps
scolaires consacrés à l’apprentissage et d’autres réservés à la détente, aux collations, repas et
15
L Boltansky , Prime éducation et morale de classe, Paris, EHESS, 1969
G Delaisi de Perseval, S Lallemand, L’art d’accommoder les bébés : 100 ans de recettes françaises
de puériculture, Paris, Seuil, 1980.
16
Les temps des enfants
9
besoins corporels, d’autres encore à la « garde ». Ces différents temps dotés de statuts différents,
plus ou moins pleins, pensés, habités, réfléchis témoignent des rôles assumés par l’institution
scolaire et des priorités établies par les différents établissements.
ƒ
Les temps scolaires
Les travaux de sociologues du temps, les « temporalistes », interrogent les logiques des temps
scolaires, leur fonction sociale et leurs effets dans la construction sociale et identitaire des enfants.
William Grossin17 voit dans l’organisation des temps scolaire habituels un apprentissage des
temps dominants de la société industrielle :
« Toute société s'entretient à travers la succession des générations par une persistance de ses
moeurs, de ses valeurs, de sa culture. Chaque nouveau venu les reçoit en héritage et s'insère
"naturellement" dans des structures qui l'accueillent. Moeurs, valeurs, culture, idées dominantes
sont transmises à l'enfant par la famille et par l'école, en tout premier lieu.
A la faveur des enseignements décidés, élaborés, organisés s'apprennent aussi des
comportements, des attitudes conformes aux pratiques usuelles, qui "vont de soi". Ainsi en est-il
de tout ce qui se rapporte au temps de l'horloge qui devient vite un impératif de la relation aux
autres. La fréquentation scolaire structure dramatiquement les temps des enfants : injonction du
lever, hâte du déjeuner, crainte du retard, temps du trajet, signal de 1'entrée en classe,
compartimentage des emplois du temps, découpages par les récréations. Autant de passages d'une
"borne" à une autre, qui se répètent le lendemain. Les temps familiaux s'articulent alors, plus au
moins bien, avec les temps scolaires. Par là s'effectue, comme le dit Monique Haicault, un
apprentissage des temps quotidiens, une préparation à la vie réglée sur1'horloge, et, s'il nous est
permis d'insister, un véritable dressage à la rigueur des temps envahissants de la société
industrielle programmée. »
Ces chercheurs épinglent la difficulté d’aborder le thème de l’utilisation du temps dans
l’enseignement car « cristallisée sur des principes pédagogiques et biologiques et dans une
organisation figée, datant du XIX ° siècle18 ». Ainsi A. Husti montre que dans la fameuse question
des rythmes scolaires, on se soucie encore peu de l'organisation du temps à l'intérieur de l'école et
singulièrement du temps de classe19.
A partir de ce travail mené par Husti, Roger Sue20 introduit les commentaires suivants « Bel
exemple d'un temps normatif qui impose un carcan horaire uniforme sans tenir compte de la
spécificité des contenus d'enseignement ni de celle du public. La question implicitement posée est
de savoir si ce n'est pas l'activité d'enseignement, en fonction de ses caractéristiques propres, qui
devrait dans certaines limites produire sa propre amplitude temporelle et non l'inverse. On
imagine sans peine les obstacles à la mise en place de séquences éducatives différenciée. Mais, à
17
W Grossin, L’école et la vie, Temporalistes ,n°10, Janvier 1999
A Husti, Le colloque école et temps, Temporalistes, n°18, octobre 1991.
19
A HUSTI, Le temps, une variable de la démarche pédagogique, Temporalistes, n°21, 1992.
20
R SUE, Temps et éducation, Temporalistes, n°21, 1992.
18
Les temps des enfants
10
tout le moins, la question a le mérite de faire réfléchir sur les contenus d'enseignement sous un
nouvel angle, de montrer que le temps n'est pas une donnée immuable, et qu'il peut être un
excellent outil pédagogique dans la recherche d'une meilleure efficacité de l'enseignement.
L'importance de la structure temporelle dans la pédagogie, on la retrouve dans la communication
de G. Jean-Montcler. « Depuis Piaget, on sait l'importance du lien entre les repères temporels et
le développement des processus cognitifs. Repères temporels indispensables à une représentation
fonctionnelle de la conduite qui permet une programmation adéquate de l’action. On sait que
cette "faculté d'anticipation" et de projection dans le futur est le gage non seulement du
développement cognitif individuel, mais aussi du développement social. (D Mercure, R.
Rezsohazy). Si tous les phénomènes qu'ils soient d'ordre psychologique (structure mentale) ou
d'ordre sociologique (structure sociale) s'inscrivent "dans le temps", le temps ainsi produit est un
bon moyen de les refléter et de les penser. »
L’utilisation du temps scolaire pourrait être différents selon les établissements et dépendre de
l’origine sociale des enfants. Ainsi, dans une recherche M. Crahay et B. Quoidbach21 ont étudié la
répartition des activités proposées à des enfants d’école maternelle de milieux sociaux contrastés.
Il ressort de ce travail que dans l’école accueillant surtout des enfants dits « favorisés » une
majorité du temps « de classe » était consacré à des d’activités préparant à l’école primaire (pré
lecture, pré écriture,…), les temps de jeux libres étant limités. A l’inverse dans l’établissement
accueillant une majorité d’enfants dits « défavorisés » les périodes de « jeux libres », en dehors des
moments de récréation, prenaient le pas sur des activités structurées et accompagnées par
l’institutrice.
ƒ
Retentissements sociaux des horaires scolaires.
L’organisation des journées et des calendriers scolaires varie selon les pays ; les retombées sur le
déroulement de la vie des enfants et des parents diffèrent selon l’appartenance sociale des enfants
et le contexte.
Si on envisage le retentissement des horaires courts, on s’aperçoit que les effets diffèrent selon le
contexte et l’appartenance sociale. Deux exemples.
En Italie, à l’école primaire, le « mezzo tempo » est la règle : les écoliers fréquentent l’école la
matinée uniquement. Autrefois, dans une Italie agricole et latifundiaire, cette organisation libérait
les enfants pour le travail des champs. Il en allait de même lors des longues vacances d’été : aux
enfants de pauvres le travail (pas ou peu rémunéré), aux enfants aisés les jeux, les délassements, la
21
M.Crahay & B. Quoidback (1984). Caractéristiques culturelles de la population scolaire et
curriculum réalisé dans quatre classes maternelles., Scientia Paedagogica Experimentalis, XXXI, 1,
20-44.
Les temps des enfants
11
culture. Dans une livre célèbre de la fin des années 60 « Lettre à une maîtresse d’école » les élèves
de l’école de Barbiana revendiquaient pour des raisons de justice sociale le temps plein, le « tempo
pieno ».
Ce « mezzo tempo » pèse actuellement sur la vie professionnelle des femmes ; en effet en
l’absence de solutions d’accueil autre que la « baby sitter », nombre d’entre elles sont contraintes
soit à renoncer à une activité professionnelle ou alors se tournent vers des petits boulots ou le
travail à domicile.
La situation est bien différente en Suède et au Danemark par exemple où les enfants, au début de
l’enseignement obligatoire, passent très peu de temps à l’école : deux heures par jour en 1ère année
et l’allongement est progressif22. L’infrastructure d’accueil publique (out-of-school) prend le relais
dans des lieux spécifiques, pensés pour l’activité et le bien-être des enfants. Enfants et parents y
trouvent leur compte.
ƒ
Réflexions d’enfants à propos de leur rapport au temps et rythmes scolaires.
Dans différents films-video réalisés par Jacques Duez23 avec ses élèves dans le cadre du cours de
morale, les enfants analysent avec lucidité les effets des rythmes scolaires sur leur vie d’enfant :
difficulté d’être accepté quand on est lent, stigmatisation de la lenteur, effet sur le décours des
jours, sur le processus d’échec scolaire, dévalorisation personnelle et sociale, etc. Ils s’interrogent
sur la valeur de la rapidité. On retrouve dans ces documents des interrogations fondamentales
quant aux relations entre organisation sociale du temps et développement personnel.
ƒ
Rythme de travail scolaire et organisation du temps.
Sur le même thème que celui débattu par les enfants dans les vidéo de Jacques Duez, Ana
Vasquez et Nadine Bouvier, dans leur article « Rythme de travail, organisation du temps : un
choix culturel »24, exposent les résultats d’une recherche sur les effets de la transculturation
concernant des enfants étrangers en France, d’origine hispanophone. « Cette recherche s’est très
rapidement orientée vers l’étude des modalités d’adaptation aux codes scolaires et sociaux relatifs
au temps, étant donné l’ampleur des problèmes qui se manifestent à cet endroit chez les enfants
concernés. Le thème de cette recherche est donc actuellement l’étude du « temps social» ou du
« temps à l’école ». » (p. 368).
22
M.L. Carels, Les centres intégrés au Danemark, document ronéotypé, ULG, 1989.
Jacques Duez et ses élèves du cours de morale, vidéos La lenteur et Les Rythmes scolaires,
Babebibobu, production Centre Culturel de Mons,sd.
24
Ana Vasquez et Nadine Bouvier, dans leur article « Rythme de travail, organisation du temps : un
choix culturel », in Montagner, op cit, pp 368-381 ;
23
Les temps des enfants
12
Partant d’entretiens avec les instituteurs des enfants observés, avec les enfants et leurs familles,
les auteurs étudient le point de vue des enseignants ainsi que celui des enfants et des parents sur
la lenteur de ces enfants. Par ailleurs elles analysent les 70 séances d’observation opérées dans les
classes de huit enfants. Elles constatent les difficultés des enfants quant à leur rapport au « temps
français » et la mésinterprétation des comportements des enfants par les enseignants. Dans leur
discussion elles soulignent que « les notions de rythme de travail et d’organisation du temps
scolaire ne relèvent pas d’une organisation optimale, universelle, mais des modalités
d’organisation caractéristiques des groupes culturels concernés. »
Elles concluent que « Le problème du rythme de travail, ou du rythme d’apprentissage n’est donc
pas un problème technique isolé, qui dépendrait uniquement de la confrontation d’enfants d’un
âge donné avec des techniques et des contenus à apprendre, mais il dépend avant tout d’une
conception globale de l’école et de l’éducation qui relève à son tour d’une conception de la
société. »
ƒ
L’apprentissage et la transmission des temps sociaux
Si le travail de Vasquez met en lumière l’incidence de l’appartenance culturelle sur le rapport au
temps scolaire, d’autres se sont penchés sur les différents modes familiaux d’inculcation des
temps et notamment le temps scolaire. Ainsi M. Haicault25 « L’enfant doit les connaître et cette
connaissance relève d’une sorte d’apprentissage effectué, en partie, au sein des familles.
Apprentissage différent selon les milieux, car les temps de l’école s’intègrent à la diversité des
temps familiaux, car il met en scène les habitudes culturelles et il est imprégné de valeurs
éducatives propres à chacun d’eux.»
Comme l’étude précédente, ce travail centre son observation à la fois sur les pratiques et leurs
composantes matérielles et pensées, sur les acteurs de la socialisation familiale ainsi que sur les
savoirs et manières de faire. De même cette recherche s’appuie sur une méthodologie qualitative :
interviews des enfants et des parents, observation des lieux et des échanges et même vidéo.
Il ressort que « Les interviews des enfants comme l’observation des pratiques dans la famille
renforcent la nature sociale du temps. Le temps s’apprend et c’est bien autre chose que de savoir
lire l’heure. Nous avons dégagé trois caractéristiques de notre temps social. Le temps est borné, à
l’intérieur de ces bornes il peut être fragmenté ou informe ; enfin le temps est à rentabiliser
comme un avoir, un capital. »
L’auteur met en évidence la diversité des modes d’inculcation de ces temps et l’incidence des
modes d’apprentissage sur l’expérience temporelle des enfants et leur intégration sociale. Ainsi
« Ces contenus de socialisation liés au caractère à la fois borné et fragmentaire des temps
familiaux et scolaires constituent en quelque sorte des savoirs temporels transposables. Ils aident
25
M HAICAULT, Enfants et temps quotidiens : apprentissage et transmissions, Temporalistes, n° 10
(numéro thématique : Temps scolaires et socialisation), janvier 1989.
Les temps des enfants
13
l’enfant dans notre système social à s’orienter, s’adapter et, peut-être sous certaines conditions, à
faire du nouveau, à créer de la liberté. Savoir jouer avec des temps contraignants sera utile plus
tard dans d’autres champs d’expérience. Savoir anticiper les durées, planifier sur du long terme
différentes activités fera partie des compétences professionnelles. » L’étude montre également
que les modalités de rapport et d’acquisition des temps bornés retentissent sur le vécu et le
rapport au temps « informe » : celui du temps de l’attente, du temps de la récréation, du mercredi,
des dimanches, de la maladie, le temps du rêve, de la flânerie. « On a pu constater que les enfants
très « encadrés » avaient perdu le goût du temps informe, faisant appel aux frères et sœurs, à la
mère, pour jouer ou trouver une occupation. »
De telles études contribuent à nuancer et à éclairer la question du temps libre des enfants, thème
qui sera traité dans le point suivant
Par ailleurs elles introduisent une autre problématique : celle du rapport entre rapport au temps et
construction de l’identité.
c. Le temps libre
Dans une séquence de « Premières audaces », un des cinq épisodes de la suite télévisuelle
« Journal de classe »26, un jeune garçon de 8, 9 ans analyse avec lucidité l’apport, pour sa vie et son
équilibre psychique, du temps qu’il passe à grimper dans les arbres, à s’inventer une vie de
Tarzan.
Ce « temps libre » de l’enfance interpelle sur son contenu : temps du rêve ? temps de
l’investissement personnel ? temps de l’échange et des relations amicales ? temps vide ? occupé ?
surveillé ? rentabilisé ?
ƒ
Place et statut du temps libre dans la vie de l’enfant
La réflexion relative au temps libre de l’enfant n’est pas récente. En 1981, en France J-F De
Vurpillières27 y consacre un ouvrage « 7 mois de loisirs. La face cachée de l’éducation ». Il
constate que si d’une part l’année scolaire ne dure que 155 jours de classe pour 210 jours de
congés, l’attention des pouvoirs publics s’est concentrée sur la réforme de l’enseignement et a
négligé le temps libre des enfants et adolescents. Pour lui la question du temps libre des enfants
constituer un aspect méconnu de l’éducation.
Selon lui attirer l’attention sur ce secteur, entamer des réformes suscitent un certains nombre de
craintes et de l’irritation, des peurs.
26
J. Duez, A. Lejeune, W. Leguèbe, Journal de classe, cinq films de 50 Min, production RTBF et
ARTE, 2002.
27
J-F. De Vurpillières, Sept mois de loisirs ou la face cachée de l’éducation, Paris, PUF, 1981.
Les temps des enfants
14
Des craintes : déposséder la famille d’une de ses dernières responsabilités, renforcer la division de la
vie sociale par une action spécifique au profit des enfants et des jeunes, « embrigadement »
politique et idéologique.
L’irritation : les jeunes auraient trop de loisirs, ils y pensent trop et sont ainsi mal préparés à la vie
active. Pour l’auteur ce qui est mis en cause c’est l’utilisation que font les jeunes de leurs loisirs et
donc une action positive dans ce domaine doit avoir pour but de leur permettre d’utiliser ce
temps de la meilleure manière possible c’est-à-dire selon cet auteur : « Se distraire, se préparer à la
vie adulte, mieux s’intégrer à la vie sociale, mieux la connaître, mieux y exprimer leur générosité et
leur solidarité, d’enrichir également leur sens artistique et leur culture comme de développer leurs
capacités physiques et de faire preuve enfin d’initiative et de créativité ». Vaste programme dont il
envisage la mise en œuvre possible par une politique nationale des loisirs d’enfants s’appuyant sur
les associations de jeunesse et de vacances, une politique familiale municipale, des media qui
tiennent compte des enfants et des adolescents.
Différents sociologues (Pronovost, Sue)28 mettent en exergue la montée en puissance du temps
libre comme temps éducatif.
ƒ
Entre le temps scolaire et le temps non scolaire : l’extrascolaire
Il s’agit, selon SUE 29« d’un temps qui ne recouvre pas l’ensemble du temps non scolaire, mais un
temps intermédiaire qui se situe à l’intersection entre le temps scolaire proprement dit et le temps
non scolaire ou temps libre » (SUE P., 1999). Pour cet auteur, ce temps extra scolaire, sous
l’influence directe de l’école, dans le cadre de projets d’établissement tels qu’ils avaient été
institués en France dès 1989, « peut être un vrai temps de rencontre, de convergence et de mixage
entre des pratiques culturelles au sens large issues du non scolaire et la culture scolaire au sens
strict ».
Une réflexion spécifique sur le rôle et la place de l’extra scolaire dans l’éducation des enfants, le
« out of school » pour les anglophones, rassemble depuis 1989 des partenaires européens au sein
d’un réseau : l’ENSAC. En 1995, le thème de la coopération entre école et le système d’accueil
des enfants d’âge scolaire était à l’ordre du jour de leur 6e conférence internationale à Maastricht.
Cette coopération existe depuis 1970 en Suède, où école et extrascolaire assument en partenariat
des rôles complémentaires dans l’éducation des enfants d’âge scolaire. “The main direction for
school concerns learning and teaching. For school there are goals and curriculum that state that
children shall acquire certain knowledge and skills. For school-age there are no demands for
learning of this kind but a direction towards giving a wide support for physical, intellectual, social
and emotional development of the child and give the children space, support and resources for
28
G. PRONOVOST ? Temps sociaux et temps scolaires en Occident : le brouillage des frontières, in
ST-JARRE C ET DUPUY-WALKER L ( sous la direction de) : Regards multiples sur le temps,
Sainte-Foy, PUQ, 2001, pp 43-58.
R. SUE, Temps et ordre social, Paris, PUF, 1994.
29
R. SUE, Dynamique des temps sociaux et processus éducatif, in PH CARRE et P CASPAR, Traité
des sciences et des techniques de formation, Paris, DUNOD, 1999.
Les temps des enfants
15
their own activities; to play, create, associate with peers, discover the world”. (Site internet
http://home.swipnet.se/ENSAC/23.htm.)
Cette option rejoint celle de Raymonde Caffari.30Lors de journées d’étude sur l’extra scolaire
organisée par le Fraje, dans son exposé « Entre garderie parking et surstimulation, l’importance
du temps libre » l’auteur propose une réflexion pédagogique sur l’extrascolaire. Elle part du
postulat suivant « la pédagogie n’est pas une discipline scientifique mais plutôt normative, qui
s’appuie sur ce qu’on connaît des enfants, de leur développement, du cadre de vie dont ils ont
besoin, pour pouvoir proposer et dire ce que devrait être, ce qui serait le mieux pour atteindre les
objectifs qu’on se fixe 31». D’une part elle pointe la valorisation de l’activisme qui caractérise
l’environnement dans lequel les enfants grandissent. Par ailleurs elle fournit quelques repères
pour comprendre les processus d’apprentissage et de construction de soi des enfants dans
l’enseignement fondamental. Partant de là, elle traite différents points : pourquoi privilégier
l’activité autonome, sa valeur et les conditions de son déploiement. Raymonde Caffari –
invoquant les "vertus et les limites de l’inaction " – n’hésite pas à parler en terme de droits : "droit
de se reposer, de rêver, droit d'être spectateur, droit de s’ennuyer », droit de jouer aussi !
Les thèmes du rêve et de l’ennui suscitent débats et réflexion :
- Le rêve. L’interpellation de Buzyn dans "Papa, Maman, laissez moi le temps de rêver »32 attire
l’attention sur la nécessité, pour l’équilibre des enfants, de ne pas envahir leur temps hors école
par une succession d’activités les privant de tout moment de détente et de libre arbitre dans
l’usage qu’ils font de ce temps. Buzyn rejoint ainsi de nombreuses enquêtes qui démontrent qu'il
y a une forte corrélation entre le sentiment de réussite, qu'elle soit sociale, professionnelle et/ou
personnelle, et la capacité d'auto organisation dont le principe de base est la gestion du temps (3).
- L’ennui. Jean Jacques Delfour 33dans « Marianne » du 3 mars 2003 voit dans l’ennui une école
du désir. Pour lui l’ennui est nécessaire et « il convient donc, si on veut que le désir s’éveille, de
s’abstenir de le gaver. C’est dans son propre dénuement qu’il pourra découvrir qu’il est la source
et le chemin. Qu’il est libre et responsable de lui-même. L’école n’a donc pas à redouter l’ennui.
Le savoir est un objet notoire de désir car il est issu de sa recherche. Celle-ci est une relation à ce
qu’on ne sait pas encore et dont l’esprit rêve que sa possession sera source de puissance et de
plaisir. La connaissance permet de faire face au néant, à la finitude, à l’impuissance, à la mort. Le
30
R.Caffarri, "Entre garderie parking et surstimulation, l’importance du temps libre", in « Penser le
temps libre dans l’école » Actes des 2 journées d’étude « extrascolaire », Bruxelles, F.R.A.J.E.,
novembre 2001.
31
R.Caffarri,op cit, p 17
32
E. Buzyn , Papa, Maman, laissez moi le temps de rêver, Paris, Albin Michel, 1995.
33
Jean Jacques Delfour, L’ennui comme école du désir, Marianne, 3 mars 2003.
Les temps des enfants
16
savoir est un enfant du désir. Encore faut-il éprouver la brûlure de son absence. L’ennui, comme
expérience intime du néant, en est la meilleure préparation. »
2. Les rapports entre temps et construction de l’identité
La préoccupation pour l’étude des relations entre temps et identité est partagée tant par des
sociologues que des psychologues.
a. Approche sociologique
Dans son article « Histoire, biographie, quotidienneté : les temporalités des jeunes », Marita
Rampazi34 du Département d’Etudes politiques et sociales de l’université de Pavie, expose les
résultats d’une recherche portant sur la conception du temps chez les jeunes. Dans ce travail, 300
interviews de garçons et filles de 16 à 25 ans habitant Milan ont été analysées. Ces interviews
approfondies (plus de deux heures) s’articulaient autour de trois thèmes :
1. Des questions à propos de la façon dont les jeunes se rapportent à l’histoire (comment ils la
définissent, s’ils envisagent des points de contact entre l’histoire collective et leur histoire
personnelle, comment est conçu l’engagement politique, etc.);
2. Des questions sur la manière dont les jeunes se rapportent à leur propre histoire (par
exemple : y a-t-il une mémoire des « instants » qui nous ont créés ? Les souvenirs sont-ils liés
à des événements qui marquent une continuité ou bien une discontinuité à l’intérieur du
« parcours biographique » ?
3. Des questions sur la gestion du temps quotidien et de la valeur qu’on attribue à ce temps dans
son espace de vie (quel est le rapport entre les temps personnels et les temps sociaux ?
Comment définit-on le « temps occupé », le « temps libre », le « temps vide » et quel poids ont
ces temps dans la gestion du temps de la journée, etc.
« Très schématiquement, l'analyse a permis de définir quatre manières (à comprendre comme des
idéal-types) de se rapporter aux différentes dimensions (historique, biographique et quotidienne)
de la temporalité. Ces quatre modalités résultent du rapport entre la représentation de soi –
autonome ou hétéronome – et la représentation du temps, structurée ou non, autour des temps
institutionnels.
A- La modalité que l'on a appelée auto structuration suppose que l'individu soit à même de
définir le style de son identité à l'intérieur d'un projet, choisi de façon autonome (ou que
l'individu considère comme autonome), qui l'entraîne à assumer des rôles socialement acceptés,
parce que ce n'est qu'à l'intérieur de ces rôles qu'on peut réaliser son projet (généralement défini
en termes de "faire", bien que pour les femmes, il y ait des nuances). La profondeur du futur est
proportionnelle aux étapes prévues pour la réalisation du projet et le passé est le lieu ou l'on
cherche les racines de son engagement actuel. Du point de vue de la temporalité historique, on
34
M. Rampazi, Histoire, biographie, quotidienneté : les temporalités des jeunes, Temporalistes, n°10,
pp 16-21.
Les temps des enfants
17
trouve une claire conscience de points de contact entre sa propre durée et la durée collective, non
seulement pour les jeunes engagés dans la réalisation d'un projet politique, mais aussi pour tous
ceux qui jugent leur propre projet de vie comme une contribution à la perpétuation (et/ou à
l'amélioration de la vie collective). Il y en a qui disent, par exemple : si l'histoire est la vie de la
collectivité, moi, en tant que membre d'une société historiquement définie, je peux contribuer,
par mon travail quotidien, à faire un petit morceau d'histoire pour les générations futures (histoire
vue comme longue durée). C'est une modalité que l'on a rencontrés surtout chez les jeunes filles.
B - La modalité que l'on a appelée hétéro structuration est caractérisée par la présence d'un "faux"
projet, en ce sens que l'individu se conforme au modèle de vie qu'il considère comme normal et
seulement "parce que tout le monde fait comme ça". On n'y voit pas de recherche d'un style
d'identité. Bien au contraire prévaut la tendance à s'identifier complètement avec des modèles
qu'on trouve autour de soi, sans les mettre en question. L'assomption de rôles, donc aussi de liens
avec les institutions, n'est pas fonction de la réalisation d'un projet, elle devient elle-même le
projet : il faut aller à l'école, il faut travailler, il faut se marier, parce que les autres le font.
L'identité se fonde sur la certitude d'être comme tous les autres. Le passé et le futur se perdent, le
premier dans un vague souvenir d'avoir eu une enfance et une adolescence normales et le second
dans une perspective de vie où l'on a banni toute possibilité de risque et d'imprévu. Le présent est
un quotidien que l'on n'a pas choisi, où l'on fait tout ce qu'on doit faire, mais qui n'a aucune
signification précise (c'est l'aliénation du quotidien devenant routine). Il n'y a aucune perception
de points de contacts entre la vie et l'histoire souvent définie selon une conception
événementielle et personnalisée.
C - La modalité que l'on a appelée hétéro déstructuration se réfère au cas où il n'y a aucune
projection possible dans le futur, même proche, parce que, face à une quantité d'objectifs
désirables il n'y a aucune idée des moyens qu'il faut utiliser pour les atteindre, ou bien parce qu'il
n'y a aucune possibilité de cerner des objectifs désirables (c'est l'incertitude élevée au rang de
système de vie). Il n'y a donc aucun projet autour duquel bâtir le sens de son identité. En même
temps, comme on considère le modèle de vie "normale" comme dépourvu de sens (on ne veut
pas s'identifier avec "tout le monde" qui étudie, travaille, se marie, sur la base de la simple
motivation "qu'il faut le faire") on refuse aussi les rôles traditionnels, et, avec eux, les temps des
institutions. C'est la plus totale "platitude" temporelle : pas de futur, pas de passé, un présent où
on a l'impression de "tourner à vide", d'avoir comme problème crucial celui d'arriver de quelque
manière à la fin de la journée. L'histoire est quelque chose qui n'a rien à voir avec sa propre vie,
parce que le refus du présent collectif (renforcé par l'incapacité d'entrevoir des perspectives de
changement pour le futur) entraîne la perte de valeur du passé (l'histoire est quelque chose qui
n'existe que parce qu'il y a des livres d'histoire, des académiciens qui s'en occupent, des
enseignants qui contraignent à l'étudier à l'école).
D - La dernière modalité est celle de l'auto déstructuration. Ici on a la conviction que l'on est à
même de "bâtir sa propre vie", moyennant des choix autonomes et cohérents qui ne peuvent être
réalisés qu'à la condition d'être détachés des liens provenant de l'assomption de rôles stables et de
l'assujettissement aux temps des institutions. C'est une modalité qui rappelle l'idée de "moratoire
comme style de vie"t qui refuse en particulier la logique du temps productif (on a trouvé
beaucoup d'indications intéressantes sur la distinction entre "activité"' et "travail", par exemple).
On a un projet de vie qui s'ouvre sur l'avenir, vu comme un espace où se profilent maintes
possibilités de "faire des expériences " significatives pour son parcours personnel de croissance,
de "devenir". Le présent devient une dimension de vie à évaluer d'une façon qui renverse la
conception mathématique du temps, selon laquelle chaque instant est un segment égal à celui qui
le précède et à celui qui le suit, à l'intérieur d'une linéarité qui peut facilement se traduire en
routine. Ce projet de vie se fonde sur la tentative de vivre chaque instant de sa vie comme s'il était
Les temps des enfants
18
irrépétable et unique, de profiter de toutes les possibilités offertes de faire des choses nouvelles et
de jouir de maintes occasions de relations avec les autres. La moindre partie de son temps est
potentiellement significative selon cette perspective et cela vaut pour le présent aussi bien que
pour le futur. Iln'y a pas de perception de contact direct entre sa vie et l'histoire bien que l'on ne
refuse pas le concept d'histoire comme vie de l'humanité, source de la réalité sociale à laquelle on
est confronté (mémoire collective dans le sens défini par Halbwachs). »
On pourra également se référer au texte de Claude DUBAR35 : « L’articulation des temporalités
dans la construction des identités personnelles : questions de recherche et problèmes
d’interprétation » où l’auteur essaye de proposer une cadre d’analyse des temporalités spécifiques
– familiale, amoureuse, symbolique, culturelle,… – dans le processus de construction identitaire
des jeunes.
b. L’approche clinique et la psychanalyse ; temps et pathologie
Le Centre de Recherche en Psychopathologie et Psychologie clinique (C.R.P.P.C.) de l’Université
Lumière de Lyon 2 a organisé en 2003 et 2004 des colloques internationaux dédiés à l’étude du
temps comme élément de l’élaboration psychique.
Ainsi émerge un intérêt pour le temps des bébés, le temps considéré comme dimension de
construction de leur psychisme.
Le Colloque « Le temps du bébé » organisé à Lyon en mars 2003 présentait la problématique de la
façon suivante :
« Chacun sait combien il faut prendre du temps pour être avec un bébé et prendre contact avec
lui. Mais quel rôle joue le temps pour le bébé ? Comment se repère-t-il dans ses rencontres et
dans son histoire ? Comment construit-il ses expériences ? Comment aussi échoue-t-il à se
construire ou se protège-t-il d'expériences qui le débordent ? Comment peut-on intervenir avec
lui ? Telles sont les questions de cette journée.
On reconnaît maintenant toute l'importance qu'il faut accorder aux rythmes du bébé, comme
pour le sommeil et l'alimentation, mais sur quelle base affective ces rythmes se développent-ils ?
Le bébé est sensible aux séparations, mais doivent-elles être évitées ? Comment peuvent-elles être
facteur de croissance ? Et si la pensée chez le bébé était d'abord la pensée d'un "temps psychique"
?
Nous chercherons plus précisément à comprendre comment le bébé peut entrer dans une
véritable intrigue avec son partenaire, et cela bien avant de parler. Son attention à la vie psychique,
comme à son corps et au monde qui l'entoure, dépendrait de la rencontre avec le temps d'un
autre, présent et humain.
La psychopathologie précoce montre que le temps psychique peut s'arrêter, devenir circulaire ou
se rigidifier. Comment alors le soin pour le bébé et sa famille peut-il prendre en compte ces
figures du temps ? Comment les processus de symbolisation précoce intègrent-ils cette
temporalité et ses achoppements ?
35
Claude DUBAR , L’articulation des temporalités dans la construction des identités personnelles :
questions de recherche et problèmes d’interprétation, Temporalistes, n°44, 2002, pp 42-49.
Les temps des enfants
19
S'il existe une temporalité propre à la vie psychique du bébé, nul doute que celle-ci ne fasse écho
à tout travail d'accueil, de soin ou de thérapie auprès d’enfants ou d’adultes. »
Lors de ce colloque, réunissant pédopsychiatres, psychologues et psychanalystes, les thèmes
suivants furent abordés :
- La narration affective dans le moment présent.
- Le temps des bébés et les défenses primitives.
- L’activité libre du bébé ou le temps de faire des expériences.
- Le temps pour intervenir : approche psychanalytique des enfants à risque d’autisme.
Dans son article « L’intégration psyché soma et le temps de l’intrigue, ce que nous apprennent les
bébés », Denis Mellier36, un des organisateurs de ce colloque, part du constat que « le temps
psychique est hétérogène. Chez le nourrisson il souligne l’intérêt du temps psychique de l’intrigue
à partir des travaux de Daniel Stern sur la trame temporelle d’éprouver. Cette émergence
émotionnelle du temps correspond à un mouvement d’intégration de la psyché et du soma pour
le bébé. »
En 2004 le colloque « Mémoires du temps ; traces et symbolisation. » interrogeait la « question du
temps située au cœur de la symbolisation » et s’est intéressé notamment aux modalités
temporelles de l’enfance et de l’adolescence.
c. Approche psychopédagogique
Dans les milieux d’accueil de la petite enfance, l’organisation des temps – celui des adultes
comme celui des enfants – ainsi que la conception des temps proposés aux petits - temps pour
« être avec soi-même » et avec les autres enfants, temps pour la rencontre avec l’adulte.constituent un nœud dans la mise en oeuvre de leur projet éducatif. Une enquête dans les
pouponnières et centres d’accueil en Communauté Française 37 cherchant à connaître le contexte
organisationnel offert par les instituions aux jeunes enfants, a pointé combien la question de
l’organisation du temps – horaires et temps de travail des différents membres de l’équipe, plage
horaire des enfants, déroulement des journées des enfants, temps des visites des parents
–
constitue un nœud crucial dans la mise en place des conditions de bien-être et développement
aux enfants accueillis.
36
Denis Mellier, L’intégration psyché soma et le temps de l’intrigue, ce que nous apprennent les
bébés, Champ psychosomatique, n°30, 2003, 27-43.
37
ML Carels, G Manni et D Penoy, Des conditions de base pour assurer la stabilité et la continuité
des interactions adulte-enfant. Liège : Service de Pédagogie générale et de l’Enseignement préscolaire
de l’Université, 1995.
Les temps des enfants
20
C. RECHERCHES ACTIONS ET EXPÉRIENCES PÉDAGOGIQUES
Les situations de changement permettent de saisir et de comprendre des éléments déterminants
d’une situation.
Si on passe en revue un ensemble d’expériences éducatives novatrices et centrées sur la recherche
des meilleures conditions de bien-être et de développement des enfants dans une perspective
émancipatrice, de progrès humain – de Rabelais à Freinet en passant par Rousseau, Neil, Don
Milani, Bettelheim,..., – toutes se soucient du temps, et mettent en œuvre une conception du
temps en rupture avec un organisation horaire réglée par l’horloge et les sonneries annonciatrices
de fin de cours.
S’interroger sur l’organisation des temps dans les différentes lieux d’accueil et éducatifs, crèches,
pouponnières, écoles, pose la question de la visée et des valeurs portées par ces institutions.
Quel temps, pour quoi faire ?
Quel rapport au temps induit-on chez les enfants ?
Cherche-t-on à les aider à se construire comme des acteurs à part entière de leur temps, conscient
du temps des autres ?
Met-on en place une socialisation du temps : comprendre les contraintes temporelles( points de
repère), les accepter de manière active tout en laissant place à la négociation, à une marge de
liberté.
Le temps comme variable de la démarche pédagogique est pris en considération dans diverses
expérimentations pédagogiques actuelles.
a. Dans les établissements scolaires.
Dans divers articles Aniko HUSTI38 commente les travaux menés à l’Institut National de la
Recherche Pédagogique (INRDP, France) qui a conduit une recherche sur « L’organisation du
temps à l’école » dans le secondaire, avec comme objectif de reconsidérer la dimension
pédagogique du facteur « temps » dans l’enseignement.
« Cette structuration temporelle, dont l'élève s'évade momentanément par la rêverie occasionnelle
ou un vif intérêt pour le cours professé, pèse lourdement sur la pédagogie. Le temps conçu dans
l'organisation générale de l'enseignement l'entrave au lieu de la servir. Mais, dira-t-on, quel moyen
de faire autrement ? Ce moyen existe. C'est ce que nous découvre Aniko Husti qui depuis
plusieurs années poursuit une recherche fructueuse. Elle suscite en effet des expériences qui
38
A. Husti, Emploi du temps mobile à l’école, Temporalistes, n° 10, 1999
A. Husti, Le temps, une variable de la démarche pédagogique, Temporalistes, n°21, 1992.
Les temps des enfants
21
modulent en souplesse les temps scolaires selon les disciplines, les élèves, les circonstances... et
l'initiative d'un personnel enseignant qui en a la gestion.
Des pratiques et des conceptions nouvelles font peu à peu leur chemin. On en vient désormais,
ici ou là, à concevoir un autre « climat éducatif », une « école différentielle ». Il ne s'agit pas là des
« Classes de niveau », si discutées, qui n'ont jamais rien changé à l'architecture savante des
emplois du temps. On lit, en effet, dans un ouvrage récent (1), en écho à celui qui prônait "La
révolution du temps choisi", les lignes suivantes : "Reconnaître les différences, c'est repérer les points
forts des élèves faibles et les points faibles des élèves forts pour organiser des horaires variables à
l'intérieur de l'emploi du temps et renforcer pour chacun ce dont il a le plus grand besoin". Un tel
ajustement demande l'adhésion des enseignants ; elle sera d'autant mieux acquise qu'on ne leur
marchandera pas la gestion du temps scolaire et que se substituera, pour eux, la notion de
fonction à celle de "service". Telle est en effet la dérive des temps Industriels, que, même dans
l'enseignement, les heures dues une fois effectuées, on est porté à se sentir quitte de tout! »39
b. Dans les milieux d’accueil de la petite enfance.
La réflexion sur le temps des bébés, l’incidence des horaires et déroulement des journées sur la
vie des enfants survient dans le cadre d’expériences innovantes ou de recherche actions visant à
assurer bien-être et développement aux jeunes enfants.
Ainsi le travail pionnier conduit à l’Institut Pikler Loczy40 à Budapest. Depuis 1946, cette
pouponnière propose aux bébés une organisation de la vie et du temps congruente avec les quatre
principes directeurs qui guident les pratiques de chaque membre de l’équipe, directrice, pédiatres,
personnel d’entretien, infirmières, puéricultrices, psychologues :
-
assurer des conditions de relations stables et chaleureuses avec un nombre restreint
d’adultes ; les moments de soins sont considérés comme des moments privilégiés pour
élaborer cette relation ;
-
organiser les conditions d’une activité libre et autonome ;
-
fournir un cadre de vie stable et des points de repères compréhensibles aux enfants ;
-
garantir une vie saine et une bonne santé conditions et résultats des autres points.
Pour rencontrer ces principes l’organisation du temps est centrale ; en particulier le déroulement
de la journée.
Cet institut assume un point de vue qui peut apparaître comme un paradoxe : respecter un cadre
temporel précis et explicite tant pour les adultes que pour les enfants – repas à heures fixes, ordre
des repas et des bains, « tour de rôle » –. De cette manière sont garanties deux conditions
essentielles pour le bon développement des bébés accueillis.
La première, garantir des plages de temps suffisamment longues et continues pour assurer à
chaque enfant au cours de la journée, de manière régulière et prévisible par les petits, des
39
40
W. Grossin, L’école et la vie, Temporalistes, n° 10, 1999.
G. Appell et M. David, Loczy ou le maternage insolite, Paris, Scarabée, 1973.
Les temps des enfants
22
moments de tête à tête avec une nurse bien connue. Il s’agit des moments de soins : repas,
changes, bains, mises au lit. C’est là une des conditions de base pour que s’élaborent au fil des
journées et des mois des liens affectueux, une relation proche entre chaque enfant et les adultes
qui soignent ;
La deuxième condition : prévoir et organiser des moments, ajustés à chaque enfant, où il peut en
toute liberté se consacrer à lui-même, s’adonner à des exercices moteurs, explorer les jeux et
matériels mis à sa disposition, s’intéresser à ses compagnons, s’y affronter, négocier, …, sans
l’interférence des adultes. C’est dans ce cadre qu’on a pu mettre en évidence les modulations des
processus d’attention au cours des jeux.
Cette option de laisser « le temps au temps des enfants » se retrouve dans l’attitude de base face
au développement : le développement moteur (E Pikler)41, l’acquisition du contrôle des
sphincters (Falk)42, la construction du self (Tardos et David)43, les relations entre enfants (Apell et
Vincze)44, les rythmes de développement. (Szanto)45.
Accorder aux enfants leur temps – de vivre, de rencontrer l’autre, de rêver, de s’investir dans leur
activité, leurs projets, de maîtriser leur temps – exige une organisation rigoureuse (certains diront
rigide) du temps des adultes. Une organisation qui peut entrer en contradiction avec d’autres
impératifs. Ainsi le temps de travail journalier et hebdomadaire des accueillantes, la logique
horaire prévalente : « coupé ou continu », les plages horaires, les modalités de croisement et de
chevauchement des heures de travail au sein d’un même groupe de vie. 46
C’est l’ensemble des horaires du milieu d’accueil qui sont revus : envisager des heures de repas
répondant aux impératifs des enfants et organiser les horaires de la cuisine en fonction du
déroulement des repas des enfants bouleversent des habitudes solidement ancrées dans les
équipes. De même l’organisation des temps et moments d’entretiens des lieux de vie et de repos
des petits.
Privilégier le temps ou les temps des enfants peut également conduire à entrer en contradiction
avec les exigences, besoins, contraintes de la vie privée des puéricultrices. Dans ce sens accepter
de revoir les logiques horaires, en fonction des enfants, constitue une étape importante dans les
41
E. Pikler, Se mouvoir en liberté dès le plus jeune âge, Paris, PUF, 1979.
J. Falk, M. Vincze, L’acquisition du contrôle sphinctérien, Pychiatrie de l’enfant, XXXIX, 1996,
p.581 à 612.
43
A. Tardos et M. David, De la valeur de l’activité libre du bébé dans l’élaboration du self : Résultats
et discussions de quelques recherches de l’Institut Emmi Pikler à Budapest, Hongrie. Devenir, vol. 3,
4, 1991, 9-33.
44
M. Vincze, G. Appell, J. Falk, Bébés et jeunes enfants eux, Institut Pikler et Association Pikler
Loczy de France, s.d..
45
A. Szanto (Eds), Loczy, un nouveau paradigme ?, Paris, PUF collection Le Fil Rouge, 2002.
46
ML.Carels et G.Manni, G (Eds), Grandir malgré tout, L'éducation en institution de jeunes enfants
séparés de leur famille, un défi à relever. Bruxelles, Fonds Houtman, 1996.
42
Les temps des enfants
23
changements d’attitudes professionnelles et un révélateur de l’adhésion des équipes à un projet
éducatif.
Néanmoins si la contrainte du cadre horaire est forte, le stress diminue: ne plus agir dans
l’urgence, au coup par coup. En effet, inscrire ses pratiques et son action dans une projet riche de
sens pour les enfants et intégré par l’horaire soulage et libère les puéricultrices. De même cette
place accordée au déroulement de la journée permet que le travail change de visage : non plus
remplir des tâches mais élaborer des relations avec les enfants, le soutenir dans sa vie et son
développement47. Cela exige de nouvelles initiatives capables d’accorder petit à petit rythme de
l’enfant/rythme familial/rythme institutionnel.
L’attention aux rythmes spécifiques à chaque enfant, personnels et familiaux ainsi que la nécessité
de les connaître et d’en tenir compte dans un cadre professionnel a conduit des équipes de
crèches à élaborer et utiliser des outils ad hoc. Ainsi depuis 1982, chaque service et chaque
puéricultrice de la crèche de Herstal ont été amenés à utiliser une feuille de rythme dès le premier
jour de la fréquentation de la crèche par les bébés.
Cette feuille comporte autant de ligne que d’heures dans une journée, chaque ligne est divisée en
12 intervalles de 5 minutes.
Pour chaque enfant y sont notés au fil de la journée : l’heure d’arrivée et de départ, les périodes
de sommeil, les moments de repas et de soins, les épisodes de jeu au tapis, les pleurs de longue
durée ou tout autre événement particulier.
Cette pratique est due au choix d’individualiser les soins et de reconnaître chacun des enfants
comme des personnes distinctes, avec leur propre rythme et leur histoire unique.
Au cours de journées de réflexion consacrées aux apports et retombées de l’utilisation de cet outil
48
qui, au fil du temps, s’est avéré incontournable, les puéricultrices et personnes d’encadrement
ont analysés leurs pratiques et se sont accordées sur un ensemble de points. A titre d’exemple :
ƒ
L’utilisation de la feuille de rythme
- demande une observation, une attention continue à chaque enfant : regard régulier, observation
dans situation de jeu, d’éveil, de sommeil,…. ;
- exige une organisation de l’espace, non prévue au départ, pour les disposer, les utiliser.
.
ƒ
L’expérience montre que cette feuille de rythme apporte
47
ML. Carels, et G. Manni, La sensibilisation à la valeur des soins au quotidien dans les institutions :
richesses et difficultés. In G. Appell et A. Tardos (sous la direction de), Prendre soin d’un jeune
enfant. De l’empathie aux soins thérapeutiques. Ramonville St Agne : Erès, 1998.
48
Crèche de Herstal, La feuille de rythme : apports quotidiens et à long terme, document de travail,
juillet 2003.
Les temps des enfants
24
- une connaissance réelle concernant les temps de chaque enfant : temps de sommeil, repas,
activité/éveil, ce qui assure une notion juste et vérifiable du temps de chaque enfant ;
- une vue d’ensemble du déroulement de la journée et du rythme de chaque enfant comme du
groupe.
Elle constitue ainsi une base d’élaboration progressive de la connaissance de chaque enfant à
partir d’informations recueillies régulièrement. En outre, elle représente un outil de base pour
présenter la journée de leur enfant aux parents et de l’organisation du travail aux visiteurs et aux
stagiaires.
ƒ
-
Les effets relevés de cette connaissance ainsi élaborée sont les suivants
Des réponses plus justes et plus adéquates aux besoins de chaque enfant tout en organisant
mieux le groupe, le temps.
-
Moins de pleurs ; en effet ces notations permettent d’anticiper des pleurs (meilleur repérage
des signaux, meilleure connaissance du fonctionnement temporel de chaque enfant). Par
ailleurs quand les pleurs surviennent, dessiner un déroulement de la journée permet de
s’interroger sur les raisons de ces pleurs (durée, contexte,…) et enfin de les comprendre et
donc y répondre de manière efficace et adéquate.
-
Une appréhension fine, précise et dans les détails de chaque enfant.
-
Une meilleure répartition du groupe : élimine le fonctionnement groupal : moins d’enfants
éveillés en même temps,….ce qui augmente la disponibilité de l’adulte aux enfants.
-
Offrir aux enfants des périodes « d’activité », au bon moment – enfant reposé, repus et en
sécurité. –. Dans ces conditions les petits sont présents, compétents, joyeux. Ce qui a
comme effet : augmenter, alimenter, susciter l’intérêt de l’adulte.
-
Au moment des soins – changes, repas, mises au lit,… – : les enfants plus actifs, interactifs,
et adultes plus disponibles d’où de meilleurs moments d’échanges, de communication.
L’équipe constate que les enfants, ainsi reconnus et écoutés dans leurs besoins et grâce aux
réponses et propositions des adultes, peuvent être « plus ce qu’ils sont» avec leur histoire, leurs
besoins propres, leurs goûts, leurs désirs. Ainsi les puéricultrices, soutenues par ce travail, gagent
pouvoir orienter les petits vers une confiance accrue dans leurs compétences, avec en point de
mire autonomie et indépendance..
Ce détour par l’accueil des tout petits démontre la pertinence de concepts tels que cadre
temporel, de milieu temporel comme de culture temporelle pour traiter du/des temps des enfants
et de ceux dont ils dépendent. Cela illustre aussi la place et l’importance de disposer d’un cadre de
référence pour organiser le temps et l’agir dans une visée explicite.
Les temps des enfants
25
D. DES INITIATIVES POLITIQUES
Ce courant vise une harmonisation entre rythmes biologiques et horaires scolaires, il s’ancre
principalement dans les travaux des chronobiologistes.
Il ressort des études que le rythme journalier est le rythme prépondérant. Il en découle des
recommandations en terme de déroulement de la journée ; par exemple 49: accueil du matin en
douceur (pour se réveiller tranquillement), des temps scolaires centrés sur les périodes de
vigilance, un temps de midi dans un climat de bien-être et de détente… Ces propositions sont
rarement suivies d’effet et les décisions politiques portent davantage sur le réaménagement de la
semaine (par exemple la semaine des 4 jours en France) et des calendriers des vacances. Les
intérêts économiques prennent le pas sur l’intérêt des enfants. Ainsi W Grossin analyse les effets
de l’heure d’été et présente un rapide aperçu des dégâts sur le santé des enfants : effets sur le
sommeil, les horaires des repas, l’exposition à la pollution.50
En Belgique, un ministre de l’Enseignement de la Communauté Française avait réorganisé pour
cette Communauté le calendrier des vacances, avec la volonté d’harmoniser la longueur des
différents trimestres. Il a été contraint à faire marche arrière sous la pression, entre autre,
d’hôteliers et agents immobiliers de la « côte », ceux-ci s’estimant lésés par l’étalement de la
période de congé que cette disposition entraînait.
En France des collectivités locales en liaison avec les Académies se mobilisent autour de cette
question.
Certains énoncent leur visée : la réussite de tous les enfants.
« Objectif : améliorer les conditions d’apprentissage et de réussite scolaire de tous les enfants, en
particulier les moins favorisés, aider l’épanouissement individuel de tous, favoriser la réduction de
la violence et des incivilité grâce à une journée moins stressante pour l’enfant.51 »
49
Aménagement du temps de l’enfant. Les propositions soumises au vote, FCPE Paris Info n° 28,
Février 2001
50
W Grossin, Pour une science des temps. Introduction à l’écologie temporelle, Toulouse, Octares
Editions, 1996.
51
FCPEInfo, février 2001 Fédération des comités de parents d’élèves
Les temps des enfants
26
II. LE TEMPS DES PARENTS.
S’interroger sur l’organisation du temps des enfants demande d’envisager les études qui posent la
question de la part prise par les enfants dans le temps des adultes, des parents et de la place qu’ils
y occupent
Seront envisagées :
A. Des études descriptives
B. Des analyses et points de vue critiques
C. Des initiatives politiques
Ce n’est pas un tour d’horizon exhaustif mais les constats et les analyses reprises permettent
d’entrevoir les questions et le cadre de la réflexion, en particulier dans le monde francophone.
A. DES ÉTUDES DESCRIPTIVES.
En Belgique l’INS – à partir de données collectées lors d’études portant sur l’emploi du temps
des Belges – offre une vue globale mais peu nuancée du temps consacré aux enfants par les
adultes.
La vie professionnelle dirigerait l’organisation de la vie privée. L’INS52 informe sur la relation vie
professionnelle/vie privée et constate que« tout comme la majorité des Européens, les Belges
disent organiser leur vie privée en fonction de leur vie professionnelle et de leurs activités
quotidiennes (49%). Un quart pense plutôt organiser sa vie professionnelle en fonction de sa vie
privée (…) Un Belge sur quatre estime qu’il consacre trop de temps au travail et aux activités
quotidiennes, ce qui reste au-dessous de la moyenne européenne » (chiffres collectés en 2001 par
l’Observatoire Thalys et Ipsos en France, en Allemagne, en Espagne, aux Pays-Bas, au RoyaumeUni et en Belgique).
Quelle part et quelle place occupent les femmes et donc des mères sur le marché de l’emploi ?
Avec quel régime de travail ?
Toujours l’INS53 se pose la question des différences femmes et les hommes par rapport à
l’emploi. « En Belgique, si davantage de femmes que d’hommes possèdent un diplôme de
52
53
Info Flash n°4 du 11/12/2001°
Info Flash n°35 du 8/3/03
Les temps des enfants
27
l’enseignement supérieur, leur taux d’emploi et leur salaire sont moins élevés ». 51,1% des
femmes occupent un emploi et parmi celles-ci 37,7% travaillent à temps partiel, alors que pour
les hommes le taux d’emploi est de 68,1% mais seulement 5,9% d’entre eux travaillent à temps
partiel.
S’interrogeant sur l’emploi du temps selon le niveau d’enseignement54, l’INS observe que « il
existe des différences considérables entre l’emploi du temps des personnes très qualifiées et celui
des personnes peu qualifiées. Les très qualifiées consacrent nettement plus de temps au travail et
aux déplacement. Les très qualifiés consacrent également plus de temps aux soins et à l’éducation
des enfants (…). Ce temps consacré aux enfants représente dans la tranche des 20 à 39 ans 2,8%
du temps des personnes peu qualifiées, 3% pour des très qualifiées alors que les tâches ménagères
et familiales occupent 12,1% de leur temps pour les uns contre 9,5% pour les autres. Chiffres
intéressant à comparer au temps consacré aux loisirs respectivement 15,9% et 11,3%.
Bien évidemment tous les 20-39 ans n’ont pas d’enfants alors que la plupart disposent de loisirs !
Dans une enquête sur l’emploi du temps en 1999, l’INS montre que si les tâches ménagères
occupent dans une semaine 19H30, les soins aux enfants totalisent 2H30 et les loisirs 27H30. Ces
chiffres concernent la population de 12 à 95 ans et par conséquent sont peu significatifs de la
place des soins aux enfants dans l’emploi du temps des parents.
Il faut souligner que les différentes études incluent le temps consacré aux soins et à l’éducation
des enfants dans le temps dit domestique des adultes. La place des enfants dans le temps de loisir
n’est pas envisagée.
En France l’INSEE
55
analysant les principaux temps sociaux au cours d’une journée moyenne
selon la composition du ménage offre une image assez précise de temps consacré aux enfants
ainsi qu’une vue comparative de l’emploi du temps des hommes et des femmes :
- parent isolé avec enfant de plus de 3 ans : ménage et courses 82% de leur temps domestique
pour les femmes, 71% pour des hommes ; soins aux enfants respectivement 13 et 14 % :
- personne en couple avec 1 enfant de moins de 3 ans : ménage et courses : 54% pour les
femmes, 44% pour les hommes ; soins aux enfants : 42% et 29% ;
- personne en couple avec 2 enfants âgés de 3 ans et plus : ménage et courses : 81% pour les
femmes, 26% pour les hommes ; soins aux enfants : 12 % et 10%.
54
Info Flash n°25, 25/6/02
INSEE, Principaux temps sociaux au cours d’une journée moyenne selon la composition du
ménage, enquête « Emploi du temps 1999 », Regards sur la parité, 2003.
55
Les temps des enfants
28
L’INSEE a également étudié l’évolution des temps sociaux et de l’emploi du temps au travers
d’enquêtes initiée depuis 196756. Dans ces enquêtes on demande aux personnes interrogées de
décrire dans un carnet ce qu’elles font au cours des 24 heures d’une de leurs journées
décomposée en périodes de 10 minutes. Quatre temps sont distingués : le temps physiologique, le
temps de travail professionnel ou d’études, celui consacré aux travaux domestiques et le temps
des loisirs.
Dans le n°352-353 de 2002 de « Economie et Statistique » les articles présentés s’intéressent à
l’articulation entre activité professionnelle et activités domestiques. En voici les toutes grandes
lignes :
- Le temps physiologique occupe 12H, le temps domestique trois heures et demi, le temps
professionnel moins de trois heures et demi et le temps libre quatre heures et demi. Par rapport à
l’enquête de 86, on constate une diminution de un quart d’heure du temps professionnel. Cette
diminution est due à la baisse de le proportion d’individus en emploi et à la progression du temps
partiel en forte hausse. Le temps de travail des salariés à temps complet a lui augmenté.
- Montée du chômage, progression du temps partiel, diminution de l’activité des jeunes et des
plus âgés contribuent à la baisse globale du temps de travail de la population, mais entre 1986 et
1999, la durée hebdomadaire du temps de travail des actifs occupés à temps plein augmente de
plus d’une demi-heure pour atteindre 42H36.
Les milieux populaires bénéficient de plus de temps libre, mais le contenu des loisirs des
chômeurs et des plus défavorisés est différent laissant une place de choix à la télévision.
L’augmentation du temps libre féminin s’explique plus, quant à lui, par la diminution du temps
que les femmes consacrent aux activités domestiques que par celle consacrée aux activités
professionnelles.
- Néanmoins, les femmes prennent toujours en charge la plus grande partie des activités
domestiques et familiales. « Si la vie en couple opère une première spécialisation des rôles, celle-ci
s’accroît encore avec la naissance d’un enfant, les femmes prenant alors en charge la plus grande
partie des activités familiales. Car plus encore que les activités domestiques, s’occuper des enfants
reste une prérogative féminine. Ainsi, presque toutes les mères d’un enfant de moins de trois ans
déclarent avoir eu des activités liées aux enfants le jour de l’enquête. Ces mères en couple
consacrent deux heures par jour à ces activités et trois heures lorsqu’elles ont un enfant de moins
de trois ans. De leur côté les pères, lorsqu’ils ont une activité parentale, y consacrent 1 heure 10 et
seulement 10 minutes de plus quand leur enfant a moins de trois ans. »
56
INSEE, L’évolution des temps sociaux et de l’emploi du temps au travers des enquêtes « Emploi du
temps », Economie et statistique, n° 352-353, 2002, pp 3-13.
Les temps des enfants
29
- Les formes particulières d’emploi (CDI à temps partiel, CDD à temps complet ou partiel) ne
s’accompagnent pas toujours de plus de contraintes et de flexibilité. Ce sont les intérimaires qui
supportent plus l’irrégularité et la mauvaise prévisibilité des horaires et des calendriers ; la
précarité des temps de travail accentue la précarité de l’emploi.
- Quant aux effets de la réduction du temps de travail (RTT), voici les grandes tendances :
Les modifications des rythmes et usages du temps portent plus sur la semaine et l’année que sur
l’organisation des temps journaliers avec polarisation des longues durées du travail sur les plus
qualifiés. Enfin la RTT n’a pas apporté de bouleversement dans la répartition des tâches
domestiques entre hommes et femmes. « En revanche, le temps passé avec les enfants se serait
beaucoup développé depuis la RTT, et ce de manière équivalente entre les hommes et les
femmes : 63% des femmes ayant un enfant de moins de douze ans et 52% des hommes dans la
même situation passent désormais plus de temps avec leur enfant de moins de 12 ans, soit un
jour par semaine, soit pendant les vacances. »
Dans le même numéro de la Revue « Economie et Statistique » il est procédé à une « Analyse du
recours aux services de garde d’enfants »57. Il en ressort que « la durée et les horaires de travail de
la mère sont un des éléments qui interviennent dans le choix que font les ménages ayant de
jeunes enfants scolarisés entre garde rémunérée, aide informelle et garde intra ménage. Un temps
partiel "court", même non choisi, est de nature à faciliter la conciliation entre vie familiale et vie
professionnelle, rendant par la même moins probable le recours aux proches. A l’inverse, lorsque
la mère a des horaires de travail qui ne lui permettent pas toujours d’être disponible en fin de
journée, la probabilité d’une garde rémunérée est plus élevée. »
Cette photographie de l’emploi du temps et de ses incidences sur la décours des journées, des
semaines des enfants appelle des commentaires. L’apport des sociologues est incontournable et
parmi ceux-ci les sociologues du temps.
B. DES ANALYSES ET POINTS DE VUE CRITIQUES
Anne-Marie Daune-Richard montre que des mesures comme le temps partiel ont des
conséquences différentes selon les politiques publiques visant la citoyenneté des femmes. Dans
57
INSEE, Analyse du recours aux services de garde d’enfants, Economie et Statistique, n°352-353,
2002, pp.213-229 ;
Les temps des enfants
30
son intervention58 «Women’s work between the family and welfare state : part-time work ans
childcare in France and Sweden », elle présente l’analyse suivante. « Dans tous les pays
industrialisés, malgré la croissance considérable de l’activité féminine dans les trois dernières
décennies, l’espace et les activités domestiques demeurent largement sous la responsabilité des
femmes. Cette responsabilité conditionne leur entrée sur le marché du travail et les positions
qu’elles occupent. Aussi les politiques publiques qui agissent sur les relations entre travail
rémunéré et famille ont-elles une influence considérable sur l’emploi des femmes. Mais les
politiques publiques sont construites à partir de systèmes de sens, de "référentiels"». Elle poursuit
« Notre propos visera à montrer ce que, dans ces deux pays (France et Suède), les référentiels
convoqués pour la définition de ces politiques et leur mise en œuvre révèlent la conception de la
relation homme-femme-famille et, in fine, citoyenneté. » Elle montre que « la logique suédoise
place aujourd’hui les hommes et les femmes dans une égalité de droits et de devoirs au regard de
leurs responsabilités de parent et de travailleur. (…Les) politiques publiques aménageant le temps
de travail et la garde des jeunes enfants ont œuvré continûment dans ce sens tout au long de ces
trois dernières décennies, malgré la crise de l’emploi et des finances publiques. » Situation qu’elle
compare à celle de la France où elle constate que « les réformes menées depuis les années 1980
ont abandonné un modèle d’égalité entre hommes et femmes sans doute peu consolidé.
L’allocation parentale d’éducation, qui est à taux fixe et bas (et non un pourcentage du salaire)
incite les mères en difficulté sur le marché du travail à s’en retirer. Le travail à temps partiel, le
plus souvent lié à la flexibilisation de l’emploi et des conditions de travail, nourrit un réservoir de
« travailleurs pauvres » parmi les femmes. Enfin, le renoncement au développement d’un grand
service public d’accueil des jeunes enfants et le choix de favoriser les modes de garde privés et
individualisés en renchérit sérieusement le coût pour les familles populaires. Dans la mesure où la
devise politique du « libre choix » (de s’employer ou non) s’adresse aux mères, ce sont elles qui
"naturellement" renonceront à un emploi mal rémunéré et s’exerçant dans de mauvaises
conditions pour s’occuper des enfants. »
La situation de la Belgique est sans nul doute proche de celle de la France. Si on considère le
développement d’un service public d’accueil des jeunes enfants, depuis 1970 la volonté des forces
de gauche de développer des services publics d’accueil universel s’est constamment heurtée aux
58
AM DAUNE-RICHARD, Womens’work between the family and welfare state : part-time work and
childcare in France and Sweden, LEST, Meeting “Citizenship and exclusion; Session: Gender, work
and family.”, London, 7-10 juillet 2000.
Les temps des enfants
31
promoteurs de la femme au foyer, du libre choix et des modes de garde individuels dits
« familiaux ».
Quant aux politiques d’emploi, M Sommer 59soulignait que si l’entrée des femmes sur le marché
du travail était massif (en 1987 : + de 64%), la continuité/discontinuité du travail dépendait du
statut social. Elle épinglait les constats suivant : plus les femmes sont diplômées, plus elles sont
en mesure de mener de front vie professionnelle et vie familiale. La stabilité du travail favorise
l’augmentation de la taille de la famille. Elle montrait aussi combien le travail est soumis à
pression par des mesures visant la flexibilité : temps partiels, polyvalence, mobilité géographique
avec comme conséquences l’élargissement de la plage horaire consacrée au travail et la
précarisation des emplois et la tendance à l’interruption de carrière.
D’autres sociologues centrent leur analyse sur les nouvelles formes de subordination salariale et
ses implications au plan des temporalités sociales des travailleurs. Ainsi Boufartigue souligne que
« La tendance à la captation par le capital des temps humains ne fait guère de doute, même s’il
existe des contre tendances. Dans le monde du travail, il s’agit de disponibilité temporelle accrue
requise, sous des modalités extrêmement diverses et contrastées. La norme temporelle de l’emploi
et du travail « fordiste » est en voie d’éclatement. Songeons au temps partiel, sur contrôlé,
morcelé et imprévisible des femmes peu qualifiées dans maints services marchands, très
différente de la corvéabilité du cadre masculin, au temps sans limite et sans mesure. La
diminution de la durée abstraite du travail ne garantit en rien le recul de cette disponibilité
temporelle. Et la manière de la prescription
se déplace des modes opératoires vers des
contraintes d’objectifs et des délais, y compris dans un cadre formellement éloigné du contrat de
travail, invite à étudier de près comment les travailleurs intériorisent ou au contraire résistent à
ces contraintes. On rencontre alors la question de l’économie temporelle des modes de vie qui
sont les leurs, dit autrement de la place et du sens des temporalités professionnelles dans leurs
temporalités sociales. 60»
Lallement61 montre que le développement économique et la rationalisation du temps sont
étroitement liés. Il analyse les évolutions de ce rapport et les défis actuels engendrés notamment
par la flexibilité. « Pour permettre aux entreprises de s’ajuster aux pulsations du marché,
59
M SOMMER, Qualité et accessibilité de l’accueil, ONE Direction Etudes et Stratégies, Etats
généraux de la petite enfance,
60
P. BOUFFARTIGUE, Temps et nouvelles formes de subordination salariale, exposé au Congrès
Marx International III « Le Capital et l’Humanité aujourd’hui », Atelier « Nouvelles formes
d’exploitation-domination », 26-29 septembre 2001.
61
M. LALLEMENT, Rationalisation du temps et mutation des rapports sociaux, revue de la CFDT, pp
3-9
Les temps des enfants
32
davantage de salariés entament leur journée plus tôt le matin et finissent tard le soir. De même,
les horaires irréguliers d’une journée ou d’une semaine à l’autre se développent et le travail de fin
de semaine n’est plus une exception. »Il souligne notamment que le flexibilité bouscule
l’ensemble du mode de vie des salariés.et pose la question de la cohérence et de la concordance
des temps sociaux.
Un ensemble de recherches se penche sur les effets de ces changements de logique temporelle
affectant l’organisation du travail. Ces recherches se fondent sur des données qualitatives
recueillies sur de vastes échantillons.
Certains étudient les conséquences de ces horaires atypiques sur la vie quotidienne des salariés et
montrent (Boisard 62) que les horaires atypiques sont source de tension dans la vie familiale.
L’irrégularité des horaires et notamment ceux du week-end cause l’isolement social et de
problèmes de santé.
Jurczyk
63
attire l’attention sur la réorganisation « perpétuelle », jour après jour, de la vie
quotidienne qu’exigent les horaires flexibles et le stress que cela engendre, vécu comme un
« harcèlement temporel ».
« Une conséquence de ces nouvelles exigences sur le plan du comportement temporel est que les
individus se trouvent obligés de réorganiser leur vie au jour le jour, ou semaine par semaine. Ce
n'est pourtant pas le cas pour toutes leurs activités, mais ils doivent décider qui sera à la maison à
certaines heures, qui s'occupera des enfants, qui préparera le dîner, qui pourra assister à une
réunion de son parti politique. Ce besoin de prendre à chaque fois une décision est lourdement
ressenti dans les conditions où les horaires de travail changent fréquemment ou dans le cas d'une
division non-traditionnelle du travail entre l'homme et la femme quand la responsabilité de
certaines tâches n'est pas clairement répartie. La conséquence peut être des disputes parfois au
foyer ou, le cas échéant, avec des collègues. La vie quotidienne devient ainsi un processus de
négociation permanente.
Pourtant il est évident que la vie quotidienne ne peut fonctionner qu'à condition qu'il y ait une
certaine routine. Tout le monde cherche à instaurer des conditions permettant une certaine
stabilité, et cela par l'institutionnalisation de règles, d'habitudes et de la routine. L'objet concret de
ces règles varie en fonction de la situation de famille et selon les caractéristiques et les besoins
individuels. La possibilité de trouver de la stabilité ou un degré de flexibilité varie aussi d'une
catégorie de la population à une autre mais aussi au sein de chaque catégorie. »
Par ailleurs « si certaines conséquences peuvent être généralisées, c'est l'ensemble des conditions
de vie qui détermine un certain type de comportement dans la vie quotidienne. Le statut social, y
compris le revenu, le statut du travail, les conditions d'emploi, le logement, les infrastructures
62
P. BOISARD, Conséquences des horaires atypiques sur la vie quotidienne des salariés,
Temporalistes, n° 7, octobre 1987.
63
K. JURCZYK, L'impact de la flexibilité du travail sur l'organisation de la vie quotidienne,
Temporalistes, n° 17 (numéro thématique : Les temps familiaux), mai 1991.
Les temps des enfants
33
collectives doivent être pris en considération, ainsi que le nombre et l'âge des enfants et, tout
aussi important, les rapports sociaux de sexe.
Un des résultats de notre recherche semble être d'une application plus générale : lorsque la
stabilité traditionnelle des conditions extérieures disparaît, il faut chercher la stabilité et la
flexibilité à l'intérieur. Plus la flexibilité externe s'accroît, plus la stabilité personnelle est
nécessaire, de même que la capacité individuelle à agir de manière flexible. Un trait commun aux
personnes que nous avons interrogées était la tendance vers l'individualisation. »
D’autres s’intéressent à l’impact des changements de régime temporel de travail sur la vie de
famille. Catherine Brochard64 montre que changer de régime temporel implique pour le salarié des
perturbations dans sa vie quotidienne familiale. Son étude met en évidence une différence
d’impact selon que le changement de régime temporel est négocié ou non, volontaire ou non.
« Les "volontaires" savent réorganiser leurs temps, en tirent le maximum de profit dont les
enfants sont les bénéficiaires. Les "non-volontaires", quant à eux, ont une nostalgie du passé et
leur discours tend bien souvent à démontrer que les avantages se situaient dans le passé.
Un fait reste notoire chez tous : dans leur vie familiale, les relations avec les enfants restent
inchangées et sont même privilégiées. Accorder du temps à ses enfants, les écouter, les aider, les
"volontaires" s'accordent à affirmer que cela leur est davantage possible depuis qu'ils pratiquent le
nouveau régime temporel. Les "non-volontaires", par contre, tentent de préserver ces relations,
mais la vie du couple s'en ressent alors.
Les régimes temporels désynchronisés (travail de week-end, travail de nuit) affectent
particulièrement les relations avec le conjoint car les temps hors travail vécus en commun sont
globalement plus réduits. Les enfants ont droit au même temps de présence, mais la qualité des
relations, est parfois menacée.
Les temps de travail limités (travail à mi-temps, temps partiel, modalités diverses préparant un
passage à la retraite) favorisent les relations familiales..
- La mère de famille module la plupart du temps ses horaires de travail en fonction des horaires
de ses enfants, le plus souvent elle ne travaille pas le mercredi et parfois elle peut coordonner ses
horaires de travail avec les horaires d'ouverture et de fermeture de l'école et/ou de la crèche. La
vie familiale devient alors la référence à partir de laquelle les différents temps vont s'organiser.
Les nouvelles pratiques bouleversent donc les valeurs et induisent de nouvelles attitudes.
L'organisation de la vie familiale se réalisait autrefois autour du temps de travail. Aujourd'hui le
contraire prévaut : le travail professionnel doit s'accommoder de la vie familiale.
- Les horaires souples ou horaires variables entraînent une décrispation de la vie familiale. Celui
des deux, dans le couple, qui pratique de tels horaires passe plus de temps à s'occuper des
enfants. Bousculades et chamailleries du matin, lorsqu'il fallait se rendre à heure fixe au travail,
s'estompent lorsque la possibilité de moduler son horaire, de composer avec ses obligations et ses
désirs peut s'effectuer.
En réalité, l'apport des régimes de travail souple agit comme une sorte de leurre. Passer d'un
horaire rigide à un horaire souple change peu les habitudes en fait. Mais pouvoir les modifier
donne l'impression d'un choix stratégique.
Tout ceci concerne les salariés "volontaires". Les "non-volontaires", par contre, se trouvent
déroutés par ce nouvel horaire parce qu'ils perdent la contrainte impérative des anciennes
pratiques
64
C.Brochard, L'impact des divers changements de régime temporel de travail sur la vie des salariés,
Temporalistes, n° 17, Les temps familiaux, mai 1991, pp. 8-9.
Les temps des enfants
34
Le changement de régime temporel selon qu'il a été imposé ou non influe sur la vie familiale
quotidienne. »
Enfin un auteur comme Nicola La Feuvre65 apporte des éléments permettant d’appréhender les
rapports entre travail salarié et le temps libre chez les mères de famille en France. Il montre que
ce sont les femmes qui sont responsables et assument la charge de la synchronisation et de la
gestion des rythmes temporels des membres du foyer. Par ailleurs, étudiant le rapport entre le
travail à temps partiel et le temps libre chez des femmes actives ouvrières et femmes diplômées, il
montre que celui-ci diffère en fonction de leur identité subjective elle-même liée à leur statut
social.
Au travers de ces différentes analyses on voit combien le temps constitue une des dimensions du
contexte social construit. Le temps n’est pas immuable ; à chaque époque, chaque culture sa
représentation du temps. Le temps dominant aujourd’hui n’échappe pas aux mutations actuelles
et à la mondialisation marchande.
Les textes de Baraudy et Fritz66, analysant les conséquences de la globalisation marchande sur les
familles et les enfants, les effets morbides de la déstructuration des cadres et des conditions de vie
encouragent à envisager les répercussions des atteintes aux temps (flexibilité, non prévisibilité,
caractère aléatoire des horaires, embauches et carrières professionnelles en particulier des
femmes) sur les conditions de vie et de développement des enfants. Nous n’avons repéré aucun
travail envisageant cette question.
C. DES INITIATIVES POLITIQUES
Les horaires et l’organisation temporelle des parents, en particulier ceux des mères, on l’a vu,
assument un rôle déterminant dans le déroulement des jours et des semaines des enfants et par là
de leurs conditions de vie.
65
N. LE FEUVRE., Une esquisse du rapport entre le travail salarié et le temps libre chez les mères de
famille en France, n° 17 (numéro thématique : Les temps familiaux), mai 1991.
N. LE FEUVRE, Modes de vie et rapports sociaux de sexe : jeux et enjeux de l'analyse sociologique,
n° 30 (numéro thématique : Modes de vie), juillet 1995.
66
J. BARUDY, Les conséquences de la globalisation sur les enfants et leurs familles, Conférence au
Colloque « Manifeste pour les enfants, Fonds Houtman (ONE), Bruxelles, avril 2002
JC. FRITZ, Mondialisation et déstructuration des cadres et conditions de vie, Conférence au
Colloque »Manifeste pour les enfants », Fonds Houtman (ONE), Bruxelles, 2002
Les temps des enfants
35
Certains projets européens dans le cadre de « EQUAL »centrent leur attention sur les aspects
accessibilité des lieux de garde, accessibilité horaire des milieux d’accueil et donc envisagent la
flexibilité et l’élargissement horaire de ces lieux, reportant ainsi la logique et l’impact des régimes
temporels flexibles à l’intérieur des milieux d’accueil. Une logique qui bat en brèche les
démarches entreprises dans différents milieux pour assurer points de repères et continuité aux
petits, une des conditions de leur bon développement. Mais pas de travail d’enquête sur ce thème.
D’autres tel celui porté par les Francas (en France) privilégient des actions fondées sur une
coordination des temps de vie et englobant la prise en compte des temps des enfants.
Enfin des initiatives tels que les « bureaux des temps » visent une réflexion-action pour une
meilleure coordination des temps sociaux sur un territoire.
Les temps des enfants
36
III.
PROBLEMES IDENTIFIES
1. CONFLIT ENTRE TEMPS DES ENFANTS ET TEMPS PROFESSIONNELS
DES PARENTS, TEMPS DES PROFESSIONNELS.
Depuis les années 70, le nombre de femmes, mères de jeunes enfants, sur le marché de l’emploi
est en augmentation constante. Les retombées de travail des mères sur les rythmes de vie des
enfants sont incontestables.
Les enfants sont de plus en plus jeunes inscrits dans des horaires professionnels : ceux des
parents ainsi que ceux des professionnels des institutions qui les prennent en charge ; des horaires
pas toujours compatibles avec leur épanouissement et même quelques fois nocifs pour leur santé.
Les horaires professionnels des parents sont soumis eux-mêmes à des pressions temporelles
dictées par les nouvelles organisations du travail : temps partiel, horaires flexibles, travail
intérimaire. Ces organisations temporelles influent à la fois sur les horaires journaliers et
hebdomadaires, avec comme caractéristique l’imprévisibilité. Aux femmes, qui prennent une part
majoritaire dans le travail domestique et le soin des enfants, s’ajoute la responsabilité, stressante,
de coordonner les horaires de tous. Ces bouleversements familiaux, dictés par des exigences
économiques, sont d’autant plus importants que les parents sont peu qualifiés et disposent de peu
de ressources financières, sociales et culturelles.
Les enfants s’inscrivent également dans les horaires et rythmes des milieux d’accueil et des
institutions scolaires. La fréquentation précoce et de plus en plus fréquente des milieux d’accueil
de la petite enfance et de lieux dits « extrascolaires », exposent les enfants à des logiques horaires
dictées par l’organisation du lieu, le régime temporel des professionnels et par des impératifs
législatifs( pauses carrière, réduction du temps de travail, ….) . On peut légitimement se
demander de quelle marge de liberté disposent les équipes pour organiser leur temps et comment
elles l’utilisent. D’autres questions comme celle des principes qui guident l’organisation du temps
des enfants ainsi que celle des effets sur la vie des enfants, du personnel et des parents s’avèrent
cruciales mais ne sont pas traitées comme telles dans les travaux rencontrés.
2. CONFLIT ENTRE RYTHMES INDIVIDUELS ET NORMES SCOLAIRES
OU DE DEVELOPPEMENT.
Les temps des enfants
37
Le temps constitue une des premières mesures du développement des enfants : le développement
de l’enfant est classiquement évalué par rapport à des critères d’âges (QI ou QD = rapport entre
âge mental et âge réel) ; les stades de développement bien que plus qualitatifs se réfèrent à des
âges moyens. La rapidité du développement est souvent interprétée comme un signe
l’intelligence, un développement lent témoignerait d’un déficit.
La scolarité est marquée par des repères temporels : être « à l’heure », en retard, en avance par
rapport au niveau d’étude qui correspond à la classe d’âge constitue une mesure de l’élève (sauter
une classe à l’école primaire est souvent perçu comme un signe de précocité et donc d’intelligence
d’un enfant), mais également un critère d’évaluation de la qualité du système d’enseignement
d’une région, d’un pays ( nombre d’enfants à l’heure à l’issue d’un cycle d’enseignements par
exemple).
Les enseignants sont soumis à un programme qui rythme l’allure de leur enseignement et être à
l’avance sur le programme peut être vu comme un indice leur valeur.
La soumission à ces normes temporelles peut être source de tension, de stress et conduisent
certains enfants à l’échec, l’exclusion, la marginalisation.
3.
ARTICULATIONS MALAISEES ENTRE TEMPS FAMILIAUX ET TEMPS
SOCIAUX.
Différents travaux mettent en exergue la socialisation précoce aux temps sociaux et l’importance
des modalités selon lesquelles les normes temporelles sont proposées et intériorisées par les
enfants. Ils en démontrent les effets sur le parcours scolaire des enfants et quelque fois le fossé
culturel entre la vision du temps porté par l’institution scolaire et les conceptions familiales du
temps.
D’autres études insistent sur la qualité du/des temps vécus et combien la multiplicité des temps
sociaux vécus par les différents membres d’une famille, les logiques diverses auxquels ils sont
soumis peut conduire à des discontinuités et un morcellement aliénant du temps
4. DEBATS ET FLOU AUTOUR DE LA NOTION DE TEMPS LIBRE DES
ENFANTS
Les temps des enfants
38
La mise en place d’une politique de l'accueil extrascolaire ne peut faire l’économie d’une
réflexion approfondie sur la notion de temps libre et en particulier du sens qu’il revêt dans le
cadre de l’enfance.
Les différents travaux traitant du temps des adultes, envisagent le temps libre par rapport au
travail. Les auteurs montrent combien les différentes modalités d’organisation, de contenu et
même les conceptions du temps libre dépendent du travail : secteur, statut horaires, …
On peut s’interroger sur la légitimité d’apporter cette catégorie dans le champ de l’enfance.
Serait-ce un signe supplémentaire qu’on fait entrer les enfants dans le champ du marché ?
Pourrait-on dire que l’enfant traité comme partenaire économique risquerait d’être structuré
de manière marchande ?
Qu’est-ce que un temps qui est libre pour les enfants ?
Pour les enfants en âge scolaire, certains l’opposent au temps scolaire, d’autres distinguent
temps scolaire, temps extra scolaire et temps libre. Le temps libre dans cette dernière
conception serait en temps privé, soustrait à toute contrainte institutionnelle autre que celle
de
la
famille.
Cette
dernière
mobilisant
ses
ressources
personnelles
pour
« occuper » ?« remplir » ?« organiser » ?concevoir ?…, le temps libre de ses enfants. Or le
temps libre comme temps plus ou moins richement vécu dépend étroitement de la qualité de
l’environnement familial. On est de nouveau renvoyé au problème des inégalités sociales et
culturelles et donc à l’interpellation quant à la responsabilité de l’état et aux missions des
pouvoirs publics relatives au soutien aux familles dans leur devoir d’éducation.
Les temps des enfants
39
IV.
PISTES D’ETUDES
Au fil des écrits et documents filmés rencontrés, il apparaît que prendre le temps comme objet
d’étude et de réflexion livre une lecture insolite mais révélatrice de la condition humaine et de ses
contraintes.
A la fois contrainte sociale et produit de la société, le temps, tout comme les autres dimensions de
l’environnement, oriente la vie.
Questionner les temps des enfants – temps d’accueil, temps familial, temps scolaire, temps libre,
temps extrascolaire,…- mène à diverses pistes d’investigation :
-
dégager les logiques sociales, économiques, institutionnelles et politiques qui les guident ;
-
comprendre la portée de l’organisation du temps, des temps, des rythmes de vie imposés
aux enfants sur leur qualité de vie et leur devenir ;
-
identifier les contraintes temporelles de ceux qui en ont la responsabilité, parents et
éducateurs, contraintes qui pèsent sur le déroulement des journées et la vie quotidienne
des enfants
Envisager le temps des enfants comme une des dimensions de leur bien-être et de leur
développement conduit à établir des priorités et les fils conducteurs du questionnement. Le
milieu temporel qui leur est proposé (imposé) leur permet-il de s’éprouver et de devenir des êtres
-
libres c’est-à-dire conscients des contraintes temporelles qui les encadrent et aptes tout
autant à s’en dégager qu’à les subir sans s’aliéner ;
-
actifs c’est-à-dire capables de disposer et d’utiliser leur temps pour agir sur
l’environnement et le transformer, rêver et imaginer, penser ;
-
reliés socialement et affectivement.
Se dégagent ainsi des questions pertinentes pour traiter et étudier des problématiques particulières
comme par exemple le temps libre des enfants, les problèmes familiaux et sociaux dus à la
coordination des temps, la responsabilité publique dans l’organisation et la régulation des temps
sociaux.
Trois pistes d’études seraient à explorer
Les temps des enfants
40
1. ETUDES D’EMPLOI DU TEMPS DES ENFANTS
Devant l’absence de données descriptives concernant le temps des enfants de O à 12 ans et vu
l’intérêt de connaître ses cadres temporels, l’articulation entre ses différents temps pour
comprendre la condition enfantine et envisager des politiques allant dans le sens de son bien-être
et son développement, la priorité est d’engager des études portant sur l’emploi du temps des
enfants :
ƒ
à différents âges :
durant la première année de l’enfant, quand il fréquente un milieu d’accueil
entre 3 et 4 ans, au cours de sa première année d’école maternelle
entre 6 et 7 ans, au cours de sa première année d’école primaire
entre 10 et 11 ans
ƒ
en diversifiant les contextes socio-économiques avec une attention particulière
pour les situations considérées comme atypiques (mais qui risquent de devenir la
règle : par exemple des enfants fréquentant les haltes garderies, les initiatives Fesc,
( souvent des enfants de mères en insécurité matérielle, sociale, affective,
réfugiées, en formation ONEM, petits boulots,…) et pour les enfants soumis aux
conditions les plus difficiles ( longs trajets en car de ramassage scolaire, longues
journées à l’école, garderies à horaires décalés,….
ƒ
En adoptant comme méthodologie les routines, les journaux de bords tels qu’ils
ont été utilisés dans les recherches IEA PRESCHOOL et à l’ISTAT en Italie.
ƒ
En traitant les données recueillies dans une perspective quantitative et qualitative.
ƒ
En veillant à recueillir des données permettant d’établir des déroulements de
temps (journée, semaine, trimestre,…).
2. ENQUÊTES D’OPINION AUPRES DES ENFANTS
L’intérêt est d’associer à cette vue descriptive du cadre temporel des enfants aux différents âges,
la coloration vécue par ceux-ci.
Les travaux de Jacques Duez dévoilant, au cours de ses « questionnements » filmés, la conscience
et l’intelligence du monde que peuvent avoir les enfants, indiquent l’importance et l’intérêt de
susciter leur réflexion, de recueillir leur témoignage, de les écouter. Une attention particulière
serait à accorder à la notion de temps libre.
Les temps des enfants
41
ƒ
Méthodologie : groupes de discussion d’enfants (focus groupe) en s’inspirant de
l’approche du questionnement philosophique de Jacques Duez ;
ƒ
Echantillon selon les critères émis en 1
ƒ
Idéalement reprendre la même population que celle de l’étude d’emploi du temps.
3. ENQUÊTE SUR LES REFERENTIELS GUIDANT L’ORGANISATION DES
HORAIRES ET LE DEROULEMENT DU TEMPS AUPRES DES MILIEUX
D’ACCUEIL,
ETABLISSEMNTS
SCOLAIRE
ET
OPERATEURS
EXTRASCOLAIRES.
L’intérêt est de connaître si les différents lieux de vie extrafamiliaux que fréquentent les enfants
disposent d’une marge de liberté dans l’organisation du temps et comment et en fonction de quoi
ils l’utilisent.
ƒ
Méthodologie : enquête par questionnaire et interview (cf. enquête pouponnières :
Conditions pour assurer sécurité de base aux enfants séparés de leur famille).
ƒ
Echantillon : ici encore intérêt de partir des établissements fréquentés par les enfants
interviewés.
En organisant les différentes enquêtes autour des mêmes sujets, on disposerait de matériaux pour
élaborer une étude monographique croisant différents points de vue.
Par ailleurs, il serait souhaitable de compléter ces trois volets complémentaires par des enquêtes
similaires s’adressant aux parents et au personnel éducatif. (Eventuellement dans le cadre de
mémoires d’étudiants).
Enfin une telle démarche requiert une approche inter disciplinaire associant une réflexion
philosophique, historique, sociologique psychologique, pédagogique et politico administrative
Les temps des enfants
42
V. BIBLIOGRAPHIE THEMATIQUE
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