les temps des enfants - Observatoire de l`Enfance, de la Jeunesse et
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les temps des enfants - Observatoire de l`Enfance, de la Jeunesse et
LES TEMPS DES ENFANTS LES TEMPS DES ENFANTS Etude documentaire commanditée par l’Observatoire de l’Enfance et de la Jeunesse de la Communauté Française de Belgique Gentile Manni, chercheur Département « Education et formation » Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation Université de Liège Mai 2004 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION 1 I. INVENTAIRE DE LA DOCUMENTATION PORTANT SUR LES TEMPS DES ENFANTS ET SES DETERMINANTS. 2 A. ÉTUDES DESCRIPTIVES 1. Études portant sur l’emploi du temps des enfants 2. Études portant sur l’organisation des temps des enfants 3. Travaux portant sur les rythmes de vie des enfants. B. ANALYSES, REFLEXIONS ET POINTS DE VUE CRITIQUES 1. L’organisation du temps des enfants 2. Les rapports entre temps et construction de l’identité 9 9 17 C. RECHERCHES ACTIONS ET EXPÉRIENCES PÉDAGOGIQUES a. Dans les établissements scolaires. b. Dans les milieux d’accueil de la petite enfance. 21 21 22 D. DES INITIATIVES POLITIQUES 26 II. LE TEMPS DES PARENTS. III. 2 2 5 7 27 A. DES ÉTUDES DESCRIPTIVES. 27 B. DES ANALYSES ET POINTS DE VUE CRITIQUES 30 C. DES INITIATIVES POLITIQUES 35 PROBLEMES IDENTIFIES 37 1. CONFLIT ENTRE TEMPS DES ENFANTS ET TEMPS PROFESSIONNELS DES PARENTS, TEMPS DES PROFESSIONNELS. 37 IV. 2. CONFLIT ENTRE RYTHMES INDIVIDUELS ET NORMES SCOLAIRES OU DE DEVELOPPEMENT. 37 3. ARTICULATIONS MALAISEES ENTRE TEMPS FAMILIAUX ET TEMPS SOCIAUX. 38 4. DEBATS ET FLOU AUTOUR DE LA NOTION DE TEMPS LIBRE DES ENFANTS 38 PISTES D’ETUDES 40 1. ETUDES D’EMPLOI DU TEMPS DES ENFANTS 41 2. ENQUÊTES D’OPINION AUPRES DES ENFANTS 41 3. ENQUÊTE SUR LES REFERENTIELS GUIDANT L’ORGANISATION DES HORAIRES ET LE DEROULEMENT DU TEMPS AUPRES DES MILIEUX D’ACCUEIL, ETABLISSEMNTS SCOLAIRE ET OPERATEURS EXTRASCOLAIRES. 42 V. BIBLIOGRAPHIE THEMATIQUE 43 1. Etudes de budget temps enfants 43 2. Aménagement du temps des enfants (ATE) 43 3. Temps scolaires/temps sociaux 44 4. Enfance et contexte de vie 45 5. Temps des adultes/des parents 45 6. Temps sociaux 47 7. Cadre conceptuel et méthodologique 48 8. Approche psychologique 48 9. Approche pédagogique 49 INTRODUCTION Les études et recherches portant sur le temps foisonnent. Ils couvrent des champs extrêmement divers : philosophie, psychologie, sociologie, histoire, pédagogie, physique, chronobiologie, anthropologie. Les enjeux sont multiples : économiques, politiques, éducatifs, syndicaux. Les travaux portant spécifiquement sur le temps, les temps des enfants sont plus rares et par ailleurs éparpillés dans les différentes approches, quelques fois cachés dans les enquêtes dédiées aux adultes. Les repérer relève du jeu de piste. Aussi ce travail documentaire a pris l’option suivante : relever des études illustrant la diversité de la problématique et des domaines relatifs aux temps des enfants. Il ne prétend pas à l’exhaustivité. Plusieurs ouvrages ont guidé la lecture de la documentation : - Les temps de la vie quotidienne 1 et Pour une science des temps. Introduction à l’écologie temporelle2 de William GROSSIN. - Temps et ordre social3 de Robert SUE ; - Sociologie de temps4 de Gilles Pronovost. Ils ont ouvert la problématique et indiqué la nécessité, si on veut approcher « le temps », d’appréhender « les temps ». Enfin ce travail a bénéficié d’apports critiques et stimulants de Patricia Palermini, philosophe5. 1 Paris, Mouton, 1974. Toulouse, Octares Editions, 1996. 3 Paris, PUF Le sociologue, 1994. 4 Bruxelles, De Boeck, 1996. 5 Auteure de « Misère de la bioéthique », Labor, collection « Liberté, j’écris ton nom », Bruxelles, 2003. 2 Les temps des enfants 1 I. INVENTAIRE DE LA DOCUMENTATION PORTANT SUR LES TEMPS DES ENFANTS ET SES DETERMINANTS. Les résultats de la recherche documentaire s’articulent autour de quatre pôles A. Études descriptives. B. Analyses, réflexions et points de vue critiques. C. Recherches action et expériences pédagogiques. D. Initiatives politiques. A. ÉTUDES DESCRIPTIVES 1. Études portant sur l’emploi du temps des enfants Les études portant sur l’emploi du temps sont généralement menées par les instituts de statistiques. Rares sont celles qui incluent les enfants. Ainsi : Belgique : INS : seules données disponibles pour les individus à partir de l’âge de 15 ans ; demande a été faite à l’INS afin de savoir si il existait des données pour les enfants en dessous de 12 ans et, dans l’affirmative, s’il était possible de les traiter ; pas de réponse. Communauté européenne : Eurostat : pas de données (demandées). Angleterre : pas de données. France : INSEE : étude sur l’emploi du temps, questionnaires à partir de 12 ans mais le traitement des résultats regroupe les 12-19 ans. Une donnée concernant l’emploi du temps d’un enfant en France : 8500 heures annuelles, dont 5000 éveillées : 1000 à l’école, 2000 dans le temps libre, 750 devant la télé ou autres média. Italie : ISTAT : données dans le cadre du thème : Emploi du temps des hommes et des femmes en Italie6. L’analyse quantitative italienne porte sur l’emploi du temps en fonction de l’âge et du sexe. Elle envisage le temps dédié aux activités physiologiques (manger, dormir, hygiène personnelle), et le temps « obligatoire » (répartition entre école, travaux domestiques, courses). Elle examine les 6 LL. SABBADINI, R. PALOMBA, Tempi diversi, L’uso del tempo di uomini e donne nell’Italia di oggi, Rome, ISTAT, 1994. Voir en particulier le chapitre 2 « Il tempo dei bambini : fin da piccoli una strada segnata ? ». Les temps des enfants 2 différentes activités dont se compose le temps libre des enfants ainsi que l’utilisation du temps pour des jeux, des fêtes, des bavardages. Enfin l’étude envisage le temps consacré aux mass media et à la lecture, à des activités d’expression (dessiner, faire de la musique) et contemplatif (penser, prier,…). Les activités physiologiques et l’école absorbent ¾ d’une journée standard. Le temps libre (résiduaire) constitue ¼ de la journée. Ce temps libre est concentré pour les plus petits sur des activités ludiques, la télévision ne venant qu’en deuxième position alors que la situation s’inverse pour les plus grands ( 2H par jour à partir de 6 ans). La perte d’intérêt pour les jeux est également compensée par la lecture. Les auteurs soulignent la place importante prise par l’activité « parler », une demi-heure pour les plus petits, une heure pour les plus grands. « Des premières analyses il semble qu’il existe deux mondes différents : celui des enfants plus petits (de 3 à 5 ans) pour lequel le temps libre est prévalent et constitué principalement d’activité ludiques ; et celui des plus grands, pour lequel le temps libre est parcellisé et plus distinctement caractérisé : activités sportives organisées ou non, télévision, lecture ; dans cet ultime monde le jeu est remplacé, en partie, par un « temps libre formatif ». Au-delà d’une approche quantitative, ce travail offre une approche qualitative à partir de l’analyse de « journaux d’emploi du temps » c'est-à-dire de tableaux où il est demandé aux participants de noter au fil de la journée : les différentes activités, l’heure de début et de fin, le lieu où se déroule l’activité, les personnes présentes, une activité concomitante, secondaire. Il semble (mais ce n’est pas explicité) que, dans le cadre de cette recherche, on ait demandé à des enfants, dès l’age de 6ans, de tenir ce type de journal. L’analyse qualitative met en évidence une vision propre, spécifique aux enfants, de « l’activité » : ainsi rêver, ronfler,…sont considérés par certains enfants comme une activité, remettant en question les catégories « adultes » et par là le système de codage des données. Les auteurs reconnaissent également la difficulté à traduire la dimension émotionnelle des termes enfantins : « ma petite sœur » sera codé « frères et sœurs », « je prends un bon petit bain » devient« se laver ». L’étude met en évidences des différences filles/garçons quant à la répartition et l’utilisation des différents temps ; les petites filles sont plus impliquées dans le travail domestique. Les auteurs y voient une préfiguration de la situation adulte. Relevons donc la quasi absence d’études sur l’emploi du temps des enfants révèle le peu d’intérêt des instituts de statistiques – c’est-à-dire des pouvoirs publics – pour l’emploi du temps des enfants. Mais aussi, de façon plus large, divers auteurs mettent en évidence les limites7 et les problèmes méthodologiques et d’analyse des études « budgets-temps ». Ainsi Nicole Samuel8 : « une controverse persiste sur la valeur de la méthode des budgets-temps. Que lui reproche-t-on ? Principalement d'être "extensive" et non "intensive" c'est-à-dire de rester au niveau descriptif ; d'être trop proche du langage courant et de n'en proposer qu'une simple transposition ; de ne comporter que des données sur les aspects manifestes de comportements humains sans qu'il soit 7 C. BELLONI, Les limites de recherche des budgets-temps, Temporalistes, n° 8, avril 1988. I. GLORIEUX, Que signifie votre temps ? Quelques arguments pour inclure, dans la recherche sur les budgets-temps, des indicateurs sur la signification du temps, Temporalistes, n° 39 (numéro thématique : Les budgets-temps), mars 1999. W. GROSSIN, Limites, insuffisances et artifices des budgets-temps, Temporalistes, n° 39 (numéro thématique : Les budgets-temps), mars 1999. N. SAMUEL, Pour ou contre les budgets-temps ?, Temporalistes, n° 39 (numéro thématique : Les budgets-temps), mars 1999 Les temps des enfants 3 possible d'analyser en profondeur le discours des répondants ; de se limiter à une classification des activités qui ne donne pas sa place à la complexité des comportements humains et enfin de manquer de fiabilité, car les répondants découpent souvent leur temps de manière imprécise et ne mentionnent que les plus importantes de leurs activités et celles qui leur semblent socialement valorisées ou au moins acceptables. Différents points de vue sont exprimés sur cette controverse (dans ce numéro des "Temporalistes"). Celui de William Grossin va dans le sens de la critique de la méthode des budgets-temps. Analysant l'étude internationale des budgets-temps dirigée par A. Szalai et citée plus haut, il insiste sur les faiblesses existant dans la collecte des données, souligne en particulier la fragilité du témoignage des répondants et met en doute la validité de la mesure des faits par un étalon (l'heure, la journée), étalon qu'il juge arbitraire car imposé par la société industrielle qui découpe artificiellement le temps. Concluant que les budgets-temps ne constituent pas un instrument de connaissance scientifique et qu'il faut se garder de les utiliser pour analyser des temps hautement qualitatifs comme ceux de la vie personnelle et familiale, il concède cependant leur utilité comme procédé de portée limitée et provisoire pour dénoncer en les chiffrant les contraintes temporelles imposées à la vie quotidienne. Dans une perspective constructive, Ignace Glorieux - comme l'avaient notamment tenté dans le passé Sorokin en 1939, Chombart de Lauwe en 1956 ainsi que Foote et Meyersohn en 1961 propose, dans son travail avec Mark Elchardus, d'ajouter une dimension qualitative aux budgetstemps : en attribuant des significations aux temps étudiés, il obtient des informations sur les motivations de l'allocation du temps et sur les critères de cette allocation, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives théoriques et méthodologiques à l'analyse des données recueillies grâce à la méthode des budgets-temps. Enfin Jiri Zuzanek et John Robinson montrent concrètement comment, pour analyser le problème de la pression temporelle et du "stress" et pour comparer sur ce point le Canada et les USA, il est fructueux d'utiliser les enquêtes de budgets-temps à condition de les compléter par d'autres types d'analyse. Au total, on peut conclure que les enquêtes de budgets-temps, malgré les critiques souvent fondées dont elles font l'objet, offrent un intérêt théorique et pratique réel : en effet, les données qu'elles permettent de recueillir sont d'une grande richesse et, grâce aux progrès de l'uniformisation dans l'utilisation des statistiques, dans la classification des activités et dans la connaissance de la signification de ces dernières, elles constituent un outil précieux - sinon parfait, pour mener les études temporelles longitudinales et internationales qui permettent d'analyser le changement social et les tendances internationales dans l'emploi du temps. W. Grossin, particulièrement critique, pose la question de la proscription de ces études. Ci-après sa réponse : « il ressort que l'on peut utiliser des évaluations d'activités en heures et minutes d'horloge avec d'autant plus d'à-propos que l'on connaît la précarité, les limites, les insuffisances des budgets-temps. L'on ne cessera pas de "compter son temps" tant qu'il continuera d'être une mesure de valeur matérielle. On dénoncera les contraintes imposées, parfois stériles, de la vie quotidienne, tant en durées qu'en horaires, en les chiffrant. Inversement, on se gardera de rapporter à des heures d'horloge les temps familiaux ou personnels qui n'admettent pas cette mesure parce que leur jouissance n'a pas de prix, ni d'une occupation à l'autre, ni d'une personne à l'autre, ni en eux-mêmes parce que diversement appréciés ou répartis. Ranger sous la rubrique de "soins aux enfants" ceux qui coûtent peine et soucis ou source intense des joies de la maternité, par exemple, n'a pas de sens. Il n'y a pas lieu non plus de procéder à la méthode systématique du découpage de la journée d'hier en distribuant les vingt-quatre heures pour tous et pour tout.Autant devrait-on refuser les budgets-temps comme un instrument de connaissance scientifique, car en fait ils la desservent plus qu'ils y contribuent, autant peut-on s'en servir comme d'un procédé de portée limitée et provisoire, par exemple en cas de litige1. Par là reconnaît-on le fait des lois et règles, des usages et signes qui régissent nos rapports sociaux. Les temps des enfants 4 Nulle crainte ici d'une ossification des structures mentales. C'est la pratique du temps mesuré et les relevés qui en sont fait qui portent en eux la plus solide critique du bien-fondé de la mesure. » 2. Études portant sur l’organisation des temps des enfants a. L’organisation de la journée Un deuxième courant, né de considérations de politique éducative, s’intéresse à l’organisation des journées des enfants d’âge préscolaire. Dans le cadre d’une vaste enquête internationale « IEA PRESCHOOL », des études ont portés sur l’organisation d’une journée des enfants de 4 ans. Des chercheurs de l’ULG qui dans ce cadre ont étudié l’organisation d’une journée de 4 à 6 ans dans la région liégeoise, présentent ainsi leur travail9 : « Cette étude essaie, dans un premier temps, de cerner les conditions de vie des enfants de 4 à 6 ans par le biais de l’organisation de leur journée. Ensuite, les liens entre contraintes familiales (travail des parents, leur absence du domicile,…), ressource de garde et organisation de la journée de l’enfant sont envisagés. Ces analyses sont principalement basées sur le temps que l’enfant passe dans différents lieux et avec différentes personnes ainsi que leur nombre. Il en résulte que, si des enfants connaissent peu de lieux différents et y restent longtemps, d’autres fréquentent beaucoup de lieux différents. Tous sont finalement peu en contact avec leur père. L’organisation de la journée de la mère déterminerait celle de leur enfant, tandis que l’activité du père n’a presque aucune influence. » Ces études10 indiquent et confirment que les conditions de vie des enfants sont étroitement dépendantes des modalités de vie de leur mère. Par ailleurs elles fournissent des indications intéressantes pour fonder des choix, des priorités en matière de services à développer ou encourager en matière d’accueil extrascolaire notamment. Cette voie de recherche, basée sur des recueils de déroulement de journée, a été reprise par la même équipe de recherche dans le cadre d’une vaste étude suivant une cohorte d’enfants pendant 20 années11. 9 M. CRAHAY, A. DELHAXHE, G. HYNDRYCKX, V. PIELTAIN, L’organisation d’une journée d’un enfant de 4 à 6 ans: enquête dans la région liégeoise, 1991, Enfance, 45 (1-2), 127-152. 10 A.DELHAXHE, G.HYNDRYCKX, PP.OLMSTED, Ma.ZHENKUI, Study Findings: Children’s daily routines, in OLMSTED PP, WEIKART DP (ED.), Early Chidhood and Education in 11 Countries, , IEA Preprimary Project Phase 1, High/Scope Educationnal Foundation, Ypsilanti, 1994, pp 185-237 11 GRANDIR EN L’AN 2000, Présentation succincte de la recherche, Liège, ULG, Service de Pédagogie Expérimentale, doc. ronéotype, s.d. Les temps des enfants 5 L’attention s’est portée sur une semaine ordinaire de ces enfants dans leur quatrième année. Les données existent mais à ce jour n’ont pas été traitées. Aucun exemple de recherches portant sur le déroulement de la journée d’enfants à d’autres âges, 0-3 ans, 6-12 ans n’a été repéré. Il semblerait que le temps de l’enfant avant l’âge de trois ans soit inclus dans le temps domestique des parents sinon des mères. b. L’organisation du temps scolaire Le temps passé à l’école diffère de pays à pays : nombres d’heures par jour, nombre de jours, de semaines, calendrier des vacances et congés. Il peut varier selon les âges ; ainsi à titre d’exemple, au Danemark, l’obligation scolaire commence à 7 ans et le nombre d’heures de scolarité croît avec l’âge des enfants : de 15 à 22H/semaine pour ceux de 7 ans à 20 à 27H/semaine pour les enfants de 10 ans (Carels, 1989). Les études comparatives des divers systèmes ne sont pas répertoriées dans ce travail. Sabbbadini et Palomba (ISTAT) estiment que le temps scolaire est un temps obligatoire puisque les enfants ne peuvent s’y soustraire et qu’ils ne disposent d’aucun pouvoir décisionnel quant à son utilisation. Vu ces caractéristiques et vu que ce temps contraint occupe la deuxième place dans la vie des enfants – après les activités physiologiques – les auteurs l’assimilent au temps de travail des adultes. Gilles PRONOVOST12 consacre son article à une analyse comparative de l’évolution des temps sociaux et des temps scolaire et met en évidence un « brouillage » des temps sociaux. Il note « (…) C’est à l’école que l’enfant apprend bien souvent malgré lui à devoir structurer son temps ! L’organisation scolaire est pratiquement orientée selon un modèle analogue à l’organisation du temps de travail : la mesure du succès scolaire est définie par le temps qu’on y consacre. (…) Pour ce qui est de l’institution scolaire, il n’est pas exagéré de dire que ses rôles et fonctions dans l’organisation contemporaine du temps ont été par trop négligées. L’école a constitué à la fois le miroir et la contrepartie des conceptions contemporaines du temps. Comme je l’ai souligné entre le temps industriel et le temps scolaire, la distinction a parfois été mince, renvoyant à des conceptions analogues d’organisation et de structuration du temps. Mais voilà, la diversité de plus en plus grande des cadres temporels de toute activité humaine, l’enchevêtrement des frontières institutionnelles, l’hétérogénéité des significations accordées au moindre geste, ont fait en sorte que les « marqueurs » temporels se sont brouillés, à plus forte raison ce qui constitue un temps scolaire et ce qui n’en constitue pas, ce qui est « éducatif » et ce qui ne l’est pas. L’un des défis de l’école contemporaine est de s’intégrer à une multiplicité de voies d’accès à l’information et à l’éducation, au travers des temps multiples de la vie quotidienne. » GRANDIR EN L’AN 2000, Déroulement d’une semaine ordinaire, Liège, ULG, Service de Pédagogie Expérimentale, doc. ronéotype, 1992. 12 G. PRONOVOST, Temps sociaux et temps scolaires en Occident : le brouillage des frontières, in ST-JARRE C ET DUPUY-WALKER L (sous la direction de) : Regards multiples sur le temps, SainteFoy, PUQ, 2001, pp 43-58 Les temps des enfants 6 3. Travaux portant sur les rythmes de vie des enfants. Ces travaux apportent certains éléments de réponse aux questions relatives aux aménagement du temps des enfants telles qu’elles sont habituellement formulées : - l’adaptation des horaires scolaires aux biorythmes des enfants ; - les critères « enfants » d’adaptation du calendrier scolaire. Relevons particulièrement deux ouvrages de références : Des rythmes de vie aux rythmes scolaires et Les rythmes de l’enfant et de l’adolescent. Des rythmes de vie aux rythmes scolaires13. « Prendre en compte les rythmes de vie et les respecter conditionne grandement la santé des adultes et surtout des enfants, principalement dans nos sociétés modernes et conditionnées. Il est donc nécessaire de connaître l’intérêt, l’importance et la fragilité de ces rythmes qui règlent la biologie et l’existence de chacun. Les « rythmes scolaires » représentent une tentative sociale et officielle d’appliquer aux activités scolaires et aux vacances une correspondance réelle. La rigueur des conditions à respecter d’une part, les contraintes sociales, professionnelles, familiales comme les genres de vie et les mœurs modernes d’autre part rendent difficile et ambitieuse cette mise en harmonie au niveau de l’existence des enfants scolarisés et de l’institution scolaire. Mais si les « rythmes scolaires » ne sont encore qu’une caricature de cette mise en harmonie, ils offrent un fil conducteur à exploiter et une raison d’exigence et de persévérance pour la santé et la formation de la jeunesse » . Dans cet ouvrage la réflexion sur les rythmes de vie prend ancrage dans la chronobiologie. Dans une première partie l’auteur envisage les relations entre rythmes et biologie : chronobiologie, les fonctions en chronobiologie, la chronobiologie de l’enfant. Dans une deuxième partie, « Les rythmes et l’enfant », sont étudiés :les mécanismes d’adaptation des rythmes au cours du développement, les rythmes chez l’enfant scolarisé, la dysharmonie physiologique chez l’enfant scolarisé (fatigue, sa symptomatologie et son diagnostic), les processus rythmiques et leur dysfonctionnement chez l’enfant. La troisième partie, consacrée aux rythmes scolaires, envisage : le temps scolaire, synchronisation et modification des rythmes et enfin les altérations temporelles de l’institution scolaire. Enfin de dernier chapitre traite des aménagements et perspectives : d’une part les avis du Conseil économique et social (1979,1980), d’autre part des principes de réorganisation (principes d’intervention, organisation globale du temps, principes directeurs pour l’établissement d’un calendrier scolaire et notamment un schéma de proposition pour l’enseignement primaire et enfin des prospectives. Le second ouvrage « Les rythmes de l’enfant et de l’adolescent » 14« constitue un document de référence pour ceux qui, chercheurs, parents, enseignants, éducateurs, médecins, etc. se penchent 13 P.MAGNIN, Des rythmes de vie aux rythmes scolaires, Puf, Politique d’aujourd’hui, Paris, 1993. Les temps des enfants 7 sur les différents aspects des rythmes de l’enfant et de l’adolescent. Il traite des rythmes de développement de l’enfant (marche, langage, écriture, etc.), et des rythmes au sens de la chronobiologie, c’est-à-dire des événements biologiques et psychologiques qui, périodiquement, se reproduisent identiques à eux-mêmes. Trois grandes conclusions doivent être soulignées : 1. les rythmes sont très variables d’un enfant à l’autre ; 2. les modes et rythmes de vie de la famille, l’ambiance familiale et les comportements de la famille constituent des déterminants puissants des rythmes de l’enfant, mais le comportement des éducateurs et les facteurs scolaires jouent un rôle non moins important ; 3. la chronobiologie commence à dégager des temps faibles et des temps forts pour un nombre croissant de variables biologiques et psychiques chez l’enfant et l’adolescent, tant au cours de la journée que dans la semaine et l’année. On peut désormais en tenir compte dans l’organisation de la journée scolaire, du temps des loisirs et des vacances. » 14 H. MONTAGNER, Les rythmes de l’enfant et de l’adolescent : ces jeunes en mal de temps et d’espace, Stock, Paris, 1984. Les temps des enfants 8 B. ANALYSES, REFLEXIONS ET POINTS DE VUE CRITIQUES Sont rassemblées sous ce titre des travaux proposant une réflexion sur le rapport au temps des enfants et sur les contraintes auxquels ils sont soumis. Certaines de ces recherches s’appuient sur des interviews d’enfants, de parents, d’éducateurs et des observations directes de leur contexte de vie. 1. L’organisation du temps des enfants a. Le temps de la puériculture Les horaires et rythmes des bébés occupent une grande place dans les préoccupations parentales. Les conceptions, modes et pratiques d’éducation des bébés varient selon les époques et les classes sociales, les cultures (Boltanski)15. Dans leur ouvrage portant sur l’histoire de la puériculture, « L’art d’accommoder les bébés », Delaisi de Perseval et Lallemand16 posent comme hypothèse que la recommandation de nourrir les bébés selon des horaires fixes (fin du 19°- début du 20° siècle) faisait partie de l’arsenal des moyens de « moralisation de la classe ouvrière » adoptés par les hygiénistes français ; l’effet attendu était d’aligner l’horaire des ménagères, des femmes au foyer sur les rythmes et horaires du travailleur en usine. Cette étude n’a pas été actualisée selon la lecture des récents ouvrages de puériculture. Il serait intéressant, 25 ans plus tard, d’actualiser cette analyse: étudier les horaires et rythmes à proposer aux nourrissons tels qu’ils sont recommandés dans les ouvrages récents de puériculture et s’interroger sur leur éventuelle fonction sociale dans le contexte de vie actuel. b. Le temps de l’école L’entrée à l’école signe pour les petits – dès l’âge de 2 ans ½ - 3ans en Belgique – la soumission à des horaires rigoureux : heure d’entrée et de sortie de l’école ; dans l’école, alternance de temps scolaires consacrés à l’apprentissage et d’autres réservés à la détente, aux collations, repas et 15 L Boltansky , Prime éducation et morale de classe, Paris, EHESS, 1969 G Delaisi de Perseval, S Lallemand, L’art d’accommoder les bébés : 100 ans de recettes françaises de puériculture, Paris, Seuil, 1980. 16 Les temps des enfants 9 besoins corporels, d’autres encore à la « garde ». Ces différents temps dotés de statuts différents, plus ou moins pleins, pensés, habités, réfléchis témoignent des rôles assumés par l’institution scolaire et des priorités établies par les différents établissements. Les temps scolaires Les travaux de sociologues du temps, les « temporalistes », interrogent les logiques des temps scolaires, leur fonction sociale et leurs effets dans la construction sociale et identitaire des enfants. William Grossin17 voit dans l’organisation des temps scolaire habituels un apprentissage des temps dominants de la société industrielle : « Toute société s'entretient à travers la succession des générations par une persistance de ses moeurs, de ses valeurs, de sa culture. Chaque nouveau venu les reçoit en héritage et s'insère "naturellement" dans des structures qui l'accueillent. Moeurs, valeurs, culture, idées dominantes sont transmises à l'enfant par la famille et par l'école, en tout premier lieu. A la faveur des enseignements décidés, élaborés, organisés s'apprennent aussi des comportements, des attitudes conformes aux pratiques usuelles, qui "vont de soi". Ainsi en est-il de tout ce qui se rapporte au temps de l'horloge qui devient vite un impératif de la relation aux autres. La fréquentation scolaire structure dramatiquement les temps des enfants : injonction du lever, hâte du déjeuner, crainte du retard, temps du trajet, signal de 1'entrée en classe, compartimentage des emplois du temps, découpages par les récréations. Autant de passages d'une "borne" à une autre, qui se répètent le lendemain. Les temps familiaux s'articulent alors, plus au moins bien, avec les temps scolaires. Par là s'effectue, comme le dit Monique Haicault, un apprentissage des temps quotidiens, une préparation à la vie réglée sur1'horloge, et, s'il nous est permis d'insister, un véritable dressage à la rigueur des temps envahissants de la société industrielle programmée. » Ces chercheurs épinglent la difficulté d’aborder le thème de l’utilisation du temps dans l’enseignement car « cristallisée sur des principes pédagogiques et biologiques et dans une organisation figée, datant du XIX ° siècle18 ». Ainsi A. Husti montre que dans la fameuse question des rythmes scolaires, on se soucie encore peu de l'organisation du temps à l'intérieur de l'école et singulièrement du temps de classe19. A partir de ce travail mené par Husti, Roger Sue20 introduit les commentaires suivants « Bel exemple d'un temps normatif qui impose un carcan horaire uniforme sans tenir compte de la spécificité des contenus d'enseignement ni de celle du public. La question implicitement posée est de savoir si ce n'est pas l'activité d'enseignement, en fonction de ses caractéristiques propres, qui devrait dans certaines limites produire sa propre amplitude temporelle et non l'inverse. On imagine sans peine les obstacles à la mise en place de séquences éducatives différenciée. Mais, à 17 W Grossin, L’école et la vie, Temporalistes ,n°10, Janvier 1999 A Husti, Le colloque école et temps, Temporalistes, n°18, octobre 1991. 19 A HUSTI, Le temps, une variable de la démarche pédagogique, Temporalistes, n°21, 1992. 20 R SUE, Temps et éducation, Temporalistes, n°21, 1992. 18 Les temps des enfants 10 tout le moins, la question a le mérite de faire réfléchir sur les contenus d'enseignement sous un nouvel angle, de montrer que le temps n'est pas une donnée immuable, et qu'il peut être un excellent outil pédagogique dans la recherche d'une meilleure efficacité de l'enseignement. L'importance de la structure temporelle dans la pédagogie, on la retrouve dans la communication de G. Jean-Montcler. « Depuis Piaget, on sait l'importance du lien entre les repères temporels et le développement des processus cognitifs. Repères temporels indispensables à une représentation fonctionnelle de la conduite qui permet une programmation adéquate de l’action. On sait que cette "faculté d'anticipation" et de projection dans le futur est le gage non seulement du développement cognitif individuel, mais aussi du développement social. (D Mercure, R. Rezsohazy). Si tous les phénomènes qu'ils soient d'ordre psychologique (structure mentale) ou d'ordre sociologique (structure sociale) s'inscrivent "dans le temps", le temps ainsi produit est un bon moyen de les refléter et de les penser. » L’utilisation du temps scolaire pourrait être différents selon les établissements et dépendre de l’origine sociale des enfants. Ainsi, dans une recherche M. Crahay et B. Quoidbach21 ont étudié la répartition des activités proposées à des enfants d’école maternelle de milieux sociaux contrastés. Il ressort de ce travail que dans l’école accueillant surtout des enfants dits « favorisés » une majorité du temps « de classe » était consacré à des d’activités préparant à l’école primaire (pré lecture, pré écriture,…), les temps de jeux libres étant limités. A l’inverse dans l’établissement accueillant une majorité d’enfants dits « défavorisés » les périodes de « jeux libres », en dehors des moments de récréation, prenaient le pas sur des activités structurées et accompagnées par l’institutrice. Retentissements sociaux des horaires scolaires. L’organisation des journées et des calendriers scolaires varie selon les pays ; les retombées sur le déroulement de la vie des enfants et des parents diffèrent selon l’appartenance sociale des enfants et le contexte. Si on envisage le retentissement des horaires courts, on s’aperçoit que les effets diffèrent selon le contexte et l’appartenance sociale. Deux exemples. En Italie, à l’école primaire, le « mezzo tempo » est la règle : les écoliers fréquentent l’école la matinée uniquement. Autrefois, dans une Italie agricole et latifundiaire, cette organisation libérait les enfants pour le travail des champs. Il en allait de même lors des longues vacances d’été : aux enfants de pauvres le travail (pas ou peu rémunéré), aux enfants aisés les jeux, les délassements, la 21 M.Crahay & B. Quoidback (1984). Caractéristiques culturelles de la population scolaire et curriculum réalisé dans quatre classes maternelles., Scientia Paedagogica Experimentalis, XXXI, 1, 20-44. Les temps des enfants 11 culture. Dans une livre célèbre de la fin des années 60 « Lettre à une maîtresse d’école » les élèves de l’école de Barbiana revendiquaient pour des raisons de justice sociale le temps plein, le « tempo pieno ». Ce « mezzo tempo » pèse actuellement sur la vie professionnelle des femmes ; en effet en l’absence de solutions d’accueil autre que la « baby sitter », nombre d’entre elles sont contraintes soit à renoncer à une activité professionnelle ou alors se tournent vers des petits boulots ou le travail à domicile. La situation est bien différente en Suède et au Danemark par exemple où les enfants, au début de l’enseignement obligatoire, passent très peu de temps à l’école : deux heures par jour en 1ère année et l’allongement est progressif22. L’infrastructure d’accueil publique (out-of-school) prend le relais dans des lieux spécifiques, pensés pour l’activité et le bien-être des enfants. Enfants et parents y trouvent leur compte. Réflexions d’enfants à propos de leur rapport au temps et rythmes scolaires. Dans différents films-video réalisés par Jacques Duez23 avec ses élèves dans le cadre du cours de morale, les enfants analysent avec lucidité les effets des rythmes scolaires sur leur vie d’enfant : difficulté d’être accepté quand on est lent, stigmatisation de la lenteur, effet sur le décours des jours, sur le processus d’échec scolaire, dévalorisation personnelle et sociale, etc. Ils s’interrogent sur la valeur de la rapidité. On retrouve dans ces documents des interrogations fondamentales quant aux relations entre organisation sociale du temps et développement personnel. Rythme de travail scolaire et organisation du temps. Sur le même thème que celui débattu par les enfants dans les vidéo de Jacques Duez, Ana Vasquez et Nadine Bouvier, dans leur article « Rythme de travail, organisation du temps : un choix culturel »24, exposent les résultats d’une recherche sur les effets de la transculturation concernant des enfants étrangers en France, d’origine hispanophone. « Cette recherche s’est très rapidement orientée vers l’étude des modalités d’adaptation aux codes scolaires et sociaux relatifs au temps, étant donné l’ampleur des problèmes qui se manifestent à cet endroit chez les enfants concernés. Le thème de cette recherche est donc actuellement l’étude du « temps social» ou du « temps à l’école ». » (p. 368). 22 M.L. Carels, Les centres intégrés au Danemark, document ronéotypé, ULG, 1989. Jacques Duez et ses élèves du cours de morale, vidéos La lenteur et Les Rythmes scolaires, Babebibobu, production Centre Culturel de Mons,sd. 24 Ana Vasquez et Nadine Bouvier, dans leur article « Rythme de travail, organisation du temps : un choix culturel », in Montagner, op cit, pp 368-381 ; 23 Les temps des enfants 12 Partant d’entretiens avec les instituteurs des enfants observés, avec les enfants et leurs familles, les auteurs étudient le point de vue des enseignants ainsi que celui des enfants et des parents sur la lenteur de ces enfants. Par ailleurs elles analysent les 70 séances d’observation opérées dans les classes de huit enfants. Elles constatent les difficultés des enfants quant à leur rapport au « temps français » et la mésinterprétation des comportements des enfants par les enseignants. Dans leur discussion elles soulignent que « les notions de rythme de travail et d’organisation du temps scolaire ne relèvent pas d’une organisation optimale, universelle, mais des modalités d’organisation caractéristiques des groupes culturels concernés. » Elles concluent que « Le problème du rythme de travail, ou du rythme d’apprentissage n’est donc pas un problème technique isolé, qui dépendrait uniquement de la confrontation d’enfants d’un âge donné avec des techniques et des contenus à apprendre, mais il dépend avant tout d’une conception globale de l’école et de l’éducation qui relève à son tour d’une conception de la société. » L’apprentissage et la transmission des temps sociaux Si le travail de Vasquez met en lumière l’incidence de l’appartenance culturelle sur le rapport au temps scolaire, d’autres se sont penchés sur les différents modes familiaux d’inculcation des temps et notamment le temps scolaire. Ainsi M. Haicault25 « L’enfant doit les connaître et cette connaissance relève d’une sorte d’apprentissage effectué, en partie, au sein des familles. Apprentissage différent selon les milieux, car les temps de l’école s’intègrent à la diversité des temps familiaux, car il met en scène les habitudes culturelles et il est imprégné de valeurs éducatives propres à chacun d’eux.» Comme l’étude précédente, ce travail centre son observation à la fois sur les pratiques et leurs composantes matérielles et pensées, sur les acteurs de la socialisation familiale ainsi que sur les savoirs et manières de faire. De même cette recherche s’appuie sur une méthodologie qualitative : interviews des enfants et des parents, observation des lieux et des échanges et même vidéo. Il ressort que « Les interviews des enfants comme l’observation des pratiques dans la famille renforcent la nature sociale du temps. Le temps s’apprend et c’est bien autre chose que de savoir lire l’heure. Nous avons dégagé trois caractéristiques de notre temps social. Le temps est borné, à l’intérieur de ces bornes il peut être fragmenté ou informe ; enfin le temps est à rentabiliser comme un avoir, un capital. » L’auteur met en évidence la diversité des modes d’inculcation de ces temps et l’incidence des modes d’apprentissage sur l’expérience temporelle des enfants et leur intégration sociale. Ainsi « Ces contenus de socialisation liés au caractère à la fois borné et fragmentaire des temps familiaux et scolaires constituent en quelque sorte des savoirs temporels transposables. Ils aident 25 M HAICAULT, Enfants et temps quotidiens : apprentissage et transmissions, Temporalistes, n° 10 (numéro thématique : Temps scolaires et socialisation), janvier 1989. Les temps des enfants 13 l’enfant dans notre système social à s’orienter, s’adapter et, peut-être sous certaines conditions, à faire du nouveau, à créer de la liberté. Savoir jouer avec des temps contraignants sera utile plus tard dans d’autres champs d’expérience. Savoir anticiper les durées, planifier sur du long terme différentes activités fera partie des compétences professionnelles. » L’étude montre également que les modalités de rapport et d’acquisition des temps bornés retentissent sur le vécu et le rapport au temps « informe » : celui du temps de l’attente, du temps de la récréation, du mercredi, des dimanches, de la maladie, le temps du rêve, de la flânerie. « On a pu constater que les enfants très « encadrés » avaient perdu le goût du temps informe, faisant appel aux frères et sœurs, à la mère, pour jouer ou trouver une occupation. » De telles études contribuent à nuancer et à éclairer la question du temps libre des enfants, thème qui sera traité dans le point suivant Par ailleurs elles introduisent une autre problématique : celle du rapport entre rapport au temps et construction de l’identité. c. Le temps libre Dans une séquence de « Premières audaces », un des cinq épisodes de la suite télévisuelle « Journal de classe »26, un jeune garçon de 8, 9 ans analyse avec lucidité l’apport, pour sa vie et son équilibre psychique, du temps qu’il passe à grimper dans les arbres, à s’inventer une vie de Tarzan. Ce « temps libre » de l’enfance interpelle sur son contenu : temps du rêve ? temps de l’investissement personnel ? temps de l’échange et des relations amicales ? temps vide ? occupé ? surveillé ? rentabilisé ? Place et statut du temps libre dans la vie de l’enfant La réflexion relative au temps libre de l’enfant n’est pas récente. En 1981, en France J-F De Vurpillières27 y consacre un ouvrage « 7 mois de loisirs. La face cachée de l’éducation ». Il constate que si d’une part l’année scolaire ne dure que 155 jours de classe pour 210 jours de congés, l’attention des pouvoirs publics s’est concentrée sur la réforme de l’enseignement et a négligé le temps libre des enfants et adolescents. Pour lui la question du temps libre des enfants constituer un aspect méconnu de l’éducation. Selon lui attirer l’attention sur ce secteur, entamer des réformes suscitent un certains nombre de craintes et de l’irritation, des peurs. 26 J. Duez, A. Lejeune, W. Leguèbe, Journal de classe, cinq films de 50 Min, production RTBF et ARTE, 2002. 27 J-F. De Vurpillières, Sept mois de loisirs ou la face cachée de l’éducation, Paris, PUF, 1981. Les temps des enfants 14 Des craintes : déposséder la famille d’une de ses dernières responsabilités, renforcer la division de la vie sociale par une action spécifique au profit des enfants et des jeunes, « embrigadement » politique et idéologique. L’irritation : les jeunes auraient trop de loisirs, ils y pensent trop et sont ainsi mal préparés à la vie active. Pour l’auteur ce qui est mis en cause c’est l’utilisation que font les jeunes de leurs loisirs et donc une action positive dans ce domaine doit avoir pour but de leur permettre d’utiliser ce temps de la meilleure manière possible c’est-à-dire selon cet auteur : « Se distraire, se préparer à la vie adulte, mieux s’intégrer à la vie sociale, mieux la connaître, mieux y exprimer leur générosité et leur solidarité, d’enrichir également leur sens artistique et leur culture comme de développer leurs capacités physiques et de faire preuve enfin d’initiative et de créativité ». Vaste programme dont il envisage la mise en œuvre possible par une politique nationale des loisirs d’enfants s’appuyant sur les associations de jeunesse et de vacances, une politique familiale municipale, des media qui tiennent compte des enfants et des adolescents. Différents sociologues (Pronovost, Sue)28 mettent en exergue la montée en puissance du temps libre comme temps éducatif. Entre le temps scolaire et le temps non scolaire : l’extrascolaire Il s’agit, selon SUE 29« d’un temps qui ne recouvre pas l’ensemble du temps non scolaire, mais un temps intermédiaire qui se situe à l’intersection entre le temps scolaire proprement dit et le temps non scolaire ou temps libre » (SUE P., 1999). Pour cet auteur, ce temps extra scolaire, sous l’influence directe de l’école, dans le cadre de projets d’établissement tels qu’ils avaient été institués en France dès 1989, « peut être un vrai temps de rencontre, de convergence et de mixage entre des pratiques culturelles au sens large issues du non scolaire et la culture scolaire au sens strict ». Une réflexion spécifique sur le rôle et la place de l’extra scolaire dans l’éducation des enfants, le « out of school » pour les anglophones, rassemble depuis 1989 des partenaires européens au sein d’un réseau : l’ENSAC. En 1995, le thème de la coopération entre école et le système d’accueil des enfants d’âge scolaire était à l’ordre du jour de leur 6e conférence internationale à Maastricht. Cette coopération existe depuis 1970 en Suède, où école et extrascolaire assument en partenariat des rôles complémentaires dans l’éducation des enfants d’âge scolaire. “The main direction for school concerns learning and teaching. For school there are goals and curriculum that state that children shall acquire certain knowledge and skills. For school-age there are no demands for learning of this kind but a direction towards giving a wide support for physical, intellectual, social and emotional development of the child and give the children space, support and resources for 28 G. PRONOVOST ? Temps sociaux et temps scolaires en Occident : le brouillage des frontières, in ST-JARRE C ET DUPUY-WALKER L ( sous la direction de) : Regards multiples sur le temps, Sainte-Foy, PUQ, 2001, pp 43-58. R. SUE, Temps et ordre social, Paris, PUF, 1994. 29 R. SUE, Dynamique des temps sociaux et processus éducatif, in PH CARRE et P CASPAR, Traité des sciences et des techniques de formation, Paris, DUNOD, 1999. Les temps des enfants 15 their own activities; to play, create, associate with peers, discover the world”. (Site internet http://home.swipnet.se/ENSAC/23.htm.) Cette option rejoint celle de Raymonde Caffari.30Lors de journées d’étude sur l’extra scolaire organisée par le Fraje, dans son exposé « Entre garderie parking et surstimulation, l’importance du temps libre » l’auteur propose une réflexion pédagogique sur l’extrascolaire. Elle part du postulat suivant « la pédagogie n’est pas une discipline scientifique mais plutôt normative, qui s’appuie sur ce qu’on connaît des enfants, de leur développement, du cadre de vie dont ils ont besoin, pour pouvoir proposer et dire ce que devrait être, ce qui serait le mieux pour atteindre les objectifs qu’on se fixe 31». D’une part elle pointe la valorisation de l’activisme qui caractérise l’environnement dans lequel les enfants grandissent. Par ailleurs elle fournit quelques repères pour comprendre les processus d’apprentissage et de construction de soi des enfants dans l’enseignement fondamental. Partant de là, elle traite différents points : pourquoi privilégier l’activité autonome, sa valeur et les conditions de son déploiement. Raymonde Caffari – invoquant les "vertus et les limites de l’inaction " – n’hésite pas à parler en terme de droits : "droit de se reposer, de rêver, droit d'être spectateur, droit de s’ennuyer », droit de jouer aussi ! Les thèmes du rêve et de l’ennui suscitent débats et réflexion : - Le rêve. L’interpellation de Buzyn dans "Papa, Maman, laissez moi le temps de rêver »32 attire l’attention sur la nécessité, pour l’équilibre des enfants, de ne pas envahir leur temps hors école par une succession d’activités les privant de tout moment de détente et de libre arbitre dans l’usage qu’ils font de ce temps. Buzyn rejoint ainsi de nombreuses enquêtes qui démontrent qu'il y a une forte corrélation entre le sentiment de réussite, qu'elle soit sociale, professionnelle et/ou personnelle, et la capacité d'auto organisation dont le principe de base est la gestion du temps (3). - L’ennui. Jean Jacques Delfour 33dans « Marianne » du 3 mars 2003 voit dans l’ennui une école du désir. Pour lui l’ennui est nécessaire et « il convient donc, si on veut que le désir s’éveille, de s’abstenir de le gaver. C’est dans son propre dénuement qu’il pourra découvrir qu’il est la source et le chemin. Qu’il est libre et responsable de lui-même. L’école n’a donc pas à redouter l’ennui. Le savoir est un objet notoire de désir car il est issu de sa recherche. Celle-ci est une relation à ce qu’on ne sait pas encore et dont l’esprit rêve que sa possession sera source de puissance et de plaisir. La connaissance permet de faire face au néant, à la finitude, à l’impuissance, à la mort. Le 30 R.Caffarri, "Entre garderie parking et surstimulation, l’importance du temps libre", in « Penser le temps libre dans l’école » Actes des 2 journées d’étude « extrascolaire », Bruxelles, F.R.A.J.E., novembre 2001. 31 R.Caffarri,op cit, p 17 32 E. Buzyn , Papa, Maman, laissez moi le temps de rêver, Paris, Albin Michel, 1995. 33 Jean Jacques Delfour, L’ennui comme école du désir, Marianne, 3 mars 2003. Les temps des enfants 16 savoir est un enfant du désir. Encore faut-il éprouver la brûlure de son absence. L’ennui, comme expérience intime du néant, en est la meilleure préparation. » 2. Les rapports entre temps et construction de l’identité La préoccupation pour l’étude des relations entre temps et identité est partagée tant par des sociologues que des psychologues. a. Approche sociologique Dans son article « Histoire, biographie, quotidienneté : les temporalités des jeunes », Marita Rampazi34 du Département d’Etudes politiques et sociales de l’université de Pavie, expose les résultats d’une recherche portant sur la conception du temps chez les jeunes. Dans ce travail, 300 interviews de garçons et filles de 16 à 25 ans habitant Milan ont été analysées. Ces interviews approfondies (plus de deux heures) s’articulaient autour de trois thèmes : 1. Des questions à propos de la façon dont les jeunes se rapportent à l’histoire (comment ils la définissent, s’ils envisagent des points de contact entre l’histoire collective et leur histoire personnelle, comment est conçu l’engagement politique, etc.); 2. Des questions sur la manière dont les jeunes se rapportent à leur propre histoire (par exemple : y a-t-il une mémoire des « instants » qui nous ont créés ? Les souvenirs sont-ils liés à des événements qui marquent une continuité ou bien une discontinuité à l’intérieur du « parcours biographique » ? 3. Des questions sur la gestion du temps quotidien et de la valeur qu’on attribue à ce temps dans son espace de vie (quel est le rapport entre les temps personnels et les temps sociaux ? Comment définit-on le « temps occupé », le « temps libre », le « temps vide » et quel poids ont ces temps dans la gestion du temps de la journée, etc. « Très schématiquement, l'analyse a permis de définir quatre manières (à comprendre comme des idéal-types) de se rapporter aux différentes dimensions (historique, biographique et quotidienne) de la temporalité. Ces quatre modalités résultent du rapport entre la représentation de soi – autonome ou hétéronome – et la représentation du temps, structurée ou non, autour des temps institutionnels. A- La modalité que l'on a appelée auto structuration suppose que l'individu soit à même de définir le style de son identité à l'intérieur d'un projet, choisi de façon autonome (ou que l'individu considère comme autonome), qui l'entraîne à assumer des rôles socialement acceptés, parce que ce n'est qu'à l'intérieur de ces rôles qu'on peut réaliser son projet (généralement défini en termes de "faire", bien que pour les femmes, il y ait des nuances). La profondeur du futur est proportionnelle aux étapes prévues pour la réalisation du projet et le passé est le lieu ou l'on cherche les racines de son engagement actuel. Du point de vue de la temporalité historique, on 34 M. Rampazi, Histoire, biographie, quotidienneté : les temporalités des jeunes, Temporalistes, n°10, pp 16-21. Les temps des enfants 17 trouve une claire conscience de points de contact entre sa propre durée et la durée collective, non seulement pour les jeunes engagés dans la réalisation d'un projet politique, mais aussi pour tous ceux qui jugent leur propre projet de vie comme une contribution à la perpétuation (et/ou à l'amélioration de la vie collective). Il y en a qui disent, par exemple : si l'histoire est la vie de la collectivité, moi, en tant que membre d'une société historiquement définie, je peux contribuer, par mon travail quotidien, à faire un petit morceau d'histoire pour les générations futures (histoire vue comme longue durée). C'est une modalité que l'on a rencontrés surtout chez les jeunes filles. B - La modalité que l'on a appelée hétéro structuration est caractérisée par la présence d'un "faux" projet, en ce sens que l'individu se conforme au modèle de vie qu'il considère comme normal et seulement "parce que tout le monde fait comme ça". On n'y voit pas de recherche d'un style d'identité. Bien au contraire prévaut la tendance à s'identifier complètement avec des modèles qu'on trouve autour de soi, sans les mettre en question. L'assomption de rôles, donc aussi de liens avec les institutions, n'est pas fonction de la réalisation d'un projet, elle devient elle-même le projet : il faut aller à l'école, il faut travailler, il faut se marier, parce que les autres le font. L'identité se fonde sur la certitude d'être comme tous les autres. Le passé et le futur se perdent, le premier dans un vague souvenir d'avoir eu une enfance et une adolescence normales et le second dans une perspective de vie où l'on a banni toute possibilité de risque et d'imprévu. Le présent est un quotidien que l'on n'a pas choisi, où l'on fait tout ce qu'on doit faire, mais qui n'a aucune signification précise (c'est l'aliénation du quotidien devenant routine). Il n'y a aucune perception de points de contacts entre la vie et l'histoire souvent définie selon une conception événementielle et personnalisée. C - La modalité que l'on a appelée hétéro déstructuration se réfère au cas où il n'y a aucune projection possible dans le futur, même proche, parce que, face à une quantité d'objectifs désirables il n'y a aucune idée des moyens qu'il faut utiliser pour les atteindre, ou bien parce qu'il n'y a aucune possibilité de cerner des objectifs désirables (c'est l'incertitude élevée au rang de système de vie). Il n'y a donc aucun projet autour duquel bâtir le sens de son identité. En même temps, comme on considère le modèle de vie "normale" comme dépourvu de sens (on ne veut pas s'identifier avec "tout le monde" qui étudie, travaille, se marie, sur la base de la simple motivation "qu'il faut le faire") on refuse aussi les rôles traditionnels, et, avec eux, les temps des institutions. C'est la plus totale "platitude" temporelle : pas de futur, pas de passé, un présent où on a l'impression de "tourner à vide", d'avoir comme problème crucial celui d'arriver de quelque manière à la fin de la journée. L'histoire est quelque chose qui n'a rien à voir avec sa propre vie, parce que le refus du présent collectif (renforcé par l'incapacité d'entrevoir des perspectives de changement pour le futur) entraîne la perte de valeur du passé (l'histoire est quelque chose qui n'existe que parce qu'il y a des livres d'histoire, des académiciens qui s'en occupent, des enseignants qui contraignent à l'étudier à l'école). D - La dernière modalité est celle de l'auto déstructuration. Ici on a la conviction que l'on est à même de "bâtir sa propre vie", moyennant des choix autonomes et cohérents qui ne peuvent être réalisés qu'à la condition d'être détachés des liens provenant de l'assomption de rôles stables et de l'assujettissement aux temps des institutions. C'est une modalité qui rappelle l'idée de "moratoire comme style de vie"t qui refuse en particulier la logique du temps productif (on a trouvé beaucoup d'indications intéressantes sur la distinction entre "activité"' et "travail", par exemple). On a un projet de vie qui s'ouvre sur l'avenir, vu comme un espace où se profilent maintes possibilités de "faire des expériences " significatives pour son parcours personnel de croissance, de "devenir". Le présent devient une dimension de vie à évaluer d'une façon qui renverse la conception mathématique du temps, selon laquelle chaque instant est un segment égal à celui qui le précède et à celui qui le suit, à l'intérieur d'une linéarité qui peut facilement se traduire en routine. Ce projet de vie se fonde sur la tentative de vivre chaque instant de sa vie comme s'il était Les temps des enfants 18 irrépétable et unique, de profiter de toutes les possibilités offertes de faire des choses nouvelles et de jouir de maintes occasions de relations avec les autres. La moindre partie de son temps est potentiellement significative selon cette perspective et cela vaut pour le présent aussi bien que pour le futur. Iln'y a pas de perception de contact direct entre sa vie et l'histoire bien que l'on ne refuse pas le concept d'histoire comme vie de l'humanité, source de la réalité sociale à laquelle on est confronté (mémoire collective dans le sens défini par Halbwachs). » On pourra également se référer au texte de Claude DUBAR35 : « L’articulation des temporalités dans la construction des identités personnelles : questions de recherche et problèmes d’interprétation » où l’auteur essaye de proposer une cadre d’analyse des temporalités spécifiques – familiale, amoureuse, symbolique, culturelle,… – dans le processus de construction identitaire des jeunes. b. L’approche clinique et la psychanalyse ; temps et pathologie Le Centre de Recherche en Psychopathologie et Psychologie clinique (C.R.P.P.C.) de l’Université Lumière de Lyon 2 a organisé en 2003 et 2004 des colloques internationaux dédiés à l’étude du temps comme élément de l’élaboration psychique. Ainsi émerge un intérêt pour le temps des bébés, le temps considéré comme dimension de construction de leur psychisme. Le Colloque « Le temps du bébé » organisé à Lyon en mars 2003 présentait la problématique de la façon suivante : « Chacun sait combien il faut prendre du temps pour être avec un bébé et prendre contact avec lui. Mais quel rôle joue le temps pour le bébé ? Comment se repère-t-il dans ses rencontres et dans son histoire ? Comment construit-il ses expériences ? Comment aussi échoue-t-il à se construire ou se protège-t-il d'expériences qui le débordent ? Comment peut-on intervenir avec lui ? Telles sont les questions de cette journée. On reconnaît maintenant toute l'importance qu'il faut accorder aux rythmes du bébé, comme pour le sommeil et l'alimentation, mais sur quelle base affective ces rythmes se développent-ils ? Le bébé est sensible aux séparations, mais doivent-elles être évitées ? Comment peuvent-elles être facteur de croissance ? Et si la pensée chez le bébé était d'abord la pensée d'un "temps psychique" ? Nous chercherons plus précisément à comprendre comment le bébé peut entrer dans une véritable intrigue avec son partenaire, et cela bien avant de parler. Son attention à la vie psychique, comme à son corps et au monde qui l'entoure, dépendrait de la rencontre avec le temps d'un autre, présent et humain. La psychopathologie précoce montre que le temps psychique peut s'arrêter, devenir circulaire ou se rigidifier. Comment alors le soin pour le bébé et sa famille peut-il prendre en compte ces figures du temps ? Comment les processus de symbolisation précoce intègrent-ils cette temporalité et ses achoppements ? 35 Claude DUBAR , L’articulation des temporalités dans la construction des identités personnelles : questions de recherche et problèmes d’interprétation, Temporalistes, n°44, 2002, pp 42-49. Les temps des enfants 19 S'il existe une temporalité propre à la vie psychique du bébé, nul doute que celle-ci ne fasse écho à tout travail d'accueil, de soin ou de thérapie auprès d’enfants ou d’adultes. » Lors de ce colloque, réunissant pédopsychiatres, psychologues et psychanalystes, les thèmes suivants furent abordés : - La narration affective dans le moment présent. - Le temps des bébés et les défenses primitives. - L’activité libre du bébé ou le temps de faire des expériences. - Le temps pour intervenir : approche psychanalytique des enfants à risque d’autisme. Dans son article « L’intégration psyché soma et le temps de l’intrigue, ce que nous apprennent les bébés », Denis Mellier36, un des organisateurs de ce colloque, part du constat que « le temps psychique est hétérogène. Chez le nourrisson il souligne l’intérêt du temps psychique de l’intrigue à partir des travaux de Daniel Stern sur la trame temporelle d’éprouver. Cette émergence émotionnelle du temps correspond à un mouvement d’intégration de la psyché et du soma pour le bébé. » En 2004 le colloque « Mémoires du temps ; traces et symbolisation. » interrogeait la « question du temps située au cœur de la symbolisation » et s’est intéressé notamment aux modalités temporelles de l’enfance et de l’adolescence. c. Approche psychopédagogique Dans les milieux d’accueil de la petite enfance, l’organisation des temps – celui des adultes comme celui des enfants – ainsi que la conception des temps proposés aux petits - temps pour « être avec soi-même » et avec les autres enfants, temps pour la rencontre avec l’adulte.constituent un nœud dans la mise en oeuvre de leur projet éducatif. Une enquête dans les pouponnières et centres d’accueil en Communauté Française 37 cherchant à connaître le contexte organisationnel offert par les instituions aux jeunes enfants, a pointé combien la question de l’organisation du temps – horaires et temps de travail des différents membres de l’équipe, plage horaire des enfants, déroulement des journées des enfants, temps des visites des parents – constitue un nœud crucial dans la mise en place des conditions de bien-être et développement aux enfants accueillis. 36 Denis Mellier, L’intégration psyché soma et le temps de l’intrigue, ce que nous apprennent les bébés, Champ psychosomatique, n°30, 2003, 27-43. 37 ML Carels, G Manni et D Penoy, Des conditions de base pour assurer la stabilité et la continuité des interactions adulte-enfant. Liège : Service de Pédagogie générale et de l’Enseignement préscolaire de l’Université, 1995. Les temps des enfants 20 C. RECHERCHES ACTIONS ET EXPÉRIENCES PÉDAGOGIQUES Les situations de changement permettent de saisir et de comprendre des éléments déterminants d’une situation. Si on passe en revue un ensemble d’expériences éducatives novatrices et centrées sur la recherche des meilleures conditions de bien-être et de développement des enfants dans une perspective émancipatrice, de progrès humain – de Rabelais à Freinet en passant par Rousseau, Neil, Don Milani, Bettelheim,..., – toutes se soucient du temps, et mettent en œuvre une conception du temps en rupture avec un organisation horaire réglée par l’horloge et les sonneries annonciatrices de fin de cours. S’interroger sur l’organisation des temps dans les différentes lieux d’accueil et éducatifs, crèches, pouponnières, écoles, pose la question de la visée et des valeurs portées par ces institutions. Quel temps, pour quoi faire ? Quel rapport au temps induit-on chez les enfants ? Cherche-t-on à les aider à se construire comme des acteurs à part entière de leur temps, conscient du temps des autres ? Met-on en place une socialisation du temps : comprendre les contraintes temporelles( points de repère), les accepter de manière active tout en laissant place à la négociation, à une marge de liberté. Le temps comme variable de la démarche pédagogique est pris en considération dans diverses expérimentations pédagogiques actuelles. a. Dans les établissements scolaires. Dans divers articles Aniko HUSTI38 commente les travaux menés à l’Institut National de la Recherche Pédagogique (INRDP, France) qui a conduit une recherche sur « L’organisation du temps à l’école » dans le secondaire, avec comme objectif de reconsidérer la dimension pédagogique du facteur « temps » dans l’enseignement. « Cette structuration temporelle, dont l'élève s'évade momentanément par la rêverie occasionnelle ou un vif intérêt pour le cours professé, pèse lourdement sur la pédagogie. Le temps conçu dans l'organisation générale de l'enseignement l'entrave au lieu de la servir. Mais, dira-t-on, quel moyen de faire autrement ? Ce moyen existe. C'est ce que nous découvre Aniko Husti qui depuis plusieurs années poursuit une recherche fructueuse. Elle suscite en effet des expériences qui 38 A. Husti, Emploi du temps mobile à l’école, Temporalistes, n° 10, 1999 A. Husti, Le temps, une variable de la démarche pédagogique, Temporalistes, n°21, 1992. Les temps des enfants 21 modulent en souplesse les temps scolaires selon les disciplines, les élèves, les circonstances... et l'initiative d'un personnel enseignant qui en a la gestion. Des pratiques et des conceptions nouvelles font peu à peu leur chemin. On en vient désormais, ici ou là, à concevoir un autre « climat éducatif », une « école différentielle ». Il ne s'agit pas là des « Classes de niveau », si discutées, qui n'ont jamais rien changé à l'architecture savante des emplois du temps. On lit, en effet, dans un ouvrage récent (1), en écho à celui qui prônait "La révolution du temps choisi", les lignes suivantes : "Reconnaître les différences, c'est repérer les points forts des élèves faibles et les points faibles des élèves forts pour organiser des horaires variables à l'intérieur de l'emploi du temps et renforcer pour chacun ce dont il a le plus grand besoin". Un tel ajustement demande l'adhésion des enseignants ; elle sera d'autant mieux acquise qu'on ne leur marchandera pas la gestion du temps scolaire et que se substituera, pour eux, la notion de fonction à celle de "service". Telle est en effet la dérive des temps Industriels, que, même dans l'enseignement, les heures dues une fois effectuées, on est porté à se sentir quitte de tout! »39 b. Dans les milieux d’accueil de la petite enfance. La réflexion sur le temps des bébés, l’incidence des horaires et déroulement des journées sur la vie des enfants survient dans le cadre d’expériences innovantes ou de recherche actions visant à assurer bien-être et développement aux jeunes enfants. Ainsi le travail pionnier conduit à l’Institut Pikler Loczy40 à Budapest. Depuis 1946, cette pouponnière propose aux bébés une organisation de la vie et du temps congruente avec les quatre principes directeurs qui guident les pratiques de chaque membre de l’équipe, directrice, pédiatres, personnel d’entretien, infirmières, puéricultrices, psychologues : - assurer des conditions de relations stables et chaleureuses avec un nombre restreint d’adultes ; les moments de soins sont considérés comme des moments privilégiés pour élaborer cette relation ; - organiser les conditions d’une activité libre et autonome ; - fournir un cadre de vie stable et des points de repères compréhensibles aux enfants ; - garantir une vie saine et une bonne santé conditions et résultats des autres points. Pour rencontrer ces principes l’organisation du temps est centrale ; en particulier le déroulement de la journée. Cet institut assume un point de vue qui peut apparaître comme un paradoxe : respecter un cadre temporel précis et explicite tant pour les adultes que pour les enfants – repas à heures fixes, ordre des repas et des bains, « tour de rôle » –. De cette manière sont garanties deux conditions essentielles pour le bon développement des bébés accueillis. La première, garantir des plages de temps suffisamment longues et continues pour assurer à chaque enfant au cours de la journée, de manière régulière et prévisible par les petits, des 39 40 W. Grossin, L’école et la vie, Temporalistes, n° 10, 1999. G. Appell et M. David, Loczy ou le maternage insolite, Paris, Scarabée, 1973. Les temps des enfants 22 moments de tête à tête avec une nurse bien connue. Il s’agit des moments de soins : repas, changes, bains, mises au lit. C’est là une des conditions de base pour que s’élaborent au fil des journées et des mois des liens affectueux, une relation proche entre chaque enfant et les adultes qui soignent ; La deuxième condition : prévoir et organiser des moments, ajustés à chaque enfant, où il peut en toute liberté se consacrer à lui-même, s’adonner à des exercices moteurs, explorer les jeux et matériels mis à sa disposition, s’intéresser à ses compagnons, s’y affronter, négocier, …, sans l’interférence des adultes. C’est dans ce cadre qu’on a pu mettre en évidence les modulations des processus d’attention au cours des jeux. Cette option de laisser « le temps au temps des enfants » se retrouve dans l’attitude de base face au développement : le développement moteur (E Pikler)41, l’acquisition du contrôle des sphincters (Falk)42, la construction du self (Tardos et David)43, les relations entre enfants (Apell et Vincze)44, les rythmes de développement. (Szanto)45. Accorder aux enfants leur temps – de vivre, de rencontrer l’autre, de rêver, de s’investir dans leur activité, leurs projets, de maîtriser leur temps – exige une organisation rigoureuse (certains diront rigide) du temps des adultes. Une organisation qui peut entrer en contradiction avec d’autres impératifs. Ainsi le temps de travail journalier et hebdomadaire des accueillantes, la logique horaire prévalente : « coupé ou continu », les plages horaires, les modalités de croisement et de chevauchement des heures de travail au sein d’un même groupe de vie. 46 C’est l’ensemble des horaires du milieu d’accueil qui sont revus : envisager des heures de repas répondant aux impératifs des enfants et organiser les horaires de la cuisine en fonction du déroulement des repas des enfants bouleversent des habitudes solidement ancrées dans les équipes. De même l’organisation des temps et moments d’entretiens des lieux de vie et de repos des petits. Privilégier le temps ou les temps des enfants peut également conduire à entrer en contradiction avec les exigences, besoins, contraintes de la vie privée des puéricultrices. Dans ce sens accepter de revoir les logiques horaires, en fonction des enfants, constitue une étape importante dans les 41 E. Pikler, Se mouvoir en liberté dès le plus jeune âge, Paris, PUF, 1979. J. Falk, M. Vincze, L’acquisition du contrôle sphinctérien, Pychiatrie de l’enfant, XXXIX, 1996, p.581 à 612. 43 A. Tardos et M. David, De la valeur de l’activité libre du bébé dans l’élaboration du self : Résultats et discussions de quelques recherches de l’Institut Emmi Pikler à Budapest, Hongrie. Devenir, vol. 3, 4, 1991, 9-33. 44 M. Vincze, G. Appell, J. Falk, Bébés et jeunes enfants eux, Institut Pikler et Association Pikler Loczy de France, s.d.. 45 A. Szanto (Eds), Loczy, un nouveau paradigme ?, Paris, PUF collection Le Fil Rouge, 2002. 46 ML.Carels et G.Manni, G (Eds), Grandir malgré tout, L'éducation en institution de jeunes enfants séparés de leur famille, un défi à relever. Bruxelles, Fonds Houtman, 1996. 42 Les temps des enfants 23 changements d’attitudes professionnelles et un révélateur de l’adhésion des équipes à un projet éducatif. Néanmoins si la contrainte du cadre horaire est forte, le stress diminue: ne plus agir dans l’urgence, au coup par coup. En effet, inscrire ses pratiques et son action dans une projet riche de sens pour les enfants et intégré par l’horaire soulage et libère les puéricultrices. De même cette place accordée au déroulement de la journée permet que le travail change de visage : non plus remplir des tâches mais élaborer des relations avec les enfants, le soutenir dans sa vie et son développement47. Cela exige de nouvelles initiatives capables d’accorder petit à petit rythme de l’enfant/rythme familial/rythme institutionnel. L’attention aux rythmes spécifiques à chaque enfant, personnels et familiaux ainsi que la nécessité de les connaître et d’en tenir compte dans un cadre professionnel a conduit des équipes de crèches à élaborer et utiliser des outils ad hoc. Ainsi depuis 1982, chaque service et chaque puéricultrice de la crèche de Herstal ont été amenés à utiliser une feuille de rythme dès le premier jour de la fréquentation de la crèche par les bébés. Cette feuille comporte autant de ligne que d’heures dans une journée, chaque ligne est divisée en 12 intervalles de 5 minutes. Pour chaque enfant y sont notés au fil de la journée : l’heure d’arrivée et de départ, les périodes de sommeil, les moments de repas et de soins, les épisodes de jeu au tapis, les pleurs de longue durée ou tout autre événement particulier. Cette pratique est due au choix d’individualiser les soins et de reconnaître chacun des enfants comme des personnes distinctes, avec leur propre rythme et leur histoire unique. Au cours de journées de réflexion consacrées aux apports et retombées de l’utilisation de cet outil 48 qui, au fil du temps, s’est avéré incontournable, les puéricultrices et personnes d’encadrement ont analysés leurs pratiques et se sont accordées sur un ensemble de points. A titre d’exemple : L’utilisation de la feuille de rythme - demande une observation, une attention continue à chaque enfant : regard régulier, observation dans situation de jeu, d’éveil, de sommeil,…. ; - exige une organisation de l’espace, non prévue au départ, pour les disposer, les utiliser. . L’expérience montre que cette feuille de rythme apporte 47 ML. Carels, et G. Manni, La sensibilisation à la valeur des soins au quotidien dans les institutions : richesses et difficultés. In G. Appell et A. Tardos (sous la direction de), Prendre soin d’un jeune enfant. De l’empathie aux soins thérapeutiques. Ramonville St Agne : Erès, 1998. 48 Crèche de Herstal, La feuille de rythme : apports quotidiens et à long terme, document de travail, juillet 2003. Les temps des enfants 24 - une connaissance réelle concernant les temps de chaque enfant : temps de sommeil, repas, activité/éveil, ce qui assure une notion juste et vérifiable du temps de chaque enfant ; - une vue d’ensemble du déroulement de la journée et du rythme de chaque enfant comme du groupe. Elle constitue ainsi une base d’élaboration progressive de la connaissance de chaque enfant à partir d’informations recueillies régulièrement. En outre, elle représente un outil de base pour présenter la journée de leur enfant aux parents et de l’organisation du travail aux visiteurs et aux stagiaires. - Les effets relevés de cette connaissance ainsi élaborée sont les suivants Des réponses plus justes et plus adéquates aux besoins de chaque enfant tout en organisant mieux le groupe, le temps. - Moins de pleurs ; en effet ces notations permettent d’anticiper des pleurs (meilleur repérage des signaux, meilleure connaissance du fonctionnement temporel de chaque enfant). Par ailleurs quand les pleurs surviennent, dessiner un déroulement de la journée permet de s’interroger sur les raisons de ces pleurs (durée, contexte,…) et enfin de les comprendre et donc y répondre de manière efficace et adéquate. - Une appréhension fine, précise et dans les détails de chaque enfant. - Une meilleure répartition du groupe : élimine le fonctionnement groupal : moins d’enfants éveillés en même temps,….ce qui augmente la disponibilité de l’adulte aux enfants. - Offrir aux enfants des périodes « d’activité », au bon moment – enfant reposé, repus et en sécurité. –. Dans ces conditions les petits sont présents, compétents, joyeux. Ce qui a comme effet : augmenter, alimenter, susciter l’intérêt de l’adulte. - Au moment des soins – changes, repas, mises au lit,… – : les enfants plus actifs, interactifs, et adultes plus disponibles d’où de meilleurs moments d’échanges, de communication. L’équipe constate que les enfants, ainsi reconnus et écoutés dans leurs besoins et grâce aux réponses et propositions des adultes, peuvent être « plus ce qu’ils sont» avec leur histoire, leurs besoins propres, leurs goûts, leurs désirs. Ainsi les puéricultrices, soutenues par ce travail, gagent pouvoir orienter les petits vers une confiance accrue dans leurs compétences, avec en point de mire autonomie et indépendance.. Ce détour par l’accueil des tout petits démontre la pertinence de concepts tels que cadre temporel, de milieu temporel comme de culture temporelle pour traiter du/des temps des enfants et de ceux dont ils dépendent. Cela illustre aussi la place et l’importance de disposer d’un cadre de référence pour organiser le temps et l’agir dans une visée explicite. Les temps des enfants 25 D. DES INITIATIVES POLITIQUES Ce courant vise une harmonisation entre rythmes biologiques et horaires scolaires, il s’ancre principalement dans les travaux des chronobiologistes. Il ressort des études que le rythme journalier est le rythme prépondérant. Il en découle des recommandations en terme de déroulement de la journée ; par exemple 49: accueil du matin en douceur (pour se réveiller tranquillement), des temps scolaires centrés sur les périodes de vigilance, un temps de midi dans un climat de bien-être et de détente… Ces propositions sont rarement suivies d’effet et les décisions politiques portent davantage sur le réaménagement de la semaine (par exemple la semaine des 4 jours en France) et des calendriers des vacances. Les intérêts économiques prennent le pas sur l’intérêt des enfants. Ainsi W Grossin analyse les effets de l’heure d’été et présente un rapide aperçu des dégâts sur le santé des enfants : effets sur le sommeil, les horaires des repas, l’exposition à la pollution.50 En Belgique, un ministre de l’Enseignement de la Communauté Française avait réorganisé pour cette Communauté le calendrier des vacances, avec la volonté d’harmoniser la longueur des différents trimestres. Il a été contraint à faire marche arrière sous la pression, entre autre, d’hôteliers et agents immobiliers de la « côte », ceux-ci s’estimant lésés par l’étalement de la période de congé que cette disposition entraînait. En France des collectivités locales en liaison avec les Académies se mobilisent autour de cette question. Certains énoncent leur visée : la réussite de tous les enfants. « Objectif : améliorer les conditions d’apprentissage et de réussite scolaire de tous les enfants, en particulier les moins favorisés, aider l’épanouissement individuel de tous, favoriser la réduction de la violence et des incivilité grâce à une journée moins stressante pour l’enfant.51 » 49 Aménagement du temps de l’enfant. Les propositions soumises au vote, FCPE Paris Info n° 28, Février 2001 50 W Grossin, Pour une science des temps. Introduction à l’écologie temporelle, Toulouse, Octares Editions, 1996. 51 FCPEInfo, février 2001 Fédération des comités de parents d’élèves Les temps des enfants 26 II. LE TEMPS DES PARENTS. S’interroger sur l’organisation du temps des enfants demande d’envisager les études qui posent la question de la part prise par les enfants dans le temps des adultes, des parents et de la place qu’ils y occupent Seront envisagées : A. Des études descriptives B. Des analyses et points de vue critiques C. Des initiatives politiques Ce n’est pas un tour d’horizon exhaustif mais les constats et les analyses reprises permettent d’entrevoir les questions et le cadre de la réflexion, en particulier dans le monde francophone. A. DES ÉTUDES DESCRIPTIVES. En Belgique l’INS – à partir de données collectées lors d’études portant sur l’emploi du temps des Belges – offre une vue globale mais peu nuancée du temps consacré aux enfants par les adultes. La vie professionnelle dirigerait l’organisation de la vie privée. L’INS52 informe sur la relation vie professionnelle/vie privée et constate que« tout comme la majorité des Européens, les Belges disent organiser leur vie privée en fonction de leur vie professionnelle et de leurs activités quotidiennes (49%). Un quart pense plutôt organiser sa vie professionnelle en fonction de sa vie privée (…) Un Belge sur quatre estime qu’il consacre trop de temps au travail et aux activités quotidiennes, ce qui reste au-dessous de la moyenne européenne » (chiffres collectés en 2001 par l’Observatoire Thalys et Ipsos en France, en Allemagne, en Espagne, aux Pays-Bas, au RoyaumeUni et en Belgique). Quelle part et quelle place occupent les femmes et donc des mères sur le marché de l’emploi ? Avec quel régime de travail ? Toujours l’INS53 se pose la question des différences femmes et les hommes par rapport à l’emploi. « En Belgique, si davantage de femmes que d’hommes possèdent un diplôme de 52 53 Info Flash n°4 du 11/12/2001° Info Flash n°35 du 8/3/03 Les temps des enfants 27 l’enseignement supérieur, leur taux d’emploi et leur salaire sont moins élevés ». 51,1% des femmes occupent un emploi et parmi celles-ci 37,7% travaillent à temps partiel, alors que pour les hommes le taux d’emploi est de 68,1% mais seulement 5,9% d’entre eux travaillent à temps partiel. S’interrogeant sur l’emploi du temps selon le niveau d’enseignement54, l’INS observe que « il existe des différences considérables entre l’emploi du temps des personnes très qualifiées et celui des personnes peu qualifiées. Les très qualifiées consacrent nettement plus de temps au travail et aux déplacement. Les très qualifiés consacrent également plus de temps aux soins et à l’éducation des enfants (…). Ce temps consacré aux enfants représente dans la tranche des 20 à 39 ans 2,8% du temps des personnes peu qualifiées, 3% pour des très qualifiées alors que les tâches ménagères et familiales occupent 12,1% de leur temps pour les uns contre 9,5% pour les autres. Chiffres intéressant à comparer au temps consacré aux loisirs respectivement 15,9% et 11,3%. Bien évidemment tous les 20-39 ans n’ont pas d’enfants alors que la plupart disposent de loisirs ! Dans une enquête sur l’emploi du temps en 1999, l’INS montre que si les tâches ménagères occupent dans une semaine 19H30, les soins aux enfants totalisent 2H30 et les loisirs 27H30. Ces chiffres concernent la population de 12 à 95 ans et par conséquent sont peu significatifs de la place des soins aux enfants dans l’emploi du temps des parents. Il faut souligner que les différentes études incluent le temps consacré aux soins et à l’éducation des enfants dans le temps dit domestique des adultes. La place des enfants dans le temps de loisir n’est pas envisagée. En France l’INSEE 55 analysant les principaux temps sociaux au cours d’une journée moyenne selon la composition du ménage offre une image assez précise de temps consacré aux enfants ainsi qu’une vue comparative de l’emploi du temps des hommes et des femmes : - parent isolé avec enfant de plus de 3 ans : ménage et courses 82% de leur temps domestique pour les femmes, 71% pour des hommes ; soins aux enfants respectivement 13 et 14 % : - personne en couple avec 1 enfant de moins de 3 ans : ménage et courses : 54% pour les femmes, 44% pour les hommes ; soins aux enfants : 42% et 29% ; - personne en couple avec 2 enfants âgés de 3 ans et plus : ménage et courses : 81% pour les femmes, 26% pour les hommes ; soins aux enfants : 12 % et 10%. 54 Info Flash n°25, 25/6/02 INSEE, Principaux temps sociaux au cours d’une journée moyenne selon la composition du ménage, enquête « Emploi du temps 1999 », Regards sur la parité, 2003. 55 Les temps des enfants 28 L’INSEE a également étudié l’évolution des temps sociaux et de l’emploi du temps au travers d’enquêtes initiée depuis 196756. Dans ces enquêtes on demande aux personnes interrogées de décrire dans un carnet ce qu’elles font au cours des 24 heures d’une de leurs journées décomposée en périodes de 10 minutes. Quatre temps sont distingués : le temps physiologique, le temps de travail professionnel ou d’études, celui consacré aux travaux domestiques et le temps des loisirs. Dans le n°352-353 de 2002 de « Economie et Statistique » les articles présentés s’intéressent à l’articulation entre activité professionnelle et activités domestiques. En voici les toutes grandes lignes : - Le temps physiologique occupe 12H, le temps domestique trois heures et demi, le temps professionnel moins de trois heures et demi et le temps libre quatre heures et demi. Par rapport à l’enquête de 86, on constate une diminution de un quart d’heure du temps professionnel. Cette diminution est due à la baisse de le proportion d’individus en emploi et à la progression du temps partiel en forte hausse. Le temps de travail des salariés à temps complet a lui augmenté. - Montée du chômage, progression du temps partiel, diminution de l’activité des jeunes et des plus âgés contribuent à la baisse globale du temps de travail de la population, mais entre 1986 et 1999, la durée hebdomadaire du temps de travail des actifs occupés à temps plein augmente de plus d’une demi-heure pour atteindre 42H36. Les milieux populaires bénéficient de plus de temps libre, mais le contenu des loisirs des chômeurs et des plus défavorisés est différent laissant une place de choix à la télévision. L’augmentation du temps libre féminin s’explique plus, quant à lui, par la diminution du temps que les femmes consacrent aux activités domestiques que par celle consacrée aux activités professionnelles. - Néanmoins, les femmes prennent toujours en charge la plus grande partie des activités domestiques et familiales. « Si la vie en couple opère une première spécialisation des rôles, celle-ci s’accroît encore avec la naissance d’un enfant, les femmes prenant alors en charge la plus grande partie des activités familiales. Car plus encore que les activités domestiques, s’occuper des enfants reste une prérogative féminine. Ainsi, presque toutes les mères d’un enfant de moins de trois ans déclarent avoir eu des activités liées aux enfants le jour de l’enquête. Ces mères en couple consacrent deux heures par jour à ces activités et trois heures lorsqu’elles ont un enfant de moins de trois ans. De leur côté les pères, lorsqu’ils ont une activité parentale, y consacrent 1 heure 10 et seulement 10 minutes de plus quand leur enfant a moins de trois ans. » 56 INSEE, L’évolution des temps sociaux et de l’emploi du temps au travers des enquêtes « Emploi du temps », Economie et statistique, n° 352-353, 2002, pp 3-13. Les temps des enfants 29 - Les formes particulières d’emploi (CDI à temps partiel, CDD à temps complet ou partiel) ne s’accompagnent pas toujours de plus de contraintes et de flexibilité. Ce sont les intérimaires qui supportent plus l’irrégularité et la mauvaise prévisibilité des horaires et des calendriers ; la précarité des temps de travail accentue la précarité de l’emploi. - Quant aux effets de la réduction du temps de travail (RTT), voici les grandes tendances : Les modifications des rythmes et usages du temps portent plus sur la semaine et l’année que sur l’organisation des temps journaliers avec polarisation des longues durées du travail sur les plus qualifiés. Enfin la RTT n’a pas apporté de bouleversement dans la répartition des tâches domestiques entre hommes et femmes. « En revanche, le temps passé avec les enfants se serait beaucoup développé depuis la RTT, et ce de manière équivalente entre les hommes et les femmes : 63% des femmes ayant un enfant de moins de douze ans et 52% des hommes dans la même situation passent désormais plus de temps avec leur enfant de moins de 12 ans, soit un jour par semaine, soit pendant les vacances. » Dans le même numéro de la Revue « Economie et Statistique » il est procédé à une « Analyse du recours aux services de garde d’enfants »57. Il en ressort que « la durée et les horaires de travail de la mère sont un des éléments qui interviennent dans le choix que font les ménages ayant de jeunes enfants scolarisés entre garde rémunérée, aide informelle et garde intra ménage. Un temps partiel "court", même non choisi, est de nature à faciliter la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, rendant par la même moins probable le recours aux proches. A l’inverse, lorsque la mère a des horaires de travail qui ne lui permettent pas toujours d’être disponible en fin de journée, la probabilité d’une garde rémunérée est plus élevée. » Cette photographie de l’emploi du temps et de ses incidences sur la décours des journées, des semaines des enfants appelle des commentaires. L’apport des sociologues est incontournable et parmi ceux-ci les sociologues du temps. B. DES ANALYSES ET POINTS DE VUE CRITIQUES Anne-Marie Daune-Richard montre que des mesures comme le temps partiel ont des conséquences différentes selon les politiques publiques visant la citoyenneté des femmes. Dans 57 INSEE, Analyse du recours aux services de garde d’enfants, Economie et Statistique, n°352-353, 2002, pp.213-229 ; Les temps des enfants 30 son intervention58 «Women’s work between the family and welfare state : part-time work ans childcare in France and Sweden », elle présente l’analyse suivante. « Dans tous les pays industrialisés, malgré la croissance considérable de l’activité féminine dans les trois dernières décennies, l’espace et les activités domestiques demeurent largement sous la responsabilité des femmes. Cette responsabilité conditionne leur entrée sur le marché du travail et les positions qu’elles occupent. Aussi les politiques publiques qui agissent sur les relations entre travail rémunéré et famille ont-elles une influence considérable sur l’emploi des femmes. Mais les politiques publiques sont construites à partir de systèmes de sens, de "référentiels"». Elle poursuit « Notre propos visera à montrer ce que, dans ces deux pays (France et Suède), les référentiels convoqués pour la définition de ces politiques et leur mise en œuvre révèlent la conception de la relation homme-femme-famille et, in fine, citoyenneté. » Elle montre que « la logique suédoise place aujourd’hui les hommes et les femmes dans une égalité de droits et de devoirs au regard de leurs responsabilités de parent et de travailleur. (…Les) politiques publiques aménageant le temps de travail et la garde des jeunes enfants ont œuvré continûment dans ce sens tout au long de ces trois dernières décennies, malgré la crise de l’emploi et des finances publiques. » Situation qu’elle compare à celle de la France où elle constate que « les réformes menées depuis les années 1980 ont abandonné un modèle d’égalité entre hommes et femmes sans doute peu consolidé. L’allocation parentale d’éducation, qui est à taux fixe et bas (et non un pourcentage du salaire) incite les mères en difficulté sur le marché du travail à s’en retirer. Le travail à temps partiel, le plus souvent lié à la flexibilisation de l’emploi et des conditions de travail, nourrit un réservoir de « travailleurs pauvres » parmi les femmes. Enfin, le renoncement au développement d’un grand service public d’accueil des jeunes enfants et le choix de favoriser les modes de garde privés et individualisés en renchérit sérieusement le coût pour les familles populaires. Dans la mesure où la devise politique du « libre choix » (de s’employer ou non) s’adresse aux mères, ce sont elles qui "naturellement" renonceront à un emploi mal rémunéré et s’exerçant dans de mauvaises conditions pour s’occuper des enfants. » La situation de la Belgique est sans nul doute proche de celle de la France. Si on considère le développement d’un service public d’accueil des jeunes enfants, depuis 1970 la volonté des forces de gauche de développer des services publics d’accueil universel s’est constamment heurtée aux 58 AM DAUNE-RICHARD, Womens’work between the family and welfare state : part-time work and childcare in France and Sweden, LEST, Meeting “Citizenship and exclusion; Session: Gender, work and family.”, London, 7-10 juillet 2000. Les temps des enfants 31 promoteurs de la femme au foyer, du libre choix et des modes de garde individuels dits « familiaux ». Quant aux politiques d’emploi, M Sommer 59soulignait que si l’entrée des femmes sur le marché du travail était massif (en 1987 : + de 64%), la continuité/discontinuité du travail dépendait du statut social. Elle épinglait les constats suivant : plus les femmes sont diplômées, plus elles sont en mesure de mener de front vie professionnelle et vie familiale. La stabilité du travail favorise l’augmentation de la taille de la famille. Elle montrait aussi combien le travail est soumis à pression par des mesures visant la flexibilité : temps partiels, polyvalence, mobilité géographique avec comme conséquences l’élargissement de la plage horaire consacrée au travail et la précarisation des emplois et la tendance à l’interruption de carrière. D’autres sociologues centrent leur analyse sur les nouvelles formes de subordination salariale et ses implications au plan des temporalités sociales des travailleurs. Ainsi Boufartigue souligne que « La tendance à la captation par le capital des temps humains ne fait guère de doute, même s’il existe des contre tendances. Dans le monde du travail, il s’agit de disponibilité temporelle accrue requise, sous des modalités extrêmement diverses et contrastées. La norme temporelle de l’emploi et du travail « fordiste » est en voie d’éclatement. Songeons au temps partiel, sur contrôlé, morcelé et imprévisible des femmes peu qualifiées dans maints services marchands, très différente de la corvéabilité du cadre masculin, au temps sans limite et sans mesure. La diminution de la durée abstraite du travail ne garantit en rien le recul de cette disponibilité temporelle. Et la manière de la prescription se déplace des modes opératoires vers des contraintes d’objectifs et des délais, y compris dans un cadre formellement éloigné du contrat de travail, invite à étudier de près comment les travailleurs intériorisent ou au contraire résistent à ces contraintes. On rencontre alors la question de l’économie temporelle des modes de vie qui sont les leurs, dit autrement de la place et du sens des temporalités professionnelles dans leurs temporalités sociales. 60» Lallement61 montre que le développement économique et la rationalisation du temps sont étroitement liés. Il analyse les évolutions de ce rapport et les défis actuels engendrés notamment par la flexibilité. « Pour permettre aux entreprises de s’ajuster aux pulsations du marché, 59 M SOMMER, Qualité et accessibilité de l’accueil, ONE Direction Etudes et Stratégies, Etats généraux de la petite enfance, 60 P. BOUFFARTIGUE, Temps et nouvelles formes de subordination salariale, exposé au Congrès Marx International III « Le Capital et l’Humanité aujourd’hui », Atelier « Nouvelles formes d’exploitation-domination », 26-29 septembre 2001. 61 M. LALLEMENT, Rationalisation du temps et mutation des rapports sociaux, revue de la CFDT, pp 3-9 Les temps des enfants 32 davantage de salariés entament leur journée plus tôt le matin et finissent tard le soir. De même, les horaires irréguliers d’une journée ou d’une semaine à l’autre se développent et le travail de fin de semaine n’est plus une exception. »Il souligne notamment que le flexibilité bouscule l’ensemble du mode de vie des salariés.et pose la question de la cohérence et de la concordance des temps sociaux. Un ensemble de recherches se penche sur les effets de ces changements de logique temporelle affectant l’organisation du travail. Ces recherches se fondent sur des données qualitatives recueillies sur de vastes échantillons. Certains étudient les conséquences de ces horaires atypiques sur la vie quotidienne des salariés et montrent (Boisard 62) que les horaires atypiques sont source de tension dans la vie familiale. L’irrégularité des horaires et notamment ceux du week-end cause l’isolement social et de problèmes de santé. Jurczyk 63 attire l’attention sur la réorganisation « perpétuelle », jour après jour, de la vie quotidienne qu’exigent les horaires flexibles et le stress que cela engendre, vécu comme un « harcèlement temporel ». « Une conséquence de ces nouvelles exigences sur le plan du comportement temporel est que les individus se trouvent obligés de réorganiser leur vie au jour le jour, ou semaine par semaine. Ce n'est pourtant pas le cas pour toutes leurs activités, mais ils doivent décider qui sera à la maison à certaines heures, qui s'occupera des enfants, qui préparera le dîner, qui pourra assister à une réunion de son parti politique. Ce besoin de prendre à chaque fois une décision est lourdement ressenti dans les conditions où les horaires de travail changent fréquemment ou dans le cas d'une division non-traditionnelle du travail entre l'homme et la femme quand la responsabilité de certaines tâches n'est pas clairement répartie. La conséquence peut être des disputes parfois au foyer ou, le cas échéant, avec des collègues. La vie quotidienne devient ainsi un processus de négociation permanente. Pourtant il est évident que la vie quotidienne ne peut fonctionner qu'à condition qu'il y ait une certaine routine. Tout le monde cherche à instaurer des conditions permettant une certaine stabilité, et cela par l'institutionnalisation de règles, d'habitudes et de la routine. L'objet concret de ces règles varie en fonction de la situation de famille et selon les caractéristiques et les besoins individuels. La possibilité de trouver de la stabilité ou un degré de flexibilité varie aussi d'une catégorie de la population à une autre mais aussi au sein de chaque catégorie. » Par ailleurs « si certaines conséquences peuvent être généralisées, c'est l'ensemble des conditions de vie qui détermine un certain type de comportement dans la vie quotidienne. Le statut social, y compris le revenu, le statut du travail, les conditions d'emploi, le logement, les infrastructures 62 P. BOISARD, Conséquences des horaires atypiques sur la vie quotidienne des salariés, Temporalistes, n° 7, octobre 1987. 63 K. JURCZYK, L'impact de la flexibilité du travail sur l'organisation de la vie quotidienne, Temporalistes, n° 17 (numéro thématique : Les temps familiaux), mai 1991. Les temps des enfants 33 collectives doivent être pris en considération, ainsi que le nombre et l'âge des enfants et, tout aussi important, les rapports sociaux de sexe. Un des résultats de notre recherche semble être d'une application plus générale : lorsque la stabilité traditionnelle des conditions extérieures disparaît, il faut chercher la stabilité et la flexibilité à l'intérieur. Plus la flexibilité externe s'accroît, plus la stabilité personnelle est nécessaire, de même que la capacité individuelle à agir de manière flexible. Un trait commun aux personnes que nous avons interrogées était la tendance vers l'individualisation. » D’autres s’intéressent à l’impact des changements de régime temporel de travail sur la vie de famille. Catherine Brochard64 montre que changer de régime temporel implique pour le salarié des perturbations dans sa vie quotidienne familiale. Son étude met en évidence une différence d’impact selon que le changement de régime temporel est négocié ou non, volontaire ou non. « Les "volontaires" savent réorganiser leurs temps, en tirent le maximum de profit dont les enfants sont les bénéficiaires. Les "non-volontaires", quant à eux, ont une nostalgie du passé et leur discours tend bien souvent à démontrer que les avantages se situaient dans le passé. Un fait reste notoire chez tous : dans leur vie familiale, les relations avec les enfants restent inchangées et sont même privilégiées. Accorder du temps à ses enfants, les écouter, les aider, les "volontaires" s'accordent à affirmer que cela leur est davantage possible depuis qu'ils pratiquent le nouveau régime temporel. Les "non-volontaires", par contre, tentent de préserver ces relations, mais la vie du couple s'en ressent alors. Les régimes temporels désynchronisés (travail de week-end, travail de nuit) affectent particulièrement les relations avec le conjoint car les temps hors travail vécus en commun sont globalement plus réduits. Les enfants ont droit au même temps de présence, mais la qualité des relations, est parfois menacée. Les temps de travail limités (travail à mi-temps, temps partiel, modalités diverses préparant un passage à la retraite) favorisent les relations familiales.. - La mère de famille module la plupart du temps ses horaires de travail en fonction des horaires de ses enfants, le plus souvent elle ne travaille pas le mercredi et parfois elle peut coordonner ses horaires de travail avec les horaires d'ouverture et de fermeture de l'école et/ou de la crèche. La vie familiale devient alors la référence à partir de laquelle les différents temps vont s'organiser. Les nouvelles pratiques bouleversent donc les valeurs et induisent de nouvelles attitudes. L'organisation de la vie familiale se réalisait autrefois autour du temps de travail. Aujourd'hui le contraire prévaut : le travail professionnel doit s'accommoder de la vie familiale. - Les horaires souples ou horaires variables entraînent une décrispation de la vie familiale. Celui des deux, dans le couple, qui pratique de tels horaires passe plus de temps à s'occuper des enfants. Bousculades et chamailleries du matin, lorsqu'il fallait se rendre à heure fixe au travail, s'estompent lorsque la possibilité de moduler son horaire, de composer avec ses obligations et ses désirs peut s'effectuer. En réalité, l'apport des régimes de travail souple agit comme une sorte de leurre. Passer d'un horaire rigide à un horaire souple change peu les habitudes en fait. Mais pouvoir les modifier donne l'impression d'un choix stratégique. Tout ceci concerne les salariés "volontaires". Les "non-volontaires", par contre, se trouvent déroutés par ce nouvel horaire parce qu'ils perdent la contrainte impérative des anciennes pratiques 64 C.Brochard, L'impact des divers changements de régime temporel de travail sur la vie des salariés, Temporalistes, n° 17, Les temps familiaux, mai 1991, pp. 8-9. Les temps des enfants 34 Le changement de régime temporel selon qu'il a été imposé ou non influe sur la vie familiale quotidienne. » Enfin un auteur comme Nicola La Feuvre65 apporte des éléments permettant d’appréhender les rapports entre travail salarié et le temps libre chez les mères de famille en France. Il montre que ce sont les femmes qui sont responsables et assument la charge de la synchronisation et de la gestion des rythmes temporels des membres du foyer. Par ailleurs, étudiant le rapport entre le travail à temps partiel et le temps libre chez des femmes actives ouvrières et femmes diplômées, il montre que celui-ci diffère en fonction de leur identité subjective elle-même liée à leur statut social. Au travers de ces différentes analyses on voit combien le temps constitue une des dimensions du contexte social construit. Le temps n’est pas immuable ; à chaque époque, chaque culture sa représentation du temps. Le temps dominant aujourd’hui n’échappe pas aux mutations actuelles et à la mondialisation marchande. Les textes de Baraudy et Fritz66, analysant les conséquences de la globalisation marchande sur les familles et les enfants, les effets morbides de la déstructuration des cadres et des conditions de vie encouragent à envisager les répercussions des atteintes aux temps (flexibilité, non prévisibilité, caractère aléatoire des horaires, embauches et carrières professionnelles en particulier des femmes) sur les conditions de vie et de développement des enfants. Nous n’avons repéré aucun travail envisageant cette question. C. DES INITIATIVES POLITIQUES Les horaires et l’organisation temporelle des parents, en particulier ceux des mères, on l’a vu, assument un rôle déterminant dans le déroulement des jours et des semaines des enfants et par là de leurs conditions de vie. 65 N. LE FEUVRE., Une esquisse du rapport entre le travail salarié et le temps libre chez les mères de famille en France, n° 17 (numéro thématique : Les temps familiaux), mai 1991. N. LE FEUVRE, Modes de vie et rapports sociaux de sexe : jeux et enjeux de l'analyse sociologique, n° 30 (numéro thématique : Modes de vie), juillet 1995. 66 J. BARUDY, Les conséquences de la globalisation sur les enfants et leurs familles, Conférence au Colloque « Manifeste pour les enfants, Fonds Houtman (ONE), Bruxelles, avril 2002 JC. FRITZ, Mondialisation et déstructuration des cadres et conditions de vie, Conférence au Colloque »Manifeste pour les enfants », Fonds Houtman (ONE), Bruxelles, 2002 Les temps des enfants 35 Certains projets européens dans le cadre de « EQUAL »centrent leur attention sur les aspects accessibilité des lieux de garde, accessibilité horaire des milieux d’accueil et donc envisagent la flexibilité et l’élargissement horaire de ces lieux, reportant ainsi la logique et l’impact des régimes temporels flexibles à l’intérieur des milieux d’accueil. Une logique qui bat en brèche les démarches entreprises dans différents milieux pour assurer points de repères et continuité aux petits, une des conditions de leur bon développement. Mais pas de travail d’enquête sur ce thème. D’autres tel celui porté par les Francas (en France) privilégient des actions fondées sur une coordination des temps de vie et englobant la prise en compte des temps des enfants. Enfin des initiatives tels que les « bureaux des temps » visent une réflexion-action pour une meilleure coordination des temps sociaux sur un territoire. Les temps des enfants 36 III. PROBLEMES IDENTIFIES 1. CONFLIT ENTRE TEMPS DES ENFANTS ET TEMPS PROFESSIONNELS DES PARENTS, TEMPS DES PROFESSIONNELS. Depuis les années 70, le nombre de femmes, mères de jeunes enfants, sur le marché de l’emploi est en augmentation constante. Les retombées de travail des mères sur les rythmes de vie des enfants sont incontestables. Les enfants sont de plus en plus jeunes inscrits dans des horaires professionnels : ceux des parents ainsi que ceux des professionnels des institutions qui les prennent en charge ; des horaires pas toujours compatibles avec leur épanouissement et même quelques fois nocifs pour leur santé. Les horaires professionnels des parents sont soumis eux-mêmes à des pressions temporelles dictées par les nouvelles organisations du travail : temps partiel, horaires flexibles, travail intérimaire. Ces organisations temporelles influent à la fois sur les horaires journaliers et hebdomadaires, avec comme caractéristique l’imprévisibilité. Aux femmes, qui prennent une part majoritaire dans le travail domestique et le soin des enfants, s’ajoute la responsabilité, stressante, de coordonner les horaires de tous. Ces bouleversements familiaux, dictés par des exigences économiques, sont d’autant plus importants que les parents sont peu qualifiés et disposent de peu de ressources financières, sociales et culturelles. Les enfants s’inscrivent également dans les horaires et rythmes des milieux d’accueil et des institutions scolaires. La fréquentation précoce et de plus en plus fréquente des milieux d’accueil de la petite enfance et de lieux dits « extrascolaires », exposent les enfants à des logiques horaires dictées par l’organisation du lieu, le régime temporel des professionnels et par des impératifs législatifs( pauses carrière, réduction du temps de travail, ….) . On peut légitimement se demander de quelle marge de liberté disposent les équipes pour organiser leur temps et comment elles l’utilisent. D’autres questions comme celle des principes qui guident l’organisation du temps des enfants ainsi que celle des effets sur la vie des enfants, du personnel et des parents s’avèrent cruciales mais ne sont pas traitées comme telles dans les travaux rencontrés. 2. CONFLIT ENTRE RYTHMES INDIVIDUELS ET NORMES SCOLAIRES OU DE DEVELOPPEMENT. Les temps des enfants 37 Le temps constitue une des premières mesures du développement des enfants : le développement de l’enfant est classiquement évalué par rapport à des critères d’âges (QI ou QD = rapport entre âge mental et âge réel) ; les stades de développement bien que plus qualitatifs se réfèrent à des âges moyens. La rapidité du développement est souvent interprétée comme un signe l’intelligence, un développement lent témoignerait d’un déficit. La scolarité est marquée par des repères temporels : être « à l’heure », en retard, en avance par rapport au niveau d’étude qui correspond à la classe d’âge constitue une mesure de l’élève (sauter une classe à l’école primaire est souvent perçu comme un signe de précocité et donc d’intelligence d’un enfant), mais également un critère d’évaluation de la qualité du système d’enseignement d’une région, d’un pays ( nombre d’enfants à l’heure à l’issue d’un cycle d’enseignements par exemple). Les enseignants sont soumis à un programme qui rythme l’allure de leur enseignement et être à l’avance sur le programme peut être vu comme un indice leur valeur. La soumission à ces normes temporelles peut être source de tension, de stress et conduisent certains enfants à l’échec, l’exclusion, la marginalisation. 3. ARTICULATIONS MALAISEES ENTRE TEMPS FAMILIAUX ET TEMPS SOCIAUX. Différents travaux mettent en exergue la socialisation précoce aux temps sociaux et l’importance des modalités selon lesquelles les normes temporelles sont proposées et intériorisées par les enfants. Ils en démontrent les effets sur le parcours scolaire des enfants et quelque fois le fossé culturel entre la vision du temps porté par l’institution scolaire et les conceptions familiales du temps. D’autres études insistent sur la qualité du/des temps vécus et combien la multiplicité des temps sociaux vécus par les différents membres d’une famille, les logiques diverses auxquels ils sont soumis peut conduire à des discontinuités et un morcellement aliénant du temps 4. DEBATS ET FLOU AUTOUR DE LA NOTION DE TEMPS LIBRE DES ENFANTS Les temps des enfants 38 La mise en place d’une politique de l'accueil extrascolaire ne peut faire l’économie d’une réflexion approfondie sur la notion de temps libre et en particulier du sens qu’il revêt dans le cadre de l’enfance. Les différents travaux traitant du temps des adultes, envisagent le temps libre par rapport au travail. Les auteurs montrent combien les différentes modalités d’organisation, de contenu et même les conceptions du temps libre dépendent du travail : secteur, statut horaires, … On peut s’interroger sur la légitimité d’apporter cette catégorie dans le champ de l’enfance. Serait-ce un signe supplémentaire qu’on fait entrer les enfants dans le champ du marché ? Pourrait-on dire que l’enfant traité comme partenaire économique risquerait d’être structuré de manière marchande ? Qu’est-ce que un temps qui est libre pour les enfants ? Pour les enfants en âge scolaire, certains l’opposent au temps scolaire, d’autres distinguent temps scolaire, temps extra scolaire et temps libre. Le temps libre dans cette dernière conception serait en temps privé, soustrait à toute contrainte institutionnelle autre que celle de la famille. Cette dernière mobilisant ses ressources personnelles pour « occuper » ?« remplir » ?« organiser » ?concevoir ?…, le temps libre de ses enfants. Or le temps libre comme temps plus ou moins richement vécu dépend étroitement de la qualité de l’environnement familial. On est de nouveau renvoyé au problème des inégalités sociales et culturelles et donc à l’interpellation quant à la responsabilité de l’état et aux missions des pouvoirs publics relatives au soutien aux familles dans leur devoir d’éducation. Les temps des enfants 39 IV. PISTES D’ETUDES Au fil des écrits et documents filmés rencontrés, il apparaît que prendre le temps comme objet d’étude et de réflexion livre une lecture insolite mais révélatrice de la condition humaine et de ses contraintes. A la fois contrainte sociale et produit de la société, le temps, tout comme les autres dimensions de l’environnement, oriente la vie. Questionner les temps des enfants – temps d’accueil, temps familial, temps scolaire, temps libre, temps extrascolaire,…- mène à diverses pistes d’investigation : - dégager les logiques sociales, économiques, institutionnelles et politiques qui les guident ; - comprendre la portée de l’organisation du temps, des temps, des rythmes de vie imposés aux enfants sur leur qualité de vie et leur devenir ; - identifier les contraintes temporelles de ceux qui en ont la responsabilité, parents et éducateurs, contraintes qui pèsent sur le déroulement des journées et la vie quotidienne des enfants Envisager le temps des enfants comme une des dimensions de leur bien-être et de leur développement conduit à établir des priorités et les fils conducteurs du questionnement. Le milieu temporel qui leur est proposé (imposé) leur permet-il de s’éprouver et de devenir des êtres - libres c’est-à-dire conscients des contraintes temporelles qui les encadrent et aptes tout autant à s’en dégager qu’à les subir sans s’aliéner ; - actifs c’est-à-dire capables de disposer et d’utiliser leur temps pour agir sur l’environnement et le transformer, rêver et imaginer, penser ; - reliés socialement et affectivement. Se dégagent ainsi des questions pertinentes pour traiter et étudier des problématiques particulières comme par exemple le temps libre des enfants, les problèmes familiaux et sociaux dus à la coordination des temps, la responsabilité publique dans l’organisation et la régulation des temps sociaux. Trois pistes d’études seraient à explorer Les temps des enfants 40 1. ETUDES D’EMPLOI DU TEMPS DES ENFANTS Devant l’absence de données descriptives concernant le temps des enfants de O à 12 ans et vu l’intérêt de connaître ses cadres temporels, l’articulation entre ses différents temps pour comprendre la condition enfantine et envisager des politiques allant dans le sens de son bien-être et son développement, la priorité est d’engager des études portant sur l’emploi du temps des enfants : à différents âges : durant la première année de l’enfant, quand il fréquente un milieu d’accueil entre 3 et 4 ans, au cours de sa première année d’école maternelle entre 6 et 7 ans, au cours de sa première année d’école primaire entre 10 et 11 ans en diversifiant les contextes socio-économiques avec une attention particulière pour les situations considérées comme atypiques (mais qui risquent de devenir la règle : par exemple des enfants fréquentant les haltes garderies, les initiatives Fesc, ( souvent des enfants de mères en insécurité matérielle, sociale, affective, réfugiées, en formation ONEM, petits boulots,…) et pour les enfants soumis aux conditions les plus difficiles ( longs trajets en car de ramassage scolaire, longues journées à l’école, garderies à horaires décalés,…. En adoptant comme méthodologie les routines, les journaux de bords tels qu’ils ont été utilisés dans les recherches IEA PRESCHOOL et à l’ISTAT en Italie. En traitant les données recueillies dans une perspective quantitative et qualitative. En veillant à recueillir des données permettant d’établir des déroulements de temps (journée, semaine, trimestre,…). 2. ENQUÊTES D’OPINION AUPRES DES ENFANTS L’intérêt est d’associer à cette vue descriptive du cadre temporel des enfants aux différents âges, la coloration vécue par ceux-ci. Les travaux de Jacques Duez dévoilant, au cours de ses « questionnements » filmés, la conscience et l’intelligence du monde que peuvent avoir les enfants, indiquent l’importance et l’intérêt de susciter leur réflexion, de recueillir leur témoignage, de les écouter. Une attention particulière serait à accorder à la notion de temps libre. Les temps des enfants 41 Méthodologie : groupes de discussion d’enfants (focus groupe) en s’inspirant de l’approche du questionnement philosophique de Jacques Duez ; Echantillon selon les critères émis en 1 Idéalement reprendre la même population que celle de l’étude d’emploi du temps. 3. ENQUÊTE SUR LES REFERENTIELS GUIDANT L’ORGANISATION DES HORAIRES ET LE DEROULEMENT DU TEMPS AUPRES DES MILIEUX D’ACCUEIL, ETABLISSEMNTS SCOLAIRE ET OPERATEURS EXTRASCOLAIRES. L’intérêt est de connaître si les différents lieux de vie extrafamiliaux que fréquentent les enfants disposent d’une marge de liberté dans l’organisation du temps et comment et en fonction de quoi ils l’utilisent. Méthodologie : enquête par questionnaire et interview (cf. enquête pouponnières : Conditions pour assurer sécurité de base aux enfants séparés de leur famille). Echantillon : ici encore intérêt de partir des établissements fréquentés par les enfants interviewés. En organisant les différentes enquêtes autour des mêmes sujets, on disposerait de matériaux pour élaborer une étude monographique croisant différents points de vue. Par ailleurs, il serait souhaitable de compléter ces trois volets complémentaires par des enquêtes similaires s’adressant aux parents et au personnel éducatif. (Eventuellement dans le cadre de mémoires d’étudiants). Enfin une telle démarche requiert une approche inter disciplinaire associant une réflexion philosophique, historique, sociologique psychologique, pédagogique et politico administrative Les temps des enfants 42 V. BIBLIOGRAPHIE THEMATIQUE 1. Etudes de budget temps enfants CRAHAY M, DELHAXHE A, HYNDRYCKX G, PIELTAIN V, L’organisation d’une journée d’un enfant de 4 à 6 ans: enquête dans la région liégeoise, 1991, Enfance, 45 (1-2), 127-152. 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