Activité physique et schizophrénie - Campus de l`excellence sportive

Transcription

Activité physique et schizophrénie - Campus de l`excellence sportive
Activité physique et symptomatologie
schizophrénique : résultats d’une étude
pilote
Dr. Le Galudec Mickaël
CHRU Brest
Brest – 28 mai 2015
Contexte
• Population des sujets schizophrènes = population
particulièrement vulnérable
– de par les symptômes qui la caractérisent
– des troubles associés (abus de substances, troubles du
comportement, effets secondaires des médicaments)
– des atteintes somatiques dues notamment à la sédentarité
(diabète, obésité)
– De par la chronicité.
• L’espérance de vie de ces personnes est diminuée de 9
à 12 ans en comparaison à la population générale
(Goldman LS 2000) dont 60 % est attribuable à des
troubles somatiques (en dehors des suicides) (Brown S
et al. 2000).
• Il apparaît alors essentiel de développer des
prises en charge qui peuvent avoir des effets sur
les symptômes primaires de la maladie tout en
limitant les atteintes secondaires (Faulkner G et
al. 2006).
• Dans ce cadre, la pratique d’activités physiques
(AP) semble particulièrement intéressante.
• L’utilisation des AP est recommandée dans
plusieurs maladies chroniques (BPCO, diabète ….)
avec un niveau de preuve de l’efficacité élevé.
• Dans le domaine des troubles psychiatriques, plusieurs
revues systématiques ont mis à jour l’efficacité de l’AP
de type aérobie .
• Efficacité sur les symptômes dépressifs (Caspersen CJ
et al. 1985), les épisodes dépressifs majeurs (Perraton
LG et al. 2010), les troubles anxieux (Herring MP et al.
(2010) et les troubles bipolaires (Wright KA et al.
(2009).
• Des études pilotes décrivent les bénéfices des AP dans
d’autres pathologies mentales : TOC (Brown RA et al.
2007), dépendance à l’alcool (Stathopoulou Get al.
(2006), à l’héroïne (Brown RA et al. 2010) et à la
cocaïne (Smith MA et al. 2008).
• Etudes pilotes réalisées chez les sujets schizophrènes :
– Gorczynski P, Faulkner G.Exercise therapy for
schizophrenia. Cochrane Database Syst Rev. 2010
May 12;(5):CD004412.
– Bernard P, Ninot G.Bénéfices des activités physiques
adaptées dans la prise en charge de la schizophrénie
: revue systématique de la littérature. Encephale.
2012 Sep;38(4):280-7.
Symptômes aigus et déficitaires :
• La pratique d’AP a un effet limité sur les
symptômes positifs de la schizophrénie.
Deux études obtiennent une amélioration
significative en fin de programme (Acil AA et
al. 2008, Behere RV et al. 2010).
• Pour les symptômes négatifs, des diminutions
significatives sont retrouvées dans trois
études (Duraiswamy G et al. 2007, Acil AA et
al. 2008, Behere RV et al.2010).
Facteurs psychosociaux et qualité de vie :
• La pratique d’AP a des effets bénéfiques sur
les symptômes dépressifs et la qualité de vie
des personnes schizophrènes (Acil AA et al.
2008). Ces résultats sont similaires à ceux
rencontrés dans d’autres populations (Inserm
2008).
• L’AP sous forme de yoga ou d’AP aérobie
entraîne une amélioration importante du
bien-être et une diminution de l’anxiété à très
court terme (Vancampfort D et al. 2010).
Condition physique :
• Des programmes d’AP structurés et individualisés
entraînent une amélioration de la condition
physique aérobie avec des marqueurs comme la
VO2max et la distance parcourue au test de
marche de six minutes.
• Les améliorations de la condition physique sont
retrouvées à la suite de programmes d’AP aérobie
couplée ou non avec des AP de renforcement
musculaire (Marzolini S et al. 2009, Pelham T et
al.1993).
Troubles métaboliques :
• 3 études incorporent de l’AP dans des
programmes spécifiques de perte de poids.
• Un essai teste l’effet d’un suivi nutritionnel couplé
à un programme de marche (3 fois par semaine
pendant 60 minutes, intensité faible) de 6 mois
chez des sujets obèses sous clozapine (≥ 300
mg/j). Ce programme diminue significativement
le périmètre abdominal et le tour de hanche,
l’IMC, la masse corporelle après 3 et 6 mois en
comparaison au groupe témoin (Wu MK et al.
2007).
• Un essai contrôlé à deux bras en ouvert teste le même type
de programme sur des sujets schizophrènes durant 18
mois. Les résultats montrent une diminution significative
des marqueurs biochimiques : HDL, LDL et HbA1c (Poulin
MJ et al. 2007).
• Un essai à quatre bras compare la metformine couplée à un
programme de suivi nutritionnel, d’éducation
thérapeutique et d’AP aérobie non supervisée d’intensité
modérée à élevée, metformine seule, programme d’AP
aérobie seul et placebo chez des sujets ayant une prise de
poids de 10 % suite à un traitement antipsychotique. La
metformine associée à l’AP aérobie a des effets
significativement supérieurs aux autres conditions sur
l’IMC, la masse corporelle et le périmètre abdominal, sans
effets secondaires plus importants (Wu RR et al. 2008).
Limites des études :
• Les échantillons sont souvent trop faibles ce qui limite
la puissance statistique des résultats.
• La description des programmes est insuffisante, on ne
connaît pas systématiquement la fréquence, l’intensité,
la durée, la nature et le mode de pratique
(supervisée/autonome, lieu) ainsi que le taux
d’adhésion et de sortie des programmes à court et
moyen terme. De plus, le groupe témoin est le plus
souvent « soins standards » mais le temps de contact
avec les sujets du bras témoin n’est pas contrôlé.
• L’évaluation des symptômes schizophréniques n’est pas
systématique et l’évaluation des effets à moyen terme
de programmes d’AP n’a à ce jour jamais été réalisée.
• Echantillons hétérogènes (Severe Mental Illness)
Objectifs
• Evaluation de l’impact clinique d’un programme d’activité
physique sur une population de sujets atteints de
schizophrénie.
• L’objectif principal de notre étude est de montrer que, chez
les patients schizophrènes, la pratique d’un exercice
physique régulier entraine une amélioration de la
symptomatologie négative.
• Les objectifs secondaires de notre étude sont de montrer
que, chez les patients schizophrènes, la pratique d’un
exercice physique régulier entraine une amélioration de la
symptomatologie positive, une amélioration de la qualité
de vie, une réduction de la symptomatologie dépressive et
une amélioration des paramètres du syndrome
métabolique.
Matériel et méthode
• Un programme d’activités physiques supervisé a été
élaboré en partenariat avec l’UFR Sport et Education
Physique.
• Séances supervisées par deux étudiants en 3ème
année de licence d’Activité Physique Adaptée et une
IDE.
• Il comprend une heure de multi-activités, 2 fois par
semaine, pendant 12 semaines.
• L’intensité minimale de chaque séance était fixée à
50% de la fréquence cardiaque de réserve.
• Des mesures comprenant les échelles PANSS, SANS,
SAPS, CDSS, S-QoL, un bilan anthropométrique et
biologique ont été réalisés à J 0, S 6, S 13 et S 16.
• Critères d’inclusion :
- schizophrènes stabilisés pris en charge en ambulatoire sur
le CHRU de Brest (consultations externes, hôpital de jour,
centre de jour)
- âge compris entre 18 et 60 ans
- aptitude à la pratique d’une activité sportive
• Critères de non inclusion
- patients schizophrènes non stabilisés
- patients présentant une inaptitude somatique au sport
• Programme :
2 fois par semaine une heure de sport dans
une salle multisports située dans l’hôpital.
La salle contenait deux terrains de badminton,
plusieurs tables de tennis de table, un
punching ball, un terrain de basket, des
petites cages de foot en salle, un rameur, une
planche pour les abdominaux, deux vélos
elliptiques, un ergocycle et un banc de
musculation, permettant d’offrir aux patients
un large panel d’activités.
Résultats principaux
• Population de l’étude :
– 23 patients inclus sur 2 années (4 groupes)
– Age moyen : 29.2 (±11.3) années.
– 18 hommes / 5 femmes
Semaine 0
Semaine 13
P-value
SANS
58.7 ± 24.4
52.4 ± 22.1
0.37
PANSS-N
24.0 ± 9.4
21.3 ± 8.1
0.31
PANSS
83.2 ± 20.4
74.0 ± 21.7
0.14
PANSS-P
16.8 ± 5.1
16.0 ± 5.5
0.61
SAPS
34.8 ± 25.1
33.3 ± 22.4
0.82
CDSS
7.1 ± 4.8
5.5 ± 5.6
0.31
S-QoL
124.0 ± 21.2
130.6 ± 20.3
0.28
• Paramètres du syndrome métabolique : les
résultats en attente !!!
• Poids : 89.3 ± 14.1 à S0 et 89.9 ± 13.9 à S13
Discussion
• Il semble bien qu’il existe une action
bénéfique d’une activité physique sur la
symptomatologie schizophrénique.
• Néanmoins, les résultats sont non significatifs.
• Résultats en accord avec la littérature.
• Limites importantes :
– difficulté voire impossibilité d’inclure des patients
avec une symptomatologie négative marquée.
– Résistance des soignants de voir prendre en
charge les patients par des éducateurs sportifs et
de voir évaluer une pratique.
– Observance des patients – nécessité d’une
mobilisation +++ des infirmiers
• Diminution des symptômes négatifs en lien avec
amélioration des interactions sociales ?
en lien avec amélioration de troubles cognitifs ?
• Symptomatologie dépressive réduite. Ces
symptômes chez les schizophrènes sont à mettre en
lien avec rapports sociaux pauvres, un manque de
spontanéité (Addington D et al. 1994).
Amélioration du fait de la prise en charge en groupe
avec amélioration des interactions sociales ?
• Nécessité d’essais contrôlés randomisés
Conclusion
• Difficile de conclure à des résultats du fait de
la faible taille de l’échantillon.
• L’ensemble des études va dans le sens d’un
effet positif de l’AP sur les symptômes
psychiatriques.
• Impact sur le syndrome métabolique?
• Nécessité de poursuivre des recherches et de
mettre en place des essais contrôlés
randomisés.