Genres de textes, types de discours et

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Genres de textes, types de discours et
Activité langagière,
genres de textes et types de discours
Enjeux acquisitionnels
Jean-Paul Bronckart
Université de Genève
Préambule
Un nécessaire « d’où je parle »
Années 70 et débuts 80 : une psycholinguistique de
l’enfant d’inspiration piagétienne : des stades de
développement du langage.
En compréhension: (1972). S.V.O. A linguistic Universal? A
Study in developmental psycholinguistics, Journal of
experimental Child Psychology, 14, 329-348
En production: (1973). Aspect et temps. Etude de l'utilisation
aspectuelle du temps des verbes chez l'enfant, Revue de
Psychologie et des Sciences de l'Education (Louvain), 8, 147173.
Succès académique
Préambule
Mais…..
Critiques, dont celles de L. Lentin : recherches de laboratoire,
artificielles et sur des dimensions parcellaires du langage.
Engagement dans les problématiques d’éducation. Recherches
sur la « réalité pédagogique » des stratégies d’acquisition : échec
sévère. Publication tardive dans Kilcher-Hagedorn et al., Le
savoir grammatical des élèves, Berne, Peter Lang, 1987.
Retour aux position épistémologiques de formation initiale ;
behaviorisme et interactionnisme social de Vygotski : (1971). Le
rôle régulateur du langage : critique expérimentale des travaux
d'A.R. Luria, Neuropsychologia, 8, 451-463. (1973). The
regulating role of speech. A cognitivist approach, Human
Development, 16, 417-439.
Préambule
Abandon de la psycholinguistique
Engagement en didactique des langues : recherches, élaboration
de méthodes pédagogiques, dont les séquences didactiques ;
formation des enseignants.
Depuis 2000, intervention également en formation des adultes :
recherches sur les dimensions langagières de l’analyse du travail
à visée formative.
En arrière-fond, trois thèmes de travail (notamment):
Le rôle des facteurs historico-sociaux et du langage dans le
développement humain (prolonger la démarche vygotskienne)
L’analyse du langage et de ses divers composants
Reprise de la problématique des rapports entre développement du
langage et dévelopement de la pensée
1. Qu’est-ce que le langage?
Une approche prenant en considération les
dimensions de l’histoire sociale humaine
Deux références majeures,
Saussure et Volochinov
Nos propres travaux
Genres de textes, types de discours, langues
1.1. Les apports de Ferdinand de Saussure
1.1. Les apports de Ferdinand de Saussure
Saussure, linguiste méconnu
- Quasiment pas de publications de son vivant, hormis le Mémoire sur le
système primitif des voyelles (1879).
- Publication posthume du CLG sur la base de notes d’étudiants, par des
collègues n’ayant pas suivi ses cours.
Saussure, linguiste “retrouvé”
Nouveau corpus
Autres cahiers d’étudiants ; notes manuscrites de Saussure (les Légendes
et les Anagrammes) ; deux manuscrits des années 1890-1895.
Un “autre” théoricien
- Démarche empirique ; changements et états de langue
- Théorie générale simultanée ; le Mémoire est déjà un ouvrage de
linguistique générale.
1.1. Les apports de Ferdinand de Saussure
Une conception du langage
C’est l’activité de parler (au sens de Coseriu)
Activité dynamique et historique : les langues se transforment en
permanence et se continuent parce qu’elles se transmettent et transforment.
D’où la conception de l’existence d’une seule langue, qui utilise les
ressources phonétiques de l’espèce, mais qui les redistribue en permanence
dans le temps et dans l’espace : langue ontologique.
« Il vaut la peine de nous arrêter un instant devant ce principe, élémentaire ou
essentiel de la continuité ou de l’ininterruption forcée qui est le premier caractère
ou la première loi de la transmission du parler humain, et cela quelles que soient,
autour de la langue, les révolutions et les secousses de tout genre qui peuvent
changer toutes les conditions. » (Saussure, 2002: 151)
« il n’est jamais arrivé que les gens de France se soient réveillés, en se disant
bonjour en français, après s’être endormis la veille en se disant bonne nuit en latin
» (ibid.:152)
1.1. Les apports de Ferdinand de Saussure
L’étude des mécanismes de changement
Caractère aléatoire des changements phonétiques
Caractère “reconstructif” des changements analogiques
Les changements se produisent dans le discours :
« Toutes les modifications, soit phonétiques, soit grammaticales
(analogiques) se font exclusivement dans le discursif. Il n’y a aucun
moment où le sujet soumette à une révision le trésor mental de la langue
qu’il a en lui, et crée à tête reposée des formes nouvelles […] qu’il se
propose, (promet) de “placer” dans son prochain discours. Toute
innovation arrive par improvisation, en parlant, et pénètre de là soit dans
le trésor intime de l’auditeur ou celui de l’orateur, mais se produit donc à
propos du langage discursif. » (Saussure, 2002: 95)
1.1. Les apports de Ferdinand de Saussure
Les rapports Textes-Langues
Les textes (ou discours ou parole): Premier lieu de vie des
signes et de leurs valeurs
« Toutes les modifications, soit phonétiques, soit grammaticales
(analogiques) se font exclusivement dans le discursif. [...] Toute
innovation arrive par improvisation, en parlant, et pénètre de là soit dans le
trésor intime de l’auditeur ou celui de l’orateur, mais se produit donc à
propos du langage discursif ». (ibid., p. 95)
Texte/discours : mode premier de réalisation de l’activité langagière, dans
sa fonction praxéologique
Quel est alors le rapport de ces textes avec « la langue » au sens plus
connu de ce terme, qui est gnoséologique : une connaissance construite
à partir de la réalité empirique des textes.
1.1. Les apports de Ferdinand de Saussure
Les rapports Textes-Langues
La langue interne : réservoir de valeurs signifiantes
déposées dans le “cerveau” des sujets parlants
« Tout ce qui est amené sur les lèvres par les besoins du discours, et par une
opération particulière, c’est la parole. Tout ce qui est contenu dans le
cerveau de l’individu, le dépôt des formes entendues et pratiquées et de
leur sens, c’est la langue. » (Cours I, pp. 65-66)
Ces formes ainsi intériorisées font l’objet d’une activité de classement,
dans la « sphère associative » de chaque individu. Ce qui donne lieu des
séries de termes entretenant des rapports de ressemblance-différence,
selon des critères qui peuvent être d’ordre sonore ou sémantique.
Ce classement a une dimension radicalement singulière ; dépendante de
l’histoire de vie des individus.
1.1. Les apports de Ferdinand de Saussure
Les rapports Textes-Langues
La langue externe (collective) : reconstruction des
valeurs et de leur organisation par des spécialistes
« Le langage est un phénomène ; il est l’exercice d’une faculté qui est dans
l’homme. La langue est l’ensemble des formes concordantes que prend
ce phénomène chez une collectivité d’individus et à une époque
déterminée. » (ELG, p. 129)
Cet état de langue collectif est le niveau où s’exerce le contrôle social, ou
encore l’activité normative des générations de locuteurs ; c’est ce degré
de langue que tentent de décrire les grammairiens et les linguistes.
1.1. Les apports de Ferdinand de Saussure
Etats de langue
Ressources langagières
Langue historique
Personne
Appareil psychique
Langue interne
Langue normée
Collectivité
T
e
x
t
e
s
1.2. Les apports de Valentin Volochinov
Volochinov, auteur “retrouvé”
- Reconnu plein auteur des ouvrages qu’il avait signés, jusqu’en 1970.
- En 1970, tentative de Bakhtine (et de ses promoteurs) de s’approprier
la paternité de l’œuvre de Volochinov (et de celle de Medvedev).
- Nos propres travaux montrent qu’il s’agit d’une gigantesque (et
honteuse) escroquerie,
et surtout la différence radicale entre les œuvres du groupe de
l’Université de Leningrad (Baudouin —> Jakubinski —> VolochinovMedvedev) et “l’œuvre propre” de Bakhtine.
Bronckart, J.-P. & Bota, C. (2011). Bakhtine démasqué. Histoire d’un
menteur d’une escroquerie et d’un délire collectif. Genève: Droz (620
pp.)
1.2. Les apports de Valentin Volochinov
Volochinov, auteur “retrouvé”
- Une approche sociologique du langage, marxiste et ouverte
(et donc finalement condamnée par le stalinisme).
- Interdépendance des pratiques sociales et des pratiques
verbales ; rôle de ces dernières dans l’élaboration de la
“psychologie sociale”
- Deux textes majeurs :
Le discours dans le vie et le discours en poésie (1926/1981)
Marxisme et philosophie du langage (1929/2010)
1.2. Les apports de Valentin Volochinov
Jakubinski (La parole dialogale, 1923)
Interdépendance des structures sociales d’échange et des structures
(linguistiques) du dialogue (oral) ; source du dialogisme.
Volochinov
- Extension de la problématique aux textes, profanes ou littéraires,
comme formes diverses d’interactions verbales.
- Thèse de l'autonomie relative du sémiotique à l’égard de
l’infrastructure socio-économique : des degrés d’autonomie croissants de
la conversation orale au texte littéraire.
- Autonomie des textes liée à leur caractère polyphonique ; ils sont
porteurs de multiples voix : voix de personnages, d’instances sociales, et
voix issues des autres textes.
- Reformulation-extension du dialogisme initial : tout texte “répond” à
d’autres textes et anticipe les réactions de ses récepteurs.
1.2. Les apports de Valentin Volochinov
Volochinov
- Formulation de la conception moderne des genres du discours.
- Les genres comme formes d’interaction verbale, traduisant la
psychologie du corps social.
« Ce qu’on appelle la psychologie du corps social et qui constitue [...] une
sorte de maillon intermédiaire entre la structure sociopolitique et
l’idéologie au sens étroit du terme (la science, l’art, etc.) se réalise, se
matérialise sous forme d’interaction verbale. » (MPL, p. 38)
"La psychologie du corps social, c’est justement d’abord le milieu ambiant
des actes de parole de toutes sortes. La psychologie du corps social se
manifeste essentiellement dans les aspects les plus divers de l'énonciation
sous la forme de différents modes de discours. Ce domaine n’a été l’objet
d’aucune étude jusqu'à présent" (ibid, p. 38-39)
Le discours, lieu de constitution et de dépôt des représentations
collectives.
1.2. Les apports de Valentin Volochinov
Volochinov
- Méthodologie d’analyse descendante :
*d’abord les formes d’interactions sociales (éléments
contextuels);
* ensuite les caractéristiques d’ensemble du genre de texte
produit ;
* enfin les unités et structures (proprement) linguistiques au
sein d’un genre de texte déterminé.
-
Thèse psychologique : l'intériorisation, par des personnes
singulières, des genres de discours donne naissance au
discours intérieur, qui est lui-même constitutif des
opérations de la pensée consciente.
1.2. Les apports de Valentin Volochinov
Interactions
sociales
Unités et
opérations
de pensée
Genres
Représentations
collectives
de
Dont
Langue
interne
textes
Langue normée
Individu
Productions verbales
Milieu intermédiaire
Collectivité
1.3. Aspects de nos propres travaux
Le projet de l’interactionnisme socio-discursif
- Bronckart et al. (1985). Le fonctionnement des discours.
- Bronckart (1997). Activité langagière, textes et discours.
- Bronckart (2008). Genres de textes, types de discours et “degrés” de langue.
Hommage à François Rastier.
Le rôle du langage dans la construction psychologique
Par des analyses techniques (linguistiques) des propriétés et des
formes de manifestation de l’activité de langage.
Par des recherches sur les conditions de transmission et
d’apprentissage des langues (didactique des langues).
Par des recherches sur les effets de la maîtrise du langage sur le
développement psychologique.
1.3. Aspects de nos propres travaux
Niveaux d’organisation du langagier
a) L’activité verbale (ou activité langagière) ; capacité d’espèce :
produire des significations pour permettre l’entente (Habermas) dans
l’activité et dans le rapport au milieu. Unité psychologique.
b) Mise en œuvre de l’activité langagière avec les ressources d’une
langue naturelle : production d’un texte en tant que correspondant
sémiotique d’une activité langagière. Unité communicative.
c) Distribution des textes en genres de textes adaptés à certains types
d’activité générale. Unité praxéologique.
- dynamisme des genres ; changent et peuvent être détournés
- genres s’accumulent dans l’architexte d’une communauté.
1.3. Aspects de nos propres travaux
Un schéma de l’architecture textuelle
Infrastructure
Mécanismes de
textualisation
Organisation
thématique
Connexion
Thématique
Agonistique
Planification
Organisation
Discursive
Types de discours
Relations prédicatives
Mécanismes de
prise en charge
énonciative
Foyer énonciatif
Voix et points de vue
Cohésion nominale
Attributions modales
1.3. Aspects de nos propres travaux
Les types de discours
Segments de texte, identifiables par des configurations spécifiques d’unités
linguistiques (temps des verbes, pronoms, types de phrases, adverbes, etc.).
Unité linguistique supérieure [à fonction épistémique].
Bases théoriques :
Benveniste (1959), Weinrich (1973), Simonin-Grumbach & Culioli (1975),
Genette (1986)
Opérations constitutives :
- Ou mettre le monde évoqué de le texte à l’écart du monde de l’interaction
(disjonction) ou ne pas effectuer cette mise à l’écart (conjonction)
- Ou mobiliser les paramètres agentifs du contexte de production dans le
texte (implication), ou ne pas les mobiliser (autonomie)
1.3. Aspects de nos propres travaux
Les types de discours
Rapport aux coordonnées générales
du monde ordinaire
Rapport à
l'acte
de production
Conjonction
EXPOSER
Disjonction
RACONTER
Discours interactif
Récit interactif
Discours théorique
Narration
Implication
Autonomie
1.3. Aspects de nos propres travaux
Exemples de types de discours
Discours interactif
Je passai dans le bureau d'Hélène
— "Encore besoin de moi? demanda-t-elle, ironiquement.
— Non. J'arrive à me débrouiller tout seul, à présent. Pas d'autres nouvelles de
Zavatter?
— Non.
— Hum... J'ai l'impression qu'il s'en fiche. Qu'il manque de cœur à l'ouvrage. Ce
n'est pas aussi le vôtre, Hélène?
— Je ne l'ai pas remarqué.
A ce moment, Odette Larchaut, pomponnée [...] nous rejoignit, interrompant notre
conversation.
(L. Malet, Fièvre au Marais, p. 78)
1.3. Aspects de nos propres travaux
Exemples de types de discours
Discours théorique
De façon générale, la plupart des biologistes considèrent que, mis à part
l'instinct et ce qu'il peut y avoir d'héréditaire dans les mécanismes perceptifs
ou les niveaux d'intelligence en tant que liés au développement du cerveau,
les connaissances consistent essentiellement en informations tirées du milieu
(expérience acquise), sous forme de copies du réel et de réponses figuratives
ou motrices aux stimuli sensoriels (schéma S —> R), sans organisation
interne ou autonome. Comme d'autre part, le système génétique, foyer de
l'organisation vitale, est habituellement conçu comme ne dépendant que de
facteurs endogènes, sans relation avec les influences du milieu sauf sous
l'effet d'une sélection n'intervenant qu'après coup, il n'y aurait donc aucune
relation entre l'organisation vivante en ses sources génétiques ou même
ontogénétiques et la structure des connaissances en tant que reflets du
milieu. Tout au plus celles-ci pourraient-elles donc comporter un rôle dans le
jeu de la sélection, mais à titre secondaire et accessoire. (J. Piaget, Biologie
et connaissance, p. 20)
1.3. Aspects de nos propres travaux
Exemples de types de discours
Récit interactif
Mes chères Françaises et mes chers Français // je vous ai parlé du
bon choix pour la France /// je l'ai fait / vous l'avez vu / avec une
certaine gravité /// il faut que je vous dise pourquoi // et je vous
raconterai pour cela un souvenir d'enfance ////
Quand j'avais treize ans / j'ai assisté / en Auvergne / à la débâcle de
l'armée française // pour des garçons de mon âge / avant la guerre /
l'armée française était une chose / impressionnante / et puissante //
et nous l'avons vue arriver en miettes // sur la petite route / près du
village où j'irai voter en mars / comme simple citoyen / nous
interrogions les soldats / pour essayer de comprendre [...]
J'entends encore à quarante ans d'intervalle cette réponse /// et....
(V. Giscard d'Estaing, Discours du bon choix pour la France, 27
janvier 1978)
1.3. Aspects de nos propres travaux
Exemples de types de discours
Narration
ARCHAOS fut longtemps un pays comme les autres, enclos à
l'intérieur de ses frontières, et suivant docilement le cours de
l'Histoire. Des rois y régnaient de père en fils, sans que personne
s'en plaignît, du moins trop fort; ou alors pas très longtemps.
L'avènement d'Avatar II n'apporta rien de neuf, en tout cas en mieux.
En plus des vertus de ces rudes ancêtres ce roi-ci était atteint d'une
dévotion aiguë, qu'il entendait répandre sur un peuple ignorant,
encore imparfaitement illuminé par la vraie foi. Des clochers
s'élevèrent, ainsi que les impôts. Les gens courbèrent un peu plus
l'échine.
(Ch. Rochefort, Archaos ou le jardin étincelant, p. 11)
1.3. Aspects de nos propres travaux
Types de discours
Discours
interactif
Représentations
individuelles
Discours
théorique
Récit
interactif
Narration
Représentations
collectives
1.4. Quelques enjeux acquisitionnels
NB. Préférence pour développement ou formation plutôt
qu’acquisition (connotation naturaliste)
Trois axes de développement langagier
- La capacité de produire des genres de textes adaptés à des
situations d’activité et de communication (séquences
didactiques) .
- La capacité de maîtriser l’organisation des quatre types de
discours.
- La capacité de s’approprier des traces de l’activité
langagière, de les intérioriser et de les organiser dans sa
langue interne.
1.4. Quelques enjeux acquisitionnels
Pas d’opposition entre texte/discours d’un côté et
langue ou système de l’autre
Pour produire un nouveau texte,
- un locuteur puise nécessairement aux ressources de sa langue
interne (en particulier à ses classements de signes) ;
- et il construit son texte sous le contrôle de la langue externe,
dans ses dimensions syntagmatique et paradigmatique.
Pas d’opposition entre didactique du texte et
didactique de la langue
Au contraire, enjeu formatif majeur est l’articulation entre ces
deux démarches.
1.4. Quelques enjeux acquisitionnels
Il n’y a pas de « langue orale » se différenciant de la
« langue écrite »
Mais des types de discours différents, produits soit en
modalité orale, soit en modalité écrite
Plus de similitudes entre un discours interactif oral et un
discours interactif écrit, qu’entre un discours interactif oral et
une narration orale…..
Quelles différences entre les modalités ? L’écrit radicalise les
tendances ; l’oral tend à la mixité et est plus complexe.
2. Le rôle du langage dans le développement
Le schéma de l'hominisation
(Spinoza —> Hegel —> Marx-Engels —>Vygotski)
- Espèce humaine dotée d'un potentiel biologique nouveau,
permettant la réalisation d'activités très complexes.
- La gestion de ces activités complexes requiert un mécanisme
d'entente (au sens d'Habermas) : l'activité verbale.
- Cette activité est productrice d'entités sémiotiques, c'est-à-dire
de représentations du monde qui sont d'emblée partagées,
collectives, et dotées pour cette raison de stabilité.
- C'est l'appropriation et l'intériorisation des entités sémiotiques
qui est la cause de la transformation du psychisme hérité en
une pensée consciente.
2. Le rôle du langage dans le développement
Le schéma développemental de Vygotski
Lignée naturelle de l’évolution : équipement biocomportemental spécifique
Le jeune enfant est confronté aux mondes préconstruits
avec leurs valeurs sociohistoriques
L’entourage humain entreprend des démarches
délibérées de formation
Le jeune enfant s’approprie les règles d’action et de
communication, et les intériorise
Cette intériorisation donne naissance au langage
intérieur ou pensée
2. Le rôle du langage dans le développement
Le programme de travail de l'ISD
A) Les préconstruits collectifs
- Préconstruits praxéologiques
- Activités “pratiques” gérées par les formations sociales
- Activités verbales propres à un groupe
(Propriétés : Diversité, Historicié, Socialité, Culturalité)
- Préconstruits gnoséologiques
- Monde objectif (connaissances sur l'état de l'univers)
- Monde social (connaissances relatives aux modes d'interaction sociale)
- Monde subjectif (connaissances relatives à l'appareil psychique)
(Tendent à la Généralité et à l'Universalité)
2. Le rôle du langage dans le développement
Le programme de travail de l'ISD
B. Les démarches de médiation formative
Les entreprises formatives
- Les lieux d’éducation informelle (familles, communautés restreintes, etc.)
- L’éducation formelle dans les systèmes d’enseignement
Nos propres recherches en didactique des langues
Conditions d'enseignement et d'apprentissage, avec leurs trois objectifs :
Epistémiques : les savoirs (dans leur rapport au monde objectif)
Praxéologiques : les capacités d’action (dans leur rapport au monde social)
Identitaires : problématique de l'appartenance et de l’autonomie de la personne
(dans leur rapport au monde subjectif)
2. Le rôle du langage dans le développement
Le programme de travail de l'ISD
C. La construction et le développement des personnes
Notion de personne : structure psychique qui se construit en chaque
individu singulier.
Notion de développement (Vygotski)
- la dynamique universelle de la matière, et du vivant ;
- la forme particulière que prend cette dynamique dans l’espèce humaine.
Le moteur du développement est la contradiction, le conflit, issu de la confrontation
de l’état interne avec des éléments externes ; ces éléments externes sont les
représentations collectives préexistantes formulées dans l’activité langagière.
L’éducation/formation “pour le développement”. L'entourage apporte des éléments
nouveaux, crée des situations-problèmes susceptibles d’entrer en conflit (mais pas
trop) avec l’état actuel de l’organisation psychique d’un apprenant.
C’est l’apprenant qui se développe (éventuellement) ; lorsqu’il peut intégrer ces
apports externes et transformer ce faisant son organisation psychique actuelle.
2. Le rôle du langage dans le développement
Thèse 1 : L'intériorisation des signes est la cause et la condition
de la constitution d'unités de pensée.
Avant le langage : capacités psychiques sensori-motrices ;
images mentales idiosyncrasiques, floues et instables.
Effets de l'intériorisation des signes
Caractère non-substantiel des signes —> indépendance des
conditions de renforcement —> autonomie et permanence des
images mentales.
Délimitation du signifiant —> délimitation corrélative du signifié —>
images mentales circonscrites,délimitées, condition sine qua non
des opérations de pensée.
Caractère dédoublé des signes (enveloppes sociale de
représentations - cf- Sapir) —> rend possible l'auto-accession
(accession de la pensée à elle-même), c'est-à-dire la conscience.
2. Le rôle du langage dans le développement
Thèse 2 : L'intériorisation des relations prédicatives est à l'origine du
déploiement des opérations de pensée.
Analyse de Piaget (1974)
Intelligence sensori-motrice : fonctionne selon le régime de la causalité.
Opérations de la pensée consciente : fonctionnent selon le régime des
implications de significations :
"La vérité de 2 + 2 = 4 n'est pas “cause” de la vérité de 4 - 2 = 4 [...] La vérité
de 2 + 2 = 4 “implique” celle de 4 - 2 = 4, ce qui est tout autre chose" (Piaget,
1974, p. 177)
Ce système d'implications a un caractère probabiliste ; "p implique q
pour l'honnête homme" (Lalande).
Ce système d'implication trouve son origine dans l'intériorisation des
relations prédicatives, comme opérations de jugement (Port-Royal).
2. Le rôle du langage dans le développement
Thèse 3 : La maîtrise des types de discours permet le déploiement des
divers types de raisonnements.
Analyse des discours de travailleurs (Bulea, 2007)
La mobilisation du discours interactif, corrélative de la mise ne place
des raisonnements causaux-pratiques, relevant des schématisations
(Grize).
La mobilisation du récit interactif, corrélative de la mise ne place des
raisonnements par l'exemple (ou par cas).
La mobilisation du discours théorique permet le déploiement de
raisonements semi-logiques, tendant au formel.
Remarque :
La logique de Port-Royal : concevoir (= signes) ; juger (= relations
prédicatives) ; raisonner (= types de discours).
3. Des rapports entre langage et pensée
Piaget, pour compenser la thèse Vygotski/Saussure
Les mécanismes hérités d’équilibration (assimilation/accommodation)
continuent de s’appliquer à l’humain ; complétés par l’abstraction et la
généralisation
Désémantisation des unités de pensée ; tendance à l’élaboration
d’entité notionnelle ou conceptuelle à validité universelle
Les signifiés des unités de pensée tendent à perdre des aspects de
valeurs liés au contexte socio-sémiotique de leur élaboration, et à
gagner des valeurs liées aux propriétés des domaines de référence
(mondains)
Coexistence (plus ou moins harmonieuse) en tout humain, et de la
dimension socio-sémiotique originelle, et de la dimension cognitive
tendanciellement universelle.
3. Des rapports entre langage et pensée
L’organisation des unités de pensée (Durkheim,
Popper, Habermas)
Au plan des représentations collectives, les connaissances acquises
s’organisent en trois mondes formels :
Monde objectif ; organise les connaissances relatives à l’univers dans ses
dimensions physiques ; critères de vérité et efficacité
Monde social ; organise les connaissances relatives aux modalités
d’interaction entre les humains ; critère de rapports aux normes
Monde subjectif ; organise les connaissances relatives à l’intériorité des
personnes ; critère de sincérité ou authenticité
Au plan des représentations individuelles, les connaissances
s’organisent dans trois réseaux analogues (cognitif, socio-interactif et
identitaire)
Remarques conclusives
Les processus mobilisés pour la confection des signes sont des
processus élémentaires (identifiables chez les animaux supérieurs ) :
assimilation, accommodation, différenciation, association).
Dimension de continuité
Une fois construits, les signes transforment radicalement le psychisme
hérité.
Dimension de rupture
Les signes, lieux de la continuité-rupture :
- Les processus hérités ne s'appliquent plus à des objets physiques,
mais à des objets sociaux (des sons conventionnellement associés à
des dimensions de l'activité humaine).
- Les signes sont des cristallisations psychiques d'échanges sociaux.
- Les signes et le langage dédoublent le niveau processuel des
humains (cf. le parallélisme psycho-physique de Spinoza)
- Ce dédoublement permet à l'espèce de penser-prévoir son devenir...

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