Lentilles et surface oculaire à problème
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Lentilles et surface oculaire à problème
CDO83p13 24/04/06 16:11 Page 13 Contactologie Lentilles et surface oculaire à problème Marie-Noëlle George oute pathologie ou anomalie de la surface oculaire a été longtemps une On appelle surface oculaire l’ensemble contre-indication à l’adaptation et au port formé par l’épithélium cornéen, l’épide lentilles de contact, en dehors de thélium conjonctival, et le film lacrymal. l’usage des lentilles dites thérapeutiques. Ces dernières années, les innovations concernant les matériaux et les géométries des lentilles, et une meilleure connaissance des réactions inflammatoires et immunitaires du tissu conjonctival en présence des solutions d’entretien, ont amené à modifier les indications et contre-indications aux lentilles de contact, permettant bien souvent de continuer sans risque le port de lentilles alors même qu’il existe un terrain a priori défavorable. Nous dressons ici une liste non exhaustive des différents cas qui peuvent se présenter en pratique quotidienne de contactologie. T Que le patient soit ou non déjà porteur de lentilles, il faut distinguer deux situations : • le problème est antérieur au port des lentilles ou indépendant de celui-ci • le problème est la conséquence du port des lentilles. Le problème est indépendant du port des lentilles Pathologies conjonctivales et palpébrales intrinsèques Allergie Elle induit une réaction inflammatoire des conjonctives (figure 1), avec un risque de sécrétions, et une atteinte inconstante du film lacrymal pouvant aller jusqu’à la sécheresse. Il est donc nécessaire d’orienter l’adaptation vers des lentilles à renouvellement journalier, ou à renouvellement très fréquent, en utilisant des matériaux à faible CHU Nantes potentiel de déshydratation (silicone-hydrogels, phosphoryl-choline). Dans ces cas, l’entretien doit exclure les molécules de synthèse et donner la préférence aux systèmes oxydants. Figure 1. Papilles géantes chez un patient porteur de kératocône stade IV avec terrain atopique associé Conjonctivite vernale Les lentilles sont parfois une aide précieuse pour préserver la cornée de l’agression mécanique des papilles géantes présentes au tarse. L’utilisation de siliconehydrogels à hyper Dk permet un port nocturne qui assure la continuité de la protection. L’hygiène lors des manipulations doit évidemment être particulièrement Les Cahiers 13 CDO83p13 24/04/06 16:11 Page 14 Contactologie stricte, en raison de la fréquence des atteintes cornéennes épithéliales, et du risque infectieux pour la cornée. Cette pathologie atteint en outre le plus souvent des enfants, et l’implication des parents dans la surveillance du risque infectieux est essentielle. Blépharites chroniques et rosacée oculaire Ces terrains sont caractérisés par la présence d’agents infectieux. L’hygiène palpébrale est la condition préalable au port des lentilles dont la fréquence de renouvellement doit être accélérée, et l’entretien rigoureux. Syndrome de Stevens-Johnson Le contexte mécanique est le même que dans les cas de conjonctivites vernales, et les solutions sont les mêmes. Pathologies conjonctivales et palpébrales d’origine iatrogène Kératopathies bulleuses, kératopathies posttraumatiques Quelle qu’en soit l’origine, elles ont été longtemps les seules indications des lentilles dites thérapeutiques. Les matériaux à hyper Dk apportent dans ces indications le bénéfice de leur forte transmissibilité à l’oxygène (figure 2). Figure 2. Kératopathie œdémateuse sur aphaquie post-traumatique. Acuité visuelle avec une LRGP hyper Dk : 8/10e Post-traumatiques et post-chirurgicales (blépharoplasties) Dans les deux cas on peut être en présence d’une lagophtalmie, parfois discrète, parfois présente uniquement durant les périodes de sommeil, relativement silencieuse, et qui doit conduire à un examen soigneux de l’épithélium cornéen à la recherche de défects le plus souvent inférieurs, sources de porte d’entrée infectieuse. Là encore, les lentilles en silicone-hydrogel en port continu peuvent apporter une réponse en évitant le dessèchement nocturne. Cicatrices post-traumatiques ou après chirurgie réfractive Si la cicatrice atteint le limbe, seules des lentilles n’induisant aucune hypoxie peuvent être adaptées. Lentille rigide s’il existe un astigmatisme irrégulier, lentille souple en silicone-hydrogel dans les autres cas, pourvu que le profil cornéen le permette, ce qui n’est pas toujours le cas après chirurgie réfractive (figure 3). Pathologies cornéennes Kératopathies virales Quel que soit le virus en cause, il est longtemps présent dans la cornée, et prompt à se réactiver en présence d’une quelconque stimulation. Il est impératif de suspendre le port des lentilles tout au long de la poussée, et une extrême prudence avec une surveillance soigneuse est de règle lors de la reprise du port. Cependant, après des kératites herpétiques responsables de cicatrices cornéennes avec astigmatisme irrégulier induit, le port de lentilles rigides à hyper Dk peut apporter une solution optique sécuritaire. Kératites filamenteuses Elles témoignent d’une sécheresse réelle qui est généralement une contre-indication au port des lentilles. Kératalgies récidivantes et dystrophie de Cogan Le port de lentilles souples en silicone-hydrogel en port continu, outre son action antalgique, permet d’éviter le décollement de l’épithélium cornéen durant les secousses oculaires nocturnes exacerbées lors des périodes de sommeil paradoxal. 14 Les Cahiers Figure 3. Lentille de géométrie kératocône après chirurgie de l’hypermétropie Pathologies du film lacrymal Les syndromes secs avérés sont rares et entrent généralement dans un tableau identifiable, qui doit toujours faire l’objet d’une exploration scrupuleuse avant de récuser un port de lentilles. Une pathologie systémique doit être évoquée. Plus fréquentes sont les causes iatrogènes, et l’interroga- toire doit rechercher devant une déficience évidente du CDO83p13 24/04/06 16:11 Page 15 Contactologie film lacrymal une prise médicamenteuse telle que des psychotropes de toutes catégories, antitussifs, vasoconstricteurs, etc. Les dysfonctionnements des glandes de Moebomius ont été abordés dans les pathologies palpébrales. Traitement par Isotrétinoïne L’utilisation de cette molécule par voie orale induit deux conséquences : une modification majeure du film lacrymal par diminution, voire disparition de sa couche lipidique, et une augmentation très importante des colonies de staphylocoques dorés dans la flore conjonctivale. La première donne des signes subjectifs alertant le patient, mais la seconde est silencieuse et l’expose à un risque infectieux important. Pour cette raison, les lentilles souples sont à proscrire durant le traitement. Les lentilles rigides peuvent être portées avec une hygiène rigoureuse et l’adjonction de substituts des larmes en cas d’inconfort. L’évaporation du film lacrymal doit être évoquée devant une rareté du clignement, et la rupture d’un film lacrymal fragile est accélérée par la présence d’une lentille. Le problème est consécutif au port de lentilles Une intolérance de survenue progressive ou brutale chez un porteur qui jusqu’alors n’avait aucun symptôme a toujours une cause, et la notion de l’épuisement du “capital lentille”, si souvent incriminée, doit être bannie. L’interrogatoire doit être systématique, et faire préciser les habitudes du patient : manipulations, fréquence de renouvellement des lentilles, entretien avec le nom exact de la solution utilisée, recours éventuel à des produits de rinçage ou à des collyres, connaissance et respect de l’information donnée lors de la prescription des lentilles. Pathologies conjonctivales et palpébrales Figure 4. Conjonctivite gigantopapillaire stade II sont susceptibles de se développer très rapidement chez les sujets jeunes, ce qui nécessite au cours de leur adaptation d’avoir ce risque à l’esprit lors du choix de la lentille à prescrire. Il est nécessaire de rompre le cycle inflammation, sécrétions, encrassement. Chez le porteur de lentilles souples, on accélérera les fréquences de renouvellement, si possible avec des lentilles jetables journalières. Si l’amétropie ne le permet pas, l’entretien par système oxydant s’impose. S’il s’agit d’un porteur de lentilles rigides, le nettoyage intensif au chlore actif doit être impérativement hebdomadaire, après renouvellement des lentilles dont on visualisera les dépôts en tenant les paupières ouvertes jusqu’au moment de rupture du film lacrymal. Il est souvent opportun d’adjoindre pendant quelques jours un traitement anti-inflammatoire de type Bacicoline®, avant de prendre le relais avec un collyre antiallergique sans conservateur. Les conjonctivites giganto-papillaires (figure 4) C’est une cause fréquente d’intolérance aux lentilles de contact, et leur origine est généralement facile à retrouver par l’interrogatoire. Elles se développent préférentiellement sur des terrains atopiques. Il s’agit le plus souvent d’un renouvellement insuffisant des lentilles, ou d’un manque de rigueur de l’entretien. Elles sont plus rarement observées chez des patients ayant bénéficié, lors de leur adaptation, d’une information rigoureuse concernant ces deux points. Elles Pathologies cornéennes Infiltrats cornéens inflammatoires Après avoir évalué leur nombre, leur taille et leur localisation, il faut déterminer leur cause. Si on rattache directement leur présence au port des lentilles, un arrêt de quelques jours s’impose, et la reprise peut se faire sous surveillance. S’ils réapparaissent ou persistent, on ne doit pas faire reporter les lentilles sans avoir trouvé la cause de leur présence. Les Cahiers 15 CDO83p13 24/04/06 16:11 Page 16 Contactologie Cicatrices cornéennes La présence de cicatrices minimes, arrondies, uniques ou multiples chez un porteur de lentilles, généralement souples, doit faire rechercher par l’interrogatoire l’existence d’épisodes infectieux antérieurs, et doit toujours éveiller la méfiance sur la vigilance du patient, et sur sa compliance à l’entretien et à l’hygiène. KPS diffuses Qu’elles soient diffuses sur toute la cornée, centrales, ou en couronne, elles évoquent une toxicité de la solution d’entretien utilisée et doivent orienter l’interrogatoire dans ce sens. Elles diminuent souvent au décours de la journée, après lavage de la solution par les larmes et reconstitution des cellules épithéliales lésées. KPS localisées en arc supérieur ou inférieur : elles sont souvent en relation avec la géométrie de la lentille et nécessitent un changement de l’équipement. Syndrome 3h-9h sous lentilles rigides Il nécessite un rééquipement, et en cas d’échec avec d’autres géométries de lentilles, il peut être nécessaire de passer temporairement ou définitivement aux lentilles souples. Corneal warpage Cette déformation cornéenne irrégulière le plus souvent réversible, diagnostic différentiel du kératocône, procède d’un mécanisme mal connu. Elle relève de causes liées à l’anoxie et à l’appui mécanique de la lentille. Elle est observée avec des LRGP comme avec des LSH, mais elle est beaucoup moins fréquente aujourd’hui avec la haute perméabilité à l’oxygène des matériaux. La réversibilité s’obtient avec l’arrêt de la lentille pendant plusieurs semaines, jusqu’à obtenir une régularité parfaite de la kératométrie et une stabilité de cette dernière, ainsi que de la réfraction, lors de deux examens successifs. Chez des patients avec une forte amétropie, il peut être proposé un port transitoire de lentilles souples en silicone-hydrogel ou de lentilles souples ultra-fines, qui sera souvent préféré malgré une acuité moins performante, à une reprise des lunettes. Une nouvelle adaptation pourra alors être proposée en tenant compte de la malléabilité de la cornée. Abcès Quelque soit l’agent infectieux en cause, c’est la pathologie la plus redoutée sous lentilles. Il survient le plus souvent à la suite d’un mésusage des lentilles, des solutions d’entretien ou d’un manque de propreté des étuis, et le plus souvent en raison d’un retard du patient à réagir et à consulter. Mais il s’observe parfois en l’absence de toute cause identifiable. Après guérison complète et une période de latence de quelques semaines, une réadaptation peut être envisagée, dans 16 Les Cahiers un cadre d’adaptation et d’information très strictes, excepté chez un patient dont on peut soupçonner qu’il présente des risques de négligence. Pathologie du film lacrymal Induite par les solutions d’entretien L’interrogatoire met le plus souvent en évidence un comportement volage des patients vis-à-vis des produits utilisés. Le choix d’un système oxydant permet de diminuer l’intolérance, mais la restitution ad integrum des cellules à mucus nécessite de longs mois. Induite par les protéines dénaturées déposées à la sur- face ou dans la trame de la lentille: Il n’est pas superflu de redire que l’état d’une lentille, en particulier souple, ne peut en aucun cas être évalué par un examen à la LAF. Il est donc indispensable de se conformer aux délais de renouvellement préconisés par les fabricants, d’utiliser si besoin une déprotéinisation hebdomadaire, qui doit être de règle pour toutes les LSH à renouvellement traditionnel quel que soit le type de solution utilisée. En bref Les pathologies de la surface oculaire sont multiples, et font partie de la consultation courante en ophtalmologie. Dans la majorité des cas, et quelle que soit leur étiologie, elles ne sont plus une contre-indication au port des lentilles. Mais il est indispensable : – d’en définir la localisation, – d’en identifier l’origine, – d’en analyser la pathogénie. La connaissance de la surface oculaire et de sa physiologie, les gammes très étendues de lentilles aujourd’hui à notre disposition, les modes d’entretien auxquels nous pouvons avoir recours, permettent d’éliminer la majorité des contre-indications classiques au port des lentilles, sans pour autant perdre la notion de prudence que nous devons respecter devant tout accident infectieux ou inflammatoire. Bibliographie McCukkey JP, Shine WE. Eyelid disorders: the meibomian gland, blepharitis, and contact lenses. Eye Contact Lens 2003 Jan;29. Lemp MA. Contact lenses and associated anterior segment disorders: dry eye, blepharitis, and allergy. Ophtlmol Clin North Am 2003 Sept;16:463-9. Foulks GN, Harvey Y, Raj CV. Therapeutic contact lenses: the role of high-Dk lenses. Ophtlmol Clin North Am 2003 Sept;16:455-61. Porazinski AD, Donschik PC. Giant Papillary conjunctivitis in frequent replacment contact lens wearers: a retrospective study. CLAO J 1999;25:142-7. Egger SF, Huber-Spitzy V. 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