Séquence 2 - Fleurs d`encre

Fleurs d’encre 3e – Chapitre 4. Entre deux cultures : qui suis-je ?
SUJET COMPLET NOUVEAU BREVET : MALIKA
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Conforme aux nouvelles
dispositions de l’épreuve du
nouveau brevet des collèges
Malika
À quatorze ans, Malika a dû quitter l’école, sur ordre paternel. Devenue ouvrière dans une usine de
crevettes, elle est tombée malade et a été recueillie par sa sœur.
Dès que sa sœur rentrait, Malika savait qu’elle disposait d’une heure de liberté. Elle sortait,
courait dans les rues jusqu’au boulevard Pasteur, devant la terrasse des Paresseux. Elle s’installait,
achetait un paquet de pépites, et les mangeait en regardant les bateaux quitter le port. […]
Elle n’observait plus les bateaux avec le même regard qu’avant. Elle les voyait partir, glisser
sur l’eau calme, comme de grandes bouteilles où elle se contentait de mettre ses rêves. Elle les
écrivait sur de grandes feuilles, les pliait en quatre puis en huit, les numérotait et les classait dans un
cahier.
Le rêve numéro un est bleu. Il y a la mer et au bout un fauteuil suspendu entre ciel et terre.
Elle s’y installe et se balance. Sa robe aussi est bleue, ample et transparente. Du haut de sa
balançoire elle aperçoit les côtes marocaines, Tanger, la Falaise, la Montagne, le port. Le soir, les
lumières ne scintillent pas. Il fait sombre. Alors elle tire sur la balançoire et tourne le dos au Maroc.
Le rêve numéro deux est blanc. Elle est dans une école où tout le monde est habillé en blanc,
les élèves comme les enseignants. Le tableau est blanc, et la craie est noire. On apprend les étoiles,
leurs mouvements, leurs voyages, puis on descend sur terre. Là, on entre dans une forêt, où les
arbres ont été peints avec de la chaux. Cette blancheur l’enchante. Elle s’arrête, monte dans un arbre
et voit au loin la terrasse de la maison de sa sœur. C’est une toute petite terrasse où sèchent des
peaux de mouton. Des livres par centaines sont suspendus aux branches des arbres. Ils sont couverts
de jaquettes1 de toutes les couleurs. Il suffit de les ouvrir pour apprendre ce qu’ils racontent. Ce sont
des livres magiques qui n’existent pas à Tanger. Malika décide d’aller au pays où il y a la forêt des
livres.
Le rêve numéro trois est un train qui traverse le détroit de Gibraltar2. Tarifa3 et Tanger sont
reliés par un pont aussi beau que celui qu’elle a vu dans un magazine de tourisme. Le trajet dure une
vingtaine de minutes. Malika est assise dans le premier wagon et observe avec grande attention la
progression du voyage. À l’arrivée sur les côtes espagnoles, un comité d’accueil attend les
voyageurs à qui l’on offre des fleurs, des dattes et du lait. Malika adore les dattes. Elle en prend
trois et les mange à toute vitesse. Les Espagnols lui proposent de rejoindre le lycée afin de
poursuivre les études qu’elle a abandonnées en quittant Tanger. Quand elle se retourne, il n’y a plus
de train, plus de pont.
Le rêve numéro quatre est une valise, une vieille valise marron. Malika y a caché les jouets et
objets qu’elle aime. Il y a de tout : une brosse à cheveux, un bout de miroir, un taille-crayon, trois
boutons de couleurs différentes, un carnet plein de phrases écrites à la va-vite, une khamsa4 en
argent offerte par sa grand-mère, une feuille de papier jauni pliée en quatre et entourée d’un fil
rouge, un carnet maquillé en passeport européen, en l’ouvrant, on y trouve collée sa photo d’identité
et tous les renseignements habituels, une gomme, une broche et des clous. Chacune de ces choses a
une signification particulière pour elle. C’est son secret. Elle a juste écrit sur le dos de la valise ces
mots au feutre noir : « C’est à moi. »
Tahar Ben Jelloun, Partir © Éditions Gallimard, 2006.
Tous les droits d’auteur de ce texte sont réservés. Sauf autorisation, toute utilisation de celui-ci
autre que la consultation individuelle et privée est interdite. http://www.gallimard.fr/
1
couvertures en papier.
détroit entre le Maroc et l’Espagne.
3
ville espagnole à côté de Gibraltar.
4
main de Fatima, bijou arabo-musulman utilisé pour protéger du mauvais œil.
2
© Hachette Livre, 2012.
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Première partie : Compréhension de texte, réécriture et dictée
COMPRÉHENSION DU TEXTE
1. Êtes-vous sensible à l’écriture de ce texte ? Expliquez.
2. a. Où la scène se passe-t-elle ? b. Dans quel état d’esprit Malika est-elle à l’égard de ce lieu ?
Justifiez.
3. a. « bleue, ample, transparente » : indiquez la classe et la fonction grammaticales de ces mots.
b. Expliquez ce que symbolise le rêve bleu.
4. a. Que représente le rêve blanc ?
b. « la forêt de livres » : nommez cette figure de style et expliquez ce qu’elle signifie ici.
5. a. De quel pays Malika rêve-t-elle dans le troisième rêve ?
b. À quoi assimile-t-elle ce pays dans son rêve ? Expliquez.
c. « afin de poursuivre les études » : analysez ce groupe de mots.
d. « qu’elle a abandonnées en quittant Tanger » : analysez cette proposition.
6. a. Dans le dernier paragraphe, « qu’elle aime » : quelle est la classe grammaticale de « que »?
b. Quelle est la figure de style employée pour décrire le quatrième rêve ? Quel est l’effet créé ?
c. Que révèle le quatrième rêve sur le monde de Malika ?
7. Quelles sont les conditions du bonheur pour Malika ? Justifiez.
8. « Elle n’observait plus les bateaux avec le même regard qu’avant » : Quelle est la forme de cette
phrase ? Que révèle cette phrase sur les sentiments de Malika ?
 Question de synthèse
9. Quels sont les traits de caractère de Malika qui se dessinent dans l’extrait proposé ? Faites une
réponse développée et argumentée, en citant le texte.
RÉÉCRITURE
Récrivez le premier paragraphe en employant le passé composé comme temps du récit. Faites
tous les accords qui s’imposent.
DICTÉE
Le rêve de Malika avait le parfum de l’enfance. Elle avait dû se battre pour convaincre ses
parents de la laisser aller au lycée Ibn Batouta de Tanger. Elle y allait à pied et arrivait souvent en
retard. Elle aurait pu prendre l’autobus mais n’avait pas de quoi payer son billet. Elle marchait d’un
pas rapide, la tête baissée. En route, elle pensait à tellement de choses qu’il lui arrivait de se perdre.
Ses pas l’amenaient toujours au boulevard Pasteur, sur la terrasse des Paresseux d’où l’on voit le
port et par temps clair les côtes espagnoles. Elle s’arrêtait et observait longtemps les mouvements
des bateaux qui allaient et venaient. Elle aimait voir les bateaux blancs.
Tahar Ben Jelloun, Partir © Éditions Gallimard, 2006.
Tous les droits d’auteur de ce texte sont réservés. Sauf autorisation, toute utilisation de celui-ci
autre que la consultation individuelle et privée est interdite. http://www.gallimard.fr/
Les mots en gras sont à noter au tableau.
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Seconde partie : Rédaction
SUJET D’IMAGINATION
Comme Malika, il vous est arrivé de rêver de vous échapper de votre univers quotidien. Racontez.
Critères d’évaluation :
Selon le choix du professeur ces consignes peuvent ou non détaillées aux élèves. On peut aussi leur
demander d’expliciter les attentes.
 Vous exprimerez vos sentiments.
 Vous emploierez un niveau de langue courant ou soutenu.
 Il sera tenu compte de la qualité de la langue.
SUJET DE RÉFLEXION
Après avoir expliqué le rapport que Malika entretient avec les études, dites si vous partagez son
point de vue. Développez votre réponse de manière argumentée.
© Hachette Livre, 2012.
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Corrigé
Première partie : Compréhension de texte, réécriture et dictée
COMPRÉHENSION DU TEXTE
1. La lecture de ce texte peut toucher le lecteur pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le
personnage principal est une jeune fille qui est dans une situation difficile (Le paratexte nous
indique qu’elle ne peut pas aller à l’école et qu’elle est tombée malade). La narration est faite par
un narrateur extérieur mais qui adopte un point de vue interne, celui de Malika. Ainsi nous donnet-on à lire les pensées, les rêves les plus intimes de la jeune adolescente. Enfin, le thème principal
du texte est celui de l’immigration, de l’exil.
2. a. La scène se passe sur le port de Tanger, au Maroc. b. Ce lieu déclenche les rêveries de
Malika : « en regardant les bateaux quitter le port », et en même temps, c’est un lieu qu’elle a
envie de quitter : « Alors elle tire sur la balançoire et tourne le dos au Maroc. ».
3. a. Ces trois mots sont des adjectifs qualificatifs, ils sont attributs du sujet « sa robe ».
b. Le rêve bleu symbolise son désir de départ, elle s’éloigne de son pays : « elle aperçoit les
côtes marocaines ». Le verbe « apercevoir » prouve qu’elle est déjà loin ; elle « tourne le dos au
Maroc ».
4. a. Le rêve blanc représente son désir d’aller à l’école, d’apprendre comme peuvent le faire les
enfants des pays riches.
b. Cette figure de style est une métaphore, les livres sont comparés aux arbres d’une forêt. Ils
sont nombreux et représentent la possibilité d’avoir accès à la culture.
5. a. Elle rêve de l’Espagne qui se trouve de l’autre côté du détroit de Gibraltar.
b. Elle assimile ce pays à une vie meilleure, une vie plus facile : « un comité d’accueil attend les
voyageurs à qui l’on offre des fleurs, des dattes et du lait ». L’intégration dans ce pays se fait par
l’école où elle sera accueillie.
c. Il s’agit d’un groupe verbal à l’infinitif, complément circonstanciel de but du verbe
« rejoindre ».
d. Il s’agit d’une proposition subordonnée relative, complément de l’antécédent « études ».
6. a. « Que » est une conjonction de subordination.
b. La figure de style employée est une énumération. Elle permet d’insister sur le nombre
important d’objets contenus dans la valise marron. Autant d’objets signifiants pour Malika et qui
sont ses secrets.
c. Le rêve numéro quatre nous fait entrer dans l’univers de Malika. « Une brosse à cheveux »,
« une khamsa » sont des objets auxquels se rattachent des souvenirs, celui de sa grand-mère par
exemple. Le faux passeport témoigne de son désir ancien de quitter le Maroc pour vivre une autre
vie.
7. Malika imagine sa vie loin du Maroc, dans un pays plus riche. Elle souhaite pouvoir faire des
études, « Elle est dans une école où tout le monde est habillé en blanc, les élèves comme les
enseignants ».
8. Cette phrase est à la forme négative. Malika a changé, elle est nostalgique de cette période de
sa vie où elle avait encore des rêves.
© Hachette Livre, 2012.
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 Questions de synthèse
9. Malika est une jeune fille sensible, elle a gardé « une khamsa en argent offerte par sa grandmère ». Elle est rêveuse, « où elle se contentait de mettre ses rêves ». Elle imagine la vie ailleurs
sans avoir une vision réelle de ce qu’elle peut être. Il s’agit avant tout de se créer un monde
imaginaire afin de s’évader de la réalité : « Le tableau est blanc et la craie est noire ». Elle aspire à
partir « au pays où il y a la forêt des livres », en Espagne pour « rejoindre le lycée afin de
poursuivre les études qu’elle a abandonnées » : ainsi se manifeste son aspiration à étudier pour
sortir de sa condition.
RÉÉCRITURE
Récrivez le premier paragraphe en employant le passé composé comme temps du récit. Faites
tous les accords qui s’imposent.
Dès que sa sœur est rentrée, Malika a su qu’elle disposait d’une heure de liberté. Elle est sortie, a
couru dans les rues jusqu’au boulevard Pasteur, devant la terrasse des Paresseux. Elle s’est
installée, a acheté un paquet de pépites, et les a mangées en regardant les bateaux quitter le port.
Seconde partie : Rédaction
SUJET D’IMAGINATION
Comme Malika, il vous est arrivé de rêver de vous échapper de votre univers quotidien.
Racontez.
Il s’agit, pour l’élève, de rédiger un texte narratif. Le sujet sous-entend que l’élève doit évoquer ses
rêves mais aussi cet « univers quotidien » auquel ils lui permettent d’échapper.
On pourra prendre en compte les indicateurs de réussite suivants :
- Qualité de l’écriture du récit (présence d’un cadre spatio-temporel) ;
- Richesse de l’expression des sentiments.
SUJET DE RÉFLEXION
Après avoir expliqué le rapport que Malika entretient avec les études, dites si vous partagez son
point de vue. Développez votre réponse de manière argumentée.
Le sujet demande à l’élève d’analyser ce que représente pour Malika les études. Les différentes
questions ont largement permis d’éclairer cette question : les études sont pour elle le moyen
d’échapper à une vie misérable (l’usine de crevettes). Les livres sont « magiques ».
Dans un second temps les élèves donneront leur avis sur les études.
Les indicateurs de réussite à prendre en compte seront les suivants :
- Pertinence de l’analyse du texte de départ.
- Pertinence des arguments : les études permettent d’avoir une place dans la société, de
choisir le métier qui nous plaît, de se cultiver et d’apprendre. L’élève peut aussi défendre
un autre point de vue et montrer que les études ne sont pas toujours indispensables, que
l’on peut apprendre autrement que par les livres.
© Hachette Livre, 2012.