Médiation et arbitrage : Modes alternatifs de règlement des conflits

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Médiation et arbitrage : Modes alternatifs de règlement des conflits
MÉDIATION ET ARBITRAGE :
Modes alternatifs de règlement des conflits
Pierre Lamontagne est associé de notre cabinet et pratique en droit des affaires à
notre bureau de Québec, notamment dans les domaines de la constitution, l’achat
et la vente d’entreprises, de fusions et réorganisations, de conventions entre
actionnaires et associés ainsi qu’en matière de pérennité et transmission
d’entreprises, dont les entreprises familiales.
Me Lamontagne oeuvre également à titre d’arbitre et de médiateur en matière
commerciale et il enseigne à la maîtrise à la Faculté de droit de l’Université
Laval.
Les litiges et différends peuvent être réglés autrement qu’en empruntant la voie du
système judiciaire traditionnel. De fait, l’arbitrage et la médiation peuvent représenter
des modes de règlements de conflits encore plus avantageux pour les parties.
Pour s’en convaincre, brossons un tableau des avantages et inconvénients propres à
chacun de ces modes de règlement.
1.
LE SYSTÈME JUDICIAIRE TRADITIONNEL
1.1
Ses caractéristiques
En suivant les formalités prescrites au Code civil du Québec et au Code de
procédure civile du Québec, les parties - essentiellement par l’intermédiaire d’avocats soumettent leur différend à la décision des tribunaux. Dans l’éventualité où le jugement
de première instance ne satisferait pas une partie, cette dernière pourra, dans certains cas,
en appeler de la décision auprès d’une instance supérieure... théoriquement jusqu’en Cour
Suprême du Canada.
1.2
Ses avantages
1.2.1
Si une partie est insatisfaite de la décision du tribunal de première
instance, elle peut – dans certains cas – loger un appel devant un tribunal supérieur; pour
les parties (particulièrement leurs avocats!), ce droit d’appel peut apparaître sécurisant,
surtout si le litige porte sur un point de droit particulièrement complexe.
1.2.2
Si une partie se considère, par exemple, victime de libelle diffamatoire (un
« affront » qui a été porté à la connaissance du public), elle pourrait désirer obtenir un
jugement bénéficiant de la même publicité et qui verra à rétablir les faits et à l’indemniser
pour les dommages que telle diffamation aurait pu lui causer.
1.2.3
Une partie pourrait préférer obtenir un jugement final et créer un courant
jurisprudentiel (i.e. décision d’un tribunal qui incitera d’autres tribunaux à juger de la
même façon dans des situations similaires). Les compagnies d’assurance ou les
syndicats, par exemple, pourraient dans certains cas être sensibles à ce genre d’avantage.
1.2.4
Exploitation du rapport de force : lorsque la partie adverse est vulnérable
(vulnérabilité juridique, financière ou psychologique), certains pourraient vouloir
exploiter cette situation à leur avantage et multiplier les procédures afin déséquilibrer leur
adversaire et obtenir un règlement à leurs conditions.
1.2.5
Lorsqu’il s’agit de faire cesser immédiatement une violation de ses droits
pouvant lui causer un préjudice grave (ex. : violation d’un engagement de nonconcurrence), une partie peut avoir avantage à recourir aux procédures d’injonction.
1.2.6
Efficacité du recours en rapport avec les objectifs visés (par exemple, un
recours collectif).
1.2.7
Exclusivité du recours : certains recours ne sont pas accessibles aux autres
modes de règlement des conflits, notamment les recours ayant une incidence sur
l’intégrité de la personne (par exemple, une décision portant sur la garde d’enfants ou
visant à assujettir quelqu’un à un régime de protection établi par la loi).
1.3
Ses inconvénients
La liste des inconvénients est non-exhaustive. Plusieurs, qui ont eu à
participer au processus judiciaire, ont leur petite histoire d’horreur à raconter. Voyons
certains de ces inconvénients.
1.3.1
Les délais peuvent être considérablement longs, d’autant plus s’il y a appel
du jugement de première instance. De fait, il n’est pas rare que le jugement final soit
rendu plusieurs années après l’institution des procédures.
1.3.2
Les parties ne sont pas maîtres de la situation: ils n’ont aucun contrôle sur
le processus (apanage des avocats : requête pour précisions, interrogatoire au préalable,
interrogatoire après défense, appel en garantie, etc.) sur l’identité du décideur… et encore
moins sur le jugement à être rendu.
1.3.3
Les coûts sont particulièrement élevés... et souvent imprévisibles (avocats
et experts de tout azimut).
1.3.4
Les parties ne choisissant pas le juge, ce dernier ne possédera pas
nécessairement une expertise adéquate en rapport avec le différend qui lui est soumis.
1.3.5
Une confrontation devant les tribunaux laisse souvent des cicatrices: il
s’agit d’une guerre à finir où il y aura un gagnant et un perdant (si ce n’est 2 perdants!).
Dans le milieu des affaires, il n’est pas toujours sain de provoquer une situation où les
relations entre les parties pourraient en être irrémédiablement affectées. En effet, il ne
faut pas sous-estimer l’ampleur des dégâts que les débats judiciaires peuvent causer.
1.3.6
La publicité: il s’agit d’un inconvénient non négligeable, en ce que
quiconque peut avoir accès aux procédures judiciaires ainsi qu’au jugement à être rendu.
Par exemple, en cas de différend entre associés, il est souhaitable d’éviter que cette
situation soit portée à la connaissance des concurrents, des fournisseurs et des clients de
l’entreprise.
1.3.7
Une partie pourrait préférer ne pas courir le risque de subir un jugement
négatif susceptible de créer un courant jurisprudentiel à partir d’un cas d’espèce : ça
pourrait leur coûter cher!
En somme, le recours aux tribunaux est le remède ultime qu’on l’on doit
utiliser s’il n’y a vraiment pas d’autres solutions acceptables.
2.
L’ARBITRAGE
2.1
Ses caractéristiques
Si une convention écrite le prévoit (soit dans le contrat de base, avant la
naissance du litige, ou dans une convention à intervenir après la naissance du litige), et en
suivant en cela les formalités prescrites à cette convention ou, à défaut, aux règles
établies au Code civil du Québec et au Code de procédure civile du Québec, les parties par l’intermédiaire ou non d’avocats - soumettent leur différend à la décision finale d’un
(1) ou de trois (3) arbitres qu’elles choisissent elles-mêmes ou qui sont désignés, à défaut,
par le tribunal.
2.2
Ses avantages, par rapport au système judiciaire traditionnel
2.2.1
Les délais d’audition et de décision propres au processus d’arbitrage sont
généralement beaucoup plus courts que ceux inhérents au processus judiciaire
traditionnel. De ce fait :
a)
les parties seront fixée beaucoup plus rapidement sur le sort du litige (la
sentence arbitrale est généralement rendue de trois à six mois suivant le
déclenchement du processus); et
b)
les coûts reliés au processus d’arbitrage seront également généralement
moindres… surtout si les parties se sont entendues sur le choix d’un
arbitre unique.
2.2.2
Quoique les parties ne soient pas maîtres de la décision, elles peuvent
néanmoins avoir le loisir de s’entendre quant à l’identité de l’arbitre (ou des arbitres, le
cas échéant).
De fait, les parties pourront choisir l’arbitre ou les arbitres de façon à ce
qu’ils possèdent une expertise adéquate quant à la nature du litige qui les oppose.
2.2.3
Les séances d’un tribunal d’arbitrage étant souvent tenues avec beaucoup
moins de formalisme que devant un juge, les parties ont généralement l’impression de
pouvoir s’exprimer plus librement.
2.2.4
La confidentialité inhérente au processus d’arbitrage constitue un avantage
non négligeable; l’arbitrage est en effet un processus privé qui se déroule dans la plus
stricte intimité, contrairement au processus judiciaire traditionnel qui permet
généralement au public d’avoir accès aux procédures judiciaires et d’assister au procès.
Ainsi, les parties empruntant le processus d’arbitrage seront à l’abri de toute publicité non
désirable… sauf si la sentence arbitrale devait être homologuée par le tribunal en raison
du refus de l’une des parties de s’y conformer.
2.2.5
Enfin, il importe de signaler que, même si les parties devaient emprunter
le processus d’arbitrage, une partie pourra néanmoins avoir accès aux tribunaux pour
obtenir, parallèlement, certaines ordonnances visant à répondre à un besoin urgent (par
exemple, une ordonnance d’injonction en cas de violation d’un engagement de nonconcurrence).
2.3
Ses inconvénients
2.3.1
La sentence arbitrale est finale et les parties devront s’y soumettre, de
gré… ou de force, suite à son homologation par le tribunal. En effet, ce n’est
qu’exceptionnellement que le tribunal se refusera à homologuer une sentence arbitrale (ce
qui serait le cas si, par exemple, le tribunal en arrivait à la conclusion que l’arbitre avait
fait fi des règles de justice naturelle). Aussi, même si, objectivement, il s’agit là d’un
avantage, le fait que la décision soit finale et sans appel peut faire peur à certains.
2.3.2
Si la convention d’arbitrage ne désigne pas la personne qui verra à agir à
titre d’arbitre, les parties pourraient éprouver quelques difficultés à s’entendre quant au
choix de l’arbitre. En effet, dans l’éventualité où les parties ne pourraient arrêter d’ellesmêmes ce choix, c’est le tribunal qui leur imposera un arbitre; dans une telle situation, les
parties seront donc privées de l’avantage qu’aurait pu représenter la possibilité de se
choisir un arbitre « sur mesure » et en qui elles auraient eu confiance en raison, par
exemple, de son expertise ou de sa notoriété.
2.3.3
Si la convention ou le contrat de base régissant les relations entre les
parties ne contient pas de clause d’arbitrage (clause dite « compromissoire »), il pourra
être difficile pour les parties de s’entendre, en pleine crise, sur ce mode de règlement.
3.
LA MÉDIATION
3.1
Ses caractéristiques
3.1.1
Il s’agit d’un processus volontaire par lequel les parties, avec l’aide d’une
tierce personne appelée « médiateur » et qu’elles choisissent d’un commun accord,
tentent d’en arriver elles-mêmes à un règlement à l’amiable de leur différend.
3.1.2
Le processus de médiation est choisi librement par les parties, et chacune
d’entre elles peut y mettre fin quand bon lui semble.
3.1.3
Aucune décision n’est imposée aux parties; s’il y a un règlement de leur
conflit, ce sont les parties elles-mêmes qui en établiront les paramètres.
3.2
Ses avantages
3.2.1
Les parties ont le plein contrôle, non seulement quant au choix du
médiateur et quant au processus, mais également quant aux paramètres du règlement du
différend, si elles en arrivent à une entente à cet effet.
Le simple fait pour les parties de réussir à s’entendre sur le choix d’un
médiateur sera un exercice sain et de bon augure quant aux chances de succès du
règlement à l’amiable de leur différend; en effet, en discutant du choix médiateur, les
parties continueront à communiquer entre elles et devront, dès cette étape, faire preuve de
souplesse et d’ouverture d’esprit.
3.2.2
Au terme du processus de médiation, il n’y aura pas un gagnant et un
perdant, mais deux parties qui seront satisfaites quant au dénouement de leur différend,
ce qui pourrait même avoir l’avantage de préserver leurs relations d’affaires.
3.2.3
Le processus de médiation permettra aux parties de se parler directement
et ouvertement, sans discuter nécessairement par l’entremise d’avocats; afin de favoriser
la conclusion d’une entente, ces derniers, s’il en est, devront se montrer discrets et, pour
le moins, adopter une approche diamétralement opposée à celle, plus vindicative et trop
souvent adoptée dans le cadre d’un processus judiciaire.
3.2.4
D’une façon encore plus évidente que le processus d’arbitrage, la
médiation assure aux parties une confidentialité certaine.
3.2.5
Les coûts : si toutes les parties collaborent, une médiation bien dirigée se
déroulera sur une très courte période de temps (généralement sur une période de quelques
heures ou, au plus, de quelques jours).
3.3
Ses inconvénients
3.3.1
Une partie pourrait utiliser le processus de médiation uniquement pour
gagner du temps, sans réelle intention d’en arriver à un compromis, s’entêtant à demeurer
sur ses positions et tablant sur le rapport de forces. Dans un tel cas, il y a tout lieu de
croire que la médiation achoppera. Un médiateur d’expérience constatera rapidement
l’impasse, et verra à mettre fin sans délai au processus de façon à ne pas causer préjudice
aux droits et intérêts des parties.
3.3.2
Dans l’éventualité où le processus de médiation achopperait pour quelque
raison que ce soit, les parties auront sacrifié quelque temps et argent.
3.3.3
Certains avocats de litige peuvent craindre que les séances de médiation
(lors desquelles les parties s’expriment librement et pourraient - emportées par leur
enthousiasme ou leur émotivité - dévoiler certaines de leurs faiblesses) puissent leur être
nuisibles si le débat se judiciarisait suite à l’échec de la médiation. À signaler que les
« caucus » sont justement conçus pour éviter ce genre de débordements émotifs, ou plutôt
de leur réserver un cadre privilégié. En effet, les « caucus » sont ces moments où le
médiateur rencontre les parties séparément; à moins d’autorisation expresse du
« confident », il devra tenir confidentielle toute information que pourra lui transmettre
une partie au cours de ces entretiens privés.
4.
LE CHOIX DE L’ARBITRE OU DU MÉDIATEUR
La confidentialité entourant le processus de médiation ou d’arbitrage
représente, en comparaison avec le système judiciaire traditionnel, un avantage
indéniable pour les parties qui empruntent l’un ou l’autre de ces modes alternatifs de
règlement de conflits.
Toutefois, cette même confidentialité rend parfois plus ardue pour les
parties l’identification d’un médiateur ou d’un arbitre d’expérience : en effet, aucune
formation particulière n’est requise pour agir en ces qualités, et les décisions arbitrales ne
sont pas répertoriées.
Aussi, dans l’éventualité où les parties désireraient recourir à la médiation
ou à l’arbitrage, mais qu’elles éprouveraient quelques difficultés quant au choix du
médiateur ou de l’arbitre, elles auraient avantage à recourir aux services d’un médiateur
ou arbitre faisant partie d’un regroupement reconnu, tel, à titre indicatif, le Groupe
Arbitrage et Médiation Thémis dont les membres sont identifiés au registre Cidreq du
Registraire des entreprises du Québec (N.E.Q. : 3363590202).