Agir au mieux des in..

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Agir au mieux des in..
FASCICULE 2
Obligations des parties : dispositions générales
applicables au contrat d’entreprise ou de service
Annie BERNARD
Avocate, Fasken Martineau DuMoulin
Stéphanie LAVALLÉE
Avocate, Fasken Martineau DuMoulin
À jour au 14 janvier 2011
POINTS-CLÉS
1. L’entrepreneur ou le prestataire de services a l’obligation d’agir au mieux des intérêts
du client, avec prudence et diligence (V. nos 3 à 8).
2. Dans la réalisation du contrat d’entreprise ou de service, l’entrepreneur ou le prestataire de services a l’obligation de se conformer aux usages, aux règles de l’art et aux
dispositions du contrat (V. nos 9 à 17).
3. Il faut procéder à l’analyse des stipulations et du contenu obligationnel du contrat pour
déterminer l’intensité des obligations de l’entrepreneur ou du prestataire de services
(V. nos 19 et 20).
4. L’entrepreneur ou le prestataire de services, tenu du résultat, ne peut se dégager
de sa responsabilité qu’en prouvant la force majeure. Cependant, d’autres moyens
d’exonération sont reconnus par les tribunaux (V. nos 18 et 22 à 28).
5. L’entrepreneur ou le prestataire de services peut, en principe, s’adjoindre un tiers
pour l’exécution du contrat (V. nos 30 à 35).
6. L’entrepreneur ou le prestataire de services a l’obligation de fournir au client toute
information utile relative au contrat; cette obligation de renseignement a un caractère réciproque (V. nos 37 à 46).
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I. Contrat d’entreprise ou de service
7. Sauf stipulation à l’effet contraire, l’entrepreneur ou le prestataire de services fournit
les biens nécessaires à l’exécution de son travail; plusieurs obligations sont liées à
l’utilisation de biens fournis par le client et la perte des biens par force majeure est
supportée par la partie qui les fournit (V. nos 36 à 43).
8. Il existe différents modes de détermination du prix de l’ouvrage ou du service; lorsque
ce prix a fait l’objet d’une estimation lors de la conclusion du contrat, l’entrepreneur
ou le prestataire de services a l’obligation de prendre tous les moyens raisonnables
pour respecter ce prix (V. nos 44 à 58).
9. Lorsque le prix est établi en fonction de la valeur des travaux effectués, des services
rendus ou des biens fournis, l’entrepreneur ou le prestataire de services a l’obligation
de rendre compte au client de l’avancement des travaux, des services rendus et des
dépenses encourues, lorsque ce dernier le demande (V. no 59).
10. Dans un contrat à forfait, l’entrepreneur ou le prestataire de services et le client ne
peuvent, sauf exceptions, prétendre à une augmentation ou à une diminution du prix
(V. nos 60 à 72).
TABLE DES MATIÈRES
I.
II.
Intensité des obligations de l’entrepreneur ou du prestataire de services : 1-28
A. Généralités : 1-2
B. Obligations d’agir au mieux des intérêts du client, avec prudence et diligence : 3-8
C. Conformité aux usages et aux règles de l’art : 9-16
D. Conformité aux dispositions du contrat : 17
E. Obligation de résultat et obligation de moyens : 18-27
1. Généralités : 18-21
2. Principaux entrepreneurs et prestataires de services généralement tenus du
résultat : 22
3. Principaux entrepreneurs et prestataires de services non généralement tenus
du résultat : 23
4. Loi sur la protection du consommateur et autres lois : 24
5. Fardeau de preuve variant selon l’intensité de l’obligation : 25-27
F. Force majeure : 28
Droits et obligations des parties : dispositions générales : 29-94
A. Droit de l’entrepreneur ou du prestataire de services de s’adjoindre un tiers : 30-36
1. Généralités : 30
2. Principe : 31
3. Exceptions au principe : 32-33
4. Cas d’application : 34
5. Responsabilité personnelle : 35-36
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Fasc. 2 – Obligations des parties : dispositions générales applicables au contrat…
B. Obligation de renseignement : 37-46
1. Obligation de l’entrepreneur ou du prestataire de services de fournir au
client toute information utile : 37-42
2. Sanction du manquement à l’obligation de renseignement : 43
3. Obligation de renseignement du client : 44-46
C. Fourniture des biens nécessaires à l’exécution du contrat : 47-54
1. Obligation générale de l’entrepreneur ou du prestataire de services de
fournir les biens : 47-49
2. Biens fournis par le client : 50-53
a) Obligations liées à l’utilisation des biens fournis par le client : 50
b) Obligation de dénonciation si les biens sont manifestement impropres ou
affectés d’un vice : 51-52
c) Responsabilité en cas d’utilisation de biens manifestement impropres ou
affectés d’un vice : 53
3. Perte de biens par force majeure : 54
D. Prix de l’ouvrage ou du service : 55-71
1. Détermination du prix : 55-64
a) Généralités : 55
b) Prix déterminé par le contrat : 56-67
c) Prix déterminé par les usages ou la loi : 58-60
d) Prix déterminé d’après la valeur des travaux effectués ou des services
rendus : 61-64
2. Estimation du prix : 65-71
a) Obligation de justifier toute augmentation du prix : 65-66
b) Conditions du paiement d’une augmentation de prix : 67-70
c) Estimation dans le cas de contrats assujettis à la Loi sur la protection du
consommateur : 71
E. Obligation de rendre compte : 72-74
F. Contrat à forfait : 75-94
1. Généralités : 75-78
2. Prétention à une diminution du prix : 79
3. Prétention à une augmentation du prix : 80-85
4. Contrat à forfait absolu ou relatif : 86-87
5. Entente sur les modifications apportées aux conditions d’exécution
initialement prévues et « extras » : 88-94
a) Modifications apportées aux conditions d’exécution initialement
prévues : 89-91
b) Extras : 92
c) Preuve : 93-94
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I. Contrat d’entreprise ou de service
INDEX ANALYTIQUE
Agir au mieux des intérêts du client, 3, 4
Devoir de conseil, 6
Étendue de l’obligation, 5
Augmentation du prix
Injustifiée, 67
Justification, 65
Fardeau de preuve, 66
Imprévisibilité, 68
Biens nécessaires à l’exécution du contrat
fournis par le client, 29
Impropres ou affectés d’un vice
Obligation de dénonciation, 51
Présomption de connaissance, 52
Responsabilité, 53
Perte par force majeure, 54
Utilisation diligente, 50
Conformité aux dispositions du contrat, 17
Conformité aux usages et règles de l’art, 11
Manquement, 13
Absence d’exonération, 15
Fardeau de preuve, 16
Moment de l’évaluation, 14
Ordre public, 9
Contrat à forfait, 70, 75
Absolu, 86
Clause de révision, 90, 91
Défaut d’exécution, 79
Domaine de la construction, 76
Entente sur modifications, 85, 88, 89, voir
aussi Extras
Preuve, 93
Indemnisation en cas de manquement du
client, 82, 83
Prétention à une augmentation du prix non
valable, 80, 81
Prise en charge des risques, 77
Relatif, 87
Sous-traitants, 78
Travaux additionnels, 84
Contrat ayant fait l’objet d’une estimation, 70
Diminution du prix, 69
Droit de regard du client, 74
Droit de s’adjoindre un tiers, 30, 31, 34
Exception
Contrat intuitu personae, 32
Nature du contrat, 33
Responsabilité personnelle, 35, 36
Droits de l’entrepreneur ou du prestataire
de services, 29, voir aussi Droit de
s’adjoindre un tiers
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Extras, 88
Définition, 92
Preuve, 93
Force majeure
Définition, 28
Fourniture des biens nécessaires à l’exécution
du contrat, 47, voir aussi Biens nécessaires
à l’exécution fournis par le client
Contrat de vente (et), 48, 49
Perte par force majeure, 54
Loi sur la protection du consommateur, 24
Estimation des réparations automobiles, 71
Loyauté, 7
Obligation de moyens, 23
Fardeau de preuve, 25
Obligation de rendre compte, 72, 73, voir
aussi Droit de regard du client
Obligation de résultat, 17, 22
Exonération
Force majeure, 18, 27
Fardeau de preuve, 26
Obligation de renseignement, 37, voir aussi
Obligation de se renseigner du client
Durée, 42
Éléments, 40
Étendue, 38
Manquement, 43
Modulation, 41
Obligation de se renseigner du client, 39, 44
Étendue, 45
Responsabilité, 46
Obligations de l’entrepreneur ou du prestataire
des services, 1, 29, voir aussi Agir au mieux
des intérêts du client, Conformité aux dispositions du contrat, Conformité aux usages et
règles de l’art, Fourniture des biens nécessaires à l’exécution du contrat, Loyauté,
Obligation de rendre compte, Obligation de
renseignement, Prudence et diligence
Détermination de l’intensité, 19-21,
voir aussi Loi sur la protection du
consommateur, Obligation de moyens,
Obligation de résultat
Ordre public, 2
Prix de l’ouvrage ou du service
Déterminé d’après la valeur des travaux
ou des services rendus, 55
Défaut de stipulation contractuelle, 61
Enrichissement injustifié, 62
Fardeau de preuve, 63
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Fasc. 2 – Obligations des parties : dispositions générales applicables au contrat…
Déterminé ou déterminable par le contrat,
55, 56
Déterminé par les usages ou par la loi, 55,
58, 59
Contrat public ou parapublic, 60
Estimation, voir Augmentation du prix,
Contrat ayant fait l’objet estimation,
Diminution du prix, Loi sur la protection du consommateur
I.
Loi sur la protection du consommateur,
57
Taxes, 64
Prudence et diligence, 8
Règles de l’art
Définition, 10
Sources, 12
Sous-traitance, 36, voir aussi Droit de
s’adjoindre un tiers
INTENSITÉ DES OBLIGATIONS DE L’ENTREPRENEUR OU DU
PRESTATAIRE DE SERVICES
A. Généralités
1. Généralités – L’ar ticle 2100 du Code civil du Québec énonce de façon générale les
obligations auxquelles l’entrepreneur et le prestataire de services sont tenus. Le contenu
de ces obligations n’a toutefois pas été déterminé par le législateur. Pareillement, les responsabilités de l’entrepreneur et du prestataire de services n’ont pas été établies de façon
catégorique, que ce soit quant à la qualification matérielle ou intellectuelle de l’ouvrage
ou du service ou quant à l’intensité de l’obligation. Les cas où la qualification de la nature
de l’ouvrage ou du service s’avère complexe ou délicate étant nombreux, il a été jugé souhaitable de formuler l’ar ticle de façon suffisamment souple pour qu’il puisse s’adapter à
toutes sortes de situations concrètes1.
1. QUÉBEC (Ministère de la Justice), Commentaires du ministre de la Justice, t. II, Québec,
Publications du Québec, 1993, p. 1321, art. 2100 C.c.Q. Ces commentaires du ministre
furent repris par la jurisprudence, notamment, dans Fondation des Sourds du Québec inc.
c. Oralys inc., [2008] J.Q. no 15546, 2008 QCCS 6733, par. 67, dans le cadre de la détermination de l’intensité de l’obligation du prestataire de services.
2. Caractère d’ordre public – L’ar ticle 2100 C.c.Q. est d’ordre public1. Il interdit les stipulations ou les ententes qui seraient défavorables au client au point de ne pas respecter
les exigences minimales qu’il prévoit. Par exemple, les stipulations qui dispenseraient
l’entrepreneur ou le prestataire de services d’une obligation minimale d’agir avec prudence
et diligence et au mieux des intérêts du client ne satisferaient pas à ces exigences et, par
conséquent, pourraient être invalidées2.
1. Vincent KARIM, Les contrats d’entreprise, de prestation de services et l’hypothèque
légale, Montréal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 42; Développement Tanaka inc. c. Corporation
d’hébergement du Québec, [2009] J.Q. no 8011, 2009 QCCS 3659, par. 461 (inscription en
appel, C.A., 03-09-2009).
2. Vincent KARIM, Les contrats d’entreprise, de prestation de services et l’hypothèque
légale, Mont réal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 42.
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I. Contrat d’entreprise ou de service
B. Obligations d’agir au mieux des intérêts du client, avec prudence et
diligence
3. Les intérêts du client – L’ar ticle 2100 C.c.Q. édicte que l’entrepreneur ou le prestataire
de services doit agir au mieux des intérêts de son client. Cette obligation s’applique aux
nombreux choix et décisions qu’un entrepreneur ou un prestataire de services doit prendre
dans le cadre de l’exécution d’un contrat. Ces choix et décisions doivent être évalués non
seulement en fonction des obligations prévues par les lois et les règlements applicables et
des règles de l’art, mais également en fonction des intérêts particuliers et spécifiques du
client1.
1. Jean-Louis BAUDOUIN et Patrice DESLAURIERS, La responsabilité civile, 7e éd., vol. 2,
« Responsabilité professionnelle », Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, no 2-241, p. 230.
Les propos des auteurs Baudouin et Deslauriers ont été repris par la jurisprudence, notamment, dans Garantie (La), compagnie d’assurance de l’Amérique du Nord c. Beauchamp,
Babin & Ass. inc., [2009] J.Q. no 5245, 2009 QCCS 2363, par. 34 (inscription en appel,
C.A., 25-06-2009).
4. Cas d’application – L’obligation d’agir au mieux des intérêts du client peut impliquer,
lorsque le contrat n’est pas à forfait, de réaliser l’ouvrage au meilleur prix possible1. Par
exemple, cette obligation peut imposer la rédaction du contrat dans une langue que le client
comprend2. Enfin, ce n’est évidemment pas agir au mieux des intérêts du client que de lui
faire de fausses représentations3 ou que de se placer dans une situation de conflit d’intérêts4.
1. Couto c. Côté, [2005] J.Q. no 34, par. 49 (C.S.).
2. Vincent KARIM, Les contrats d’entreprise, de prestation de services et l’hypothèque
légale, Montréal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 42; Abou-Kasm c. Levine, [2003] J.Q. no 3392
(C.S.) (règlement hors cour, C.A., 27-04-2005).
3. Vincent KARIM, Les contrats d’entreprise, de prestation de services et l’hypothèque
légale, Montréal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 42; Abou-Kasm c. Levine, [2003] J.Q. no 3392
(C.S.) (règlement hors cour, C.A., 27-04-2005).
4. Développement Tanaka inc. c. Corporation d’hébergement du Québec, [2009] J.Q. no 8011,
2009 QCCS 3659 (inscription en appel, C.A., 03-09-2009). Dans cette affaire, l’entrepreneur
s’était placé dans une situation de conflit d’intérêts en bénéficiant d’un grand pourcentage
des coûts additionnels générés par des ordres de changement. Cela le mettait dans une
situation où il risquait d’accéder plus facilement aux demandes des sous-traitants puisqu’il
en retirait un bénéfice personnel.
5. Étendue de cette obligation – L’obligation d’agir au mieux des intérêts du client oblige
l’entrepreneur ou le prestataire de services dès le début des pourparlers entre les parties,
et ce, même avant la conclusion du contrat1.
1. Vincent KARIM, Les contrats d’entreprise, de prestation de services et l’hypothèque
légale, Mont réal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 44.
6. Devoir de conseil – Selon un courant jurisprudentiel, l’entrepreneur ou le prestataire de services a un devoir de conseil envers son client1. Ce devoir serait compris dans
l’obligation plus générale d’agir au mieux des intérêts du client, obligation prévue à l’article 2100 C.c.Q.2, et porterait sur tout ce que l’entrepreneur ou le prestataire de services
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Fasc. 2 – Obligations des parties : dispositions générales applicables au contrat…
connaît ou devrait connaître3. Il a pour objectif « de pallier au déficit d’expertise du [client]
et implique que [l’entrepreneur ou le prestataire de services] acquiert une pleine compréhension des attentes contractuelles de son client et prenne les moyens appropriés pour les remplir »4. Ce devoir se distingue de l’obligation d’information prévue à l’ar ticle 2102 C.c.Q.5.
1. Voir, notamment : Développement Tanaka inc. c. Corporation d’hébergement du Québec,
[2009] J.Q. no 8011, 2009 QCCS 3659, par. 463 (inscription en appel, C.A., 03-09-2009);
G.B. Cotton inc. c. Isolation LM inc., [2007] J.Q. no 5687, 2007 QCCS 2678, par. 24;
Rénovations Michel Joseph Larose inc. (f.a.s. Rénovation Michel Larose) c. Gadbois,
[1999] J.Q. no 4876, par. 227 (C.S.).
2. Jean-Louis BAUDOUIN et Patrice DESLAURIERS, La responsabilité civile, 7e éd., vol. 2,
« Responsabilité professionnelle », Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, no 2-244, p. 240.
3. Tapis Saucier c. Résidence La Falaise, [2009] J.Q. no 8929, par. 78 (C.Q.).
4. Jean-Louis BAUDOUIN et Patrice DESLAURIERS, La responsabilité civile, 7e éd., vol. 2,
« Responsabilité professionnelle », Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, no 2-245, p. 241.
5. Jean-Louis BAUDOUIN et Patrice DESLAURIERS, La responsabilité civile, 7e éd., vol. 2,
« Responsabilité professionnelle », Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, no 2-245, p. 241;
Lac-St-Charles (Ville de) c. Construction Choinière inc., [2000] J.Q. no 2101, par. 34 (C.A.).
Voir également infra la section « Obligation de renseignement » sur l’ar ticle 2102 C.c.Q.,
nos 37 et suivants.
7. Obligation de loyauté – En vertu de l’ar ticle 2100 C.c.Q. – et également en vertu des
ar ticles 6, 7 et 1375 C.c.Q. prévoyant l’obligation générale de bonne foi –, l’entrepreneur ou
le prestataire de services est soumis à une obligation de loyauté envers le client1. Un manquement à cette obligation ne prive pas automatiquement l’entrepreneur ou le prestataire
de services qui a fourni sa prestation de sa rétribution. Ce manquement – qui constitue
une faute – peut toutefois donner ouverture à une réclamation en dommages-intérêts2.
1. Sperandio c. 3095-9571 Québec inc. (Construction Melcon), [2005] J.Q. no 8313, par. 85
(C.S.); Stageline Mobile Stage inc. c. Richard, [2002] J.Q. no 4688, par. 10 (C.S.).
2. Tierra Del Sol Beach Resort Hotel C Por A c. Placements Univesco (1987) ltée, [2003] J.Q.
no 4703, par. 35 (C.A.).
8. Prudence et diligence – L’ar ticle 2100 C.c.Q. édicte que l’entrepreneur ou le prestataire
de services doit agir prudemment et avec diligence. L’obligation de prudence signifie,
notamment, que l’entrepreneur ou le prestataire de services doit s’assurer de la sécurité
des lieux1 et ne doit pas exposer son client à une situation dangereuse2. L’obligation de
diligence, quant à elle, signifie, entre autres, que l’entrepreneur ou le prestataire de services doit agir dans un délai raisonnable, et ce, même lorsque aucun délai d’exécution
n’est prévu dans le contrat3. La diligence s’apprécie en fonction des circonstances propres
à chaque situation4.
1. Sperandio c. 3095-9571 Québec inc. (Construction Melcon), [2005] J.Q. no 8313, par. 85
(C.S.).
2. Deschamps c. Paul Grand’Maison, [2010] J.Q. no 6592, 2010 QCCS 3003, par. 49.
3. Couto c. Côté, [2005] J.Q. no 34, par. 27 et 50 (C.S.).
4. À titre d’exemple, dans Furlano c. Paquin, [2008] J.Q. no 1531, 2008 QCCS 767, par. 25, la
Cour supérieure jugea que la diligence d’un agent immobilier devait s’apprécier en tenant
compte de la mauvaise conjoncture qui prévalait dans le marché immobilier à l’époque du
manquement allégué.
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I. Contrat d’entreprise ou de service
C. Conformité aux usages et aux règles de l’art
9. Caractère d’ordre public – L’obligation de se conformer aux usages1 et aux règles de
l’art s’impose à l’entrepreneur et au prestataire de services en vertu de l’ar ticle 2100 C.c.Q.
Cette obligation, à caractère d’ordre public2, a été qualifiée par la jurisprudence3 et par la
doctrine4 d’obligation de résultat. Le contrat d’entreprise ou de service n’a pas à référer
aux usages et aux règles de l’art spécifiques au domaine dans lequel il s’inscrit pour que
l’entrepreneur ou le prestataire de services soit lié par cette obligation5.
1. Pour un cas d’application portant sur les usages, voir : Charbonneau c. Groupe Financier
Pécus inc., [2003] no AZ-50315601 (C.Q.). Voir également, au sujet des normes et règlements en tant qu’« usages conventionnels » : Motel Lévesque inc. c. Industries Desjardins
ltée, [1996] J.Q. no 5450, par. 38 (C.S.).
2. Jacques DESLAURIERS, Vente, louage, contrat d’entreprise ou de service, Mont réal,
Wilson & Lafleur, 2005, p. 596.
3. Compagnie d’assurances St-Paul/St-Paul Fire & Marine Insurance Company c. SNC
Lavalin inc., [2009] J.Q. no 116, 2009 QCCS 56, par. 39 (requête en rejet d’appel rejetée,
C.A., 20-04-2009).
4. Jacques DESLAURIERS, Vente, louage, contrat d’entreprise ou de service, Mont réal,
Wilson & Lafleur, 2005, p. 596; Vincent KARIM, Les contrats d’entreprise, de prestation
de services et l’hypothèque légale, Mont réal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 46.
5. Vincent KARIM, Les contrats d’entreprise, de prestation de services et l’hypothèque
légale, Mont réal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 45.
10. Définition des règles de l’art – Pour l’entrepreneur, les règles de l’art réfèrent généralement à la méthode de travail, à l’emploi judicieux des matériaux et à leur assemblage
de manière à obtenir un ouvrage qui, une fois terminé, remplira les fins pour lesquelles il
a été demandé et conçu1. Pour le prestataire de services, elles consistent généralement à se
servir de méthodes reconnues dans le domaine particulier de l’expertise ainsi qu’à utiliser
les techniques, les procédés et les moyens de réalisation qui constituent la norme au sein
de la profession ou du métier auquel le prestataire appartient2.
1. Construction R. Cloutier inc. c. Entreprises CJS inc., [2007] J.Q. no 1160, 2007 QCCS 652,
par. 129 (désistement d’appel, C.A. Québec, nos 200-09-005897-076 et 200-09-005898-074,
30-10-2008), citant Jacques DESLAURIERS, Vente, louage, contrat d’entreprise ou de
service, Mont réal, Wilson & Lafleur, 2005, p. 652.
2. Compagnie d’assurances St-Paul/St-Paul Fire & Marine Insurance Company c. SNC
Lavalin inc., [2009] J.Q. no 116, 2009 QCCS 56, par. 40 (requête en rejet d’appel rejetée,
C.A., 20-04-2009); Rénovations Michel Joseph Larose inc. (f.a.s. Rénovation Michel
Larose) c. Gadbois, [1999] J.Q. no 4876, par. 228 (C.S.).
11. Respect des règles de l’art – Respecter les règles de l’art signifie également, pour
l’entrepreneur ou le prestataire de services, de vérifier et de respecter la législation et la
réglementation applicables à l’ouvrage ou au service1. Dans certains cas, on a aussi jugé que
le concept de « règles de l’art » englobe la conformité des travaux avec les plans et devis2.
1. Sperandio c. 3095-9571 Québec inc. (Construction Melcon), [2005] J.Q. no 8313, par. 87-88
(C.S.). Voir également : Entretien pont roulant pro action inc. c. Métallisation Viau inc.,
[2000] J.Q. no 546(C.S.) : Dans cette affaire, le tribunal mentionne que l’obligation de
s’assurer que l’ouvrage est conforme aux lois et règlements pertinents « sera d’autant plus
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Fasc. 2 – Obligations des parties : dispositions générales applicables au contrat…
contraignante lorsque l’ouvrage à construire aura une fonction précise […] connue du professionnel ou de l’entrepreneur » (par. 25). Voir aussi : Motel Lévesque inc. c. Industries
Desjardins ltée, [1996] J.Q. no 5450, par. 38 (C.S.).
2. Lareau c. 9115-6620 Québec inc., [2008] J.Q. no 6392, 2008 QCCS 3031, par. 192 et 193.
12. Sources – Les guides ou les instructions fournis par les fabricants d’équipements ou
de matériaux, les normes ou les standards énoncés par des organismes de normalisation,
certaines lois et certains règlements, les codes de déontologie1, etc., constituent les principales sources des règles de l’art.
1. Imbert De Frinberg c. Bouchard, [2010] J.Q. no 3753, 2010 QCCS 1703, par. 63.
13. Manquement – La transgression d’une norme ne constitue pas en soi un manquement à l’obligation de respecter les règles de l’art. Toutefois, si la norme exprime des principes élémentaires de prudence généralement reconnus dans le milieu, l’entrepreneur ou
le prestataire de services commet une faute en ne la respectant pas1. La méconnaissance
des règles pratiques ou des nouvelles techniques peut constituer un manquement à cette
obligation2. Finalement, à moins de stipulation contraire à cet effet, un entrepreneur n’est
pas tenu d’utiliser la meilleure méthode pour réaliser l’objet du contrat si celle qu’il utilise
est connue et conforme aux règles de l’art3.
1. Chubb, compagnie d’assurances du Canada c. Montréal (Ville de), [2010] J.Q. no 3054,
2010 QCCS 1392, par. 69 à 74. Selon nous, bien que ces normes aient une utilité importante
dans l’évaluation de l’existence d’une faute, il revient au tribunal de conclure à l’existence
ou non d’une telle faute à la lumière de l’ensemble des faits et circonstances.
2. Vincent KARIM, Les contrats d’entreprise, de prestation de services et l’hypothèque
légale, Mont réal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 49; Sperandio c. 3095-9571 Québec inc.
(Construction Melcon), [2005] J.Q. no 8313, par. 87 (C.S.).
3. Groulx c. Habitation unique Pilacan inc., [2007] J.Q. no 11120, 2007 QCCA 1292, par. 43.
Les propos suivants du juge Morissette, s’exprimant au nom de la Cour d’appel, sont éloquents : « Il est certain que, selon le contexte, les conseils ou les directives donnés par
un fabricant peuvent fournir d’excellentes indications sur la méthode la plus souhaitable,
voire sur la seule méthode acceptable, pour utiliser un matériau. Cela semble généralement admis par la jurisprudence et lorsqu’une défectuosité ou une détérioration du bien
survient après qu’on a procédé à des opérations autres que celles conseillées par le fabricant, la question du manquement aux règles de l’art se pose avec une acuité accrue. Mais
je ne crois pas qu’on puisse ériger en règle de portée générale l’idée que ce que conseille
le fabricant constitue la seule pratique conforme aux règles de l’art dans un métier de la
construction » (par. 43).
14. Moment pour évaluer le manquement – Compte tenu du caractère évolutif des règles
de l’art, le respect de ces dernières par un entrepreneur ou par un prestataire de services
doit s’évaluer au moment où la faute alléguée a été commise et en fonction des règles de
l’art qui prévalaient à ce moment1.
1. Vincent KARIM, Les contrats d’entreprise, de prestation de services et l’hypothèque
légale, Mont réal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 47; François BEAUCHAMP et Hélène
MONDOUX, « La nature et l’étendue du contrat d’entreprise ou de service », dans Collection
de droit 2010-2011, École du Barreau du Québec, vol. 6, Contrats, sûretés, publicité des
droits et droit international privé, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010, p. 25, à la
page 26; Compagnie d’assurances St-Paul/St-Paul Fire & Marine Insurance Company
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I. Contrat d’entreprise ou de service
c. SNC Lavalin inc., [2009] J.Q. no 116, 2009 QCCS 56, par. 41 (requête en rejet d’appel
rejetée, C.A., 20-04-2009); Tapis Saucier c. Résidence La Falaise, [2009] J.Q. no 8929,
par. 78 (C.Q.).
15. Exonération – L’entrepreneur ou le prestataire de services ne peut invoquer les
directives ou les demandes du client pour se dégager de son obligation de respecter les
règles de l’art1. Aussi, ayant l’obligation de réaliser l’ouvrage selon les règles de l’art,
l’entrepreneur ne peut invoquer le laxisme du donneur d’ouvrage ni même son consentement pour justifier et excuser une malfaçon ou un vice de construction2. Plus encore,
l’entrepreneur ne doit pas accepter de réaliser des ouvrages qui ne seraient pas conformes
aux règles de l’art3 et il ne doit pas accepter les décisions du client, notamment, quant
au choix de méthodes de construction qu’il sait ou qu’il devrait savoir contraires aux
règles de l’art4. Enfin, l’absence de devis et de précisions quant à l’ouvrage à compléter
ne relève pas l’entrepreneur de son obligation de se conformer aux règles de l’art5. Selon
une certaine jurisprudence, cependant, ces situations pourraient être invoquées comme
moyens de défense dans certains cas particuliers6. Il est à noter que le montant peu élevé
des honoraires professionnels facturés au client n’a pas été retenu comme étant un moyen
d’exonération valable7.
1. 3099-5252 Québec inc. c. Almonte Industries inc., [2001] no AZ-50084820, par. 10 (C.S.)
(appel rejeté, C.A., 22-05-2003); Médeiros c. RP Entreprise enr., [2009] J.Q. no 6473,
2009 QCCQ 5976, par. 31.
2. Couto c. Côté, [2005] J.Q. no 34, par. 47 (C.S.), sujet toutefois à l’ar ticle 2119 C.c.Q.
3. 3099-5252 Québec inc. c. Almonte Industries inc., [2001] no AZ-50084820 (C.S.) (appel
rejeté, C.A., 22-05-2003).
4. Medeiros c. RP Entreprise enr., [2009] J.Q. no 6473, 2009 QCCQ 5976, par. 23 et 32.
5. Giustini c. Expo ornemental inc., [2007] J.Q. no 2299, 2007 QCCA 417, par. 7; Construction
RSR inc. c. Acier St-Denis inc., [2007] J.Q. no 12125, 2007 QCCA 1466, par. 9.
6. Voir, notamment : Lac-St-Charles (Ville de) c. Construction Choinière inc., [2000] J.Q.
no 2101, par. 22, 26 et 27 (C.A.).
7. Jean-Louis BAUDOUIN et Patrice DESLAURIERS, La responsabilité civile, 7e éd., vol. 2,
« Responsabilité professionnelle », Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, no 2-240, p. 230;
Assistance aux femmes de Montréal inc. c. Habitations Alexandre inc., [2008] J.Q. no 16345,
2008 QCCS 5204, par. 208.
16. Fardeau de preuve – C’est à celui qui invoque une violation des règles de l’art d’en
prouver l’existence1. La preuve apportée doit posséder une qualité suffisante pour démontrer
l’existence des règles de l’art ainsi que la violation de celles-ci2. La partie qui a le fardeau
de preuve aura donc tout avantage à fonder sa preuve sur une expertise. L’expert devra
généralement se référer aux sources des règles de l’art qui étaient pertinentes au moment
où la faute a été commise.
1. Jacques DESLAURIERS, Vente, louage, contrat d’entreprise ou de service, Mont réal,
Wilson & Lafleur, 2005, p. 596; Compagnie d’assurances St-Paul/St-Paul Fire & Marine
Insurance Company c. SNC Lavalin inc., [2009] J.Q. no 116, 2009 QCCS 56, par. 46 et 47
(requête en rejet d’appel rejetée, C.A., 20-04-2009).
2. Jacques DESLAURIERS, Vente, louage, contrat d’entreprise ou de service, Mont réal,
Wilson & Lafleur, 2005, p. 596.
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Fasc. 2 – Obligations des parties : dispositions générales applicables au contrat…
D. Conformité aux dispositions du contrat
17. Obligation de résultat – L’obligation de réaliser un ouvrage ou de fournir un service
conforme au contrat1 est une obligation imposée à l’entrepreneur ou au prestataire de services en vertu de l’ar ticle 2100 C.c.Q. Selon la jurisprudence, cette obligation serait de
résultat dans le cas d’un contrat d’entreprise2.
1. L’ouvrage doit également être conforme aux plans et devis qui peuvent faire partie
du contrat ou qui peuvent constituer en eux-mêmes le contrat. Voir, à cet effet : JeanLouis BAUDOUIN et Patrice DESLAURIERS, La responsabilité civile, 7e éd., vol. 2,
« Responsabilité professionnelle », Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, no 2-243, p. 237.
2. Emballages Alpha inc. c. Industries Rocand inc., [2009] J.Q. no 3561, 2009 QCCS 1712,
par. 172 (C.S.) (inscription en appel, C.A., 22-05-2009 et 25-05-2009); St-Gelais c.
Entreprise Dero inc., [1999] J.Q. no 1933, par. 51 (C.S.) (règlement hors cour, C.A., 25-082000). À l’instar de Jean-Louis BAUDOUIN et Patrice DESLAURIERS, dans La responsabilité civile, 7e éd., vol. 2, « Responsabilité professionnelle », Cowansville, Éditions Yvon
Blais, 2007, no 2-243, p. 237-238, nous croyons que seule une analyse des clauses du contrat
pourra déterminer l’intensité de l’obligation de l’entrepreneur.
E. Obligation de résultat et obligation de moyens
1. Généralités
18. Généralités – L’ar ticle 2100 C.c.Q. prévoit que l’entrepreneur ou le prestataire de services, lorsqu’il est tenu du résultat, ne peut se dégager de sa responsabilité qu’en prouvant
la force majeure1.
1. Voir l’ar ticle 1470 C.c.Q. concernant la définition de la force majeure.
19. Détermination de l’intensité – Pour déterminer l’intensité des obligations d’un entrepreneur ou d’un prestataire de services, il faut, dans un premier temps, procéder à l’analyse
des stipulations et du contenu obligationnel du contrat1. L’objet du contrat ainsi que son
caractère aléatoire2 permettent de déterminer l’intensité des obligations de l’entrepreneur
ou du prestataire de services3. Une analyse de la jurisprudence permet de constater que
« lorsque la tâche est précise, définie et bien identifiée dans le contrat », l’obligation est de
résultat4. Par contre, s’il s’agit d’une « activité sujette à certains aléas5 » ou si « le mandat
est général, vague et vise un objectif global à atteindre », l’obligation sera considérée
comme étant de moyens6.
1. Fondation des Sourds du Québec inc. c. Oralys inc., [2008] J.Q. no 15546, 2008 QCCS 6733,
par. 43 à 50 et 68 à 76; 9101-5388 Québec inc. (Valade.net) c. Martel Desjardins, s.e.n.c.,
[2007] J.Q. no 7091, 2007 QCCS 3213, par. 105; Vincent KARIM, Les contrats d’entreprise,
de prestation de services et l’hypothèque légale, Mont réal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 42.
2. Sur l’importance de l’aléa dans la détermination de l’intensité de l’obligation de l’entrepreneur ou du prestataire de services, voir : Banque de développement du Canada c. Experts
Environconseil inc. (Enviroconseil), [2006] J.Q. no 13848, 2006 QCCS 5244, par. 85, qui
reprend les propos des auteurs Baudouin et Jobin énoncés dans Les obligations, 6e éd.,
Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, p. 37-38 et 43.
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I. Contrat d’entreprise ou de service
3. 9101-5388 Québec inc. (Valade.net) c. Martel Desjardins, s.e.n.c., [2007] J.Q. no 7091,
2007 QCCS 3213, par. 105-110.
4. 9101-5388 Québec inc. (Valade.net) c. Martel Desjardins, s.e.n.c., [2007] J.Q. no 7091,
2007 QCCS 3213, par. 109. Dans Tecsult inc. c. Polteco inc., [2010] J.Q. no 8492,
2010 QCCS 3987, par. 106 à 119, la Cour, après un examen des clauses contractuelles,
détermine que l’entrepreneur a accepté de s’exposer aux risques liés à la réalisation du
procédé en litige.
5. Par exemple, voir : Ace-Ina Insurance c. 2895102 Canada inc., [2008] J.Q. no 3940,
2008 QCCS 1129, par. 90 et 91, où il fut jugé que, compte tenu des aléas inhérents au vidage
d’une piscine, l’entrepreneur qui s’engage à effectuer une telle tâche n’a qu’une obligation
de moyens.
6. 9101-5388 Québec inc. (Valade.net) c. Martel Desjardins, s.e.n.c., [2007] J.Q. no 7091,
2007 QCCS 3213, par. 110.
20. Cas d’application – La complexité de l’ouvrage à réaliser, conjuguée à l’absence de
contrôle sur la provenance des pièces à utiliser et à assembler ainsi qu’à la nécessité de
procéder à des essais avant la livraison, a été jugée comme étant un élément atténuant
l’intensité de l’obligation de l’entrepreneur, jusqu’à la transformer en une obligation de
moyens1. Aussi, s’engager à effectuer certains travaux destinés à remédier à un problème
signalé par le client n’équivaut pas en soi à une obligation de résultat2. Par ailleurs, l’obligation de fournir et installer un bien spécifique à rendement précis dont les caractéristiques
étaient bien déterminées et détaillées a été jugée comme étant une obligation de résultat3.
L’obligation liée à un contrôle de qualité a été également jugée de résultat4.
1. Hydr-O-Service international inc. c. 9050-7708 Québec inc., [2009] J.Q. no 10859,
2009 QCCS 4480, par. 43.
2. Toyota Baie-des-Chaleurs inc. c. Poirier, [2006] J.Q. no 113, 2006 QCCA 22, par. 6.
3. 2911663 Canada inc. c. AC Line Info inc., [2004] no AZ-50228770, par. 27 et 28 (C.A.).
4. Zurich du Canda compagnie d’indemnité c. Rémeq inc., [2002] no AZ-50138439 (C.S.).
21. Intensité de l’obligation – Pour déterminer l’intensité de l’obligation d’un entrepreneur ou d’un prestataire de services, il faut, dans un deuxième temps, recourir à la jurisprudence et à la doctrine1.
1. Vincent KARIM, Les contrats d’entreprise, de prestation de services et l’hypothèque
légale, Mont réal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 42.
2. Principaux entrepreneurs et prestataires de services généralement tenus
du résultat
22. Personnes tenues du résultat – Généralement, l’agent de voyages1, l’entrepreneur
en construction2, le garagiste, le prestataire de services mécaniques3, l’informaticien et le
spécialiste informatique4 sont tenus à une obligation de résultat.
1. Dans la majorité des cas, l’agent de voyages est tenu à une obligation de résultat. Voir, à
cet effet : Vincent KARIM, Les contrats d’entreprise, de prestation de services et l’hypothèque légale, Montréal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 52. Pour davantage d’informations sur
les obligations d’un agent de voyages, voir : Saraïlis c. Voyage Héritage J. & A. inc., [2008]
J.Q. no 13513, 2008 QCCA 2439; Bouchard c. Entreprises Dorette Va/Go Inc. (Voyages Go
Travel), [1997] J.Q. no 2723 (C.S.). À noter que le contrat conclu entre un consommateur et
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Fasc. 2 – Obligations des parties : dispositions générales applicables au contrat…
une agence de voyages est généralement soumis à la Loi sur la protection du consommateur,
L.R.Q., c. P-40.1.
2. Voir, notamment : Murphy c. Sekulic (Renovation Dragan), [2010] J.Q. no 3516, 2010
QCCQ 2975; Roco Industries inc. c. Optiplast inc., [2006] J.Q. no 17656 (C.Q.).
3. Voir, notamment : Compagnie d’assurances American Home c. Camions Maska inc., [2004]
J.Q. no 1780 (C.S.); Royal & Sunalliance c. Corporation des systèmes de puissance intégrée,
[2005] J.Q. no 19021 (C.Q.).
4. Voir, notamment : 9101-5388 Québec inc. (Valade.net) c. Martel Desjardins, s.e.n.c., [2007]
J.Q. no 7091, 2007 QCCS 3213; Technologies Trellisys inc. c. Rousseau Métal inc., [2009]
J.Q. no 1130, 2009 QCCQ 1071.
3. Principaux entrepreneurs et prestataires de services non généralement
tenus du résultat
23. Personnes non tenues du résultat – De façon générale, le médecin1, l’agent et le
courtier immobiliers2, l’inspecteur en bâtiment préachat3 et l’avocat4 ne sont tenus qu’à
une obligation de moyens.
1. L’intensité de l’obligation du médecin varie en fonction des gestes qu’il pose, mais il est
généralement soumis à une obligation de moyens. Voir, notamment, à cet effet : Paquet c.
Tardif, [2008] J.Q. no 8022, 2008 QCCS 3818, par. 354.
2. Voir, notamment, à cet effet : Furlano c. Paquin, [2008] J.Q. no 1531, 2008 QCCS 767,
par. 26; Immobilier Westmount inc. c. Hafizoglu, [2008] J.Q. no 12018, 2008 QCCS 5560,
par. 46 (appel rejeté sur requête, C.A., 09-03-2009); Elibrachy c. Immeubles Nina Miller
inc., [2006] J.Q. no 14250, 2006 QCCS 5413, par. 30 (requête en rejet d’appel accueillie,
[2009] J.Q. no 1821 (C.A.)).
3. Voir, notamment, à cet effet : Bourget c. Henry, [2010] J.Q. no 473, 2010 QCCS 229, par. 363;
Cury c. Lusk, [2008] J.Q. no 10793, 2008 QCCS 5094, par. 113 (requête pour permission
d’appeler rejetée, [2009] J.Q. no 1821 (C.A.)); Racine c. Experts en bâtiment du Québec
inc., [2007] J.Q. no 14261, 2007 QCCS 5921, par. 30.
4. L’intensité de l’obligation de l’avocat varie en fonction du mandat qu’il reçoit et des gestes
qu’il pose, mais il est généralement soumis à une obligation de moyens. Voir, notamment,
à cet effet : Laferrière c. Malo Dansereau, [2010] J.Q. no 6211, 2010 QCCS 2837, par. 101;
M.D. c. Plante, [2009] J.Q. no 16665, 2009 QCCS 6113, par. 39 et 41 (requêtes en rejet
d’appel rejetées et appel rejeté, C.A., 19-05-2010); Bailey c. Fasken Martineau Dumoulin,
s.r.l., [2005] J.Q. no 4693, par. 33 (C.S.).
4. Loi sur la protection du consommateur et autres lois
24. Loi sur la protection du consommateur et autres lois – Si le client d’un contrat
d’entreprise ou de service est également un consommateur, la Loi sur la protection du
consommateur (ci-après « L.p.c. »)1 prévoit des dispositions particulières pour le protéger.
Il est à noter que d’autres lois particulières régissent les contrats d’entreprise et de service2.
1. Loi sur la protection du consommateur, L.R.Q., c. P-40.1. Le domaine d’application de la
Loi sur la protection du consommateur est prévu aux ar ticles 2 à 7 de la loi. L’ar ticle 2
mentionne que : « [l]a présente loi s’applique à tout contrat conclu entre un consommateur et
un commerçant dans le cours des activités de son commerce et ayant pour objet un bien ou
un service ». L’ar ticle 1 définit un « consommateur » comme suit : « une personne physique,
sauf un commerçant qui se procure un bien ou un service pour les fins de son commerce ».
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I. Contrat d’entreprise ou de service
Si le client se qualifie comme un consommateur et si le contrat en est un de consommation,
le client pourra utiliser, dans certains cas, les recours prévus à l’ar ticle 272 L.p.c. Voici,
à titre d’exemples, quelques-uns des ar ticles de la Loi sur la protection du consommateur
pouvant s’appliquer à un contrat d’entreprise ou de service : ar ticles 58 et 64 L.p.c. (quant
aux exigences et indications minimales que doivent contenir les contrats conclus par un
commerçant itinérant et quant à la personne qui doit assumer les risques de perte ou de
détérioration du bien dans de tels contrats) et ar ticles 171, 172, 174, 176, 184 et 187 L.p.c.
(concernant les estimations de prix dans le cadre de la réparation d’automobiles, de motocyclettes ou d’appareils domestiques, les garanties s’appliquant à ce type de contrats et
l’obligation de résultat qui en découle).
2. À titre d’exemples, Loi sur les agents de voyage, L.R.Q., c. A-10 et Loi sur les cités et villes,
L.R.Q., c. C-19.
5. Fardeau de preuve variant selon l’intensité de l’obligation
25. Obligation de moyens – Le client qui se croit lésé par un entrepreneur ou un prestataire
de services tenu à une obligation de moyens doit prouver, par prépondérance de preuve,
une faute de l’entrepreneur ou du prestataire de services, un préjudice et le lien de causalité entre cette faute et ce préjudice. La faute se démontre généralement par une preuve
que l’entrepreneur ou le prestataire de services n’a pas pris tous les moyens raisonnables
pour éviter l’inexécution de l’obligation1. L’entrepreneur ou le prestataire de services, lié
par une obligation de moyens, peut s’exonérer en démontrant, notamment, qu’il a agi de
manière diligente, raisonnable et prudente dans les circonstances ou en démontrant la faute
du client, une cause étrangère, l’absence de faute ou la force majeure2.
1. Vincent KARIM, Les contrats d’entreprise, de prestation de services et l’hypothèque
légale, Mont réal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 53.
2. Vincent KARIM, Les contrats d’entreprise, de prestation de services et l’hypothèque
légale, Mont réal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 54.
26. Obligation de résultat – Puisque l’entrepreneur ou le prestataire de services lié par
une obligation de résultat est tenu de fournir un résultat précis, l’absence de ce résultat
fait présumer sa faute. Le client n’a donc pas à prouver la faute de l’entrepreneur ou du
prestataire de services pour engager la responsabilité de ce dernier; il n’a qu’à prouver,
par prépondérance de preuve, l’absence de résultat, un préjudice et le lien de causalité1.
1. Vincent KARIM, Les contrats d’entreprise, de prestation de services et l’hypothèque
légale, Mont réal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 54; Jean-Louis BAUDOUIN et Patrice
DESLAURIERS, La responsabilité civile, 7e éd., vol. 1, « Principes généraux », Cowansville,
Éditions Yvon Blais, 2007, no 1-1251, p. 1027. Les propos tenus par les auteurs Baudouin
et Deslauriers à ce sujet ont été repris par la jurisprudence, notamment, dans Emballages
Alpha inc. c. Industries Rocand inc., [2009] J.Q. no 3561, 2009 QCCS 1712, par. 168-169
(inscription en appel, C.A., 22-05-2009 et 25-05-2009).
27. Moyens d’exonération – L’entrepreneur ou le prestataire de services, lié par une
obligation de résultat, ne peut s’exonérer en démontrant qu’il a agi de manière diligente,
raisonnable et prudente dans les circonstances. Il n’y a que la force majeure qui puisse
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Fasc. 2 – Obligations des parties : dispositions générales applicables au contrat…
l’exonérer1. Notons que d’autres moyens d’exonération ont été retenus par les tribunaux.
Nous citons à cet égard les propos du professeur Karim :
Le professionnel peut, cependant, s’exonérer en démontrant l’impossibilité de
réaliser un ouvrage, en raison, par exemple, de l’objet incertain et indéterminé
du contrat. Il s’exonère, aussi, par la renonciation expresse du client à ce résultat.
Il peut, exceptionnellement, invoquer l’immixtion du client dans l’exécution du
contrat. En général, la faute du client sert de cause d’exonération, ainsi que la
faute d’un tiers répondant aux caractéristiques de la force majeure, tiers autre
qu’un sous-traitant (art. 2101 C.c.Q.). Le professionnel peut également s’exonérer lorsque l’absence du résultat est due au choix des moyens d’exécution par le
client, s’il prouve qu’il a donné à ce dernier un avis dénonçant ce choix comme
étant non conforme aux règles de l’art.2
1. Vincent KARIM, Les contrats d’entreprise, de prestation de services et l’hypothèque
légale, Mont réal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 55; Jacques DESLAURIERS, Vente, louage,
contrat d’entreprise ou de service, Mont réal, Wilson & Lafleur, 2005, p. 598; Tecsult inc.
c. Polteco inc., [2010] J.Q. no 8492, 2010 QCCS 3987, par. 126; Scott c. Service de piscine
Le Gardeur inc., [2010] J.Q. no 5912, 2010 QCCS 2661, par. 49 (homologation de transaction, C.A., 10-12-2010); Assistance aux femmes de Montréal inc. c. Habitations Alexandre
inc., [2008] J.Q. no 16345, 2008 QCCS 5204, par. 50; Compagnie d’assurances American
Home c. Camions Maska inc., [2004] J.Q. no 1780, par. 65 (C.S.); Tapis Saucier c. Résidence
La Falaise, [2009] J.Q. no 8929, par. 83 (C.Q.). Tel que nous le verrons ci-après, certains
ont ajouté la faute du maître d’œuvre ou celle d’un tiers comme moyens d’exonération en
présence d’une obligation de résultat. Voir, notamment, à cet égard : Motel Lévesque inc.
c. Industries Desjardins ltée, [1996] J.Q. no 5450, par. 30 (C.S.); Fondation de la Lièvre c.
Lortie, [2005] J.Q. no 8751, par. 13 (C.Q.).
2. Vincent KARIM, Les contrats d’entreprise, de prestation de services et l’hypothèque
légale, Mont réal, Wilson & Lafleur, 2004, p. 55.
F. Force majeure
28. Définition – Le concept de force majeure est défini à l’ar ticle 1470 C.c.Q. comme
étant « un événement imprévisible et irrésistible; y est assimilée la cause étrangère qui
présente ces mêmes caractères »1. Tel que précisé ci-avant, l’entrepreneur ou le prestataire
de services pourra parfois s’exonérer en démontrant un manquement du client à ses propres
obligations2 ou encore la négligence/la faute d’un tiers3, autre qu’un sous-traitant, en vertu
de l’ar ticle 2101 C.c.Q.
1. Pour un exemple de ce qui a été considéré comme n’étant pas une force majeure dans un
contrat de service, voir : Scott c. Service de piscine Le Gardeur inc., [2010] J.Q. no 5912,
2010 QCCS 2661, par. 50 et 52 (homologation de transaction, C.A., 10-12-2010), où, dans
le cadre d’un contrat de construction portant sur la réparation d’une piscine, les pluies
abondantes n’ont pas été jugées comme étant une force majeure.
2. P. Talbot inc. c. Entreprises Mirgil inc., [2004] J.Q. no 2288, par. 52, 53 et 64 (C.A.).
3. 2911663 Canada inc. c. AC Line Info inc., [2004] no AZ-50228770, par. 33 (C.A.); P. Talbot
inc. c. Entreprises Mirgil inc., [2004] J.Q. no 2288, par. 52, 53 et 72 à 75 (C.A.).
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