Nada MAALEJ MAHDI Allocataire de recherche
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Nada MAALEJ MAHDI Allocataire de recherche
L’administration fiscale française L’ADMINISTRATION FISCALE FRANCAISE FACE AU CONTRIBUABLE : QUELLE EVOLUTION ?1 Nada MAALEJ MAHDI2 Allocataire de recherche rattachée au CERFF3 Enseignante à la Faculté de Droit Jean MOULIN Lyon II Sommaire I- D’une administration fiscale autoritaire A- L’insuffisance des garanties de la charte du contribuable au stade du contrôle fiscal B- L’inégalité des armes au stade du contentieux fiscal C- Un cadre juridique et organisationnel défavorable à la sécurité du contribuable II- …vers l’amélioration croissante de la protection accordée à l’usager contribuable A- La valorisation des garanties du contribuable face à l’administration fiscale B- La modernisation et la responsabilisation des services de l’administration fiscale C- Le renforcement de la sécurité juridique du contribuable ********** 1 2 3 La présente communication a été présentée lors d’un colloque organisé par la faculté de droit et la faculté des lettres et sciences humaines de l’Université Jean Moulin Lyon III ayant pour thème « La puissance publique ». Elle a été actualisée à la lumière de la charte du contribuable présenté par la ministre des finances, M. Jean François COPE, le 19 octobre 2005. Les actes de ce colloque sont en cours de publication à la revue « Cahiers fiscales du CERFF ». E-mail : [email protected] Centre de Recherches en Finances Publiques et Fiscalité, Faculté de Droit, Université Jean MOULIN Lyon III. 115 L’administration fiscale française « Le rapport de l’autorité de l’administration avec « l’assujetti », mot qui ne fait plus partie de notre vocabulaire depuis plusieurs années, ne suffit plus. La notion « d’administration de service » affirme une obligation réciproque. Les contribuables doivent l’impôt bien sur, et cela demeurera, mais nous leur devons le service et la qualité » comme le requière « le client » d’une société consommatrice »4. 1- Incarnation de la puissance publique, l’administration fiscale tend par la mise en œuvre des prérogatives de la puissance publique à des fins de service public. Etant le principal interlocuteur du contribuable, elle a pour principale mission d’éviter que ne soit éludée « l’honorable obligation fiscale ». 2- Cependant, l’administration fiscale n’est pas pour autant, dispensée d’être soumise à la loi dans un Etat de droit. L’Etat de droit, étant défini, comme un « système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit »5. Un tel système suppose, par ailleurs, « l'égalité des sujets de droit devant les normes juridiques et l'existence de juridictions indépendantes »6. 3- Or, le propre de la puissance publique, notamment l’administration fiscale, est que combien même elle est soumise au droit, le droit ne la place pas sur un pied d’égalité avec le contribuable. En effet, investie d’une mission de service public, l’administration fiscale est chargée de veiller à ce que les contribuables s’acquittent de leurs dettes fiscales vis-à-vis de la société. Pour ce faire, le législateur l’a doté de prérogatives de puissance publique : le contrôle fiscal, l’imposition d’office, le recouvrement forcé de l’impôt. 4- La relation entre le contribuable et l’administration s’apparentera, ainsi, depuis sa création, à une relation d’antagonisme7. 4 5 6 7 Ph. Le MOING-SURZUR. : Pilotage, contrôle de gestion et contrat de performance à la DGI, R.F.F.P., fév. 2005, n° 89 p. 101. (Mr. Le MOINGSURZUR est un haut fonctionnaire de la DGI) Jacques CHEVALIER : L’Etat de Droit, Montchrestien, 1995, p.108. Idem Face aux prérogatives de puissance publique dont dispose l’administration fiscale, le contribuable devrait être doté d’un statut protecteur. L’étendu de ce 116 L’administration fiscale française D’une part, une administration qui veut s’accaparer tous les droits pour assurer avec efficience sa mission de service public qu’elle soit au stade du contrôle ou bien au stade du contentieux. D’autre part, un contribuable qui cherche à se soustraire de cette hégémonie.. N’a-t-on pas précisé que l’impôt « suscite un sentiment d’impuissance car il établit un rapport immédiat, sans amortisseur d’aucune sorte, entre l’individu isolé, désarmé face au moloch étatique »8 provoquant chez le contribuable une réaction totalement « irrationnelle » qui rappelle « Les réactions de l’enfant face à des parents dominateurs. Ne pouvant rivaliser avec eux, il encourt à des modes de défense infantiles tel(s) que l’obstination rageuse »9. Il s’agit de trouver le subtil équilibre entre la protection des droits du contribuable et les droits de l’administration fiscale10. 5- L’évolution des droits du contribuable face à l’administration s’est traduite par le passage d’une puissance publique autoritaire qui exerce, de par ses prérogatives, une excessive emprise sur la procédure fiscale (I) vers une puissance publique « de service » qui cherche à collaborer, à coopérer, voire à contractualiser ses relations avec le contribuable et à en faire un véritable partenaire. Une 8 9 10 statut est rendu nécessaire par le caractère exorbitant du droit fiscal, son caractère spoliateur aux yeux de la doctrine libéral orthodoxe et, corrélativement, le risque d’atteinte aux libertés publiques que représente son existence même. L’ampleur du poids économique de la fiscalité et la dimension tentaculaire du fisc dans nos sociétés contemporaines de même que le degré de conscience et d’exigence des citoyens militent en faveur de l’octroi de ces garanties. Gilbert TIXIER, Guy GEST : « Droit fiscal », L.G.D.J. 1981, p. 247 et s. Idem. Cette étude n’aura guère la prétention de recenser les garanties du contribuable face à la puissance publique, ni de recenser les prérogatives de puissance publique dont dispose l’administration. Il s’agit plutôt de mettre en exergue l’évolution du schéma normatif et jurisprudentiel Français. Grâce doit être rendue, à un effort conjugué entre le législateur créateur de la norme fiscale et le juge garant de l’application de la norme fiscale. Les deux acteurs externes à la procédure fiscale, conscients d’une part, de la nécessité d’une administration forte non paralysée et, d’autre part, du respect des garanties constitutionnelles du contribuable, vont constamment osciller entre deux aspirations. D’un coté préserver les intérêts de la puissance publique et essentiellement les deniers de l’Etat, et d’un autre coté ne pas laisser sans protection le contribuable. 117 L’administration fiscale française évolution qui annonce une constante amélioration des garanties du contribuable (II) I- D’UNE ADMINISTRATION FISCALE AUTORITAIRE 6- L’administration fiscale fait partie « des administrations de l’Etat dont les relations avec les usagers se sont longtemps exercées sur le principe de l’autorité »11. L’emprise de l’administration sur la procédure fiscale s’illustre à travers l’insuffisance des garanties offertes par la charte du contribuable au stade du contrôle fiscal (A), l’inégalité des armes entre le contribuable et l’administration fiscale au stade du contentieux (B), ainsi que le dispositif normatif et organisationnel défavorable au contribuable (C). A- L’insuffisance des garanties de la charte du contribuable au stade du contrôle fiscal 7- Animée par le souci de mettre fin au « déséquilibre entre l’importance de l’arsenal répressif dont dispose l’administration et la faiblesse de l’effort de l’explication du prélèvement public »12, l’administration fiscale française13 a doté l’arsenal juridique de « La charte du contribuable vérifié »14. A l’origine, simple instrument de bonne volonté de la part de l’administration fiscale15, la charte du 11 12 13 14 15 XXe Rapport du Conseil des impôts : Les relations entres les contribuables et l’administration fiscale : Dr. fisc. 2003, n° 4, p. 119. CHARLES Christopher : « L’évolution de la charte du contribuable vérifié », B.F. n° 3/05, p. 187. L’administration fiscale française a été guidée par les propositions de réforme de la commission pour l’amélioration des rapports entre les citoyens et les administrations fiscales et douanières présidée par M. Maurice AICARDI, Cf. CHARLES Christopher : « L’évolution de la charte du contribuable vérifié », B.F. n° 3/2005, p. 186 et s. La charte du contribuable vérifié prétend résumer « de manière très concrète les garanties dont bénéficie le contribuable tout au long du contrôle ». C’est un document qui reprend l’ensemble de la procédure régissant le contrôle fiscal tout en simplifiant le langage juridique, souvent complexe et peu intelligible. L’ancêtre de la charte du contribuable a vu le jour en 1958. Il s’agissait d’une brochure administrative intitulée « Aide mémoire du contribuable ». Ce texte précisait les principales règles applicables en cas de contrôle fiscal. Une note administrative du 12 juin 1958 (Note n° 120 du 12 juin 1958, BOCD n° 26 du 25 juin 1958, IIIe partie p. 81 et S,) recommandait l’envoi de ce texte au contribuable faisant l’objet d’une vérification de comptabilité. Cependant cet 118 L’administration fiscale française contribuable vérifié est devenue un document qui a une « valeur légale »16 avec la loi du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières. Suite à cette loi, un alinéa 4 a été ajouté à l’article L.10 du LPF17. Lors d’une vérification de comptabilité ou lors d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, l’administration doit obligatoirement transmettre la charte au contribuable vérifié. Par ailleurs, les dispositions de ladite charte sont, désormais, opposables à l’administration. 8- Cependant, en dépit de la clarté du texte, que ce soit sur la question de sa transmission ou sur la question de son opposabilité « le 16 17 usage n’a pas tardé à être abandonné. L’idée a refait surface en 1974 (à l’époque ou l’administration fiscale était confrontée à une importante agitation antifiscale). Le ministre de l’économie et des finances, M. jean Pierre FOURCADE, en réponse à une question parlementaire, annonce la mise au point de « la charte du contribuable vérifié ». La charte, qui résumait de façon claire et précise les dispositions existantes, a été mise en service à la fin du mois de juin 1975. Une note de 19 juin 1975 prévoyait la remise de la charte aux contribuables en cas de vérification de comptabilité et de vérification approfondie de la situation fiscale personnelle (VASFE). Cependant, sur le plan juridique l’absence de la remise de la charte ne viciait nullement la procédure (CE 20 mars 1985, req. n° 45 589 : RJF 1985, p. 398.), de même les dispositions de ladite charte n’étaient nullement opposables à l’administration (CE 27 janv.1986, req. n° 46. 341 : Dr. fisc. 1986, c. 916.). Ce document n’était en réalité qu’un document d’information. Sur la charte du contribuable vérifié, V. J. MEURANT, « Une innovation en droit fiscal : la charte du contribuable vérifié », Petites affiches ,4 janvier 1989, p. 10 et s. L’article 8 de la loi du 8 juillet 1987 a été codifié sous l’article 10 du LPF. Cet article fut le premier texte juridique à reconnaître l’existence de la charte du contribuable comme étant un document à valeur légale. Un auteur considère que la charte du contribuable telle qu’elle se présente aujourd’hui, c'est-à-dire un document dont l’existence est reconnue par la loi, constitue un édifice législatif dans la mesure ou la remise au contribuable d’une charte précisant ses droits et ses obligations lors d’une vérification faisait partie des propositions de réforme de la commission pour l’amélioration des rapports entre les citoyens et l’administration fiscale et douanière présidée par M. Maurice AICARDI. V. Christopher CHARLES : « L’évolution de la charte du contribuable vérifié », op. cit, p. 186. Aux termes de l’al. 4 de l’article 10 du L.P.F « Avant l’engagement d’une des vérifications prévues aux articles L.12 et L.13 du livre des procédures fiscales, l’administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l’administration ». 119 L’administration fiscale française juge administratif a bâti un régime juridique modéré du statut de la charte du contribuable, fondé essentiellement sur la notion de garanties essentielles des droits »18. Le juge administratif ne censure la non transmission de la charte du contribuable vérifié que si cette défaillance a privé le contribuable d’une garantie essentielle19. De même, il ne confère un plein effet à l’opposabilité d’une disposition de la dite charte que si son irrespect aboutit à méconnaître une garantie essentielle des droits du contribuable20. On peut dès lors parler d’un 18 19 20 Christopher CHARLES : « L’évolution de la charte du contribuable vérifié », Op. Cit. p. 186. Le tribunal administratif de Renne a ainsi prononcé une décharge d’imposition dans une affaire ou l’avis de vérification laissait des doutes sur la réalité de l’envoi de la charte. Cf. T.A. Rennes n° 94-2682, 4 février 1999, SNC Houdrat : RJF 6/99, n° 737. Le problème de la preuve de la transmission de la charte est assez délicat dans la mesure où même la remise d’une charte périmée n’entraîne pas automatiquement l’irrégularité de la procédure d’imposition. Le juge vérifie pour chaque espèce, compte tenu de l’évolution du droit fiscal, si le contenu de la charte remise n’est pas de nature à priver le contribuable d’une garantie essentielle au sens de l’article L. 80 A du LPF. Le juge manifeste ainsi sa volonté de protéger le contribuable sans pour autant enfermer l’administration dans un formalisme rigoureux. La chambre criminelle de la Cour de Cassation a ainsi considéré que l’absence de remise de la charte avant l’engagement d’une vérification ne conduit pas à la nullité de la procédure pénale dés lors que le prévenu disposait déjà de deux exemplaires de cette charte, remis à l’occasion des vérifications intervenues précédemment et que le texte n’a nullement été changé en modifiant les droits et obligations du contribuable. Cass. crim. 21 juin 2000 n° 4233, James : Dr.fisc. 7/10 c.135; dans le même sens CAA paris 9 mars 2000 n° 97-2226, SARL Aittouares : RJF 6/00, n° 764, concl. V. HAIM. Au vue de la jurisprudence, toutes les dispositions de la charte revêtent un caractère opposable à l’administration. Cependant l’invocation de leur violation ne produit pas toujours les mêmes effets. Pour le juge, seuls les dispositions dont la méconnaissance porte une atteinte substantielle aux droits et garanties du contribuable conduit à vicier la procédure de contrôle ou de redressement. L’erreur substantielle, n’étant pas définie, le juge vérifie au cas par cas si l’irrégularité commise est substantielle ou pas. Ainsi le juge du conseil d’Etat considère que la méconnaissance de l’obligation pour le vérificateur de rechercher un débat oral et contradictoire tout au long du contrôle constitue une irrégularité substantielle portant atteinte aux garanties que reconnaît la charte au contribuable, de même l’impossibilité de saisir l’inspecteur principal puis l’interlocuteur départemental pour le contribuable dans le cadre d’une procédure de redressement contradictoire (CE 13 octobre 2002, Mounier, RJF 1/03 n° 71). En revanche ne constitue pas une erreur substantielle l’absence de 120 L’administration fiscale française effet relatif des vices de procédure lors de la mise en œuvre des garanties du contribuable vérifié. Les subtilités de cette jurisprudence témoignent du souci d’éviter de paralyser l’administration fiscale ainsi que de la recherche constante d’un équilibre entre le respect des garanties du contribuable et les exigences de la lutte contre la fraude fiscale. 9- Ce mouvement jurisprudentiel concernant le statut de la charte a été progressivement entériné par l’administration en ce qui concerne le contenu de la charte. Une lecture comparée des éditions initiale et actuelle de la charte du contribuable vérifié21 permet de constater un recul au niveau des garanties offertes aux contribuables. L’administration s’est trouvée progressivement dispensée de respecter certaines règles procédurales22, concomitamment à un alourdissement des obligations du contribuable23. 21 22 23 signature du vérificateur sur l’avis de vérification, de même l’oralité du débat n’est pas exigée (CE 5 décembre 2001, min. c/ Giresse : RJF 3/02 n° 263). La première édition de la charte du contribuable vérifié date du mois de décembre 1987. La rédaction de la charte du contribuable en vigueur en 2005 témoigne de l’allégement des procédures qui incombait à l’administration fiscale en 1987. La suppression de deux garanties attire inéluctablement l’attention. D’abord, l’obligation de signer l’avis de vérification par le vérificateur qui a procédé à la vérification a été supprimée depuis 1996. Par cette suppression, l’administration évite un contentieux aussi bien abondant que stérile et se prémunit contre un revirement jurisprudentiel que lui aurait imposé le respect d’une règle jugée jusque là non substantielle et donc ne vicie nullement la procédure. Ensuite, la rédaction de la charte datant de 2000 a supprimé l’obligation de ne recourir à une demande d’éclaircissement ou de justification visé à l’article L.16 du LPF qu’ultérieurement à un débat contradictoire qui n’aurait pas apporté toutes les explications. Cette suppression introduit une équivoque sur le caractère préalable du dialogue et revient sur une garantie essentielle de la procédure de contrôle. V. sur la question, Christopher CHARLES : « L’évolution de la charte du contribuable vérifié », Op. Cit. p. 186 et s. Face au recul des obligations qui pèsent sur l’administration, on constate un alourdissement constant des obligations qui pèsent sur le contribuable. D’abord, à compter de 1990, les demandes de justifications faites sur le fondement de l’article L. 16 du LPF peuvent concerner les avoirs à l’étranger et les revenus des avoirs à l’étranger. Parallèlement à cet élargissement, on assiste à un rétrécissement du champ d’application de la règle de l’anonymat. Le contribuable qui veut faire état d’opérations couvertes par l’anonymat doit désormais être en mesure de prouver qu’il avait signalé son identité et son 121 L’administration fiscale française B- L’inégalité des armes au stade du contentieux fiscal 10- Au-delà de la main mise sur la procédure de contrôle, l’administration fiscale est investie d’un pouvoir discrétionnaire de mettre en mouvement et d’exercer l’action publique en vue de la répression des infractions fiscales pénalement sanctionnées24. L’administration fiscale se substitue ainsi au ministère public qui ne peut décider de déclencher l’action publique avant d’être saisi d’une plainte de l’administration, seule juge de l’opportunité de mettre en mouvement l’action publique ou de son extinction en recourant à la transaction25. 11- Outre le monopole de poursuite dans le contentieux fiscal pénal, l’administration fiscale bénéfice, lors du contentieux d’assiette, d’une procédure allégée par rapport au contribuable notamment en ce qui concerne la charge de la preuve26.Cette inégalité procédurale se vérifie davantage dans les règles du contentieux de recouvrement. Qualifié, à juste titre, par un « labyrinthe »27, le contentieux de 24 25 26 27 domicile à l’établissement payeur, de même, il doit être en mesure de fournir des éléments de preuve sur la date d’entrée de ces valeurs dans son patrimoine ainsi que sur l’origine des fonds ayant permis ces acquisitions. Par ailleurs, la charte de 2004 prolonge la durée de l’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d’une année à deux ans, en cas de découverte en cours de contrôle d’une activité occulte ou de mise en œuvre, dans le délai initial d’un an, du droit de communication auprès du ministère public ou de l’autorité judiciaire. V. sur la question : CHARLES Christopher : « L’évolution de la charte du contribuable vérifié », Op. Cit. p. 186 et s. Ce droit est distinct de celui par lequel l’Etat assure en justice par l’intermédiaire de l’agent général du trésor, la défense des intérêts patrimoniaux lésés par une infraction. Certes, ce pouvoir n’est point exclusif. L’administration fiscale partage le droit de mise en mouvement de l’action publique avec la commission des infractions fiscales. Son avis doit être conforme. Par ailleurs, seul le parquet peut décider de poursuivre les infractions pénales ou pas. Ce partage n’est toutefois pas suffisant dans la mesure où l’existence de cette commission n’a jamais empêché l’administration de sélectionner les dossiers d’une manière totalement arbitraire. Sur la question de l’égalité des armes en général. Cf. Didier JEAN PIERRE et Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN : « Le principe de l’égalité des armes », Revue de la recherche juridique, droit prospectif, 1993, n° 2, p. 489-510. Victor HAIM : « Les labyrinthes du contentieux de recouvrement », D. 1995, p.150 ; André LEFEUVRE : « De la sécurité juridique en matière de recouvrement de l’impôt », D. fisc. 36/2003, p. 1041. 122 L’administration fiscale française recouvrement est à la fois confus et contraignant pour le contribuable. Confus, d’abord, puisque le redevable doit déterminer le type de réclamation qu’il doit envisager pour identifier son juge28. Le juge n’a d’ailleurs pas prêté main forte au contribuable, en clarifiant cette séparation de manière certaine. Le contentieux de recouvrement est contraignant ensuite attendu que les délais de recours sont brefs29 ne sont pas prorogeables et que le litige se cristallise au stade du recours préalable30. Parallèlement, à cet acharnement à décourager le contribuable d’engager des actions en justice, l’administration bénéficie d’un véritable arsenal juridique tendant à préserver et à recouvrir la créance fiscale : des mesures conservatoires31, passant par les saisies attribution, à la procédure de tiers détenteur32. L’inégalité des armes entre l’administration et le contribuable à ce stade apparaît en ce que les mesures conservatoires sont subordonnées aux seules 28 29 30 31 32 La contestation de la régularité de la forme est portée devant le juge de l’exécution et la contestation de l’existence de l’obligation de payer est formée devant le juge de l’impôt. Art. L. 281 LPF ; Art. L. 199 LPF. Cf. sur la dualité de juridiction. Guy GEST : « Dualité de juridiction et unité de droit fiscal » : RFD adm. 1990, p. 822. Art. R. 281-2, R. 281-3, R. 281-3, R. 281-4. Art. R. 281-5 LPF. Cet article interdit au contribuable de soumettre au juge des pièces justificatives autres que « celles qui ont été présenté au chef de service » dans la réclamation préalable. L’administration a un privilège général sur les meubles (Art. 1920 et s. CGI). Lorsque l’administration estime au cours du contrôle fiscal que la mise en recouvrement des redressements envisagés pourrait être compromise, elle peut demander au juge judicaire l’autorisation de prendre des mesures conservatoires. Ces mesures conservatoires peuvent avoir la forme soit d’une saisie conservation des biens meubles corporels, créances, droits d’associés, valeurs mobilières, biens placés dans un coffre fort, soit la forme d’une sûreté judiciaire sur les immeubles, fonds de commerce, actions, parts sociales et valeurs mobilières appartenant au redevable de l’impôt. (L. n° 91-650, 9 juill. 1991, portant réforme des procédures civiles d’exécution). La notification de l’avis de mise en recouvrement du supplément transforme la mesure conservatoire en une saisie attribution. En revanche lorsque le contribuable n’acquitte pas son obligation fiscale aux termes légaux. Le comptable le met en demeure de payer dans un délai de deux mois. C’est uniquement en absence de paiement à l’issu de cette période qu’il engage l’action en recouvrement en utilisant notamment la procédure d’avis à tiers détenteur. Art. L. 262 à L. 265 LPF. 123 L’administration fiscale française conditions que la créance paraisse fondée dans son principe33 et que le recouvrement de l’impôt soit menacé. Le contribuable peut ainsi faire l’objet d’une saisie conservatoire alors que son obligation fiscale n’est pas certaine34. De même, le juge civil a fortement assoupli la mise en œuvre de l’action oblique en faveur de l’administration35. Par ailleurs, outre sa faculté de se procurer la liste des comptes bancaires ouverts par le contribuable ainsi que les noms des employeurs, l’administration fiscale dispose de divers moyens pour obtenir un paiement rapide de l’impôt (mensualisation de l’IR, paiement de l’impôt par voie électronique). 12- L’inégalité des armes du contribuable avec celles de l’administration fiscale est d’autant plus malheureuse, que la cour de cassation s’est récemment alignée sur la position de la Cour de Strasbourg36et celle du CE en déclarant l’inapplicabilité de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable au litige fiscal37. Ce faisant, la haute juridiction judiciaire a rétréci un champ d’application qu’elle a longtemps plébiscité38. 33 34 35 36 37 38 Art. 67, al. 1 de la loi n° 91-650, du 9 juin 1991, portant réforme des procédures civiles d’exécution. Dans ce cas, le préjudice subi par le contribuable, ne peut à lui seul, justifier une action en responsabilité de l’administration fiscale à moins de prouver une faute lourde ayant conduit à une cessation d’activité. V. art. 1167 du Code civil Français. Dans ce sens, le juge français a considéré que la créance fiscale naît à la date de la réalisation des bénéfices imposables et non à la date de la constatation et de la liquidation de l’impôt Cass. Com., 25 mars 1991, n° 567. Pour la Cour de Strasbourg « La matière fiscale appartient au noyau dur des prérogatives de la puissance publique ». En d’autres termes, le domaine des prélèvements fiscaux est trop lié à l’imperium étatique pour être couvert par la notion de droits et obligations de caractère civil, bien qu’il touche en substance à la propriété privée. Cf. CEDH, 12 juillet 2001, Ferrazini c/ Italie, RJF 1/2002, n° 128. Cass.com., 12 juillet 2004, L.P.A., 14 janvier 2005, n° 10, p. 16. Contrairement au Conseil d’Etat français, la Cour de cassation française a toujours admis l’applicabilité de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’Homme au litige fiscal. En Ass. Plén. La cour a affirmé que l’article 6 « peut être invoqué devant toute juridiction civile statuant en matière fiscale ». Cf. Cass. Ass. Plén., 14 juin 1996, RJF 8-9/1996, n° 1118. 124 L’administration fiscale française C – Un cadre juridique et organisationnel défavorable à la Sécurité du contribuable 13- Reconnu comme un principe général de droit par la Cour de justice des communautés européennes39, le principe de la sécurité juridique40, « indissociable du concept d’Etat de droit »41, n’a pas été consacré comme un principe a valeur constitutionnelle en droit français42. Le C.E a limité l’existence de ce principe à la seule mise en oeuvre du droit communautaire43. Pour autant, on ne peut ignorer l’omniprésence de ce principe dans les solutions jurisprudentielles françaises44. D’ailleurs, le CE l’a récemment reconnu comme un principe général de droit45. Cependant, cette consécration demeure, 39 40 41 42 43 44 45 Par l’arrêt Bosch du 6 avril 1962, le juge communautaire a solennellement consacré la sécurité juridique au rang des principes généraux de droit communautaire. Dans le domaine de la fiscalité, il a fallu attendre 1981 pour que les juges retiennent que le principe de sécurité juridique s’oppose aux formulations ambiguës des textes fiscaux. CJCE, 9 juillet 1981, aff. 169/80, Sté GONDRAND : Rec. CJCE, p.1931. L’expression sécurité juridique ne figure ni dans le Traité des Communautés européennes, ni dans le texte de la Convention européenne des droits de l’Homme. Cf. notamment. M. FROMENT : « Le principe de sécurité juridique », AJDA 1996, n° spéc. Juin, p. 178 ; B. PACTEAU : « La sécurité juridique, un principe qui nous manque », idem, p. 151. Céline LERAILLE : « Insécurité fiscale : quelle protection pour le contribuable ?», Les nouvelles fiscales, n° 883, 1er janvier 2003, p.21. Le conseil constitutionnel s’est jusqu’à lors refusé d’affirmer la valeur constitutionnelle de ce principe. DC n° 97-391 DC, 7 novembre 1997 : Dr.fisc. 1997, n° 48, comm.1220. La reconnaissance d’une valeur constitutionnelle à ce principe a cependant été soutenue par F. LUCHAIRE, L. FAVOREU, L. PHILIP, Cf. sous la coordination de L. FAVOREU, Droit constitutionnel, Dalloz, 1998, p. 869. Une proposition de loi constitutionnelle a même été déposée par Monsieur SARKOZY pour limiter la faculté du législateur de légiférer rétroactivement en matière fiscale. Elle est restée sans issue. CE, Ass., 3 mars 1999, Rouquette : Dr. adm. 1999, n° 138 ; AJDA 1999, p. 420 ; CE, 9 mai 2001, n° 201944, entreprise personnelle Transports Freymuth, cité par Céline LERAILLE, « Insécurité fiscale : quelle protection pour le contribuable ? », Les nouvelles fiscales, n° 883, 1er janvier 2003, p.22. Déjà en 1929, le juge du Palais royal a sanctionné l’administration « pour la brusquerie non justifiée du changement de son comportement », CE. 22 novembre 1929, Cie des mines de Siguiri : Rec. CE, p. 1022. Cf. R. CHAPUS : RD. Publ. 2001, 15e éd., p.106. n°135. CE. 24 mars 2006, req. n° 288460, KPMG. Cité par Florence CHALTIEL : « La consécration du principe de sécurité juridique par le Conseil d’Etat », Revue 125 L’administration fiscale française encore, en deçà des attentes puisque la sécurité juridique n’a acquis qu’une valeur infra législative46. 14- Ce principe est souvent reconnu comme étant synonyme de règles juridiques claires, accessibles et stables47. Il vise à garantir une stabilité de l’environnement juridique, une clarté et une cohérence de la règle de droit. Or, l’arsenal normatif fiscal fait état d’une norme complexe, illisible dont la qualité et la stabilité ne garantissent point la sécurité juridique du contribuable (1). A ce schéma normatif insuffisamment protecteur du contribuable, s’ajoute une administration fiscale imparfaitement organisée (2). N’a-t-on pas précisé que « l’insécurité fiscale se manifeste tant dans la phase d’exécution de la loi fiscale que dans son élaboration »48. 1 - Un cadre normatif défavorable à la sécurité juridique du contribuable 15- La sécurité juridique, « naît d’une application effective, exacte et uniforme de la loi. Pour ce faire, encore faut-il que le contribuable ait accès à la législation par le biais de sources fiables prenant en compte toutes les dispositions en vigueur, et uniquement celles-ci, dans une rédaction conforme à la volonté du législateur ». Force est de constater, cependant, que la qualité de la norme fiscale ne 46 47 48 du Marché commun et de l’Union européenne, n° 500, juillet - août 2006, p. 457 et s. Florence CHALTIEL : « La consécration du principe de sécurité juridique par le Conseil d’Etat », Revue du Marché commun et de l’Union européenne, n° 500, juillet - août 2006, p. 457 et s. J-G. HUGLO: « La Cour de cassation et le principe de la sécurité juridique », Cahiers du conseil constitutionnel, n° 11. La cour de Luxembourg définit la sécurité juridique comme un principe qui exige que « tout acte de l’administration produisant des effets juridiques soit clair, précis et porté à la connaissance de l’intéressé de telle manière que celui-ci puisse connaître le moment a partir duquel cet acte existe et commence a produire ses effets », CJCE, aff. 18/89, 7 fév. 1991, Tagaras c./ Cour de justice, cité par Florence CHALTIEL : « La consécration du principe de sécurité juridique par le Conseil d’Etat », Revue du Marché commun et de l’Union européenne, n° 500, juillet - août 2006, p. 457 et s. Thierry LAMBERT, cité par LERAILLE Céline : Insécurité fiscale : quelle protection pour le contribuable ?, les nouvelles fiscales, n° 883, 1er janvier 2003, p.22. 126 L’administration fiscale française permet qu’un relatif accès du contribuable. La pluralité des sources nationales et internationales auxquelles s’ajoute le droit communautaire a conduit à la surproduction des normes fiscales et à la mise en place d’un arsenal juridique important, complexe, mal codifié49 et parfois incohérent50, souvent, d’une difficile lecture51 pour le contribuable profane. Cet arsenal juridique important s’est accompagné par un foisonnement d’une doctrine administrative exhaustive qui commente, interprète, complète, voire contredit le texte de la loi. Or, les mécanismes de protection des contribuables contre les changements de la doctrine administrative demeurent limités52, d’autant plus que les contribuables, insuffisamment informés, ne 49 50 51 52 La codification actuelle des textes fiscaux contribue, également, à l’illisibilité de la norme fiscale. Le code général des impôts, qui, contrairement à ce que laisse croire son intitulé, ne comprend pas la totalité des règles, est devenu aux termes du conseil des impôts « largement inintelligible » : rédaction obscure, système de renvoi extrêmement compliqué. Cf. Le XXe rapport du Conseil des impôts : les relations entres les contribuables et l’administration fiscale : Dr. fisc. 2003, n° 4, p. 117. L’incohérence des textes fiscaux est favorisée notamment par les conditions d’élaboration de la norme fiscale. En effet, la brièveté des délais imposés au législateur en vue d’examiner les projets/propositions de loi ne favorise pas un examen approfondi des nouvelles dispositions. Le conseil des impôts dans son XXe rapport relatif aux « Relations entre les contribuables et l’administration fiscale » considère « que cette précipitation est d’autant plus préjudiciable à la qualité de la norme fiscale que l’activité de lobbying exercée autour des parlementaires qui suscite parfois le dépôt tardif d’articles additionnels dont les difficultés de compréhension et d’application n’apparaissent qu’ultérieurement ». Cf. XXe Rapport du Conseil des impôts, op. Cit. p. 116 ; Cf. également, L’amélioration des relations entre les contribuables et l’administration fiscale, compte rendu du colloque organisé le 15 septembre 2003 par la Chambre du Commerce et de l’Industrie de Paris et le conseil des impôts: Dr. fisc. 2004, n° 9, p. 488. Le conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle à l’exigence de la clarté de la loi. Cf. DC 98-401. Le mécanisme de protection contre les changements de la doctrine administrative est prévu par l’article 1 du décret du 28 novembre 1983, l’article L.80A et l’article L.80B du LPF. Cf. Sophie RAIMBAULT de FONTAINE : « Pour une protection rénovée de la confiance légitime en droit fiscal », R.F.F.P., n° 68, décembre 1999, p. 232 et s.; MAALEJ MAHDI Nada : « Notes sous instruction Française du 20 juillet 2005 relative aux garanties supplémentaires au profit du contribuable », Revue Tunisienne de fiscalité, N° 4, p. 133 et s. 127 L’administration fiscale française recourent qu’exceptionnellement aux moyens de sécurisation mis à leur disposition, notamment le rescrit fiscal. Le législateur fiscal lui même peut être créateur d’insécurité juridique par l’accumulation des cas particuliers et des exonérations qui dérogent aux principes généraux. 16- Le dispositif juridique fiscal est, par ailleurs, instable, caractérisé par un recours fréquent aux lois interprétatives53, aux lois rétroactives ainsi qu’aux validations législatives. Or, si les premières se justifient par la nécessité de donner une interprétation aux textes quand bien mêmes elles contredisent le plus souvent le juge et sont à l’origine d’un contentieux abondant, les lois rétroactives et les lois de validations54 ne se justifient point. Par le biais de ces dispositions rétroactives, le législateur « entend mettre un acte administratif à l’abri d’une mesure contentieuse en lui donnant la base légale qui lui fait défaut »55. Le contribuable devrait pouvoir connaître à l’avance de manière certaine la portée de ses choix et de ses actes. Or, la multiplication des dispositions fiscales rétroactives contribue à décourager nombre d’initiatives, notamment auprès de créateurs d’entreprises et d’investisseurs. Certes, le Conseil constitutionnel a forgé une jurisprudence qui marque une volonté de prendre en considération les exigences posées par le juge européen56 en précisant, d’un côté, que les dispositions rétroactives doivent répondre à un motif d’intérêt général57 et d’un autre coté, que cette faculté est offerte au législateur sous réserve de ne pas priver le contribuable des garanties légales des exigences constitutionnelles. Demeure, néanmoins, nécessaire d’ériger ce principe au rang constitutionnel 53 54 55 56 57 Cf. notamment Cass. Comm., 7 avril 1992, n° 89-20418 : Dr.fisc. 1992, n° 30, comm. 1547. Emmanuelle MIGNON : Chronique, R.J.F., 200, n° 2, p. 89. Cf. B. MATHIEU : « Rétroactivité des lois fiscales et sécurité juridique : l’application concrète d’un principe implicite, observations à propos de la décision 986404 DC du 18 décembre 1998 du Conseil constitutionnel », RFD adm. Janv.- fév. 1999, p. 89. Cf. obs. B. MATHIEU sous 97-390 DC et 97-393 DC, un nouvel équilibre entre les considérations liées à l’intérêt général et celle relative à la garantie des droits du contribuables, RFD adm. 1998, p. 148. DC 9 avril 1996, n° 96-375. Cité par Céline LERAILLE : Insécurité fiscale : quelle protection pour le contribuable ? , Les nouvelles fiscales, n° 883, 1er janvier 2003, p.22. 128 L’administration fiscale française pour préserver au mieux les garanties du contribuable contre les impulsions de l’administration fiscale notamment, en absence d’un contrôle systématique du conseil constitutionnel et de la cour européenne des droits de l’homme58. 2- Les imperfections du cadre organisationnel 17- À la norme fiscale souvent complexe, illisible et instable vient s’ajouter une administration fiscale opaque imparfaitement structurée. L’organisation de l’administration fiscale constitue un obstacle à un meilleur service rendu au contribuable. L’administration est « trop cloisonnée »59. Les contribuables peuvent parfois avoir recours à plusieurs interlocuteurs fiscaux pour régler les questions fiscales les plus courantes. Cette situation peut s’avérer à la fois, très difficile à gérer pour le contribuable, et génératrice d’importants coûts de gestion pour l’administration fiscale. Certes, certains projets d’ampleur inégale ont été mis en œuvre pour réformer l’administration fiscale notamment le projet de l’interlocuteur unique. Cette expérimentation n’a, cependant, pas été à la hauteur des ambitions. Le rapprochement entre les services de la direction générale des impôts et ceux de la direction générale de la comptabilité publique -intranet commun, accueil commun- s’est révélé « très modeste »60. 18- Par ailleurs, la culture du dialogue avec l’administration est encore insuffisante. Les recours hiérarchiques confirment presque toujours la position de l’administration. De même, les recours internes prévus par la charte du contribuable vérifié et qui devraient constituer une garantie essentielle devant s’imposer à l’administration fiscale ont une portée très relative en pratique. 58 59 60 A l’heure actuelle, le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel et par la Cour européenne des droits de l’homme reste peu satisfaisant et ne répond pas aux attentes du contribuable. En effet, le contrôle exercé par le conseil constitutionnel reste subordonné à la saisine des parlementaires. De même, le contrôle exercé par la CEDH n’est que subsidiaire et de ce fait tardif. V. Céline LERAILLE : « Insécurité fiscale : quelle protection pour le contribuable? », Les nouvelles fiscales, n° 883, 1er janvier 2003, p.22. Cf. XXe rapport du Conseil des impôts : Les relations entres les contribuables et l’administration fiscale : Dr. fisc. 2003, n° 4, p. 117. Idem. 129 L’administration fiscale française 19- L’hégémonie de l’administration au stade du contrôle et du contentieux ne doit pas occulter l’évolution certaine qu’ont connue les relations entre la puissance publique et le contribuable. Conscient de la nécessité à la fois d’une administration forte non paralysée et du respect des garanties constitutionnelles émergentes du contribuable, le juge fiscal a été amené, au gré des affaires qui lui étaient soumises, à faire avancer la relation entre la puissance publique et le contribuable. Le législateur et l’administration n’ont pas manqué à ratifier cette évolution. II - ….VERS L’AMELIORATION CROISSANTE DE LA PROTECTION ACCORDEE A L’USAGER CONTRIBUABLE 20- L’effort constant de l’amélioration de la protection du contribuable s’est traduit par la valorisation des garanties du contribuable face à l’administration fiscale (A), la modernisation et la responsabilisation des services fiscaux (B) ainsi que par un renforcement de la sécurité juridique du contribuable (C). A- La valorisation des garanties du contribuable face à l’administration fiscale 21- La valorisation des garanties du contribuable face à l’administration fiscale apparaît tant au stade du contrôle qu’au stade du contentieux fiscal. 22- Au delà de la reformulation des garanties de la charte du contribuable vérifié61, divers dispositifs, systématisés par la nouvelle 61 Au stade du contrôle, la volonté de valoriser les garanties du contribuable apparaît à travers la réécriture de certains passages de la charte. Une comparaison entre la première édition et la dernière édition de la charte du contribuable vérifié témoigne du souci d’information et de dialogue avec le contribuable. Deux exemples peuvent être cités à l’appui : d’abord, l’information due par l’administration s’agissant des conséquences financières des redressements. Dans l’exemplaire en vigueur en 1987, le vérificateur n’était pas obligé de faire connaître aux contribuables les conséquences chiffrées d’une acceptation éventuelle des redressements sauf demande préalable du contribuable. La loi de finances pour l’année 1990 a précisé que le contribuable est désormais informé dans la notification de redressements et sans demande préalable des conséquences financières, des pénalités sans demande préalable. La loi de finances pour l’année 2000 a prévu un renouvellement systématique de l’information relative aux conséquences financières pour le contribuable, 130 L’administration fiscale française charte du contribuable62, ont été mis en place en vue de parfaire les garanties du contribuable face à l’administration fiscale au stade du contrôle fiscal. 23- D’abord, la technique de « la relance amiable du contribuable »63. Ainsi en cas de discordance entre les éléments portés sur la déclaration et les éléments transmis à l’administration par les employeurs, les caisses de retraites et les banques, le contribuable encourt l’envoi d’un simple courrier de relance amiable. Il pourra, ainsi, régulariser sa situation « sans pénalité ni intérêt de retard, et sans perdre le bénéfice de l’abattement de 20% sur les salaires». 62 63 avant que les rappels ne soient mis en recouvrement, si les droits et pénalités rappelés ont été modifiés postérieurement à la notification de redressement. Finalement, cette obligation d’information a été étendue, sans demande préalable, aussi bien dans le cadre d’une imposition d’office que dans le cadre d’une procédure contradictoire. Un autre exemple illustre l’importance qu’a acquise le dialogue noué avec le contribuable à l’occasion du contrôle fiscal. Dans sa rédaction initiale, la charte de 1987 soulignait l’exigence que s’établisse « un dialogue serein et constructif » entre le vérificateur et le contribuable. L’administration fiscale a été bien inspirée de reprendre la proposition du conseil des impôts consistant à « rendre obligatoire le débat oral et contradictoire préalable à l’envoi de la notification de redressement aussi bien en matière d’ESFP qu’en matière de vérification de comptabilité ». Ce souci du dialogue a été renforcé (en 2004) par la modification des intitulés de « La notification de redressement » et de « La procédure de redressement contradictoire » qui deviennent respectivement « La proposition de rectification et « La procédure de rectification contradictoire ». Ces modifications terminologiques, sur la base des suggestions du conseil de l’impôt, quoique sans incidence sur le déroulement et le contenu des procédures de contrôle fiscal, témoignent du souci de la DGI d’améliorer l’acceptation du contrôle par les usagers. Cf. L’article 27 de l’ordonnance 2004-281 du 25 mars 2004 relative à des mesures de simplifications en matière fiscale, complété par les décrets 2004-282 et 2004-283 du 25 mars 2004 qui a modifié les intitulés de la notification de redressement et la procédure de redressement contradictoire. Il s’agit de la charte du contribuable présentée par le ministre des finances Jean François COPE, le 17 mai 2005. (Il ne faut pas confondre la charte du contribuable avec la charte des droits et des obligations des contribuables vérifiés qui doit être remise au contribuable lors d’une vérification approfondie de comptabilité ou lors d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle) v. infra, bas de page, n° 74. Cette nouvelle procédure est prévue par la charte du contribuable (p.17) sous la section « votre bonne foi est présumée, vous pouvez vous tromper ». 131 L’administration fiscale française 24- Ensuite, la technique du « contrôle sur demande »64. Nouvel outil de dialogue avec l’administration fiscale, cette technique permet aux petites et moyennes entreprises d’être fixées sur leur situation fiscale en provoquant à leur demande une intervention de l’administration fiscale pour examiner et clarifier un point précis. Cette technique vise ainsi la sécurisation du contribuable quant à l’exacte application de la loi fiscale et permet une régularisation rapide en cas d’erreur. 25- Enfin, dans le cas d’un contrôle sur demande et dans tous les autres cas, tout contribuable de bonne foi qui ne conteste pas la présence d’erreurs relevées au cours d’une vérification de comptabilité, peut prétendre avant la clôture du contrôle à la procédure de « la régularisation spontanée »65. Cette technique qui permet au contribuable de ne pas attendre la fin de la procédure pour se mettre en conformité avec la législation fiscale, lui offre la possibilité de bénéficier d’une réduction de 50% du taux d’intérêt de retard décomptés sur une période plus courte. 26- Par ailleurs, on constate une érosion des singularités procédurales au stade du contentieux. La principale intervention du législateur consiste dans le renforcement des mesures d’attente en faveur du contribuable66. Le contribuable peut ainsi, obtenir, en fournissant des garanties suffisantes, un sursis de paiement ou introduire un référé suspension67 accompagné d’une réclamation 64 65 66 67 Cette procédure est prévue par la charte du contribuable (p.18) sous l’intitulé « votre bonne foi est présumée, nous nous engageons aussi à l’occasion des contrôles». Cette procédure est régie par l’article L.62 nouveau LPF. Elle remplace l’ancienne procédure de règlement particulière prévue par l’ancien art. L.62 du LPF. Elle est organisée par la BOI 13 L-01-05 et reprise par la charte du contribuable (p. 17) sous l’intitulé « votre bonne foi est présumée ». A. LEFEUVRE : « De la sécurité juridique en matière de recouvrement de l’impôt », D. fisc. 36/2003, p. 1045. Le mécanisme de sursis de paiement est prévu par l’article L.277 à L. 280 du LPF. Le référé suspension est issu de la loi de 30 juin 2000 ; V. sur la question Christian LOUIT : « Actualité des procédures contentieuses d’urgence : précisions sur la recevabilité d’un référé fiscal, à propos d’un jugement en appel du Tribunal administratif de Marseille », in Regards critiques et perspectives sur le droit et la fiscalité, mélanges offerts à Cyrille DAVID, Paris, LGDJ, p. 75-79. 132 L’administration fiscale française quant au fond. Ces mécanismes permettent au contribuable, qui conteste son imposition, d’en différer le paiement, jusqu’à ce que la juridiction de première instance ait statué. Dans le même ordre d’idées, en vue de rétablir l’égalité des armes entre l’administration et le contribuable, le Conseil d’Etat a admis que les parties puissent faire « valoir tout moyen nouveau, n’impliquant pas l’application des pièces justificatives ou de circonstances de fait qu’elles auraient du produire ou exposer dans leur demande préalable »68. B - La modernisation et la responsabilisation des services de l’administration fiscale 27- Outre l’évolution procédurale, toute l’administration fiscale semble évoluer. Cette évolution passe inévitablement par deux axes à savoir l’amélioration des relations avec le contribuable (1), ainsi que le recul de la franchise de la responsabilité des services fiscaux (2). 1- L’amélioration des relations avec l’usager- contribuable 28- En 2002, le Conseil des impôts observait déjà que « l’amélioration de la qualité des relations entre l’administration fiscale et le contribuable passe désormais bien d’avantage par la modernisation déjà engagée des comportements administratifs que par une nouvelle modification des textes en vigueur »69. Cette modernisation des comportements administratifs requiert plusieurs bouleversements « structurels » dans l’organisation interne de l’administration ainsi que dans le comportement des agents. « Les contribuables ne sont pas dans leur grande majorité, des fraudeurs et il convient d’en tenir compte dans les procédures fiscales et autres démarches à leur égard »70. Forts de cette attitude, les mouvements de la simplification administrative ont tous visé le renforcement du « centré usager ». Il s’agit d’accorder une place plus grande au contribuable dans la gestion de l’impôt et à développer la qualité des rapports avec les usagers, faciliter l’acceptation de l’impôt, 68 69 70 C.E. 17 mars 1999, n° 163.929, Gouet : Les nouvelles fiscales, n° 809, p. 28. XXe rapp. Conseil des impôts, nov. 2002. p. 195 et s. B. PARENT: Trente mesures pour améliorer les relations entre les contribuables et l’administration fiscale, RF fin. publ. fév. 2005, p. 87. (Directeur général des impôts au moment de la rédaction de ce travail). 133 L’administration fiscale française développer le civisme fiscal et mettre en évidence la notion du « contribuable partenaire »71. 29- L’administration fiscale aurait été profondément changée et serait devenue une « administration de service de référence »72. La nouvelle charte du contribuable en témoigne73. Ce changement serait notamment perceptible dans son organisation interne et ses modalités de fonctionnement, dans son état d’esprit, ses missions. Il s’agirait de bâtir « une relation de confiance entre les contribuables et l’administration fiscale »74 qui répond « aux souhaits des usagers contribuables en matière d’organisation et de fonctionnement de l’administration »75. 71 72 73 74 75 C. DEBANS : Le contribuable partenaire, Service public, n° 8 novembre 1992, p. 16 et s. Rapp. Annuel de performance DGI 2004, sept. 2005. Il s’agit de la charte du contribuable présentée par le ministre des Finances Jean François COPE le 17 mai 2005. Cette charte est conçue comme un guide des relations entre les usagers et l’administration fiscale. Elle regroupe trente quatre mesures au service du contribuable, issues de récents dispositifs légaux ou administratifs. Ces mesures tournent autour de trois thèmes : la simplicité, le respect, et l’équité (Il ne faut pas confondre la charte du contribuable avec la charte des droits et des obligations des contribuables vérifiés qui doit être remise au contribuable lors d’une vérification approfondie de comptabilité ou lors d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle). Document de référence pour les relations quotidiennes avec l’administration fiscale, la charte, opposable à l’administration, rappelle symétriquement au contribuable ses devoirs de citoyen : l’acceptation du principe de l’impôt, le respect de ses obligations et la reconnaissance de la légitimité de l’impôt. Elle s’inscrit dans la démarche de qualité engagée depuis plusieurs années par l’administration fiscale pour améliorer ses relations avec les usagers. En s’appuyant sur les trois grandes valeurs qui doivent guider l’action de l’administration : la simplicité, le respect et l’équité, cette charte systématise des mesures déjà mises en œuvre et met en place de nouvelles mesures à la recherche de l’établissement d’un climat de confiance entre le contribuable et l’administration fiscale. Elle annonce deux piliers de moyens : d’abord la réorganisation du fonctionnement de l’administration fiscale en vue d’améliorer le dialogue avec le contribuable. Ensuite, Parfaire la sécurité juridique du contribuable en matière d’interprétation de la norme comme en matière d’appréciation de certains éléments de fait dans le cadre d’un contrôle fiscal. Jean François COPE, préface de la charte du 17 octobre 2005. GILLES Noël : La charte du contribuable ou l’administration fiscale de service, Dr. fisc, 2005, n° 47, p. 41. 134 L’administration fiscale française 30- D’abord, moins régalienne, que lors de sa constitution par le décret du 16 avril 1948, l’administration fiscale et notamment la DGI, s’efforce de se présenter et de se structurer davantage comme une administration de service76 que comme l’administration de contrôle qu’elle était autrefois. Cette réforme a commencé par le contrat d’objectifs et de moyens conclu entre la DGI et la direction du budget pour la période 2000-2002. Elle implique une profonde réorganisation de la structure interne des services fiscaux. D’une organisation conçue uniquement en faveur du perfectionnement du contrôle fiscal, on passe à une organisation pensée pour « l’usager contribuable ». La première manifestation consiste en la mise en place d’un interlocuteur unique adapté à chaque type de contribuable. On assiste alors, pour répondre aux besoins spécifiques des grandes entreprises, à la création en 2002, au sein de la DGI, de la direction des grandes entreprises (DGE)77 qui constitue un véritable interlocuteur unique pour les plus grandes entreprises installées en France. 76 77 Maurice LAURE fut le premier à évoquer dans son célèbre « Traité de politique fiscal » la nécessité pour l’administration fiscale de devenir une administration de service. Les administrations fiscales « …doivent donner l’impression qu’elles sont des organismes préposés à leur rendre service beaucoup plus qu’à les surveiller ». Il a proposé à cet effet des mesures concrètes à mettre en œuvre. Il s’agit des méthodes de « public-relations » qui doivent concerner la documentation, le renseignement, la présentation, la simplification, la conciliation et la formation psychologique (…). Ces propositions couvrent avec une cinquantaine d’année d’avance les avancés du programme « pour vous faciliter l’impôt » repris par la charte du contribuable. V. Maurice LAURE : Traité de politique fiscale, PUF, 1956, p. 391 et s. Décidée à la fin des années 1990 et mise en place au 1er Janvier 2002, la DGE, permet aux grandes entreprises de déclarer et de payer toutes les impositions dont elles sont redevables et leur offre la possibilité d’opérer une compensation entre les impôts dus et les créances fiscales détenues sur l’Etat. Diverses mesures ont accompagné sa création pour aider les entreprises dans leurs démarches : gestion personnalisée des procédures particulières auxquelles peuvent prétendre les entreprises, regroupement des contentieux fiscaux dans un même tribunal, des services administratifs plus disponibles et plus compétents. Quatre ans après sa création, les entreprises portent un jugement très favorable sur elle. Cf. DUFANT Thierry : La direction des grandes entreprises, RF fin publ. fév. 2005, n° 89, p. 109 et s. 135 L’administration fiscale française 31- Ensuite, soucieuse d’accroître le dialogue avec le contribuable, la charte encourage une meilleure accessibilité et une simplification de l’accès à l’administration fiscale à travers l’organisation d’une administration « multi- accès » par l’utilisation et le développement des « nouvelles technologies »78 en vue de garantir une meilleure efficacité et une plus grande rapidité dans le traitement des demandes. La charte prévoit ainsi des délais de réponse très brefs aux courriers, aux appels téléphoniques des contribuables ainsi qu’un traitement « personnalisé » des demandes79. Pour ce faire, l’administration fiscale met actuellement en place des formations destinées aux jeunes vérificateurs pour gommer les éventuelles attitudes silencieuses de ceux-ci. De même, l’administration a développé certaines structures « d’arbitrage »80 destinées à associer le contribuable à la prévention des conflits à commencer par la commission communale des impôts directs, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaire, la commission départementale de conciliation, en passant par la possibilité de saisine du médiateur « MINEFFI » et enfin la mise en place des conciliateurs départementaux depuis 2004. La réalité de la mise en place de ces dispositions est sous « la surveillance constante de comité (s) (national et local) des usagers » 81. 78 79 80 81 Il s’agit à titre d’exemple de la mise en place du portail Internet « MINEFFI au service des entreprises », développement des télé procédures, la mise en place du programme « pour vous faciliter l’impôt 2004 » comportant neuf engagements de service consistant à élargir la disponibilité des services fiscaux (charte du contribuable p.11), la mise en place des « centres d’appel téléphoniques », la mise en place du dossier fiscal électronique consultable à distance par le contribuable, la mise en place de la déclaration simplifiée et pré remplie. V. DAILHE P. : Copernic : RF fin publ. fév. 2005, n° 89, p. 127 et s. Charte du contribuable (p. 11) sous la section « A votre service, un contact facilité, un traitement rapide et personnalisé » NOEL Gilles : La charte du contribuable ou l’administration fiscale de service : véritable « révolution » ou simple « miroir aux alouettes », Dr. fisc. N° 47, 24 nov. 2005, p. 1805. Charte du contribuable p. 21. 136 L’administration fiscale française 2- La limitation de la franchise de la responsabilité des services de l’administration fiscale 32- En avançant tant l’adage « le roi ne peut mal faire » et tant les « difficultés inhérentes aux services assurés par le fisc », l’administration fiscale s’est longtemps tenue pour irresponsable de ses fautes. Le C.E a cependant, par petites touches successives, non seulement mis des limites à l’irresponsabilité du fisc mais, tend également à aligner le régime de la responsabilité de l’administration fiscale sur le régime de droit commun. La haute juridiction administrative a d’abord, reconnu la responsabilité du fisc en se basant sur le concept de la faute lourde, elle en a élargi le champ d’application, ensuite, pour tendre vers un régime de droit commun aménagé. 33- Reconnue en 191382, la responsabilité de l’administration a été subordonnée à la preuve d’un fait dommageable et d’un préjudice certain et direct du fait dommageable. La responsabilité de l’administration fiscale est, en principe, une responsabilité pour faute. Le CE a bâti la responsabilité du fisc en opérant une distinction selon la nature de l’opération : les opérations d’assiette et de recouvrement et les opérations qui en sont détachables. Ainsi dès 1935, le Conseil d’Etat a reconnu la responsabilité de l’administration pour faute simple, concernant les opérations détachables des opérations d’assiette et de recouvrement. Il s’agit notamment des cas de promesses non tenues83 ou des cas de fourniture de renseignements non exacts pour le contribuable84. En revanche, pour les fautes qui s’attachent aux opérations d’assiette et de recouvrement, le fondement de la responsabilité des services fiscaux a connu une évolution. On est passé de l’exigence initiale d’une faute d’une gravité exceptionnelle 85 à celle d’une faute manifeste et d’une particulière gravité pour arriver 82 83 84 85 C.E., 21 février 1913, Compagnie générale parisienne de tramways, Rec. Lebon, p. 248. Par cet arrêt la haute juridiction administrative reconnaît pour la première fois la responsabilité du fisc, Huit ans après l’arrêt Tomaso Grecco qui a mis fin à l’irresponsabilité du service public le plus lié à la souveraineté de l’Etat. CE., 8 février 1905, Rec. Lebon, p. 139. C.E., 12 octobre 1984, R.J.F. 1984, n° 12, com.1475. C.E. 8 juillet 1988, R.J.F. 1988, n° 10, com.1161. C.E. 1 juillet 1927, Denoreuil, D. 1928.3.21, note TROTABAS. 137 L’administration fiscale française à la solution actuelle ou on alterne entre l’exigence d’une faute lourde et d’une faute simple selon les cas. Deux étapes caractérisent la jurisprudence française. Avant 1990, le juge administratif exigeait une faute « d’une gravité exceptionnelle » pour engager la responsabilité de l’administration fiscale, puis une « faute manifeste et d’une particulière gravité »86, avant d’arriver à l’engagement de la responsabilité par la « faute lourde »87. En 1990, par l’arrêt « Bourgeois » 88, le CE a introduit un nouvel élément d’appréciation à savoir « les difficultés particulières tenant à l’appréciation de la situation des contribuables ». Le CE considère que les opérations qui se rattachent au calcul et au recouvrement de l’impôt ne sont pas soumises à une présomption absolue de difficultés. Il en ressort que lorsque les services fiscaux réalisent une tache dépourvue de difficultés spécifiques, leur responsabilité peut être engagée même en absence de faute lourde. La jurisprudence opte pour un examen in concreto de chaque opération en cause. Le juge est amené ainsi, au gré des affaires qui lui sont soumises, à suivre pas à pas les circonstances qui entourent la procédure de contrôle et à en apprécier la difficulté. Cette tendance a été confirmée tant dans l’arrêt « Champagne » 89, dans l’arrêt « Garges-lès-gonesse » 90 quelques mois plus tard que dans l’arrêt « Commune d’Arcueil » 91 quelques années plus tard. La franchise de responsabilité reconnue à l’administration fiscale va se réduire davantage, au point de susciter des interrogations sur la possibilité de voir disparaître le régime de la responsabilité de la faute 86 87 88 89 90 91 C.E. 30 octobre 1954, ministre des affaires économiques c/ Murat. p.566. C.E., 21 décembre 1962, Dame Husson –Chiffre, D. 1963, p. 558, note J.Lemasurier ; CE 11 juillet 1984, SISO, RJF, 1990, n° 8-9, p. 632. C.E. 27 juillet 1990, Rec. CE, p. 242 ; RFD adm. 1990, p. 899, concl. N. Chahid-Nourai. Le juge administratif constate que les « erreurs relevées dans la saisie et le traitement informatisé des déclarations et dans l’exécution d’opérations qui, si elles ne se rattachent aux procédures d’établissement et de recouvrement de l’impôt, ne comportent pas de difficultés particulières tenant à l’appréciation de la situation des contribuables ; qu’elles sont constitutives d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat …». L’arrêt bourgeois fut, par ailleurs, le premier à instituer un parallélisme entre le régime de responsabilité envers les collectivités locales et envers les particuliers. C.E. 31 octobre 1990, Rec. Lebon, p. 309. C.E. 1 3 mai 1991, Dr .fisc. 1992, n° 5, com.158. C.E 29 décembre 1997 n° 151472, Commune d’Arcueil, RFD adm. 1998, p. 97. 138 L’administration fiscale française lourde, même partielle. Une évolution récente remarquée dans quelques arrêts du CE ainsi que dans ceux de la cour administrative d’appel de Paris semble laisser croire, cependant, qu’on est entrain de mettre en place un régime de responsabilité sans faute. Cette idée initiée par l’arrêt S.I.S.O92 et confirmée par l’arrêt Tripot93 résulte de l’intérêt du Conseil d’Etat pour la gravité et la nature du préjudice. 33- L’évolution du régime de la responsabilité des services fiscaux pourrait, dans l’avenir, s’orienter vers la mise en place d’un régime de droit commun aménagé, c'est-à-dire sans franchise de responsabilité mais assorti de quelques aménagements. D’ailleurs n’at-on pas précisé que « la disparition de la faute lourde est inéluctablement inscrite dans l’évolution du droit public français »94. C- Le renforcement de la sécurité juridique du contribuable 34- L’amélioration des rapports avec l’administration suppose également un effort de parfaire la sécurité juridique du contribuable. La charte du contribuable intègre la nécessité d’assurer la sécurité fiscale95. Cette garantie passe par deux impératifs : la simplification de la norme fiscale (1) et la contractualisation de la relation avec le contribuable (2). 1- L’émergence du principe de l’intelligibilité de la norme fiscale 35- La simplification des dispositions fiscales constitue un élément essentiel dans l’amélioration de la relation avec l’administration fiscale. La norme fiscale étant toujours ressentie comme complexe et inintelligible. Or, cette complexité alimente des 92 93 94 95 C.E 11 juillet 1984, S.I.S.O., RJF 10/ 1984, n° 1256. C.E 16 juin 1999, n° 8 et 9, com. 1049. Dans cette affaire, le juge administratif suprême condamne pour la première fois, l’administration fiscale à indemniser le dirigeant d’une société mise en liquidation suite à une procédure de contrôle manifestement fautive. Le juge insiste sur le fait que, la mise en liquidation a conduit le dirigeant non seulement à la perte e son emploi, mais aussi à une dégradation de sa santé physique, une invalidité de 80% étant reconnu. C.E 20 juin 1997, Theux, D. 1999, p. 46. La charte du contribuable comporte une section « Une administration qui respecte les personnes et les droits : vous avez droit à la sécurité juridique ». 139 L’administration fiscale française difficultés particulières. Le Conseil constitutionnel français semble amorcer une solution en érigeant au rang d’objectifs à valeurs constitutionnelles, le principe « d’intelligibilité de la norme » 96. En ce faisant, il met en place « des garanties proches du principe de la sécurité juridique qui constitue, selon lui, un « souci » à prendre en compte par le législateur »97.La règle de droit « doit être, pourrait-on dire- consubstantiellement intelligible, à défaut, l’arbitraire n’est guère éloigner »98. 36 – Illustration [du principe cadre] de la sécurité juridique99, le principe d’intelligibilité de la loi n’a curieusement jamais été défini par la jurisprudence. La CJCE, suivie par le Conseil constitutionnel 96 97 98 99 La première décision du conseil constitutionnel qui consacre explicitement ce principe fut celle du 16 décembre 1999, « …cette finalité répond au demeurant à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.. ». Déjà en germe depuis 1998 (DC n° 98-401 du 10 juin 1998), cette position a été confirmée ultérieurement par la décision du conseil n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000 et celle n° 2001-455 DC du 12 janvier 2001 relative à la loi dite de modernisation sociale. Le juge constitutionnel, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois, se montre particulièrement attentif à ce que le législateur « ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel» tel que l’intelligibilité et l’accessibilité de la loi, proches de l’idée de la sécurité juridique. Le juge constitutionnel, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois, se montre particulièrement attentif à ce que le législateur « ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel» tel que l’intelligibilité et l’accessibilité de la loi, proches de l’idée de la sécurité juridique. Le juge constitutionnel, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois, se montre particulièrement attentif à ce que le législateur « ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel» tel que l’intelligibilité et l’accessibilité de la loi, proches de l’idée de la sécurité juridique. V. Céline LERAILLE : Insécurité fiscale : quelle protection pour le contribuable ? Les nouvelles fiscales, n° 883, 1er janvier 2003, p.21. V. DC 9 Avril 1996, n° 373, cité par le même auteur. BERGERES Maurice Christian : « Un principe à valeur constitutionnelle paradoxalement ignoré du droit fiscal : l’intelligibilité de la loi », Dr. fisc, 2003, n° 24, p. 794. HUGLO J.-G : « La Cour de cassation et le principe de la sécurité juridique », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 11 ; Rapp. Du Conseil d’Etat, « Sécurité juridique et complexité du droit », Etudes et documents du Conseil d’Etat, 2006, p. 225-406. 140 L’administration fiscale française français100, exige que la norme soit « suffisamment accessible » et qu’elle soit énoncée avec « assez de précision »101. La complexité de la norme ne serait cependant être assimilée à l’inintelligibilité102. Force est de constater, cependant, que ce principe n’a jamais été invoqué à l’appui d’un recours devant le Conseil constitutionnel à l’encontre d’un texte fiscal. A notre connaissance, aucune disposition fiscale n’a été censurée en considération de ce principe. La consécration explicite de ce principe en matière fiscale serait souhaitable. La non clarté et l’incohérence des textes fiscaux peuvent prêter main forte au juge constitutionnel103. 37- Au-delà de la consécration jurisprudentielle inachevée, différentes mesures ont été mises en place pour garantir la compréhensibilité de la norme fiscale. La loi 2003-591 du 2 juillet 2003 et l’ordonnance 2004-281 du 25 mars 2004 relative à des mesures de simplification en matière fiscale vont dans ce sens, mais le chantier reste largement immense. Par ailleurs, bien qu’informelle, la consultation des entreprises à travers leurs organisations professionnelles pour la préparation des textes sectoriels et pour l’élaboration des instructions administratives d’application de la loi est bien d’actualité. Cette pratique doit, cependant être parfaite en associant d’avantage les contribuables à la préparation de la norme fiscale104. Ceci permettrait d’éviter des problèmes d’application qui peuvent apparaître tardivement après le vote de la loi ou la publication de l’instruction et qui ne pourraient être traités que par le contentieux. 100 101 102 103 104 « La garantie des droits ne peut être effective si les citoyens ne disposaient pas d’une connaissance suffisante des normes qui leurs sont applicables ». DC 16 décembre 1999. CEDH, 26 avril 1979, Sunday Times c/ Royaume uni, série A, n° 217, §49. En effet, une loi dont les dispositions sont complexes peut être intelligible, selon le Conseil constitutionnel français, dès lors que les règles qu’elle édicte sont précises Cons. Const. , n° 2001- 45318 DC, 18 décembre 2001. Cf. Christophe DE LA MARDIERE : « chronique de jurisprudence constitutionnelle », petites affiches, 23 septembre 2002, p. 4. Maurice Christian BERGERES: « Un principe à valeur constitutionnelle paradoxalement ignoré du droit fiscal : l’intelligibilité de la loi », Dr. fisc, 24/2003, p. 798. V. XXe Rapport du conseil des impôts, « Les relations entre les contribuables et l’administration fiscale » : Dr. fisc. 2003, n° 4, p. 119. 141 L’administration fiscale française L’assouplissement de la norme fiscale peut, également, passer par une harmonisation de la jurisprudence105. 2- La contractualisation des relations administration contribuable 38 - La collaboration entre l’administration fiscale et le contribuable trouve son essor dans la contractualisation de leur relation106. Deux manifestations caractérisent cette contractualisation : d’abord, la technique de transaction et ensuite, la technique du rescrit fiscal. 39- La transaction peut être définie comme étant « une convention par laquelle les parties mettent fin à une contestation moyennant concessions réciproques »107. En vertu de cette convention, le contribuable s’engage à admettre la solution fiscale retenue par l’administration. L’administration de son coté, doit consentir à une atténuation des pénalités. En raison de ce caractère conventionnel, la transaction ne peut porter que sur les montants qui ne présentent pas un caractère définitif, c'est-à-dire qui ne sont pas devenus insusceptibles de contestation par voie contentieuse. Cette technique peut, néanmoins, emporter de graves conséquences pour le contribuable. En effet, lorsque elle devient définitive, la transaction fait obstacle à l’engagement d’une procédure contentieuse qui aurait pour but de remettre en cause les pénalités alors même que l’illégalité de l’imposition serait établie. Certains auteurs vont même jusqu’à considérer que cette technique porte atteinte au principe de la légalité de l’impôt puisqu’en acceptant la réduction des pénalités, le contribuable peut se voir contraint d’acquitter une imposition principale illégale. 40- Le rescrit fiscal constitue la deuxième manifestation de la contractualisation de la relation de l’administration avec le contribuable. Mis en place par la loi du 8 juillet 1987 et codifié par 105 106 107 En effet, à l’exception de la matière d’abus de droit- où on constate une convergence de solutions - nombreuses contradictions entre les deux ordres de juridictions persistent. Jacques BUISSON : « Réflexions sur l’impôt et le contrat », in Perspectives du droit public, Mélanges offerts à Jean Claude HELIN, paris 2004.p. 133-141. Art. 2044 du code civil 142 L’administration fiscale française l’article L. 64 du LPF, le rescrit fiscal, inspiré de la technique du « Ruling »- pratiquée aux Etats-Unis-, donne au contribuable, qui envisage d’imaginer des montages juridiques pour en tirer les avantages fiscaux, la possibilité de solliciter préalablement l’administration fiscale en vue de lui demander la qualification de l’opération. Le silence pendant six mois ainsi que la réponse positive engage l’administration108. Cette réponse est assimilée à un contrat en ce que l’administration ne peut plus redresser ce contribuable sur la base de l’abus de droit après qu’elle ait manifesté son acceptation tant tacite qu’explicite109. Cette procédure de rescrit général a été confortée par le dispositif de « rescrit post-contrôle »110. Organisé par une simple instruction administrative111et intégré dans la charte du contribuable112, ce nouveau dispositif113, qui ne peut prétendre à aucune base législative, étend, sous certaines conditions, la garantie du contribuable contre les changements de la doctrine administrative prévue par les articles L.80A et L.80B du LPF114 aux points examinés 108 109 110 111 112 113 114 Cette technique a été systématisée par la charte du contribuable sous la section « Vous avez droit à la sécurité juridique : nos prises de position nous engagent ». La loi de finance pour 2005, a élargit d’avantage cette technique de rescrit fiscal. L’article 24 repris par l’article L.80 B du LPF a étendu cette procédure de rescrit aux entreprises qui participent à un projet de recherche et de développement dans une zone de recherche et de développement. Désormais ces entreprises peuvent demander à l’administration s’ils remplissent les conditions requises pour bénéficier du régime d’exonération. Cf. Nada MAALEJ MAHDI : « Notes sous instruction du 20 juillet 2005 relative aux garanties supplémentaires au profit du contribuable», Revue tunisienne de fiscalité, N° 4, p. 133 et s. Instruction du 20 juillet 2005, BOI 13 L-3-05 : Dr. fisc. 2005, n° 36, 2005, p. 321. La charte du contribuable du 17 octobre 2005 évoque ce dispositif sous la section intitulée « Vous avez droit à la sécurité juridique » : « Le chef d’entreprise peut demander au vérificateur présent dans l’entreprise de prendre position sur un point qu’il a examiné précédemment et qui n’a pas donnée lieu à rectification ». CAA Nantes, 1er mars 1999, req. n° 96-836 : Dr. fisc. 1999, c. 941; CAA Marseille, 8 mars 1999, req. n° 97-1194, Gambini : RJF 1999, c. 1311; CAA Bordeaux, 27 juin 2000, req. n ° 97-406, Alliaire : RJF 2000, n° 1197 ; CE 29 septembre 2000, req. n° 198.325, Le Diberder : RJF 2000, n° 1475. Les articles L.80A et L.80B du LPF ont pour ambition de protéger le contribuable qui a organisé sa situation en se fiant à une interprétation de la 143 L’administration fiscale française au cours d’une vérification de comptabilité et qui n’ont pas donné lieu à une rectification. Désormais, lors d’un contrôle fiscal, l’entreprise jouit de la possibilité de solliciter l’administration en vue d’une prise de position formelle se rapportant aux situations de droit ou de fait qui ont fait l’objet d’un contrôle fiscal mais qui n’ont pas abouti à un rehaussement. La prise de position, formulée par un agent habilité, engage l’administration et lui est opposable. Il s’ensuit que lors d’un contrôle fiscal ultérieur, l’administration ne peut procéder à aucun rehaussement des impositions antérieures en se fondant sur une interprétation différente de sa position formelle précédemment notifiée au contribuable, aussi longtemps que la situation de fait, les textes ou la doctrine administrative publiée n’ont subi de modification. Il s’agit d’une mise en échec du droit de reprise lorsque la cause du rehaussement repose sur une interprétation différente de celle précédemment admise par l’administration. Il s’agit d’un « gardefou » au changement de la doctrine administrative. La garantie de rescrit post contrôle, en dépit, de ses limites, constitue un pas « vers la sécurisation du contribuable »115, en ce qu’elle permet au contribuable de contractualiser avec l’administration fiscale. 41- Certes, plusieurs mesures ont été adoptées en vue de garantir l’amélioration de la relation entre l’administration et le contribuable. L’administration fiscale, a priori autoritaire, s’est engagée au cours des dernières années, « dans une mutation culturelle visant à fonder sur une plus grande confiance réciproque le 115 norme fiscale ou à une appréciation d’une situation de fait donnée par l’administration. Il ressort de l’article L. 80 A du LPF que l’administration ne peut procéder « à aucun rehaussement d’impositions antérieures » basées sur une interprétation admise par ses services, à la date des opérations en cause, à condition que la dite interprétation soit formalisée sur un support soit à caractère individuel soit à caractère général (instructions ou circulaires). L’article L 80 B al.1 LPF étend cette garantie à l’appréciation portée par l’administration sur une situation de fait au regard d’un texte fiscal. Cet article a été complété par un al.2 qui étend cette garantie à certains accords tacites en réponse à certaines demandes de prise de position formelles adressées à l’administration. Cf. MAALEJ MAHDI Nada : « Note sous instruction Française du 20 juillet 2005 relative aux garanties supplémentaires au profit du contribuable», op.cit. 144 L’administration fiscale française consentement des contribuables à payer l’impôt »116. Cet engagement s’est traduit par une évolution progressive des comportements et devraient s’accompagner par une détermination en ce qui concernerait la gestion du personnel. Ces mesures devraient, cependant, s’apprécier dans le temps notamment s’agissant des « outils de sécurité juridique car leur succès ne dépend pas que de l’offre de service. Il est aussi tributaire de la volonté des contribuables d’y recourir, c'est-à-dire pour partie de l’image de l’administration qui ne peut évoluer que dans la durée »117. C’est dans ce sens que le Conseil des impôts Français « encourage l’émergence d’une culture de qualité, garantie principale de la pérennité d’un service public»118. L’administration fiscale tunisienne suivra t-elle le même chemin119. 116 117 118 119 Cf. XXe rapport du Conseil des impôts : Les relations entres les contribuables et l’administration fiscale : Dr. fisc. 2003, n° 4, p. 119. ; V. également sur la question du fondement social de l’impôt, Michel BOUVIER : «Nouveau civisme fiscal et transformations de l’alliance citoyen contribuable », Revue tunisienne de fiscalité, n° 3, 2005, p. 7-26 B. PARENT : Trente mesures pour améliorer les relations entre les contribuables et l’administration fiscale, RF fin. Publ. Fév. 2005, p. 95-96. Cf. Le XXe rapport du Conseil des impôts : Les relations entre les contribuables et l’administration fiscale : Dr. fisc. 2003, n° 4, p. 120. Sur la question de la relation du contribuable avec l’administration en Tunisie, cf. Rafâa BEN ACHOUR « Le renouvellement des relations entre les citoyens et l’administration en Tunisie », in Perspectives du droit public, Mélanges offerts à Jean Claude HELIN, paris 2004.p. 39-53. 145