Nada MAALEJ MAHDI Allocataire de recherche

Transcription

Nada MAALEJ MAHDI Allocataire de recherche
L’administration fiscale française
L’ADMINISTRATION FISCALE FRANCAISE
FACE AU CONTRIBUABLE :
QUELLE EVOLUTION ?1
Nada MAALEJ MAHDI2
Allocataire de recherche
rattachée au CERFF3
Enseignante à la Faculté de
Droit Jean MOULIN Lyon II
Sommaire
I- D’une administration fiscale autoritaire
A- L’insuffisance des garanties de la charte du contribuable
au stade du contrôle fiscal
B- L’inégalité des armes au stade du contentieux fiscal
C- Un cadre juridique et organisationnel défavorable à la
sécurité du contribuable
II- …vers l’amélioration croissante de la protection accordée à
l’usager contribuable
A- La valorisation des garanties du contribuable face à
l’administration fiscale
B- La modernisation et la responsabilisation des services de
l’administration fiscale
C- Le renforcement de la sécurité juridique du contribuable
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La présente communication a été présentée lors d’un colloque organisé par la
faculté de droit et la faculté des lettres et sciences humaines de l’Université
Jean Moulin Lyon III ayant pour thème « La puissance publique ». Elle a été
actualisée à la lumière de la charte du contribuable présenté par la ministre des
finances, M. Jean François COPE, le 19 octobre 2005. Les actes de ce colloque
sont en cours de publication à la revue « Cahiers fiscales du CERFF ».
E-mail : [email protected]
Centre de Recherches en Finances Publiques et Fiscalité, Faculté de Droit,
Université Jean MOULIN Lyon III.
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L’administration fiscale française
« Le rapport de l’autorité de l’administration
avec « l’assujetti », mot qui ne fait plus partie de notre
vocabulaire depuis plusieurs années, ne suffit plus.
La notion « d’administration de service » affirme
une obligation réciproque. Les contribuables doivent
l’impôt bien sur, et cela demeurera, mais nous leur
devons le service et la qualité » comme le requière
« le client » d’une société consommatrice »4.
1- Incarnation de la puissance publique, l’administration
fiscale tend par la mise en œuvre des prérogatives de la puissance
publique à des fins de service public. Etant le principal interlocuteur
du contribuable, elle a pour principale mission d’éviter que ne soit
éludée « l’honorable obligation fiscale ».
2- Cependant, l’administration fiscale n’est pas pour autant,
dispensée d’être soumise à la loi dans un Etat de droit. L’Etat de droit,
étant défini, comme un « système institutionnel dans lequel la
puissance publique est soumise au droit »5. Un tel système suppose,
par ailleurs, « l'égalité des sujets de droit devant les normes juridiques
et l'existence de juridictions indépendantes »6.
3- Or, le propre de la puissance publique, notamment
l’administration fiscale, est que combien même elle est soumise au
droit, le droit ne la place pas sur un pied d’égalité avec le contribuable.
En effet, investie d’une mission de service public, l’administration
fiscale est chargée de veiller à ce que les contribuables s’acquittent de
leurs dettes fiscales vis-à-vis de la société. Pour ce faire, le législateur
l’a doté de prérogatives de puissance publique : le contrôle fiscal,
l’imposition d’office, le recouvrement forcé de l’impôt.
4- La relation entre le contribuable et l’administration
s’apparentera, ainsi, depuis sa création, à une relation d’antagonisme7.
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Ph. Le MOING-SURZUR. : Pilotage, contrôle de gestion et contrat de
performance à la DGI, R.F.F.P., fév. 2005, n° 89 p. 101. (Mr. Le MOINGSURZUR est un haut fonctionnaire de la DGI)
Jacques CHEVALIER : L’Etat de Droit, Montchrestien, 1995, p.108.
Idem
Face aux prérogatives de puissance publique dont dispose l’administration
fiscale, le contribuable devrait être doté d’un statut protecteur. L’étendu de ce
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L’administration fiscale française
D’une part, une administration qui veut s’accaparer tous les droits
pour assurer avec efficience sa mission de service public qu’elle soit
au stade du contrôle ou bien au stade du contentieux. D’autre part, un
contribuable qui cherche à se soustraire de cette hégémonie.. N’a-t-on
pas précisé que l’impôt « suscite un sentiment d’impuissance car il
établit un rapport immédiat, sans amortisseur d’aucune sorte, entre
l’individu isolé, désarmé face au moloch étatique »8 provoquant chez
le contribuable une réaction totalement « irrationnelle » qui rappelle
« Les réactions de l’enfant face à des parents dominateurs. Ne
pouvant rivaliser avec eux, il encourt à des modes de défense
infantiles tel(s) que l’obstination rageuse »9. Il s’agit de trouver le
subtil équilibre entre la protection des droits du contribuable et les
droits de l’administration fiscale10.
5- L’évolution des droits du contribuable face à
l’administration s’est traduite par le passage d’une puissance publique
autoritaire qui exerce, de par ses prérogatives, une excessive emprise
sur la procédure fiscale (I) vers une puissance publique « de service »
qui cherche à collaborer, à coopérer, voire à contractualiser ses
relations avec le contribuable et à en faire un véritable partenaire. Une
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9
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statut est rendu nécessaire par le caractère exorbitant du droit fiscal, son
caractère spoliateur aux yeux de la doctrine libéral orthodoxe et,
corrélativement, le risque d’atteinte aux libertés publiques que représente son
existence même. L’ampleur du poids économique de la fiscalité et la dimension
tentaculaire du fisc dans nos sociétés contemporaines de même que le degré de
conscience et d’exigence des citoyens militent en faveur de l’octroi de ces
garanties.
Gilbert TIXIER, Guy GEST : « Droit fiscal », L.G.D.J. 1981, p. 247 et s.
Idem.
Cette étude n’aura guère la prétention de recenser les garanties du contribuable
face à la puissance publique, ni de recenser les prérogatives de puissance
publique dont dispose l’administration. Il s’agit plutôt de mettre en exergue
l’évolution du schéma normatif et jurisprudentiel Français. Grâce doit être
rendue, à un effort conjugué entre le législateur créateur de la norme fiscale et le
juge garant de l’application de la norme fiscale. Les deux acteurs externes à la
procédure fiscale, conscients d’une part, de la nécessité d’une administration
forte non paralysée et, d’autre part, du respect des garanties constitutionnelles
du contribuable, vont constamment osciller entre deux aspirations. D’un coté
préserver les intérêts de la puissance publique et essentiellement les deniers de
l’Etat, et d’un autre coté ne pas laisser sans protection le contribuable.
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L’administration fiscale française
évolution qui annonce une constante amélioration des garanties du
contribuable (II)
I- D’UNE ADMINISTRATION FISCALE AUTORITAIRE
6- L’administration fiscale fait partie « des administrations de
l’Etat dont les relations avec les usagers se sont longtemps exercées
sur le principe de l’autorité »11. L’emprise de l’administration sur la
procédure fiscale s’illustre à travers l’insuffisance des garanties
offertes par la charte du contribuable au stade du contrôle fiscal (A),
l’inégalité des armes entre le contribuable et l’administration fiscale
au stade du contentieux (B), ainsi que le dispositif normatif et
organisationnel défavorable au contribuable (C).
A- L’insuffisance des garanties de la charte du
contribuable au stade du contrôle fiscal
7- Animée par le souci de mettre fin au « déséquilibre entre
l’importance de l’arsenal répressif dont dispose l’administration et la
faiblesse de l’effort de l’explication du prélèvement public »12,
l’administration fiscale française13 a doté l’arsenal juridique de « La
charte du contribuable vérifié »14. A l’origine, simple instrument de
bonne volonté de la part de l’administration fiscale15, la charte du
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XXe Rapport du Conseil des impôts : Les relations entres les contribuables et
l’administration fiscale : Dr. fisc. 2003, n° 4, p. 119.
CHARLES Christopher : « L’évolution de la charte du contribuable vérifié »,
B.F. n° 3/05, p. 187.
L’administration fiscale française a été guidée par les propositions de réforme
de la commission pour l’amélioration des rapports entre les citoyens et les
administrations fiscales et douanières présidée par M. Maurice AICARDI, Cf.
CHARLES Christopher : « L’évolution de la charte du contribuable vérifié »,
B.F. n° 3/2005, p. 186 et s.
La charte du contribuable vérifié prétend résumer « de manière très concrète les
garanties dont bénéficie le contribuable tout au long du contrôle ». C’est un
document qui reprend l’ensemble de la procédure régissant le contrôle fiscal
tout en simplifiant le langage juridique, souvent complexe et peu intelligible.
L’ancêtre de la charte du contribuable a vu le jour en 1958. Il s’agissait d’une
brochure administrative intitulée « Aide mémoire du contribuable ». Ce texte
précisait les principales règles applicables en cas de contrôle fiscal. Une note
administrative du 12 juin 1958 (Note n° 120 du 12 juin 1958, BOCD n° 26 du
25 juin 1958, IIIe partie p. 81 et S,) recommandait l’envoi de ce texte au
contribuable faisant l’objet d’une vérification de comptabilité. Cependant cet
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L’administration fiscale française
contribuable vérifié est devenue un document qui a une « valeur
légale »16 avec la loi du 8 juillet 1987 modifiant les procédures
fiscales et douanières. Suite à cette loi, un alinéa 4 a été ajouté à
l’article L.10 du LPF17. Lors d’une vérification de comptabilité ou lors
d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle,
l’administration doit obligatoirement transmettre la charte au
contribuable vérifié. Par ailleurs, les dispositions de ladite charte sont,
désormais, opposables à l’administration.
8- Cependant, en dépit de la clarté du texte, que ce soit sur la
question de sa transmission ou sur la question de son opposabilité « le
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usage n’a pas tardé à être abandonné. L’idée a refait surface en 1974 (à l’époque
ou l’administration fiscale était confrontée à une importante agitation
antifiscale). Le ministre de l’économie et des finances, M. jean Pierre
FOURCADE, en réponse à une question parlementaire, annonce la mise au
point de « la charte du contribuable vérifié ». La charte, qui résumait de façon
claire et précise les dispositions existantes, a été mise en service à la fin du mois
de juin 1975. Une note de 19 juin 1975 prévoyait la remise de la charte aux
contribuables en cas de vérification de comptabilité et de vérification
approfondie de la situation fiscale personnelle (VASFE). Cependant, sur le plan
juridique l’absence de la remise de la charte ne viciait nullement la procédure
(CE 20 mars 1985, req. n° 45 589 : RJF 1985, p. 398.), de même les
dispositions de ladite charte n’étaient nullement opposables à l’administration
(CE 27 janv.1986, req. n° 46. 341 : Dr. fisc. 1986, c. 916.). Ce document n’était
en réalité qu’un document d’information. Sur la charte du contribuable vérifié,
V. J. MEURANT, « Une innovation en droit fiscal : la charte du contribuable
vérifié », Petites affiches ,4 janvier 1989, p. 10 et s.
L’article 8 de la loi du 8 juillet 1987 a été codifié sous l’article 10 du LPF. Cet
article fut le premier texte juridique à reconnaître l’existence de la charte du
contribuable comme étant un document à valeur légale. Un auteur considère que
la charte du contribuable telle qu’elle se présente aujourd’hui, c'est-à-dire un
document dont l’existence est reconnue par la loi, constitue un édifice législatif
dans la mesure ou la remise au contribuable d’une charte précisant ses droits et
ses obligations lors d’une vérification faisait partie des propositions de réforme
de la commission pour l’amélioration des rapports entre les citoyens et
l’administration fiscale et douanière présidée par M. Maurice AICARDI.
V. Christopher CHARLES : « L’évolution de la charte du contribuable
vérifié », op. cit, p. 186.
Aux termes de l’al. 4 de l’article 10 du L.P.F « Avant l’engagement d’une des
vérifications prévues aux articles L.12 et L.13 du livre des procédures fiscales,
l’administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et
obligations du contribuable vérifié, les dispositions contenues dans la charte
sont opposables à l’administration ».
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juge administratif a bâti un régime juridique modéré du statut de la
charte du contribuable, fondé essentiellement sur la notion de
garanties essentielles des droits »18. Le juge administratif ne censure
la non transmission de la charte du contribuable vérifié que si cette
défaillance a privé le contribuable d’une garantie essentielle19. De
même, il ne confère un plein effet à l’opposabilité d’une disposition de
la dite charte que si son irrespect aboutit à méconnaître une garantie
essentielle des droits du contribuable20. On peut dès lors parler d’un
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Christopher CHARLES : « L’évolution de la charte du contribuable vérifié »,
Op. Cit. p. 186.
Le tribunal administratif de Renne a ainsi prononcé une décharge d’imposition
dans une affaire ou l’avis de vérification laissait des doutes sur la réalité de
l’envoi de la charte. Cf. T.A. Rennes n° 94-2682, 4 février 1999, SNC Houdrat :
RJF 6/99, n° 737. Le problème de la preuve de la transmission de la charte est
assez délicat dans la mesure où même la remise d’une charte périmée
n’entraîne pas automatiquement l’irrégularité de la procédure d’imposition. Le
juge vérifie pour chaque espèce, compte tenu de l’évolution du droit fiscal, si le
contenu de la charte remise n’est pas de nature à priver le contribuable d’une
garantie essentielle au sens de l’article L. 80 A du LPF. Le juge manifeste ainsi
sa volonté de protéger le contribuable sans pour autant enfermer
l’administration dans un formalisme rigoureux. La chambre criminelle de la
Cour de Cassation a ainsi considéré que l’absence de remise de la charte avant
l’engagement d’une vérification ne conduit pas à la nullité de la procédure
pénale dés lors que le prévenu disposait déjà de deux exemplaires de cette
charte, remis à l’occasion des vérifications intervenues précédemment et que le
texte n’a nullement été changé en modifiant les droits et obligations du
contribuable. Cass. crim. 21 juin 2000 n° 4233, James : Dr.fisc. 7/10 c.135;
dans le même sens CAA paris 9 mars 2000 n° 97-2226, SARL Aittouares : RJF
6/00, n° 764, concl. V. HAIM.
Au vue de la jurisprudence, toutes les dispositions de la charte revêtent un
caractère opposable à l’administration. Cependant l’invocation de leur violation
ne produit pas toujours les mêmes effets. Pour le juge, seuls les dispositions
dont la méconnaissance porte une atteinte substantielle aux droits et garanties
du contribuable conduit à vicier la procédure de contrôle ou de redressement.
L’erreur substantielle, n’étant pas définie, le juge vérifie au cas par cas si
l’irrégularité commise est substantielle ou pas. Ainsi le juge du conseil d’Etat
considère que la méconnaissance de l’obligation pour le vérificateur de
rechercher un débat oral et contradictoire tout au long du contrôle constitue une
irrégularité substantielle portant atteinte aux garanties que reconnaît la charte au
contribuable, de même l’impossibilité de saisir l’inspecteur principal puis
l’interlocuteur départemental pour le contribuable dans le cadre d’une
procédure de redressement contradictoire (CE 13 octobre 2002, Mounier, RJF
1/03 n° 71). En revanche ne constitue pas une erreur substantielle l’absence de
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L’administration fiscale française
effet relatif des vices de procédure lors de la mise en œuvre des
garanties du contribuable vérifié. Les subtilités de cette jurisprudence
témoignent du souci d’éviter de paralyser l’administration fiscale ainsi
que de la recherche constante d’un équilibre entre le respect des
garanties du contribuable et les exigences de la lutte contre la fraude
fiscale.
9- Ce mouvement jurisprudentiel concernant le statut de la
charte a été progressivement entériné par l’administration en ce qui
concerne le contenu de la charte. Une lecture comparée des éditions
initiale et actuelle de la charte du contribuable vérifié21 permet de
constater un recul au niveau des garanties offertes aux contribuables.
L’administration s’est trouvée progressivement dispensée de respecter
certaines règles procédurales22, concomitamment à un alourdissement
des obligations du contribuable23.
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signature du vérificateur sur l’avis de vérification, de même l’oralité du débat
n’est pas exigée (CE 5 décembre 2001, min. c/ Giresse : RJF 3/02 n° 263).
La première édition de la charte du contribuable vérifié date du mois de
décembre 1987.
La rédaction de la charte du contribuable en vigueur en 2005 témoigne de
l’allégement des procédures qui incombait à l’administration fiscale en 1987.
La suppression de deux garanties attire inéluctablement l’attention. D’abord,
l’obligation de signer l’avis de vérification par le vérificateur qui a procédé à la
vérification a été supprimée depuis 1996. Par cette suppression, l’administration
évite un contentieux aussi bien abondant que stérile et se prémunit contre un
revirement jurisprudentiel que lui aurait imposé le respect d’une règle jugée
jusque là non substantielle et donc ne vicie nullement la procédure. Ensuite, la
rédaction de la charte datant de 2000 a supprimé l’obligation de ne recourir à
une demande d’éclaircissement ou de justification visé à l’article L.16 du LPF
qu’ultérieurement à un débat contradictoire qui n’aurait pas apporté toutes les
explications. Cette suppression introduit une équivoque sur le caractère
préalable du dialogue et revient sur une garantie essentielle de la procédure de
contrôle. V. sur la question, Christopher CHARLES : « L’évolution de la charte
du contribuable vérifié », Op. Cit. p. 186 et s.
Face au recul des obligations qui pèsent sur l’administration, on constate un
alourdissement constant des obligations qui pèsent sur le contribuable.
D’abord, à compter de 1990, les demandes de justifications faites sur le
fondement de l’article L. 16 du LPF peuvent concerner les avoirs à l’étranger et
les revenus des avoirs à l’étranger. Parallèlement à cet élargissement, on assiste
à un rétrécissement du champ d’application de la règle de l’anonymat. Le
contribuable qui veut faire état d’opérations couvertes par l’anonymat doit
désormais être en mesure de prouver qu’il avait signalé son identité et son
121
L’administration fiscale française
B- L’inégalité des armes au stade du contentieux fiscal
10- Au-delà de la main mise sur la procédure de contrôle,
l’administration fiscale est investie d’un pouvoir discrétionnaire de
mettre en mouvement et d’exercer l’action publique en vue de la
répression des infractions fiscales pénalement sanctionnées24.
L’administration fiscale se substitue ainsi au ministère public qui ne
peut décider de déclencher l’action publique avant d’être saisi d’une
plainte de l’administration, seule juge de l’opportunité de mettre en
mouvement l’action publique ou de son extinction en recourant à la
transaction25.
11- Outre le monopole de poursuite dans le contentieux fiscal
pénal, l’administration fiscale bénéfice, lors du contentieux d’assiette,
d’une procédure allégée par rapport au contribuable notamment en ce
qui concerne la charge de la preuve26.Cette inégalité procédurale se
vérifie davantage dans les règles du contentieux de recouvrement.
Qualifié, à juste titre, par un « labyrinthe »27, le contentieux de
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27
domicile à l’établissement payeur, de même, il doit être en mesure de fournir
des éléments de preuve sur la date d’entrée de ces valeurs dans son patrimoine
ainsi que sur l’origine des fonds ayant permis ces acquisitions. Par ailleurs, la
charte de 2004 prolonge la durée de l’examen contradictoire de la situation
fiscale personnelle d’une année à deux ans, en cas de découverte en cours de
contrôle d’une activité occulte ou de mise en œuvre, dans le délai initial d’un
an, du droit de communication auprès du ministère public ou de l’autorité
judiciaire. V. sur la question : CHARLES Christopher : « L’évolution de la
charte du contribuable vérifié », Op. Cit. p. 186 et s.
Ce droit est distinct de celui par lequel l’Etat assure en justice par
l’intermédiaire de l’agent général du trésor, la défense des intérêts patrimoniaux
lésés par une infraction.
Certes, ce pouvoir n’est point exclusif. L’administration fiscale partage le droit
de mise en mouvement de l’action publique avec la commission des infractions
fiscales. Son avis doit être conforme. Par ailleurs, seul le parquet peut décider
de poursuivre les infractions pénales ou pas. Ce partage n’est toutefois pas
suffisant dans la mesure où l’existence de cette commission n’a jamais empêché
l’administration de sélectionner les dossiers d’une manière totalement arbitraire.
Sur la question de l’égalité des armes en général. Cf. Didier JEAN PIERRE et
Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN : « Le principe de l’égalité des armes »,
Revue de la recherche juridique, droit prospectif, 1993, n° 2, p. 489-510.
Victor HAIM : « Les labyrinthes du contentieux de recouvrement », D. 1995,
p.150 ; André LEFEUVRE : « De la sécurité juridique en matière de
recouvrement de l’impôt », D. fisc. 36/2003, p. 1041.
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L’administration fiscale française
recouvrement est à la fois confus et contraignant pour le contribuable.
Confus, d’abord, puisque le redevable doit déterminer le type de
réclamation qu’il doit envisager pour identifier son juge28. Le juge n’a
d’ailleurs pas prêté main forte au contribuable, en clarifiant cette
séparation de manière certaine. Le contentieux de recouvrement est
contraignant ensuite attendu que les délais de recours sont brefs29 ne
sont pas prorogeables et que le litige se cristallise au stade du recours
préalable30. Parallèlement, à cet acharnement à décourager le
contribuable d’engager des actions en justice, l’administration
bénéficie d’un véritable arsenal juridique tendant à préserver et à
recouvrir la créance fiscale : des mesures conservatoires31, passant par
les saisies attribution, à la procédure de tiers détenteur32. L’inégalité
des armes entre l’administration et le contribuable à ce stade apparaît
en ce que les mesures conservatoires sont subordonnées aux seules
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La contestation de la régularité de la forme est portée devant le juge de
l’exécution et la contestation de l’existence de l’obligation de payer est formée
devant le juge de l’impôt. Art. L. 281 LPF ; Art. L. 199 LPF. Cf. sur la dualité
de juridiction. Guy GEST : « Dualité de juridiction et unité de droit fiscal » :
RFD adm. 1990, p. 822.
Art. R. 281-2, R. 281-3, R. 281-3, R. 281-4.
Art. R. 281-5 LPF. Cet article interdit au contribuable de soumettre au juge des
pièces justificatives autres que « celles qui ont été présenté au chef de service »
dans la réclamation préalable.
L’administration a un privilège général sur les meubles (Art. 1920 et s. CGI).
Lorsque l’administration estime au cours du contrôle fiscal que la mise en
recouvrement des redressements envisagés pourrait être compromise, elle peut
demander au juge judicaire l’autorisation de prendre des mesures
conservatoires. Ces mesures conservatoires peuvent avoir la forme soit d’une
saisie conservation des biens meubles corporels, créances, droits d’associés,
valeurs mobilières, biens placés dans un coffre fort, soit la forme d’une sûreté
judiciaire sur les immeubles, fonds de commerce, actions, parts sociales et
valeurs mobilières appartenant au redevable de l’impôt. (L. n° 91-650, 9 juill.
1991, portant réforme des procédures civiles d’exécution). La notification de
l’avis de mise en recouvrement du supplément transforme la mesure
conservatoire en une saisie attribution. En revanche lorsque le contribuable
n’acquitte pas son obligation fiscale aux termes légaux. Le comptable le met en
demeure de payer dans un délai de deux mois. C’est uniquement en absence de
paiement à l’issu de cette période qu’il engage l’action en recouvrement en
utilisant notamment la procédure d’avis à tiers détenteur.
Art. L. 262 à L. 265 LPF.
123
L’administration fiscale française
conditions que la créance paraisse fondée dans son principe33 et que le
recouvrement de l’impôt soit menacé. Le contribuable peut ainsi faire
l’objet d’une saisie conservatoire alors que son obligation fiscale
n’est pas certaine34. De même, le juge civil a fortement assoupli la
mise en œuvre de l’action oblique en faveur de l’administration35. Par
ailleurs, outre sa faculté de se procurer la liste des comptes bancaires
ouverts par le contribuable ainsi que les noms des employeurs,
l’administration fiscale dispose de divers moyens pour obtenir un
paiement rapide de l’impôt (mensualisation de l’IR, paiement de
l’impôt par voie électronique).
12- L’inégalité des armes du contribuable avec celles de
l’administration fiscale est d’autant plus malheureuse, que la cour de
cassation s’est récemment alignée sur la position de la Cour de
Strasbourg36et celle du CE en déclarant l’inapplicabilité de l’article 6
de la convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à
un procès équitable au litige fiscal37. Ce faisant, la haute juridiction
judiciaire a rétréci un champ d’application qu’elle a longtemps
plébiscité38.
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Art. 67, al. 1 de la loi n° 91-650, du 9 juin 1991, portant réforme des procédures
civiles d’exécution.
Dans ce cas, le préjudice subi par le contribuable, ne peut à lui seul, justifier une
action en responsabilité de l’administration fiscale à moins de prouver une faute
lourde ayant conduit à une cessation d’activité.
V. art. 1167 du Code civil Français. Dans ce sens, le juge français a considéré
que la créance fiscale naît à la date de la réalisation des bénéfices imposables et
non à la date de la constatation et de la liquidation de l’impôt Cass. Com., 25
mars 1991, n° 567.
Pour la Cour de Strasbourg « La matière fiscale appartient au noyau dur des
prérogatives de la puissance publique ». En d’autres termes, le domaine des
prélèvements fiscaux est trop lié à l’imperium étatique pour être couvert par la
notion de droits et obligations de caractère civil, bien qu’il touche en substance
à la propriété privée. Cf. CEDH, 12 juillet 2001, Ferrazini c/ Italie, RJF 1/2002,
n° 128.
Cass.com., 12 juillet 2004, L.P.A., 14 janvier 2005, n° 10, p. 16.
Contrairement au Conseil d’Etat français, la Cour de cassation française a
toujours admis l’applicabilité de l’article 6 de la convention européenne des
droits de l’Homme au litige fiscal. En Ass. Plén. La cour a affirmé que l’article
6 « peut être invoqué devant toute juridiction civile statuant en matière fiscale ».
Cf. Cass. Ass. Plén., 14 juin 1996, RJF 8-9/1996, n° 1118.
124
L’administration fiscale française
C – Un cadre juridique et organisationnel défavorable à la
Sécurité du contribuable
13- Reconnu comme un principe général de droit par la Cour
de justice des communautés européennes39, le principe de la sécurité
juridique40, « indissociable du concept d’Etat de droit »41, n’a pas été
consacré comme un principe a valeur constitutionnelle en droit
français42. Le C.E a limité l’existence de ce principe à la seule mise en
oeuvre du droit communautaire43. Pour autant, on ne peut ignorer
l’omniprésence de ce principe dans les solutions jurisprudentielles
françaises44. D’ailleurs, le CE l’a récemment reconnu comme un
principe général de droit45. Cependant, cette consécration demeure,
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Par l’arrêt Bosch du 6 avril 1962, le juge communautaire a solennellement
consacré la sécurité juridique au rang des principes généraux de droit
communautaire. Dans le domaine de la fiscalité, il a fallu attendre 1981 pour
que les juges retiennent que le principe de sécurité juridique s’oppose aux
formulations ambiguës des textes fiscaux. CJCE, 9 juillet 1981, aff. 169/80, Sté
GONDRAND : Rec. CJCE, p.1931.
L’expression sécurité juridique ne figure ni dans le Traité des Communautés
européennes, ni dans le texte de la Convention européenne des droits de
l’Homme. Cf. notamment. M. FROMENT : « Le principe de sécurité
juridique », AJDA 1996, n° spéc. Juin, p. 178 ; B. PACTEAU : « La sécurité
juridique, un principe qui nous manque », idem, p. 151.
Céline LERAILLE : « Insécurité fiscale : quelle protection pour le
contribuable ?», Les nouvelles fiscales, n° 883, 1er janvier 2003, p.21.
Le conseil constitutionnel s’est jusqu’à lors refusé d’affirmer la valeur
constitutionnelle de ce principe. DC n° 97-391 DC, 7 novembre 1997 : Dr.fisc.
1997, n° 48, comm.1220. La reconnaissance d’une valeur constitutionnelle à ce
principe a cependant été soutenue par F. LUCHAIRE, L. FAVOREU,
L. PHILIP, Cf. sous la coordination de L. FAVOREU, Droit constitutionnel,
Dalloz, 1998, p. 869. Une proposition de loi constitutionnelle a même été
déposée par Monsieur SARKOZY pour limiter la faculté du législateur de
légiférer rétroactivement en matière fiscale. Elle est restée sans issue.
CE, Ass., 3 mars 1999, Rouquette : Dr. adm. 1999, n° 138 ; AJDA 1999,
p. 420 ; CE, 9 mai 2001, n° 201944, entreprise personnelle Transports
Freymuth, cité par Céline LERAILLE, « Insécurité fiscale : quelle protection
pour le contribuable ? », Les nouvelles fiscales, n° 883, 1er janvier 2003, p.22.
Déjà en 1929, le juge du Palais royal a sanctionné l’administration « pour la
brusquerie non justifiée du changement de son comportement », CE. 22
novembre 1929, Cie des mines de Siguiri : Rec. CE, p. 1022. Cf. R. CHAPUS :
RD. Publ. 2001, 15e éd., p.106. n°135.
CE. 24 mars 2006, req. n° 288460, KPMG. Cité par Florence CHALTIEL : « La
consécration du principe de sécurité juridique par le Conseil d’Etat », Revue
125
L’administration fiscale française
encore, en deçà des attentes puisque la sécurité juridique n’a acquis
qu’une valeur infra législative46.
14- Ce principe est souvent reconnu comme étant synonyme de
règles juridiques claires, accessibles et stables47. Il vise à garantir une
stabilité de l’environnement juridique, une clarté et une cohérence de
la règle de droit. Or, l’arsenal normatif fiscal fait état d’une norme
complexe, illisible dont la qualité et la stabilité ne garantissent point la
sécurité juridique du contribuable (1). A ce schéma normatif insuffisamment protecteur du contribuable, s’ajoute une administration
fiscale imparfaitement organisée (2). N’a-t-on pas précisé que
« l’insécurité fiscale se manifeste tant dans la phase d’exécution de la
loi fiscale que dans son élaboration »48.
1 - Un cadre normatif défavorable à la sécurité juridique
du contribuable
15- La sécurité juridique, « naît d’une application effective,
exacte et uniforme de la loi. Pour ce faire, encore faut-il que le
contribuable ait accès à la législation par le biais de sources fiables
prenant en compte toutes les dispositions en vigueur, et uniquement
celles-ci, dans une rédaction conforme à la volonté du législateur ».
Force est de constater, cependant, que la qualité de la norme fiscale ne
46
47
48
du Marché commun et de l’Union européenne, n° 500, juillet - août 2006,
p. 457 et s.
Florence CHALTIEL : « La consécration du principe de sécurité juridique par
le Conseil d’Etat », Revue du Marché commun et de l’Union européenne, n°
500, juillet - août 2006, p. 457 et s.
J-G. HUGLO: « La Cour de cassation et le principe de la sécurité juridique »,
Cahiers du conseil constitutionnel, n° 11. La cour de Luxembourg définit la
sécurité juridique comme un principe qui exige que « tout acte de
l’administration produisant des effets juridiques soit clair, précis et porté à la
connaissance de l’intéressé de telle manière que celui-ci puisse connaître le
moment a partir duquel cet acte existe et commence a produire ses effets »,
CJCE, aff. 18/89, 7 fév. 1991, Tagaras c./ Cour de justice, cité par Florence
CHALTIEL : « La consécration du principe de sécurité juridique par le
Conseil d’Etat », Revue du Marché commun et de l’Union européenne, n° 500,
juillet - août 2006, p. 457 et s.
Thierry LAMBERT, cité par LERAILLE Céline : Insécurité fiscale : quelle
protection pour le contribuable ?, les nouvelles fiscales, n° 883, 1er janvier
2003, p.22.
126
L’administration fiscale française
permet qu’un relatif accès du contribuable. La pluralité des sources
nationales et internationales auxquelles s’ajoute le droit
communautaire a conduit à la surproduction des normes fiscales et à la
mise en place d’un arsenal juridique important, complexe, mal
codifié49 et parfois incohérent50, souvent, d’une difficile lecture51 pour
le contribuable profane. Cet arsenal juridique important s’est
accompagné par un foisonnement d’une doctrine administrative
exhaustive qui commente, interprète, complète, voire contredit le texte
de la loi. Or, les mécanismes de protection des contribuables contre les
changements de la doctrine administrative demeurent limités52,
d’autant plus que les contribuables, insuffisamment informés, ne
49
50
51
52
La codification actuelle des textes fiscaux contribue, également, à l’illisibilité
de la norme fiscale. Le code général des impôts, qui, contrairement à ce que
laisse croire son intitulé, ne comprend pas la totalité des règles, est devenu aux
termes du conseil des impôts « largement inintelligible » : rédaction obscure,
système de renvoi extrêmement compliqué. Cf. Le XXe rapport du Conseil des
impôts : les relations entres les contribuables et l’administration fiscale : Dr.
fisc. 2003, n° 4, p. 117.
L’incohérence des textes fiscaux est favorisée notamment par les conditions
d’élaboration de la norme fiscale. En effet, la brièveté des délais imposés au
législateur en vue d’examiner les projets/propositions de loi ne favorise pas un
examen approfondi des nouvelles dispositions. Le conseil des impôts dans son
XXe rapport relatif aux « Relations entre les contribuables et l’administration
fiscale » considère « que cette précipitation est d’autant plus préjudiciable à la
qualité de la norme fiscale que l’activité de lobbying exercée autour des
parlementaires qui suscite parfois le dépôt tardif d’articles additionnels dont
les difficultés de compréhension et d’application n’apparaissent
qu’ultérieurement ». Cf. XXe Rapport du Conseil des impôts, op. Cit. p. 116 ;
Cf. également, L’amélioration des relations entre les contribuables et
l’administration fiscale, compte rendu du colloque organisé le 15 septembre
2003 par la Chambre du Commerce et de l’Industrie de Paris et le conseil des
impôts: Dr. fisc. 2004, n° 9, p. 488.
Le conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle à l’exigence de
la clarté de la loi. Cf. DC 98-401.
Le mécanisme de protection contre les changements de la doctrine
administrative est prévu par l’article 1 du décret du 28 novembre 1983, l’article
L.80A et l’article L.80B du LPF. Cf. Sophie RAIMBAULT de FONTAINE :
« Pour une protection rénovée de la confiance légitime en droit fiscal »,
R.F.F.P., n° 68, décembre 1999, p. 232 et s.; MAALEJ MAHDI Nada : « Notes
sous instruction Française du 20 juillet 2005 relative aux garanties
supplémentaires au profit du contribuable », Revue Tunisienne de fiscalité, N°
4, p. 133 et s.
127
L’administration fiscale française
recourent qu’exceptionnellement aux moyens de sécurisation mis à
leur disposition, notamment le rescrit fiscal. Le législateur fiscal lui
même peut être créateur d’insécurité juridique par l’accumulation des
cas particuliers et des exonérations qui dérogent aux principes
généraux.
16- Le dispositif juridique fiscal est, par ailleurs, instable,
caractérisé par un recours fréquent aux lois interprétatives53, aux lois
rétroactives ainsi qu’aux validations législatives. Or, si les premières
se justifient par la nécessité de donner une interprétation aux textes
quand bien mêmes elles contredisent le plus souvent le juge et sont à
l’origine d’un contentieux abondant, les lois rétroactives et les lois de
validations54 ne se justifient point. Par le biais de ces dispositions
rétroactives, le législateur « entend mettre un acte administratif à
l’abri d’une mesure contentieuse en lui donnant la base légale qui lui
fait défaut »55. Le contribuable devrait pouvoir connaître à l’avance
de manière certaine la portée de ses choix et de ses actes. Or, la
multiplication des dispositions fiscales rétroactives contribue à
décourager nombre d’initiatives, notamment auprès de créateurs
d’entreprises et d’investisseurs. Certes, le Conseil constitutionnel a
forgé une jurisprudence qui marque une volonté de prendre en
considération les exigences posées par le juge européen56 en précisant,
d’un côté, que les dispositions rétroactives doivent répondre à un
motif d’intérêt général57 et d’un autre coté, que cette faculté est offerte
au législateur sous réserve de ne pas priver le contribuable des
garanties légales des exigences constitutionnelles. Demeure,
néanmoins, nécessaire d’ériger ce principe au rang constitutionnel
53
54
55
56
57
Cf. notamment Cass. Comm., 7 avril 1992, n° 89-20418 : Dr.fisc. 1992, n° 30,
comm. 1547.
Emmanuelle MIGNON : Chronique, R.J.F., 200, n° 2, p. 89.
Cf. B. MATHIEU : « Rétroactivité des lois fiscales et sécurité juridique :
l’application concrète d’un principe implicite, observations à propos de la
décision 986404 DC du 18 décembre 1998 du Conseil constitutionnel », RFD
adm. Janv.- fév. 1999, p. 89.
Cf. obs. B. MATHIEU sous 97-390 DC et 97-393 DC, un nouvel équilibre
entre les considérations liées à l’intérêt général et celle relative à la garantie des
droits du contribuables, RFD adm. 1998, p. 148.
DC 9 avril 1996, n° 96-375. Cité par Céline LERAILLE : Insécurité fiscale :
quelle protection pour le contribuable ? , Les nouvelles fiscales, n° 883, 1er
janvier 2003, p.22.
128
L’administration fiscale française
pour préserver au mieux les garanties du contribuable contre les
impulsions de l’administration fiscale notamment, en absence d’un
contrôle systématique du conseil constitutionnel et de la cour
européenne des droits de l’homme58.
2- Les imperfections du cadre organisationnel
17- À la norme fiscale souvent complexe, illisible et instable
vient s’ajouter une administration fiscale opaque imparfaitement
structurée. L’organisation de l’administration fiscale constitue un
obstacle à un meilleur service rendu au contribuable. L’administration
est « trop cloisonnée »59. Les contribuables peuvent parfois avoir
recours à plusieurs interlocuteurs fiscaux pour régler les questions
fiscales les plus courantes. Cette situation peut s’avérer à la fois, très
difficile à gérer pour le contribuable, et génératrice d’importants coûts
de gestion pour l’administration fiscale. Certes, certains projets
d’ampleur inégale ont été mis en œuvre pour réformer l’administration
fiscale notamment le projet de l’interlocuteur unique. Cette
expérimentation n’a, cependant, pas été à la hauteur des ambitions. Le
rapprochement entre les services de la direction générale des impôts et
ceux de la direction générale de la comptabilité publique -intranet
commun, accueil commun- s’est révélé « très modeste »60.
18- Par ailleurs, la culture du dialogue avec l’administration est
encore insuffisante. Les recours hiérarchiques confirment presque
toujours la position de l’administration. De même, les recours internes
prévus par la charte du contribuable vérifié et qui devraient constituer
une garantie essentielle devant s’imposer à l’administration fiscale ont
une portée très relative en pratique.
58
59
60
A l’heure actuelle, le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel et par la
Cour européenne des droits de l’homme reste peu satisfaisant et ne répond pas
aux attentes du contribuable. En effet, le contrôle exercé par le conseil
constitutionnel reste subordonné à la saisine des parlementaires. De même, le
contrôle exercé par la CEDH n’est que subsidiaire et de ce fait tardif. V. Céline
LERAILLE : « Insécurité fiscale : quelle protection pour le contribuable? »,
Les nouvelles fiscales, n° 883, 1er janvier 2003, p.22.
Cf. XXe rapport du Conseil des impôts : Les relations entres les contribuables et
l’administration fiscale : Dr. fisc. 2003, n° 4, p. 117.
Idem.
129
L’administration fiscale française
19- L’hégémonie de l’administration au stade du contrôle et du
contentieux ne doit pas occulter l’évolution certaine qu’ont connue les
relations entre la puissance publique et le contribuable. Conscient de
la nécessité à la fois d’une administration forte non paralysée et du
respect des garanties constitutionnelles émergentes du contribuable, le
juge fiscal a été amené, au gré des affaires qui lui étaient soumises, à
faire avancer la relation entre la puissance publique et le contribuable.
Le législateur et l’administration n’ont pas manqué à ratifier cette
évolution.
II - ….VERS L’AMELIORATION CROISSANTE DE LA
PROTECTION ACCORDEE A L’USAGER CONTRIBUABLE
20- L’effort constant de l’amélioration de la protection du
contribuable s’est traduit par la valorisation des garanties du
contribuable face à l’administration fiscale (A), la modernisation et la
responsabilisation des services fiscaux (B) ainsi que par un
renforcement de la sécurité juridique du contribuable (C).
A- La valorisation des garanties du contribuable face à
l’administration fiscale
21- La valorisation des garanties du contribuable face à
l’administration fiscale apparaît tant au stade du contrôle qu’au stade
du contentieux fiscal.
22- Au delà de la reformulation des garanties de la charte du
contribuable vérifié61, divers dispositifs, systématisés par la nouvelle
61
Au stade du contrôle, la volonté de valoriser les garanties du contribuable
apparaît à travers la réécriture de certains passages de la charte. Une
comparaison entre la première édition et la dernière édition de la charte du
contribuable vérifié témoigne du souci d’information et de dialogue avec le
contribuable. Deux exemples peuvent être cités à l’appui : d’abord,
l’information due par l’administration s’agissant des conséquences financières
des redressements. Dans l’exemplaire en vigueur en 1987, le vérificateur n’était
pas obligé de faire connaître aux contribuables les conséquences chiffrées d’une
acceptation éventuelle des redressements sauf demande préalable du
contribuable. La loi de finances pour l’année 1990 a précisé que le contribuable
est désormais informé dans la notification de redressements et sans demande
préalable des conséquences financières, des pénalités sans demande préalable.
La loi de finances pour l’année 2000 a prévu un renouvellement systématique
de l’information relative aux conséquences financières pour le contribuable,
130
L’administration fiscale française
charte du contribuable62, ont été mis en place en vue de parfaire les
garanties du contribuable face à l’administration fiscale au stade du
contrôle fiscal.
23- D’abord, la technique de « la relance amiable du
contribuable »63. Ainsi en cas de discordance entre les éléments portés
sur la déclaration et les éléments transmis à l’administration par les
employeurs, les caisses de retraites et les banques, le contribuable
encourt l’envoi d’un simple courrier de relance amiable. Il pourra,
ainsi, régulariser sa situation « sans pénalité ni intérêt de retard, et
sans perdre le bénéfice de l’abattement de 20% sur les salaires».
62
63
avant que les rappels ne soient mis en recouvrement, si les droits et pénalités
rappelés ont été modifiés postérieurement à la notification de redressement.
Finalement, cette obligation d’information a été étendue, sans demande
préalable, aussi bien dans le cadre d’une imposition d’office que dans le cadre
d’une procédure contradictoire. Un autre exemple illustre l’importance qu’a
acquise le dialogue noué avec le contribuable à l’occasion du contrôle fiscal.
Dans sa rédaction initiale, la charte de 1987 soulignait l’exigence que s’établisse
« un dialogue serein et constructif » entre le vérificateur et le contribuable.
L’administration fiscale a été bien inspirée de reprendre la proposition du
conseil des impôts consistant à « rendre obligatoire le débat oral et
contradictoire préalable à l’envoi de la notification de redressement aussi bien
en matière d’ESFP qu’en matière de vérification de comptabilité ». Ce souci du
dialogue a été renforcé (en 2004) par la modification des intitulés de « La
notification de redressement » et de « La procédure de redressement
contradictoire » qui deviennent respectivement « La proposition de rectification
et « La procédure de rectification contradictoire ». Ces modifications
terminologiques, sur la base des suggestions du conseil de l’impôt, quoique sans
incidence sur le déroulement et le contenu des procédures de contrôle fiscal,
témoignent du souci de la DGI d’améliorer l’acceptation du contrôle par les
usagers. Cf. L’article 27 de l’ordonnance 2004-281 du 25 mars 2004 relative à
des mesures de simplifications en matière fiscale, complété par les décrets
2004-282 et 2004-283 du 25 mars 2004 qui a modifié les intitulés de la
notification de redressement et la procédure de redressement contradictoire.
Il s’agit de la charte du contribuable présentée par le ministre des finances Jean
François COPE, le 17 mai 2005. (Il ne faut pas confondre la charte du
contribuable avec la charte des droits et des obligations des contribuables
vérifiés qui doit être remise au contribuable lors d’une vérification approfondie
de comptabilité ou lors d’un examen contradictoire de la situation fiscale
personnelle) v. infra, bas de page, n° 74.
Cette nouvelle procédure est prévue par la charte du contribuable (p.17) sous la
section « votre bonne foi est présumée, vous pouvez vous tromper ».
131
L’administration fiscale française
24- Ensuite, la technique du « contrôle sur demande »64.
Nouvel outil de dialogue avec l’administration fiscale, cette technique
permet aux petites et moyennes entreprises d’être fixées sur leur
situation fiscale en provoquant à leur demande une intervention de
l’administration fiscale pour examiner et clarifier un point précis.
Cette technique vise ainsi la sécurisation du contribuable quant à
l’exacte application de la loi fiscale et permet une régularisation
rapide en cas d’erreur.
25- Enfin, dans le cas d’un contrôle sur demande et dans tous
les autres cas, tout contribuable de bonne foi qui ne conteste pas la
présence d’erreurs relevées au cours d’une vérification de
comptabilité, peut prétendre avant la clôture du contrôle à la procédure
de « la régularisation spontanée »65. Cette technique qui permet au
contribuable de ne pas attendre la fin de la procédure pour se mettre en
conformité avec la législation fiscale, lui offre la possibilité de
bénéficier d’une réduction de 50% du taux d’intérêt de retard
décomptés sur une période plus courte.
26- Par ailleurs, on constate une érosion des singularités
procédurales au stade du contentieux. La principale intervention du
législateur consiste dans le renforcement des mesures d’attente en
faveur du contribuable66. Le contribuable peut ainsi, obtenir, en
fournissant des garanties suffisantes, un sursis de paiement ou
introduire un référé suspension67 accompagné d’une réclamation
64
65
66
67
Cette procédure est prévue par la charte du contribuable (p.18) sous
l’intitulé « votre bonne foi est présumée, nous nous engageons aussi à
l’occasion des contrôles».
Cette procédure est régie par l’article L.62 nouveau LPF. Elle remplace
l’ancienne procédure de règlement particulière prévue par l’ancien art. L.62 du
LPF. Elle est organisée par la BOI 13 L-01-05 et reprise par la charte du
contribuable (p. 17) sous l’intitulé « votre bonne foi est présumée ».
A. LEFEUVRE : « De la sécurité juridique en matière de recouvrement de
l’impôt », D. fisc. 36/2003, p. 1045.
Le mécanisme de sursis de paiement est prévu par l’article L.277 à L. 280 du
LPF. Le référé suspension est issu de la loi de 30 juin 2000 ; V. sur la question
Christian LOUIT : « Actualité des procédures contentieuses d’urgence :
précisions sur la recevabilité d’un référé fiscal, à propos d’un jugement en
appel du Tribunal administratif de Marseille », in Regards critiques et
perspectives sur le droit et la fiscalité, mélanges offerts à Cyrille DAVID, Paris,
LGDJ, p. 75-79.
132
L’administration fiscale française
quant au fond. Ces mécanismes permettent au contribuable, qui
conteste son imposition, d’en différer le paiement, jusqu’à ce que la
juridiction de première instance ait statué. Dans le même ordre
d’idées, en vue de rétablir l’égalité des armes entre l’administration et
le contribuable, le Conseil d’Etat a admis que les parties puissent faire
« valoir tout moyen nouveau, n’impliquant pas l’application des
pièces justificatives ou de circonstances de fait qu’elles auraient du
produire ou exposer dans leur demande préalable »68.
B - La modernisation et la responsabilisation des services
de l’administration fiscale
27- Outre l’évolution procédurale, toute l’administration
fiscale semble évoluer. Cette évolution passe inévitablement par deux
axes à savoir l’amélioration des relations avec le contribuable (1),
ainsi que le recul de la franchise de la responsabilité des services
fiscaux (2).
1- L’amélioration des relations avec l’usager- contribuable
28- En 2002, le Conseil des impôts observait déjà que
« l’amélioration de la qualité des relations entre l’administration
fiscale et le contribuable passe désormais bien d’avantage par la
modernisation déjà engagée des comportements administratifs que
par une nouvelle modification des textes en vigueur »69. Cette
modernisation des comportements administratifs requiert plusieurs
bouleversements « structurels » dans l’organisation interne de
l’administration ainsi que dans le comportement des agents. « Les
contribuables ne sont pas dans leur grande majorité, des fraudeurs et
il convient d’en tenir compte dans les procédures fiscales et autres
démarches à leur égard »70. Forts de cette attitude, les mouvements de
la simplification administrative ont tous visé le renforcement du
« centré usager ». Il s’agit d’accorder une place plus grande au
contribuable dans la gestion de l’impôt et à développer la qualité des
rapports avec les usagers, faciliter l’acceptation de l’impôt,
68
69
70
C.E. 17 mars 1999, n° 163.929, Gouet : Les nouvelles fiscales, n° 809, p. 28.
XXe rapp. Conseil des impôts, nov. 2002. p. 195 et s.
B. PARENT: Trente mesures pour améliorer les relations entre les contribuables
et l’administration fiscale, RF fin. publ. fév. 2005, p. 87. (Directeur général des
impôts au moment de la rédaction de ce travail).
133
L’administration fiscale française
développer le civisme fiscal et mettre en évidence la notion du
« contribuable partenaire »71.
29- L’administration fiscale aurait été profondément changée
et serait devenue une « administration de service de référence »72. La
nouvelle charte du contribuable en témoigne73. Ce changement serait
notamment perceptible dans son organisation interne et ses modalités
de fonctionnement, dans son état d’esprit, ses missions. Il s’agirait de
bâtir « une relation de confiance entre les contribuables et
l’administration fiscale »74 qui répond « aux souhaits des usagers
contribuables en matière d’organisation et de fonctionnement de
l’administration »75.
71
72
73
74
75
C. DEBANS : Le contribuable partenaire, Service public, n° 8 novembre 1992,
p. 16 et s.
Rapp. Annuel de performance DGI 2004, sept. 2005.
Il s’agit de la charte du contribuable présentée par le ministre des Finances Jean
François COPE le 17 mai 2005. Cette charte est conçue comme un guide des
relations entre les usagers et l’administration fiscale. Elle regroupe trente quatre
mesures au service du contribuable, issues de récents dispositifs légaux ou
administratifs. Ces mesures tournent autour de trois thèmes : la simplicité, le
respect, et l’équité (Il ne faut pas confondre la charte du contribuable avec la
charte des droits et des obligations des contribuables vérifiés qui doit être
remise au contribuable lors d’une vérification approfondie de comptabilité ou
lors d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle). Document
de référence pour les relations quotidiennes avec l’administration fiscale, la
charte, opposable à l’administration, rappelle symétriquement au contribuable
ses devoirs de citoyen : l’acceptation du principe de l’impôt, le respect de ses
obligations et la reconnaissance de la légitimité de l’impôt. Elle s’inscrit dans la
démarche de qualité engagée depuis plusieurs années par l’administration
fiscale pour améliorer ses relations avec les usagers. En s’appuyant sur les trois
grandes valeurs qui doivent guider l’action de l’administration : la simplicité, le
respect et l’équité, cette charte systématise des mesures déjà mises en œuvre et
met en place de nouvelles mesures à la recherche de l’établissement d’un climat
de confiance entre le contribuable et l’administration fiscale. Elle annonce deux
piliers de moyens : d’abord la réorganisation du fonctionnement de l’administration fiscale en vue d’améliorer le dialogue avec le contribuable. Ensuite,
Parfaire la sécurité juridique du contribuable en matière d’interprétation de la
norme comme en matière d’appréciation de certains éléments de fait dans le
cadre d’un contrôle fiscal.
Jean François COPE, préface de la charte du 17 octobre 2005.
GILLES Noël : La charte du contribuable ou l’administration fiscale de service,
Dr. fisc, 2005, n° 47, p. 41.
134
L’administration fiscale française
30- D’abord, moins régalienne, que lors de sa constitution par
le décret du 16 avril 1948, l’administration fiscale et notamment la
DGI, s’efforce de se présenter et de se structurer davantage comme
une administration de service76 que comme l’administration de
contrôle qu’elle était autrefois. Cette réforme a commencé par le
contrat d’objectifs et de moyens conclu entre la DGI et la direction du
budget pour la période 2000-2002. Elle implique une profonde
réorganisation de la structure interne des services fiscaux. D’une
organisation conçue uniquement en faveur du perfectionnement du
contrôle fiscal, on passe à une organisation pensée pour « l’usager
contribuable ». La première manifestation consiste en la mise en place
d’un interlocuteur unique adapté à chaque type de contribuable. On
assiste alors, pour répondre aux besoins spécifiques des grandes
entreprises, à la création en 2002, au sein de la DGI, de la direction
des grandes entreprises (DGE)77 qui constitue un véritable
interlocuteur unique pour les plus grandes entreprises installées en
France.
76
77
Maurice LAURE fut le premier à évoquer dans son célèbre « Traité de
politique fiscal » la nécessité pour l’administration fiscale de devenir une
administration de service. Les administrations fiscales « …doivent donner
l’impression qu’elles sont des organismes préposés à leur rendre service
beaucoup plus qu’à les surveiller ». Il a proposé à cet effet des mesures
concrètes à mettre en œuvre. Il s’agit des méthodes de « public-relations » qui
doivent concerner la documentation, le renseignement, la présentation, la
simplification, la conciliation et la formation psychologique (…). Ces
propositions couvrent avec une cinquantaine d’année d’avance les avancés du
programme « pour vous faciliter l’impôt » repris par la charte du contribuable.
V. Maurice LAURE : Traité de politique fiscale, PUF, 1956, p. 391 et s.
Décidée à la fin des années 1990 et mise en place au 1er Janvier 2002, la DGE,
permet aux grandes entreprises de déclarer et de payer toutes les impositions
dont elles sont redevables et leur offre la possibilité d’opérer une compensation
entre les impôts dus et les créances fiscales détenues sur l’Etat. Diverses
mesures ont accompagné sa création pour aider les entreprises dans leurs
démarches : gestion personnalisée des procédures particulières auxquelles
peuvent prétendre les entreprises, regroupement des contentieux fiscaux dans un
même tribunal, des services administratifs plus disponibles et plus compétents.
Quatre ans après sa création, les entreprises portent un jugement très favorable
sur elle. Cf. DUFANT Thierry : La direction des grandes entreprises, RF fin
publ. fév. 2005, n° 89, p. 109 et s.
135
L’administration fiscale française
31- Ensuite, soucieuse d’accroître le dialogue avec le
contribuable, la charte encourage une meilleure accessibilité et une
simplification de l’accès à l’administration fiscale à travers
l’organisation d’une administration « multi- accès » par l’utilisation et
le développement des « nouvelles technologies »78 en vue de garantir
une meilleure efficacité et une plus grande rapidité dans le traitement
des demandes. La charte prévoit ainsi des délais de réponse très brefs
aux courriers, aux appels téléphoniques des contribuables ainsi qu’un
traitement « personnalisé » des demandes79. Pour ce faire,
l’administration fiscale met actuellement en place des formations
destinées aux jeunes vérificateurs pour gommer les éventuelles
attitudes silencieuses de ceux-ci. De même, l’administration a
développé certaines structures « d’arbitrage »80 destinées à associer le
contribuable à la prévention des conflits à commencer par la
commission communale des impôts directs, la commission
départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaire,
la commission départementale de conciliation, en passant par la
possibilité de saisine du médiateur « MINEFFI » et enfin la mise en
place des conciliateurs départementaux depuis 2004. La réalité de la
mise en place de ces dispositions est sous « la surveillance constante
de comité (s) (national et local) des usagers » 81.
78
79
80
81
Il s’agit à titre d’exemple de la mise en place du portail Internet « MINEFFI au
service des entreprises », développement des télé procédures, la mise en place
du programme « pour vous faciliter l’impôt 2004 » comportant neuf
engagements de service consistant à élargir la disponibilité des services fiscaux
(charte du contribuable p.11), la mise en place des « centres d’appel
téléphoniques », la mise en place du dossier fiscal électronique consultable à
distance par le contribuable, la mise en place de la déclaration simplifiée et pré
remplie. V. DAILHE P. : Copernic : RF fin publ. fév. 2005, n° 89, p. 127 et s.
Charte du contribuable (p. 11) sous la section « A votre service, un contact
facilité, un traitement rapide et personnalisé »
NOEL Gilles : La charte du contribuable ou l’administration fiscale de service :
véritable « révolution » ou simple « miroir aux alouettes », Dr. fisc. N° 47, 24
nov. 2005, p. 1805.
Charte du contribuable p. 21.
136
L’administration fiscale française
2- La limitation de la franchise de la responsabilité des
services de l’administration fiscale
32- En avançant tant l’adage « le roi ne peut mal faire » et tant
les « difficultés inhérentes aux services assurés par le fisc »,
l’administration fiscale s’est longtemps tenue pour irresponsable de
ses fautes. Le C.E a cependant, par petites touches successives, non
seulement mis des limites à l’irresponsabilité du fisc mais, tend
également à aligner le régime de la responsabilité de l’administration
fiscale sur le régime de droit commun. La haute juridiction
administrative a d’abord, reconnu la responsabilité du fisc en se basant
sur le concept de la faute lourde, elle en a élargi le champ
d’application, ensuite, pour tendre vers un régime de droit commun
aménagé.
33- Reconnue en 191382, la responsabilité de l’administration a
été subordonnée à la preuve d’un fait dommageable et d’un préjudice
certain et direct du fait dommageable. La responsabilité de
l’administration fiscale est, en principe, une responsabilité pour faute.
Le CE a bâti la responsabilité du fisc en opérant une distinction selon
la nature de l’opération : les opérations d’assiette et de recouvrement
et les opérations qui en sont détachables. Ainsi dès 1935, le Conseil
d’Etat a reconnu la responsabilité de l’administration pour faute
simple, concernant les opérations détachables des opérations d’assiette
et de recouvrement. Il s’agit notamment des cas de promesses non
tenues83 ou des cas de fourniture de renseignements non exacts pour le
contribuable84. En revanche, pour les fautes qui s’attachent aux
opérations d’assiette et de recouvrement, le fondement de la
responsabilité des services fiscaux a connu une évolution. On est
passé de l’exigence initiale d’une faute d’une gravité exceptionnelle 85
à celle d’une faute manifeste et d’une particulière gravité pour arriver
82
83
84
85
C.E., 21 février 1913, Compagnie générale parisienne de tramways, Rec. Lebon,
p. 248. Par cet arrêt la haute juridiction administrative reconnaît pour la
première fois la responsabilité du fisc, Huit ans après l’arrêt Tomaso Grecco qui
a mis fin à l’irresponsabilité du service public le plus lié à la souveraineté de
l’Etat. CE., 8 février 1905, Rec. Lebon, p. 139.
C.E., 12 octobre 1984, R.J.F. 1984, n° 12, com.1475.
C.E. 8 juillet 1988, R.J.F. 1988, n° 10, com.1161.
C.E. 1 juillet 1927, Denoreuil, D. 1928.3.21, note TROTABAS.
137
L’administration fiscale française
à la solution actuelle ou on alterne entre l’exigence d’une faute lourde
et d’une faute simple selon les cas. Deux étapes caractérisent la
jurisprudence française. Avant 1990, le juge administratif exigeait une
faute « d’une gravité exceptionnelle » pour engager la responsabilité
de l’administration fiscale, puis une « faute manifeste et d’une
particulière gravité »86, avant d’arriver à l’engagement de la
responsabilité par la « faute lourde »87. En 1990, par l’arrêt
« Bourgeois » 88, le CE a introduit un nouvel élément d’appréciation à
savoir « les difficultés particulières tenant à l’appréciation de la
situation des contribuables ». Le CE considère que les opérations qui
se rattachent au calcul et au recouvrement de l’impôt ne sont pas
soumises à une présomption absolue de difficultés. Il en ressort que
lorsque les services fiscaux réalisent une tache dépourvue de
difficultés spécifiques, leur responsabilité peut être engagée même en
absence de faute lourde. La jurisprudence opte pour un examen in
concreto de chaque opération en cause. Le juge est amené ainsi, au gré
des affaires qui lui sont soumises, à suivre pas à pas les circonstances
qui entourent la procédure de contrôle et à en apprécier la difficulté.
Cette tendance a été confirmée tant dans l’arrêt « Champagne » 89,
dans l’arrêt « Garges-lès-gonesse » 90 quelques mois plus tard que
dans l’arrêt « Commune d’Arcueil » 91 quelques années plus tard. La
franchise de responsabilité reconnue à l’administration fiscale va se
réduire davantage, au point de susciter des interrogations sur la
possibilité de voir disparaître le régime de la responsabilité de la faute
86
87
88
89
90
91
C.E. 30 octobre 1954, ministre des affaires économiques c/ Murat. p.566.
C.E., 21 décembre 1962, Dame Husson –Chiffre, D. 1963, p. 558, note
J.Lemasurier ; CE 11 juillet 1984, SISO, RJF, 1990, n° 8-9, p. 632.
C.E. 27 juillet 1990, Rec. CE, p. 242 ; RFD adm. 1990, p. 899, concl. N.
Chahid-Nourai. Le juge administratif constate que les « erreurs relevées dans
la saisie et le traitement informatisé des déclarations et dans l’exécution
d’opérations qui, si elles ne se rattachent aux procédures d’établissement et de
recouvrement de l’impôt, ne comportent pas de difficultés particulières tenant à
l’appréciation de la situation des contribuables ; qu’elles sont constitutives
d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat …». L’arrêt
bourgeois fut, par ailleurs, le premier à instituer un parallélisme entre le régime
de responsabilité envers les collectivités locales et envers les particuliers.
C.E. 31 octobre 1990, Rec. Lebon, p. 309.
C.E. 1 3 mai 1991, Dr .fisc. 1992, n° 5, com.158.
C.E 29 décembre 1997 n° 151472, Commune d’Arcueil, RFD adm. 1998, p. 97.
138
L’administration fiscale française
lourde, même partielle. Une évolution récente remarquée dans
quelques arrêts du CE ainsi que dans ceux de la cour administrative
d’appel de Paris semble laisser croire, cependant, qu’on est entrain de
mettre en place un régime de responsabilité sans faute. Cette idée
initiée par l’arrêt S.I.S.O92 et confirmée par l’arrêt Tripot93 résulte de
l’intérêt du Conseil d’Etat pour la gravité et la nature du préjudice.
33- L’évolution du régime de la responsabilité des services
fiscaux pourrait, dans l’avenir, s’orienter vers la mise en place d’un
régime de droit commun aménagé, c'est-à-dire sans franchise de
responsabilité mais assorti de quelques aménagements. D’ailleurs n’at-on pas précisé que « la disparition de la faute lourde est
inéluctablement inscrite dans l’évolution du droit public français »94.
C- Le renforcement de la sécurité juridique du
contribuable
34- L’amélioration des rapports avec l’administration suppose
également un effort de parfaire la sécurité juridique du contribuable.
La charte du contribuable intègre la nécessité d’assurer la sécurité
fiscale95. Cette garantie passe par deux impératifs : la simplification de
la norme fiscale (1) et la contractualisation de la relation avec le
contribuable (2).
1- L’émergence du principe de l’intelligibilité de la norme
fiscale
35- La simplification des dispositions fiscales constitue un
élément essentiel dans l’amélioration de la relation avec
l’administration fiscale. La norme fiscale étant toujours ressentie
comme complexe et inintelligible. Or, cette complexité alimente des
92
93
94
95
C.E 11 juillet 1984, S.I.S.O., RJF 10/ 1984, n° 1256.
C.E 16 juin 1999, n° 8 et 9, com. 1049. Dans cette affaire, le juge administratif
suprême condamne pour la première fois, l’administration fiscale à indemniser
le dirigeant d’une société mise en liquidation suite à une procédure de contrôle
manifestement fautive. Le juge insiste sur le fait que, la mise en liquidation a
conduit le dirigeant non seulement à la perte e son emploi, mais aussi à une
dégradation de sa santé physique, une invalidité de 80% étant reconnu.
C.E 20 juin 1997, Theux, D. 1999, p. 46.
La charte du contribuable comporte une section « Une administration qui
respecte les personnes et les droits : vous avez droit à la sécurité juridique ».
139
L’administration fiscale française
difficultés particulières. Le Conseil constitutionnel français semble
amorcer une solution en érigeant au rang d’objectifs à valeurs
constitutionnelles, le principe « d’intelligibilité de la norme » 96. En ce
faisant, il met en place « des garanties proches du principe de la
sécurité juridique qui constitue, selon lui, un « souci » à prendre en
compte par le législateur »97.La règle de droit « doit être, pourrait-on
dire- consubstantiellement intelligible, à défaut, l’arbitraire n’est
guère éloigner »98.
36 – Illustration [du principe cadre] de la sécurité juridique99,
le principe d’intelligibilité de la loi n’a curieusement jamais été défini
par la jurisprudence. La CJCE, suivie par le Conseil constitutionnel
96
97
98
99
La première décision du conseil constitutionnel qui consacre explicitement ce
principe fut celle du 16 décembre 1999, « …cette finalité répond au demeurant
à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la
loi.. ». Déjà en germe depuis 1998 (DC n° 98-401 du 10 juin 1998), cette
position a été confirmée ultérieurement par la décision du conseil n° 2000-436
DC du 7 décembre 2000 et celle n° 2001-455 DC du 12 janvier 2001 relative à
la loi dite de modernisation sociale.
Le juge constitutionnel, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois,
se montre particulièrement attentif à ce que le législateur « ne prive pas de
garanties légales des exigences de caractère constitutionnel» tel que
l’intelligibilité et l’accessibilité de la loi, proches de l’idée de la sécurité
juridique. Le juge constitutionnel, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité
des lois, se montre particulièrement attentif à ce que le législateur « ne prive
pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel» tel que
l’intelligibilité et l’accessibilité de la loi, proches de l’idée de la sécurité
juridique. Le juge constitutionnel, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité
des lois, se montre particulièrement attentif à ce que le législateur « ne prive
pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel» tel que
l’intelligibilité et l’accessibilité de la loi, proches de l’idée de la sécurité
juridique. V. Céline LERAILLE : Insécurité fiscale : quelle protection pour le
contribuable ? Les nouvelles fiscales, n° 883, 1er janvier 2003, p.21. V. DC 9
Avril 1996, n° 373, cité par le même auteur.
BERGERES Maurice Christian : « Un principe à valeur constitutionnelle
paradoxalement ignoré du droit fiscal : l’intelligibilité de la loi », Dr. fisc,
2003, n° 24, p. 794.
HUGLO J.-G : « La Cour de cassation et le principe de la sécurité juridique »,
Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 11 ; Rapp. Du Conseil d’Etat, « Sécurité
juridique et complexité du droit », Etudes et documents du Conseil d’Etat, 2006,
p. 225-406.
140
L’administration fiscale française
français100, exige que la norme soit « suffisamment accessible » et
qu’elle soit énoncée avec « assez de précision »101. La complexité de
la norme ne serait cependant être assimilée à l’inintelligibilité102.
Force est de constater, cependant, que ce principe n’a jamais été
invoqué à l’appui d’un recours devant le Conseil constitutionnel à
l’encontre d’un texte fiscal. A notre connaissance, aucune disposition
fiscale n’a été censurée en considération de ce principe. La
consécration explicite de ce principe en matière fiscale serait
souhaitable. La non clarté et l’incohérence des textes fiscaux peuvent
prêter main forte au juge constitutionnel103.
37- Au-delà de la consécration jurisprudentielle inachevée,
différentes mesures ont été mises en place pour garantir la
compréhensibilité de la norme fiscale. La loi 2003-591 du 2 juillet
2003 et l’ordonnance 2004-281 du 25 mars 2004 relative à des
mesures de simplification en matière fiscale vont dans ce sens, mais le
chantier reste largement immense. Par ailleurs, bien qu’informelle, la
consultation des entreprises à travers leurs organisations
professionnelles pour la préparation des textes sectoriels et pour
l’élaboration des instructions administratives d’application de la loi est
bien d’actualité. Cette pratique doit, cependant être parfaite en
associant d’avantage les contribuables à la préparation de la norme
fiscale104. Ceci permettrait d’éviter des problèmes d’application qui
peuvent apparaître tardivement après le vote de la loi ou la publication
de l’instruction et qui ne pourraient être traités que par le contentieux.
100
101
102
103
104
« La garantie des droits ne peut être effective si les citoyens ne disposaient pas
d’une connaissance suffisante des normes qui leurs sont applicables ». DC 16
décembre 1999.
CEDH, 26 avril 1979, Sunday Times c/ Royaume uni, série A, n° 217, §49.
En effet, une loi dont les dispositions sont complexes peut être intelligible, selon
le Conseil constitutionnel français, dès lors que les règles qu’elle édicte sont
précises Cons. Const. , n° 2001- 45318 DC, 18 décembre 2001. Cf. Christophe
DE LA MARDIERE : « chronique de jurisprudence constitutionnelle », petites
affiches, 23 septembre 2002, p. 4.
Maurice Christian BERGERES: « Un principe à valeur constitutionnelle
paradoxalement ignoré du droit fiscal : l’intelligibilité de la loi », Dr. fisc,
24/2003, p. 798.
V. XXe Rapport du conseil des impôts, « Les relations entre les contribuables
et l’administration fiscale » : Dr. fisc. 2003, n° 4, p. 119.
141
L’administration fiscale française
L’assouplissement de la norme fiscale peut, également, passer par une
harmonisation de la jurisprudence105.
2- La contractualisation des relations administration contribuable
38 - La collaboration entre l’administration fiscale et le
contribuable trouve son essor dans la contractualisation de leur
relation106. Deux manifestations caractérisent cette contractualisation :
d’abord, la technique de transaction et ensuite, la technique du rescrit
fiscal.
39- La transaction peut être définie comme étant « une
convention par laquelle les parties mettent fin à une contestation
moyennant concessions réciproques »107. En vertu de cette
convention, le contribuable s’engage à admettre la solution fiscale
retenue par l’administration. L’administration de son coté, doit
consentir à une atténuation des pénalités. En raison de ce caractère
conventionnel, la transaction ne peut porter que sur les montants qui
ne présentent pas un caractère définitif, c'est-à-dire qui ne sont pas
devenus insusceptibles de contestation par voie contentieuse. Cette
technique peut, néanmoins, emporter de graves conséquences pour le
contribuable. En effet, lorsque elle devient définitive, la transaction
fait obstacle à l’engagement d’une procédure contentieuse qui aurait
pour but de remettre en cause les pénalités alors même que l’illégalité
de l’imposition serait établie. Certains auteurs vont même jusqu’à
considérer que cette technique porte atteinte au principe de la légalité
de l’impôt puisqu’en acceptant la réduction des pénalités, le
contribuable peut se voir contraint d’acquitter une imposition
principale illégale.
40- Le rescrit fiscal constitue la deuxième manifestation de la
contractualisation de la relation de l’administration avec le
contribuable. Mis en place par la loi du 8 juillet 1987 et codifié par
105
106
107
En effet, à l’exception de la matière d’abus de droit- où on constate une
convergence de solutions - nombreuses contradictions entre les deux ordres de
juridictions persistent.
Jacques BUISSON : « Réflexions sur l’impôt et le contrat », in Perspectives du
droit public, Mélanges offerts à Jean Claude HELIN, paris 2004.p. 133-141.
Art. 2044 du code civil
142
L’administration fiscale française
l’article L. 64 du LPF, le rescrit fiscal, inspiré de la technique du
« Ruling »- pratiquée aux Etats-Unis-, donne au contribuable, qui
envisage d’imaginer des montages juridiques pour en tirer les
avantages fiscaux, la possibilité de solliciter préalablement
l’administration fiscale en vue de lui demander la qualification de
l’opération. Le silence pendant six mois ainsi que la réponse positive
engage l’administration108. Cette réponse est assimilée à un contrat en
ce que l’administration ne peut plus redresser ce contribuable sur la
base de l’abus de droit après qu’elle ait manifesté son acceptation tant
tacite qu’explicite109. Cette procédure de rescrit général a été confortée
par le dispositif de « rescrit post-contrôle »110. Organisé par une
simple instruction administrative111et intégré dans la charte du
contribuable112, ce nouveau dispositif113, qui ne peut prétendre à
aucune base législative, étend, sous certaines conditions, la garantie du
contribuable contre les changements de la doctrine administrative
prévue par les articles L.80A et L.80B du LPF114 aux points examinés
108
109
110
111
112
113
114
Cette technique a été systématisée par la charte du contribuable sous la section
« Vous avez droit à la sécurité juridique : nos prises de position nous
engagent ».
La loi de finance pour 2005, a élargit d’avantage cette technique de rescrit
fiscal. L’article 24 repris par l’article L.80 B du LPF a étendu cette procédure
de rescrit aux entreprises qui participent à un projet de recherche et de
développement dans une zone de recherche et de développement. Désormais ces
entreprises peuvent demander à l’administration s’ils remplissent les conditions
requises pour bénéficier du régime d’exonération.
Cf. Nada MAALEJ MAHDI : « Notes sous instruction du 20 juillet 2005
relative aux garanties supplémentaires au profit du contribuable», Revue
tunisienne de fiscalité, N° 4, p. 133 et s.
Instruction du 20 juillet 2005, BOI 13 L-3-05 : Dr. fisc. 2005, n° 36, 2005, p.
321.
La charte du contribuable du 17 octobre 2005 évoque ce dispositif sous la
section intitulée « Vous avez droit à la sécurité juridique » : « Le chef
d’entreprise peut demander au vérificateur présent dans l’entreprise de prendre
position sur un point qu’il a examiné précédemment et qui n’a pas donnée lieu
à rectification ».
CAA Nantes, 1er mars 1999, req. n° 96-836 : Dr. fisc. 1999, c. 941; CAA
Marseille, 8 mars 1999, req. n° 97-1194, Gambini : RJF 1999, c. 1311; CAA
Bordeaux, 27 juin 2000, req. n ° 97-406, Alliaire : RJF 2000, n° 1197 ; CE 29
septembre 2000, req. n° 198.325, Le Diberder : RJF 2000, n° 1475.
Les articles L.80A et L.80B du LPF ont pour ambition de protéger le
contribuable qui a organisé sa situation en se fiant à une interprétation de la
143
L’administration fiscale française
au cours d’une vérification de comptabilité et qui n’ont pas donné lieu
à une rectification. Désormais, lors d’un contrôle fiscal, l’entreprise
jouit de la possibilité de solliciter l’administration en vue d’une prise
de position formelle se rapportant aux situations de droit ou de fait qui
ont fait l’objet d’un contrôle fiscal mais qui n’ont pas abouti à un
rehaussement. La prise de position, formulée par un agent habilité,
engage l’administration et lui est opposable. Il s’ensuit que lors d’un
contrôle fiscal ultérieur, l’administration ne peut procéder à aucun
rehaussement des impositions antérieures en se fondant sur une
interprétation différente de sa position formelle précédemment notifiée
au contribuable, aussi longtemps que la situation de fait, les textes ou
la doctrine administrative publiée n’ont subi de modification. Il s’agit
d’une mise en échec du droit de reprise lorsque la cause du
rehaussement repose sur une interprétation différente de celle
précédemment admise par l’administration. Il s’agit d’un « gardefou » au changement de la doctrine administrative. La garantie de
rescrit post contrôle, en dépit, de ses limites, constitue un pas « vers la
sécurisation du contribuable »115, en ce qu’elle permet au contribuable
de contractualiser avec l’administration fiscale.
41- Certes, plusieurs mesures ont été adoptées en vue de
garantir l’amélioration de la relation entre l’administration et le
contribuable. L’administration fiscale, a priori autoritaire, s’est
engagée au cours des dernières années, « dans une mutation culturelle
visant à fonder sur une plus grande confiance réciproque le
115
norme fiscale ou à une appréciation d’une situation de fait donnée par
l’administration. Il ressort de l’article L. 80 A du LPF que l’administration ne
peut procéder « à aucun rehaussement d’impositions antérieures » basées sur
une interprétation admise par ses services, à la date des opérations en cause, à
condition que la dite interprétation soit formalisée sur un support soit à
caractère individuel soit à caractère général (instructions ou circulaires).
L’article L 80 B al.1 LPF étend cette garantie à l’appréciation portée par
l’administration sur une situation de fait au regard d’un texte fiscal. Cet article a
été complété par un al.2 qui étend cette garantie à certains accords tacites en
réponse à certaines demandes de prise de position formelles adressées à
l’administration.
Cf. MAALEJ MAHDI Nada : « Note sous instruction Française du 20 juillet
2005 relative aux garanties supplémentaires au profit du contribuable», op.cit.
144
L’administration fiscale française
consentement des contribuables à payer l’impôt »116. Cet engagement
s’est traduit par une évolution progressive des comportements et
devraient s’accompagner par une détermination en ce qui concernerait
la gestion du personnel. Ces mesures devraient, cependant, s’apprécier
dans le temps notamment s’agissant des « outils de sécurité juridique
car leur succès ne dépend pas que de l’offre de service. Il est aussi
tributaire de la volonté des contribuables d’y recourir, c'est-à-dire
pour partie de l’image de l’administration qui ne peut évoluer que
dans la durée »117. C’est dans ce sens que le Conseil des impôts
Français « encourage l’émergence d’une culture de qualité, garantie
principale de la pérennité d’un service public»118. L’administration
fiscale tunisienne suivra t-elle le même chemin119.
116
117
118
119
Cf. XXe rapport du Conseil des impôts : Les relations entres les contribuables et
l’administration fiscale : Dr. fisc. 2003, n° 4, p. 119. ; V. également sur la
question du fondement social de l’impôt, Michel BOUVIER : «Nouveau
civisme fiscal et transformations de l’alliance citoyen contribuable », Revue
tunisienne de fiscalité, n° 3, 2005, p. 7-26
B. PARENT : Trente mesures pour améliorer les relations entre les
contribuables et l’administration fiscale, RF fin. Publ. Fév. 2005, p. 95-96.
Cf. Le XXe rapport du Conseil des impôts : Les relations entre les contribuables
et l’administration fiscale : Dr. fisc. 2003, n° 4, p. 120.
Sur la question de la relation du contribuable avec l’administration en Tunisie,
cf. Rafâa BEN ACHOUR « Le renouvellement des relations entre les citoyens
et l’administration en Tunisie », in Perspectives du droit public, Mélanges
offerts à Jean Claude HELIN, paris 2004.p. 39-53.
145