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Structure de la propriété des médias en Croatie
L’IMMENSE POUVOIR DES MEDIAS
Pero Jurisin
Les médias de l’EuropaPress Holding(EPH) ont été les premiers a
exiger la démission du procureur général - ceux-là mêmes qui, il y a un peu
plus d’un an, en avaient fait une sorte d’Eliot Ness, le vantant au-delà de
toutes mesures - suivant l’aspiration qui l’emportait alors, tenir tête au
régime du HDZ au lendemain de sa défaite.
La politique personnifiée par le Parti social-démocrate, en tant que
principal parti de la coalition au pouvoir, a ratifié cette solution, attentive à
« la
voix
du
public »
exprimée
dans
les
nombreux
publications
d’Europapress Holding - la plus grande maison d’édition des Balkans. C’est
ainsi qu’Ortynski est reparti comme il était venu - emporté par la marée
sécrétée par une partie de la presse croate.
Cette fois-ci c’est le quotidien Jutarnji list, porte-parole du EPH, qui a
jeté le trouble au sein de l’Etat en reproduisant une soi-disant déclaration
du premier ministre Ivica Racan sur de prétendus problèmes au sein des
banques Privredna et Splitska. L’importante publicité qui a suivi et le fait
que cette nouvelle ait paru à la une des journaux ont provoqué la réaction
immédiate du premier ministre et du gouverneur de la Hrvatske narodne
banke (Banque populaire de Split). Si bien qu’il n’y a pas eu de trop grands
remous, malgré le fait que l’on aurait pu s’y attendre vu l’effervescence du
marché, à peine apaisé après les fameuses affaires bancaires éclatées au
temps du règne du HDZ et qui étaient revenues à la surface après le
récent scandale de la Banque de Rijeka et la disparition de 100 millions de
dollars.
Le EPH - le plus puissant des cartels médiatiques
Ces deux incidents ont clairement démontré l’influence décisive
qu’exerce aujourd’hui les médias non seulement sur l’opinion publique,
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mais aussi sur l’establishment politique. Le fait que de nombreuses
personnes avaient prévu ces déroulements face à l’expansion de l’EPH surtout après que la WAZ allemande soit devenue propriétaire de 50% des
parts - est particulièrement significatif. L’EPH est issu de l’hebdomadaire
Globus qui vendait jusqu’à 200.000 numéros et qui représente aujourd’hui
encore, avec ses 60.000 exemplaires, l’hebdomadaire croate au plus grand
tirage. Cette publication avait été lancée en 1991 par un groupe de
journalistes grâce à des crédits de la Banque de Zagreb.
Ninoslav Pavic, l’un de ses fondateurs, a plus tard racheté leurs
parts aux autres actionnaires et est devenu seul propriétaire. Il a ensuite,
grâce à Globus, lancé une série de publications les plus diverses. Telle la
revue hebdomadaire Glorija destinée aux femmes, qui a atteint le plus haut
niveau de vente en Croatie avec environ 80.000 exemplaires. On trouve,
parmi une quinzaine de différentes publications, les hebdomadaires
suivants : des revues destinées à la famille (Mila), aux jeunes (OK), aux
enfants (Djeciji klub) et aux passionnés de l’automobile (Auto klub). L’EPH
a également obtenu une licence lui permettant de publier et distribuer
Playboy et Cosmopolitan dans la partie ex-yougoslave de l’Europe de
l’Ouest. Il a plus tard acheté Arena, à la fin des années 90, hebdomadaire
autrefois au plus gros tirage dans la maison d’édition Vjesnik et, l’année
dernière, l’unique journal sportif, Sportske novosti.
C’est sur cette base qu’a été lancé en 1998 le quotidien Jutarnji list,
tiré à environ 100.000 exemplaires, qui arrive ainsi à la seconde place juste
après Vecernji list et est le journal croate le plus répandu.
A la fin des années 90, Tiska, la plus grande entreprise de
distribution de la presse en Croatie, qui étend son monopole sur environ
90% du marché, s’est retrouvée en difficultés. Suite à certaines
manoeuvres financières, cette société n’a pas versé à temps ce qu’elle
devait aux maisons d’édition, ce qui lui a fait perdre des millions.
Outre le fait qu’il a fallu réduire les salaires, la question s’est posée
de savoir si la diffusion de ces journaux était bien fondée. Dans le cas
d’EPH, le problème a été résolu grâce à un investissement de la maison de
distribution allemande WAZ, qui a racheté à Pavic 50% de ses actions. Il
aurait été précisé dans le contrat que WAZ n’interviendrait pas dans la
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politique de la rédaction et s’occuperait uniquement de la bonne marche
des affaires et de l’expansion de la firme.
Au milieu des années 90, sous prétexte de ne pas être d’accord avec
la politique de la rédaction de Globus, un groupe de journalistes s’est
séparé de cette revue pour fonder Nacional. Une partie du capital initial
étant assuré par la vente de leurs actions à Globus.
Les journalistes sont propriétaires de l’hebdomadaire et le principal
actionnaire est Ivo Pukanic. Nacional tire aujourd’hui à environ 35.000
exemplaires. Chiffre inférieur à ce qu’il était à la fin des années 90, période
où après l’apparition de Jutarni list tous les hebdomadaires politiques de
Croatie ont enregistré une baisse de leur tirage. Fin 2000 Pukanic, grâce à
l’infrastructure de ce seul hebdomadaire, a pu lancer le quotidien
Republika, mais il avait déjà disparu six mois plus tard. Republika avait été
lancée grâce à un crédit accordé par la banque Hypo, qui relance
maintenant Nacional, et ceci se reflète en partie sur la politique de la
rédaction. Il y a par ailleurs dans ce journal trop de réclames, c’est-à-dire
des textes dont on a du mal à savoir s’ils tiennent du journalisme ou de la
publicité.
Le journal du soir au plus grand tirage
Vecernji list, qui tire chaque jour à environ 120.000 exemplaires plus important tirage en Croatie - arrive pour le moment à soutenir la
concurrence avec EuropaPress Holding. Au cours des années 90 les
pouvoirs avaient refusé aux journalistes l’autorisation de racheter leur
journal, fondé un demi-siècle auparavant en tant qu’édition du soir de
Vjesnik. Il a finalement été privatisé à la fin des années 90, mais le nom du
propriétaire étant demeuré inconnu, ce qui était contraire à la législation
croate, cela a suscité un scandale et le parlement a exigé une enquête. On
finit par découvrir que le propriétaire était le fonds catholique Caritas, dont
le siège était situé aux Iles Vierges. Ce fait une fois dévoilé, le journal fut
racheté par deux hommes d’affaires (Zubak et Nuic) et par la firme
Montmontaz. Il fut ensuite racheté l’année dernière par la maison d’édition
autrichienne Styria, qui a changé la rédaction et licencié 90 employés dans
le cadre d’un processus de rationalisation.
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Les employés de Novi list de Rijeka, un quotidien également, ont
réussi à sauvegarder leur autonomie grâce à la fondation américaine
MDLF et détiennent aujourd’hui la majorité des parts de ce journal. Cette
opération avait était menée sous la loi yougoslave à l’époque où Ante
Markovic présidait le gouvernement. MDFL constitue en fait un fonds
international qui aide les journalistes à devenir propriétaires des médias où
ils travaillent et qui opère dans les pays de l’ex-Yougoslavie. MDFL
possède 30 pour cent des actions. Grâce à des crédits avantageux, il aide
les journalistes à racheter des parts une fois leur firme financièrement
assurée. La majeure partie des actions appartient pourtant au directeur et
rédacteur en chef du journal, Zdenko Mance. Il s’efforce, sous le couvert
de son journal, d’acheter des publications ne provenant pas de capitaux
étrangers. C’est ainsi que le journal a conclu des arrangements avec Glas
Istre, Karlovacki list, ainsi qu’avec d’autres journaux locaux et il semble
qu’il soit en pourparlers avec Glas Slavonije d’Osijek.
Novi list, le plus ancien journal en Croatie, procure à ces journaux
une logistique de base et y dispose d’une page locale. Ces derniers
couvrent dans l’ensemble la région de l’Istrie, Rijeka et Kvarner, ainsi que
quelques régions locales. Ce groupe tire aujourd’hui à environ 70.000
exemplaires.
Le tirage de Slobodna Dalmacija est un peu moins important, ce
journal avait également été privatisé au début des années 90 aux termes
de « la loi Markovic », ce qui avait permis aux journalistes d’en devenir
propriétaires. Le HDZ a annulé cette opération et, en 1993, a permis au
tycoon Miroslav Kutli, grâce à des transactions illégales et une
surcapitalisation imaginaire, de s’approprier le journal. Au cours des dix
dernières années, Kutli a soutiré 130 millions de DM à cette publication et
en 2000, une fois l’illégalité du processus de privatisation certifiée par les
tribunaux, l’Etat est devenu propriétaire de ce journal, lequel possède sa
propre imprimerie. On étudie ces jours-ci l’éventualité pour l’Etat d’investir
de nouveaux fonds pour le renforcer financièrement.
Des pourparlers sont également en cours avec Delo, qui serait
intéressé à acheter le quotidien de Split. Par ailleurs, le sort du plus ancien
hebdomadaire croate Nedeljna Dalmacija, dont le tirage atteint 5 à 6 mille
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exemplaires et dont la bonne marche suffit à couvrir ledit quotidien, reste
incertain. Le tirage du quotidien Slobodna Dalmacija, qui atteignait
autrefois les 180.000 exemplaires est tombé aujourd’hui à 65.000, mais il
reste pourtant le journal dalmate le plus influent. C’est précisément grâce à
cette influence qu’aux élections de 2000 la droite a remporté un meilleur
score en Dalmatie que dans le reste de la Croatie, en grande partie parce
que jusqu’en mai 2001 ce journal était dirigé par des cadres nommés par
le HDZ, qui l’avaient transformé en bulletin de propagande.
Vjesnik s’est tiré de ce mauvais pas en changeant la direction en
2000. Ce journal a toujours été entre les mains de l’Etat et, à l’époque où
le rédacteur en chef était Nenad Ivankovic, il s’était transformé à un
certain moment en porte-parole non officiel des services d’information du
HDZ. Ivankovic a tout d’abord été remplacé par Igor Mandic, journaliste et
publiciste très connu. Celui-ci, après avoir nettoyé la rédaction, a cédé la
place à Kresimir Fijacko. Grâce à une importante aide financière de l’Etat,
Vjesnik a amélioré sa présentation graphique et a réussi à augmenter un
peu son tirage, qui atteint aujourd’hui 10.000 exemplaires. Au cours du
règne du HDZ ce tirage était assez élevé grâce à l’obligation pour toutes
les entreprises de l’Etat, armée y compris, de s’abonner à ce journal. L’Etat
a tenté plusieurs fois de le vendre, mais avec l’imprimerie. Ce qui
n’intéressait pas les acheteurs. C’est pourtant au moyen de l’imprimerie
que l’Etat couvre une partie des pertes de Vjesnik, étant donné qu’il y
imprime toutes les publications qu’il finance, y compris ses éditions pour
les minorités.
La position sur le marché de l’hebdomadaire de Split Feral Tribune
est particulièrement intéressante. Ce journal a été créé en 1993 par un
groupe de journalistes dissidents de Slobodna Dalmacija. Grâce aux
donations de diverses fondations internationales ces journalistes ont pu
créer leur propre publication mais ils semblent, depuis l’année dernière,
être en proie à de graves difficultés. Si bien qu’un certain nombre d’entre
eux sont partis, mais le journal a tout de même réussi à s’en sortir grâce à
de nouvelles donations et il tire de nouveau à 25.000 exemplaires. Après
une tentative infructueuse pour fusionner avec Novi list, il va sans doute
pouvoir survivre grâce à l’aide de la même fondation, le MDLF.
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On trouve également sur le marché un hebdomadaire peu coté,
Fokus, financé par Marinko Mikulic, propriétaire de l’imprimerie Pan
Papir. Bien qu’au moment où il a été lancé ce journal était nettement
orienté vers la gauche, au cours du mois de novembre de la même année
le propriétaire a exigé que la rédaction change sa politique, malgré le fait
qu’il tirait à une quinzaine de milliers d’exemplaires. Il a été procédé à un
changement de cadres et ce journal oeuvre aujourd’hui à la promotion des
idées de l’opposition de droite et tire à 3-4 milliers d’exemplaires.
Les médias écrits cités plus haut comptent parmi les plus influents en
Croatie. Bien qu’un petit nombre d’entre eux soient entre les mains de
l’Etat, on peut dire qu’il n’existe pas en Croatie de journaux d’opposition
véritablement influents.
Les médias électroniques plus proches de l’opposition
Dans le domaine des médias électroniques, le plus influent est la
Radiotélévision de Croatie (HRT), média gouvernemental sur le point de se
transformer en média public. Bien que cette institution soit encore propriété
de l’Etat la nouvelle direction n’est pas la véritable expression des objectifs
de l’élite politique. Il s’agit du média croate le plus influent, où siègent
encore de nombreux cadres nommés au cours du règne du HDZ, dont
certains animent même d’importantes émissions. La société Odasiljaci i
veze (Emetteurs et liaisons) s’en est récemment séparée; elle compte offrir
ses services à tous les utilisateurs des fréquences, sous des conditions
identiques. Entre autres à TV Nova, télévision privée dont le capital
étranger détient une part importante. Cette télévision a enlevé à la HRT un
grand nombre de ses téléspectateurs et fait de plus en plus de bénéfices
grâce à la publicité.
Les télévisions locales restent dans l’ensemble sous l’influence du
HDZ. La plupart ont été créées au cours du règne de ce parti, époque où
elles se sont vues attribuer leurs fréquences. Leur problème est un
manque de commercialisation, les spots publicitaires étant surtout diffusés
sur les trois chaînes de la HTV.
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Il existe, en-dehors des programmes diffusés par Radio Croatie au
niveau national et régional, plusieurs autres stations qui émettent à
l’échelle nationale. Il s’agit de stations privées, toujours sous l’influence du
HDZ, dont les plus populaires sont Obiteljski et Narodni radio. Les radios
indépendantes les plus connues sont Radio 101 de Zagreb et Radio KL et
Eurodom de Split, des stations privées. La Croatie est en effet couverte par
un réseau de stations privées, mais il est difficile de savoir d’où provient
leur capital. De toutes manières, ces stations de radio, ainsi que Radio
Croatie, ont moins d’influence sur l’opinion publique que la télévision croate
et une partie de la presse.
Pero Jurisin est journaliste de STINA, agence de presse indépendante,
Split (Croatie).

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