Les huguenots investissent l`Opéra du Rhin
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Les huguenots investissent l`Opéra du Rhin
Les Huguenots investissent l’Opéra du Rhin ! En mars et avril, l’Opéra du Rhin présente à Strasbourg et Mulhouse un spectacle rarissime : le grand opéra français Les Huguenots de Giacomo Meyerbeer sur un livret d’Eugène Scribe. L’œuvre retrace les événements tragiques de la Saint-Barthélemy L’opéra Les Huguenots du compositeur allemand Meyerbeer, créé en février 1836 à Paris, a immédiatement connu un succès foudroyant : plus de mille représentations seulement à Paris jusqu’à la fin du XIXe siècle. Mais la polémique contre son auteur, qui était d’origine juive, finit par faire disparaître ce chef-d’œuvre de la scène et les nazis l’interdirent formellement. La mise en scène aujourd'hui montrée à Strasbourg et Mulhouse confirme que cet opéra occupe, à juste titre, une place importante dans le répertoire du grand opéra français du XIXe siècle. C’est, après la pièce de théâtre, Le massacre de Paris, du britannique Christopher Marlowe, jouée en 2008 au TNS, déjà le deuxième spectacle sur ce thème que l’on montre à Strasbourg. Une simple histoire d'amour ? Sur fond de Saint-Barthélémy de 1572 où, lors des noces d’Henri de Navarre avec Marguerite de Valois, les protestants ont été abattus par milliers, d’abord à Paris puis dans les villes de province, l'oeuvre raconte une histoire d'amour. Le protestant Raoul de Nangis est tombé amoureux d’une jeune inconnue qui n’est autre que Valentine de Saint-Bris, la fille du chef de file du parti catholique. Valentine sauve son amant d’un piège que les catholiques lui ont tendu. Mais les deux apprennent que des massacres, qui visent tous les protestants, se préparent. Retranchés dans une église parisienne, ils deviennent témoins des atrocités perpétrées dans les rues. Après que Valentine s’est convertie au protestantisme sur le champ, tous les deux tombent sous les balles des soldats catholiques. Ce n’est qu’à partir des années 1980 que l'opéra Les Huguenots connaît un timide retour dans le répertoire, et ce, pour diverses raisons. Cette intrigue pourrait nous paraître aujourd’hui comme un étrange mélange entre l’histoire événementielle de la guerre des religions et des épisodes sentimentaux. Les auteurs mélangent des personnalités historiques comme Marguerite de Valois ou le comte de Nevers (en réalité Louis IV, duc de Nevers) avec des personnages romanesques, comme les protagonistes Raoul et sa dame de cœur Valentine. Cependant, le livret de Scribe n’est pas une simple retranscription sentimentale des horreurs sanglantes et du fanatisme meurtrier. L’opéra nous montre plutôt comment le déchirement confessionnel se prolonge jusqu’au sein des familles et des relations intimes entre homme et femme. Dans la dernière scène, le comte de Saint-Bris, fervent catholique et l'un des tueurs de la Saint-Barthélémy, découvre avec horreur qu’il a fait fusiller sa propre fille qui a rejoint les rangs des protestants. Une interrogation sur nous-mêmes L’opéra n’est donc pas une interprétation des événements historiques, mais l’histoire sert comme fond pour que nous nous interrogions sur nos propres fanatismes et sur la façon de résoudre les conflits. Ainsi fanatisme religieux, aveuglement politique et fantasme de violence sont des deux côtés, catholique et protestant. Marcel, le soldat protestant et valet de Raoul, glorifie la violence commise lors du siège de La Rochelle : « Piff, paff, piff, terrassons-les, cernons-les, frappons-les ! Qu’ils pleurent, qu’ils meurent, mais grâce jamais ! » Et les soldats catholiques, assoiffés de sangs, achèvent leur besogne sinistre en chantant : « Par le feu et par l’incendie exterminons la race impie ! Frappons, poursuivons l’hérétique ! » La musique somptueuse de Meyerbeer confère à la grande histoire sa vivacité et son actualité : des scènes intimes suivent les grands tableaux sanglants. Mais en dehors des scènes de masses très impressionnantes (qui font sans doute la gloire de Meyerbeer), le compositeur sait parfaitement faire vivre les personnages, même les rôles secondaires, par la précision des thèmes musicaux. Le moment de la consécration des épées par les prêtres catholiques dans le quatrième acte est sans doute l'un des moments musicaux et dramatiques les plus forts de l’opéra. « Tous les cœurs ont tremblé. C’est ça la musique ! » s’enthousiasme l’écrivain Heinrich Heine après la première parisienne. Beat Föllmi Strasbourg, Opéra, 14, 18, 20, 24, 28 mars Mulhouse, La Filature, 13 et 15 avril http://www.operanationaldurhin.eu Scénariste : Olivier Py, au pupitre : Daniele Gallegari, en coproduction avec le théâtre de La Monnaie de Bruxelles. Conférence de Beat Föllmi, maître de conférences en musique sacrée à la Faculté de Théologie protestante de Strasbourg jeudi 15 mars à 18h30, Palais Universitaire, salle Tauler, entrée gratuite