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GYNECO-OBSTETRIQUE Revue Marocaine du Cancer 2012, vol. 4, n°3 : 13-15 Fait Clinique LE CARCINOME PAPILLAIRE INTRAKYSTIQUE DU SEIN (A PROPOS D’UN CAS ET REVUE DE LA LITTERATURE) S. EL BACOURI, M. BENCHEIKH, C. OUSDI, M. ENNACHIT, F. MIKOU, M. EL KARROUMI, M. GHAZLI, N. MATAR Service de Gynécologie Obstétrique “B”, Maternité Lalla Meryem, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc RESUME ABSTRACT Le carcinome papillaire intrakystique du sein est une entité rare qui est souvent incluse dans le cadre des carcinomes canalaires in situ. Nous en rapportons un cas révélé par une énorme masse kystique, occupant tout le sein et se traduisant radiologiquement par un kyste siège d’un bourgeon charnu. Le traitement a consisté en une mastectomie vu la taille de la tumeur et le pronostic est bon avec un recul de 5 mois. Le diagnostic est histologique et repose sur la mise en évidence d’axes conjonctivo-vasculaires d’assises myoépithéliales. Le traitement n’est pas standardisé vu la rareté de cette forme histologique. Le pronostic est excellent dans la forme isolée. INTRACYSTIC PAPILLARY CARCINOMA OF THE BREAST (ONE CASE REPORT AND REVIEW OF THE LITERATURE) Mots clés : carcinome papillaire intrakystique, sein, diagnostic, traitement, pronostic Intracystic papillary carcinoma of the breast is a rare entity is which is often included within the framework of in situ canalar carcinomas. We report a case revealed by an enormous cystic mass, occupying all the breast and being radiologically translated by a cyst sit of a fleshy bud. The treatment consisted of a mastectomy and the prognosis is good with a follow-up of 5 months. The diagnosis is histological and based on the revealing of conjonctivovascular axes without myoepithelial cells. The treatment is not standardized because the rarity of this histological form. The prognosis is excellent in the isolated forms. Correspondance : Dr. S. EL BACOURI. 406, Rue Strasbourg, Résidence 15 Ramadan, Casablanca, Maroc. E-mail : [email protected] Key words : intracystic papillary carcinoma, breast, diagnosis, treatment, prognosis INTRODUCTION L’examen clinique retrouvait une tumeur solido-kystique du sein gauche de 14 x 13,5 cm à contours irréguliers par endroits associant des zones solides et des zones rénitentes fistulisées à la jonction des quadrants inférieurs (fig. 1). Le carcinome intra kystique du sein est une entité particulière faisant partie des carcinomes intracanalaires [1]. Elle est définie par la survenue d’un carcinome mammaire non nécrotique à l’intérieur d’un canal galactophorique dilaté avec un stroma fibro-vasculaire peu développé [2]. La mammographie avait mis en évidence une opacité homogène de tonalité hydrique occupant environ tout le sein gauche, globalement arrondie, avec des limites antérieures irrégulières par endroits associée à un épaississement du revêtement cutané (fig. 2). Ce carcinome peut s’observer seul ou associé en périphérie à un carcinome canalaire in situ ou invasif. L’échographie a confirmé la présence d’une formation kystique de 11,5 x 9,8 cm arrondie à contenu finement échogène à paroi épaissie et irrégulière, siège d’un bourgeon sessile intrakystique (fig. 3). Seules quelques observations ponctuelles ont été rapportées dans la littérature. Nous rapportons à travers cette observation les particularités diagnostiques et thérapeutiques de cette entité. L’analyse cytologique a ramené du matériel richement cellulaire, contenant des cellules cylindriques groupées en placards de type monocouche, prenant alors un aspect papillaire. La biopsie au trucut de la partie charnue du kyste n’a pas été concluante. OBSERVATION Nous rapportons le cas d’une patiente âgée de 80 ans ayant comme antécédent une cholécystectomie il y a 20 ans ainsi qu’une ménopause non substituée survenue à l’âge de 51 ans et qui a consulté pour un volumineux nodule comblant la totalité du sein gauche apparu 8 mois auparavant et s’étant ulcéré secondairement. Le traitement chirurgical a consisté en une tumorectomie avec réalisation d’un examen extemporané qui a révélé un carcinome canalaire in situ sans nécrose. Nous avons alors opté pour une mastectomie. 13 Le carcinome papillaire intrakystique du sein S. EL BACOURI et coll. Après inclusion en paraffine, il a été a objectivé une lésion d’architecture tubulo-papillaire faite de glandes et d’axes conjonctivo-vasculaires plus ou moins fusionnés, revêtus par un épithélium hyperplasique, dénué d’assises myoépithéliales, sans foyer de nécrose et qui correspondait à une prolifération papillaire intrakystique de haut grade nucléaire (fig. 4). a. Fig. 1. Aspect clinique montrant une tumeur occupant tout le sein b. Fig. 2. Mammographie (a. incidence de face, b. incidence oblique) : opacité homogène occupant environ tout le sein gauche, globalement arrondie associée à un épaississement cutané Fig. 3. Echographie mammaire : formation kystique de 11,5 x 9,8 cm, arrondie, à contenu finement échogène, à paroi épaissie et irrégulière siège d’un bourgeon endokystique Fig. 4. Histologie : structure tubulo-papillaire associant des glandes et des axes conjonctivo-vasculaires revêtus par un épithélium hyperplasique et dénuée d’assises myoépithéliales (HE) 14 Revue Marocaine du Cancer 2012, vol. 4, n°3 : 13-15 DISCUSSION L'absence de métastases ganglionnaires axillaires dans la majorité des séries publiées suggèrent que le traitement de choix d'un carcinome intrakystique isolé est une tumorectomie élargie ce qui a été le cas dans notre cas puisque la patiente a eu une mastectomie sans curage ganglionnaire [1, 2]. Le carcinome papillaire intrakystique du sein est une tumeur canalaire rare qui représente 0,5 à 1% de l’ensemble des cancers mammaires [3, 4]. Il survient le plus souvent à la septième décade, la plupart des cas rapportés étaient âgés de 63 à 67 ans [4, 5]. Quelques cas isolés ont été rapportés chez l’homme [6]. Le profil évolutif est caractérisé généralement par une croissance lente avec un bon pronostic comparativement aux autres carcinomes canalaires [3, 8]. La survie globale à cinq ans est de 83 à 96% selon les auteurs [7, 8]. Deux éléments concourent à ce bon pronostic : le développement longtemps intracanalaire et la croissance lente des lésions qui limitent le risque métastatique [8]. L’explication physiopathologique de l’aspect kystique de ce cancer est controversée. Deux théories ont cependant été avancées : la cancérisation d’un papillome préexistant [7] qui semble rare, alors que l’hypothèse du développement de la tumeur dans un canal galactophorique qui va secondairement se kystiser paraît plus probable [7, 8, 9]. Carter et son équipe, à partir d’une série de 7 cas de carcinomes papillaires intrakystiques isolés traités par une tumorectomie, n’ont pas observé de récidive locale après un suivi moyen de 7 ans [10]. Une tuméfaction mammaire est souvent l’occasion du diagnostic, siègeant souvent en rétro-aréolaire. La taille de la tumeur au moment du diagnostic est souvent importante [8, 9]. Il s’agit souvent d’une tumeur préexistante ayant récemment augmenté de volume [8] ou ayant subit une modification de ses caractéristiques telle que l’ulcération [3]. CONCLUSION Les carcinomes intrakystiques représentent une entité particulière du cancer du sein par leur survenue à un âge plus avancé, leur croissance lente longtemps intracanalaire et leur pronostic souvent excellent dans leur forme isolée. Cependant, l’attitude thérapeutique n’est pas définie et le risque est de surtraiter une telle lésion. A la mamographie, le carcinome papillaire intrakystique se présente comme une opacité à contours nets. Les limites peuvent parfois être floues témoignant d’un aspect inflammatoire, ou un envahissement des parois kystiques par la tumeur [5]. L’échographie met le plus souvent en évidence une formation kystique avec renforcement postérieur, les contours étant souvent bien circonscrites. Il s’agit souvent de kystes complexes avec une composante solide plus ou moins importante, généralement hyperéchogène et appendue à la paroi interne du kyste [9]. REFERENCES 1. Mugler CK, Marshall C, Hardesty L, Finlayson C, Singh M. Intracystic papillary carcinoma of the breast : differential diagnosis and management. Oncology 2007 ; 21 : 7. 2. Baron M, Ladonne JM, Resch B, D’Anjou J. Traitement du carcinome papillaire intrakystique du sein. Le Sein 2002 ; 12: 209-11. 3. Wynveen CA, Nehhozina T, Akram M, Hassan M, Norton L, Van Zee KJ, Brogi E. Intracystic papillary carcinoma of the breast : an in situ or invasive tumor ? Results of immunohistochemical analysis and clinical follow-up. Am J Surg Pathol 2011 ; 35 : 1-14. 4. Muttarak M, Chaiwun B, Trakultivakorn H. Intracystic papillary carcinoma of the breast. Australas Radiol 2002 ; 46 : 129-31. 5. Liberman L, Feng TL, Susnik B. Intracystic papillary carcinoma with invasion. Radiology 2001 ; 219 : 781-4. 6. Stamatakos M, Stefanaki C, Stasinou T, Papantoni E, Alexiou I, Konstantinos K. Intracystic papillary carcinoma of the breast in male : in search of the optimal treatment for this rare disease. Breast Care 2011 ; 6 : 399-403. 7. Ko KH, Kim EK, Park BW. Invasive papillary carcinoma of the breast presenting as post-traumatic recurrent hemorrhagic cysts. Yonsei Med J 2006 ; 47 : 575-7. 8. Levêque J, Watier E, Le Simple T, Goyat F, Grall JY. Carcinome mammaire intrakystique : à propos d’une observation. J Gynecol Obstet Biol Reprod 1998 ; 27 : 329-32. 9. Ganesan S, Karthik G, Joshi M, Damodaran V. Ultrasound spectrum in intraductal papillary neoplasms of breast. Br J Radiol 2006 ; 79: 843-9. 10. Carter D, Orr SL, Merino MJ. Intracystic papillary carcinoma of the breast. After mastectomy, radiotherapy or excisional biopsy alone. Cancer 1983 ; 52 : 14 -9. L’aspiration à l’aiguille fine ou la biopsie tumorale vise souvent le centre de la lésion alors que l’invasion se trouve souvent en périphérie, ce qui les rend souvent moins représentatives [4, 6]. Macroscopiquement, il s’agit d’une masse friable ou bosselée à l’intérieur d’un espace kystique. Sur le plan histologique, on retrouve un ou plusieurs nodules de carcinome papillaire entourés par une épaisse capsule fibreuse. C’est l’aspect grêle homogène des axes conjonctivovasculaires qui doit y faire penser. Les cellules myoépithéliales sont absentes et la recherche de cellules myoépithéliales dans les papilles et à la périphérie des nodules tumoraux par immunohistochimie est toujours négative et constitue donc un critère diagnostique [3, 4]. Mais le plus fréquemment, le tissu mammaire avoisinant contient des foyers de carcinome in situ de bas grade nucléaire ou de grade intermédiaire, habituellement d’architecture cribriforme ou micropapillaire. Des zones de carcinome invasif le plus souvent canalaire peuvent s’associer au carcinome papillaire intrakystique [4, 5]. Quand un carcinome invasif est associé au carcinome papillaire encapsulé, il faut uniquement prendre en considération la taille de la composante invasive afin éviter le surtraitement [2, 8]. 15