Électrophorèse des protéines du LCR

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Électrophorèse des protéines du LCR
Électrophorèse
des protéines du LCR
Le liquide céphalo-rachidien (LCR) exerce un rôle de
protection mécanique du système nerveux central. Il
représente un volume de 140 ± 30 ml chez l’adulte et
la protéinorachie varie de 0,15 à 0,45 g/l selon l’âge.
La majorité des protéines du LCR proviennent du
plasma par passage de la barrière sang/LCR (barrière
hémato-méningée) par transsudation au niveau des
plexus choroïdes et de l’endothélium vasculaire, les
autres protéines provenant du système nerveux luimême (cellules nerveuses). Ce liquide est sécrété,
résorbé et renouvelé entièrement 3 fois en 24 heures.
L’électrophorèse sur gel d’agarose permet d’identifier
les différentes fractions protéiques :
• la préalbumine, fraction la plus rapide ;
• l’albumine (jusqu’à 75 % des protéines), d’origine
sérique uniquement. Compte tenu de l’absence de
synthèse locale, une augmentation de l’albuminorachie est considérée comme le résultat d’une modification de la barrière hémato-encéphalique, entraînant
un phénomène de transsudation ;
• les α 1-globulines, correspondant essentiellement à
l’α 1-antitrypsine ;
• les α 2-globulines, qui sont très faibles car les protéines de poids moléculaire élevé ne peuvent traverser
la barrière méningée ;
• les â-globulines, comportant la transferrine et la fraction Tau (transferrine désialilée), qui est à la limite
des ã-globulines ;
• les ã-globulines, comprenant essentiellement des IgG,
rarement des IgA et des IgM (origine sérique), avec
en postgamma la cystatine C, qui est en concentration
relative plus importante que dans le sérum.
Par comparaison avec l’analyse du sérum prélevé le
même jour, on peut définir différents types de profils
électrophorétiques.
Profil normal
La préalbumine, la fraction Tau sont visibles et les gammaglobulines sont d’aspect polyclonal.
Profil transsudatif
En association avec une protéinorachie augmentée, on
observe une augmentation de l’albumine, une diminution de la préalbumine et de la fraction Tau, sans ano-
malie de répartition des gammaglobulines. Ce profil
traduit une augmentation de la perméabilité capillaire
par un phénomène de compression (tumeurs), par réaction inflammatoire (syndrome de Guillain-Barré), ou
lors d’un accident vasculaire cérébral.
Profil monoclonal
Avec présence d’un pic dans les gammaglobulines au
niveau du sérum et du LCR : l’Ig monoclonale est
retrouvée parallèlement dans le sérum et le LCR. Elle
serait synthétisée par les plasmocytes anormaux présents dans le système nerveux.
Profil oligoclonal
Il correspond à la présence de bandes dans la zone des
gammaglobulines, non retrouvées dans le sérum correspondant, avec une protéinorachie généralement normale ou subnormale. Ce profil est fréquemment
rencontré dans la sclérose en plaques (SEP).
Profil transsudatif et oligoclonal
Le profil des gammaglobulines est différent de celui du
sérum avec élévation de la protéinorachie. Cette anomalie se rencontre au cours d’infections méningées.
Il faut souligner que la zone des gammaglobulines
inclut des protéines qui ne sont pas des immunoglobulines (fraction Tau, anhydrases carboniques, CRP,
cystatine C), or l’électrophorèse standard n’est pas assez
spécifique pour les différencier de fractions immunologiques. Par conséquent, toute anomalie constatée
dans la zone ã doit être confirmée par d’autres techniques afin de vérifier l’existence ou non d’une réaction
immunitaire intrathécale. En effet, de nombreuses
pathologies inflammatoires neurologiques sont associées à une synthèse intrathécale oligoclonale d’Ig (plus
particulièrement d’IgG) et/ou à une augmentation de la
perméabilité de la barrière hémato-méningée.
• L’état de la barrière hémato-méningée peut être évalué par le pourcentage de transsudation de
l’albumine :
% de transsudation = albumine du LCR (mg/l) × 100
albumine du sérum (mg/l)
La valeur de référence est inférieure à 0,65. Une augmentation de ce taux traduit un passage accru des protéines sériques.
• L’index d’IgG permet de mettre en évidence une synthèse intrathécale d’IgG, qui traduit une réaction
immunitaire spécifique développée par le système
nerveux.
– Index de Tibbling et Link :
IgG LCR/IgG sérum
N < 0,65
Albumine LCR/Albumine sérum
– Index de Delpech et Lichtblau :
IgG/Albumine LCR
N < 0,65
IgG/Albumine sérum
• Enfin, la synthèse intrathécale est souvent associée à
une restriction d’hétérogénéité se traduisant par une
répartition oligoclonale des ã-globulines. La
recherche d’un profil oligoclonal spécifique des Ig du
LCR est essentielle pour le diagnostic. Deux types de
méthodes sont disponibles, nécessitant bien entendu
une analyse en parallèle du sérum et du LCR :
– l’isoélectrofocalisation (IEF), très résolutive,
méthode de référence dans le diagnostic de la sclérose en plaques (SEP) selon la conférence de
consensus de 1994 : sensibilité 95 %, spécificité
96 %. Elle repose sur la séparation des protéines en
fonction de leur point isoélectrique ; la migration a
lieu dans un gradient de pH linéaire créé par des
ampholytes. Sérum et LCR sont analysés en parallèle, après les avoir ajustés à la même concentration
en IgG (10 mg/l). Les IgG oligoclonales sont détectées avec une grande sensibilité (0,3 mg/l) ;
– l’immunofixation, ou mieux encore l’immunofixation sensibilisée avec révélation immunoenzymatique des Ig séparées par électrophorèse
(utilisation d’antisérum anti-IgG, anti-IgA ou antiIgM marqués à la peroxydase). Cette technique
semi-automatisée présente une sensibilité et une
spécificité proches de celles de l’IEF, en alliant les
avantages de rapidité, simplicité d’exécution et facilité d’interprétation.
Ces techniques, qui mettent en évidence une anomalie
qualitative, sont beaucoup plus sensibles et spécifiques
que les calculs d’index.
En IEF, une ou plusieurs bandes supplémentaires dans
le LCR, absentes à la même position dans le sérum correspondant, permettent de conclure à un profil oligoclonal. Soulignons toutefois que le nombre de bandes
observées dans un profil oligoclonal ne corrèle pas
nécessairement avec la sévérité de la maladie.
La mise en évidence d’un profil oligoclonal d’IgG est
fortement évocatrice de la SEP, maladie inflammatoire
chronique du système nerveux central, à évolution progressive, liée au processus de démyélinisation. Ce profil
oligoclonal est aussi retrouvé dans d’autres maladies
neurologiques inflammatoires : la neurosyphillis non
traitée, les leuco-encéphalites subaiguës sclérosantes, les
infections méningées, la neuroborréliose, l’encéphalite
associée au VIH, les maladies de système avec atteinte
du système nerveux central (LED, vascularite), la maladie de Creutzfeldt-Jakob, le syndrome de GuillainBarré, les neuropathies périphériques, la névrite optique
et les accidents cérébrovasculaires.
Le profil oligoclonal n’est pas ou rarement retrouvé
dans les maladies neurologiques non inflammatoires
(démences, paresthésies, paralysies, céphalées, tumeurs,
lombalgies, Parkinson…).
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(
Albumine, Préalbumine
Gillain N, Fumal A, Minon JM.
Bandes oligoclonales et index IgG interprété selon Reiber dans les maladies inflammatoires du système nerveux central.
Immunoanal Biol Spéc 2006 ; 21 : 348-356.
Mercier Villet A, Borel Giraud N, Caudie C, Ruel JH.
Place de l’immunofixation des IgG du LCR dans le diagnostic de sclérose
en plaques (SEP).
Immunoanal Biol Spéc 2004 ; 19 : 89-92.