Tube digestif supérieur , quelle stratégie adopter

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Tube digestif supérieur , quelle stratégie adopter
SOMMAIRE
Modérateurs
C. MARIETTE (Lille)
C. BRIGAND (Strasbourg)
Quelle stratégie adopter devant :
• une tumeur sous-muqueuse de l'œsophage ?
N. BRIEZ (Lille)
• un ulcère duodénal hémorragique récidivant malgré un traitement
médical bien conduit ?
O. BREHANT (Amiens)
• une hernie diaphragmatique asymptomatique ?
N. CARRERE (Toulouse)
FCC 9 - Tube digestif supérieur : quelle stratégie adopter ?
QUELLE STRATEGIE ADOPTER DEVANT UNE TUMEUR SOUS-MUQUEUSE DE
L’OESOPHAGE?
N. BRIEZ
Service de chirurgie digestive et générale,
Pr TRIBOULET, CHRU Lille
Généralités
Les tumeurs sous-muqueuses de l’œsophage sont des tumeurs rares, représentant moins de 1% de l’ensemble
de la pathologie tumorale œsophagienne. On regroupe sous ce terme différents types histologiques
correspondant à des tumeurs bénignes, malignes ou à potentiel malin, toutes développées aux dépens des
couches sous-muqueuses de l’œsophage (muscularis mucosae, sous-muqueuse conjonctivoélastique,
musculeuse ou adventice).
Les tumeurs non épithéliales bénignes sont donc représentées au premier plan par les léiomyomes, mais
également plus rarement les tumeurs à cellules granuleuses d’Abrikossoff, polypes fibro-vasculaires,
schwannomes, neurofibromes, rhabdomyomes, hémangiomes, lymphangiomes, tumeurs glomiques, lipomes,
chondromes. L’histoire naturelle de ces tumeurs bénignes est connue et leur prise en charge est relativement
consensuelle (1).
Les GIST œsophagiennes, rares, sont considérées comme des tumeurs bénignes à potentiel malin, appartenant
à la famille des sarcomes. La rareté de ces tumeurs, les difficultés diagnostiques pré-opératoires et les données
contradictoires disponibles dans la littérature concernant leur potentiel évolutif, rendent difficile l’élaboration
de guidelines précises, faisant toute la difficulté de leur prise en charge.
Enfin, les tumeurs non épithéliales malignes sont une pathologie extrêmement rare, représentées
principalement par le léiomyosarcome, dont la fréquence est estimée entre 0,1 et 0,5% de toutes les tumeurs
malignes de l’œsophage (2-4).
Les tumeurs sous-muqueuses de l’œsophage, comparativement aux tumeurs malignes muqueuses, sont
asymptomatiques dans 80% des cas (5,6), découvertes sur des examens paracliniques réalisés pour d’autres
motifs (7). Avec l’évolution, l’obstruction de la lumière œsophagienne peut être à l’origine d’une dysphagie,
notamment lorsque le diamètre tumoral dépasse 5cm (8).
Problématique
L’enjeu pour ces tumeurs est de ne pas méconnaitre une tumeur maligne ou à potentiel malin, dont l’évolution
pourrait compromettre tout traitement curatif, et de proposer le traitement le plus adapté au type
histologique de la tumeur.
Les questions principales concernent la légitimité de la biopsie pré-opératoire mais également les modalités de
prise en charge chirurgicale des GIST de l’œsophage.
FCC 9 - Tube digestif supérieur : quelle stratégie adopter ?
Quels examens paracliniques ?
Le plus souvent, les examens paracliniques permettent d’orienter de façon fiable le diagnostic.
Le TOGD permet de confirmer l’existence d’une lésion exoluminale, à l’origine d’une compression extrinsèque,
et de la localiser précisément (9).
La tomodensitométrie thoraco-abdominale, au mieux sensibilisée par l’ingestion de produit de contraste,
apprécie l’épaisseur de la paroi œsophagienne et confirme le diagnostic de tumeur sous-muqueuse en
montrant une tumeur bien limitée, régulière refoulant la lumière. Elle permet également l’analyse des signes
suspects de malignité comme l’infiltration tumorale pariétale et le statut ganglionnaire médiastinal (9,10).
L’endoscopie n’apporte que peu de renseignements en l’absence de lésion muqueuse. Elle permet de localiser,
lorsque la compression d’allure extrinsèque est visualisée, la tumeur, en indiquant sa distance par rapport aux
arcades dentaires.
L’écho-endoscopie permet d’identifier avec précision la topographie intrapariétale par rapport aux différentes
tuniques de l’œsophage, de préciser son caractère solide ou kystique. Ainsi, le léiomyome apparait
hypoéchogène à partir de la muscularis mucosae ou de la musculeuse (10,11). Elle représente le meilleur
examen pour le diagnostic de bénignité de la lésion, affirmant la régularité des contours, son homogénéité,
l’absence d’envahissement des tissus de voisinage ou d’adénopathies médiastinales (12).
La biopsie per-endoscopie ou per-échoendoscopie n’a d’intérêt que si elle entraine une modification de la prise
en charge thérapeutique. En cas de tumeur symptomatique, ou présentant des critères de malignité, une prise
en charge chirurgicale s’impose, rendant le diagnostic histologique pré-opératoire inutile, sinon délétère. En
effet, la biopsie pré-opératoire est à l’origine d’une effraction muqueuse iatrogène à l’origine de complications
post-opératoires, et peut gêner la réalisation d’une énucléation en fusionnant les plans, à l’origine de
perforations muqueuses per-opératoires. De plus, étant donné l’épaisseur de la muqueuse, le rendement des
biopsies des tumeurs sous-muqueuses est faible (13). En pratique, les examens paracliniques permettent
souvent une analyse précise de la nature tumorale. En cas de doute diagnostic, la biopsie pourrait avoir un rôle,
notamment pour différencier léiomyome et GIST. Cependant, et comme nous le détaillons plus tard, il n’existe,
à l’heure actuelle, pas d’arguments formels pour penser que la prise en charge de ces 2 tumeurs doive être
différente, et donc que la biopsie pourrait modifier la conduite à tenir. Ainsi, pour le diagnostic de GIST, la
question reste en suspens, certains adaptant l’étendue du geste chirurgical en fonction de l’index mitotique, de
manière empirique (14). Pour autant, les recommandations du NCCN sont de ne pas réaliser de biopsies pour
les GIST résécables (15).
Quelle prise en charge thérapeutique ?
Le caractère symptomatique peut justifier à lui seul une exérèse, qu’elle soit endoscopique ou chirurgicale.
Selon la nature tumorale, la prise en charge peut varier, prenant en compte le risque de dégénérescence et
l’évolutivité.
Le doute diagnostic justifie également une exérèse, afin de ne pas laisser évoluer une tumeur maligne ou à
potentiel malin telles que les GIST de l’œsophage, pathologie que nous détaillerons.
FCC 9 - Tube digestif supérieur : quelle stratégie adopter ?
La prise en charge des tumeurs bénignes est relativement consensuelle puisque l’histoire naturelle de ces
tumeurs est bien connue :
-
Pour le léiomyome, en cas de tumeur de moins de 5 cm de diamètre, unique, asymptomatique, une
surveillance par imagerie peut être proposée en raison de sa lenteur évolutive et du risque
exceptionnel et controversé de transformation maligne, un cas ayant été décrit dans la littérature (16).
Une exérèse chirurgicale s‘impose si la tumeur dépasse 5 cm, devient symptomatique, possède des
caractéristiques paracliniques faisant craindre une transformation maligne, ou en cas de doute
diagnostique. L’énucléation extramuqueuse de la tumeur, par thoracotomie ou au mieux
thoracoscopie, est suffisante dans la majorité des cas, avec une morbidité faible (17-19). Une
oesophagectomie avec gastroplastie peut s’imposer en cas de tumeur géante.
-
Pour la tumeur à cellules granuleuses d’Abrikossoff, les critères diagnostiques endoscopiques et
échoendoscopiques typiques ne laissent que peu de place au doute. Etant donné le caractère
exceptionnel de leur transformation maligne (20) avec 3 cas décrits, et leur caractère peu évolutif, il
est admis que les tumeurs de moins de 2 cm peuvent être surveillées. Pour les tumeurs
symptomatiques ou en cas de doute diagnostique, une énucléation chirurgicale conservatrice est la
règle (21-23).
-
Pour les polypes fibrovasculaires, réalisant des tumeurs d’aspects macroscopique et histologique
variables, dont la forme la plus caractéristique est la tumeur pédiculée, longue, développée sous la
bouche de l’œsophage et descendant dans la lumière œsophagienne, l’exérèse est conseillée en
raison du risque d’extériorisation avec asphyxie, par voie endoscopique en cas de pédicule fin, ou
chirurgicalement par abord de l’œsophage par cervicotomie gauche en cas de pédicule important
(24,25).
-
Pour les hémangiomes, dont le diagnostic repose avant tout sur le scanner avec injection, l’exérèse
endoscopique est le traitement de choix pour les petites tumeurs, exposant cependant à un risque
hémorragique du fait du caractère hypervasculaire de cette lésion.
-
Pour les lipomes, souvent confirmés par l’aspect scannographique typique d’une tumeur de densité
graisseuse, l’abstention est la règle sauf en cas de tumeur symptomatique, situation rare (26).
-
Les tumeurs nerveuses comme le schwannome ou le neurofibrome peuvent naitre de différentes
couches de la paroi œsophagienne. La résection n’est indiquée qu’en cas de tumeur symptomatique,
le diagnostic différentiel avec le léiomyome étant difficile en l’absence de l’analyse histologique sur
pièce de résection.
Pour les tumeurs malignes telles que les léiomyosarcomes, il est recommandé de réaliser une
oesophagectomie avec résection complète R0, obéissant aux règles de la chirurgie des sarcomes malins (27).
Cependant, le diagnostic pré-opératoire n’est pas toujours possible en l’absence de signes de malignité
scannographiques ou échoendoscopiques, faisant passer cette tumeur pour un léiomyome ou une GIST. Etant
donné le mauvais pronostic de ces tumeurs, une résection complémentaire doit être proposée en cas de
découverte histologique après énucléation d’une lésion supposée bénigne.
FCC 9 - Tube digestif supérieur : quelle stratégie adopter ?
La prise en charge des GIST de l’œsophage est plus problématique. Les GIST, tumeurs stromales gastrointestinales sont les tumeurs mésenchymateuses les plus fréquentes, associant des critères histologiques
précis, ainsi que des critères immunohistochimiques (expression des protéines KIT ou CD117 et/ou DOG-1),
permettant de les différencier des autres tumeurs mésenchymateuses telles que le léiomyome ou le
schwannome (28,29), expliquant le caractère relativement récent de leur diagnostic (30). La recherche
mutationnelle des gènes de KIT (CD117) et PDGFRA peut permettre de confirmer le diagnostic de GIST en cas
d’analyse immunohistochimique négative. Le potentiel de malignité des GIST, défini par le risque de récidive,
dépend de la taille tumorale, de l’index mitotique, de la localisation tumorale primitive, de la rupture tumorale
et de l’existence de marges de résection envahies (29).
Les GIST de l’œsophage sont rares, représentant 0,7% de l’ensemble des GIST dans le registre français PROGIST
au cours de l’année 2005, avec 4 cas recensés (31). Les séries publiées dans la littérature restent anecdotiques,
avec 8 publications de cas entre 2002 et 2006 (32-39), et 3 séries de 4 à 8 patients (14,40,41), dont la plus
importante a colligé les observations sur une période de 30 ans (41). La rareté de cette pathologie ainsi que les
données contradictoires publiées ne permettent pas d’assigner à la localisation œsophagienne d’une GIST un
pronostic péjoratif avec un niveau de preuve suffisant. Cette localisation spécifique est ainsi absente de la
classification de Mittienen (30) et des recommandations de l’ESMO et du NCCN (National Comprehensive
Cancer Network) (15,29), même si le pronostic lié à la localisation œsophagienne est considéré par certains
comme plus sévère (42, 43). De même, si la résection passant en zone saine sans curage ganglionnaire est
recommandée de manière générale (15,29), le débat entre énucléation et œsophagectomie pour la localisation
œsophagienne reste ouvert étant donné l’absence de données fiables dans la littérature et la morbi-mortalité
bien supérieure des œsophagectomies (44).
L’analyse des publications de cas entre 2002 et 2006 (32-39) retrouve, pour les 8 patients, des tumeurs dont la
taille était inférieure à 10 cm et dont l’index mitotique était faible. Quelque soit le traitement proposé, à savoir
œsophagectomie ou énucléation, aucune récidive n’était notée après un suivi allant de 2 à 5 ans.
Des résultats contradictoires ont été rapportés par Blum et al (40) dans leur série de 4 GIST œsophagiennes
prises en charge entre 2000 et 2003. Toutes ont été biopsiées en pré-opératoire, à l’origine de difficultés
notables lors de l’énucléation, en raison de zones d’adhérences avec la muqueuse, cette dernière ayant du être
réséquée dans la moitié des cas. La résection était complète pour chaque patient, et la moitié des patients a
présenté une récidive de la maladie dans les 3 ans, un traité par énucléation, l’autre par œsophagectomie. Les
auteurs concluaient en l’utilité des biopsies pré-opératoires pour les tumeurs de plus de 2 cm, et la nécessité
d’une œsophagectomie, l’énucléation exposant à un risque de résection R2 ou de rupture tumorale trop
important. Cependant, les données publiées ne permettent pas de confirmer ces conclusions de manière
objective.
Dans la série de Lee (14), 7 GIST œsophagiennes ont été prises en charge entre 2001 et 2003, avec 5
énucléations et 2 œsophagectomies. Toutes les résections étaient estimées complètes. Avec une suivi médian
de 4,4 ans, 2 patients ont présenté une récidive, correspondant aux 2 patients traités par œsophagectomie,
pour des tumeurs de plus de 10 cm et dont l’index mitotique après analyse histologique était plus élevé que
dans le groupe énucléation. La conclusion des auteurs, malgré le faible niveau de preuves, est de réaliser (i) une
FCC 9 - Tube digestif supérieur : quelle stratégie adopter ?
énucléation pour les tumeurs de moins de 5 cm, sans biopsie pré-opératoire, (ii) une œsophagectomie pour les
tumeurs de plus de 10 cm avec biopsie pré-opératoire, (iii) de discuter la réalisation d’une œsophagectomie
après réalisation d’une biopsie pré-opératoire pour les tumeurs comprises entre 5 et 10 cm, en cas d’invasion
muqueuse ou de localisation à la jonction œso-gastrique.
Dans la série de Jiang (41), parmi les 8 GIST opérées entre 1978 et 2008, 3 ont bénéficié d’une énucléation pour
une taille inférieure à 7,5cm, avec une résection R0 pour chaque patient, sans récidive à plus de 14 mois. Les 5
autres patients ont bénéficié d’une œsophagectomie : les 4 patients qui présentaient une tumeur de plus de 10
cm avec plus de 5 mitoses pour 50 champs ont récidivé malgré la résection élargie, alors qu’aucune récidive
n’était notée à plus de 8 ans pour la tumeur de moins de 9 cm avec un index mitotique faible, suggérant
d’adapter le geste chirurgical selon la taille tumoral, avec pour limite la taille de 9 cm pour l’énucléation.
Le niveau de preuves de ces études est faible, ne permettant pas de donner de directive claire et l’existence
d’un large registre permettrait de proposer une prise en charge plus rationnelle de ces tumeurs rares, mais
dont le pronostic peut être sévère. Pour autant, l’analyse de la littérature permet de souligner des facteurs de
mauvais pronostic, tels que la taille de plus de 10 cm et l’index mitotique élevé, tels qu’ils ont été décrits dans
la classification de Miettinen (30) pour toutes les autres localisations tumorales, pouvant suggérer que la
localisation œsophagienne ne soit pas associée à un pronostic péjoratif par elle-même.
Conclusion
Les tumeurs sous-muqueuses de l’œsophage sont rares, avec une prise en charge consensuelle pour les
tumeurs bénignes et malignes. La biopsie pré-opératoire doit être évitée dans la mesure où elle ne modifie pas
la prise en charge thérapeutique. La controverse existe pour les GIST œsophagiennes, dont l’histoire naturelle
est discutée, et dont le pronostic est difficile à évaluer. Plusieurs questions restent en suspens, parmi lesquelles
(i) l’utilité de la biopsie pré-opératoire pour ces tumeurs, pouvant entraver l’efficacité d’un geste conservateur
tel que l’énucléation, (ii) la légitimité de l’énucléation dans cette pathologie ou il est admis qu’une exérèse avec
des marges satisfaisantes est le gold standard, même si des résultats favorables ont été publiés avec cette
technique (iii) l’intérêt d’une œsophagectomie complémentaire en cas de critères de mauvais pronostic sur la
pièce d’énucléation. A l’heure actuelle, aucune étude ne permet de répondre à ces questions de manière
fiable.
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FCC 9 - Tube digestif supérieur : quelle stratégie adopter ?
QUELLE STRATEGIE ADOPTER DEVANT UN ULCERE DUODENAL
HEMORRAGIQUE RECIDIVANT MALGRE UN TRAITEMENT MEDICAL BIEN
CONDUIT
O. BREHANT
Service de chirurgie digestive CHU Amiens
CHU Amiens Chirurgie digestive
Hopital Nord - Place Victor Hugo
80000 AMIENS
Tél : 03 22 66 83 00
Email : [email protected]
Introduction
En présence d’un ulcère duodénal, la chirurgie est indiquée : - en cas d'hémorragie massive ne permettant pas
un traitement endoscopique (choc hémorragique réfractaire) ; - en cas d'hémorragie active à l'endoscopie pour
des lésions Ia,b ou IIa de la classification de Forrest (saignement artériel en jet, saignement actif en nappe,
vaisseaux visibles) lorsque le traitement endoscopique est soit un échec (après deux tentatives), soit impossible
du fait d'une lésion inaccessible (1-3). Interviennent également, l’âge du patient, l’existence d’un choc initial, le
nombre de culots globulaires transfusés (4,5). Lorsque l’ulcère est de trop grande taille et/ou que la
pyloroplastie n’est pas suturable, la gastrectomie est réalisée de nécessité (6). L’injection endoscopique
d'histoacryl ou l'embolisation par voie radiologique ne sont indiquées qu’en dernier recours et en cas de
contre-indication chirurgicale (1), bien que l’embolisation soit pour certains proposée de plus en plus
largement (7). Dans les autres cas, il est admis que «les traitements chirurgicaux radicaux sont à préférer aux
traitements conservateurs car ils diminuent le risque de récidive hémorragique post-opératoire, facteur de
mortalité post-opératoire, sans augmenter la mortalité et la morbidité» (1), principe basé sur les résultats de 2
études prospectives publiées avant 1995 (8,9).
Les traitements chirurgicaux
•
Traitement conservateur :
Pour l’ulcère duodénal, il comprend, la duodénotomie / suture de l’AGD au fond de l’ulcère / pyloroplastie, la
duodénotomie / suture de l’AGD au fond de l’ulcère / pyloroplastie / vagotomie tronculaire (VT), la
duodénotomie / suture de l’AGD au fond de l’ulcère / pyloroplastie / double ligature de l’AGD et de l’artère
gastroépiploïque droite / VT (intervention de Weinberg) (10). Pour l’ulcère gastrique, il comprend la résection
de l’ulcère parfois associée à une VT, rarement associée à la ligature de l’AGD.
•
Traitement radical :
Il comprend l’antrectomie ou la gastrectomie distale / suture de l’AGD au fond de l’ulcère / VT (11) et la
gastrectomie totale / suture de l’AGD au fond de l’ulcère.
FCC 9 - Tube digestif supérieur : quelle stratégie adopter ?
L’évaluation des traitements chirurgicaux de l’ulcère duodénal hémorragique par érosion de l’AGD, se fait par
l’analyse de la mortalité globale, la mortalité par récidive hémorragique, la récidive hémorragique, et la
morbidité (fistule le plus souvent) de ces deux options thérapeutiques. Il faut préciser, avant d’aborder les
différentes séries, que cette analyse est rendue difficile par la multiplicité des gestes chirurgicaux parfois peu
détaillés, la coexistence dans les séries d’ulcères duodénaux et gastriques, et l’absence d’information sur le
traitement à visée anti-acide. L’analyse de la littérature permet d’apporter des réponses par l’intermédiaire de
séries prospectives et rétrospectives. Aucune méta-analyse n’a été retrouvée, et nous n’avons retrouvé qu’une
seule revue de la littérature (12). Plus récemment un consensus a également été établi. (13)
Etudes prospectives : Une première étude prospective non randomisée, publiée en 1984, a rapporté chez 148
patients pris en charge pour ulcère duodénal hémorragique une mortalité similaire après traitement
conservateur (duodénotomie / suture de l’AGD au fond de l’ulcère / pyloroplastie / VT) et radical (antrectomie
ou gastrectomie distale suture de l’AGD au fond de l’ulcère / VT), respectivement de 8% et 7,8% (14). Une
deuxième étude prospective randomisée, publiée en 1984, a rapporté une mortalité postopératoire de 7% chez
44/51 (86,2%) patients ayant eu traitement conservateur (duodénotomie / suture de l’AGD au fond de l’ulcère
/ pyloroplastie / VT) (15). Une troisième étude prospective randomisée publiée en 1987 a rapporté une
mortalité postopératoire de 6,9% chez 69 patients après traitement conservateur (duodénotomie / suture de
l’AGD au fond de l’ulcère / pyloroplastie / vagotomie tronculaire) (16). Les deux études de Poxon et al. et de
Millat et al. sont les deux seules études prospectives randomisées comparant traitements conservateur et
radical (8,9). Poxon et al., ont rapporté les résultats d’une étude prospective randomisée multicentrique
(incluant des ulcères duodénaux et gastriques hémorragiques), publiée en 1991 : 129 patients ont été
randomisés (analyse en traitement reçu), 62 patients ont reçu un traitement conservateur (duodénotomie /
suture de l’AGD au fond de l’ulcère / pyloroplastie / Ranitidine 150 mg x2) et 67 un traitement radical
(antrectomie ou gastrectomie distale / suture de l’AGD au fond de l’ulcère / VT). La mortalité après traitement
conservateur était de 26% et de 19% après traitement radical (ns). La récidive hémorragique après traitement
conservateur était de 10% (n=6, 6 décès) et de zéro après traitement radical (p<0,02). La morbidité des gestes
n’était pas précisée. Devant ces résultats, l’étude a été arrêtée et le traitement conservateur condamné (8).
Cependant, il faut noter qu’il y avait 48% d’ulcères gastriques dans cette série, et que près de 30% des patients
n’avaient pas de ligature de l’AGD au fond de l’ulcère. Il s’agit de la seule étude prospective randomisée ayant
montré une diminution (ns) de la mortalité par le biais de la récidive hémorragique après traitement radical,
résultats retrouvés dans deux études rétrospectives (17,18). Le message important de cette étude, est que la
duodénotomie / suture de l’AGD au fond de l’ulcère / pyloroplastie sans autre geste (suture simple) est à
proscrire et non le traitement conservateur dans son ensemble dont les modalités sont diverses. Millat et al.,
ont rapporté les résultats d’une étude prospective randomisée multicentrique (ulcère duodénal
hémorragique), publiée en 1993 : sur 202 patients 118 ont été randomisés (analyse en traitement reçu), 58
patients ont reçu un traitement conservateur (duodénotomie / suture de l’AGD au fond de l’ulcère /
pyloroplastie / VT) et 60 un traitement radical (antrectomie ou gastrectomie distale suture de l’AGD au fond de
l’ulcère / VT). La mortalité après traitement conservateur était de 22% et de 23% (ns) après traitement radical.
La récidive hémorragique après traitement conservateur était de 17% et de 3% après traitement radical
FCC 9 - Tube digestif supérieur : quelle stratégie adopter ?
(p<0,05). Trois pour cent des patients ont présenté une fistule duodénale après traitement conservateur et
13% après traitement radical. Les mêmes résultats étaient observés dans le groupe des 82 patients non
randomisés. La conclusion de cette étude était que les traitements chirurgicaux radicaux sont à préférer aux
traitements conservateurs car ils diminuent le risque de récidive hémorragique post-opératoire, facteur de
mortalité post-opératoire, sans augmenter la mortalité et la morbidité (9). Millat et al. ont de plus précisé que,
parmi 20 patients des groupes randomisés ou non randomisés un seul (5%) a présenté une récidive dans le
sous groupe de patients ayant eu comme traitement conservateur une duodénotomie / suture de l’AGD au
fond de l’ulcère / pyloroplastie / double ligature de l’AGD et de l’artère gastroépiploïque droite / VT
(intervention de Weinberg) (10).
Etudes rétrospectives : De nombreuses études rétrospectives sont disponibles (4,12). Dousset et al. ont
rapporté en 1995 les résultats d’une étude rétrospective monocentrique (ulcère duodénal et gastrique
hémorragiques) chez 78 patients : 63 ont eu un traitement conservateur (incluant 29 duodénotomie / suture
de l’AGD au fond de l’ulcère / pyloroplastie, en fait des sutures simples) et 15 un traitement radical
(antrectomie / VT, n=10). La mortalité était de 17/78 (21,8%), dont 9/17 (53%) de mortalité par récidive
hémorragique ; la récidive hémorragique était de 19/78 (24,3%). La récidive hémorragique était
significativement plus fréquente après traitement conservateur et était retrouvée comme facteur prédictif de
mortalité (17). Les mêmes résultats ont été publiés par Kuttila et al. (16). Après analyse de l’étude de Cheynel
et al (19), étude rétrospective monocentrique (ulcère duodénal et gastrique) publiée en 2001, il est possible
d’extraire les résultats de 44 patients traités pour ulcère duodénal hémorragique par duodénotomie / suture
de l’AGD au fond de l’ulcère / pyloroplastie (n=30), par antrectomie ou gastrectomie distale partielle (n=10) et
4 par duodénotomie exploratrice (n = 4) (il faut refaire une FOGD si possible avant le geste pour confirmer le
diagnostic, un ulcère non hémorragique pouvant coexister avec une autre source de saignement actif). Il est
difficile de préciser les gestes mais 17 patients ont eu une VT et deux une ligature de l’AGD. La mortalité
postopératoire était de 23% (7/30) après duodénotomie / suture de l’AGD au fond de l’ulcère / pyloroplastie et
de 30% (3/10) gastrectomie, donc non dépendante du geste opératoire. La récidive hémorragique était de 10%
(3/30) après duodénotomie / suture de l’AGD au fond de l’ulcère / pyloroplastie et de 0/10 après gastrectomie
(ns mais nette tendance). Enfin, une dernière étude rétrospective multicentrique portant sur 907 patients
(ulcère duodénal et gastrique hémorragiques) a été publiée en 2006 par de la Fuente et al. : 518 patients (57%)
ont eu un traitement conservateur par duodénotomie / suture de l’AGD au fond de l’ulcère / pyloroplastie / VT
et 389 une gastrectomie / VT. La mortalité (18 versus 17%), la morbidité, la durée d’hospitalisation, et la
récidive hémorragique (11% versus 12%) étaient similaires quel que soit le geste chirurgical. Après analyse
multivariée, le traitement radical (résection) n’était pas associé à une réduction de la mortalité, ni du risque de
récidive hémorragique, mais à une augmentation de la durée de séjour (20).
Nous avons analysés au CHU d’Amiens les résultats de la prise en charge résolument conservatrice des ulcères
duodénaux hémorragiques par érosion de l’AGD chez 21 patients consécutifs de 1995 à 2006 (21). Tous les
patients recevaient des inhibiteurs de la pompe à proton (oméprazole) en post opératoire, soit en intraveineux
soit à forte dose (8mg/h) à la seringue électrique (IPP SE). Tous les patients avaient eu une suture de l’artère
gastroduodénale au fond de l’ulcère et une fermeture de la duodénotomie en pyloroplastie ; 11 patients
FCC 9 - Tube digestif supérieur : quelle stratégie adopter ?
avaient en plus une ligature double de l’AGD au dessus et au dessous du duodénum. Aucune vagotomie n’était
réalisée. Deux patients ont eu une récidive hémorragique (10%). La mortalité était 19% (n=4) (récidive n=0).
Aucun des patients ayant une ligature de l’AGD et aucun des patients ayant reçu des IPP à la SE n’avait récidivé.
Consensus : Plus récemment, un consensus d’experts japonais a validé le traitement conservateur (suture de
l’ulcère, ligature vasculaire en périduodénal) qui permet l’hémostase sans association d’un geste de résection
du fait du développement des inhibiteurs de la pompe à protons. (13)
Conclusion
Le traitement chirurgical de référence de l’ulcère duodénal hémorragique par érosion de l’AGD reste en 2008 le
traitement radical (antrectomie / VT) : deux études de niveau 1-2 et des études rétrospectives sont en faveur
du traitement radical en terme de réduction de la fréquence des récidives (le geste chirurgical est un facteur de
risque de récidive) (8,9). Seule une étude de niveau 1-2 (8) et au moins deux rétrospectives (19,20) relient la
mortalité au geste chirurgical. De plus, le vrai message de l’étude de Poxon et al. est que la suture simple
(duodénotomie / suture de l’AGD au fond de l’ulcère / pyloroplastie) est a proscrire et non le traitement
conservateur dans son ensemble (8). Deux éléments de réflexion se doivent d’être dégagés pouvant modifier
notre pratique: - en raison de l’efficacité des thérapeutiques endoscopiques (3), d’une meilleure
compréhension et prise en charge de la maladie ulcéreuse (rôle d’Hélicobacter Pylori, IPP), de la diminution du
risque de récidive hémorragique par l’utilisation des inhibiteurs de la pompe à protons (22-24), le rôle de la
chirurgie a changé, son but actuel n’étant plus de guérir la maladie ulcéreuse, mais seulement en urgence,
d’arrêter l’hémorragie ; - la morbimortalité à court et long terme, les séquelles fonctionnelles des
gastrectomies et le risque de cancer sur moignon ne sont pas négligeables (25). Dans une étude très récente,
de niveau 4, étude rétrospective sur près de 1000 patients, la morbidité, la durée d’hospitalisation, et la
récidive hémorragique étaient similaires quel que soit le geste chirurgical choisi (conservateur ou radical) (22).
De plus, il apparaît très clairement que le geste chirurgical ne peut être considéré comme le seul facteur de
risque de récidive hémorragique et de mortalité en présence d’un ulcère hémorragique par érosion de l’AGD
nécessitant un traitement chirurgical : l’age, l’état général du patient, les comorbidités interviennent (5,22,26).
Enfin, dans près de 80% des cas la prise en charge est conservatrice dans les études analysées (rétrospectives)
et dans une enquête de pratique américaine (27) informelle en France.
Toutes ces études gardent cependant un niveau de preuve faible. Elles ne permettent pas d’affirmer la
supériorité du traitement conservateur mais autorisent à remettre en question le dogme de l’antrectomievagotomie (recommandation de grade A-B) à l’heure des IPP et de l’éradication d’Hélicobacter Pylori.
L’intervention de Weinberg associée aux IPP à la SE, en particulier chez les sujets à risque, semble être une
alternative.
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Point de vue
Ulcère duodénal hémorragique
par érosion de l’artère gastroduodénale
nécessitant un geste chirurgical :
antrectomie ou traitement conservateur ?
O. Brehant, D. Fuks, C. Sabbagh, A. Wouters, C. Mention, F. Dumont,
JM. Regimbeau
Service de chirurgie digestive, CHU Amiens Nord - Amiens.
Correspondance : J-M Regimbeau, service de chirurgie viscérale et digestive, CHU Amiens Nord,
place Victor-Pauchet, F 80054 Amiens cedex 1
e-mail : [email protected]
Résumé / Abstract
Ulcère duodénal hémorragique par érosion de l’artère gastroduodénale nécessitant un
geste chirurgical : antrectomie ou traitement conservateur ?
O. Brehant, D. Fuks, C. Sabbagh, A. Wouters, C. Mention, F. Dumont, JM. Regimbeau
En présence d’un ulcère duodénal, lorsque la chirurgie est indiquée, il est admis que « les
traitements chirurgicaux radicaux sont à préférer aux traitements conservateurs car ils diminuent
le risque de récidive hémorragique postopératoire, facteur de mortalité postopératoire, sans
augmenter la mortalité et la morbidité », principe fondé sur les résultats de deux études
randomisées publiées avant 1995. Le traitement radical comprend une antrectomie, le
traitement conservateur qui lui est opposé correspond à une ligature vasculaire dans le lit
de l’ulcère associée à une ligature vasculaire de l’artère gastroduodénale (intervention de
Weinberg). La place de ce traitement conservateur est, en 2008, à réévaluer en raison d’une
meilleure compréhension et prise en charge de la maladie ulcéreuse (rôle d’Helicobacter
Pylori notamment), de la diminution du risque de récidive hémorragique par l’utilisation
des inhibiteurs de la pompe à protons. Le rôle de la chirurgie a changé, son but actuel
n’étant plus de guérir la maladie ulcéreuse mais seulement, en urgence, d’arrêter
l’hémorragie.
Mots-clés : Ulcère duodénal hémorragique. Traitement conservateur. Suture. Ligature. Récidive.
Surgical management of duodenal ulcer with hemorrhage from the gastroduodenal artery:
antrectomy versus concervative surgery?
O. Brehant, D. Fuks, C. Sabbagh, A. Wouters, C. Mention, F. Dumont, JM. Regimbeau
When surgery is indicated for bleeding duodenal ulcer, the traditional standard of care has
been “radical surgical treatment is preferable to conservative therapy since the risk of rebleeding is
reduced without an augmentation in morbidity and mortality”. This principle is based on two
prospective studies published before 1995. Radical surgery at that time consisted of
antrectomy, while conservative therapy included oversewing of the bleeding vessel in the
ulcer bed and ligation of the gastroduodenal artery (Weinberg procedure).
This strategy must be re-evaluated in 2008 in view of our better understanding of the
role of Helicopacter pylori in the causation of duodenal ulceration and the decreased
risk of post-operative re-bleeding with the use of proton pump inhibitors. The role of
surgery has changed. Its aim is no longer to cure the ulcer diathesis but rather to
urgently control bleeding in anticipation of ulcer cure with medical therapy.
Key-words: Bleeding duodenal ulcer. Conservative management. Suture. Ligation. Rebleeding.
Introduction
En présence d’un ulcère duodénal, la
chirurgie est indiquée : 1) en cas d’hémorragie massive ne permettant pas un
traitement endoscopique (choc hémorragique réfractaire) ; 2) en cas d’hémor-
ragie active à l’endoscopie pour des lésions Ia,b ou IIa de la classification de
Forrest (saignement artériel en jet, saignement actif en nappe, vaisseaux visibles) lorsque le traitement endoscopique est soit un échec (après deux
tentatives), soit impossible du fait d’une
J Chir 2008,145, N°3 • © 2008. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
lésion inaccessible [1-3]. Interviennent
également, l’âge du patient, l’existence
d’un choc initial, le nombre de culots
globulaires transfusés [4, 5]. Lorsque
l’ulcère est de trop grande taille et/ou
que la pyloroplastie n’est pas suturable,
la gastrectomie est réalisée de nécessité
[6]. L’injection endoscopique d’histoacryl ou l’embolisation par voie radiologique ne sont indiquées qu’en dernier
recours et en cas de contre-indication
chirurgicale [1], bien que l’embolisation
soit proposée de plus en plus largement
[7].
Dans les autres cas, il est généralement admis que « les traitements chirurgicaux radicaux sont à préférer aux
traitements conservateurs car ils diminuent le risque de récidive hémorragique postopératoire, facteur de mortalité
postopératoire, sans augmenter la mortalité et la morbidité » [1], principe
fondé sur les résultats de 2 études randomisées publiées avant 1995 [8, 9].
Les traitements chirurgicaux
Le traitement conservateur
Pour l’ulcère duodénal, il comprend : la duodénotomie + suture de
l’artère gastroduodénale (AGD) au
fond de l’ulcère + pyloroplastie ; la
duodénotomie + suture de l’AGD au
fond de l’ulcère + pyloroplastie + vagotomie tronculaire (VT) ; la duodénotomie + suture de l’AGD au fond de
l’ulcère + pyloroplastie + double ligature
de l’AGD et de l’artère gastroépiploïque droite + VT (intervention de
Weinberg) (figure 1) [10]. Pour l’ulcère gastrique, il comprend : la résection de l’ulcère parfois associée à une
VT, rarement associée à la ligature
de l’AGD.
J Chir 2008,145, N°3 • © 2008. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Figure 1 : duodénotomie + suture de l’artère gastroduodénale (AGD) au fond de
l’ulcère + pyloroplastie + double ligature
de l’AGD et de l’artère gastroépiploïque
droite + VT (intervention de Weinberg).
Le traitement radical
Les traitements radicaux comprennent :
l’antrectomie ou la gastrectomie distale
+ suture de l’AGD au fond de l’ulcère +
VT [11] ; la gastrectomie totale + suture
de l’AGD au fond de l’ulcère.
Évaluer les traitements chirurgicaux conservateurs et radicaux de l’ulcère duodénal hémorragique par érosion de l’AGD, revient à analyser la
mortalité globale, la mortalité par récidive hémorragique, la récidive hémorragique et la morbidité (fistule le plus
souvent) associées à ces 2 options thérapeutiques. L’analyse est rendue difficile
par la multiplicité des gestes chirurgicaux parfois peu détaillés, la coexistence
dans les séries d’ulcères duodénaux
et gastriques, et l’absence d’information
sur le traitement à visée antiacide.
L’analyse de la littérature permet d’apporter des réponses par l’intermédiaire
de séries prospectives randomisées
ou non et rétrospectives. Aucune métaanalyse n’a été trouvée, et nous
n’avons retrouvé qu’une seule revue
de la littérature [12].
Études prospectives
Une première étude prospective non
randomisée, publiée en 1984, a rapporté
chez 148 patients pris en charge pour
ulcère duodénal hémorragique une
mortalité semblable après traitement
conservateur (duodénotomie + suture
de l’AGD au fond de l’ulcère + pyloroplastie + VT) et radical (antrectomie ou
gastrectomie distale et suture de l’AGD
au fond de l’ulcère + VT), respectivement de 8 % et 7,8 % [13]. Une deuxième étude randomisée (étudiant spécifiquement l’influence du délai de la
prise en charge chirurgicale pour ulcère duodénal hémorragique), publiée
en 1984, a rapporté une mortalité postopératoire de 7 % chez 44/51 (86,2 %)
patients ayant eu un traitement conservateur (duodénotomie + suture de
l’AGD au fond de l’ulcère + pyloroplastie + VT) [14]. Une troisième étude randomisée publiée en 1987 (la randomisation portait ici encore sur le délai de
l’intervention pour ulcère duodénal hémorragique et non sur le type de traitement chez des patients présentant des
lésions au maximum Forrest I a, b) a
rapporté une mortalité postopératoire de 6,9 % chez 69 patients après traitement conservateur (duodénotomie +
suture de l’AGD au fond de l’ulcère +
pyloroplastie + vagotomie tronculaire)
[15]. Les deux études de Poxon et al. et
de Millat et al. sont les seules études
randomisées comparant traitements
conservateur et radical [8, 9].
Poxon et al., ont rapporté les résultats d’une étude randomisée multicentrique (incluant des ulcères duodénaux
et gastriques hémorragiques), publiée
en 1991 : Cent vingt-neuf patients ont
été randomisés (analyse en traitement
reçu), 62 patients ont reçu un traitement conservateur (duodénotomie +
suture de l’AGD au fond de l’ulcère +
pyloroplastie + Ranitidine 150 mg x2) et
67 un traitement radical (antrectomie
ou gastrectomie distale + suture de
l’AGD au fond de l’ulcère + VT). La
mortalité après traitement conservateur
était de 26 % et de 19 % après traitement radical (ns). La récidive hémorragique après traitement conservateur
était de 10 % (n = 6, 6 décès) et 0 après
traitement radical (p < 0,02). La morbidité des gestes n’était pas précisée. Devant ces résultats, l’étude a été arrêtée
et le traitement conservateur abandonné [8]. Cependant, il y avait 48 % d’ulcères gastriques dans cette série, et près
de 30 % des patients n’avaient pas de ligature de l’AGD au fond de l’ulcère. Il
s’agit de la seule étude randomisée qui
a montré une diminution (ns) de la mortalité en raison de la réduction de la récidive hémorragique après traitement
radical ; résultats retrouvés dans 2 études rétrospectives [16, 17]. Le message
important de cette étude était que la
Point de vue
duodénotomie + suture de l’AGD au
fond de l’ulcère + pyloroplastie sans
autre geste (suture simple) est à proscrire et non le traitement conservateur
dans son ensemble, dont les modalités
sont diverses.
Millat et al., ont rapporté les résultats d’une étude randomisée multicentrique (ulcère duodénal hémorragique),
publiée en 1993 : sur 202 patients, 118
ont été randomisés (analyse en traitement reçu), 58 patients ont reçu un traitement conservateur (duodénotomie +
suture de l’AGD au fond de l’ulcère +
pyloroplastie + VT) et 60 un traitement
radical (antrectomie ou gastrectomie
distale + suture de l’AGD au fond de
l’ulcère + VT). La mortalité après traitement conservateur était de 22 % et de
23 % (ns) après traitement radical. La
récidive hémorragique après traitement
conservateur était de 17 % et de 3 %
après traitement radical (p < 0,05).
Trois pour cent des patients ont présenté une fistule duodénale après traitement conservateur et 13 % après traitement radical. Les mêmes résultats
étaient observés dans le groupe des 82
patients non randomisés. La conclusion
de cette étude était que les traitements
chirurgicaux radicaux sont à préférer
aux traitements conservateurs car ils diminuent le risque de récidive hémorragique postopératoire, facteur de mortalité postopératoire, sans augmenter la
mortalité et la morbidité [9]. Millat et
al. ont de plus précisé que, parmi 20 patients des groupes randomisés ou non
randomisés, un seul (5 %) a présenté
une récidive dans le sous-groupe de patients ayant eu comme traitement conservateur une duodénotomie + suture
de l’AGD au fond de l’ulcère + pyloroplastie + double ligature de l’AGD et de
l’artère gastroépiploïque droite + VT
(intervention de Weinberg) [10].
Études rétrospectives
De nombreuses études rétrospectives
sont disponibles [4, 12]. Dousset et al.
ont rapporté en 1995 les résultats d’une
étude rétrospective monocentrique
(ulcères duodénal et gastrique hémorragiques) chez 78 patients : 63 ont eu
un traitement conservateur (incluant 29
duodénotomie + suture de l’AGD au
fond de l’ulcère + pyloroplastie -en fait
des sutures simples-) et 15 un traitement
radical (antrectomie + VT, n = 10) [14].
La mortalité était de 17/78 (21,8 %),
Ulcère duodénal hémorragique par érosion de l’artère gastroduodénale
dont 9/17 (53 %) de mortalité par récidive hémorragique ; la récidive hémorragique était de 19/78 (24,3 %). La
récidive hémorragique était significativement plus fréquente après traitement
conservateur et était retrouvée comme
facteur prédictif de mortalité [16]. Des
résultats semblables ont été publiés par
Kuttila et al. [17]. Après analyse de
l’étude de Cheynel et al. [18], étude rétrospective monocentrique (ulcère duodénal et gastrique) publiée en 2001, il
est possible d’extraire les résultats de
44 patients traités pour ulcère duodénal
hémorragique par duodénotomie + suture de l’AGD au fond de l’ulcère + pyloroplastie (n = 30), par antrectomie ou
gastrectomie distale partielle (n = 10) et
4 par duodénotomie exploratrice (n = 4)
(une endoscopie œsogastroduodénale
était faite si possible avant le geste pour
confirmer le diagnostic, un ulcère non
hémorragique pouvant coexister avec
une autre source de saignement actif).
Il est difficile de préciser les gestes, mais
17 patients ont eu une VT et 2 une ligature de l’AGD. La mortalité postopératoire était de 23 % (7/30) après duodénotomie + suture de l’AGD au fond
de l’ulcère + pyloroplastie et de 30 %
(3/10) gastrectomie, donc non dépendante du geste opératoire. La récidive
hémorragique était de 10 % (3/30)
après duodénotomie + suture de
l’AGD au fond de l’ulcère + pyloroplastie et de 0 après gastrectomie (ns,
mais tendance). Enfin, une dernière
étude rétrospective multicentrique
portant sur 907 patients (ulcère duodénal et gastrique hémorragiques) a été
publiée en 2006 par de la Fuente et al. :
518 patients (57 %) ont eu un traitement conservateur par duodénotomie +
suture de l’AGD au fond de l’ulcère +
pyloroplastie + VT et 389 une gastrectomie + VT. La mortalité (18 versus
17 %), la morbidité, la durée d’hospitalisation et la récidive hémorragique
(11 % versus 12 %) étaient semblables
quel que soit le geste chirurgical. Après
analyse multivariée, le traitement radical (résection) n’était pas associé à une
réduction de la mortalité, ni au risque de récidive hémorragique, mais à
une augmentation de la durée de séjour
[19].
Nous avons analysé, au CHU
d’Amiens, les résultats de la prise en
charge, résolument conservatrice, des
ulcères duodénaux hémorragiques par
érosion de l’AGD chez 21 patients
O. Brehant et al.
Points essentiels
• Le traitement chirurgical de référence de l’ulcère duodénal hémorragique par érosion de
l’artère gastroduodénale reste en 2008 le traitement radical (antrectomie/vagotomie tronculaire) : deux études de niveau 1-2 et des études rétrospectives sont en faveur du traitement
radical en terme de réduction de la fréquence des récidives.
• Toutes ces études ont été publiées avant la pratique de l’éradication d’Helicobacter Pylori et
la diffusion large des inhibiteurs de la pompe à proton.
• Le rôle de la chirurgie a changé, son but actuel n’étant plus de guérir la maladie ulcéreuse
mais seulement, en urgence, d’arrêter l’hémorragie.
• Le traitement conservateur correspond à une ligature vasculaire dans le lit de l’ulcère associée à une ligature vasculaire de l’artère gastroduodénale (intervention de Weinberg) est en
pratique le plus souvent réalisé dans cette situation, et dans les études récentes semble en
association avec l’utilisation d’inhibiteurs de la pompe à protons et l’éradication secondaire
d’Helicobacter Pylori pouvoir, en terme de morbi-mortalité et de récidive hémorragique, être
proposé comme une alternative à l’antrectomie associée à la vagotomie tronculaire.
• La suture simple (duodénotomie/suture de l’artère gastroduodénale au fond de l’ulcère/
pyloroplastie) est le traitement qui expose le plus aux récidives hémorragiques.
consécutifs de 1995 à 2006 [20]. Tous
les patients recevaient des inhibiteurs de
la pompe à protons (oméprazole) en
post-opératoire, soit en intraveineux
soit à forte dose (8 mg/h) à la seringue électrique (IPP SE). Tous les patients avaient eu une suture de l’AGD
au fond de l’ulcère et une fermeture de
la duodénotomie en pyloroplastie.
Onze patients avaient en plus une ligature double de l’AGD au dessus et en
dessous du duodénum. Aucune vagotomie n’était réalisée. Deux patients ont eu
une récidive hémorragique (10 %). La
mortalité était de 19 % (n = 4) et il n’y
eut pas de récidive (n = 0). Aucun des
patients ayant une ligature de l’AGD et
aucun des patients ayant reçu des IPP à
la SE n’avait récidivé.
Conclusion
Le traitement chirurgical de référence
de l’ulcère duodénal hémorragique par
érosion de l’AGD reste en 2008 le traitement radical (antrectomie + VT) :
deux études de niveau de preuve 1-2 et
de nombreuses études rétrospectives
sont en faveur du traitement radical en
terme de réduction de la fréquence des
récidives (le geste chirurgical est un facteur de risque de récidive) [8, 9]. Seule
une étude de niveau 1-2 [8] et au moins
2 rétrospectives [18, 19] relient la mortalité au geste chirurgical. De plus, le
vrai message de l’étude de Poxon et al.
est que la suture simple (duodénotomie
+ suture de l’AGD au fond de l’ulcère +
pyloroplastie) est à proscrire et non le
traitement conservateur dans son ensemble, dont les modalités sont diverses
[8]. Deux éléments de réflexion pouvant
modifier la pratique se doivent d’être
dégagés :
– en raison de l’efficacité des thérapeutiques endoscopiques [4], d’une
meilleure compréhension et prise en
charge de la maladie ulcéreuse (rôle
d’Helicobacter Pylori, des IPP), de la
diminution du risque de récidive hémorragique par l’utilisation des inhibiteurs de la pompe à protons [22-23], le
rôle de la chirurgie a changé, son but actuel n’étant plus de guérir la maladie ulcéreuse, mais seulement en urgence,
d’arrêter l’hémorragie ;
– la morbimortalité à court et long
terme, les séquelles fonctionnelles des
gastrectomies et le risque de cancer sur
moignon ne sont pas négligeables
[24]. Dans une étude très récente, de
niveau 4, étude rétrospective sur près
de 1 000 patients, la morbidité, la durée
d’hospitalisation, et la récidive hémorragique étaient semblables quel que soit
le geste chirurgical choisi (conservateur
ou radical) [21]. De plus, il apparaît très
clairement que le geste chirurgical ne
peut être considéré comme le seul facteur de risque de récidive hémorragique
et de mortalité en présence d’un ulcère
hémorragique par érosion de l’AGD
nécessitant un traitement chirurgical : l’âge, l’état général du patient, les
comorbidités interviennent [5, 21, 25].
Enfin, dans près de 80 % des cas, la prise
J Chir 2008,145, N°3 • © 2008. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
en charge est conservatrice dans les
études analysées (rétrospectives) et dans
une enquête de pratique américaine
[26] informelle en France.
Toutes ces études gardent cependant
un niveau de preuve faible. Elles ne permettent pas d’affirmer la supériorité du
traitement conservateur, mais autorisent
à remettre en question le dogme de
l’antrectomie-vagotomie (recommandation de grade A-B) à l’heure des IPP et
de l’éradication d’Helicobacter Pylori.
L’intervention de Weinberg associée
aux IPP à la SE, en particulier chez
les sujets à risque, semble être une
alternative.
7.
8.
9.
10.
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QUELLE STRATEGIE ADOPTER DEVANT UNE HERNIE DIAPHRAGMATIQUE
ASYMPTOMATIQUE ?
N. CARRERE
CHU Toulouse
Tél : 05 61 77 76 10
Email : [email protected]
Les hernies diaphragmatiques correspondent à une protrusion de viscères abdominaux en direction du thorax
au travers d’orifices diaphragmatiques anormaux ou anormalement larges.
Les hernies hiatales s’associent ou non à une symptomatologie de reflux gastro-œsophagien (RGO). On
distingue les hernies hiatales par glissement, par roulement, ou mixtes, qui présentent des risques différents
et pour lesquelles les indications chirurgicales sont bien définies.
Les hernies diaphragmatiques congénitales rares sont représentées par les hernies rétro-costo-xiphoïdiennes
(hernies de Morgagni), et les hernies des coupoles (hernies de Bochdalek) qui se manifestent le plus souvent
chez l’enfant ou en période néo-natale mais qui sont parfois diagnostiquées tardivement chez l’adulte. Elles
peuvent rester longtemps asymptomatiques.
Les hernies diaphragmatiques post-traumatiques correspondent à une rupture diaphragmatique passée
inaperçue après un traumatisme thoraco-abdominal. Comme pour les hernies congénitales, même lorsqu’elles
restent asymptomatiques, une complication à type d’étranglement peut survenir à tout moment et fait
discuter un traitement chirurgical dès le diagnostic posé.
La stratégie à adopter pour le traitement de ces hernies diaphragmatiques peut s’appuyer sur l’analyse de la
littérature. Toutefois, le niveau de preuve scientifique des travaux publiés dans ce domaine est faible (niveau 3
ou 4 essentiellement, avec très peu d’études prospectives ou randomisées…). Les conclusions quand aux
modalités de prise en charge (indications thérapeutiques, techniques opératoires,..), notamment en l’absence
de symptôme, pourront donc être largement discutées et adaptées au cas par cas.
1. Hernies hiatales :
La fréquence des hernies hiatales par glissement (sliding hiatal hernias) augmente avec l’âge. Elles sont les
plus fréquentes (85% des cas). Ces hernies semblent liées à une altération progressive des moyens de fixation
du cardia au hiatus œsophagien, en particulier la membrane phréno-œsophagienne. La différence de pression
entre l’abdomen et le thorax favorise alors l’ascension de la jonction œso-gastrique et de l’estomac vers le
médiastin.
Dans le cas des hernies hiatales par roulement (paraesophageal hernias) (5% des cas), l’estomac mais aussi
d’autres organes (colon, épiploon, rate) peuvent être ascensionnés dans le thorax au travers de l’orifice hiatal
lorsque ce dernier est large. Le danger de ces hernies par roulement est représenté par le volvulus gastrique et
ces conséquences ischémiques. Dans ce type de hernie, le cardia anatomique reste en position normale et c’est
FCC 9 - Tube digestif supérieur : quelle stratégie adopter ?
la grosse tubérosité gastrique qui est la première ascensionnée en général en avant de l’œsophage au travers
d’un orifice hiatal anormalement large.
Les hernies hiatales mixtes (10% des cas) associent les deux anomalies précédentes.
Les hernies hiatales sont classées en différents types :
- Type 1 : Hernies par glissement
- Type 2 : Hernies par roulement
- Type 3 : Hernies mixtes (par glissement et roulement)
- Type 4 : Hernies avec un autre organe abdominal ascensionné dans le médiastin
Les hernies de type 1 n’ont pas de sac herniaire à la différence des types 2, 3, ou 4 qui possèdent un sac
péritonéal herniaire.
Les hernies hiatales par glissement peuvent être associées à une symptomatologie de RGO. Les indications
chirurgicales sont alors celles du traitement chirurgical du RGO, idéalement par voie cœlioscopique avec
fundoplicature partielle ou totale (cf traitement chirurgical du RGO).
En l’absence de symptôme, le traitement chirurgical n’est pas justifié.
Les hernies hiatales par roulement n’induisent pas de reflux gastro-œsophagien ni d’œsophagite. Les
symptômes sont liés au volume de la hernie qui peut se manifester par des douleurs thoraciques pseudoangineuses, une symptomatologie respiratoire, parfois une anémie chronique. Les complications sont
représentées par les hémorragies digestives en rapport avec une ulcération du collet herniaire, voire une
nécrose digestive avec perforation et médiastinite, et le volvulus gastrique.
En raison du risque de complications et de leur gravité, l’indication chirurgicale se pose habituellement dès que
le diagnostic de hernie par roulement est porté, même en l’absence de symptôme.
En dehors des situations d’urgence, la voie d’abord cœlioscopique a été largement développée pour le
traitement des hernies hiatales.
Les principes de l’intervention sont les suivants :
- Réduction de la hernie et réintégration des organes abdominaux dans l’enceinte péritonéale.
- Résection du sac péritonéal.
- Rétablissement d’une longueur physiologique d’œsophage intra-abdominal (gastroplastie de Collis très
rarement nécessaire).
- Fermeture des piliers du diaphragme (éventuellement renforcée par une prothèse en cas de large défect).
- Confection d’une valve anti-reflux (Toupet ou Nissen) permettant d’ancrer la réparation sous le diaphragme.
Les résultats de ces interventions sont généralement bons avec des taux de récidive de 2 à 10% selon les séries,
et des complications rares.
2. Hernies rétro-costo-xiphoïdiennes (Hernies de Morgagni) :
Il s’agit des hernies para-sternales qui sont appelées également hernies de la fente de Larrey (hiatus sternocostal gauche) ou hernies de Morgagni (hiatus sterno-costal droit). Elles se situent entre les faisceaux
xiphoïdiens et latéraux des ébauches diaphragmatiques. On parle de hernies de Marfan lorsque leur siège est
FCC 9 - Tube digestif supérieur : quelle stratégie adopter ?
médian (fente de Marfan). En général on parle par extension de hernies de Morgagni sans différencier le côté
du défect. Elles sont rares (moins de 3 % des hernies diaphragmatiques opérées). Ces hernies sont plus
fréquentes à droite (80% des cas) qu’à gauche ou sur la ligne médiane. Elles sont parfois bilatérales. Elles ont
un collet ovalaire avec un pourtour diaphragmatique habituellement épais et solide. Le sac herniaire constant
contient le plus souvent une boucle de colon transverse et de l’épiploon, mais parfois aussi une partie
d’estomac ou du lobe gauche du foie.
Elles sont habituellement découvertes chez l’enfant, parfois dans un tableau aigu, mais peuvent parfois passer
inaperçues et être diagnostiquées chez l’adulte. Elles sont le plus souvent asymptomatiques, découvertes de
façon fortuite sur une radiographie thoracique. Des symptômes peuvent survenir en fonction du volume de la
hernie (douleurs ou gène épigastrique, nausées, troubles respiratoires). Les complications à type
d’étranglement restent très rares. Le diagnostic radiologique est porté devant l’existence d’un niveau hydroaérique pré-cardiaque sur les clichés standard et confirmé par le scanner.
L’indication chirurgicale est posée pour les hernies symptomatiques ou volumineuses (en raison du risque
d’étranglement). Le traitement des hernies asymptomatiques de petite taille reste débattu. Toutefois, en
raison du risque de complication et des bons résultats du traitement chirurgical, la réparation de ces hernies
est généralement proposée dès le diagnostic posé, même en l’absence de symptôme.
Ce traitement est le plus souvent effectué par laparotomie ou cœlioscopie. L’abord thoracique peut être
envisagé notamment si une prothèse doit être mise en place. Le traitement comprend idéalement la résection
du sac herniaire (en laissant éventuellement une pastille péritonéale au contact du péricarde). Une suture
diaphragmatique au fils non résorbable est souvent suffisante, sans interposition obligatoire de matériel
prothétique.
En cas de large défect ou si il n’existe pas de paroi musculaire rétro-sternale suffisamment solide, la mise en
place d’une prothèse (PTFE, polypropylène) peut parfois être nécessaire. Un drainage aspiratif de la cavité
thoracique est habituellement laissé en place.
Sous contrôle cœlioscopique, une prothèse de renfort non résorbable, fixée avec des points et/ou des agrafes
sur les berges de l’orifice herniaire, est fréquemment utilisée avec de très bons résultats.
3. Hernies des coupoles (Hernies de Bochdalek) :
Ces hernies correspondent à un défaut de développement de la partie postéro-latérale du diaphragme au
niveau du foramen de Bochdalek. Elles siègent le plus souvent du côté gauche. Il peut exister alors une large
communication entre la cavité péritonéale et le thorax qui peut admettre différents organes abdominaux
(estomac, colon, grêle, lobe gauche du foie…).
Chez l’enfant, le diagnostic est habituellement porté dans la période néonatale devant des troubles
respiratoires qui sont au premier plan (hypoplasie pulmonaire, hypoxie, hypertension artérielle pulmonaire,
détresse respiratoire…). D’autres anomalies congénitales peuvent être associées (malrotations intestinales…).
Une intervention chirurgicale en urgence est alors indiquée avec un pronostic vital réservé.
Le diagnostic est porté chez le grand enfant ou chez l’adulte dans seulement 5% des cas. Il peut s’agir d’une
découverte fortuite sur un bilan d’imagerie, ou à l’occasion de symptômes aspécifiques de type dyspnée,
FCC 9 - Tube digestif supérieur : quelle stratégie adopter ?
douleurs thoraciques, douleurs abdominales post-prandiales, vomissements, voire véritable syndrome occlusif.
Dans près de 50% des cas, le diagnostic est porté au stade de complications (ulcère, perforation, ou volvulus
gastrique, fistule colique, hémorragie digestive…). Le diagnostic est orienté par les radiographies standards et
confirmé par les opacifications digestives ou le scanner.
L’indication chirurgicale est posée en urgence dans les formes néonatales. Elle est justifiée dans tous les cas
(chez l’enfant et chez l’adulte), même en l’absence de symptôme, en raison du risque de complications sévères.
Si l’abord thoracique est décrit, l’abord abdominal est généralement préféré en situation d’urgence comme en
chirurgie réglée. Il permet la réduction de la hernie, la recherche et le traitement éventuel d’un mésentère
commun, la fermeture diaphragmatique par suture transversale au fils non résorbable (prenant appui sur
l’ébauche diaphragmatique et parfois sur les arcs costaux). La mise en place d’une prothèse largement
appliquée sur le diaphragme et fixée par des points ou des agrafes peut être nécessaire, notamment chez
l’adulte. Un drainage aspiratif de la cavité thoracique est laissé en place.
4. Hernies diaphragmatiques post-traumatiques :
Les hernies diaphragmatiques post-traumatiques sont reconnues souvent très tardivement après le
traumatisme initial. Le diagnostic de rupture diaphragmatique est méconnu dans 20 à 40% des cas à la phase
précoce. Ainsi, ces hernies peuvent rester asymptomatiques pendant des années avant d’être responsables de
symptômes divers et aspécifiques (douleurs, dyspnée) et/ou parfois se compliquer d’étranglement pouvant
intéresser l’estomac, l’intestin grêle ou le colon avec le risque de nécrose commun aux autres étranglements
herniaires.
En raison de ce risque d’étranglement qui peut survenir à tout moment, et de sa gravité, l’indication
chirurgicale doit être retenue dès le diagnostic posé même en l’absence de symptôme.
Le traitement chirurgical repose sur les mêmes principes que pour les autres types de hernies
diaphragmatiques. Il est effectué habituellement par voie abdominale, de plus en plus souvent sous contrôle
laparoscopique avec mise en place d’une prothèse de renfort. La voie thoracique peut toutefois être préférée
en l’absence de complication pouvant nécessiter une résection digestive.
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