Le point de vue de ceux et celles qui ont porté plainte à la CNT Le

Transcription

Le point de vue de ceux et celles qui ont porté plainte à la CNT Le
Le point de vue de ceux et
celles qui ont porté plainte à la
CNT
JEAN-PIERRE BRUN
PROFESSEUR
TITULAIRE DE LA CHAIRE EN GESTION DE LA SANTÉ
ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL
EVELYN KEDL
PROFESSIONNELLE DE RECHERCHE
WEB: http://cgsst.fsa.ulaval.ca
1
OBJECTIFS DE L’ÉTUDE
2
ÉLÉMENTS DE MÉTHODOLOGIE
3
DONNÉES DESCRIPTIVES
4
ILLUSTRATION À TRAVERS QUELQUES CAS
5
ANALYSE ET DISCUSSION
6
CONCLUSION
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1
OBJECTIFS DE L
L’ÉTUDE
ÉTUDE
1
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OBJECTIFS DE L’ÉTUDE
1. Effectuer une analyse qualitative des
déclarations de harcèlement psychologique
au travail
t
il déposées
dé é à la
l CNT depuis
d i le
l 1er
1
juin 2004
2. Brosser un portrait de la perception des
faits tel qqu’exprimés
p
ppar les pplaignants
g
et
les plaignantes se disant victimes de
harcèlement psychologique au travail
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2
PRÉCAUTIONS
Cette étude n’a pas pour objectif de
décider ce qui est ou n’est pas du
h èl
harcèlement
psychologique
h l i
au travail,
il
mais uniquement de rendre de compte
du point vue qui est exprimé par les
plaignants et les plaignantes à partir
des documents déposés lors de la
plainte à la CNT
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ÉLÉMENTS DE
MÉTHODOLOGIE
É
2
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ÉLÉMENTS DE MÉTHODOLOGIE
•
Analyse de 236 plaintes déposées entre le ler juin 2004 et le 31
décembre 2004
•
21 dossiers retirés par manque d’information
•
Quatre entretiens focalisés avec les enquêteurs et les médiateurs de la
Commission des normes du travail du Québec
•
Grille d’analyse composée de 28 éléments:
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Source du harcèlement
Causes du harcèlement
Formes du harcèlement
Fé
Fréquence
Témoins
Conséquences déclarées
Démarches internes
Réparation demandée
Etc.
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DONNÉES DESCRIPTIVES
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PORTRAIT DES PLAIGNANTS ET PLAIGNANTES
•
Sexe du plaignant:
Femmes: 63%
Hommes: 37%
•
Statut d’emploi:
- Sans emploi: 57% - Avec emploi: 27%
- Non spécifié: 16% (dans les documents analysés)
•
Secteurs économiques (couverts par la CNT) :
Commerce de détail: 23%
Commerce de gros: 7%
Hébergement et restauration: 13%
Organismes sans but lucratif: 7%
Industries manufacturières: 11%
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ÉLÉMENTS DE CONTEXTE
•
Personne(s) mise(s) en cause:
• Supérieur immédiat: 60%
• Direction,
ect o , ppropriétaire:
op éta e: 35%
• Collègues: 17%
•
•
Un seul mis en cause: 68%
Plusieurs mises en cause: 32%
•
Sexe/personne(s) mise(s) en cause:
Hommes: 64% Femmes:33%
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5
FORMES DU PROBLÈME
0
40
80
120
132
Propos et gestes vexatoires
77
Atteintes aux conditions de travail
49
Menace de congédiem ent
39
Mi
Mise
en échec
é h de
d la
l personne
39
Isolem ent
36
Accusation
31
Dénigrem ent
31
Intim idation
28
Surveillance excessive
23
Refus de com m uniquer
16
Atteinte à la réputation/dignité
14
Déstabilisation/com portem ents am bivalants
Discrim ination
10
Atteinte à la vie privée
10
Menace à l'intégrité physique
10
Propos à caractère sexuel
9
ILLUSTRATION À
TRAVERS QUELQUES
CAS
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6
AVERTISSEMENT
Les éléments de contexte de ces mises en
situation ont été légèrement modifiés
afin d’éviter tout recoupement avec
des situations réelles. Par conséquent,
toute ressemblance avec des situations
vécues ou avec des personnes
existantes
i
ne saurait
i être
ê que fortuite.
f
i
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PROPOS
VEXATOIRE
FORMES
DU PROBLÈME
À une coiffeuse:
« As-tu vu comment elle s’habille…
c’est ben laid ce que tu portes! »
À un technicien:
« Ton 100%, il vaut pas de la
merde. Tu vas fermer ta gueule
et faire ta vraie job! »
À un manœuvre:
« À travailler mal comme ça,
tu mériterais qu’on te
crisse une volée! »
À une serveuse:
« Ton ostie de déchet de la société
de trou du cul (chum)…
ben tu vas voir y va faire dur »
À une opératrice:
« Ta mère ça devait être une
négresse.
-Compte-toi chanceuse de travailler
car avant, les noirs c’étaient des esclaves. »
À un rayonneur:
« Après mon accident du travail,
jj’ai
ai demandé une chaise puisque
j’étais aux travaux légers.
Le contremaître et le patron ont ri et m’ont
demandé si je voulais une télé aussi! »
À une réceptionniste:
Un collègue lui glisse à l’oreille:
« T’as l’air d’une femme qui
se donne vite! »
7
Motel:
•Cuisinier (plaignant)
•Collègue et patron
(mis en cause)
•Embauché depuis 4 ans
•Maraudage chez un compétiteur
•Possibilité de lui vendre
son commerce
Propos
vexatoires
•On parle à voix haute de son état
dans les bars
•Accusation de vente de drogues
•C’est pas grave, on le sait que t’es
gai!
•Le patron lui demande de quitter le
motel
GESTES:
Coups de poing sur le
thorax, pousser du doigt
MISE EN DU
ÉCHEC
PROFESSIONNEL
FORMES
PROBLÈME
Le chef cuisinier n’achète pas les
produits pour l’assistant.
Celui-ci doit, à la dernière minute,
courir acheter ses produits manquants.
Le plaignant tente de participer à la
réunion en formulant des
commentaires, mais son supérieur lui
coupe continuellement la parole et lui
reproche, sur un ton agressif, son
manque de professionnalisme.
On l’insulte devant les clients: « T’as
pas recommandé ça à Madame! Ben
voyons tu vois pas que ça lui va pas.
Tu devrais aller nettoyer les toilettes!
Ha! Ha!...Venez Madame je vais
m’occuper de vous! »
On lui fixe des objectifs pour le mois
prochain, on coupe son territoire. On
lui fait une menace de mesure
disciplinaire si les objectifs ne sont pas
atteints mais pas aux autres.
atteints,
autres
Le manager:
« Ce matin la réunion a bien été parce
que tu étais pas là!.
« You're such a fuck up and I don't
know why we hired you in first
instance, you don't know how to do
your job right and you are worth less,
you are nothing but a stupid latino!”
Le DG demande à une autre personne sans formation adéquate
de préparer un atelier sur la pédagogie quand c'est la plaignante
qui est spécialiste dans le domaine. Plus tard, en réunion
d'équipe, le DG demande à la plaignante de raconter aux autres
comment avait été cette rencontre, le sourire aux lèvres.
8
INTIMIDATION
FORMES DU
PROBLÈME
Le chef:
« Je t’ai dis de pas répliquer, tu fais ce que je t’ai
dis maudit! Si tu ne discutes pas, tu ne poses pas
de questions, tu ne donnes pas ton opinion on va
bien s’entendre!... »
À une vendeuse:
Le patron « Tu sais Joan, tu n’es pas
respectée par personne ici…Tu vaux
pas grand-chose pour le personnel du
magasin, alors demandes-en pas trop!
OK! »
Une commis raconte:
« Il crie toujours après moi et tape sur
le bureau. Je lui ai demandé pourquoi
il criait. Il m’a répondu: Est-ce que je
dois mettre des gants blancs pour te
parler?
pp
Je lui ai demandé d’arrêter de frapper
sur mon bureau. Il s’est mis à frapper
sur la porte, les murs et a dit: C’est
moi qui te paye je peux faire ce que je
veux! » »
À un ouvrier:
Le contremaître donne un coup de poing sur une
pièce que l’employé ajuste: « Tu cherches un autre
moyen de me niaiser! »
L’ouvrier répond: « Crisse moi la paix! ».
Il est ensuite suspendu pour trois jours.
À une secrétaire:
Un vendeur lui dit dans le creux de l’oreille:
« Câlisse de tabarnak…que tu sens bon à matin! »
INTIMIDATION
FORMES DU
PROBLÈME
Bureau assurance:
Secrétaire (plaignante)
Superviseur
(mis en cause)
•À l’emploi depuis trois ans
•Nouveau superviseur
à son retour de vacances
Intimidation
ATTITUDES:
Ignorance, arrogance, ton
menaçant
•Changement des heures de travail
•Ajout de tâches de comptabilité
•Refus de discuter de la nouvelle charge de travail
•Toutes tentatives de discussion est interrompue
•Congédiement parce que le patron
ne veut pas perdre son nouveau superviseur
9
ATTEINTE
FORMESAUX
DU CONDITIONS
PROBLÈME DE TRAVAIL
On ne fournit plus les produits détergents à un
concierge, ensuite on l’accuse que ça sent pas
bon.
La plaignante applique sur un poste. Lors de
l’entrevue, la patronne reste debout et ne lui pose
aucune question.
Graduellement ont retire des
tâches au plaignant
Et demande à un employé non
qualifié de les faire.
On engage une nouvelle personne, alors que déjà
la plaignante n’a pas assez de travail. Elle sent de
la compétition et qu’on veut l’écarter.
On exige un papier du médecin pour une journée
de maladie et de voir son dossier médical pour les
deux semaines de maladie.
p
change
g
La jjournée de paie
à toutes les semaines
Le plaignant n’a pas pu prendre ses trois
semaines de congé en continu.
Son supérieur: « C’est comme ça parce que tu
nous as mis dans la merde encore une fois en
refusant de faire la livraison! »
Refus à une employée qu’elle retourne à la maison
parce qu’elle ne se sent pas bien. Suite à un
malaise, elle part et reçoit un avis disciplinaire.
ATTEINTES
CONDITIONS DE TRAVAIL
FORMESAUX
DU PROBLÈME
Atelier de réparation:
Mécanicien (plaignant)
Directrice (mis en cause)
• Événement déclencheur:
accident d’ un client
• Travail chez les clients
ATTEINTES AUX
CONDITIONS DE
TRAVAIL
Isolé
Mise en doute de ses compétences
Ridiculisé
Surveillance excessive
• Accusation de ne pas avoir suivi les procédures
• On lui impute des erreurs faites par d’autres
• Traité de chialeux en réunion
• Plusieurs appels par la directrice (10 appels/jour)
• La directrice crie au téléphone, le client entend tout
• On lui retire l’accès à l’ordinateur:
« T’as pas besoin de ça toi! »
10
MENACE
CONGÉDIEMENT
FORMES
DU DE
PROBLÈME
Le patron:
« Je vais te crisser dehors si t’es pas contente! »
Un matin, la plaignante arrive au bureau.
Toutes ses affaires sont dans une boîte.
La patronne est assise à son bureau et
lui dit qu’elle va lui parler plus tard!
L’employeur:
« Je suis en train de monter un beau dossier
pour te congédier!
Tu vas voir ça va pas être long! »
Le surintendant:
« Tu vas peut-être perdre ton emploi, j’analyse ça.
Pour toi, ça achève, ça achève probablement!
Tu sais t’es facile à remplacer! »
Le gérant:
« Si tu es capable de te passer de salaire,
décâlisse chez vous, ostie! »
Le propriétaire:
« Vous savez, ils y en a plein qui
attendent votre job dehors,
même ceux qui travaillent ici depuis 10
ans, ils vont faire le saut ! »
U c
Un
chef
e d
d’équipe:
équ pe
« Tu parles pas au gérant de cette erreur, sinon
tu devras partir de l’entrepôt! »
On l’oblige à signer une lettre de démission.
La patronne se vante d’avoir du talent pour
écoeurer les gens et les pousser à s’en aller.
ANALYSE ET
DISCUSSION
5
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ANALYSE ET DISCUSSION
• Beaucoup d’incivilité entre les personnes. Banalisation des incivilités:
maladresse, propos sans conséquences, plaisanteries, etc. Fragilisation
du plaignant: trop sensible, susceptible, exagération, etc.
• Propos vexatoires entraînent souffrance associée à du harcèlement
psychologique mais les autres éléments: atteinte à la dignité ou
l’intégrité, hostilité, ne sont pas toujours présents.
• Absence de dialogue sur l’histoire du plaignant, impression d’un
dialogue de sourd. Échec fréquent des tentatives de règlement. Le
plaignant est presque toujours isolé et lorsqu’il y a des témoins ils sont
régulièrement dénigrés.
• Le mis
i en cause est souvent très
è fort
f et conteste bruyamment
b
les
l
propos et gestes qui lui sont reprochés.
• Dans de nombreux cas, on garde le superviseur et on demande au
plaignant de quitter, c’est ce dernier qui est considéré hors norme.
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• La réduction des conditions de travail et l’augmentation du contrôle
sont des stratégies souvent employées pour pousser un employé à
partir.
• Très mauvaise gestion des fins d’emploi, les mesures prises sont
souvent trop musclées: pousse à la démission, menace de perte
d’emploi, fin d’emploi abrupte sur un coup de colère.
• Aucun mécanisme de gestion des conflits, les conflits perdurent
jusqu’à la crise. On ne sait pas quelles actions menées. Il n’y a plus de
repères sur ce qui est acceptable au non.
non
• Les situations se déroulent souvent dans un contexte de difficultés
organisationnelles (perte de marché, déficit, changement à la direction,
crise financière, restructuration interne, etc.).
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ANALYSE ET DISCUSSION
• Il s’agit très souvent d’histoires sur plusieurs mois et non
d’événements soudains.
• La perception des faits est souvent décousue et imprécise,
imprécise
il est très difficile de saisir la chronologie des événements.
• Dans la grande majorité des plaintes, on décrit uniquement
une version des faits. Très peu de plaintes font état d’une
introspection et d’auto-critique.
• Le plaignant et le mis en cause n’expriment aucun doute
sur la situation. Positions antagonistes, témoignages
parcellaires et partiaux.
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• La perception des faits est assez juste, c’est l’interprétation de leur
gravité et de leurs effets qui fait l’objet de divergence:
« Quand je lui ai demandé d’arrêter ses remarques ridicules, il m’a dit que
j’étais bien sensible! »
• Les allégations sont peu contextualisées:
« Il a dit que mes ventes n’étaient pas assez bonnes…..ensuite il a réduit mes
heures… »
« Elle m’accuse de mal travailler et de ne pas collaborer….alors que c’est elle
qui travaille mal… »
• Qu’est-ce qui porte atteinte à l’intégrité? être vexé, choqué, insulté,
souffrir, etc.
• Grande confusion entre atteinte à la DIGNITÉ et atteinte à
L’ORGUEIL.
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CONCLUSION
6
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CONCLUSION
• Ampleur des incivilités, manque de respect.
• La notion de harcèlement psychologique et l’absence de harcèlement
doit faire l’objet d’une plus grande éducation populaire.
• Il faut développer une plus grande responsabilité organisationnelle et
civile en matière de respect de la personne. Les politiques ne prendront
forme que dans le règlement des situations de harcèlement
psychologique au travail
• Ce sont les vrais harceleurs qui doivent être en décalage avec
ll’organisation
organisation et non le plaignant.
plaignant
• Les récits des plaintes montrent que pour plusieurs c’est le combat de
leur vie et le rétablissement de leur dignité. Ils veulent une
reconnaissance de la situation de HP.
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CONCLUSION
• Il faut définir d’autres termes pour offrir des alternatives:
hyperconflit, respect, conflit interpersonnel, etc.
• Il ne faut ppas uniquement
q
définir des listes d’agissements
g
à
proscrire, il faut aussi se doter de méthodes pour analyser
le processus qui conduit au HP.
• Même s’il ne s’agit pas de harcèlement psychologique,
l’employeur a le devoir et l’intérêt d’intervenir.
• C’est une loi essentielle qui offre une protection et un
recours aux personnes avec des problèmes de harcèlement
psychologique au travail.
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