Le mensonge du plein emploi américain : 23% de chômeurs aux USA

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Le mensonge du plein emploi américain : 23% de chômeurs aux USA
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Le mensonge du plein emploi américain : 23% de chômeurs
aux USA !
Date : 17 mai 2016
17Anthony Alberti ♦
Depuis 2 ans, les États-Unis se vantent d’avoir atteint le plein emploi, c’est à dire environ 5%
de chômage selon les critères de l’OCDE. Or la réalité est très éloignée de ces bons résultats
affichés, le vrai nombre de sans-emploi aux USA se situant désormais aux alentours de 23% de
la population active, soit à peu près le même niveau de chômage que l’Espagne ou la Grèce.
Comment une telle différence est-elle possible ? Tout simplement en faisant ce que font tous
les gouvernements, y compris le nôtre : publier uniquement les chiffres qui les arrangent.
Communiquer sur les chiffres les plus favorables
Concrètement, lorsque l’administration américaine indique dès 2014 que le niveau de chômage
est de 5,6% de la population active, elle comptabilise en réalité les seuls individus ayant
recherché activement un emploi durant les 4 semaines précédentes. Or, aux États-Unis comme
partout ailleurs, la crise de 2008 a laissé des traces durables dans l’économie, y compris et
surtout sur le marché de l’emploi, ce qui a pour conséquence non seulement un allongement de
la durée d’inactivité pour les demandeurs d’emploi mais également une probabilité plus
importante de ne pas trouver rapidement un poste correspondant à leur profil. Ainsi, au même
titre qu’en France nous avons plusieurs catégories de chômeurs (A, B, C, D, E…), les
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Américains disposent d’un classement en partie basé sur le niveau de “découragement” des
demandeurs d’emploi.
Plus exactement, dès lors qu’un demandeur d’emploi ne se manifeste plus depuis 4 semaines,
sans pour autant avoir trouvé un travail, il entre dans la catégorie de ceux que l’on appelle les
“discouraged workers“, c’est à dire les chômeurs admissibles à l’emploi et capables de
travailler, mais qui ont provisoirement (ou durablement) renoncé à chercher un emploi par
manque d’opportunité disponible ou de formation adéquate. Classiquement, on distingue les
“short-term discouraged workers“, qui ont arrêté de chercher depuis quelques semaines à
quelques mois, et les “long-term discouraged workers” dont le découragement date de plus
d’un an. Certains ayant fini par se marginaliser et d’autres ayant choisi de retourner vivre chez
leurs parents, il est très difficile de les comptabiliser précisément et il est désormais admis que
les chiffres annoncés sont généralement très sous-estimés.
Quand le découragement fait sortir des statistiques
Sous la pression de l’opinion publique, le gouvernement a accepté de communiquer à demimot sur ce phénomène et il a même intégré les short-term discouraged workers dans les
statistiques “internes” du chômage aux États-Unis (c’est-à-dire celles que l’on réserve aux
chercheurs, aux universitaires, aux institutions mais sur lesquelles on évite de trop s’étendre
auprès du grand public, et encore moins à l’étranger). Ainsi, en avril 2016, le Bureau of Labor
Statistics (BLS) chiffrait bien à 5% la proportion de demandeurs d’emploi “actifs” (catégorie U3).
Néanmoins, dès lors qu’on ajoute les chômeurs découragés depuis moins d’un an (catégorie
U6), le ratio grimpe à 9,7% soit près du double.
Mais c’est si on intègre tous ceux qui ont arrêté de chercher du travail depuis plus d’un an (ces
fameux “long-term discouraged workers“) que les choses se gâtent, car le nombre de
demandeurs d’emploi américains explose alors à 22,9% , en hypothèse basse, soit à peine
moins que les chiffres du chômage en Grèce.
Un modèle américain qui ne fait plus rêver
Autant dire que même par rapport à la France, et son taux réel de chômage avoisinant les 20%,
l’économie made in USA présente tout à coup un profil beaucoup moins enviable. Surtout que
les motifs d’un niveau aussi élevé de découragement chez les demandeurs d’emploi sont
exactement les mêmes qui expliquent en France le nombre sans cesse croissant de chômeurs
de longue durée :
1. Absence de postes disponibles, en raison notamment d’une automatisation, voire d’une
robotisation accrue de nombreuses activités industrielles ;
2. Inadéquation entre la formation des demandeurs d’emploi et les besoins actuels de
l’économie, sans véritable politique de remise à niveau réellement efficace pour l’instant ;
3. Discrimination à l’embauche pour des raisons d’âge (trop jeune ou trop vieux), de sexe ou
encore d’appartenance ethnique notamment.
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Par conséquent, il semble bien que ni les États-Unis ni la France ne soient à la veille de trouver
une solution pour réduire le chômage de masse.
Source
Illustration : USA, un taux de chômage de 23 pour cent, quasi identique à celui de la Grèce et de l'Espagne.
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