PDF - Ven Yam
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Ven Yam Philadelphia’s Incubus 1. Nouvelle vie après la mort Cette nouvelle a été écrite (en 48h) dans le cadre du défi « une histoire en un week-end ». Prologue le contrat C’est con de mourir comme ça. Non, vraiment. Je sortais juste pour prendre l’air et calmer mes nerfs. Je voulais simplement oublier que la femme que j’aimais venait de rompre avec moi. Et je suis mort. Je pleurais quand c’est arrivé d’ailleurs. Ouais, je suis mort comme un con qui pleure. D’abord, je n’ai pas compris ce qui se passait. J’ai entendu le bruit de freins qui crissent sur le bitume. Je me suis dit que la pluie y était pour quelque chose, mais je ne me suis pas inquiété. J’étais trempé, dévasté, le cœur brisé. Et puis j’étais sur le trottoir, en toute logique, je ne risquais rien. Sauf qu’au moment où Sienna m’envoyait chier à coup de « tu es trop sérieux et ce n’est pas la direction que je veux pour ma vie… », à l’autre bout de la ville, un mec en était à son septième verre et se disait qu’il était temps de rentrer. Bien sûr, pas plus que moi, il ne se doutait que nos vies allaient entrer en collision. Littéralement. C’est comme ça que je suis mort, et lui aussi. Pas en me percutant, c’est le poteau qui l’a achevé. Et on s’est retrouvés là, deux esprits complètement perdus à regarder nos corps sans vies. Je l’aurais bien tué le chauffard, mais il était déjà mort alors je me suis dit que ça ferait doublon. Seulement le truc, quand on meurt avec un désespoir aussi frais que le mien, c’est que ça attire les démons. Elle est arrivée dans toute sa splendeur démoniaque, des cheveux noirs d’encre qui tombaient raides et épais jusqu’au bas de son dos, des yeux rouges rubis, bordés de cils épais, des lèvres pleines gainées de rouge et sublimées par une moue aguicheuse. Un long corps aux mouvements félins moulé dans une robe noire qui lui allait à merveille, des jambes interminables desquelles je ne pouvais pas détacher les yeux. Elle dégageait une aura purement sexuelle et je crois même que le chauffard se serait mis à genoux si cette démone le lui avait demandé. Moi, je n’étais pas mieux, c’était plus fort que moi, j’avais envie de toucher, de goûter sa perfection. Elle était comme une flamme qui hypnotise au point qu’on veuille y plonger, tout en sachant que ça ne peut rien apporter de bon. Elle s’est arrêtée devant nous et nous a fixés un long moment avec un demi-sourire qui laissait croire qu’elle connaissait parfaitement l’effet qu’elle avait sur nous. J’avais chaud, terriblement chaud. Au point de penser que j’allais brûler si je ne pouvais pas la toucher. Elle a pris la parole et ça a été pire, parce que peu importe ce que sa voix disait, ça donnait l’impression d’insanités soufflées à l’oreille du genre qui fait trembler de désir aux heures les plus secrètes de la nuit. Ce qu’elle nous a dit, c’était son nom : Adriana. Et je m’imaginais déjà le gémir. Ce n’est pas arrivé, bien sûr. Adriana n’était pas là pour jouer, elle venait pour affaire. Pour passer un contrat. Pour m’offrir tout ce que je n’avais pas eu dans ma vie : la beauté, l’aisance, le pouvoir. Soyons clair, je n’étais pas moche quand j’étais humain, mais j’étais plutôt banal. Là, elle me proposait la Beauté avec un grand B, de celles dont les femmes rêvent la nuit et qui les font se réveiller agitées, trempées et encore rêveuses. Et au chauffard – Jesse, comme j’allais l’apprendre plus tard – elle lui offrait le même deal. Evidemment, il y avait un prix à payer. Le prix étant qu’on liait nos âmes à elle. En échange de tout ça, on acceptait de devenir des émissaires de la corruption. C’est comme ça que je suis devenu un Incube et je me suis retrouvé coincé avec Jesse, le mec qui m’avait tué devenu Incube lui aussi. Collègues de boulot à Philadelphie. Et notre premier job était d’aller pomper un peu d’essence vitale à une personne qu’on a aimée. Le seul moyen pour finaliser le deal. Adriana nous a séparés et quand on s’est retrouvés, je n’ai pas reconnu Jesse. Il n’avait plus rien du campagnard mal bouché qu’il avait été. Il avait un physique de dieu grec et une voix grave, profonde, un timbre de velours dans lequel on avait envie de se rouler. J’ai secoué la tête pour faire passer l’image. - Bienvenue chez vous, nous dit Adriana en désignant l’appartement du centre de Philadelphie. C’était gigantesque et lumineux. Des espaces ouverts, des meubles métalliques et bois usé, comme s’ils venaient d’un entrepôt, mais le tout très design. J’ai aimé tout de suite, en particulier les canapés en cuir. Le seul problème était de m’installer avec celui qui m’avait tué, mais comme l’a dit Adriana : - Tu vas pas rester focalisé là-dessus mon choux, on fait tous des erreurs dans la vie. Un chauffard qui m’a tué, devenu Incube et une démone arrogante obsédée par les âmes qui utilise des surnoms ridicules, voilà qui sont les enfoirés devenus mes meilleurs amis. Et les personnes les plus importantes de ma vie. Du moins, ils le sont maintenant, mais lors de ma première mission… tout n’était pas si simple. 1 . L’Adaptation Il est dix-huit heures quand je me lève. Je suis un démon depuis deux jours et mon corps semble être adapté au rythme noctambule. Je descends les marches et repère Jesse, déjà assis dans la cuisine de notre duplex, un verre de liquide ambré à la main. - Sérieusement ? Tu bois du whisky au petit-dèj ? Il hausse ses épaules, les muscles roulent sous sa peau dorée. Ses cheveux bruns coincés derrière ses oreilles et ses yeux d’une couleur indéfinissable, quelque part entre le vert et le noisette, me disent qu’il vient de se lever lui aussi. Il est magnifique ce crétin et depuis qu’on a hérité de nos nouveaux corps, il passe son temps à moitié nu. - Pour l’effet que ça me fait, répond-t-il, ça pourrait aussi bien être du jus de pomme. - Mais avec un goût plus dégueulasse. - On s’y fait. Je suis en train de faire bouillir de l’eau pour le thé quand il prend la parole. Je l’entends avaler bruyamment avant de parler. - Adriana a déposé ça pour toi. D’un geste du doigt, il désigne un sac à vêtement noir qui contient certainement un costume. Je hoche la tête en remerciement et remarque qu’il a la bouche pleine. - Qu’est-ce que tu manges ? demandé-je avec une mine dégoutée. - Du bœuf séché. - Au petit-déjeuner, Jesse ? - J’ai faim ! contre-t-il. Et pis, tu m’as vu ? Je peux bouffer ce que je veux. Il se lève et désigne ses tablettes de chocolat impressionnantes pour faire bonne mesure. J’ai la soudaine envie de soulever mon t-shirt pour comparer avec les miennes. Je secoue la tête et reviens à ma bouilloire qui siffle. - - Comment s’est passé ta première nuit en ville ? demandé-je quand je m’installe face à lui avec ma tasse de thé fumante. Génial ! T’aurais vu ça, je suis entré dans le club et personne ne pouvait me lâcher des yeux. Nora bavait littéralement devant moi. Nora, comme il me l’a expliqué est une stripteaseuse dont il était tombé amoureux. Elle s’est foutue de lui à l’époque et lui a extorqué de l’argent avant de le jeter comme un malpropre. Il y a ce truc chez Jesse qui rend tellement simple d’abuser de lui. Il a une naïveté presque stupide. Il n’a rien d’un gosse, encore moins depuis qu’il a son nouveau corps, mais il a la mentalité d’un gentil garçon de la campagne, alors forcément, il ne voit pas quand les gens se foutent de lui. Pourtant quelque chose me dit qu’ils auront moins tendance à le faire maintenant. C’est assez triste comme constat, mais c’est vrai, on a moins d’emmerdes quand on est beau. - Donc, tu as conclu le deal ? Plutôt deux fois qu’une. Il m’adresse un clin d’œil et je fais mine de gerber dans ma tasse. Au moins, ça a le mérite de le faire rire. - Nous superpouvoirs sont carrément plus cool que ceux de Superman. Je lève les yeux au ciel au terme superpouvoir. Il se prend pour un Avenger ou je ne sais quoi. Hier, il s’est amusé à soulever le canapé tout seul pour mesurer notre force et quand il a compris qu’il pouvait le garder au-dessus de sa tête avec une seule main, il a couru dans tout l’appartement à ma recherche pour me montrer l’exploit. Je n’arrive pas vraiment à le détester, même s’il m’a tué. Il me fait penser à un chiot géant sous stéroïdes. Adorable au point qu’on ne peut pas lui en vouloir même s’il pisse dans vos chaussures. - Et toi, qu’est-ce que tu as fait hier soir ? Je suis resté là. - - A te branler ? déduit-il immédiatement. T’as plus besoin de faire ça, tu sais. Mais je comprends, moi aussi quand j’ai vu la queue que m’a donné Adriana, j’étais genre ouah, elle a pas lésiné sur la marchandise et… Arrête de parler de ta queue ! grogné-je en me frottant le visage d’une main dure. Et j’avais juste besoin de m’habituer c’est tout. Oui, j’ai passé pas mal de temps ces derniers jours à me regarder dans le miroir pour me faire à ma nouvelle apparence. Je sais que je dois sortir pour finaliser le deal. Je dois retrouver Sienna. Mais le fait est que se déplacer dans un corps qui mesure plus d’un mètre quatre-vingt-dix, ce n’est pas la même chose que dans un corps d’un mètre soixante-quinze. J’ai passé plus de deux heures à m’examiner sous toutes les coutures. J’ai la peau mate maintenant, comme si j’avais passé des heures à poil au soleil, mes yeux ont changé et sont passés d’un vert banal à un vert clair avec une couronne dorée autour de la pupille. J’ai le nez droit et la ligne de ma mâchoire est bien dessinée. Mon reflet dans le miroir m’a fait penser à une pub Colgate quand j’ai souri. Mes cheveux sont brillants, bruns aux reflets cuivrés. Alors, je suis resté comme un con à regarder la forme et à tâter les muscles. Et oui, peutêtre que je me suis effectivement branlé sous une douche brûlante, mais je ne compte pas en débattre avec Jesse. Le truc, c’est que je suis excité, un courant sous ma peau. L’envie de sexe qui ne me lâche pas, c’est comme une faim incontrôlable. Peut-être est-ce le cas. Je suis un Incube maintenant. - T’as remarqué notre manque de pilosité ? Ta gueule, Jesse ! Oh, ça va, grogne-t-il. T’es pas du matin, ou t’es toujours un connard ? Attends, c’est ton deuxième prénom ? Lane Connard Jones ? - Non, en fait c’est mon premier prénom, le Connard vient avant le reste. Ah ben, je t’appellerai Connard à l’avenir. Fais-toi plaisir. On finit le petit-déjeuner en silence. Je ne ressens pas le besoin de parler, mais Jesse soupire rapidement avant de relever ses yeux multicolores vers moi. - T’as prévu quoi pour ce soir ? Je vais finaliser le marché. Avec la fille qui t’a largué ? Oui. Elle ne sort pas souvent, mais elle a une soirée d’affaire ce soir. La remise d’un prix d’architecture à un de ses collègues. Je pense que ce sera moins louche de la trouver là-bas que de me pointer sur le pas de sa porte. Jesse hoche la tête, songeur. - C’est pour ça qu’Adriana a déposé ça ? demande-t-il en désignant le costume. Je hoche la tête. J’en ai parlé à la démone quand elle m’a demandé pourquoi je ne me bougeais pas les fesses hier soir. - Je peux venir avec toi ? demande Jesse. Je le fixe avec suspicion, mais il m’accorde un large sourire. - Allez, Connard. Le soutien fraternel entre Incubes et tout ça ? Et puis il y a possibilité de choper de la business girl… Je soupire, mais quelque part, ça me rassure de ne pas y aller seul. - Il faudra juste qu’on trouve le moyen d’enter, concédé-je. Oh, t’inquiète ! s’amuse Jesse. On entre où on veut quand on veut… Je lui accorde un regard interrogateur et ses yeux se mettent à briller de malice. - Tu verras bien quand tu sortiras. L’effet qu’on fait aux gens, c’est dingue. Superpouvoir, je te dis. Je lève les yeux au ciel. Dire que je suis coincé avec lui… Je débarrasse ma tasse et prends la direction de ma chambre à l’étage. Je suis au milieu des escaliers quand je pense à crier : « trouve-toi un costume ! » - Ça marche, Connard ! Ouais, c’est ce qu’est devenue ma vie depuis que je suis mort. 2. La soirée Le costume que m’a choisi Adriana est un Dior gris anthracite avec une cravate, une ceinture et des chaussures noires. J’ai du mal à croire que c’est moi en me regardant dans le miroir. On dirait qu’il a été fait sur mesure. Il me met en valeur d’une manière presque indécente. Je descends les escaliers pour aller rejoindre Jesse, mais je m’arrête avant d’atteindre la dernière marche. Mon colocataire est occupé à fixer sa propre cravate – sans grand succès – devant le miroir de l’entrée. Son costume est à l’opposé du mien. Il est noir et ses accessoires sont gris avec un liseré argenté. Il est méconnaissable. Ses cheveux sont lissés et placés derrières ses oreilles, mais quelques mèches reviennent s’accrocher à son visage et lui donnent un air un peu rebelle malgré le costume. Il semble sortir d’un magazine de mode. Je doute un instant que ce soit lui. Mais quand il me repère dans le miroir, il se retourne en sifflant et m’accorde un sourire idiot. - Ouah, t’as la classe, Connard ! Oublions ce que j’ai dit. C’est bien lui, pas de doute. Je le rejoins pour l’aider à se dépatouiller de sa cravate, il n’en a clairement pas l’habitude. Quand c’est fait on se tourne tous les deux vers le miroir et j’avoue qu’il n’est pas le seul à avoir l’air d’un mannequin. On fixe notre reflet bien trop longtemps. - Comment tu as eu le demandé-je finalement. Je l’ai demandé gentiment. costume ? Il me sourit de toutes ses dents et je secoue la tête. *** La remise du prix d’architecture a lieu au Ritz-Carlton. Un des plus beaux hôtels de Phily au look de Parthénon. On entre dans le hall et les têtes se tournent sur notre passage. Je regarde le phénomène avec un mélange de fascination et de malaise. Quand je jette un œil à Jesse, je le vois qui sourit à tout le monde avec un air prédateur. Je lui balance un coup de coude dans les côtes. - Ah ! Quoi ? Arrête ! Pourquoi ? Pas de ma faute s’ils bavent tous sur nous. Ce n’est même pas la peine de parler avec lui. - Fais-nous entrer, grogné-je. Ok, suis mon exemple. On avance jusqu’à l’accueil, derrière lequel une hôtesse hautaine, engoncée dans un tailleur formel, est concentrée sur un pc. Jesse s’accoude au comptoir et me lance un regard pour que je l’imite. Je m’exécute et souris comme il le fait. - Excusez-moi, ronronne-t-il. L’hôtesse relève immédiatement la tête et son regard passe de Jesse à moi, comme si elle ne savait pas sur lequel de nous deux s’arrêter. Ses pupilles sont dilatées et le rouge lui monte furieusement aux joues. Jesse me lance un regard et je l’entends presque mentalement me lancer : « superpouvoir ! ». Je comprends un peu mieux maintenant. Mon sourire s’élargit alors que je donne un nom au hasard pour que la fille vérifie sa liste. Elle a l’air déçue et désolée quand elle relève les yeux pour nous informer que nous ne sommes pas prévus. - C’est sûrement une erreur, suggère Jesse sans perdre son sourire. Elle semble douter un moment, mais je prends sa main au-dessus du comptoir. - Oui, assurément une erreur, soufflé-je en tentant de paraitre charmant. Son regard se fixe sur moi et se fait vague, comme si elle ne se souvenait même pas de ce dont on parlait. Elle a l’air de ne pas s’en soucier, tant qu’elle peut me regarder. Je me demande si elle respire encore. Je jette un regard à Jesse, mais il hausse les épaules. - N’est-ce pas ? demandé-je pour la relancer. Bien sûr ! s’exclame-t-elle. Evidemment. Bienvenue messieurs. On lui sourit, mais ça semble être trop pour elle, alors je pousse Jesse à avancer avant qu’elle ne fasse un arrêt cardiaque. - Merci, beauté ! lui lance Jesse par-dessus son épaule. La fille lâche un hoquet et je ne peux pas m’empêcher de rire un peu. - Arrête tes conneries, soufflé-je à Jesse. Il me retourne un regard amusé qui dit clairement : « je ne regrette rien. » On s’arrête devant les grandes portes blanches de la salle de réception et je prends une profonde inspiration en réajustant ma veste de costume. Jesse attend patiemment que je me reprenne en main. Je hoche la tête et on pousse les portes. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne passe pas inaperçus. Je décide de ne prêter attention à personne en attendant qu’on ait trouvé un endroit d’où on pourra préparer un plan d’action. Je marche tête haute vers un endroit isolé. Du coin de l’œil, je vois Jesse imiter ma posture. - Pas mal l’air mystérieux, souffle-t-il. Mais je crois pas que ça détourne l’attention. Tu le sens toi aussi ? Le pire, c’est que je n’ai pas à lui demander de quoi il parle. Parce que la réponse est oui, je le ressens. Le désir. L’envie qu’on éveille dans la foule et qui m’arrive par vagues, je me sens électrisé. Plein d’une puissance que je ne connais pas. C’est de ça qu’il me parlait. Maintenant, je vois ce qu’il voulait dire. - Et merde, souffle Jesse. Quoi ? - - L’électricité. Je suis excité, si je ne baise pas bientôt, je te jure que je te plaque au mur et que je me fais les dents sur toi. Calme-toi, Adriana nous a dit que ce serait intense les premiers jours, essaie de les bloquer. Il hoche la tête et respire doucement. Ce que la démone a dit exactement c’est : « ça va être plutôt hardcore, mes petits lapins, vous risquez de ne pas débander pendant quelques jours. Amusez-vous bien, j’ai des choses à voir et des gens à me faire. » On s’arrête finalement dans un coin de la salle, qui nous donne un bon angle d’observation. - Ça va ? demandé-je à mon colocataire. Ouais, répond-t-il même s’il parait tendu. Trouve ton ex qu’on en finisse. Je jette un œil à la salle et je la repère qui valse. Elle porte une longue robe rose poudrée et ses cheveux châtains tombent en vagues étudiées. Elle parait aller parfaitement bien, même si je suis mort il y a deux jours à peine. Et toute l’électricité de la salle n’est rien en comparaison de la rage que j’éprouve en remarquant qu’en plus, son cavalier n’est autre que son « collègue » Bruno avec qui je la soupçonnais de me tromper. - C’est elle ? me demande Jesse en suivant mon regard. Ouais. Pas terrible, mais bon. Allez, à l’attaque ! Sur ce, Jesse me pousse vers la piste de danse et lève un pouce en guise d’encouragement quand je tourne la tête pour le fusiller du regard. 3. La revanche J’approche Sienna et Bruno en essayant de me rappeler que je ne suis plus le mec que j’étais. J’ai toutes les raisons d’avoir confiance en moi maintenant. Je calme mes nerfs et ma rage à l’aide de profondes inspirations. Quand j’arrive au couple qui glisse sur la piste, je tape nonchalamment sur l’épaule de Bruno qui tourne un regard ennuyé vers moi. - Je peux vous emprunter votre cavalière le temps d’une danse ? lui demandé-je avec un sourire. Il semble prêt à refuser, mais il suffit que Sienna pose le regard sur moi pour qu’elle accepte sans lui laisser la possibilité de parler. Il recule à contrecœur et Sienna prend place dans mes bras. - Bonsoir, souffle-t-elle. Je baisse les yeux vers son visage. Elle me parait minuscule maintenant. Avant, on faisait presque la même taille et certainement presque le même poids. Maintenant, elle est enveloppée par ma carrure. - Bonsoir, réponds-je dans le même ton grondant que Jesse a utilisé sur la fille de l’accueil. Elle semble avoir le souffle coupé un instant. Elle me fixe avec un regard brillant et j’essaie de ne pas me sentir blessé. Elle ne m’a jamais regardé comme ça avant. - Vous avez l’air de me connaitre. Si elle savait à quel point… - Je connais Lane. Oh, fait-elle mal à l’aise. On n’est plus ensemble. Elle ne sait pas que je suis mort. Ça se voit à sa façon de parler de moi. Je m’apprête à le lui dire, quitte à foutre en l’air l’opportunité de conclure le marché, mais elle continue de manière légère. - Il parlait mariage, et ça n’a jamais été comme ça pour moi. Je n’étais pas amoureuse, je voulais juste m’amuser. Waouh. Deux ans et demi d’amusement, hein. Je pensais compter après tout ce temps. Je me suis planté. Qu’à cela ne tienne. Je glisse une main au creux de ses reins pour l’approcher davantage de moi avant de murmurer à son oreille : « je sais m’amuser ». Elle essaie de réprimer un frisson, sans succès. La ligne de sa robe est si basse dans le dos, que mon pouce caresse sa peau nue. - Ah oui ? demande-t-elle à voix basse. Mhm. Sa main se serre sur ma chemise et je penche la tête pour laisser mon nez tracer la ligne de sa gorge avant de répondre : « Tu veux jouer ? » Si elle était dans son état normal, elle m’aurait sûrement engueulé à voix basse pour mon comportement inapproprié. Mais elle se contente de hoqueter avant de lâcher un « oui » tremblant. Malgré moi, mon sourire se fait prédateur. Je sens son désir, la température de son corps qui grimpe en flèche. C’est comme si j’avais un cadran d’indication qui me dit : « vas-y, fonce ! » Je la relâche, mais prends sa main dans la mienne pour l’attirer à ma suite vers l’angle de la salle où le couloir disparait pour mener aux toilettes. En passant, je croise le regard de Bruno à qui je lance un regard victorieux. J’attire Sienna dans les toilettes qui sont assez classes pour servir de salon à la plupart des gens. Mais je ne suis pas là pour admirer les dorures. Elle ferme la porte derrière nous d’une main tremblante et se retourne pour me regarder. Son envie est si forte qu’elle m’étouffe. Je fais un pas en avant et la plaque contre la porte fermée avant de plonger sur ses lèvres. C’est alors que je comprends comment on extrait l’essence vitale. Elle passe de ses lèvres aux miennes et je plonge ma langue dans sa bouche, prenant sans pitié. Elle gémit et se tortille entre mes bras, ses mains se serrent avec force sur mes épaules. Elle répond à mon baiser avec tout ce qu’elle a. Elle m’embrasse comme jamais avant ça. Une de mes mains s’emmêle dans sa crinière et l’autre se referme sur le satin de sa robe que je froisse en remontant lentement le tissu le long de ses jambes. Mais je ne peux pas lâcher ses lèvres. J’ai faim, j’ai besoin de cette essence délicieuse. C’est addictif. Seule la peur de la tuer me fait reculer mes lèvres des siennes, mais je ne m’éloigne pas. Ma bouche descend le long de sa gorge, je repousse la bretelle de sa robe qui tombe d’un côté. Ses propres lèvres sont rouges, sont souffle haletant, elle rejette la tête en arrière quand ma main entre en contact avec la peau nue de sa cuisse. Quelqu’un se met à frapper à la porte, mais elle est trop perdue pour s’en rendre compte et moi, je n’en ai rien à foutre. Je suis occupé à lui faire perdre la tête. Elle voulait s’amuser, voilà de quoi la satisfaire. Je me débarrasse de sa culotte blanche et elle atterrit sur les lavabos. J’ouvre la braguette de mon costume et libère mon érection douloureuse. Je prends une de ses mains tremblantes pour la placer dessus. Elle me branle d’un geste incertain, comme si elle ne se souvenait même plus de son nom. - Embrasse-moi, supplie-t-elle. Embrassemoi encore. C’est demandé si gentiment. Je m’empare de ses lèvres et à nouveau, je sens le flux reprendre et j’y bois comme un assoiffé. Sienna transpire comme si elle était fiévreuse, elle tremble et supplie. Sa robe retroussée sur ses hanches, ma main qui la caresse sans indulgence. Elle se cambre, halète, et crie carrément quand mes doigts s’enfoncent en elle. Déjà trempée, tellement prête à s’offrir à un monstre dans mon genre alors qu’elle m’a rejeté quand j’étais un homme bien, dont le seul crime était d’être un peu trop amoureux à son goût. J’ai juste envie d’en finir. Je la soulève comme si elle ne pesait rien et la pénètre d’une seule poussée. Sa voix se brise d’extase et derrière la porte, les gens qui frappaient se taisent. Aucun doute sur le fait qu’ils savent exactement ce qui se passe ici. Ça m’excite étrangement et je m’assure de faire porter la voix de Sienna. Ses jambes enroulées autour de mes hanches, je maintiens ses cuisses pour qu’elle ne glisse pas et m’enfonce en elle avec plus de vigueur. - Plus fort, supplie-t-elle et j’obéis. La porte tremble sous mes assauts et Sienna laisse échapper des gémissements et un flot d’encouragement décousu qui consiste principalement à me demander de ne pas arrêter. J’accélère encore la cadence, m’arrête, ralentis, reprends à pleine puissance et je sens qu’elle est perdue. Soudain, elle se cambre, rigide une seconde, avant que je sente ses tremblements. Je l’embrasse à nouveau pour prendre son essence et j’ai à peine le temps de me retirer que je jouis à mon tour. On reste un moment dans la même position à simplement respirer lentement, mais soudain, les coups reprennent à la porte et cette fois, elle les entend. - - - Oh, merde ! panique-t-elle, elle prend une serviette en papier et se nettoie rapidement. Rhabille-toi vite. On va se faire virer à coup de pied, voire arrêter pour indécence. Sur le lavabo, lancé-je quand elle se met à regarder partout à la recherche de sa culotte perdue. Merci. Quand elle se tourne vers moi, j’ai déjà réajusté mon pantalon et mon costume est impeccable, mes cheveux sont une cause perdue à présent et je n’essaie même pas d’y mettre de l’ordre. - Est-ce qu’on se reverra ? me demande mon ex. Sait-on jamais, réponds-je avec un haussement d’épaule. Ses lèvres se pincent un peu, mais elle semble fondre sous ma main quand je lui presse légèrement l’épaule. Quand Sienna ouvre la porte, je ne suis qu’à moitié surpris de voir Bruno accompagner la sécurité. Je lui lance un demi-sourire. Il est enragé. - Veuillez nous suivre, monsieur, me lance un des hommes de la sécurité. Où est Jesse quand j’ai besoin de lui ? 4. Nouvelle vie (après la mort) Bruno fixe Sienna, qui me fixe alors que je fixe les agents de sécurité dont l’attention ne me lâche pas. C’est une situation… intéressante. Tendue certes, mais intéressante. - Je ne compte pas vous suivre, messieurs, dis-je d’une voix assurée. Vous allez me laisser sortir. Si le premier semble enclin à me laisser filer, comme hypnotisé par mon ordre, le second n’est pas de cet avis. Il se rue sur moi, mais je le contourne et lui envoie un coup de pied aux fesses. Il rentre tête la première dans une des cabines. Tout le monde se fige, surpris. Je ne prends pas le temps de m’attarder et fonce dans la salle de réception. - Jesse ! hurlé-je en regardant autour de moi. Plusieurs têtes se tournent vers moi et m’observent avec la même fascination que précédemment, même si j’ai plutôt l’air dingue à ce moment. Mais mon colocataire n’est pas là. Je continue ma course vers la sortie et pousse les larges portes blanches. Une fois dans le hall je scanne les environs à sa recherche avant de crier une dernière fois : « Jesse ! » Sa tête apparait derrière le comptoir de la réception, complètement échevelé, sa cravate défaite sur sa chemise ouverte, il a du rouge à lèvres sur la gorge. - Quoi ? grogne-t-il. On s’arrache d’ici ! J’ai la sécurité aux fesses. Merde ! marmonne-t-il, mais il se relève déjà en fermant son pantalon. Il s’appuie au comptoir et saute par-dessus. Dès qu’il est passé, on détale vers la sortie. - A un de ces jours, chérie ! lance-t-il pardessus son épaule. Si la réceptionniste répond, on ne l’entend pas. On est déjà dans la rue à courir comme si des chiens de l’enfer étaient à nos trousses. Il se passe un bon moment avant qu’on prenne un tournant, nous arrêtant dans une ruelle, on s’adosse au mur et après quelques respirations, on éclate de rire. L’adrénaline et l’électricité courent dans mes veines et mon rire ne s’arrête pas. Je me laisse finalement glisser contre le mur et finis assis par terre, sans me soucier de mon costume. Je ris beaucoup trop pour m’inquiéter de quoi que ce soit. Jesse se laisse tomber à côté de moi et on s’appuie l’un sur l’autre, épaule contre épaule. - Je n’ai jamais autant ris de ma vie, hoqueté-je. Bonne chose que tu sois mort, alors ! Et je ne sais pas pourquoi ça accentue notre fou-rire. Ce n’est pas si drôle que ça. - Merde, on est mort ! soufflé-je quand on se calme. On n’aura plus la vie qu’on avait. Les gens qu’on connaissait. Il hoche la tête avant de passer un bras autour de mes épaules. Sa main décoiffe un peu plus mes cheveux dans un geste affectueux et il me pousse et poser mon front contre sa tempe avant d’ajouter : « maintenant, tu m’as moi, Connard » - C’est sensé me réconforter ? demandé-je, amusé. Ouais. Je suis pas toujours le plus intelligent, mais tu ne trouveras pas plus loyal. Je le regarde aussi bien que je le peux sans bouger. Sa main me maintenant toujours, j’aperçois un sourire sur son profile et je l’imite, pris d’affection pour cet idiot. - Ouais, je t’ai toi. Mhm. Quand on se décide à repartir, il garde son bras autour de mes épaules, je passe un des miens autour de sa taille et je me dis que je n’ai vraiment pas perdu au change. - Alors, la fille de la réception ? Mortelle ! lance-t-il. Et avec ton ex ? - Le marché a été conclu, réponds-je avec un regard qui veut tout dire. Suis fier de toi, Connard. Maintenant, il faut qu’on trouve un plan pour se choper Adriana. Dire que je vais passer l’éternité avec ce crétin…