Interview Jesse Zaman Juin 2016 NoiseTube en image : DES APPS
Transcription
Interview Jesse Zaman Juin 2016 NoiseTube en image : DES APPS
Interview Jesse Zaman Juin 2016 DES APPS PARTICIPATIVES ET CITOYENNES POUR ANALYSER LA RÉALITÉ URBAINE JESSE ZAMAN (SOFTWARE LANGUAGES LAB (SOFT) – VUB Une meilleure connaissance de Bruxelles peut revêtir des aspects disciplinaires singulièrement variés. Interroger Jesse Zaman, doctorant en sciences de l’informatique au sein du labo SOFT à la Vrije Universiteit Brussel, c’est entrevoir les larges perspectives de recherche que la programmation informatique offre dans l’étude des réalités bruxelloises et pour les recherches urbaines en général. Ce qui frappe au premier abord, c’est votre souci précoce d’allier un aspect pratique à un domaine, la programmation informatique, qui peut vite s’avérer très théorique. Effectivement. Depuis l’école, j’ai toujours aimé les ordinateurs et la programmation mais j’ai aussi très vite compris que j’appréciais moins l’aspect trop théorique de ces études. Programmer des langages informatiques pour quelques initiés, ça ne m’intéressait pas. Dès mon travail de bachelier, intitulé Environmental Sensing with the iPhone, j’ai donc opté pour une dimension plus appliquée. Comme je suis sensible à l’environnement, je voulais travailler sur quelque chose qui puisse avoir une utilité sociétale et le smartphone, avec sa quantité de senseurs et de capteurs, apparaissait comme un formidable outil pour récolter et mesurer des données de toutes sortes. C’est comme ça que je suis entré en contact avec le projet NoiseTube. Le projet NoiseTube ? NoiseTube est une plateforme gérée par Software Languages Lab (SOFT) à la VUB. Il s’agit à la fois d’un site (www.noisetube.net) et d’une application mobile grâce à laquelle de simples citoyens peuvent mesurer les niveaux de bruits dans leur environnement grâce au micro de leur GSM. Il suffit de télécharger l’application et, grâce à la fonction GPS du téléphone, les données récoltées lors de leurs déplacements peuvent être traduites en « cartes sonores ». Le concept est très intéressant car il est facile à mettre pratique et pas cher. Il suffit d’avoir un smartphone et, sans acheter de matériel NoiseTube en image : Ci-contre, la carte sonore générée par un individu se déplaçant avec l’application mobile NoiseTube. En travaillant sur NoiseTube durant son travail de maîtrise, Jesse Zaman s’est interrogé sur la manière d’élargir les possibilités de ce genre d’application pour récolter d’autres données. Grâce à une bourse Anticipate, sa plateforme DisCoPar est en cours de développement. Interview Jesse Zaman spécifique, on peut récolter des informations pour mener des recherches scientifiques concrètes et pertinentes. NoiseTube a été le point de départ de votre travail de maîtrise : Orchestrating partici-patory campaigns with workflows Tout à fait. NoiseTube a reçu pas mal de demandes de groupes de citoyens de tout le pays qui voulaient, eux aussi, utiliser l’application dans leur quartier pour mesurer la pollution sonore. Mais la difficulté était qu’ils n’avaient, ni les compétences informatiques, ni l’argent, pour l’adapter à leurs propres besoins. De mémoire, on a fait ainsi près de 19 campagnes de mesures sur 13 localisations différentes. L’intérêt du grand public était donc réel mais – et c’est un gros problème des collègues de SOFT devaient gérer chacune de ces campagnes manuellement : définir avec les gens les meilleurs moments et endroits pour prendre les mesures, rue par rue ; traiter ensuite les données, téléphone par téléphone ; les retravailler pour, au final, les analyser et générer des cartes Juin 2016 scientifiquement fiables. Cela représentait énormément de travail en temps et en énergie pour SOFT. Donc, en 2012-2013, pour mon travail de maîtrise, j’ai décidé d’étudier la manière dont on pouvait adapter l’application afin que les gens puissent la gérer eux-mêmes, la modifier suivant leurs besoins et créer leurs cartes automatiquement. De fil en aiguille, vous décrochez en 2013, une bourse Anticipate pour élargir ces premières recherches. Oui, j’avais développé mon mémoire dans le contexte particulier de NoiseTube. La finalité très appliquée m’avait plu mais je trouvais au final dommage que tout mon travail ne puisse fonctionner que pour la mesure des nuisances sonores alors qu’on pouvait l’utiliser pour d’autres données. En obtenant une bourse Anticipate auprès d’Innoviris sur le sujet : A Cloud-Based Reactive Infrastructure for Modelling Participatory Sensing Campaigns, mon objectif est de créer une plateforme générale qui offre un soutien technologique suffisant pour que chaque citoyen soit capable de choisir quelle sorte de données il désire récolter localement, via smartphone, pour un résultat qualitatif et en assurant un collecte suffisante de données. Plus de gens participeront à ces campagnes de mesures locales via applications mobiles (ou « participatory sensing »), plus elles auront du poids. Ces campagnes citoyennes ne sont évidemment pas neuves. Depuis des années par exemple, Natagora propose à tous les amateurs de recenser les oiseaux de leurs jardins. La masse des participants permet au final de se faire une bonne idée de la population globale des oiseaux dans le pays. L’avènement et la popularisation des smartphones ont décuplé depuis environ 10 ans les possibilités de recensements collectifs sans que personne ne soit cependant capable de fournir un soutien technologique global à ces enquêtes. Pourtant, il est essentiel pour que ces enquêtes fonctionnent, de savoir où envoyer les gens pour obtenir des données pertinentes et qu’ils sachent les retravailler eux-mêmes par après. C’est là la véritable ambition sociale de mon La plateforme DisCoPar "Distributed Components for Participatory Campaigning" a pour but de permettre de réaliser des apps sans connaissance préalable en programmation. L’idée de Jesse est de proposer des composantes simples (qui offrent chacune une fonctionnalité précise) que l’on peut relier entre elles. On peut tester en temps réel l’app qu’on est en train de développer grâce à l’aperçu de l’écran de téléphone et ainsi visualiser ce que l’on est en train de faire. La plateforme est en cours de développement Interview Jesse Zaman projet : créer un instrument réellement pratique, sans barrière informatique ou scientifique préalable. Et Bruxelles dans tout cela ? C’est là que le sous-titre de mon projet prend tout son sens : Towards Mapping Mobility Parameters in Brussels ! Depuis deux ans, je me suis surtout concentré sur l’aspect technique du travail pour programmer et améliorer ma plateforme. Les deux ans qui viennent me serviront à valider ma recherche. Bien entendu, ce genre de recensement participatif existe partout dans le monde mais j’ai choisi la problématique de la mobilité à Bruxelles comme cas d’étude. Le milieu urbain me paraissait un terrain idéal pour récolter de nombreuses données. Ma plateforme pourrait notamment être utile pour développer de futurs plans de mobilité et de circulation en tenant mieux compte de l’expérience réelle des usagers, en suivant notamment, par GPS les flux piétons, motorisés, etc. Pour savoir si ma plateforme est effectivement facile à utiliser, je collabore avec des associations dont notamment « Trage wegen », une organisation qui cartographie les chemins « lents », c’est-à-dire non-motorisés, en Belgique. Ils font encore cela manuellement et Juin 2016 je veux tester avec eux la maniabilité de ma plateforme. J’ai aussi un projet d’identification des « bons » chemins pour circuler à vélo en ville grâce à la localisation GPS des déplacements cyclistes. D’autres idées de tests ont germé depuis le début de mon doctorat grâce aux contacts de SOFT. L’Institut Royal de Météorologie (IRM) souhaiterait, par exemple, développer un outil de validation de leurs modèles météo. Des gens, partout dans le pays, pourraient ainsi encoder en temps réel leurs observations sur le temps observé chez eux (pluie, durée des averses, grêle, taille des grêlons, etc.) et l’IRM pourrait ainsi améliorer la précision de ses modèles de prédiction. tes de ces « usagers » potentiels. Ce processus régulier de va-etvient entre eux et moi est très enrichissant. Je ne pourrais pas, je pense, rester quatre années seul à programmer devant mon ordinateur. C’est ce contact direct qui différencie sans doute le plus mon travail de celui de mes collègues. Malgré un aspect très technique, je garde toujours à l’esprit une finalité pratique dans ce que je fais. Avant de commencer mon doctorat, j’avais peur de m’investir dans un sujet dont les résultats seraient finalement peut-être restés dans un tiroir. L’idée que ce travail ait une utilité sociétale et qu’il puisse, au moins, inspirer d’autres réalisations, a de l’importance pour moi. Cette visée pratique très large vous amène à entrer en contact avec des personnes et des institutions aux profils très variés ? Certainement. Au niveau académique, j’ai des échanges avec des chercheurs travaillant sur la question de la mobilité, comme le centre MOBI de la VUB. Leurs attentes sont évidemment très différentes de celles de « Trage wegen » ou de l’IRM. C’est un challenge assez stimulant : je dois mettre mes connaissances hyper spécialisées de programmateur au service des besoins de simples citoyens et d’institutions diverses en essayant de traduire les atten- Et pour la suite ? On me pose souvent la question. Je ne me vois pas dans un travail classique aux horaires de bureau mais pour le reste ? J’aime faire de la recherche, particulièrement quand j’en perçois une certaine utilité. Avec ma formation, j’aurai probablement des opportunités à l’université ou dans d’autres institutions, même si je n’envisage pas a priori un pur job d’informaticien vissé derrière son écran. Il me reste encore deux années pour valider ma plateforme. On verra alors. Interview V. Jourdain (BSI) Pour en savoir plus : - Le site personnel de Jesse Zaman La plateforme DisCoPar développée dans le cadre de la bourse Anticipate (work in progress) Ellie D'Hondt, Jesse Zaman, Eline Philips, Elisa Gonzalez Boix and Wolfgang De Meuter. Orchestration Support for Participatory Sensing Campaigns, 2014. - With NoiseTube, Citizens Can Now Map Noise Pollution In Their Cities, Ben Schiller, Co.