vOituRes, tRains, aviOns, quel bRuit!

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vOituRes, tRains, aviOns, quel bRuit!
dOssieR
tRanspORts et pOllutiOn sOnORe
vOituRes, tRains,
aviOns, quel bRuit!
Pour prévenir la
pollution sonore,
les spécialistes de
l’Office fédéral de
l’environnement
disposent d’une banque
de données qui permet
d’évaluer le degré du
bruit dans tous le pays.
Claire-Lise Genoud
Rédactrice en chef
Droit au logement
En Suisse, 1,3 million de personnes sont exposées à un
niveau de bruit excessif. C’est
énorme, sachant que, selon
l’Office fédéral de l’environnement, «l’excès de bruit nuit
à la santé, réduit la qualité de
vie dans les régions concernées
et entraîne des coûts élevés». La
principale source de bruit est
la circulation routière, viennent ensuite les chemins de
fer puis le trafic aérien (voir
p. 8-9). Ainsi le bruit produit
par les usagers dans les cafés
n’occupe que la huitième place,
derrière le bruit de l’industrie
et de l’artisanat, le bruit de tir
provenant des places d’armes
- 20 000 personnes pourraient
s’en plaindre -, le bruit des
chantiers et enfin le bruit des
machines et des appareils.
Depuis 2009, la banque de
données sonBASE permet de
calculer le bruit avec précision
et de manière flexible dans
tout le pays. Les spécialistes de l’Office fédéral de l’environnement l’utilisent pour
élaborer des stratégies en vue
de réduire les nuisances liées
au bruit.
Grâce à ces données, on
peut voir plus clairement que
le bruit est incessant, surtout
le long des grands axes routiers. L’idée pourrait être alors
de détourner le trafic vers les
grands axes tout en les aménageant contre le bruit et de
redonner aux quartiers des
zones de plus grande tranquillité. Se basant sur un système
d’information géographique
(SIG) en utilisant les données
vectorielles de la carte nationale, on peut aussi calculer la
perte de valeur immobilière
due à la pollution sonore.
quelques valeuRs limites
L’ordonnance pour la protection contre le bruit est entrée en
vigueur en 1987, elle détermine notamment les valeurs limites
applicables au bruit des avions, des chemins de fer, des voitures et de l’industrie.
décollage d’une fusée:
décollage d’un avion à réaction:
marteau-piqueur:
trafic routier proche:
personne parlant normalement
à un mètre de distance:
• chuchotement:
• tic-tac d’une montre:
• seuil d’audibilité:
170 dB
140 dB
110 dB
70 dB
60 dB
30 dB
20 dB
0 dB
Le décibel (dB) est une unité de mesure qui reflète l’intensité
de l’onde sonore.
SOURCES : OFEV
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Droit au logement • Septembre 2013 - n° 211 — 7
dOssieR
tRanspORts et pOllutiOn sOnORe
bRuit de la ciRculatiOn ROutièRe: 1,2 milliOn de peRsOnnes expOsées
Le plus grand pollueur sonore reste la
voiture! Et il y en a toujours plus sur les
routes de notre pays. L’Office fédéral de la
statistique a constaté qu’en 2011 «deux millions de personnes se sont rendues chaque
jour au travail en voiture».
Actuellement on estime que 1,2 million
de personnes souffrent du bruit engendré
par le trafic routier en Suisse, qui comprend
également le bruit des poids lourds et des
motos. Bien que les camions ne puissent pas
circuler durant la nuit, 700 000 personnes
sont dérangées dans leur sommeil par le
bruit de la route. L’Office fédéral de l’environnement (OFEV) précise: «En dépit des
progrès réalisés dans la lutte contre ce bruit,
la population est aujourd’hui plus fortement
incommodée qu’il y a 20 ans.»
mesuRes de pROtectiOn
• pose de parois antibruit
Possible essentiellement hors des localités
car ces parois ne sont pas très esthétiques
et nécessitent de l’espace.
• pose de revêtements
phonoabsorbants
Il est intéressant de noter que le bruit de
roulement du véhicule domine le bruit du
moteur dès 30 km/h. Pour cette raison,
l’OFEV exige des revêtements les plus silencieux possibles. Ces derniers offrent plusieurs avantages:
- Dans les localités où la pose de parois
antibruit n’est pas possible faute d’espace,
les revêtements restent l’unique solution pour
réduire le bruit provenant du trafic routier.
Le profil du pneu influence le bruit
produit par la voiture.
- Le comportement acoustique d’un revêtement routier dépend de sa composition, qui
influe sur sa porosité et son élasticité. Plus les
grains du mélange du bitume sont fins, plus
le revêtement devient silencieux.
• promotion des pneus silencieux
Depuis 2012 l’étiquetage des pneumatiques
est devenu obligatoire dans l’Union européenne. En Suisse, il existe une liste des
pneus sûrs, silencieux et efficaces énergétiquement puisqu’ils permettent de diminuer
la consommation de carburant. Il est intéressant de noter que plus le pneu est large,
comme c’est le cas pour les véhicules lourds
de type 4x4, plus il fera du bruit en roulant.
Les automobilistes responsables demanderont à leur garagiste de choisir les pneus les
moins bruyants après avoir consulté la liste
sur www.etiquette-pneus.ch.
qui paie?
la confédération. Les routes nationales, qui comprennent aussi les autoroutes,
sont quant à elles dépendantes de l’Office
fédéral des routes, qui a la lourde tâche de
les rendre plus respectueuses de l’environnement sonore d’ici à 2015, selon la même
ordonnance ci-dessus.
les cantons. En ce qui concerne l’assainissement des routes principales et des autres
routes, ce sont les cantons qui doivent passer
à la caisse puisqu’ils en sont les propriétaires. Selon, entre autres l’ordonnance sur
la protection du bruit entrée en vigueur en
1987, les tronçons qui causent un bruit excessif doivent être améliorés d’ici à 2018.
les communes. Ce sont elles qui règlent
la facture de la pose de revêtements silencieux sur les routes de leur territoire. Mais
l’OFEV leur accorde des contributions.
bRuit du tRafic aéRien: de 65 000 À 95 000 peRsOnnes expOsées
La nuit, le bruit des avions incommode en
Suisse 95 000 personnes contre 65 000 le
jour. Tout simplement parce que la nuit les
valeurs limites sont plus basses en raison du
silence qui est censé y régner.
La plupart des personnes dérangées régulièrement par le bruit des avions vivent
dans les environs de nos deux aéroports
internationaux (Genève-Cointin et ZurichKloten), mais il ne faut pas oublier les habitants riverains des quatre aérodromes militaires, celui de Payerne, de Sion, d’Emmen
et de Meiringen, ainsi que des sept aérodromes régionaux, des quarante-quatre
champs d’aviation et des vingt-huit héliports,
même si ces derniers engendrent nettement
moins de dérangements sonores.
8 — Droit au logement • Septembre 2013 n° 211
mesuRes de pROtectiOn
• interdiction des vols de nuit
Les avions privés ne peuvent pas voler entre
22 heures et 6 heures, les avions commerciaux entre 23 heures et 5 heures.
• développement des aéroports
Le plan sectoriel de l’infrastructure aéronautique définit les couloirs de vols au-dessus des
zones habitées en tenant compte du bruit.
• taxes liées au bruit
Ces taxes de décollage et d’atterrissage liées au bruit favorisent l’utilisation
d’avions moins bruyants.
• altitude de vol minimale
Les vols à basse altitude sont sanctionnés car ils sont spécialement bruyants.
• sensibilisation des pilotes
Elaboré par l’Office fédéral de l’environnement, l’Office fédéral de l’aviation
civile et l’Aéro-Club suisse, un module didactique montre comment manœuvrer
un avion le plus silencieusement possible,
par exemple en renonçant aux changements brusques de puissance du moteur.
• pose de fenêtres antibruit
Cette mesure est parfois appliquée dans les
bâtiments particulièrement exposés.
qui paie?
Les exploitants des aéroports.
VILLECLG
dOssieR
tRanspORts et pOllutiOn sOnORe
lOcataiRes flOués!
Lorsque, en raison d’une proximité avec un réseau routier, ferroviaire ou
aérien, des mesures d’isolation phonique sont demandées, acceptées et
installées dans un immeuble, les locataires passent – malheureusement
– indirectement à la caisse en subissant une augmentation de leur loyer après
travaux. C’est le cas notamment pour les riverains des aéroports. Le propriétaire
de l’immeuble reçoit une subvention du pollueur via le fonds environnement
(lire p. 10), mais ce fonds ne couvre pas tous les frais. Ainsi, selon la loi suisse,
le locataire pollué par une nuisance sonore qui dépasse les valeurs limites
autorisées doit tout de même payer. Il n’est pas un pollueur-payeur, mais un
pollué-payeur! Inadmissible.
Le trafic routier est le plus important pollueur sonore, devant le trafic ferrovière et le trafic aérien.
bRuit des chemins de feR: de 70 000 À 140 000 peRsOnnes expOsées
Le nombre de personnes perturbées par
les trains durant la nuit passe du quitte au
double, soit de 70 000 à 140 000. La raison
en incombe surtout au vacarme des trains de
marchandises qui circulent essentiellement
dès la tombée du jour. Bien que les chemins
de fer fassent encore trop de bruit, la politique suisse des transports a décidé d’encourager de plus en plus ce mode de déplacement aussi bien pour les personnes que
pour les marchandises. Cela en raison de
la baisse de la consommation d’énergie potentielle et du faible niveau des émissions de
polluants atmosphériques. Il faut donc améliorer la protection contre le bruit.
mesuRes de pROtectiOn
Entrée en vigueur en octobre 2000, la loi
fédérale sur la réduction du bruit des trains
vise à améliorer la qualité de vie de la population incommodée, notamment grâce aux
moyens suivants:
• des wagons silencieux
Munis de freins à disques, les nouveaux
wagons de voyageurs endommagent de
moins en moins la surface de roulement de
leurs roues durant le freinage, ce qui réduit
considérablement le bruit lors de leur arrivée
dans les gares. Les wagons de marchandises
devraient être assainis eux aussi au niveau
du bruit d’ici à 2005.
Reste le problème des convois marchandises
internationaux qui traversent le territoire helvétique et qui ne sont pas tenus de respecter
les normes suisses, même si la Commission
européenne cherche depuis 2006 à les
rendre moins bruyants.
• la pose de parois antibruit
Elles sont installées le long des quartiers
d’habitations les plus exposés au bruit des
trains.
• la pose de fenêtres antibruit
Ces fenêtres antibruit assurent une meilleure
isolation acoustique des bâtiments.
qui paie?
la confédération. 1,85 milliard de francs
sont affectés à des mesures d’assainissement.
L’Office fédéral des transports se charge de
la direction des projets, alors que l’Office
fédéral de l’environnement joue le rôle de
service spécialisé de la Confédération en
matière de protection contre le bruit. Avec les
mesures déjà réalisées jusqu’à aujourd’hui,
la Suisse fait office de pionnière en Europe.
Droit au logement • Septembre 2013 - n° 211 — 9
DR
dOssieR
tRanspORts et pOllutiOn sOnORe
Porte-parole de l’aéroport de Genève, Bertrand Stämpfli souligne que les mesures prises répondent aux normes fédérales.
«a fin 2012, nOtRe fOnds enviROnnement s’élevait À 14,3 milliOns de fRancs»
Le bruit du trafic aérien reste une préoccupation importante pour les exploitants des
aéroports. Celui de Genève se base sur les
normes fédérales pour établir un programme d’amélioration de l’environnement des riverains. Explications avec Bertrand Stämpfli,
porte-parole de l’aéroport de GenèveCointrin.
quelles sont les mesures qui existent
à l’aéroport de genève pour réduire
le bruit des avions?
bertrand stämpfli. Depuis une vingtaine d’années, nous avons introduit une redevance aéroportuaire à caractère environnemental. Il s’agit de taxes incitatives visant
à encourager les compagnies aériennes à
opérer sur Genève avec les avions les moins
bruyants et les moins polluants. Nous avons
d’une part une surtaxe bruit et d’autre part
une surtaxe sur les émissions gazeuses. Elles
alimentent un fonds environnement, dédié
au financement de mesures destinées à des
actions en matière de réduction des nuisances liées au trafic aérien. Ces taxes sont
basées sur le principe pollueur-payeur.
a c o m b i e n s ’é l è v e l e f o n d s
aujourd’hui?
Genève Aéroport perçoit chaque année une
somme globale de plus de 1,5 million de
francs de la surtaxe bruit, et près de 1 million
de francs pour les émissions gazeuses. A
la fin de l’exercice 2012, le fonds comptait
quelque 14,3 millions de francs.
et qu’en faites-vous?
Une large part de ce fonds permet de financer les mesures mises en place pour insonoriser les habitations proches de l’aéroport
10 — Droit au logement • Septembre 2013 n° 211
construites avant 1979 dans le périmètre
d’exposition au bruit au sens de l’ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit
(OPB). On parle essentiellement de pose
de vitrages isolants. Par ailleurs, d’autres
actions sont diligentées dans le domaine de
la réduction des émissions gazeuses, la mobilité, la gestion des déchets, la gestion des
“
Depuis une
vingtaine d’années
l’aéroport de Genève
perçoit des taxes
pour les avions
bruyants,
basées sur le
principe
pollueur-payeur
”
eaux et l’économie d’énergie. Ce programme a démarré tout d’abord sur la partie
suisse de l’aéroport et depuis deux ans sur
la commune de Ferney-Voltaire, en France
voisine, qui subi les nuisances sonores générées par l’exploitation de la plate-forme.
Nos deux pays étant dotés de structures différentes, il a fallu triompher de problèmes
administratifs aujourd’hui résolus.
comment vous est venue l’idée d’établir ces taxes?
La concession fédérale au bénéfice de laquelle nous exploitons la plate-forme nous
permet de percevoir des redevances aéroportuaires. Lors du renouvellement de cette
concession, en 2001, l’autorité de tutelle, soit
l’Office fédéral de l’aviation civile, a enjoint
à l’aéroport d’insonoriser les habitations exposées à des niveaux supérieurs ou égaux
aux valeurs d’alarme au sens de l’OPB. Ce
programme s’inscrit en outre pour nous dans
la gestion de nos relations avec les riverains.
Nous avons très vite compris qu’il fallait s’en
occuper sérieusement pour ne pas être
confrontés aux problèmes que connaissent
certains autres aéroports urbains. Ce qui
nous a amenés à introduire des taxes pour
alimenter le fonds environnement.
a l’heure actuelle, combien de logements ont pu bénéficier de ces
mesures de protection?
Quelque 2800 logements ont d’ores et déjà
été insonorisés pour un coût total de 41 millions de francs.
a part l’installation de fenêtre antibruit, quelles autres mesures pouvezvous envisager?
Nous avons mis en place un système de management environnemental qui traite de tous
les grands domaines de l’environnement.
jusqu’à quel point peut-on dire que
ces mesures antibruit sont efficaces?
Ces mesures répondent aux exigences fixées
dans l’OPB.
Propos recueillis
par Claire-Lise Genoud