textes Autoprotec Delin\LES FRONTIÈRES INVISIBLES

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textes Autoprotec Delin\LES FRONTIÈRES INVISIBLES
Le samedi 30 septembre 2006 Les frontières invisibles Caroline Touzin La Presse Les deux principaux gangs de rue de Montréal, les Crips et les Bloods, ont érigé dans la ville des frontières invisibles pour le citoyen ordinaire. Ceux qui franchissent ces frontières peuvent le payer de leur vie, a révélé cette semaine l'expert en gangs de rue à la police de Montréal, le sergent­détective Jean­Claude Gauthier, au procès pour trafic de drogue, complot et gangstérisme de présumés membres de gangs de rue au Centre judiciaire Gouin. «Des Haïtiens de Montréal­Nord qui ne sont même pas membres de gangs attendent l'autobus dans Saint­Michel et se font tirer dessus. C'est grave», a­t­il raconté à titre de témoin­expert. La rivalité entre les gangs haïtiens de Montréal­Nord et de Saint­Michel remonte aux années 80. Ces gangs ont porté plusieurs noms. Aujourd'hui, les deux grandes familles ennemies sont les Bloods, présents notamment dans Montréal­Nord, et les Crips, qui sont notamment dans Saint­Michel. Autre exemple de la dangereuse frontière: un jeune qui avait un mauvais comportement dans une école de Montréal­Nord a été transféré par la direction dans une école de Saint­ Michel. «Mauvais secteur. Il s'est fait tirer dessus. On a la responsabilité de son meurtre», a dit le policier, qui a commencé comme patrouilleur dans Montréal­Nord en 1988. En 1992, il a été promu enquêteur au module gangs de rue et n'a jamais cesser de s'y intéresser depuis. Pour se faire valoir, les plus jeunes membres de gangs affichent leurs couleurs. Les Bloods portent du rouge, les Crips du bleu. Ils ont aussi des chiffres qui les identifient. Le 5, c'est rouge. Le 6, c'est bleu. Les 223, ce sont les Crazy Adolescent Delinquant (on compose CAD au téléphone en faisant le 223). Les jeunes membres sont si fiers d'être dans un gang qu'ils s'en vantent parfois aux policiers. «Souvent, le jeune qui se fait arrêter est fier de ce qu'il fait, alors il le déclare aux policiers. C'est le gang adverse qui m'a tiré. Je suis un Blood, un 13, un 18, ou un autre», a­t­il raconté. Les jeunes font aussi des graffitis pour provoquer l'ennemi. Les Crips écrivent sur les murs des quartiers adverses C­zup, Bz­down; et l'inverse est aussi vrai. Leurs initiations sont aussi colorées. Des jeunes qui rêvent d'être Bloods entrent en groupe dans un dépanneur pour voler une seule marque de cigarettes: des DuMaurier, en raison de la couleur du paquet. «Ce sont des crimes qu'on a vus à Montréal», a raconté M. Gauthier. La chair à canon Des membres de gangs majeurs ont aujourd'hui 35, 40 ans. Ce sont les plus jeunes qui servent de chair à canon. «Même s'ils ne sont pas trop impliqués, les jeunes qui gravitent autour du noyau dur d'un gang risquent de se faire tirer dessus. Le gang adverse va s'en prendre aux plus jeunes en premier», a­t­il raconté en cour. Chaque événement violent lié à un gang de rue en entraîne un autre, a observé le policier.
Au procès, l'expert en gangs de rue a décrit le gang de la rue Pelletier, un no man's land où les Bloods et les Crips viennent chercher du crack. Son présumé chef, Bernard Mathieu, alias Ti­Pon, a des liens d'affaires en importation et distribution de stupéfiants avec la plupart des gangs de rue majeurs de Montréal. Les Bleus, dont les Crack Down Posses, Ruffriders et Natural Posse. Les Rouges, dont les Bo­Gars et les Bad Boys. «Ces gangs de rue sont parmi les plus violents et les personnes en lien (avec Bernard Mathieu) sont parmi les têtes dirigeantes de ces organisations», a­t­il écrit dans un document déposé en preuve.

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