01.focus du 29-02 au 07-03 2012m
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01.focus du 29-02 au 07-03 2012m
Presse écrite portugaise : focus hebdomadaire (du 29 février au 7 mars 2012) Sélection, sous forme de résumés synthétiques, des deux ou trois sujets majeurs de l’actualité (politique, économique, sociale, culturelle) traités par les principaux titres de la presse écrite portugaise. I - « Gaspar et Alvaro se disputent le contrôle des 5,8 milliards du QREN. » ; « Le gouvernement sous la menace du premier remaniement » (Publico du 6 mars). Sévère mésentente depuis quelques jours entre les ministres de l’économie et des finances pour la gestion des fonds communautaires dans le cadre de la référence stratégique nationale (QREN). Rumeurs de remaniement du gouvernement avec la possible démission du ministre de l’économie qui amplifient la polémique persistante sur la taille « démesurée » du ministère de l’économie ( six secrétaires d’Etat) et des compétences « limitées » du ministre Alvaro Santos Pereira. Arbitrage politique du premier ministre en faveur du ministre des finances et décision finale en conseil des ministres du 7 mars. A l’origine du conflit ouvert entre les deux ministères, la remise en cause de la gestion et, par conséquent, de la répartition des fonds européens dans l’économie nationale, est l’enjeu politique principal. Selon le Publico du 6 mars, si la compétence de gestion des fonds QREN revient bien au ministre de l’économie, c’est la volonté du ministre des finances de prendre la main, soutenue par le chef du gouvernement, qui a provoqué la crise lors du dernier conseil des ministres, et ce en l’absence du premier ministre en déplacement à Bruxelles (Diario de Noticias du 5 mars). D’après le Publico, les fonds communautaires en jeu devant encore être distribués par le gouvernement portugais sont de l’ordre de 3, 8 milliards d’euros d’ici 2013 (sur un montant total de l’aide communautaire de 21,4 milliards pour la période 2007-2013), grâce à la baisse du taux de participation national au financement des projets décidée il y a deux mois par la commission européenne, qui s’ajoutent aux 2 milliards attribués à des collectivités locales et des entreprises mais gelés (règle des six mois) et, par conséquent, devant être récupérés par le gouvernement pour la première fois en appliquant la règle des six mois. L’enjeu est également économique en période de crise, car le gouvernement est à la recherche d’économies budgétaires importantes comme le souligne le Diario Economico du 6 mars qui insiste dans la même édition sur le caractère ingérable du ministère de l’économie. Le problème ne vient pas du ministre mais du ministère qui comprend trois cabinets en un (emploi, travaux publics et communications). Pour le Diario Economico du même jour, le premier ministre aurait tranché en demandant à son ministre de ne pas démissionner, en lui réitérant sa confiance mais en créant une commission interministérielle de gestion des fonds communautaires, coordonnée par le ministère des finances tant que le programme d’ajustement international restera en vigueur. Cette commission, composée de sept ministères, a effectivement été approuvée en conseil des ministres ce jour (7 mars). II - BPN (banco portugues de negocios) : « Le PS avance (dans la création de l’enquête) et le PSD exige que la nationalisation par le gouvernement de José Socrates soit étudiée. » (Diario de Noticias du 1er mars). La création d’une commission d’enquête parlementaire sur les conditions de la privatisation de la BPN, à l’initiative du bloc de gauche, rejetée par la majorité parlementaire une première fois, rencontre le soutien décisif du parti socialiste. 1/5ème des députés pourraient (règle parlementaire, soit 46 députés au moins – pm le PS compte 74 élus) ainsi demander au Président du Parlement sa mise en place. Cette privatisation récente, vendue à une banque privée angolaise pour 40 millions d’euros, fait polémique sur fond de coût global pour le budget de l’Etat. En grande difficulté depuis 2008, nationalisée la même année par le précédent gouvernement socialiste, puis gérée par la banque publique CGD, sa restructuration aurait déjà coûtée près de 5 milliards d’euros à l’Etat. Le gouvernement par la voix du PSD voudrait que la commission s’intéresse également aux conditions de sa nationalisation, alors qu’une première commission d’enquête parlementaire s’est déjà penchée sur le sujet à la fin de l’année 2008. Conformément aux exigences de la troïka, le gouvernement devait trouver dès cet été un repreneur de la BPN, chose faite avec la banque angolaise BIC. Toutefois, comme le précisent le Publico et le Diario de Noticias dans leur édition du 1er mars, neuf mois après l’accord trouvé avec la partie angolaise, la privatisation n’a toujours pas été conclue officiellement et le ministre des finances a promis de régler cette question d’ici la fin du mois afin de minimiser les coûts finaux. Or, pour l’opposition, il est nécessaire de clarifier au plus vite si cette vente ne s’avère pas trop préjudiciable, indiquant que depuis l’accord engagé cet été le gouvernement avait dû injecter 767 millions d’euros dans la banque et qu’il serait question d’un nouveau versement de 300 millions. Une enquête judiciaire est par ailleurs en cours (Publico du 5 mars) sur le processus de privatisation. Comme le souligne le Diario Economico du 5 mars, le souhait du PSD de voir l’enquête élargie à la gestion dudit dossier sous le gouvernement précédent n’a en théorie aucune chance d’aboutir, car le choix de l’intitulé revient au parti ayant pris l’initiative. Toutefois, le banc socialiste est divisé, plusieurs députés arguant du fait que les Portugais ne comprendraient pas pourquoi le parti laisserait de côté la gestion antérieure. L’enquête devrait remonter aux origines des problèmes rencontrés par la banque même si la priorité doit être donnée aux conditions de la privatisation à la banque angolaise, aux capitaux lusoangolais. Pour d’autres ténors socialistes, selon le même journal, cette enquête devrait même s’intéresser au rôle de superviseur déficient de la banque du Portugal. Le PS pourrait demander au bloc de gauche de signer la requête de création de ladite enquête permettant ainsi d’élargir le sujet et de mettre les deux principaux partis (PSD et PS) d’accord. Le Diario Economico précise que le PS n’a pas encore décidé de la date à laquelle la requête serait déposée mais compte tenu de la volonté du gouvernement de conclure rapidement l’affaire (dans l’attente également du feu vert de la commission européenne), celle-ci devrait aboutir incessamment sous peu. III – pauvreté et appauvrissement de la population : sujet récurrent qui cette semaine est traité sous un angle particulier par le Publico du 6 mars, par delà la dégradation régulière des données brutes et les analyses socio-économiques inhérentes à ce phénomène alarmant pour la société portugaise. « Le Portugal compte 2,5 millions de pauvres » titre le Correio da Manha (5 mars) qui précise qu’en l’espace de trois ans, le pays est passé de 21 à 25 % de pauvres. Le journal s’appuie sur l’analyse faite par les principales institutions caritatives et l’église catholique portugaise. Alors qu’Eurostat signale que le chiffre de 21 % est dépassé dans une large mesure, un quart de la population serait en réalité concerné en retenant pour critère le salaire minimum national. Avec 800 mille chômeurs et 1,7 millions de retraités dont les revenus sont inférieurs à 485 euros par mois, les institutions caritatives estiment même que le chiffre de 25 % est inférieur à la réalité. Par ailleurs, le même journal relève que selon les données du recensement 2011, plus de 18 000 Portugais vivent dans des baraques. Pour le philosophe portugais José Gil, considéré par le Nouvel Observateur comme faisant partie des 25 grands penseurs européens de l’actualité, et appelé à jouer le rôle de directeur de la publication par le Publico (5 mars), il importe de donner de la visibilité au « vide », à « ce qui ne se sait pas sur le Portugal », car c’est ce manque de connaissance qui conditionne les politiques. Or, écrit le philosophe, « nous vivons dans un pays inconnu. » Titrant « l’Etat de la nation et son revers », José Gil appelle le lecteur à réfléchir par le biais de sondages imaginaires à différents thèmes parmi lesquels celui de la pauvreté. Si 54 % des Portugais « ressentent une forte augmentation de la pauvreté durant les trois dernières années » contre 43 % en moyenne des citoyens de l’UE, le penseur demande : « combien de politiciens portugais sont préoccupés par ce phénomène ? – combien d’enfants ne mangent pas quatre fois par jour ? – combien de pauvres existent en plus des 1,8 millions officiellement recensés ? – combien de nouveaux critères devraient être ajoutés à l’actuelle définition officielle de la pauvreté ? » En fait, écrit-il, il n’y aura jamais de véritable inventaire des pauvres, et il y a une impossibilité qui provient de la subjectivité de la définition de la pauvreté. Mais une société de pauvres peut elle survivre ? Les données existantes et celles manquantes sur le phénomène démontrent qu’il est officiellement considéré comme une conséquence, entre autres, de la crise ou d’une mauvaise gestion économique. Or, l’absence de pauvreté doit être une condition première de l’existence et de l’organisation sociale et démocratique. Le philosophe conclut : Le défaut de données sur le sujet et l’ignorance quant à l’état de pauvreté d’un pays découle nécessairement de la structure non égalitaire de son système sociopolitique. Le défaut de données n’est-il pas nourri par la nécessité de les ignorer ? »