La régulation du comportement alimentaire par les peptides
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La régulation du comportement alimentaire par les peptides
Synthèse bibligraphique en biologie et biotechnologies La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes Master 2 Biologie Gestion, Universite de rennes 1, UFR Sciences de la Vie et de l’Environnement Mars 2013 Auteur : Marie Guinard Tuteur : Vincent Rioux - Département sciences de l'animal, AGROCAMPUS OUEST Tél : +33 (0)2 23 48 55 45, [email protected] Remerciements Je tiens à remercier, Vincent Rioux pour son aide au cours de la rédaction et pour ses conseils avisés concernant la correction de la première version de cette synthèse bibliographique. Note des responsables du diplôme : «Le tuteur chercheur a pour rôle de conseiller l'étudiant, l'orienter dans ses recherches bibliographiques, l'aider à comprendre les articles, en faire une synthèse de manière logique et rigoureuse. Il ne peut vérifier toutes les citations et interprétations de l'étudiant. Il ne peut donc s'engager vis à vis d'éventuelles erreurs ». M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 2 La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes M. Guinard Master 2 Biologie Gestion, Université de Rennes 1 Résumé Depuis quarante ans, la régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes est étudiée et analysée. Nous allons ici vous présenter cette régulation, au niveau périphérique par les peptides sécrétés par les cellules de la paroi du tractus digestif et les adipocytes, et au niveau central par le système nerveux central. Nous développerons les actions de certains peptides périphériques : la ghréline, le seul peptide orexigène connu à ce jour ; la leptine, la cholécystokinine et le peptide YY3-36, qui sont trois de principaux peptides anorexigènes. Pour finir, nous étudierons les différentes applications thérapeutiques possibles liées à l’obésité, qui à atteint un niveau épidémique ces dernières années. Nous aborderons les nouvelles pistes de traitement étudiées par les entreprises. Sommaire INTRODUCTION..................................................................................................................................... 4 I. REGULATION DE L’APPETIT ET DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE ..................... 4 A. B. Régulation périphérique ............................................................................................................................ 5 Régulation centrale .................................................................................................................................... 7 B.1. Les axes intestin/cerveau et tissu adipeux / cerveau ............................................................................... 7 B.2. L’hypothalamus ........................................................................................................................................ 8 B.3. Les noyaux du tractus solitaire (NTS) ..................................................................................................... 12 B.4. L’aire tegmentale ventrale (VTA)............................................................................................................ 12 II. LES PEPTIDES OREXIGENES ET ANOREXIGENES ........................................................... 13 A. Le principal peptide orexigène ..................................................................................................................13 A.1. La Ghréline.............................................................................................................................................. 13 B. Les peptides anorexigènes ........................................................................................................................17 B.1. La leptine ................................................................................................................................................ 17 B.2. La cholécystokinine (CCK) ....................................................................................................................... 19 B.3. Le peptide YY (3-36) (PYY3-36) .................................................................................................................. 20 III. APPLICATIONS THERAPEUTIQUES ................................................................................ 22 A. B. L’obésité ...................................................................................................................................................23 Régulations liées à la leptine.....................................................................................................................24 B.1. Hyperleptinémie ..................................................................................................................................... 24 B.2. La leptine face au stress ......................................................................................................................... 24 C. Différents médicaments............................................................................................................................24 C.1. Le telmisartan ......................................................................................................................................... 24 C.2. La metformine ........................................................................................................................................ 25 D. Nouvelles pistes de traitement .................................................................................................................25 IV. CONCLUSION .............................................................................................................................. 26 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES .............................................................................................. 28 M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 3 La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes Introduction Nous allons ici traiter de la régulation du comportement alimentaire (appétit, prise alimentaire, poids corporel, dépenses énergétiques) par les peptides orexigènes qui ont un effet favorisant la prise alimentaire, et les peptides anorexigènes qui ont l’effet opposé. Ces peptides sont présents dans notre corps au niveau périphérique (tractus digestif, tissu adipeux) et au niveau central (système nerveux central). Nous ne traiterons pas ici des hormones, car la liste des peptides impliqués est déjà plus que conséquente. De ce fait, nous avons fait le choix de nous attarder sur certains peptides que nous avons jugés principaux, plutôt que de traiter succintement une plus large liste de peptides. Cette synthèse a pour but de faire une mise à jour des données. Les connaissances principales nécessaires à la bonne compréhension du sujet seront rappelées. Trois grandes parties seront développées : I) La régulation générale de l’appétit et du comportement alimentaire, aux niveaux périphérique et central ; II) La présentation des principaux peptides orexigènes et anorexigènes, de leur rôle et de leurs actions ; III) une partie thérapeutique dans laquelle nous avons décidé de traiter seulement de l’obésité, car elle est beaucoup plus répandue que l’anorexie. La régulation de l’appétit est étudiée depuis plus de quarante ans, et c’est aujourd’hui un sujet plus que jamais d’actualité avec la progression incessante de l’obésité dans le monde (Del Prete, Iadevaia, and Loguercio 2012). I. Régulation de l’appétit et du comportement alimentaire L’appétit et la prise alimentaire sont régulés à deux niveaux principaux : au niveau périphérique et au niveau central. Au niveau périphérique, de nombreux peptides, orexigènes et M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 4 anorexigènes entrent en jeu (Tableau 1). Au niveau central, trois grandes structures principales permettent de réguler le comportement alimentaire : l’hypothalamus, les noyaux du tractus solitaire et l’aire tegmentale ventrale. Cette régulation est à la fois homéostasique, c’est-à-dire dans le but de maintenir les différentes constantes du milieu intérieur proches des valeurs normales et hédonique, c’est-à-dire liée au plaisir. Tableau 1 : Principaux signaux, centraux et périphériques, impliqués dans la régulation de la prise alimentaire et de l’expression de l’appétit Molécules orexigènes Neuropeptide Y (NPY) Agouti-related protéine (AgRP) Hormone concentratrice de la mélanine (MCH) Signaux centraux Galanine Noradrénaline Orexines A et B Opioïdes Endocannabinoïdes (Matias et al. 2008) β-endorphine Nesfatine-1 Ghréline Progestérone Signaux périphériques Molécules anorexigènes Hormone stimulante de l’alpha-mélanocyte (αMSH) Peptides reliés à la cocaine et aux amphétamines (CART) Urocortine Facteur libérateur de la corticotropine (CRF) Hormone libératrice de la thyrotropine (TRH) Neurotensine Sérotonine Leptine Insuline Glucagon-like peptide 1 (GLP-1) Peptide YY3-36 (PYY3-36) Oxyntomoduline Cholécystokinine (CCK) Entérostatine N-acyl phosphoéthanolamine (NAPE) Apeline (S.-Y. Lv et al. 2012) D’après (Luquet and Cruciani-Guglielmacci 2009 ; Chen, Dong, and Jiang 2012 ; Harrold et al. 2012) A. Régulation périphérique L’appétit et le comportement alimentaire sont régulés par des peptides, pour la plupart sécrétés par la paroi du tractus digestif. En effet, après le repas, le bol alimentaire arrive dans le système digestif et stimule des mécanorécepteurs de la paroi gastrique couplés à des protéines G en la M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 5 distendant (Sam et al. 2012). Cela provoque la sécrétion de nombreux peptides (Tableau 2) et hormones anorexigènes qui entraînent la satiété et diminuent le prise alimentaire. Au contraire, quand le tractus digestif est vide, la ghréline, hormone orexigène favorisant la prise alimentaire, est sécrétée. Ces peptides empruntent la voie du nerf vague pour arriver jusqu’au système nerveux central (SNC) (Luquet and Cruciani-Guglielmacci 2009). Certains autres peptides ne sont pas sécrétés par la paroi du tube digestif comme la leptine ou l’apeline mais par le tissu adipeux (Pénicaud, Meillon, and Brondel 2012 ; S.-Y. Lv et al. 2012). Tableau 2 : Les peptides gastro-intestinaux et adipeux qui influent sur la satieté et la prise alimentaire Peptide concerné Cholécystokinine Oxyntomoduline Glucagon-like peptide 1 (GLP-1) Peptide YY (3-36) Leptine Apeline Sérotonine Entérostatine Ghréline En gras : les peptides sécrétés par le tissu adipeux D’après (Strader and Woods 2005). Effet sur la prise alimentaire Diminue Diminue Diminue Diminue Diminue Diminue Diminue Diminue Augmente Les entérocytes endocrines (aussi appelés « cellules-L ») sécrètent souvent plusieurs peptides. Par exemple, la synthèse du peptide PYY3-36 est localisée dans les mêmes cellules du colon que le GLP-1 ou encore que la CCK. Au contraire, les cellules synthétisant de la sérotonine ne synthétisent quasiment jamais PYY3-36, GLP-1 ou CCK. Deux types d’entérocytes existent donc (Sam et al. 2012). On peut classer les différents signaux initiés par les peptides en deux catégories. Premièrement, les signaux toniques, qui donnent une idée des besoins énergétiques sur le long terme (notamment initiés par la leptine). Et deuxièmement les signaux épisodiques, dûs à une prise alimentaire récente, qui génèrent des données à court-terme sur la satiété (ghréline et l’ensemble des autres peptides anorexigènes excepté la leptine) (Harrold et al. 2012). Les peptides périphériques permettent de maintenir le poids corporel malgré les variations journalières des apports et des dépenses énergétiques (Harrold et al. 2012). M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 6 Une fois ces peptides arrivés au niveau central, d’autres peptides sécrétés par les centres régulateurs du système nerveux central prennent le relai. B. Régulation centrale La régulation centrale est à la fois homéostasique et hédonique. Actuellement, plus de cinquante molécules, sécrétées par l’hypothalamus et d’autres structures régulatrices du comportement alimentaire du SNC (Figure 1), sont connues. Ces molécules agissent sur l’alimentation et sur le poids corporel (Harrold et al. 2012). Hypothalamus Tronc cérébral Aire tegmentale ventrale Figure 1 : Localisation des trois grandes structures centrales régulatrices du comportement alimentaire B.1. Les axes intestin/cerveau et tissu adipeux / cerveau Les peptides périphériques libérés par les cellules intestinales agissent sur le SNC soit directement, soit par l’intermédiaire du nerf vague (Sam et al. 2012) : c’est ce qu’on appelle l’axe intestin / cerveau. Les peptides anorexigènes libérés par les cellules du tissu adipeux suivent le même chemin vers le SNC (Figure 2). M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 7 Figure 2 : Le fonctionnement de l'axe entre les organes de régulation périphériques et le SNC Les nutriments absorbés dans le système digestif activent des récepteurs couplés à des protéines G présents à la surface des cellules L. Ces récepteurs sont composés de sept domaines transmembranaires. Ils sont aussi appelés récpeteurs GPR119. Ils font parti de la famille des récepteurs couplés aux protéines G sensibles aux nutiments. Ils sont activés par de nombreux ligands. La protéine G liée au récepteur change alors de conformation et s’en détache. Cela entraîne alors une cascade de signaux aboutissant à la synthèse de peptides tels que la cholécystokinine, le peptide YY ou encore la ghréline. Les adipocytes sécrètent quant à eux la leptine et l’apeline. Tous ces peptides vont agir sur le SNC de deux manières possibles. La première est une action sur le tronc cérébral via le nerf vague. La seconde consiste à agir directement sur le tronc cérébral et l’hypothalamus. Inspiré de Sam et al. 2012. B.2. L’hypothalamus L’hypothalamus est au cœur de la régulation centrale du comportement alimentaire. Plusieurs des noyaux (trois principalement) composant l’hypothalamus jouent des rôles importants. Le noyau arqué (ARC) est une structure dite « de premier ordre » pour le traitement des signaux de satiété. Le noyau paraventriculaire (PVN) et le noyau ventromédial (VMN) en sont des structures secondaires (Harrold et al. 2012 ; Luquet and Cruciani-Guglielmacci 2009). M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 8 B.2.a) Le noyau arqué (ARC) Le noyau arqué de l’hypothalamus joue un rôle primordial. Il contient deux types de neurones différents : les premiers entraînant un effet orexigène, les seconds un effet anorexigène (Sam et al. 2012). Les neurones orexigènes sont les neurones à neuropeptide Y (NPY) et à « agouti related protein » (AgRP) (Sam et al. 2012). Les neurones à proopiomélanocortine (POMC) ont un effet anorexigène grâce à leur production de l’hormone alpha stimulante de la mélanocortine (α-MSH) et du régulateur à la transcription de cocaïne et d’amphétamines (CART). Ils activent directement les récepteurs à la mélanocortine MC3-R et MC4-R. Les neurones NPY/AgRP exercent un tonus inhibiteur sur les neurones POMC (Figure 3) (Luquet and Cruciani-Guglielmacci 2009). Figure 3 : Structure du noyau arqué (ARC) ARC : noyau arqué ; NPY : neuropeptide Y ; AgRP : « agouti related protein » ; POMC : proopiomélanocortine ; α-MSH : hormone alpha stimulante de la mélanocortine (B.2.a.1) Les neurones à AgRP et à NPY AgRP et NPY sont exprimés par les mêmes neurones de l’hypothalamus situés dans le noyau arqué (Aubert et al. 2010). Les neurones NPY/AgRP synthétisent aussi l’acide gamma-amino butyrique (GABA). Ils ont une action anorexigène en allant inhiber les neurones POMC/CART grâce à l’antagonisme de l’AgRP sur le récepteur à la mélanocortine de type 4 (MCR-4) présent sur les neurones à POMC (Pénicaud, Meillon, and Brondel 2012 ; Luquet and Cruciani-Guglielmacci 2009). La libération de GABA, qui est un M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 9 neurotransmetteur inhibiteur, joue aussi sur l’inhibition des neurones à POMC (Pénicaud, Meillon, and Brondel 2012). L’expression de ces neurones est augmentée lors du jeûne mais inhibée par la leptine (Aubert et al. 2010). Des expérimentations menées chez la souris ont montré que les sujets obèses avaient un plus fort taux d’AgRP circulant que les sujets ayant un poids corporel inférieur. Le taux de d’AgRP circulant va donc de pair avec le poids corporel (Aubert et al. 2010). (B.2.a.2) Les neurones à POMC (pro- opiomelanocortine) POMC est un précurseur de peptides à mélanocortine (Saneyasu et al. 2011). L’activation des neurones POMC est notamment effectuée par la leptine puisqu’un tiers d’entre eux expriment des récepteurs à la leptine (Harrold et al. 2012). Ils ont un effet anorexigène en produisant deux molécules différentes : CART et α-MSH. Premièrement, ils réduisent l’apport alimentaire en produisant du CART, qui active lui-même la famille des récepteurs à la mélanocortine (MC3-R et MC4-R) (Luquet and Cruciani-Guglielmacci 2009). L’activation de ces neurones POMC entraîne la production, dans un second temps, d’ α -MSH qui réduit la prise alimentaire en agissant principalement sur MCR-4 (Pénicaud, Meillon, and Brondel 2012). Le système à la mélanocortine est relativement complexe (Figure 4). Il se compose des différents noyaux de l’hypothalamus (PVN, VMN et ARC) ainsi que de l’hypothalamus latéral, reliés les uns aux autres. Ce système est anorexigène : de nombreuses études menées chez l’animal prouvent que si l’on élimine ne serait-ce qu’un composant de cette voie, l’animal développe une forte obésité (Luquet and Cruciani-Guglielmacci 2009). Les récepteurs MCR-3 et MCR-4 ont des rôles distincts mais complémentaires dans leurs actions anorexigènes. Les souris chez qui les récepteurs MCR-4 sont défaillants se sur-nourrisent et deviennent obèses. Quant aux souris chez lesquelles le récepteur MCR-3 est défaillant, elles développent une forte obésité, même si elles ne sont pas sur-nourrient, ce qui montre leur préférence pour une alimentation riche en graisse (Harrold et al. 2012). Si on inactive à la fois les récepteurs à la mélanocortine 3 et 4 chez des souris, celles-ci développent une très forte obésité, ce qui montre que ces deux récepteurs sont bien complémentaires (Harrold et al. 2012). M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 10 Figure 4 : Le système à mélanocortine dans l'hypothalamus VMN : noyau ventromédial ; PVN : noyau paraventriculaire ; LHA : zone latéral de l’hypothalamus ; MC3-R : récepteur 3 à la mélanocortine ; MC4-R : récepteur 4 à la mélanocortine ; ARC : noyau arqué ; NPY : neuropeptide Y ; AgRP : « agouti related protein » ; POMC : proopiomélanocortine ; α-MSH : hormone alpha stimulante de la mélanocortine. L’α-MSH et CART produits par les neurones POMC vont activer les récepteurs à la mélanocortine MCR-3 et MCR-4. Au contraire, l’AgRP est un antagoniste de MCR-4. Les neurones AgRP/NPY vont aussi inhiber directement les neurones POMC, les empêchant d’aller activer les récepteurs à la mélanocortine. En parallèle, les neurones POMC vont activer les noyaux vendromédial, paraventriculaire et latéral de l’hypothalamus alors que les neurones à NPY/AgRP vont les inhiber. D’après (Marston, Garfield, and Heisler 2011; Luquet and Cruciani-Guglielmacci 2009; Cone 1999) B.2.b) Le noyau paraventriculaire de l’hypothalamus (PVN) Le PVN a pour fonction d’intégrer de nombreux signaux et de communiquer avec le tronc M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 11 cérébral pour réguler le comportement alimentaire. Ces signaux viennent notamment de l’ARC (à la fois des neurones POMC et des neurones AgRP/NPY) (Harrold et al. 2012). B.2.c) Le noyau ventromédial (VMN) Le noyau ventromédial est sensible aux apports de glucose (Harrold et al. 2012) et la leptine agit directement sur le VMN (Meguid et al. 2000). Le VMN est strictement relié avec l’hypothalamus latéral. Cette relation permet d’agir à la fois sur les dépenses énergétiques mais aussi sur la prise alimentaire, et notamment sur la taille et la fréquence des repas (Meguid et al. 2000). B.3. Les noyaux du tractus solitaire (NTS) Les noyaux du tractus solitaire sont situés dans la partie bulbaire du tronc cérébral. Le NTS est le tout premier relais du système nerveux central des informations provenant du système digestif. La plupart de ces informations arrivent par le nerf vague. La stimulation des neurones du NTS provoque la satiation, c’est-à-dire l’arrêt de l’alimentation qui entraîne la fin de la prise alimentaire (Luquet and Cruciani-Guglielmacci 2009). B.4. L’aire tegmentale ventrale (VTA) C’est au niveau de l’aire tegmentale ventrale qu’est située la composante hédonique qui rentre en jeu dans la régulation du comportement alimentaire (Luquet and Cruciani-Guglielmacci 2009). La composante hédonique de la prise alimentaire correspond à tout ce qui se rapporte au cinq sens : l’odeur, l’apparence, le goût des aliments et bien d’autre encore. Si l’aliment nous plaît, cette composante est augmentée, et si au contraire il ne nous plaît pas, elle est diminuée. Des facteurs environnementaux tels que le stress entrent en jeu dans cette régulation (Luquet and CrucianiGuglielmacci 2009). Ce système, aussi appelé système de récompense, entraîne la libération de dopamine (DA). Il communique avec l’hypothalamus latéral pour réguler la prise alimentaire en levant l’inhibition présente sur les neurones orexigènes grâce à l’action de la dopamine (Luquet and CrucianiM. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 12 Guglielmacci 2009). La leptine (Pénicaud, Meillon, and Brondel 2012), tout comme la ghréline (King et al. 2011), agit directement sur le VTA pour moduler la libération de dopamine. Les neurones dopaminergiques du VTA sont aussi activés par les orexines A et B qui entraînent la libération de dopamine. Les récepteurs à la ghréline du VTA sensibilisent ces neurones à l’action des orexines pour accroître son effet orexigène (King et al. 2011). II. Les peptides orexigènes et anorexigènes A. Le principal peptide orexigène A.1. La Ghréline A.1.a) Présentation La ghréline est un peptide orexigène. C’est le seul peptide orexigène sécrété par les organes de régulation périphérique connu à ce jour (Luquet and Cruciani-Guglielmacci 2009). Elle est principalement sécrétée par l’estomac mais aussi par la première partie de l’intestin grêle. Sa cible est le récepteur du sécrétagogue à l’hormone de croissance (GHS-R) (Harrold et al. 2012). La ghréline agit à la fois sur les systèmes de régulation hédonique et homéostatique pour augmenter la prise alimentaire (Harrold et al. 2012). Des expérimentations menées chez l’humain ou le rongeur montrent que la ghréline augmente la faim et la prise alimentaire. Sa sécrétion débute donc préprandium et se stoppe juste après le repas entraînant la disparition du signal de faim (English et al. 2002). La ghréline est issue du clivage de la proghréline. La ghréline correspond à la partie N-terminale de la proghréline composée de 28 acides aminés (Aa). La partie C-terminale restante correspond à l’obestatine (Yang et al. 2008). La ghréline possède une sérine octanoylée en position 3 (Huda, Wilding, and Pinkney 2006). Cette octanoylation est effectuée par la ghréline O-acyl transférase (GOAT) et est essentielle pour que la ghréline ait un effet orexigène (Luquet and Cruciani-Guglielmacci 2009). M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 13 A.1.b) L’acyl-ghréline La ghréline est le seul peptide découvert à ce jour chez les animaux nécessitant d’ête octanoylée par O-acylation pour avoir une activité endocrine. C’est la sérine 3 de la ghréline qui est octanoylée par GOAT avec un octanoate, c’est-à-dire un acide gras comprenant huit carbones (Yang et al. 2008). C’est ainsi qu’est produite l’acyl-ghréline. Sans cette octanoylation, la ghréline n’est pas reconnue par ses récepteurs et est donc inactive (Schellekens et al. 2012). GOAT appartient à la famille des acyltransférases qui lient un acide gras à des lipides ou des protéines. GOAT est unique dans cette famille car il est le seul qui est capable de transférer une chaîne moyenne d’acide gras composée de huit résidus de carbone (Falkén et al. 2010). A.1.c) Mode d’action de le ghréline chez les mammifères La ghréline agit à différents niveaux sur le système nerveux central (Figure 5) : 1) Sur l’hypothalamus et notamment sur le noyau arqué en activant les neurones NPY/AgRP (King et al. 2011). 2) Sur le tronc cérébral via le nerf vague (Huda, Wilding, and Pinkney 2006). 3) Sur le VTA pour augmenter la libération de dopamine qui a un effet orexigène (King et al. 2011). Le principal lieu d’action de la ghréline reste le noyau arqué de l’hypothalamus où elle active les neurones NPY/AgRP grâce à leurs récepteurs GHS-R1 (Schellekens et al. 2012), qui ont une action orexigène. Elle agit aussi en inhibant les neurones POMC et leur action anorexigène (King et al. 2011). Des études menées sur les rats ont montré que la ghréline agissait aussi sur le système de récompense du VTA. Son action augmente la prise alimentaire et favorise la consommation d’aliments fortement palatables (riches en graisses et en sucres) (King et al. 2011). M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 14 Figure 5 : Schéma récapitulatif de la synthèse de la ghréline et de son mode d'action sur le système nerveux central La ghréline est sécrétée par l’estomac. Ensuite, elle est octanoylée par la ghréline O-acyl transférase (GOAT), qui lui donne son effet orexigène. L’acyl ghréline agit alors via le nerf vague sur les noyaux du tractus solitaire (NTS). Elle agit directement, en passant par la circulation sanguine sur le noyau arqué (ARC) de l’hypothalamus en jouant sur la régulation homéostasique de l’alimentation et sur l’aire ventrale tegmentale (VTA) en jouant sur la régulation hédonique. D’après (Schellekens et al. 2012) A.1.d) Les actions de la ghréline (A.1.d.1) Actions orexigènes La ghréline stimule la prise alimentaire, que ce soit chez les humains ou les rongeurs. La concentration plasmatique de ghréline augmente donc lors du jeûn pour inciter à s’alimenter tandis qu’elle diminue post-prandium (Jonaidi et al. 2012). M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 15 Les actions orexigènes de la ghréline sont multiples : - Une étude menée sur les humains a démontré que la ghréline augmentait la motilité de l’estomac, et seulement de l’estomac, sans affecter celle de l’intestin ou du colon (Falkén et al. 2010). - Des études menées sur les rats démontrent que la ghréline augmente fortement le taux de dopamine sécrétée par le VTA, ce qui augmente leur prise alimentaire et oriente leurs préférences vers des mets fortement palatables (Schellekens et al. 2012). - Leur action sur les neurones NPY/AgRP de l’ARC dans l’hypothalamus augmente fortement la prise alimentaire (King et al. 2011). La synthèse de ghréline répond à la prise de nourriture, mais elle est aussi corrélée avec le poids corporel. En effet, selon une étude menée sur les humains, les personnes obèses ont un taux de ghréline circulant plus faible que la normale et qui ne varie pas en fonction de la prise alimentaire. Chez les personnes obèses, la taux de ghréline plasmatique ne diminue pas à satiété, ce qui peut entraîner une obésité accentuée (Harrold et al. 2012). (A.1.d.2) Les effets de l’âge En général, le vieillissement est associé avec une baisse de l’appétit et de l’alimentation, ce qui à terme peut entraîner des problèmes de mortalité. Plusieurs facteurs sont impliqués dans ce phénomène, comme par exemple la diminution de la perception sensorielle qui réduit l’attraction par la nourriture. Aussi, selon des études menées sur les souris, on note un taux d’acyl-ghréline plus élevé chez les sujets âgés que chez les plus jeunes, ce qui devrait normalement accroître la prise alimentaire. Dans cette même étude, on note qu’une souris âgée stimulée par de l’acyl-ghréline ne réagit pas alors que chez les sujets plus jeunes, cela entraîne la prise alimentaire. En conclusion, on peut voir que la baisse d’appétit chez les sujets âgés ne vient pas d’une sous-production de ghréline, puisqu’elle augmente, mais d’une baisse de sensibilité des récepteurs à le ghréline (Akimoto et al. 2012). M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 16 (A.1.d.3) Le cas particulier des galliformes Chez les poules, l’effet stimulateur de la ghréline sur la prise alimentaire n’est pas retrouvé, et au contraire, la ghréline possède un effet inhibiteur (Jonaidi et al. 2012). La ghréline chez les poules est constituée de 26 Aa et possède seulement 54% de similitude avec la ghréline humaine (Xu, Siegel, and Denbow 2011). Chez les mammifères, l’effet orexigène de la ghréline est principalement médié par le neuropeptide Y. Chez les poules, la ghréline n’intéragit pas avec le NPY mais avec le facteur libérateur de la corticotropine (CRF), qui induit un effet anorexigène par un méchanisme qui n’est pas encore bien défini à ce jour (Saito et al. 2005 ; Jonaidi et al. 2012). De nouvelles études ont montré que l’effet anorexigène de la ghréline chez les poules pourrait être aussi dû à son action sur GABA qui a lui-même une action stimulant la prise alimentaire. En effet, la ghréline diminue l’expression des ARNm des gènes codant pour la synthèse de GABA chez les poussins nouveaux nés, ce qui limite l’effet orexigène de GABA et diminue la prise alimentaire (Jonaidi et al. 2012). B. Les peptides anorexigènes B.1. La leptine B.1.a) Présentation La leptine est l’un des grands régulateurs du comportement alimentaire. Elle a un effet anorexigène. La leptine est synthétisée par les adipocytes dans le but de maintenir le corps à un poids constant (Harrold et al. 2012 ; Kanoski et al. 2011). Elle est sécrétée en strictes proportions avec la masse graisseuse corporelle : quand on maigrit, la synthèse de leptine diminue, alors que quand on grossit la synthèse de leptine augmente (Pénicaud, Meillon, and Brondel 2012). En résumé, la leptine fournit à l’hypthalamus les informations concernant les réserves graisseuses mais aussi les apports énergétiques. C’est ainsi que sa sécrétion augmente après le repas (Tomiyama et al. 2012). La leptine agit sur les neurones de l’ARC dans l’hypothalamus mais aussi sur les neurones M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 17 dopaminergiques du VTA (Billes, Simonds, and Cowley 2012). B.1.b) Ses différentes cibles et ses actions dans le système nerveux central La leptine agit sur les neurones de l’ARC de l’hypothalamus pour diminuer la prise alimentaire et sur les récepteurs à la dopamine pour inhiber le système de récompense. Elle aide aussi à répondre aus signaux indicant la satiété en inhibant l’activité des neurones à sérotonine dans le tronc cérébral (Figure 6) (Pénicaud, Meillon, and Brondel 2012). Figure 6 : Synthèse et mode d'action de la leptine VTA : aire tegmentale ventrale ; ARC : noyau arqué ; TC : tronc cérébral ; NPY : neuropeptide Y ; POMC : proomiomélanocortine ; DA : dopamine La leptine est synthétisée par les adipocytes. Elle va ensuite agir au niveau du système nerveux central sur trois cibles. Elle diminue la libération de dopamine (orexigène) dans le VTA. Elle augmente l’activité des neurones POMC (anorexigènes) et diminue l’activité des neurones NPY (orexigènes) dans l’ARC de l’hypothalamus. Elle diminue la sérotonine (orexigène) dans le tronc cérébral. Toutes ces actions entraînent une diminution de l’appétit et de la prise alimentaire. D’après Pénicaud, Meillon, and Brondel 2012. M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 18 (B.1.b.1) Les neurones à mélanocortine de l’ARC Les deux types de populations neurales du noyau arqué, POMC et NPY/AgRP, sont sensibles à l’action de la leptine (Van De Wall et al. 2008). La leptine augmente l’activité des neurones POMC, qui est anorexigène et inhibe l’activité des neurones NPY/AgRP, qui est orexigène (Pénicaud, Meillon, and Brondel 2012). Des études menées chez des souris obèses qui avaient des récepteurs à la leptine déficients sur POMC ont montré que même en induisant de nouveaux récepteurs à la leptine efficients, la perte de poids est minime. un autre axe de régulation lié à la leptine est impliqué, et c’est le système à la dopamine (Billes, Simonds, and Cowley 2012). (B.1.b.2) Les récepteurs R2 à la dopamine La leptine joue sur l’activité dopaminergique du VTA. Elle agit sur la comportement alimentaire en le modifiant : les aliments consommés sont moins palatables (Pénicaud, Meillon, and Brondel 2012). Des études menées sur les rongeurs ont confirmé cette activité sur le système hédonique (Billes, Simonds, and Cowley 2012). B.2. La cholécystokinine (CCK) B.2.a) Présentation La cholécystokinine (CCK) est sécrétée par les entérocytes du duodénum et du jéjénum suite à l’arrivée d’aliments dans l’intestin grêle (Huda, Wilding, and Pinkney 2006). Il est aussi sécrété par les mêmes cellules que celles qui sécrètent PYY3-36, les cellules L (Sam et al. 2012 ; Harrold et al. 2012). La CCK diminue la prise alimentaire : c’est un peptide anorexigène (Luquet and Cruciani-Guglielmacci 2009). Le CCK va de l’intestin au SNC, et plus particulièrement au NTS, par le nerf vague (Luquet and Cruciani-Guglielmacci 2009). M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 19 De nombreuses recherches ont établi que ce peptide était celui de la satiété et de la fin de repas (Harrold et al. 2012). B.2.b) Mode d’action La CCK va jusqu’au NTS par l’intermédiaire du nerf vague puis affecte l’hypothalamus pour produire son effet anorexigène. Les neurones du NTS possèdent les isoformes A du récepteur à la CCK (Luquet and Cruciani-Guglielmacci 2009). Il agit aussi mécaniquement au niveau local en augmentant les signaux de distention de l’estomac et de l’intestion grêle perçus par l’hypothalamus (Huda, Wilding, and Pinkney 2006). Les récepteurs à la CCK qui régulent le comportement alimentaire sont les récepteurs CCK-1. On les retrouve massivement dans le NTS mais on en retrouve aussi dans l’hypothalamus, ce qui indique que la CCK doit certainement aussi agir directement sur ce dernier, sans passer par le tronc cérébral (Harrold et al. 2012). La stimulation des récepteurs CCK1 entraîne la libération de PYY, qui est aussi un peptide anorexigène, et empêche la libération de ghréline (Sam et al. 2012). La sécrétion de CCK aide aussi à la vidange intestinale et à la sécrétion d’enzymes pancréatiques et de bile dans le duodénum ce qui facilite la digestion (Sam et al. 2012). B.3. Le peptide YY (3-36) (PYY3-36) B.3.a) Présentation Le peptide YY existe sous deux formes : PYY1-36 et PYY3-36. La forme jouant sur la régulation alimentaire est PYY3-36 (Sam et al. 2012 ; Huda, Wilding, and Pinkney 2006). Le PYY3-36 est sécrété après la prise alimentaire par les cellules sécrétrices de l’iléon et du colon (Ueno et al. 2008). Son taux plasmatique commence à augmenter dès 15 minutes après avoir commencé à manger et reste élevé pendant plusieurs heures après le repas. Sa libération est proportionnelle à l’apport énergétique du repas (Sam et al. 2012). Il réduit la prise alimentaire et le poids corporel à la fois chez les humains et les animaux, en procurant une impression de satiété sur le long terme (Luquet and Cruciani-Guglielmacci 2009 ; Ueno et al. 2008). M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 20 PYY fait partie de la famille des protéines « PP fold ». Ce sont des peptides de 36 Aa qui possèdent tous une structure tertiaire en « PP fold ». Leur extrémité C-terminale doit être amylée pour que ces protéines aient une activité biologique. Le peptide YY a une homologie d’environ 70% avec le NPY, membre de sa famille, qui est aussi un peptide anorexigène, mais qui agit au niveau central (Sam et al. 2012 ; Huda, Wilding, and Pinkney 2006). Il existe cinq récepteurs à PYY. Le NPY3-36 a une forte affinité pour le récepteur Y2, que l’on retrouve principalement sur l’ARC (Ueno et al. 2008). B.3.b) Modes d’action Le PYY3-36 a une action anorexigène grâce à plusieurs voies (Figure 7): 1) Le PYY3-36 active les récpeteurs Y2 des neurones NPY dans ARC (Ueno et al. 2008). Cela leur permet d’inhiber les neurones NPY qui relâchent alors leur inhibition sur POMC (Luquet and Cruciani-Guglielmacci 2009). C’est la voie principale (Sam et al. 2012). Il va aussi au NTS via le nerf vague, et agit ensuite sur l’ARC (Sam et al. 2012). 2) PYY3-36 agit localement pour réguler la vidange gastrique et la motilité intestinale (Sam et al. 2012). 3) Quand la concentration de PYY3-36 est très forte, il ne contrôle plus le comportement alimentaire par le système homéostasique mais par le système hédonique, via le système de récompense (Harrold et al. 2012). Grâce à toutes ces actions, le PYY3-36 diminue la prise alimentaire. Des études menées sur des souris transgéniques où PYY est surexprimé ont montré qu’il avait un effet diminuant l’appétit sur le long terme (Shi et al. 2012). M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 21 Figure 7 : les actions du PYY3-36 participant à la régulation du comportement alimentaire ARC : noyau arqué ; NPY : neuropeptide Y ; POMC : proopiomélanocortine ; VTA : aire tegmentale ventrale ; PYY3-36 : peptide YY (3-36). La production de PYY3-36 par les cellules sécrétrices de l’iléon et du colon débute suite à la prise alimentaire. Sa voie d’action principale est celle qui agit sur les neurones NPY en les inhibant. Cette action permet un relachement de l’inhibtion des neurones NPY sur les neurones POMC. Il agit localement sur l’estomac et l’intestin en ralentissant la vidange gastrique et la motilité intestinale (action anorexigène). S’il est sécrété en forte quantité, il agit sur le système de récompense (VTA) et diminue la sythèse de dopamine. III. Applications thérapeutiques L’histoire des médicaments anti-obésité a été ponctuée, depuis toujours, de problèmes impliquant des produits dont les effets secondaires négatifs dépassaient leur effet anti-obésité. Dernièrement, il a été question du Rimonabant, qui est un inhibiteur des récepteurs aux cannabinoïdes 1. Celui-ci a des effets secondaires néfastes sur le comportement psychique des patients (Sam et al. 2012). Il est donc question de trouver des traitements contre l’obésité efficaces et sans danger pour les patients. M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 22 A. L’obésité Actuellement, l’obésité à atteint un stade « d’obésité épidémique » à travers le monde. L’obésité se définit par un indice de masse corporel (IMC) supérieur à 30. Elle est le résultat d’un déséquilibre entre les apports énergétiques (par la nourriture) et les dépenses énergétiques (activité physique) (Aubert et al. 2011 ; Noma et al. 2011). Les conséquences de l’obésité sur la santé des personnes touchées sont nombreuses : diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, hypertension… mais aussi parfois des problèmes dans leurs vies sociales (Huda, Wilding, and Pinkney 2006). Le rôle des peptides régulateurs de l’alimentation n’est pas à négliger dans l’obésité. Plusieurs d’entre eux peuvent être mis en jeu selon les cas: - Selon de récentes études, le peptide YY3-36 n’est pas libéré en quantités suffisantes après le repas, ce qui altère la sensation de satiété et appuie l’obésité. Ce phénomène ne semble pas jouer sur le développement initial de l’obésité (Del Prete, Iadevaia, and Loguercio 2012). - Certains patients ont un taux de ghréline qui ne fléchit pas suite au repas, ce qui entraîne une envie constante de s’alimenter (English et al. 2002). - Les niveaux plasmatiques de leptine et d’apeline sont souvent beaucoup plus élevés et corrélés à l’IMC chez les patients obèses (Heinonen et al. 2005). Les peptides ne sont pas les seuls à agir sur l’obésité. En effet, de nombreux autres facteurs sont aussi impliqués tels que le stress ou l’anxiété, qui peuvent déréguler l’alimentation. Cela s’explique par leur rôle sur la ghréline, peptide orexigène, dont ils augmentent la libération (Schellekens et al. 2012). Perdre du poids est très compliqué. C’est souvent mission impossible uniquement par soi-même en changeant seulement son mode de vie. Les médicaments actuels, lourds et difficiles à supporter pour les patients, n’entraînent qu’une perte de poids minime et insuffisante (Huda, Wilding, and Pinkney 2006). M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 23 B. Régulations liées à la leptine B.1. Hyperleptinémie Obésité et hyperleptinémine sont sonvent corrélés. Cela signifie que la plupart des personnes obèses sont insensibles à ses effets anorexigènes par un méchanisme qui n’est à ce jour pas encore élucidé (Pénicaud, Meillon, and Brondel 2012). Les niveaux plasmatiques de leptine mais aussi d’apeline (les deux peptides adipocytaires) sont souvent beaucoup plus élevés et corrélés à l’IMC des patients obèses (Heinonen et al. 2005). B.2. La leptine face au stress Sous l’action du stress, les humains mais aussi les animaux ont tendance à surconsommer des aliments riches en graisses et en sucres (nourriture de confort). Le stress accru faisant partie de notre société actuelle, il peut avoir un rôle agravant l’obésité épidémique (Tomiyama et al. 2012). Selon une étude menée sur quarante femmes, le stress entraîne une augmentation du taux de leptine circulant. Ce phénomène prédit une diminution de la consommation de nourriture de confort, via l’action de la leptine sur le VTA. La leptine peut donc agir en tant que modulateur de l’alimentation sous l’action du stress (Tomiyama et al. 2012). Les personnes souffrant d’obésité semblent insensibles aux actions de la leptine au niveau du SNC (Pénicaud, Meillon, and Brondel 2012 ; Tomiyama et al. 2012). C. Différents médicaments C.1. Le Telmisartan Le Telmisartan est un antogoniste aux recepteurs de type AT1 à l’angiotensine de type II. Il est M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 24 actuellement prescrit comme traitement à l’hypertension (Noma et al. 2011). En effet, l’angiotensine de type II diminue la prise alimentaire quand elle se fixe aux récepteurs AT1 (et aussi AT2) à l’angiotensine (Ohinata et al. 2008). Le Telmisartan a une forte affinité pour les récepteurs AT1 et déplace l’angiotensine de type II sur ces récepteurs, entraînant une diminution de la prise alimentaire (Noma et al. 2011). Selon des études menées sur des rongeurs où il est administré oralement, il prévient la prise de poids en diminuant la prise alimentaire (Noma et al. 2011) et l’expression d’AgRP (Aubert et al. 2010). Son action sur les neurones NPY/POMC reste mineure et il n’agit pas sur les dépenses énergétiques (Noma et al. 2011). Le Telmisartan est une bonne solution pour les patients obèses diabétiques souffrant d’hypertension (Noma et al. 2011). C.2. La metformine La metformine est un traitement antihyperglycémique prescrit à des patients souffrant de diabète de type I non insulino dépendant (Lee and Morley 1998). Plusieurs études menées sur des sujets obèses diabétiques de type I ont montré sa capacité à réduire l’appétit et la prise alimentaire de ces sujets (Lee and Morley 1998). Cet effet anorexigène à été prouvé à le fois sur les rongeurs, les humains et les oiseaux (W. Lv et al. 2012). Elle agit sur les neurones NPY/AgRP en les inhibant, ce qui entraîne un effet anorexigène. Elle n’a pas d’action sur les neurones anorexigènes POMC (W. Lv et al. 2012; Aubert et al. 2011). Une étude menée sur les rats laisse penser que la metformine joue aussi sur la résistance centrale à la leptine en sensibilisant le SNC, et notamment les neurones hypothalamiques, à son action (Aubert et al. 2011). D. Nouvelles pistes de traitement L’effet de l’administration de nombreux peptides régulateurs sur la faim et la prise alimentaires est de plus en plus étudié. M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 25 Premièrement, les effets de l’administration intraventriculaire d’apeline ont été étudiés sur des souris. On a noté que l’apeline bloque la prise alimentaire, mais aussi la prise d’eau. C’est une piste intéressante pour l’élaboration d’un traitement anti-obésité à base d’apeline (S.-Y. Lv et al. 2012). Des études ont aussi été menées en testant des antagonistes à la ghréline sur des rongeurs. Ils se sont montrés efficaces non seulement pour réduire le poids corporel (King et al. 2011) mais aussi pour agir sur le système de récompense et modifier le type de nourriture absorbée vers des aliments moins palatables (Schellekens et al. 2012). C’est une très bonne cible de traitement pour l’obésité (King et al. 2011). En 2011, Boustani-Kari et al. ont testé les effets d’un traitement à la leptine associé au rimonabant sur des rats obèses. Le rimonabant, un antagoniste des récepteurs aux cannabinoïdes de type I, a été approuvé en Europe mais a été retiré du marché récemment car des effets secondaires tels que l’anxiété et la dépression ont été observés chez les patients (Boustany-Kari et al. 2011). Ces rats ont reçu chaque jour pendant deux semaines 0.5 mg/kg de leptin et 3 mg/kg de rimonabant. Après cette période, l’administration de rimonabant est stoppée alors que la leptine est encore administrée pendant une semaine. On observe alors une réelle diminution du poids corporel, bien supérieure à celle observée sur des sujets seulement traités avec l’un de ces produits (Boustany-Kari et al. 2011). Depuis peu, les sécrétagogues des peptides et hormones intestinaux ont le vent en poupe. En effet, actuellement au moins neuf entreprises différentes travaillent à développer des traitements anti-obésité à partir de ces sécrétagogues. Les plus connus sont la classe des agonistes de GPR119, un récepteur couplé à une protéine G exprimé dans le tractus intestinal, qui une fois activé diminue la prise alimentaire. Son efficacité est avérée et redoutable (Sam et al. 2012). IV. Conclusion La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes est aujourd’hui globalement bien connue. Cette régulation joue sur de nombreuses cibles grâce à d’encore plus nombreux peptides. Ce sont autant de cibles qui doivent être étudiées comme de M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 26 potentielles pistes thérapeutiques efficaces dans le traitement de l’obésité épidémique qui chaque année touche un peu peu plus de personnes à travers le monde. Actuellement, les pistes les plus prometteuses concernent les sécrétagogues des peptides et hormones intestinaux, mais des traitements innovants, comme celui qui combine la leptine et le rimonabant sont aussi étudiés. Malgré la quantité de travail restant, cela laisse de bons espoirs quant à l’avenir des traitements antiobésité. M. Guinard – SBBB – La régulation du comportement alimentaire par les peptides orexigènes et anorexigènes 27 Réfqérences bibliographiques Akimoto, Y., S. Kanai, M. Ohta, S. Akimoto, H. Uematsu, and K. Miyasaka. 2012. “Ageassociated Reduction of Stimulatory Effect of Ghrelin on Food Intake in Mice.” Archives of Gerontology and Geriatrics 55 (2): 238–243. Aubert, G., M. Burnier, A. Dulloo, C. 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