Témoignage d`Irène, ancienne anorexique « Ce rêve étrange

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Témoignage d`Irène, ancienne anorexique « Ce rêve étrange
Témoignage d’Irène, ancienne
anorexique « Ce rêve étrange…
»
Je me souviens de notre premier échange
téléphonique Irène, lorsque tu t’es
présentée à moi : « Bonjour, je suis
thérapeute, ex-anorexique et j’ai
regardé ce que tu fais. Ce côté « je me
mets en avant » je n’aime pas trop mais
j’ai regardé au-delà et ta démarche est
sincère et authentique il me semble… ». Depuis, Irène fait
partie du bureau de SabrinaTCA92 et bien plus encore. Je suis
fière de te connaître ma « bombasse » de Combattante !
(Désolée pour le private joke, c’est un prêté pour un rendu et
on se comprend). Merci pour ce très beau témoignage, la
première partie puisqu’une suite arrive je crois… Je laisse
place à tes mots et je mettrai une petite conclusion après car
je tiens à rester ok avec le Professeur et les éditions Plon
encore quelques temps… (Sabrina)
« Je me suis enfin mise à écrire, remise à écrire plutôt. Je
ne sais pas comment mon témoignage peut être utile. Mais après
ces années de réparation à sourire plus ou moins jaune quand
j’entendais « c’est facile pour toi, avec ton physique,
blabla » j’ai sans doute besoin de dire.
Oui, c’est facile. Maintenant. Parce que je mesure la chance
que j’ai d’être vivante et sans trop de dommages après ce que
j’ai traversé.
Je ne suis pas revenue indemne de ma descente/remontée dans le
gouffre des tca. Peut-être plus forte, peut-être plus
consciente. Mais pas indemne.
Le chemin fût long entre le régime démarré au printemps 95
parce que je me trouvais grosse à 59 kilos pour mon mètre 75,
que je voulais descendre à 55 et que j’ai dérapé … le passage
à 35 kilos à Sainte-Anne en 99, chez Delarue en 2003 … et le
présent où je toise parfois ma balance sans monter dessus,
parce que « bordel, on s’en fout, j’suis pas un steak » (mais
j’y remonte quand même de temps en temps, peut-être pour
conjurer le sort, ces cauchemars qui m’ont longtemps suivi de
monter sur une balance qui affiche un poids morbide).
Je me souviens de la curieuse impression d’insatisfaction et
d’incrédulité quand je suis descendue à 50 kilos quelques
semaines après le début du régime : je n’étais pas telle que
j’aurais voulu être malgré mes efforts … et pourtant, à peine
quelques années avant, j’avais poussé la porte d’un
nutritionniste pour atteindre ces fameux 50 kilos. Vous
prendrez du poids quand votre croissance sera finie avait-il
dit, à raison.
L’enjeu était donc sûrement ailleurs, jamais contente, jamais
assez bien, trop ou trop peu … mais je pensais le problème si
insoluble à ce moment-là, cette estime de soi si inaccessible
que la boulimie m’aiderait à éviter la question et à faire
plonger au plus bas cette estime aussi …
L’arrivée des crises m’a d’abord aidée à reprendre du poids, à
avoir l’air « normale » et me sentir de moins en moins l’être.
La fac me tenait, même si je n’étais pas à l’aise avec mon
manque d’ascèse. J’ai fait semblant une bonne année comme ça.
Et puis, j’ai lâché, je me souviens d’un cours de droit
international public que je n’arrivais pas à suivre, paniquée
de ne plus comprendre, obnubilée par le désir de beignets pour
fuir cette angoisse. Je suis partie en chercher … et je n’ai
pas tardé à lâcher les cours …
…
Je ne sais pas comment je m’en suis sortie.
Je me souviens de plusieurs marches mais pas vraiment d’un
déclic : les livres, de Catherine Hervais, de Dominique
Buffet, puis tous les autres… Ces mots qui me reliaient au
monde…
Et puis, un matin, fin 98, ce rêve étrange, j’étais dans
l’eau, poisson parmi les poissons, bien, en apesanteur … Et
puis ce choix : rester dans ce bien-être, cette torpeur,
nager, sans réfléchir, sans problème … Ou être humaine et
vivre.
Je me suis réveillée en sursaut : ça a l’air bien, simple, si
simple, trop simple … mais je veux vivre !
Je ne sais pas si j’aurai d’autres vies, alors autant vivre
celle-là…
La maladie était pourtant déjà bien présente : impossible de
manger, mes velléités de le faire se transformaient en crise …
je vomissais tout ce que j’ingurgitais. C’est quand je n’ai
pas réussi à garder des poireaux nature dans mon estomac abimé
que j’ai pris peur. J’allais mourir si je continuais.
L’aiguille de la balance n’atteignait plus le 40.
Alors j’ai préparé un sac, mis quelques affaires, pris le bus
et je suis allée aux urgences de l’hôpital.
« Bonjour, je pèse moins de 40 kilos, je vais mourir et je ne
veux pas. J’ai peur » … L’interne a noté grosse asthénie et
anorexie …
Et je me suis retrouvée dans un service de gastro.
Prise en charge, j’ai pu avoir une consultation rapide à
Sainte-Anne où j’ai retrouvé la toubib qui m’avait dit
quelques mois avant « 43 kilos, pas d’urgence » (bah oui, à
son 1m60 c’est sûr … J’avais pourtant pris soin de mentir en
me rapetissant pour qu’on ne me demande pas de peser trop
lourd – mais même au mètre 72 annoncé, ça le faisait pas les
43 kilos …).
Bref, nous étions
pesais 37 kilos et
spécialisé dans les
difficile jusqu’au
mais je sentais que
en décembre 98, j’étais anorexique, je
j’étais sur la liste d’attente du service
Tca de Sainte-Anne … L’attente allait être
27 janvier 99. Je ne voulais pas mourir
ma vie ne tenait plus à grand-chose …
Mon cœur palpitait au moindre effort et je ne pouvais
m’empêcher de remuer. Mon coccyx dépassait, je faisais le tour
de mon bras entre le pouce et l’index alors je me planquais
sous 3 pulls, mettait un jogging sous mon jean 36 pour le
remplir. Mais j’avais toujours un peu de chair, même si les
veines de mes cuisses et de mon ventre apparaissaient (elles
resteront d’ailleurs longtemps présentes après) j’avais
toujours de la chair.
Je pesais 37 kilos de trop mais je ne voulais pas mourir …
L’attente d’une place fut difficile. J’avais refusé l’offre du
psychiatre de l’hôpital d’aller en clinique en attendant. Je
n’avais pas l’argent pour les frais et je ne comptais que sur
moi pour m’en sortir.
J’ai donc passé le mois qui a suivi comme un zombie, je me
souviens du réveillon 98/99 où je crevais de chaud planquée
sous 3 couches de vêtements qui ne suffisaient plus à donner
le change.
Ces allers-retours buffet-toilettes qui m’épargnaient les
regards de dégoût/rejet des autres convives…
Et puis, cette fille que je ne connaissais pas, qui
m’attendait derrière la porte des wc et a osé me parler. Me
dire qu’elle ne pouvait pas laisser faire ça, qu’elle ne
voulait pas participer à l’hypocrisie ambiante. Je me suis
effondrée, mais j’étais comprise et vivante. L’amie qui
m’avait amenée-là était soulagée aussi, le regard posé sur moi
par ses « amis » l’avait pétrifié. Le soutien d’une inconnue
arrivait à point …. »
Irène
Difficile de conclure après ce récit finalement. Je sais que
les réactions ne tarderont pas comme en témoignent les
premiers commentaires qui t’ont été faits sur les réseaux. A
nouveau, simplement : merci. Pour ce que tu es, et ce que tu
apportes à l’association. J’ai cru que toi et moi ça ferait
des étincelles… en réalité ça fait une belle flamme parce que
tu es belle (on oublie le physique on parle de ton âme là !!).
Bon et sinon pour la photo j’ai
vraiment hésité entre les 2 pour savoir
laquelle je mettrai la plus en avant,
je trouvais ça sympa pour « Réveillez
vos désirs » mais j’ai été égoïste sur
ce coup, je tiens à avoir une com’
« impactante » pour L’âme en éveil,
merci de ton aide, c’est ça aussi la
solidarité (féminine)
Sabrina
Irène au sujet de SabrinaTCA93 : « Incontournable sur les
réseaux sociaux quand il y a nécessité d’informer les
personnes touchées et les familles sur ce que sont les
troubles alimentaires (autant en prévention qu’en
accompagnement ensuite), l’association a une action nécessaire
et réelle. Plus encore, l’authenticité, la justesse, le
dynamisme, la volonté de partage et l’enthousiasme de Sabrina
sont des valeurs extrêmement porteuses pour agir
face
l’ampleur que prend cette maladie autant individuellement que
collectivement ».
(Sérieusement, tu crois qu’ils ont besoin de chargées de
com’ ?? Allez sage… On a aussi le droit de garder le sourire,
même en ayant connu les TCA
)
Pérégrinations
Combattante : un
l’adversité
d’une
mot sur
Synchronicités
toujours,
aujourd’hui on me (re)parlait de
cette vidéo de l’émission avec
Jean-Luc Hudry où nous avons
abordé le sujet de l’adversité
(et mis à mal Miss Cata !). Je souhaitais justement revenir
sur ce thème car il est d’actualité pour moi. Je l’ai dit,
Jean-Luc est un peu mon double au masculin mais aujourd’hui –
après quelques leçons de vie – je comprends encore mieux ses
acquis (lire Craquer ou pas ?) et plutôt que de « casser la
mâchoire » à madame Adversité, je vais lui dire merci…
Nouvel article cette semaine, à ce rythme et avec cette
« ébullition intellectuelle » je commence à me dire que
j’aurais mieux fait d’écrire le tome 2 de L’âme en éveil… Il
faudra se contenter de ces billets pour l’instant et celui-ci
est le fruit de quelques réflexions récentes et d’aléas dans
ma vie.
Depuis ma « renaissance » j’ai plus d’une fois vécu des
périodes compliquées à gérer, où tout allait très vite. Trop
vite. Même pour moi et pourtant je suis plutôt du genre
rapide ! Peu de gens ont une idée précise de ma vie et de tout
ce qu’il m’arrive. Pas un jour ne se passe sans qu’il ne se
passe justement quelque chose : une bonne nouvelle, une
catastrophe, un rebondissement, une personne qui entre dans ma
vie, une autre qui s’en va, etc. A tel point que c’est devenu
source de plaisanteries avec mes plus proches amis qui
essaient tant bien que mal de suivre mes « aventures » (et
pour cela les réseaux sociaux c’est tout de même pratique !)
Je ne cache pas ma boulimie de vie. D’un état de « légume
vivant » j’avance à nouveau avec fureur dans la vie et cela ne
plaît pas toujours. On m’a plus d’une fois fait comprendre que
ce n’est pas Noël tous les jours et que la vie n’est pas un
magasin où l’on prend ça, et ça et ça… En langage de psy, on
dira que je souffre peut-être d’un manque existentiel ou que
derrière mon impatience se cache une intolérance à la durée.
En réalité j’ai bien plus travaillé la patience qu’on ne
pourrait le croire et je comprends parfaitement que tout le
monde ne puisse pas suivre mon rythme.
J’ai encore du mal à respecter les différentes sphères
(privée, pro, etc) et je m’explique à ce sujet dans mon livre.
Quand on « apprend à vivre » à 30 ans, on fait beaucoup
d’erreurs. La première personne qui m’avait recadrée en bonne
et due forme était mon coach professionnel. Mais par la suite
d’autres professionnels m’ont montré qu’on pouvait aussi
fonctionner différemment que ce qu’il m’avait appris. Il y a
de quoi être un peu perdue parfois !
Depuis, je me suis faite recadrée plus d’une fois, avec plus
ou moins de tact ou de violence. J’ai donc appris à m’adapter
aux autres et davantage respecter leur propre rythme. C’est
souvent frustrant mais c’est tout l’intérêt des relations
humaines et du travail en équipe. J’ai encore beaucoup de
progrès à faire et je dis toujours merci pour les « piqures de
rappel » quand ce naturel revient de trop.
J’ai aussi évincé bon nombre de personnes – professionnelles
ou non – qui me « ralentissaient » plus qu’autre chose. C’est
un peu cash de dire les choses comme cela mais une italienne
de signe astrologique taureau et écorchée vive par la vie se
doit d’être un peu cash de temps en temps. En d’autres termes,
je veux bien me caler sur le rythme des autres quand je trouve
que cela en vaut la peine (et heureusement c’est le cas la
plupart du temps) mais quand je vois que je peux me
débrouiller toute seule et avancer je fais du lest. Et tant
pis si derrière cela me demande une énergie folle et que les
choses sont difficiles. La difficulté ne me fait pas peur, au
contraire !
Je veux bien croire que la vie peut
douceur et la sérénité sont accessibles
présent les plus belles leçons que
violentes et douloureuses. Je parle
j’adore apprendre…
être tendre, que la
à tout moment. Jusqu’à
j’ai reçues ont été
de leçons… et comme
Je ne dis pas que je demande un coup du sort tous les jours
pour être sûre de progresser – on ne m’a pas encore collé
l’étiquette de masochiste, je vais m’en passer encore un peu…
– mais je préfère encore me confronter à l’Adversité et
apprendre que de stagner ou avoir l’impression de dormir
debout. Avant qu’on ne me le dise, je sais : après la colère
viendra l’apaisement et un jour je n’aurais plus besoin de
ressentir la douleur pour me sentir vivante…
Récemment j’ai rencontré des embûches. Et même pas mal en peu
de temps ! On m’a secouée, assez fortement d’ailleurs. Il n’y
a encore pas si longtemps que ça ces différents coups durs
m’auraient brisée et en tout cas jetée au fond du gouffre pour
quelques temps. Ce n’est pas le cas, au contraire et je vais
plutôt bien ! Voir mieux. Pas de réaction impulsive, pas de
colère disproportionnée : “By learning how to calm our mind,
we learn how to act rather than react”. Cette phrase lue ce
matin tombe elle aussi plutôt bien…
Au lieu d’avoir l’impression que tout s’écroule on peut se
servir des difficultés que l’on rencontre dans la vie pour en
tirer des enseignements et développer une force intérieure.
Ainsi, au lieu d’être désespérée et de baisser les bras je me
sens plus forte et je crois avoir plus progressé en quelques
semaines qu’au cours des derniers mois. J’ai renoué avec mes
valeurs et j’ai profité de cette période de changement pour
faire un nettoyage d’automne. Jean-Luc a raison à 100% : en se
concentrant sur ses valeurs on fait les bons choix et on se
respecte.
Ce billet c’est un peu une manière de remercier
donné ces leçons, mais aussi de remercier les
répondent toujours présentes pour moi et sur
sais que je peux compter, elles se reconnaîtront
ceux qui m’ont
personnes qui
lesquelles je
certainement.
S’il n’y a qu’une chose à retenir : ne jamais se décourager.
On dit qu’on réalise souvent après coup et avec du recul
qu’une « catastrophe » nous a en fait été utile. J’ajouterai
que plus ça va, plus on se heurte à l’Adversité, et plus on
apprend à voir « plus vite » le côté positif des choses.
Enfin, j’ai aussi cette chance : dans la grande majorité des
cas la « mauvaise nouvelle » s’est transformée en une option B
meilleure pour moi ! Pensez toujours à l’option B, même si la
A semble plus sexy à première vue…
Je ne sais pas exactement d’où me vient cette façon de mieux
relativiser les choses qu’avant et après tout c’est peut-être
le cocktail sport et méditation sous forme de stage intensif
qui me fait plus de bien que je ne le croyais…
Pas besoin de tout comprendre, juste accepter…
Sabrina
Source : blog psychologies.com.
Pour toi maman...
« Tu devrais lire … de Alice
Miller ». Combien de fois m’a-t-on
répété cette phrase ? D’accord mais…
Par lequel commencer ? J’ai suivi le
« conseil-lecture » du Dr Lienard.
Cet article m’est donc inspiré par la
lecture du livre « Le drame de
l’enfant doué ». Je n’ai rien contre
la psychanalyse mais j’avoue que j’avais un peu peur de lire
un réquisitoire contre « la mère » et des reproches sans réels
fondements. En vérité cette lecture n’est certes pas un drame
pour moi mais elle m’a fait un « choc » car certaines notions
que je percevais et que j’ai tenté de dire avec mes propres
mots dans mon livre me paraissent évidentes à présent. C’est
écrit noir sur blanc et c’est une psychanalyste qui le dit !
Cela m’apporte un éclairage supplémentaire qui m’aide à mieux
comprendre mon histoire. Connaître mon enfant intérieur,
comprendre ce que l’on appelle le « Soi », pour mieux me
connaître et mieux m’aimer. Et être ainsi en mesure d’aimer
plus et mieux (n’est-ce pas docteur ?)
Le
terme
self
est
la
traduction
anglaise
du
Soi.
En
psychanalyse, il se réfère à la notion de Donald Woods
Winnicott qui a notamment distingué le « vrai self » du
« faux » : Le vrai self désigne l’image que le sujet se fait
de lui-même et qui correspond effectivement à ce qu’il est et
perçoit à travers une réaction adaptée. Le faux self désigne
une instance qui s’est constituée pour s’adapter à une
situation plus ou moins anormale et contraignante. L’image qui
est alors en cause est défensive et fonction de réactions
inadaptées de l’environnement et est surtout représentative
d’un rôle qu’on lui aurait imposé. Je n’invente rien et pour
en savoir plus rendez-vous sur Wikipédia (par exemple).
Avoir un « sentiment de soi sain » c’est – selon Miller –
d’avoir la totale certitude que les sentiments et les désirs
éprouvés appartiennent à son propre Soi. « Ce n’est pas une
certitude raisonnée – elle est là, comme notre pouls, auquel
nous ne prêtons aucune attention tant qu’il bat normalement ».
« Dans cet accès spontané, tout naturel, à ses sentiments et à
ses désirs personnels, l’être humain puise sa force intérieure
et son respect de lui-même. Il a le droit de vivre ses
émotions […] Il sait non seulement ce qu’il ne veut pas, mais
aussi ce qu’il veut, et se permet de l’exprimer – que cela lui
vaille d’être aimé ou détesté ».
Je vais mentionner les passages qui ont fait le plus échos en
moi dans ce livre. Tout d’abord je me suis identifiée à ces
patients dont elle parle :
« Mais il y a la multitude d’hommes et de femmes qui viennent
en thérapie avec l’image d’une enfance heureuse et protégée,
image avec laquelle ils ont grandi. Il s’agit de patients
dotés de nombreuses aptitudes, voire de talents, qu’ils ont
développés plus tard, et qui parfois se voyaient admirés pour
leurs dons et leurs réalisations. […] D’après l’opinion
prévalente, ces individus – qui ont été la fierté de leurs
parents – devraient avoir une conscience de soi forte et
stable. Mais c’est tout le contraire. Tout ce qu’ils
entreprennent, ils le font bien, voir brillamment, on les
admire et les envie, ils vont de succès en succès dans tout ce
qui leur paraît important, mais cela ne sert à rien. A
l’arrière-plan guette la dépression, le sentiment de vide,
d’aliénation. Sitôt la drogue de la « grandiosité » leur fait
défaut, qu’ils ne se sentent pas « le champion », pas
incontestablement la superstar, ou qu’ils ont subitement
l’impression d’avoir failli à une quelconque image idéale de
leur moi, leur vie leur paraît dénuée de sens.
Ils sont alors la proie de crises d’angoisse, torturés par
d’intenses sentiments, d’indignité et de culpabilité. Quelles
sont les raisons de troubles si profonds chez de si riches
personnalités ? »
Le diagnostic ne tardera pas. Miller parle des « grandioses ».
Kesako ?!
La grandiosité et la dépression sont deux formes extrêmes d’un
même trouble : la perte du Soi, de l’aliénation à soi,
tragédie qui prend sa source dans l’enfance d’après l’auteure.
La grandiosité serait la défense contre la profonde douleur
causée par la perte du Soi, fruit de la négation de la
réalité. Je ne vais pas réécrire le livre mais ce qu’il me
semble intéressant de retenir est que le « grandiose » ne peut
renoncer sans thérapie à la tragique illusion que l’admiration
équivaut à de l’amour. Le « grandiose » n’est jamais
réellement libre, car « il est constamment dépendant de
l’admiration des autres, et parce que cette admiration est
liée à des qualités, des fonctions et des performances (un
podium aux Championnats de France d’athlétisme ? ndlr) qui
peuvent brutalement s’écrouler. »
Aujourd’hui je souris des quelques remarques que l’on m’a
faite sur le fait que je me « mets en avant » (le nom de mon
association par exemple et quand on connaît l’origine du nom
il y a de quoi sourire…). Je reconnais ce que m’apportent le
fait d’aider et d’avoir tellement de retours positifs, de
messages de soutien ou d’encouragement. Cela m’aide à
continuer et à mener mon Combat. De là à y voir une soif de
reconnaissance et de succès j’en suis nettement moins sûre. Et
en tout cas il y a longtemps que j’ai compris que « ce succès
et cette reconnaissance ne sont que ce qu’ils sont, ils ne
peuvent faire plus, ne peuvent combler le vieux trou. Et de
son côté, la vieille blessure ne peut guérir tant qu’elle sera
niée à travers l’illusion, c’est-à-dire l’ivresse du succès.
La dépression mène aux lèvres de cette plaie, mais seul le
deuil de ce qui nous a manqué, de ce qui nous a manqué au
moment décisif, pourra aboutir à sa véritable cicatrisation ».
Ce n’est donc pas par hasard que j’ai demandé – presque
imploré – à ma maman de lire le livre de Miller. En imaginant
bien que ce n’est pas le genre de lecture préféré de toutes
les mamans, pas de la mienne en tout cas. Elle a accepté et je
suis aux anges car c’était important pour moi et cela en dit
long sur ce qu’elle est prête à faire pour moi. Pour me
comprendre et pour aider à réparer. Pour accompagner ma
reconstruction…
Effectivement, au fil de ma lecture me sont revenues en tête
chacune des séances où je parlais à mon ancien thérapeute du
travail à faire – et que j’ai fait – pour trouver « la bonne
distance » avec mes proches. Car le « rapport fusionnel »
entre l’anorexique et la mère dont parlent tous les
spécialistes est loin d’être une légende. J’aimerais inviter
d’autres « Combattantes » à s’interroger sur leurs relations
familiales et peut-être trouver à leur tour la bonne distance…
« Ne dites pas ceci, cela, n’est pas bon pour toi mon enfant,
tu dois être autrement.
Dites, je veux entendre en moi ce que tu es, quelle est ta
joie, ta liberté, tes difficultés, tes rêves, te comprendre,
te vivre ici, simplement, être au plus proche de ton cœur,
sans rien savoir, te sentir. Sentir ta joie en moi, et qu’elle
soit ma joie. »
(Patrice Bailly)
Dans L’âme en éveil, le corps en sursis, je parle beaucoup de
ma « soif d’Amour ». Je cite Salomon Sellam qui, dans son
livre « Boulimie-anorexie : un énorme quiproquo
psychoaffectif » parle de « nourritures affectives ».
J’explique du mieux que je le peux les causes
multifactorielles de mon anorexie. L’histoire de toute
anorexie ne peut être isolée du contexte familial dans lequel
elle survient, s’installe et va évoluer. Plusieurs auteurs ou
écoles diverses proposent des typologies familiales ou des
modèles d’interactions comportementales et émotionnelles
rencontrés par ces familles. Difficultés à exprimer les
émotions, conflits tensions non verbalisés entre les parents,
anxiété dépression chez les mères fragiles narcissiquement,
pères défaillants dans leurs fonctions d’autorité et de tiers,
rigidité de l’ensemble de la dynamique familiale ont été mises
en avant.*
Si dans le cadre de mon association je constate que certains
schémas familiaux reviennent sans cesse, je suis soulagée de
voir que l’on s’accorde aujourd’hui sur le fait que les TCA
ont des causes multifactorielles et que les parents sont moins
désignés comme uniques « coupables » qu’ils ne l’ont sans
doute été par le passé. Les pratiques ont changé et le temps
où les patients étaient isolés à l’hôpital, le dialogue avec
le médecin rompu et les familles mises à l’écart voire
culpabilisées est révolu. Enfin normalement c’est le cas (ma
famille a sans doute vécu l’exception qui confirme la
règle…) !
Je donne sens à mon vécu grâce à la spiritualité. Je préfère
croire en mes « choix d’incarnation » qui m’ont permis
d’évoluer que de tenter d’expliquer plus empiriquement une
maladie à propos de laquelle les spécialistes ont encore du
mal à se mettre d’accord. Toutefois, en revenant sur des
notions simples, la lecture du livre d’Alice Miller permettra
sans doute aux Combattantes de soigner l’enfant blessé
qu’elles portent et de sortir des illusions, cesser de vouloir
être parfaites ou plaire à tout prix.
« Nous devons apprendre d’où viennent nos souffrances, et que
l’on peut en guérir »
(Alice Miller)
Lorsque je découvre le témoignage de Béatrice, quelque chose
fait échos en moi. Alice Miller raconte :
« Elle (Béatrice) avait une mère envahie de doutes sur son
rôle de mère dès qu’un de ses enfants se montrait insatisfait
ou mécontent, […] et qui ressentait de l’envie, accompagnée de
gêne « devant les autres », s’il était exubérant, prenait
plaisir à son propre corps. Les peurs de la mère avaient
entièrement conditionné la vie affective de l’enfant. Et
Béatrice apprit très tôt quels sentiments lui étaient
interdits si elle ne voulait pas risquer de perdre « l’amour »
de sa mère ». […] Elle n’avait pas été brutalement maltraitée
dans son enfance. […] Elle a d’abord souffert d’anorexie,
puis, durant toute sa vie d’adulte, de graves dépressions ».
Je sais que certains passages de L’âme en éveil ont peinés ma
mère, bien qu’elle ait trouvé le livre bien écrit et très
beau. Même si elle a compris depuis l’intention positive et
qu’en aucun cas je ne cherche à désigner de coupable ou à
culpabiliser mes proches.
« Ma mère, par ses recommandations à n’en plus finir et ses
mises en garde au sujet de l’hostilité du monde, ne m’a pas
aidée à garder confiance et a même alimenté mes peurs. J’ai
toujours épongé les angoisses de ma mère ».
Nous en avons reparlé depuis et elle reconnaît qu’il y a sans
doute des parties de son histoire personnelle qui influencent
son rapport au monde. Je ne connais pas le détail de son
histoire mais ce que je sais c’est que malgré tout l’amour
qu’elle me porte elle m’a fait du mal. Je l’ai dit : « NOUS »
nous sommes tous fait du mal dans ma famille et c’est
d’ailleurs le propre de l’anorexie qui ravage tout le système
familial…
Aurai-je conditionnée la « Soif d’amour » et surtout l’Amour
inconditionnel tant convoité dont je parle à une perfection
dont j’ai cru devoir faire preuve pour « plaire à » mes
parents ?
« Qui était la « petite Sabrina » ? Une petite fille qui avait
tout pour réussir. Mais aussi, une petite fille qui ne
connaissait pas ses désirs les plus intimes, ni ne vivait pour
elle mais pour plaire à… En cherchant à toujours faire
plaisir, il est évident que je me suis oubliée, mais on ne
comprend ces choses-là que bien plus tard et jamais je
n’aurais cru, petite, tomber un jour dans une maladie
psychologique. »
Je m’en sors ainsi :
« La situation aurait pu s’enliser avec moi disant d’un côté :
« Je veux une autre forme d’Amour » et mes parents ou mon
frère disant de l’autre : « Tu as tout pour être heureuse et
on en fait déjà suffisamment pour toi ». Mais j’ai rencontré
mon ange-infirmier qui m’a permis de comprendre que cet amour
tant convoité, je l’ai en moi. Aujourd’hui et tous les jours
que je vis, je ressens cet amour inconditionnel pour celle que
je suis, avec toutes mes faiblesses tellement humaines. Je
n’ai pas fini d’en rencontrer des Êtres de lumière incarnés,
prêts à me guider. Attention les amis, j’ouvre l’œil ! »
Malgré tout, je sais que j’ai encore du travail à faire pour
véritablement faire le deuil de ce que je n’ai pas eu dans mon
enfance et de ce faux self que je me suis créé. Je sais que je
peux vivre ma colère et mon indignation tout en continuant
d’aimer mes parents. Car même si je ne connais pas les tenants
et les aboutissants du passé de ma mère, elle peut aujourd’hui
m’aider en saisissant l’importance d’une bonne relation
affective. S’il y a peut-être une chose qu’elle doit retenir
du livre de Miller c’est qu’ « une mère n’est capable
d’empathie que si elle s’est libérée de son enfance, et elle
réagira forcément sans empathie tant que le déni de son destin
la chargera de chaînes invisibles. Et il en est de même pour
le père ». En lisant ces propos j’ai en tout cas tout de suite
pensé au reproche que je lui ai souvent fait, de n’avoir
jamais entrepris de travail sur elle ou tout simplement au
fait que j’aurais aimé au cours de ma maladie faire une
thérapie familiale plutôt que de me « dépatouiller » toute
seule pour tenter de trouver une aide psychologique.
« Ce manque d’investissement se retrouve dans la prise en
charge de ma maladie. Ils ont toujours été là financièrement
comme en témoignent les consultations de spécialistes
auxquelles j’ai pu me rendre, mais ils ne m’ont jamais
encouragée à consulter ou – mieux encore – proposé de thérapie
familiale, ce qui aurait montré qu’ils acceptaient de se
remettre en question et de s’impliquer à mes côtés. »
Au Dr Lienard j’aimerais dire que les premières fois où elle a
évoqué « la petite Sabrina » et m’a demandé ce dont cette
enfant aurait besoin, là, maintenant, je ne comprenais pas
bien. Aujourd’hui je comprends et je sais que découvrir mon
Soi me permet(tra) de m’aimer et ne plus tout faire pour que
l’on me prodigue ce même amour dont, enfant, j’avais
terriblement besoin… C’est ce que je m’efforce de faire et je
parle de mon authenticité retrouvée ainsi que du sentiment
profond d’être sur mon chemin à présent.
« Nous ne pouvons pas aimer vraiment s’il nous est interdit de
voir notre vérité, la vérité sur nos parents
éducateurs, mais aussi sur nous-mêmes. »
et
nos
Je suis « morte » en 2006…
« Si l’homme se débat, s’il s’affaire, c’est bien parce qu’il
a peur.
Peur d’être face à la mort, peur de voir, peur d’être face à
lui-même.
Car pour se trouver en Soi, il faut mourir, oui. Mais cela ne
concerne pas la fin de ce corps, mais bien la fin de
l’illusion que ‘je’ existe.
C’est la fin de toutes images, croyances, identités, la fin de
cette petite personne, qui dans ses peurs, ses
emprisonnements, sème sa souffrance, sa haine. Ce qui est à
voir, c’est que rien ne meurt car cette personne jamais n’a
existé. Seule l’identification au corps est la crainte.
Laisser le mental, c’est voir au-delà du limité ‘je’ et
découvrir l’éternité, l’impalpable. C’est n’être rien et
pourtant être dans cette Joie indéfinissable du Tout. Là où
‘je’ est abandonné, Dieu entre. »
(Patrice Bailly)
Je me sens libre car je me sens
« moi ». Je ne cherche plus à
plaire à tous et je n’ai plus
besoin de demander l’aval de mes
parents pour chaque décision que
je prends. Le cordon n’est pas
définitivement coupé mais il
m’aura tout de même fallu
attendre mes 30 ans pour réaliser
que je ne vivais pas pour moi.
Aujourd’hui je sais que ma vie
m’appartient et que j’ai le droit
de vivre pleinement mes émotions (je reste une bonne digitale
rassurez-vous).
On me dit « brillante » et je n’ai jamais compris l’intérêt
pour moi de faire un test de QI. Développer mon intelligence
émotionnelle là c’est différent. Travailler sur ses émotions
me semble être une condition sine qua non pour guérir des
troubles alimentaires. Je crois être entre de bonnes mains
pour cela. Un jour je serai capable d’aimer docteur. D’aimer
assez et comme il faut…
Je remercie Patrice Bailly pour les textes qu’il m’a fait
parvenir. Alors que je réfléchissais à ce thème du Soi (faux
Soi…), nous sommes devenus amis sur Facebook et en voyant ses
publications je lui ai demandé s’il avait des écrits pour moi.
« C’est assez difficile pour moi de choisir, car ils parlent
tous d’une seule chose, ce que je nomme le Soi, qui est le
coeur, l’être. Ce que nous sommes, et que nous voyons une fois
libéré de l’Ego, du mental, du ‘moi’. » Bingo, j’avais très
envie d’écrire à ce sujet aussi…Synchronicité ou non, oui je
sais mes anges ont de l’humour…
J’ai hésité sur le titre à donner à cet article. Avant que des
lecteurs ne me disent qu’ils lui donnent plusieurs sens je le
leur confirme il y en a bien. A chacun d’y voir ce qu’il a
envie d’y voir…
Ce texte je le dédie en tout cas à mes parents qui le
comprendront ou pas mais qui ne devront jamais oublier à quel
point je les aime.
Sabrina
—
Des fleurs de Soi
Chaque être humain est une fleur,
En cette fleur est Dieu.
Vous êtes Dieu, et chacun, chacune, n’est qu’une partie de
vous-même.
Prenez-en grand soin, car c’est de vous qu’il s’agit.
Voyez Dieu en chacun, chacune.
En cela est l’amour, la liberté de l’être, la Joie.
Sachez qu’il n’y a que Lui, donc que Vous.
Voyez la multiplicité de Dieu,
Voyez ce magnifique jardin de fleurs,
Aimez cela comme cela EST.
Vous serez alors sans attente, sans jugement, sans temps, sans
commentaire,
Vous serez simplement le témoin silencieux de ce que vous
êtes.
Vous ressentirez en vous ce qu’est l’amour, d’être en votre
compagnie.
Vous serez transporté si loin du connu, si vibrant de Joie
indéfinissablement.
Vous verrez ce qu’est Dieu de le voir en toutes choses,
toujours en vous-même, sans jamais quitter la maison, le cœur,
le Soi.
Plus jamais éloigné des autres, plus jamais au travers d’un
vous qui n’est que souffrance et mal-être.
Soyez le jardin de fleurs sans jamais rien en connaître.
Sentez-le sans jamais en connaître le parfum et voyez-le sans
jamais en connaître la forme.
En Soi.
Et n’oubliez pas qu’une fleur qui s’égare, est toujours une
fleur, que Dieu ne la quitte jamais.
Sans lui rien n’existe.
Patrice Bailly (page Facebook)
*Santé mentale – mai 2012 – dossier « Repenser l’anorexie »
La suite de l’article sur mon
BLOG (Article intitulé : J’ai choisi de
« dire »)
http://blogs.psychologies.com/sabrinatca92/
A LIRE :
Rôle des parents dans la reprise des liens sociaux de l’enfant
qui souffre d’un TCA
(Interview de Mme Castellotti , présidente de la Fondation
Sandrine Castellotti)
Source : blog psychologies.com.
Témoignage
:
«
Cette
psychiatrie-là
donne
une
image dégradante »
Suite à la publication de l’article « Anorexique
et bipolaire, elle vit l’enfer en psychiatrie »,
Isabelle m’a fait part de son témoignage. Voici
le regard qu’elle porte sur son expérience de la
psychiatrie en ce jour spécial pour elle (bon
anniversaire à toi Isabelle !)…
« Je ne suis ni bipolaire, ni anorexique mais je suis passée
par des HP. Ce que j’ai constaté c’est l’extrême dénuement des
hôpitaux psychiatriques que j’ai fréquentés. Je pense qu’il y
a des hôpitaux psychiatriques pour des personnes ayant des
moyens financiers et puis il y a les hôpitaux pour les gens
ordinaires… Alors quand on passe de l’un à l’autre et on
comprend mieux ce que veut dire médecine à deux vitesses !!!
Mon constat est dur mais je pense cette psychiatrie-là donne
une image dégradante, l’image d’un pays qui ne donne pas aux
hôpitaux publics les moyens d’accueillir dans la décence et la
dignité les gens qui souffrent. Il y a des lieux où l’on se
croirait encore au moyen âge, rien que l’infrastructure est
sordide. Et quand on souffre on est encore plus mal dans ce
genre d’endroit censé apporter du réconfort. Voilà mon
expérience de la psychiatrie ».
Isabelle
Lire aussi : Anorexie : l’isolement en psychiatrie vu par
Sabrina
TCA : Changer de rapport à
son
corps
avec
la
Fasciathérapie
fasciathérapie
m’a
J’aimerais vous faire découvrir la
fasciathérapie, une thérapie manuelle
grâce à laquelle j’ai réussi à changer
de rapport à mon corps. Comme vous
peut-être, j’ai traversé la souffrance
de la boulimie, en recherche de
solutions. Ma rencontre avec la
ouvert d’autres horizons. Je veux
témoigner, en qualité de professionnelle de santé,
kinésithérapeute spécialisée en fasciathérapie, des bénéfices
de cette approche et de l’aide précieuse qu’elle m’a apportée.
Qu’est-ce que la fasciathérapie ?
Une thérapie manuelle douce qui s’adresse aux fascias : les
tissus d’enveloppe autour des muscles, des organes, des os.
Dans mon activité, je propose principalement cette thérapie à
des personnes qui souffrent de douleurs (mal de dos, arthrose,
tensions générales du corps, migraines, stress, fatigue etc).
Aujourd’hui, je m’adresse plus particulièrement à celles qui
se battent contre un trouble du comportement alimentaire. Moimême, j’ai été confrontée à la boulimie pendant plus de 15 ans
avec tant de difficultés à entrer dans la vie. Dans ce combat,
j’ai été accompagnée à plusieurs niveaux dont psychologique
et corporel. J’ai eu l’immense chance, il y a environ 10 ans,
de rencontrer une psycho-thérapeute spécialisée dans les TCA
(lire cet article). Son accompagnement psychologique et
relationnel m’a permis de changer de regard sur la vie, et
d’approche sur moi. Progressivement, les symptômes de ma
souffrance (les crises) ont disparu. Pour apprivoiser mes
émotions, gérer les informations qui circulent en moi, elle
m’a fortement encouragée à pratiquer une approche corporelle.
Ainsi, j’ai appris à me remplir différemment (mieux qu’avec la
nourriture ou le contrôle) et à changer radicalement mon
rapport à mon corps. Poursuivant mes études de kinésithérapie
pendant cette période, j’ai été particulièrement sensible à
l’idée que mon corps pouvait m’aider à m’en sortir.
Et pourtant mon corps était la représentation de ma maladie.
Et je le détestais tellement ! J’étais dans un paradoxe : je
ne ressentais que le surpoids qui m’entourait ou le vide
gigantesque qui m’habitait et m’aspirait de l’intérieur.
J’étais dominée par l’envie puissante et impérieuse de manger
pour me remplir. Ce corps, je l’ai même haï ! Je le trouvais
si gros, si moche, non désirable. Il me faisait honte. Et il
prenait toute la place dans ma vie. J’étais obsédée et ne
rêvais qu’à le changer pour sortir de cette souffrance.
Puis, j’ai fait une rencontre décisive : la fasciathérapie.
Grâce à elle, mon corps est devenu progressivement mon
meilleur allié. Il est d’abord devenu une source de détente et
de relâchement profond. Il est aujourd’hui un interlocuteur
qui me raconte mes limites (fatigue, émotions, stress, course
contre la montre…) et m’apprend à ressentir en moi le
positionnement juste. A présent, je m’apprécie et je me trouve
presque jolie, aimable. Bien sûr, il reste quelques kilos en
trop qui se baladent sur mon corps et que j’aimerais perdre,
mais je peux l’affirmer aujourd’hui : le plaisir de vivre et
l’envie d’être heureuse l’ont emporté sur l’envie d’être
parfaite.
Pour cheminer et parvenir à ce résultat, j’ai exploré
plusieurs approches psycho-corporelles. Je me suis tournée
particulièrement vers la fasciathérapie. Je m’y suis formée
pour compléter mon parcours de kinésithérapeute, mais aussi
pour progresser dans l’exploration des sensations internes,
ressenties lors des séances.
Comment se passe une séance de fasciathérapie ?
Le praticien étire la peau et les fascias à différents
endroits du corps par des mouvements lents et très subtils. Le
toucher est très doux. Il ne s’agit pas d’un massage, ni de
manipulation. On reste d’ailleurs légèrement habillé. Après
une séance, on peut ressentir différentes sensations : un état
de détente profonde, moins de stress, de la chaleur… Au fur et
à mesure des séances, il est possible de ressentir un volume
en mouvement, une animation vivante et apaisante sous les
mains ou à distance.
La première fois que j’ai été touchée ainsi, j’ai pris
conscience pour la première fois à quel point je manquais
d’air. J’étouffais dans la vie. Les mains de la praticienne
étaient posées très délicatement sur mon thorax et j’avais la
sensation qu’elle avait mis des tonnes sur moi. Mon diaphragme
et mes poumons étaient immobiles, complètement étouffés. J’ai
réalisé au fil du temps, la corrélation entre cette contrainte
du diaphragme et toutes celles que je m’étais imposées ou que
les autres autour de moi m’imposaient. Il a fallu que je
ressente cet étouffement dans mon corps et dans ma vie pour
décider de vouloir réagir autrement. En effet, plus
j’étouffais, plus j’avais envie de manger. La thérapeute m’a
aidée à redonner de l’élasticité à mes tissus, à mettre plus
d’adaptabilité et de la détente en lieu et place des
contraintes.
Il a fallu plusieurs séances pour ressentir une sensation de
globalité en moi et la détente de mon corps. Les choses se
sont installées progressivement mais sûrement dans ma vie.
C’est un chemin jalonné d’étapes. Au début, en fasciathérapie,
je peux le dire, je ne sentais pas grand chose. Mes
contraintes m’étouffaient toujours, je les camouflais en
mangeant. Je percevais mal les émotions qui me conduisaient à
manger trop. Puis, sans que je sache pourquoi,
progressivement, j’ai reconnu et accueilli ces sensations
difficiles qui étaient en moi depuis si longtemps. En
parallèle, j’ai ressenti grandir en moi des zones de détente.
La balance tension/détente s’est inversée. Le magma indéfini
s’est affiné pour prendre la couleur des émotions, des joies,
des peines, des envies, des attentes, des doutes… Tous ces
états sont à présent identifiables et chacun peut être vécu de
manière différente et non plus avec la seule réponse d’avant :
je vais manger… ou jeûner !!!!!
La fasciathérapie est un accompagnement intéressant pour aider
à ressentir son corps autrement, reconnaître les sensations
(agréables et désagréables) et apprivoiser les émotions, Cette
technique permet également de découvrir une profonde détente
en soi. Dans une séance, l’échange et le dialogue ont toute
leur place. Lorsque des sensations viennent, je vous encourage
à en parler avec le thérapeute. Il est tellement important que
chacun se sente accompagné, respecté, libre de dire ce qui lui
convient le mieux. Oser guider le thérapeute dans son toucher
pour qu’il appuie plus ou moins… En conclusion, oser dire ce
qui vous fait du bien !!!
Agnès (bénévole chez SabrinaTCA92)
Lien utile :
Association
Nationale
des
Kinésithérapeutes
Fasciathérapeutes est une association professionnelle, pour
accéder à l’annuaire des fasciathérapeutes (envoyer un mail à
l’association)
Internet est-il gentil ?
Pour la sixième année, Psychologies organise la Journée de la
gentillesse. Ses bienfaits sur la santé et le bonheur au
quotidien sont prouvés. Sa force et sa nécessité pour vivre
ensemble ne sont plus à démontrer. A l’école, au travail, dans
la rue, à la maison, nous avons tous besoin de gentillesse…
Même sur le Net ? Oui, car si Internet est capable du pire, il
est aussi source de solidarité et de générosité. Le 13
novembre, faites parler votre cœur !
J’ai eu le plaisir de découvrir (comme tous les abonnés) ce
dossier sur la gentillesse dans le Psycho qui sort vendredi 24
octobre en kiosque. (Vous pouvez cliquer pour agrandir les
images)
Mon article sur le Love Spirit :
L’Odyssée du Love Spirit
Lire aussi :
Anorexie, boulimie : s’en sortir grâce au
web ?
Comme une plume
C’était l’été dernier, je venais de créer
l’association. Emilie me contactait pour me
proposer de témoigner avec 4 autres jeunes
femmes afin de faire la promotion de son
nouveau court-métrage « Comme une plume », la
suite de « Sacha » qui retrace l’histoire
vraie d’une gymnaste anorexique. Depuis,
Marjolaine (l’une des autres femmes) est
devenue bénévole chez SabrinaTCA92. Le projet
a abouti et j’ai été chamboulée lors de
l’avant-première le 17 octobre dernier.
Alexia, dont l’histoire a été portée à
l’écran par Emilie Belina Richard m’a accordée une interview
avec la réalisatrice et elles m’ont ainsi aidée à écrire cet
article que je vous livre avec émotion.
Comment pourrai-je ne pas être touchée par Alexia, ce petit
bout de femme dynamique, belle et gourmande ?! Ce n’est pas
moi qui le dis, c’est le mot qu’elle a choisi pour se définir.
Il suffit de jeter un œil sur les photos qu’elle partage :
Alexia est une passionnée. Passionnée de sport, cela tombe
bien, moi aussi ! Elle, c’est la gymnastique artistique
qu’elle pratique depuis l’âge de 9 ans. Succession de
compétitions, de podiums, et sans doute une multitude de
moments forts partagés avec les athlètes de son club.
Elle est jeune – 25 ans – et suis un master dans l’ingénierie
du vivant et ergonomie. L’âge où je décrochais moi-même mon
premier master… Comme moi, c’est aussi à 16 ans que ses
troubles alimentaires ont commencé.
Au départ de son régime elle sollicite l’aide d’un
nutritionniste pour se stabiliser après la perte de quelques
kilos. Le monsieur très avisé se loupe un peu je trouve : « Je
ne veux pas vous voir tant que vous n’avez pas vu mon confrère
(un psychologue) ». « Vous êtes anorexique et c’est une
maladie d’égoïste car certains meurent de faim et crèvent pour
avoir ce dont vous vous privez » !
Début de la « descente aux enfers » comme elle dit.
S’en suivent deux hospitalisations en psychiatrie générale
puis une hospitalisation de 5 mois à la CMME* d’où elle
ressort en ayant repris du poil de la bête. A sa sortie elle
est suivie en hôpital de jour et elle reperd à nouveau du
poids. Mais elle le reprendra « tranquillement » par la suite.
Aujourd’hui elle est « redevenue une femme avec un corps qui a
ses défauts et puis voilà ! » « Ce que disent les gens de mon
physique ? Bah honnêtement je m’en fiche, j’ai envie de me
faire plaisir et de vivre !!! »
Remontée contre la maladie, elle « ne comprend pas que l’on
puisse ouvrir les bras à la mort ». C’est en fait une haine
[qu’elle a] envers cette maladie. « Cette maladie m’a bouffé 3
ans de ma vie, 3 années perdues pour certaines choses telles
que mes études, mes relations amicales ». Puis elle ajoute :
« Mais c’est aussi 3 années durant lesquelles j’ai appris à me
connaître, à m’écouter et à accepter d’être aidée ! ». « Donc
ce sont 3 années gâchées positivement ! » (J’adore
l’expression…ndlr)
Je lui demande comment elle a connu Emilie et pourquoi elle a
décidé de témoigner. Les 2 femmes faisaient partie du même
club de gym. Elle a même été l’entraîneur d’Emilie pendant 1
an. Emilie (déjà concernée par les TCA dans son entourage) me
parle de « déclic » pour elle lorsqu’elle a assisté à la
descente aux enfers de son amie. Elle lui a même rendu visite
à l’hôpital et cela lui a fait très mal. Elle « devait »
raconter son histoire ! Ne plus taire cela…
C’est au cours de l’hospitalisation à la CMME qu’elles ont
collaboré par courrier interposé pendant ces « 5 longs mois ».
En prenant des risques car la transmission de courrier sans
contrôle de la part des infirmier(e)s était interdite.
Pourquoi
?
Parce
que
pour
la
jeune
malade
« l’anorexie/boulimie est une maladie trop mal connue et trop
critiquée ». « Moi la première avant, je ne comprenais pas
cette pathologie ». Tiens, tiens, j’ai déjà lu cela quelque
part…(ndlr).
Elle est catégorique : « C’est un cri d’alerte, un appel au
secours. Et non une envie stupide de vouloir ressembler aux
filles des podiums ! ».
En regardant le film elle se revoit et repense à tous ces
moments difficiles mais au final elle qualifie cette période
de sa vie de chance. « Quand on côtoie la mort de près ou de
loin, à la sortie du puit on voit les choses différemment. On
a plus tendance à ouvrir les bras aux petits plaisirs, on
profite de ceux qu’on aime… On vit ! »
Comme je le disais à l’équipe, je pense que ce travail est
important et permet à l’entourage de mieux comprendre leur
enfant qui souffre et qui n’arrive pas toujours à « dire ». Au
nom de toutes les Combattantes, je les remercie d’avoir choisi
de mettre en images cette histoire touchante. Des
professionnels trouveront certainement à redire mais l’équipe
d’Emilie a le mérite d’agir et de parler.
Alexia est fière d’avoir témoigné pour montrer que l’on peut
s’en sortir. Il y a de quoi et je suis admirative de cette
croqueuse de vie ! Elle a eu des mots très gentils pour parler
de mon propre Combat qui n’est pas seulement le mien selon
elle mais qui devient aussi celui des autres (elle cite alors
les malades, les familles, les ami(e)s)… On va arrêter de se
lancer des fleurs mutuellement ; là où je la rejoins c’est sur
le mot qu’elle adresse aux Combattantes :
Tenez le coup, battez vous !! La vie vaut le coup d’être
vécue,
elle est faite de rencontres formidables, de rencontres
inattendues.
Je vais vous dire une phrase qui m’exaspère à chaque fois que
je l’entends,
Mais qui est tellement vraie : « Lâche prise !!!! »
Tout comme je vis une très belle aventure avec la présidence
de mon association Emilie, elle, retient de l’expérience du
film le grand soutien des gens. Elle ne s’attendait pas à un
tel engouement autour du projet et cela l’aide à continuer.
Perso je ne suis pas surprise et je souhaite longue vie à ces
films. Des projections sont déjà prévues avec SabrinaTCA92, à
commencer par le mois de mars 2015 sur Clamart lors de la
Semaine d’information sur la Santé Mentale. Comme une plume
raconte davantage ce que vivent les proches et pour avoir une
bonne idée de ce qu’ont vécu les miens je confirme : le film
sera utile !
Encore bravo à elles et à tout l’équipe du film ! Vous m’avez
fait pleurer le 17 octobre…
Sabrina
*Clinique des Maladies Mentales et de l’Encéphale
Voir la bande annonce et les témoignages
Anorexique et bipolaire, elle
vit l’enfer en psychiatrie
Lorsque Dimitri Jacques m’a parlé du
témoignage
publié
via
son
association orléanaise TCA Soleil,
je lui ai répondu que je l’avais
déjà lu ou entendu quelque part.
Après réflexion, c’est impossible.
Voici l’histoire d’une personne qui
a décidé de briser le silence et de
parler de son cauchemar en hôpital
psychiatrique. Chaque fois que je relaie ce type d’information
(on peut comprendre que je sois sensible au sujet…) j’ai en
tête ce qu’on m’a dit : « Ne fais pas de ton cas une
généralité ». D’accord… En 1 an j’ai pourtant lu de nombreux
livres témoignages révoltants (plus ou moins contemporains),
parcouru des blogs, entendu des personnes faire part de leur
expérience douloureuse. Mais le pire est sans doute de savoir
que nous ne sommes finalement pas si nombreux(ses) à franchir
le pas. Combien de « Combattantes » gardent une âme blessée et
choisissent d’avancer… en taisant leur histoire ? (Sabrina)
« J’ai 20 ans, je suis une ex-anorexique et aujourd’hui
nouvelle dans le monde de la bipolarité (de type II). Je
connais malheureusement très bien le milieu de la psychiatrie
française et je trouve qu’elle est complètement désuète. J’ai
été traitée pour anorexie pendant cinq ans dans diverses
cliniques privées qui savent relativement bien traiter la
maladie. Il faut dire que tant qu’on y met l’argent, on est
bien traité, c’est vraiment tragique, anormal et très injuste.
Mon père, un peu trop idéaliste et naïf, a décrété cette année
que je serais mieux traitée en hôpital psychiatrique, car
c’est là qu’il y a les meilleurs médecins.
J’ai passé deux mois en hôpital psychiatrique en région
parisienne, c’était absolument atroce. Toutes les pathologies
sont mélangées et logées à la même enseigne. Je ne dis pas que
je ne veux pas connaître ceux qui ont une pathologie
différente de la mienne, je n’ai aucun a priori et j’ai
rencontré des personnes à la fois très malades et très
humaines. Tout simplement, la schizophrénie paranoïde ne
devrait pas être traitée dans le même service que celui
traitant la dépression post-partum. Les traitements sont
quasiment les mêmes pour tous les patients. Les malades
mentaux ne forment pas un tout homogène, il y a tant de
maladies et de degrés. Je ne comprends pas comment la
psychiatrie française peut encore en être à ce stade. Je sais
bien qu’il y a un manque gigantesque de moyens, mais pourquoi
personne n’essaie de changer cela ? Pourquoi un tel désintérêt
de la psychiatrie ?
J’ai été transférée des urgences d’un hôpital jusqu’à
l’hôpital psychiatrique car j’avais fait une tentative de
suicide. J’étais extrêmement affaiblie, dépressive, je
n’aurais jamais fait de mal à personne et ne tenait aucun
propos délirant ou provocateur. On m’a pourtant mise
directement en chambre d’isolement. Je ne savais pas ce que je
faisais là, je ne comprenais pas le pourquoi de ce traitement
et encore moins la façon dont le personnel agissait avec moi.
On ne me parlait pas, on ne venait pas me voir sauf à travers
le hublot comme si j’avais la peste. Tout ça pour me faire
sortir 48 heures plus tard en me disant « Nous sommes désolés,
vous n’aviez rien à faire en isolement. »
Des erreurs comme celles-ci sont absolument infâmes. Une
chambre d’isolement est un lieu qui rend fou même la plus
saine des personnes. J’étais enfermée, bourrée de
neuroleptiques à doses astronomiques mélangées aux
anxiolytiques, sans correcteur d’effets secondaires. J’avais
peur que tous mes faits et gestes soient utilisés contre moi
pour m’infliger d’autres traitements-punitions encore plus
traumatisants. Je me disais, si je fais ceci on va m’attacher,
on va me donner encore plus de médicaments, on va me les
injecter de force. On se sent traités comme des animaux
d’expérimentation. J’étais pourtant extrêmement lucide et
totalement inoffensive.
J’ai croisé quelques personnes qui aimaient véritablement leur
métier et s’occupaient des patients avec beaucoup d’amour, de
savoir et de compétence. Je me demande sincèrement si les gens
se rendent vraiment compte de ce qu’est la psychiatrie. Et au
fond, qui sait exactement ce qu’est la folie ? Sur quelles
bases pouvons-nous nous qualifier quelqu’un de plus sain ou de
plus fou qu’un autre ? D’où proviennent une telle
discrimination et une telle peur ?
Je me souviens d’une patiente schizophrène, une des personnes
les plus humaines que j’ai rencontrées dans ma vie. Une femme
incroyable, très intelligente, profondément gentille. Ça m’est
insupportable d’entendre des adolescents se traiter de schizo
comme s’ils savaient de quoi ils parlent. Oseraient-ils
traiter quelqu’un de cancéreux ? Je trouve cela terrible
qu’une gêne s’installe dès que quelqu’un parle de son
expérience en psychiatrie ».
Source de l’article : tcasoleil.fr
Témoignage : « Je vous ai
caché
mon
anorexie
si
longtemps… »
Marine faisait des recherches pour
se confier, trouver un groupe à qui
parler et partager son expérience
sans crainte d’être jugée. Elle a
découvert le site de l’association
et 2 jours après elle participait
pour la première fois avec sa maman
à l’un de nos groupes de parole.
C’est elle qui a choisi de faire son « coming out » comme elle
dit, même si au départ elle hésitait… Les premières réactions
– loin du jugement qu’elle appréhendait – sont positives et je
pense que ce texte que je lui ai proposé d’écrire pour nous
montre son courage. Je suis admirative. Cette Combattante a
parcouru beaucoup de chemin et continue d’avancer vers la
Lumière… (Sabrina)
Dans ma vie beaucoup m’ont jugée, critiquée, détestée.
Certaines paroles m’ont blessée comme : « t’es qu’une merde
! », « Tu n’arriveras à rien dans ta vie ! », « C’est de la
comédie ! », « T’es paresseuse, bouge-toi un peu ! », « T’as
vu comment elle est maigre ! », « Elle est folle, tout est
dans sa tête ! », « Elle est bizarre celle-là ! ». Et j’en
passe…
Je n’oublierais jamais les regards oppressants, dénigrants que
vous m’avez lancés, les messes basses, les critiques, les
moqueries… Même quand j’avais le dos tourné… Tout cet élan de
méchanceté !! Pourquoi ? Pourquoi tout ça ? Parce que vous ne
compreniez pas ?
Mon attitude est différente de la vôtre, souvent distante, pas
très causante. Si seulement vous m’aviez vraiment regardée. Si
vous aviez gratté cette carapace ou du moins essayé…
Vous auriez remarqué mon secret.
Celui tout au fond de moi. Le mal contre lequel je me bats…
Depuis des années je vous cache la réalité. Je partage ma vie
avec ana. Ana ?!
Ce n’est pas un choix, ce n’est pas non plus une amie. C’est
une maladie.
Son nom ? Elle s’appelle anorexie…
Aujourd’hui je prends mon courage à deux mains en brisant le
silence. Je souhaite parler pour me libérer et laisser le
masque tomber. J’arrête enfin de faire semblant, d’être ce que
je ne suis pas pour devenir celle que je suis… Voici mon
histoire, enfin une partie. Aujourd’hui je souhaite que vous
compreniez. Sans juger…
Tout a basculé en septembre 2004
Mon état s’est sérieusement dégradé. Cela fait plusieurs mois
que je ne bouge plus de chez moi. Je ne vois plus personne. Je
passe mon temps à regarder la télé, à dormir, à cogiter. J’ai
froid. Je porte un long peignoir que je ne quitte plus. Ma
mère me dit tout le temps : « Tu as les mains glacées ! ».
« Tu dors beaucoup… ».
Ma peau est gelée, mon teint est terne, blanchâtre comme une
poupée en porcelaine. Je n’avale plus rien, mis à part du pain
et du soda.
Lundi, rendez-vous chez mon pédopsychiatre le Dr R. Seule
sortie de ces dernières semaines. Comme toujours ma mère
m’accompagne. Elle ne m’a jamais lâchée malgré tout ce que
j’ai pu lui infliger. Si vous saviez la force, la patience, le
courage et surtout tout l’amour qu’elle me porte…
Pendant qu’elle patiente en salle d’attente, le Dr R.
m’appelle. Il me demande d’accompagner sa secrétaire dans son
bureau afin d’effectuer une pesée ! Moment que je redoutais à
chaque visite. Je ne peux fuir et je sais d’avance que
l’imposante balance s’apprête à afficher la vérité. Ce moment
où le mensonge laisse place à la triste réalité…
Je ne peux plus nier, me cacher, me mentir, leur mentir… Me
voilà mise à nue. Quelques secondes… « Bip bip » : le résultat
est sans appel. 33 kg pour 1m53.
A cet instant, je comprends que je vais me faire « engueuler »
par le psy. La secrétaire sort. Je rhabille ce corps amaigri,
chétif, incisif. Les os bien saillants. Un corps aussi frêle
qu’un corps d’enfant. La porte s’ouvre et le Dr R. rentre avec
un air qui me dérange. Je sais que son discours ne va pas me
plaire…
Il me fixe, le regard insistant et me dit : « Je me dois
d’intervenir, vous êtes en danger ! C’est l’hôpital en
urgence ».
Je me souviens avoir été partagée par deux sentiments bien
distincts. D’un côté un plaisir, une grande joie, celle de
frôler la mort. Une sorte de liberté avec l’impression de
contrôler, de maîtriser ma vie. Je parvenais à mon but,
disparaître mais pour renaitre. Mourir pour enfin vivre… Très
paradoxale tout ça ! Et puis d’un autre côté, une infinie
tristesse. Ce docteur allait me séparer de ma mère ! De son
amour ! De ce lien tellement fusionnel. J’avais et j’ai
toujours besoin d’elle. Mon petit monde s’effondrait pendant
qu’ana, elle exaltait… Elle se félicitait en me regardant, en
voyant ce qu’elle avait fait de moi. Entièrement façonnée à
son image !
Quand ma mère à franchi la porte, je me sentais dépitée,
accablée car je savais qu’elle allait avoir mal.
Le Dr R. lui a « balancé » à la figure et sans autre
précaution : « Votre fille est en danger. Elle peut s’endormir
cette nuit et ne pas se réveiller. Je vais la faire
hospitaliser. » Il est content ce connard ? Il va nous séparer
!
J’ai senti la colère m’envahir, la rage monter en moi. J’avais
envie de tout casser !! Je lui ai lancé un de mes regards les
plus noirs et j’ai dit : « Je n’irais pas ! » Il m’a rétorqué
: « Mais vous n’avez plus le choix ! Soit vous y allez, soit
on viendra vous chercher de force chez vous ! »
Son air supérieur et son ton autoritaire m’agaçaient et me
dégoutaient. J’avais envie de vomir ! Entre temps, le Dr R.
avait pris son téléphone et m’avait trouvé une place dans le
service de son confrère pour le jeudi…
Compte à rebours J-3
Je me sentais trahie, en colère et en perte de repères… La
peur et l’angoisse… NON ! NON ! Laissez-moi ! Je ne veux pas y
aller !! Je ne veux pas être hospitalisée… Nous sommes en
septembre 2004 et c’est ma première hospitalisation.
Aujourd’hui, je porte un regard neuf sur ces années de Combat…
J’ai 27 ans. Je pèse à ce jour presque 49 kg. Avec les années,
les rencontres que j’ai faites, grâce à certains médecins et
auteur(e)s qui ont su mettre des mots sur mes maux ; je me
sens grandie.
Le soutien de mes proches a été TRES IMPORTANT.
J’ai pu apprendre, analyser, essayer de comprendre mon
comportement, la maladie, « ma » maladie. Pendant longtemps je
me suis demandée ce que j’avais. Pourquoi j’étais comme ça ?
Qu’est-ce qui n’allait pas ?…
J’aimerais dire ceci : libérez-vous !
Exprimez-vous
!
Battez-vous
!
Apprenez
à
connaître
« l’adversaire », ses faiblesses…
Pour ma part
et cela fait
de clés pour
et ne jamais
je viens juste d’accepter. J’apprends à en parler
beaucoup de bien. J’ai l’impression d’avoir plus
avancer et continuer le combat. Il faut y croire
baisser les bras !
Cette hospitalisation de septembre 2004 ?
Mon
entourage
n’a
pas
été
mis
au
courant
de
mon
hospitalisation. Elle a durée 3 semaines. J’ai été admise à
l’âge de 16 ans dans un service de pédopsychiatrie avec un
poids de 33 kg. A ma sortie j’en faisais 6 de plus. Mon corps
allait un peu mieux…
Cette expérience m’aura marquée… Je m’en souviens presque dans
les moindres détails ! Je sais qu’à ce moment-là j’ai pris
conscience que je souhaitais réellement guérir…
Marine
La vie t’appelle !
Plusieurs raisons me poussent à écrire ce
billet dans lequel je souhaite revenir sur
l’année 2006-2007. C’est plus de 7 ans après
que j’ai pour la première fois « sorti » ces
choses que je n’avais jamais dites
concernant cette année noire que j’ai passée
en hôpital psychiatrique. J’ai évoqué le
sujet de l’isolement dans l’un de mes
derniers articles mais j’ai encore du mal à
parler de ce que j’ai réellement vécu. Je
pense que c’est important pour moi de le faire et que j’en
suis capable à présent.
Synchronicité ou non, la lecture du livre de Boris Cyrulnik
« sauve-toi, la vie t’appelle » dans lequel il évoque le
trauma de son arrestation lors d’une rafle et la construction
de la mémoire m’a sans doute donné le courage de faire face à
mes souvenirs sur cette période qui m’a marquée au fer rouge.
Nos histoires n’ont évidemment rien en commun et ma « petite
expérience » peut faire sourire – je ne sais pas – mais
lorsque je repense à tout cela, personnellement je perds
l’envie de rire…
« On disait que j’étais bavard comme une pie, je racontais des
histoires, j’adressais la parole à des inconnus dans la rue.
Qui aurait pu penser que je parlais pour me taire ? Les mots
que je disais servaient à cacher ceux qu’il ne fallait pas
dire. Ma stratégie relationnelle était claire : bavarder avec
les autres pour les amuser, les intéresser et me cacher ainsi
derrière ces mots partagés. Cette protection me permettait de
me raconter une autre histoire, à bouche fermée celle-là, avec
des mots non socialisables qui constituaient pourtant le socle
de ma vie mentale ». (Boris Cyrulnik)
Mes (presque) fans sur Facebook le savent : quelques jours
avant de donner moi-même une conférence pour son association
en Belgique, j’hébergeais Nathalie Decoo (Présidente de AB
Ensemble) et malgré un projet de documentaire avorté nous
avons profité de son séjour Clamartois pour faire le plein de
« Bonheur Attitude » et emmagasiner de nombreux souvenirs
agréables. La deuxième mi-temps, le weekend du 4 octobre en
Belgique donc, a été magique également et m’a inspirée un
billet sur l’amitié (« Vivre heureux(se)…en Théorie ! »).
En partant, Nathalie m’avait malicieusement laissé des petits
messages amicaux que j’ai découverts un par un dans les heures
qui suivirent son départ : sous le clavier de l’ordinateur,
dans mes disques à démaquiller, en vidant les photos de mon
appareil… J’en étais presque arrivée à renverser la boîte de
chocapic ! Alors que le moral était un peu en berne en raison
des soucis du quotidien qui reprenait, voilà qu’en sortant de
la douche je trouve un autre mot collé le long de la paroi. Un
« bon pour… » avec la mention « tu n’es pas seule ». Comme
elle me l’a dit ensuite en privé l’effet escompté n’était pas
celui-là mais il se trouve que j’ai éclaté en sanglots et que
je ne m’arrêtais plus… En ce 20 septembre, j’ai écrit un long
mail à une personne de confiance, effondrée, et j’ai lâché ce
que je retenais depuis si longtemps.
« Je parle d’anges, je sourie, je reparle d’anges… Je ne
l’explique toujours pas. Je n’arrive pas à expliquer
« rationnellement » ce qui s’est passé à PGV. […] Je n’étais
pas spécialement croyante. Je n’ai rien demandé de spécial. Je
ne souhaitais pas rester plus que ça. Je pense même très
sincèrement que cela m’aurait arrangé de ne pas rester. C’est
dur de dire cela car j’ai vécu de très belles choses depuis
quelques mois mais si je devais retourner en 2007, je
souhaiterais m’éteindre dans cette chambre pourrie
d’isolement. Même pas leur donner la joie de dire « on l’a
sauvée ». Ils ne le méritent pas. Ils n’ont rien sauvé. Ils
m’ont humiliée, ils m’ont méprisée. Ils ont fait leur boulot,
en me montrant bien que ça les faisait ch**. Je n’ai jamais eu
ces mots […]
J’ai parlé d’horreur, j’ai évoqué les choses les plus
significatives. Mais on ne peut rendre avec exactitude
l’ambiance, la mort de cette chambre. […]
J’essaie de digérer tout cela. De ne pas voir ces images. Je
revois tout, jusqu’aux craquelures du plafond que je fixais
presque H24. Je n’arrive pas à digérer. Je ne peux pas. Je
suis navrée ».
Le courrier est long (pleurer et écrire en même temps n’est
pas un exercice facile !), je conclue là-dessus : « Je ne
souhaite pas à d’autres filles de passer par ce que je suis
passée. Je vous assure que je suis dure au mal pourtant, c’est
en tout cas ce que tout le monde a toujours constaté. Je n’ai
jamais voulu me faire plaindre et préfère relativiser toute
cette histoire ».
Je blague souvent sur ma colère que « j’aime bien » et j’ai
pris le parti de sourire des aberrations de mon
hospitalisation. Je travaille sur l’acceptation, le pardon
aussi et la compassion envers ceux qui furent mes bourreaux
pendant un an. Aujourd’hui je ne ressens plus la haine que
j’avais pour eux à l’époque et j’ai compris que tout le monde
a fait du mieux possible avec les cartes qu’ils avaient en
main. Si j’utilise le terme « bourreaux » c’est en référence
au fait que la privation sensorielle a des effets sur le
cerveau et l’isolement total dans lequel j’ai été (pas de
livres, télé, enfermée seule toute la journée…) est une forme
de torture à mon sens.
« C’est une expérience très douloureuse. (…) Les personnes qui
ont été isolées connaissent des moments psychologiquement
difficiles où elles se sentent totalement seules. (…) Une
longue période d’isolement nuit à la conscience de soi. (…)
Les humains sont des organismes socialement connectés. Ce
n’est que quand on est privé de cette connexion que l’on
s’aperçoit à quel point on dépend du contact et du regard des
autres. » (Craig Haney, psychologue de l’université de
Californie)
J’ai fait des reproches à mes parents et je les accuse d’avoir
démissionné. Nos échanges à ce sujet restent difficiles, tout
le monde préférerait oublier et se dire qu’ils ont bien fait.
Pourtant on aurait pu mieux faire c’est certain.
« Je sais l’image que je peux donner, je perçois un peu l’idée
que vous vous êtes fait de moi (au moins au début). Les très
rares personnes qui me connaissent un peu mieux sont toujours
étonnées de mon authenticité et du fait que je suis plutôt
raccord entre ce que je pense et ce que je dis. Je ne crois
pas que la majorité des gens le soient d’ailleurs. J’aimerais
que plus de monde fasse la moitié du travail que j’ai dû faire
sur moi pour revivre à peu près normalement. Pour apprendre à
vivre toute seule alors que je n’étais plus rien ».
Je n’ai pas très envie d’entrer dans le détail de ce qui
« bloque » entre moi et mes proches et nos regards différents
sur « notre » histoire. C’est impudique et puis nous verrons,
cela fera peut-être l’objet d’un futur billet qui sait ?
J’ai par contre envie de les inviter à lire cet autre extrait
du livre de Cyrulnik et je les laisse y réfléchir :
« Cette discordance entre le sujet
préoccupé
par
son
histoire
et
l’entourage qui ne veut rien entendre
est habituelle, quelle que soit la
culture. Après l’auto génocide de Pol
Pot au Cambodge, quand un survivant
essayait de dire comment on mourait de
faim, d’épuisement et de malheur,
l’entourage haussait les épaules et
expliquait doctement : « Arrête de te plaindre, nous aussi on
a souffert, on devait tuer le cochon en cachette ! »
Quand le malheur des autres est inimaginable, on le compare à
nos petites misères. Cette réaction qui protège l’entourage
isole l’infortuné […] La « crypte » individuelle qui
s’incruste dans l’âme du blessé y est installée par la
réaction discordante de ses proches et de sa culture.
Le blessé, fasciné par sa déchirure muette, est contraint de
chercher en lui-même les solutions de son problème. C’est
ainsi que je me mettais à l’épreuve pour me donner la preuve
que j’avais le droit de vivre ».
Je travaille surtout sur moi, je cherche le calme, à l’aide de
la Pleine Conscience et en me rappelant à l’ordre dès que je
vois que cette colère motrice pourrait devenir destructrice.
C’est un travail au quotidien et ce depuis 7 ans.
On aura beau me dire que la présidence de mon association et
ce que je fais pour prendre part à la lutte contre les TCA
n’arrange pas ce travail de deuil, je n’y crois pas : « fuir »
le problème en s’interdisant d’y penser et faisant semblant
d’avoir complètement tourné la page ne me semble pas honnête.
Ou alors je me résous à faire comme ces femmes déclarées
« guéries » et qui portent toujours une souffrance que plus
personne ne voit ou n’entend ? Non je ne souhaite pas avoir à
porter un masque et mon discours n’a pas changé je sais que
j’ai encore du chemin et que je suis sur la bonne voie en tout
cas car tôt ou tard l’apaisement viendra. Pour le moment elle
est là et elle n’empêche en rien de faire un travail précieux
qui peut aider des personnes en souffrance mais aussi aider à
faire évoluer des choses en matière de santé mentale.
Alors que faire de cette colère ? A-t-on le droit d’en vouloir
à ceux qui nous ont donné et/ou sauvé la vie ?
Je pense avoir trouvé une formule magique qui me convient en
tout cas et j’explique dans mon livre le cheminement intérieur
que j’ai fait grâce au développement de ma spiritualité.
Croire dans mes « anges » m’a donné la force de vivre et
m’aide à ne pas baisser les armes aujourd’hui lorsque des
« scènes de vie » me désespèrent (voir la page Facebook de
L’âme en éveil). Les plus cartésiens y verront la plus belle
explication que je pouvais (me) trouver pour donner un sens à
ce qui rationnellement n’en a pas…
Il y a aussi ma « thérapie par le sport » même si je suis
lucide sur ma relation complexe au sport qui me canalise bien
mais qui est aussi le prolongement de mon anorexie.
« Le sport est sans aucun doute une continuité de l’anorexie.
Un exutoire et un moyen d’allier douleur et sentiment d’être
vivante comme l’a été mon acharnement à faire disparaître mon
corps, à souffrir, mais aussi à survivre grâce à l’anorexie.
Le sport, au moins, fait moins peur aux gens et l’addiction
est moins grave. C’est une drogue légale à laquelle on ne
prête pas attention. Je me fonds davantage dans le décor et me
conduis de manière conforme pour la société. J’ai pourtant
l’impression de n’avoir pas vraiment accepté d’entrer dans le
moule : je garde des comportements addictifs qui traduisent
bien ma révolte et mon combat » (L’âme en éveil, le corps en
sursis)
Enfin il y a l’humour… « C’est très sérieux de faire le pitre,
vous vous sentez revivre, on vous applaudit, on vous aime, la
vie revient doucement¹ ». Il paraît que je suis une
« bouffonne », dixit le Dr Yasmine Lienard, et cela me
convient car les bouffons ont leur utilité nous sommes
d’accord…
Le conscient semble ok avec les parades qu’il a trouvé pour ne
pas (trop) souffrir au présent de mon passé. Mais ça c’est le
conscient. L’inconscient lui, il n’en fait qu’à sa tête et il
faut croire qu’il n’est pas ok avec ce traumatisme. Il refuse
d’ailleurs de coopérer et je me suis faite éjecter de mes
révisions de formation en Hypnose car je donne trop de fil à
retordre tant aux futurs thérapeutes qu’au formateur : un
élément perturbateur impossible à hypnotiser, ça fait
désordre… Au moins je sais que cela marche chez les autres,
pour moi-même je verrais plus tard.
De mes 16 ans à mes 30 ans je n’ai pas vécu. Je parle de
survie. Il est normal que les choses remontent maintenant à la
surface et je pense qu’il faudra encore du temps pour que cela
décante. « Le poids de la mémoire colore le présent. Quand on
sort d’une agonie de plusieurs années, on ne peut pas gambader
tout de suite. Il faut du temps pour réapprendre à laisser
venir le bonheur² ».
Ce billet semble plus noir que mes précédents écrits. Je vous
rassure, je ne suis pas particulièrement déprimée ^^ Je parle
de ma dualité tout au long de mon livre, qui me tiraille
toujours et je me souviens des paroles de Dimitri Jacques
quand il m’a aidée dans
le bon choix mais tout
vas te décider à poser
oui j’ai fait le choix
accomplir, et de vivre
plutôt bien…
la
au
le
de
le
réécriture « je sais que tu as fait
long du récit on se demande si tu
deuxième pied sur Terre ! ». Donc
rester, d’accomplir ce que j’ai à
mieux possible à présent. Et c’est
Si j’essaie de faire des choses par rapport
aux TCA c’est parce que j’estime que ma vie
est un énorme gâchis. Et je n’espère qu’une
chose : éviter à d’autres de reproduire mes
erreurs. Plutôt que de jeter la pierre à ceux
qui m’ont fait du mal je relève les manches et
propose de travailler ensemble à améliorer les
choses. Ironiquement je conclue mon billet sur
l’isolement des anorexiques en psychiatrie en
parlant de fast food de la psychiatrie et de 3 étoiles. Pour
rester dans la thématique j’ai envie de dire aux jeunes filles
qui s’interrogent sur telle ou telle structure : ne ratez pas
votre chance comme je l’ai fait au cours de ma première
hospitalisation en service spécialisé ! Ce n’est pas – tout à
fait – le Club Med, mais à côté de ce que j’ai connu cela s’en
rapproche. Quant à ce que j’ai connu et pour avoir écouté
plusieurs intervenants calés sur le sujet, j’ose espérer que
les anorexiques hospitalisées sous contraintes tombent sur des
hôpitaux de secteurs un peu plus à jour dans leurs pratiques.
J’ai muri et je comprends l’intérêt d’une COURTE
hospitalisation sous contrainte pour une jeune en danger de
vie mais à condition que les conditions justement respectent
sa dignité. Comme l’a souligné récemment monsieur Sahuc dans
un commentaire : « ces squelettes sont aussi des êtres
humains » il convient donc de préserver leur dignité.
Lorsqu’une maman, à la fin d’une longue conversation ou nous
avons mis à plat la situation de la famille et l’impasse dans
laquelle elle se trouve me demande : « mais vous, croyez-vous
que je doive l’hospitaliser de force ? » je ne peux donner un
avis quel qu’il soit et qui m’engagerait même pénalement je
pense. Des généralités, des choses évidentes, soit… Je suis
tout de même contente de l’entendre dire « je le ferais en
ultime recours mais croyez-moi c’est toute mon âme qui se
révolte à cette idée ». Ouf, nos âmes sont d’accord !
Sabrina
A lire :
Privation Vs Restriction de liberté
Ps : La dernière phrase du fameux mail était celle-ci : « Pour
avoir écrit tout cela en peu de temps… J’espère que c’est cela
l’authenticité »…
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¹ et ² Boris Cyrulnik
Source : blog psychologies.com.
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