Libre circulation des personnes et aide sociale
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Libre circulation des personnes et aide sociale
Libre circulation des personnes et aide sociale A ce jour, l'aide sociale n'enregistre pas d'augmentation du nombre de bénéficiaires ressortissant d'Etats UE/AELE. Le droit à l'aide sociale résulte de l'autorisation de séjour. Les instances de pilotage sont les autorités de la migration et du marché du travail et non pas l'aide sociale. Le droit à l'aide sociale est examiné rigoureusement dans chaque cas individuel. L'existence d'un droit à l'aide sociale ne permet pas d'en déduire un abus. Un comportement abusif à l'aide sociale est le résultat d'une obtention illégale de prestations. Situation de départ La libre circulation des personnes est régulièrement associée à l'aide sociale. Le lien entre immigration et Etat social est au centre de l'intérêt. On part de l'idée qu'un nombre croissant de citoyennes et citoyens de l’UE abuse activement de l'accord sur la libre circulation des personnes afin de profiter des bonnes prestations sociales octroyées en Suisse. Ce seraient notamment le regroupement familial, la totalisation et l'établissement de contrats dits «de complaisance» qui entraîneraient une augmentation et les personnes à la recherche d'un emploi notamment arriveraient directement à l'aide sociale. Or, dans la pratique, ces hypothèses ne se confirment pas: aucune augmentation à l'aide sociale ne peut être observée et les comportements abusifs ne sont pas plus nombreux. Bases juridiques La commission Questions juridiques de la CSIAS a répertorié et commenté le droit à l'aide sociale de tous les types d'autorisations de séjour (à l'exception des permis C et autorisations de stagiaire). 1 Le droit à l'aide sociale dépend de l'autorisation de séjour qui est délivrée par les offices des migrations. Par la suite, l'aide sociale est tenue de fournir un soutien correspondant à condition qu'un droit puisse être réclamé. En même temps, elle doit signaler les étrangères et étrangers bénéficiaires de l'aide sociale à l'autorité cantonale compétente en matière d'étrangers. Les personnes soumises à la loi sur la libre circulation des personnes ou à l'accord AELE n'ont pas besoin de prouver qu'elles ne disposent pas de moyens financiers suffisants si elles entrent en Suisse pour y exercer une activité lucrative ou pour s'y établir auprès de leurs familles. Tant que ces personnes exercent une activité lucrative et qu'elles disposent du permis de séjour nécessaire, elles 1 CSIAS (2012). Aide sociale et accord sur la libre circulation des personnes. (www.csias.ch Thèmes Libre circulation des personnes et aide sociale: Répertoire à l'usage des professionnel/les). bénéficient du même traitement que les Suissesses et les Suisses. L'obtention de prestations d'aide sociale n'est pas un motif de révoquer une autorisation valable. En revanche, elle peut être un motif de refuser le prolongement d'une autorisation. Les faits Pas d'immigration dans l'aide sociale A ce jour, il n'est pas possible d'attester une augmentation effective du nombre de citoyennes et citoyens de l’UE à l'aide sociale sur le plan national. En 2012, un total de 35‘211 personnes provenant de l'espace UE/AELE a bénéficié de prestations d'aide sociale. Si leur nombre absolu a augmenté depuis 2009 (2009: 28‘800; 2010: 29‘900; 2011: 32‘000), on constate toutefois en même temps une augmentation de la population globale en Suisse. Pendant cette période, le taux d'aide sociale des personnes de l'UE/AELE est resté stable et il correspond, avec 3.1%, à la moyenne de la population globale de la Suisse. Un tiers environ des bénéficiaires étrangers de l'aide sociale provient d'Etats de l'UE27. En ce qui concerne la structure du ménage, l'âge, l'activité lucrative et la durée de l'obtention de l'aide sociale, les bénéficiaires de l'aide sociale provenant de l'EU/AELE présentent une image comparable à celle de la totalité des bénéficiaires de l'aide sociale. 2 L'immigration est une conséquence de la rapide croissance économique et de la stabilité du marché du travail en Suisse et non pas de l'Etat social. Le problème ne réside pas dans l'accord sur la libre circulation des personnes conclu avec l'UE, mais, le cas échéant, dans l'immigration depuis certains Etats particuliers, qui existait déjà auparavant. Aucun accord bilatéral n'apporte que des avantages à la Suisse. Là où il génère des charges, il faut trouver des solutions qui tiennent compte du contexte de la société et de l'économie dans leur ensemble. Le statut de séjour et l'obtention d'aide sociale demandent une lecture différenciée Le total de quelque 35‘000 citoyennes et citoyens UE/AELE à l'aide sociale en 2012 est réparti sur différents statuts de séjour: deux tiers, à savoir quelque 22‘000 personnes étaient titulaires d'un permis d'établissement C. Le nombre de personnes titulaires d'un permis annuel B se montait à 11‘700. Il est toutefois très probable qu'une grande partie des bénéficiaires de l'aide sociale titulaires d'une autorisation C ou B sont en Suisse depuis plus longtemps et ne font pas forcément partie des immigrés dans le cadre de la libre circulation des personnes. Les chiffres disponibles à cet égard sont peu évocateurs. Les titulaires d'une autorisation de séjour de courte durée L – 555 personnes - représentent la proportion la plus faible. Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que chaque type d'autorisation peut être différencié davantage. Ainsi, une autorisation de séjour de courte durée L peut être délivrée à des fins différentes, par exemple en association avec un contrat de travail de durée limitée pour un engagement de moins d'une année, pour préparer un mariage ou, dans des cas d'exception, pour chercher un emploi. La statistique de l'aide sociale de l'Office fédéral de la statistique ne fournit toutefois pas de données sur ce plan de différenciation. 2 Office fédéral de la statistique. Statistique de l'aide sociale 2012. Neuchâtel 2013 2 L'autorité de la migration est compétente pour la délivrance de l'autorisation de séjour, l'autorité du marché du travail pour le contrat de travail et l'aide sociale pour l'exécution en cas de droit au soutien Les instances responsables du pilotage de l'immigration sont les autorités de la migration et du marché du travail et non pas l'aide sociale. Le mandat constitutionnel et légal de l'aide sociale est d'octroyer la couverture du minimum vital et cas de situations de détresse, lorsque toutes les autres possibilités sont épuisées. En cas de présence d'un droit à l'aide sociale3, l'aide sociale est tenue impérativement à exécuter celui-ci. De son côté, elle a l'obligation de signaler les bénéficiaires de l'aide sociale d'origine étrangère aux autorités compétentes en matière de migration. Intégration et formation plutôt qu'exclusion et méfiance Les personnes vivant en Suisse sur une période prolongée, qui y ont constitué un domicile et qui, en raison d'une autorisation de séjour valable, ont droit à l'aide sociale sont traitées de la même manière que les Suissesses et Suisses. Le minimum vital social doit leur permettre tant une vie dans la dignité que la participation à la vie sociale et active. Celles et ceux qui séjournent en Suisse temporairement, qui n'y ont pas constitué de domicile et qui se trouvent néanmoins dans une situation de détresse ont la possibilité de demander une aide d'urgence. Il est établi que les immigrantes et immigrants mal qualifiés et mal intégrés ont moins de chances sur le marché du travail et un risque plus élevée de devoir recourir à l'aide sociale. Dans le but d'éviter des coûts sociaux consécutifs, il est nécessaire de mettre en place des mesures d'intégration et de formation également pour ces personnes et leurs enfants. Evaluation de la CSIAS En raison de l’état actuel des données, il n’est pas possible de confirmer l’évidence d’une situation problématique manifeste pour le moment. Une augmentation des citoyens UE/AELE dans l’aide sociale ne peut pas être attestée. Les membres de la CSIAS – cantons, communes et villes d'une certaine taille – ne constatent à ce jour pas d'augmentation notable du nombre de bénéficiaires de l'aide sociale ressortissant de l'espace UE/AELE. Ceci dit, ils n'excluent pas la possibilité qu'en raison de l'évolution du chômage, une augmentation se répercute également sur l'aide sociale et devienne ainsi un problème. Dans la pratique, on constate que l'obligation légale de signaler les étrangères et étrangers bénéficiaires de l'aide sociale aux offices de la migration est respectée. Le débat est dominé par la notion d'abus en suggérant dans le langage courant qu'un grand nombre de personnes ressortissant de l'espace UE/AELE entre en Suisse dans l'intention de profiter du système social. A cet égard, on ne pourrait toutefois parler tout au plus que d'un abus aux fins d'obtenir une autorisation de séjour, puisque l'aide sociale – tout comme les autres œuvres sociales – dépend des conditions légales qui y donnent droit, notamment de l'autorisation de séjour. L'existence d'un droit à l'aide sociale n'est pas par définition un abus. Un comportement abusif ne résulte que d'une obtention illégale de prestations. Dans le contexte de l'immigration, on remet souvent en cause la conception et les prestations de l'aide sociale et du système de sécurité sociale qui sont qualifiées de «trop généreuses» et «trop 3 ibid. 3 attractives». En oubliant que le critère de la couverture du minimum vital en Suisse se base à juste titre sur les conditions de vie locales qui sont les mêmes pour tous les ayants droit. L'Europe méridionale est tout particulièrement touchée par la crise économique et financière. On comprend bien que les femmes et hommes vivant dans ces régions cherchent des conditions de vie qui assurent à eux-mêmes ainsi qu'à leurs familles une base matérielle suffisante et des perspectives. La Suisse est attractive en raison de sa prospérité dont la sécurité sociale fait partie. Mais du fait que l'obtention de celle-ci est liée à certaines conditions, l'accès peut être semé d'embuches. Il faut partir de l'idée que les personnes concernées viennent en Suisse en premier lieu pour trouver une activité lucrative et non pas pour rester bloquées à l'aide sociale. Le comportement abusif, quand il est pratiqué, doit être puni et condamné. Les contrats de travail abusifs qui servent parfois d'appât doivent être critiqués. Mais dans ces cas, la responsabilité incombe aux entreprises recruteuses et ainsi à l'autorité du marché du travail et non pas à l'aide sociale. Les lacunes du système doivent être abordées sur le plan politique. Une modification de certains types de prestations ne servirait à rien. Conclusion Aujourd'hui, du point de vue de la CSIAS, une problématique spécifique ne se base sur aucune évidence scientifique et pratique. La CSIAS observe toutefois attentivement les développements et leurs incidences. Elle s’exprime également en faveur de mécanismes de contrôle adéquats. La CSIAS estime que le besoin d'agir porte sur la création d'une base fiable de données factuelles. A cet effet, il faut réunir et analyser les chiffres et les faits pertinents. Quelques efforts ont été déployés dans ce sens: le Conseil fédéral a chargé l’Office fédéral des migrations de mettre en place un monitoring de l'exécution en collaboration avec les cantons. Différentes études relatives aux répercussions de la libre circulation des personnes sur les systèmes de sécurité sociale sont en cours de réalisation et la Commission fédérale pour les questions de migration vient d'éditer une publication consacrée aux séjours temporaires pour activité lucrative. 4 La CSIAS quant à elle met tout en œuvre dans le cadre de ses possibilités pour élaborer des bases fondées. Cette démarche s’effectue notamment par le biais d’échanges réguliers avec ses membres et d'autres acteurs. Malgré tous les efforts déployés, la CSIAS rappelle que l’exécution du droit de séjour incombe en premier lieu aux autorités compétentes en matière de migration. L’aide sociale, obligatoire dans le cadre des dispositions légales, se situe en amont. Dans ce contexte, la CSIAS salue la décision de l’Office fédéral des migrations de faire statuer le Tribunal fédéral dans un cas test sur la relation peu claire entre droit de séjour et obtention de l’aide sociale. Berne, janvier 2014 4 Pour approfondissement: Commission fédérale pour les questions de migration CFM. Séjours temporaires pour activité lucrative en Suisse. Berne 2013 4 Annexe: Chiffres relatifs aux bénéficiaires de l'aide sociale provenant de l'UE/AELE Tous les chiffres figurent dans la statistique de l'aide sociale de l'OFS 2011 et 2012. Taux d'aide sociale de la population résidente suisse et étrangère selon groupes de pays, 2011 et 2012 0 5 10 15 20 25 30 Suisse Total nationalités étrangères Total UE27 Pays limitrophes UE17 sans pays limitrophes UE27 sans pays de l'UE17 Autres pays européens dont AELE Total autres pays du monde Afrique Amérique du Nord Amérique latine Asie 2012 2011 Source: Statistique de l'aide sociale OFS 2011/2012 Nombre de bénéficiaires étrangers de l'aide sociale selon groupes de pays, 2011 et 2012 0 10000 20000 30000 40000 Total UE27 Pays limitrophes UE17 sans pays limitrophes UE27 sans pays de l'UE17 Autres pays européens dont AELE Total autres pays du monde Afrique Amérique du Nord Amérique latine Asie Autres, inconnu et sans réponse 2012 2011 Source: Statistique de l'aide sociale OFS, 2011/2012 5 En 2012, le taux d'aide sociale de l'UE27 – 3.1% - correspond exactement à la moyenne suisse. 30.8% des bénéficiaires étrangers de l'aide sociale proviennent de l'UE27. Cela correspond à 35‘211 personnes (2011: 31‘740). Statut de séjour des personnes de l'UE/AELE à l'aide sociale, 2012 2011 Total Etablissement (C) Annuel (B) Séjour de courte durée (L) Autre autorisation de séjour Pas d'autorisation/données manquantes 2012 Nombre Pourcentage 31‘740 20‘031 9‘285 395 1‘729 100 % 63.1 % 29.3 % 1.2 % 5.4 % 300 0.9% Nombre 35‘211 22‘067 11‘767 555 522 300 Pourcentage 100% 62.7 33.4 1.6 1.5 0.9 Augmentation du nombre entre 2011 et 2012 en en % chiffres absolus +3‘471 10.9 +2‘036 10.2 +2‘482 26.7 +160 40.5 -1‘207 -69.8 0 0 Source: Statistique de l'aide sociale OFS, 2011/2012 Top ten des nationalités de bénéficiaires de l'aide sociale ressortissant de l'UE/AELE, 2012 2011 Nationalité Portugal Italie Allemagne France Espagne Autriche Pologne Royaume-Uni Hongrie Roumanie Nb. bénéficiaires de l'aide sociale 9056 9018 3961 3050 2575 759 471 344 328 328 2012 Nationalité Portugal Italie Allemagne France Espagne Autriche Pologne Hongrie Royaume-Uni Roumanie Nb. bénéficiaires de l'aide sociale 10'234 9'580 4'375 3'426 3'036 821 524 389 384 380 Source: Statistique de l'aide sociale OFS, 2011/2012 Avec un peu moins de 23'000 personnes (2011: 21'000), deux tiers des bénéficiaires de l'aide sociale de l'UE/AELE proviennent de l'Italie, de l'Espagne, du Portugal. Le nombre de bénéficiaires provenant des dix nouveaux Etat UE se monte à quelque 2'400 personnes. 6 Structure des bénéficiaires de l'aide sociale provenant de l'UE/AELE en comparaison avec l'ensemble des bénéficiaires de l'aide sociale en Suisse (proportion en %), 2012 Age 0 - 17 ans 18 - 25 ans 26 - 35 ans 36 - 45 ans 46 - 55 ans 56 - 64 ans 65 - 79 ans 80 + ans Activité lucrative Personnes actives Personnes chômeuses Personnes non actives Formation Pas de formation professionnelle Formation professionnelle, maturité Université, formation supérieure spécialisée Structure des cas Personnes seules Foyers monoparentaux Couples avec enfants Couples sans enfants Durée de l'obtention jusqu'à 1 an 1 à 2 ans 2 à 4 ans 4 ans et plus UE/AELE Total bénéficiaires 25.3 9.9 16.9 21.2 17.6 8.4 0.6 0.2 29.9 12.2 16.2 16.8 15.4 8.3 0.7 0.4 28.9 38.7 32.4 28.1 35.6 36.3 50.5 42.3 44.2 38.0 7.2 5.8 66.1 19.2 9.3 5.3 64.3 19.3 11.1 5.3 61.5 16.0 12.2 10.4 54.0 17.5 15.0 13.5 Source: Statistique de l'aide sociale OFS, 2012 7