Discours de M. Bertrand Louvel, Premier président de la Cour de

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Discours de M. Bertrand Louvel, Premier président de la Cour de
Discours de M. Bertrand Louvel, Premier président de la Cour de
cassation, à la Cour européenne des droits de l’homme, le 5
octobre 2015, à l’occasion du lancement du réseau européen
d’échange d’informations
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, chers collègues,
Je suis très heureux de vous retrouver aujourd’hui pour participer au
lancement du réseau d’échange d’informations entre la Cour européenne des
droits de l’homme et les cours suprêmes des Etats membres du Conseil de
l’Europe. Cette structure informelle répond à de réels besoins de partage des
ressources entre nos juridictions mais pourrait aussi devenir le noyau d’un
réseau de dialogue entre nos cours suprêmes et la Cour de Strasbourg.
J’ai vivement souhaité, dès ma prise de fonctions il y a un peu plus d’un an, que
les relations de la Cour de cassation avec votre Cour, Monsieur le Président,
connaissent une nouvelle impulsion. Les incidences sans cesse plus grandes du
développement de la jurisprudence de votre Cour sur le fonctionnement de la
Justice nous conduisent à réfléchir de manière toujours plus approfondie aux
conditions dans lesquelles nos juridictions nationales appliquent la Convention
européenne des droits de l’homme. En même temps, le contexte d’expression
et de communication sociale dans nos pays a évolué et le regard toujours plus
critique porté par les opinions publiques comme par les responsables politiques
sur l’activité de nos juridictions et leur articulation nous obligent à intégrer
cette réalité dans nos démarches respectives. Ceci doit se faire en recherchant
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les possibilités, dans la voie tracée par votre Cour, d’une meilleure conciliation
entre le respect des droits fondamentaux affirmés par la Convention et la
souveraineté juridictionnelle à laquelle restent attachés nos concitoyens. Des
groupes de travail consacrés à la façon dont notre Cour de cassation exerce son
contrôle, c’est-à-dire à son intensité par la prise en compte, notamment, de la
proportionnalité et de l’équité, ont été constitués, à cet effet, en son sein. C’est
pour nous une priorité. Son premier objet tend à mieux appréhender la marge
nationale d’appréciation à travers la recherche, le constat et l’analyse des
consensus européens tout au long de leur formation.
Le réseau que vous lancez aujourd’hui, cher président Spielmann, apparaît
comme un moyen essentiel pour répondre à cette nécessité d’une meilleure
acculturation nationale de la Convention. Les échanges entre nos deux Cours
depuis presque un an ont permis d’imaginer ensemble ce réseau et je me
réjouis que cette période de réflexion ait montré tout l’intérêt de les
développer.
Comme il a été souligné, il ne s’agit pas de mettre en place une nouvelle
structure de nature pyramidale mais bien de proposer une mise en commun
entre nos juridictions de ressources documentaires, des rapports préparés par
les juges à l’occasion du jugement des affaires, ou encore de notes de droit et
de jurisprudence.
Par cette meilleure connaissance mutuelle, nous accompagnerons et
développerons la notion de consensus européen si nécessaire à l’appropriation
interne de la Convention et à l’exercice par nos cours suprêmes de leur rôle de
cours nationales faisant vivre et prospérer le droit européen.
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En effet, nous sommes tous tenus d’appliquer et de vivifier la Convention, les
cours suprêmes nationales en qualité de juges de droit commun de dernier
ressort, et votre Cour comme garante du respect de ses principes et de leur
application aussi uniforme que possible dans tous les Etats membres.
Au-delà de l’échange d’informations par la circulation de la documentation que
permettra le réseau – entre votre Cour et les cours suprêmes, mais aussi, dans
une perspective de droit comparé, entre nos cours suprêmes également, c’est
essentiel- il me paraît particulièrement important qu’il puisse vivre par un
dialogue permanent entre nos magistrats et nos services d’études et de
recherche documentaire. Cette interactivité est la condition et le gage du
succès de ce réseau en donnant au quotidien des réponses aux attentes des
juges. La justice que nous rendrons les uns les autres n’en sera évidemment
que meilleure dans l’intérêt du justiciable européen, nous le comprenons tous.
Je vous remercie une fois encore de l’initiative que vous avez prise, Monsieur le
Président, en proposant la création de ce réseau. La Cour de cassation est
heureuse d’aider à sa mise en place et participera très activement à son
développement.
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