a. muller

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a. muller
24>26 novembre 2016
LILLE GRAND PALAIS
DERMATOLOGIE
PROGRAMME GÉNÉRAL
Prise en charge raisonnée du prurit
Prise en charge du prurit lors d’infection cutanée
Arnaud MULLER1 - Eric GUAGUÈRE2
1
DV, Dip. ECVD, CES Dermatologie
DV, Dip. ECVD, CES Biochimie et Hématologie Cliniques Animales, CES Dematologie, DESV Dermatologie
Clinique vétérinaire Saint Bernard, 598 avenue de Dunkerque F-59160 LOMME France
2
Infection cutanée et prurit
Lors d’infection cutanée par des Staphylocoques (plus de 80 % des cas de pyodermites
canines), certaines substances bactériennes
(protéine A, peptidoglycanes, acide teichoïque, exotoxines, etc.) peuvent favoriser
l’inflammation cutanée et le prurit par divers
mécanismes : hypersensibilité à ces substances bactériennes, activation lymphocytaire par un phénomène de super-antigène,
autres mécanismes non spécifiques. Ainsi, il
a été démontré que les chiens à pyodermite
superficielle récidivante (secondaire ou pas
à une dermatite atopique) présentaient des
taux plus élevés d’IgE antistaphylocoques
(d’où une dégranulation mastocytaire pouvant
induire un prurit).
De même, la colonisation et la prolifération
des Malassezia peut contribuer à l’inflammation et le prurit, du fait de mécanismes non
spécifiques comme l’altération du relargage
de certaines médiateurs ou par des réactions
d’hypersensibilité spécifiques d’antigènes
(notamment IgE-médiées) .
En outre, chez un chien atopique, les infections secondaires participent à l’initiation et/
ou la perpétuation d’une poussée allergique
(surinfections d’autant plus fréquentes que
le chien atopique présente une susceptibilité
plus grande aux infections (notamment par
une adhérence accrue des staphylocoques à
la peau du chien atopique). L’addition des facteurs pruritogènes bactériens et allergiques
conduit généralement à un prurit plus marqué.
Diagnostic d’une infection cutanée
La parfaite connaissance des signes cliniques
d’une pyodermite permet dans la grande
majorité des cas de confirmer ou d’infirmer
l’existence d’une pyodermite et de la caractériser (pyodermite superficielle ou profonde
notamment).
Un examen cytologique par calque cutané
devrait être systématique en présence de
lésions évoquant une pyodermite. L’observation de nombreuses bactéries, coccoïdes ou
en bâtonnets, en position intracellulaire, phagocytées par des polynucléaires, caractérise
une invasion bactérienne et donc une infection cutanée. Si des macrophages, voire des
lymphoplasmocytes et parfois des hématies,
sont observés, cette infection est profonde
et/ou chronique (souvent moins de germes
visibles).
Le test à la cellophane adhésive ou scotch
test permet de récolter les Malassezia présentes sur les couches les plus superficielles
du stratum corneum en les fixant sur un substrat adhésif. Un morceau de ruban adhésif
transparent de type “cristal” est appliqué sur
la peau, à la base des poils, puis retiré d’un
mouvement sec. Ce geste est répété plusieurs
fois au même endroit, jusqu’à ce que le ruban
ne colle plus. Le scotch est ensuite coloré
avec des colorants rapides de type RAL®. on
retrouve principalement Malassezia pachydermatis, d’aspect microscopique typique (en
bouteille de Perrier, en « empreinte de pas ») :
cellules à bourgeonnement unilatéral sur une
base large, avec une coloration basophile. La
présence de 3 à 5 levures par champ microscopique est considérée comme significative
d’une multiplication exagérée.
enfin doit être envoyé rapidement à un laboratoire compétent avec toutes les indications
utiles.
Traitement du prurit associé à une
infection
Traitement oral antibiotique et
antifongique
La base du traitement antiprurigineux est le
traitement de l’infection associée à ce prurit :
antibiothérapie pour une pyodermite et antifongique pour une dermatite à Malassezia.
- rechute d’une pyodermite profonde
Le choix de l’antibiotique se réfère aux principes de base d’une antibiothérapie raisonnée,
donc une molécule : active sur S. pseudintermedius ou un autre germe responsable et non
inhibée par les ßlactamases, ayant une bonne
diffusion cutanée et sous-cutanée, plutôt
bactéricide lors de pyodermites récidivantes,
entraînant peu d’effets secondaires, n’induisant pas de résistance (traitement souvent
prolongé), d’administration aisée (voie orale, 1
à 2 fois/j), coût non prohibitif. Ce choix se fait
ensuite selon les habitudes de chacun dans
une liste d’antibiotiques répondant au mieux
aux exigences citées ci-dessus. Pour une pyodermite superficielle, on choisira donc plutôt
la céfalexine ou l’association amoxicillineacide clavulanique.
- récidive d’une pyodermite moins d’un an
après un traitement bien conduit (antibiothérapie correctement administrée, cause prédisposante corrigée)
Le choix de l’antifongique est beaucoup plus
restreint est se limite généralement au kétoconazole (5 mg/kg/j), à l’itraconazole (5 mg/
kg/j) et à la terbinafine (30 mg/kg/j)
- inefficacité du traitement antibiotique après
7 à 15 jours
Soins topiques
L’analyse bactériologique n’est pas systématique et doit être réservée aux cas suivants :
- poly-antibiothérapie préalable
- cellulite
- présence de bacilles ou de plusieurs espèces
bactériennes sur les calques cutanés
Le prélèvement bactériologique doit idéalement être précédé d’un arrêt de l’antibiothérapie (plusieurs jours), doit être réalisé sur une
lésion intacte (pustule fermée par exemple) et
1
Lors de processus infectieux cutané, les
soins topiques sont primordiaux puisqu’ils
permettent d’avoir une action directe sur les
agents responsables. Les traitements topiques
permettent d’éliminer les germes, facilitent le
drainage des lésions, améliorent l’état cutané
et surtout restaurent les fonctions de barrière
de la peau. Les lotions (application locale) et
les shampooings sont les présentations les
plus adaptées. En pratique, il est même utile
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de choisir une formulation à la fois antiseptique (réduction de la population bactérienne
ou fongique, donc diminution du risque de
recolonisation trop rapide) mais aussi suffisamment émolliente et hydratante (rétablissement de l’écosystème cutané). Certaines
formulations (spérulites, liposomes) permettent même un relargage progressif des
principes actifs. Les topiques antiseptiques
assurent rapidement une action antibactérienne au sein des lésions. L’antiseptique
choisi doit être bien toléré (pas de réaction
d’hypersensibilité !) et peu dégraissant (fonction de barrière fragilisée) : chlorhexidine,
povidone-iodine, peroxyde de benzoyle. On
évitera les formulations trop occlusives (pommades, crèmes) qui facilitent les macérations
et donc la perpétuation de l’infection.
Les balnéations avec des shampooings thérapeutiques (ex Allermyl®, Douxo Calm®) ont
une action modeste et de courte durée. L’intensité et la fréquence des bains est l’élément
le plus important pour le contrôle du prurit.
Une étude randomisée sur 3 semaines (Bensignor E, 2013) ne montre pas de différence
entre les shampooings Allermyl® et Douxo
Calm® (alternance shampooing/mousse).
Ces résultats confirment ceux d’une autre
étude comparant Allermyl®, Douxo Calm
shampooing® et Douxo Calm® shampooing et
spray (Bourdeau 2007).
Antiprurigineux
L’ajout d’antiprurigineux au traitement de
base (anti-infectieux topique et systémique)
ne se justifie que lors de prurit important et
doit prendre en compte la nécessité d’éviter
une immunosuppression : les corticoïdes sont
donc contre-indiqués et l’oclacitinib ne doit
pas être prescrit en cas d’infection grave.
Bibliographie
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characterization of exfoliative superficial pyodermaassociated epidermal collarettes in dogs. Vet Dermatol, 2016, 27 (Suppl. 1), 17.
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0.011 % hypochlorous acid against pathogenic bacteria. Vet Dermatol, 2016, 27 (Suppl. 1), 51.
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Déclaration publique d’intérêts sous la
responsabilité du ou des auteurs :
• Aucun conflit d'intérêt
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DERMATOLOGIE
PROGRAMME GÉNÉRAL
Prise en charge raisonnée du prurit
Prise en charge du prurit lors de poussée allergique chez le chien
Pascal PRÉLAUD
DV, Dip. ECVD
Clinique Advetia – 5 rue Dubrunfaut – 75012 PARIS
Principales causes de poussée
de dermatite allergique
Pas d’effets indésirable sérieux sur des traitements courts, uniquement de rares troubles
digestifs
Contre-indications
• Interruption ou insuffisance de soins
Traitements antiprurigineux
o APE
- démodécie, maladie virale, pyodermite profonde
Topiques
o Soins auriculaires
Dermocorticoïdes
o Corticothérapie proactive
o Défaut de toilettage (doigts, oreilles)
• Infections
• Puces
• Intolérance de soins topiques
Outils thérapeutiques
Traitement étiologique
Traitement APE systémique
Interruption des soins irritants
Contrôle des infections
Les soins locaux seuls sont souvent insuffisants si le prurit est dû à une infection bactérienne ou fongique.
Topiques antiseptiques associés à des
prises d’oclacitinib
Intéressant lors d’infection bactérienne superficielle (pas lors de dermatite à Malassezia).
- antécédents ou présence de tumeurs
Indications : prurit localisé non infecté
Efficacité : réponse plus lente qu’avec l’oclacitinib ou les corticoïdes systémiques
Précautions d’utilisation : tenir compte des
variations d’absorption des dermocorticoïdes
selon la région anatomique (tableau) ou le
type de peau. Bien connues chez l’homme,
elles sont probablement similaires chez le
chien :
• absorption accrue sur les zones à peau fine,
dans les plis, diminuée dans les zones à
couche cornée épaisse ;
• absorption accrue sur les zones où l’altération de la barrière épidermique est importante (dermatite atopique) ;
• absorption accrue par l’occlusion (utilisée
pour les lésions hyperkératosiques) ;
• absorption accrue chez le jeune
Tableau : Indice de résorption de l’hydrocortisone chez l’homme
Topique sous la forme de shampooing
chlorhexidine 1 à 2 fois par semaine associé à
des sprays ou des lingettes ou des mousses
les autres jours.
Bras 1
- âge < 1 an
Administration deux fois par jour les deux premières semaines (0,4 mg/kg par prise) puis
une fois par jour.
Efficacité très rapide, mais pas toujours satisfaisante notamment lors d’infection associée.
Effets secondaires : très rares à court terme
(prise de poids, troubles digestifs, troubles du
comportement). Toujours effectuer un hémogramme lors d’utilisation au long cours, éviter
les surdosages prolongés.
Corticoïdes
Indiqués dans :
- toutes les formes de dermatite allergique
pour contrôler le prurit en l’absence d’infection
- otite externe sténotique, otite moyenne associée
Contre-indications
- diabète, IR
Cuir et cheveu 3,5
- démodécie, maladie virale, pyodermite profonde
Front 6
- antécédents ou présence de tumeurs
Oclacitinib 0,4-0,6 mg/kg bid, 5 à 10 jours.
Joue 13
Antibiothérapie
Scrotum/paupières 42
Prenisolone 0,5 mg/kg 1 à 2 fois par jour 3 à 10
jours. Ce traitement peut être interrompu sans
nécessité de sevrage progressif
Empirique lors d’infection par des coques, en
fonction des résultats d’un antibiogramme
lors d’infection récidivante ancienne ou d’infection bacillaire.
Effets secondaires
• Macération
Effets secondaire : très fréquents (PUPD,
boulimie, prise de poids, troubles digestifs,
troubles du comportement, infections urinaires).
• Atrophie cutanée
Remarques
En cas d’échec à 1 semaine, effectuer un antibiogramme et réévaluer le diagnostic.
• Infection
Principaux effets secondaires : troubles digestifs, développement de résistances.
Efficacité modeste, voire nulle, préférer les
antiseptiques ou les émollients
Nous ne mentionnons pas la ciclosporine qui
ne trouve pas son indication ici, mais dans le
traitement de fond de la dermatite atopique,
ni des antihistaminique dont l’activité antiprurigineuse est généralement nulle.
Antifongiques
Antiprurigineux systémiques
Kétoconazole ou itraconazole 5 à 10 mg/kg/j
jusqu’à guérison (1-3 semaines).
Oclacitinib
Traitement jusqu’à guérison complète quelle
que soit sa durée (1 ou 8 semaines).
Administration du kétoconazole avec un repas.
• Irritation
Topiques non stéroïdiens
Indiqué dans toutes les formes de dermatite
allergique pour contrôler le prurit
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Déclaration publique d’intérêts sous la
responsabilité du ou des auteurs :
• Aucun conflit d'intérêt
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LILLE GRAND PALAIS
DERMATOLOGIE
PROGRAMME GÉNÉRAL
Prise en charge raisonnée du prurit
Prise en charge du prurit chronique
Arnaud MULLER1 - Eric GUAGUÈRE2
1
DV, Dip. ECVD, CES Dermatologie
DV, Dip. ECVD, CES Biochimie et Hématologie Cliniques Animales, CES Dematologie, DESV Dermatologie
Clinique vétérinaire Saint Bernard, 598 avenue de Dunkerque F-59160 LOMME France
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La prise en charge du prurit chronique correspond essentiellement en dermatologie
vétérinaire au traitement au long cours de la
dermatite atopique canine (DAC), même si
des causes plus rares doivent être connues car
elles nécessitent une thérapeutique spécifique
(prurit lors de psychodermatose, de neuropathie ou de lymphome cutané par exemple). Ce
prurit chronique est à l’origine de lésions cutanées et d’une dégradation de la qualité de vie
(de l’animal et de son propriétaire).
Prise en charge du prurit chronique
lors de dermatite atopique
L’ICADA (International Committee on Allergic
Diseases of Animal) a émis des recommandations en 2010, révisées en 2015, pour le traitement au long cours de la DAC. Elles sont
issues de la médecine basée sur les preuves
et permettent une revue complète des traitements envisageables dans cette entité.
Identification et éviction des causes de
poussées
Un régime d’éviction alimentaire doit être
mis en place pour une durée de 6 à 10 semaines, afin d’explorer une hypersensibilité
alimentaire (isolée ou concomitante avec une
allergie aux aéroallergènes). Les acariens de
stockage comme Tyrophagus pouvant se développer dans les aliments, ces derniers doivent
être conservés dans un lieu sec pas trop
chaud. Un traitement antipuce draconien doit
être instauré : traitement toute l’année avec
un APE systémique (shampooings fréquents
sur un chien atteint de DAC). Une éventuelle
sensibilisation à des aéroallergènes doit être
recherchée par des tests allergologiques (intradermoréactions). Des mesures de contrôle
des acariens de la poussière de maison
peuvent être mises en place. Les infections
bactériennes ou fongiques doivent être identifiées (examen cytologique +/- culture) et
traitées selon les recommandations actuelles
(topiques antimicrobiens +/- antibiotiques ou
antifongiques systémiques). En cas d’infection par Malassezia, l’itraconazole (5 mg/
kg/j) ou la terbinafine (30 mg/kg/j) peuvent
être prescrits 2 jours consécutifs par semaine
(pour la terbinafine, meilleur effet sur le prurit
en pulsée qu’en prise continue)
Améliorer l’hygiène cutanée
Il est recommandé de baigner une fois par
semaine un chien atteint de DAC à l’aide d’un
shampooing doux non irritant (élimination
des allergènes et d’une partie de la flore microbienne, effet apaisant et émollient). Selon
l’état cutané, un shampooing antiprurigineux,
kératomodérateur ou antiseptique sera choisi
(ou en combinaison). L’apport d’acides gras
essentiels (aliments enrichis, suppléments
oraux, topiques) ou de lipides (topiques) influent sur la qualité du pelage et la composition de la couche cornée mais n’ont pas d’effet
sur le prurit pris isolément.
Réduction médicamenteuse du prurit
lors de DAC
Dermocorticoïdes et tacrolimus
Les dermocorticoïdes, et tout particulièrement
l’acéponate d’hydrocortisone, ont montré une
réelle efficacité au long cours dans la prise en
charge du prurit lors de DAC (efficacité équivalente à la ciclosporine). En cas d’atrophie
cutanée induite par leur utilisation prolongée,
le tacrolimus peut être choisi (rarement en
première intention, compte tenu de son coût
élevé). Une étude a montré l’efficacité sur la
réduction du prurit d’un après-shampooing à
base de budésonide et une autre l’intérêt d’un
shampooing à base de clobétasol.
Immunomodulateurs systémiques
Les immunomodulateurs systémiques efficaces dans la DAC sont les corticoïdes oraux
(prednisolone, prednisone, méthylprednisolone), la ciclosporine et l’oclacitinib. La ciclosporine est plus lente à agir sur le prurit (environ un mois), d’où son association éventuelle
avec les corticoïdes pendant la phase d’initiation (3 semaines environ).
Après réduction satisfaisante du prurit, une
diminution de posologie est effectuée, afin de
rechercher la dose minimale efficace (diminution de la dose journalière ou espacement des
prises) : dose initiale de corticoïdes à 0,5 mg/
4
kg/j, de ciclosporine à 5 mg/kg/j (pas d’ajustement généralement avant 1 mois), d’oclacitinib à 0,4-0,6 mg/kg 2 fois par jour pendant
14 j (puis une fois par jour et ensuite il est
parfois possible de diminuer encore la dose).
L’association prolongée de deux de ces molécules est déconseillée en raison d’un risque
important d’immunosuppression (infections
opportunistes potentiellement fatales). En
revanche, la diminution des doses de ces différents médicaments peut être facilitée par
l’administration de traitements concomitants
(shampooings émollients, désensibilisation,
AGE, etc.)
Corticoïdes
Les corticoïdes sont réputés très efficaces
pour le contrôle du prurit. Mais leur utilisation au long cours peut provoquer des effets
secondaires non négligeables, incluant une
prise de poids, un syndrome de Cushing iatrogène, une calcinose cutanée, une immunodépression, etc. Il est ainsi recommandé en plus
de rechercher la dose minimale efficace, de
réaliser un examen urinaire 2 fois par an pour
détecter une éventuelle infection.
Ciclosporine
Les inhibiteurs de la calcineurine agissent
notamment en inhibant la production et
l’action de certaines cytokines. Les essais de
l’utilisation de la ciclosporine dans la DAC ont
démontré que cette molécule a une efficacité
similaire aux corticoïdes oraux. Après un mois
à la dose d’attaque de 5 mg/kg/j, une diminution est possible chez la moitié des chiens
(un jour sur deux, voire un jour sur trois). Un
quart des patients présentent des troubles
digestifs à l’initiation du traitement, mais qui
disparaissent le plus souvent après un arrêt
temporaire. La toxicité à long terme est assez
faible avec notamment une hyperplasie gingivale observée uniquement dans 1 à 2 % des
cas de DAC traités à la ciclosporine. Compte
tenu de son mode d’action, le prurit diminue
lentement (en 2 à 4 semaines) et de plus en
plus de dermatologues associent de la prednisolone pendant 2-3 semaines. Aucun suivi
biologique n’est particulièrement recommandé lors de traitement à la ciclosporine.
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Oclacitinib
Une nouvelle molécule appelée oclacitinib a
été développée comme antiprurigineux puissant. Elle appartient à une classe nommée les
inhibiteurs des Janus kinases. Il existe 4 Janus
kinases (JAK1, JAK2, JAK3 et TYK2). Les
JAKs fonctionnent par paires (JAK1/JAK2 par
exemple) et interagissent avec une autre famille de molécules, les STAT, qui exercent une
régulation de la transcription des protéines au
niveau du noyau cellulaire. Il existe donc de
multiples combinaisons JAK/STAT dans les
différents tissus de l’organisme. La fonction de
ces Janus kinases (JAK) est de transmettre un
signal d’un récepteur de la surface cellulaire
au noyau ; elles sont en particulier impliquées
dans de nombreuses voies inflammatoires,
notamment les cytokines et leurs récepteurs.
Récemment, l’IL-31 a été identifiée comme
une cytokine majeure du prurit, sécrétée par
les lymphocytes TH2 « proallergiques » et
agissant en se fixant sur un récepteur impliqué dans une voie JAK/STAT. L’activation de
cette voie induit un cercle vicieux d’interactions neuro-immunologiques et de prurit.
L’oclacitinib est un inhibiteur de JAK et plus
spécifiquement de JAK1 et a montré sa capacité à stopper le prurit, parfois plus rapidement même que la prednisolone. Les études
comparatives avec la prednisolone ou la
ciclosporine montrent une efficacité similaire avec une très grande rapidité d’action
(dans les heures qui suivent l’administration
orale). L’oclacitinib possède une AMM pour le
contrôle du prurit chronique avec une efficacité de 60 à 70 % chez les chiens allergiques.
Certains chiens non contrôlés par d’autres
médications répondent en effet remarquablement bien. Les effets secondaires rapportés
se limitent à des troubles gastro-intestinaux,
une polyphagie, des plages hyperpigmentées
et dans de rares cas une agressivité (prévenir
les propriétaires).
Aucune interaction n’est rapportée avec les
antibiotiques, les antifongiques, les antihistaminiques, les AINS, les tests allergologiques,
la désensibilisation et la vaccination. En revanche, son emploi est contre-indiqué en cas
d’infection grave, de démodécie ou de cancer
actif.
L’IL-31 étant fortement impliqué dans le prurit,
au moins allergique, un anticorps monoclonal
anti-IL-31 (le lokivetmab) a été développé et
montre une grande efficacité sur le prurit dans
les études déjà réalisées. Il sera prochainement disponible en Europe.
Interféron
L’interféron gammma canin recombinant (non
disponible en France) est efficace dans le
traitement de la DAC, tandis que l’interféron
oméga recombinant félin (1-5 MU, 3 fois par
semaine pendant un mois, puis une fois par
mois) donne des résultats inconstants.
Autres molécules
Un certain nombre de molécules sont utilisées dans le traitement de la dermatite atopique, sans avoir démontré une efficacité suffisante et ne peuvent donc être recommandés
en première intention : anti-histaminiques
(cétirizine, hydroxyzine, fexofénadine), pentoxifylline, misoprostol, tepoxalin, fluoxétine
(aucune efficacité), masitinib (efficacité modeste et effets secondaires rénaux), injection
d’acides gras essentiels.
Thérapie proactive
Il a été démontré chez l’homme, comme chez
l’animal, que des lésions microscopiques inflammatoires subcliniques et des défauts de la
barrière cutanée peuvent être retrouvés dans
la peau atopique apparemment saine et qu’ils
sont redevables de traitements intermittents
récurrents (2 à 3 fois par semaine), même
en l’absence de lésions cliniquement visibles,
afin d’éviter de nouvelles poussées. La thérapeutique « préventive », dite proactive, néologisme issu de l’adjectif anglais proactive et
signifiant « qui anticipe les réponses à donner
à un problème » est définie par l’application à
long terme et à faible dose d’un anti-inflammatoire, sur une peau ayant été précédemment lésée (mais d’aspect sain au moment
de l’application) et elle est inscrite dans les
Recommandations Européennes pour le traitement de l’eczéma atopique humain.
Le protocole classique consiste en une phase
d’attaque (application fréquente d’un dermocorticoïde) jusqu’à disparition clinique des lésions cutanées inflammatoires (traitement de
la poussée), une phase d’entretien avec application (proactive) d’un dermocorticoïde ou de
tacrolimus, généralement 2 fois par semaine.
L’emploi d’une telle thérapie proactive permet
de réduire la fréquence des poussées et donc
la consommation médicamenteuse globale.
L’application deux jours consécutifs une fois
par semaine d’acéponate d’hydrocortisone
sur les zones de prédilection de poussée permet d’espacer les crises sans signe visible
d’atrophie cutanée. Cet effet proactif peut
sans doute être attendu avec des corticoïdes
moins puissants.
la désensibilisation sans observer de rechute,
mais la plupart des chiens nécessitent un traitement à vie. Dans une enquête rétrospective
en ligne (Dell et coll., 2012) auprès de propriétaires de chiens atopiques 5 et 10 ans après
le début d’une désensibilisation, environ 1/3
jugent le traitement « très efficace » ou extrêmement efficace » et environ 5 % des chiens
présentent une guérison complète apparente
Une étude rétrospective à grande échelle de
chiens traités plus d’un an rapporte 63 % de
réponses bonnes à excellentes (Carlotti et
coll.). De même, la publication de DeBoer et
coll. en 2012 (étude ouverte multicentrique
et rétrospective) rapporte une bonne réponse
chez environ 60 % des chiens nouvellement
traités.
Prise en charge du prurit
neuropathique
Le prurit neuropathique/neurogénique correspond à une sensation de démangeaison
lié à une atteinte du système nerveux (périphérique/central). Après stimulation des prurirécepteurs cutanés par divers médiateurs
(bradykinines, substance P…), l’influx nerveux
est transmis (fibres Aδ et C) jusqu’au cortex
cérébral, provoquant ainsi la perception de
démangeaison et une réponse appropriée
(léchage, grattage, mordillement…). On inclut
dans le prurit neuropathique le prurit accompagnant la syringomyélie, le syndrome d’automutilation des extrémités, le granulome de
léchage.
Le traitement antiprurigineux fait alors appel aux opiacés (blocage de la transmission
interneuronale de l’influx nerveux) par voie
orale, mais plus souvent aux anti-épileptiques, tout particulièrement la gabapentine
(Neurontin ND), qui diminuent l’excitabilité
des fibres nerveuses (analogues du GABA)
et ont démontré leur efficacité dans les prurits paroxystiques et neuropathiques, comme
par exemple les douleurs postzostériennes
de l’adulte humain, et méritent d’être utilisés dans certaines dermatoses prurigineuses
neuropathiques canines. Plus simplement, il
ne faut pas négliger l’effet apaisant de l’eau
froide et préconiser donc des balnéations fréquentes (quotidiennes à biquotidiennes) des
zones concernées.
Désensibilisation
Prise en charge du prurit
psychogène
La désensibilisation ou immunothérapie spécifique d’allergènes est efficace dans le contrôle
de la DAC et notamment dans la réduction
des scores de prurit. Il est possible après une
longue période de traitement d’interrompre
Le prurit d’origine comportementale ne doit
plus être un diagnostic d’exclusion mais être
identifié après un interrogatoire précis et si
besoin une véritable consultation comportementale, permettant de faire un diagnostic
5
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d’anxiété, les antidépresseurs (sérotoninergiques ou noradrénergiques, voire mixtes,
agissent en augmentant la quantité d’amines
biogènes au niveau des synapses) sont régulièrement employés et choisis en fonction de
la situation : sérotoninergiques (inhibiteurs
de la recapture de la sérotonine comme la
fluoxétine ou la sélégiline), noradrénergiques
(comme la miansérine), mixtes (comme la
clomipramine, le tramadol ou l’amitriptyline).
Gadeyne C. et coll. Efficacy of oclacitinib (Apoquel®)
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and clinical signs associated with allergic dermatitis in
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