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24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS DERMATOLOGIE PROGRAMME GÉNÉRAL Prise en charge raisonnée du prurit Prise en charge du prurit lors d’infection cutanée Arnaud MULLER1 - Eric GUAGUÈRE2 1 DV, Dip. ECVD, CES Dermatologie DV, Dip. ECVD, CES Biochimie et Hématologie Cliniques Animales, CES Dematologie, DESV Dermatologie Clinique vétérinaire Saint Bernard, 598 avenue de Dunkerque F-59160 LOMME France 2 Infection cutanée et prurit Lors d’infection cutanée par des Staphylocoques (plus de 80 % des cas de pyodermites canines), certaines substances bactériennes (protéine A, peptidoglycanes, acide teichoïque, exotoxines, etc.) peuvent favoriser l’inflammation cutanée et le prurit par divers mécanismes : hypersensibilité à ces substances bactériennes, activation lymphocytaire par un phénomène de super-antigène, autres mécanismes non spécifiques. Ainsi, il a été démontré que les chiens à pyodermite superficielle récidivante (secondaire ou pas à une dermatite atopique) présentaient des taux plus élevés d’IgE antistaphylocoques (d’où une dégranulation mastocytaire pouvant induire un prurit). De même, la colonisation et la prolifération des Malassezia peut contribuer à l’inflammation et le prurit, du fait de mécanismes non spécifiques comme l’altération du relargage de certaines médiateurs ou par des réactions d’hypersensibilité spécifiques d’antigènes (notamment IgE-médiées) . En outre, chez un chien atopique, les infections secondaires participent à l’initiation et/ ou la perpétuation d’une poussée allergique (surinfections d’autant plus fréquentes que le chien atopique présente une susceptibilité plus grande aux infections (notamment par une adhérence accrue des staphylocoques à la peau du chien atopique). L’addition des facteurs pruritogènes bactériens et allergiques conduit généralement à un prurit plus marqué. Diagnostic d’une infection cutanée La parfaite connaissance des signes cliniques d’une pyodermite permet dans la grande majorité des cas de confirmer ou d’infirmer l’existence d’une pyodermite et de la caractériser (pyodermite superficielle ou profonde notamment). Un examen cytologique par calque cutané devrait être systématique en présence de lésions évoquant une pyodermite. L’observation de nombreuses bactéries, coccoïdes ou en bâtonnets, en position intracellulaire, phagocytées par des polynucléaires, caractérise une invasion bactérienne et donc une infection cutanée. Si des macrophages, voire des lymphoplasmocytes et parfois des hématies, sont observés, cette infection est profonde et/ou chronique (souvent moins de germes visibles). Le test à la cellophane adhésive ou scotch test permet de récolter les Malassezia présentes sur les couches les plus superficielles du stratum corneum en les fixant sur un substrat adhésif. Un morceau de ruban adhésif transparent de type “cristal” est appliqué sur la peau, à la base des poils, puis retiré d’un mouvement sec. Ce geste est répété plusieurs fois au même endroit, jusqu’à ce que le ruban ne colle plus. Le scotch est ensuite coloré avec des colorants rapides de type RAL®. on retrouve principalement Malassezia pachydermatis, d’aspect microscopique typique (en bouteille de Perrier, en « empreinte de pas ») : cellules à bourgeonnement unilatéral sur une base large, avec une coloration basophile. La présence de 3 à 5 levures par champ microscopique est considérée comme significative d’une multiplication exagérée. enfin doit être envoyé rapidement à un laboratoire compétent avec toutes les indications utiles. Traitement du prurit associé à une infection Traitement oral antibiotique et antifongique La base du traitement antiprurigineux est le traitement de l’infection associée à ce prurit : antibiothérapie pour une pyodermite et antifongique pour une dermatite à Malassezia. - rechute d’une pyodermite profonde Le choix de l’antibiotique se réfère aux principes de base d’une antibiothérapie raisonnée, donc une molécule : active sur S. pseudintermedius ou un autre germe responsable et non inhibée par les ßlactamases, ayant une bonne diffusion cutanée et sous-cutanée, plutôt bactéricide lors de pyodermites récidivantes, entraînant peu d’effets secondaires, n’induisant pas de résistance (traitement souvent prolongé), d’administration aisée (voie orale, 1 à 2 fois/j), coût non prohibitif. Ce choix se fait ensuite selon les habitudes de chacun dans une liste d’antibiotiques répondant au mieux aux exigences citées ci-dessus. Pour une pyodermite superficielle, on choisira donc plutôt la céfalexine ou l’association amoxicillineacide clavulanique. - récidive d’une pyodermite moins d’un an après un traitement bien conduit (antibiothérapie correctement administrée, cause prédisposante corrigée) Le choix de l’antifongique est beaucoup plus restreint est se limite généralement au kétoconazole (5 mg/kg/j), à l’itraconazole (5 mg/ kg/j) et à la terbinafine (30 mg/kg/j) - inefficacité du traitement antibiotique après 7 à 15 jours Soins topiques L’analyse bactériologique n’est pas systématique et doit être réservée aux cas suivants : - poly-antibiothérapie préalable - cellulite - présence de bacilles ou de plusieurs espèces bactériennes sur les calques cutanés Le prélèvement bactériologique doit idéalement être précédé d’un arrêt de l’antibiothérapie (plusieurs jours), doit être réalisé sur une lésion intacte (pustule fermée par exemple) et 1 Lors de processus infectieux cutané, les soins topiques sont primordiaux puisqu’ils permettent d’avoir une action directe sur les agents responsables. Les traitements topiques permettent d’éliminer les germes, facilitent le drainage des lésions, améliorent l’état cutané et surtout restaurent les fonctions de barrière de la peau. Les lotions (application locale) et les shampooings sont les présentations les plus adaptées. En pratique, il est même utile 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS de choisir une formulation à la fois antiseptique (réduction de la population bactérienne ou fongique, donc diminution du risque de recolonisation trop rapide) mais aussi suffisamment émolliente et hydratante (rétablissement de l’écosystème cutané). Certaines formulations (spérulites, liposomes) permettent même un relargage progressif des principes actifs. Les topiques antiseptiques assurent rapidement une action antibactérienne au sein des lésions. L’antiseptique choisi doit être bien toléré (pas de réaction d’hypersensibilité !) et peu dégraissant (fonction de barrière fragilisée) : chlorhexidine, povidone-iodine, peroxyde de benzoyle. On évitera les formulations trop occlusives (pommades, crèmes) qui facilitent les macérations et donc la perpétuation de l’infection. Les balnéations avec des shampooings thérapeutiques (ex Allermyl®, Douxo Calm®) ont une action modeste et de courte durée. L’intensité et la fréquence des bains est l’élément le plus important pour le contrôle du prurit. Une étude randomisée sur 3 semaines (Bensignor E, 2013) ne montre pas de différence entre les shampooings Allermyl® et Douxo Calm® (alternance shampooing/mousse). Ces résultats confirment ceux d’une autre étude comparant Allermyl®, Douxo Calm shampooing® et Douxo Calm® shampooing et spray (Bourdeau 2007). Antiprurigineux L’ajout d’antiprurigineux au traitement de base (anti-infectieux topique et systémique) ne se justifie que lors de prurit important et doit prendre en compte la nécessité d’éviter une immunosuppression : les corticoïdes sont donc contre-indiqués et l’oclacitinib ne doit pas être prescrit en cas d’infection grave. 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ECVD Clinique Advetia – 5 rue Dubrunfaut – 75012 PARIS Principales causes de poussée de dermatite allergique Pas d’effets indésirable sérieux sur des traitements courts, uniquement de rares troubles digestifs Contre-indications • Interruption ou insuffisance de soins Traitements antiprurigineux o APE - démodécie, maladie virale, pyodermite profonde Topiques o Soins auriculaires Dermocorticoïdes o Corticothérapie proactive o Défaut de toilettage (doigts, oreilles) • Infections • Puces • Intolérance de soins topiques Outils thérapeutiques Traitement étiologique Traitement APE systémique Interruption des soins irritants Contrôle des infections Les soins locaux seuls sont souvent insuffisants si le prurit est dû à une infection bactérienne ou fongique. Topiques antiseptiques associés à des prises d’oclacitinib Intéressant lors d’infection bactérienne superficielle (pas lors de dermatite à Malassezia). - antécédents ou présence de tumeurs Indications : prurit localisé non infecté Efficacité : réponse plus lente qu’avec l’oclacitinib ou les corticoïdes systémiques Précautions d’utilisation : tenir compte des variations d’absorption des dermocorticoïdes selon la région anatomique (tableau) ou le type de peau. Bien connues chez l’homme, elles sont probablement similaires chez le chien : • absorption accrue sur les zones à peau fine, dans les plis, diminuée dans les zones à couche cornée épaisse ; • absorption accrue sur les zones où l’altération de la barrière épidermique est importante (dermatite atopique) ; • absorption accrue par l’occlusion (utilisée pour les lésions hyperkératosiques) ; • absorption accrue chez le jeune Tableau : Indice de résorption de l’hydrocortisone chez l’homme Topique sous la forme de shampooing chlorhexidine 1 à 2 fois par semaine associé à des sprays ou des lingettes ou des mousses les autres jours. Bras 1 - âge < 1 an Administration deux fois par jour les deux premières semaines (0,4 mg/kg par prise) puis une fois par jour. Efficacité très rapide, mais pas toujours satisfaisante notamment lors d’infection associée. Effets secondaires : très rares à court terme (prise de poids, troubles digestifs, troubles du comportement). Toujours effectuer un hémogramme lors d’utilisation au long cours, éviter les surdosages prolongés. Corticoïdes Indiqués dans : - toutes les formes de dermatite allergique pour contrôler le prurit en l’absence d’infection - otite externe sténotique, otite moyenne associée Contre-indications - diabète, IR Cuir et cheveu 3,5 - démodécie, maladie virale, pyodermite profonde Front 6 - antécédents ou présence de tumeurs Oclacitinib 0,4-0,6 mg/kg bid, 5 à 10 jours. Joue 13 Antibiothérapie Scrotum/paupières 42 Prenisolone 0,5 mg/kg 1 à 2 fois par jour 3 à 10 jours. Ce traitement peut être interrompu sans nécessité de sevrage progressif Empirique lors d’infection par des coques, en fonction des résultats d’un antibiogramme lors d’infection récidivante ancienne ou d’infection bacillaire. Effets secondaires • Macération Effets secondaire : très fréquents (PUPD, boulimie, prise de poids, troubles digestifs, troubles du comportement, infections urinaires). • Atrophie cutanée Remarques En cas d’échec à 1 semaine, effectuer un antibiogramme et réévaluer le diagnostic. • Infection Principaux effets secondaires : troubles digestifs, développement de résistances. Efficacité modeste, voire nulle, préférer les antiseptiques ou les émollients Nous ne mentionnons pas la ciclosporine qui ne trouve pas son indication ici, mais dans le traitement de fond de la dermatite atopique, ni des antihistaminique dont l’activité antiprurigineuse est généralement nulle. Antifongiques Antiprurigineux systémiques Kétoconazole ou itraconazole 5 à 10 mg/kg/j jusqu’à guérison (1-3 semaines). Oclacitinib Traitement jusqu’à guérison complète quelle que soit sa durée (1 ou 8 semaines). Administration du kétoconazole avec un repas. • Irritation Topiques non stéroïdiens Indiqué dans toutes les formes de dermatite allergique pour contrôler le prurit 3 Déclaration publique d’intérêts sous la responsabilité du ou des auteurs : • Aucun conflit d'intérêt 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS DERMATOLOGIE PROGRAMME GÉNÉRAL Prise en charge raisonnée du prurit Prise en charge du prurit chronique Arnaud MULLER1 - Eric GUAGUÈRE2 1 DV, Dip. ECVD, CES Dermatologie DV, Dip. ECVD, CES Biochimie et Hématologie Cliniques Animales, CES Dematologie, DESV Dermatologie Clinique vétérinaire Saint Bernard, 598 avenue de Dunkerque F-59160 LOMME France 2 La prise en charge du prurit chronique correspond essentiellement en dermatologie vétérinaire au traitement au long cours de la dermatite atopique canine (DAC), même si des causes plus rares doivent être connues car elles nécessitent une thérapeutique spécifique (prurit lors de psychodermatose, de neuropathie ou de lymphome cutané par exemple). Ce prurit chronique est à l’origine de lésions cutanées et d’une dégradation de la qualité de vie (de l’animal et de son propriétaire). Prise en charge du prurit chronique lors de dermatite atopique L’ICADA (International Committee on Allergic Diseases of Animal) a émis des recommandations en 2010, révisées en 2015, pour le traitement au long cours de la DAC. Elles sont issues de la médecine basée sur les preuves et permettent une revue complète des traitements envisageables dans cette entité. Identification et éviction des causes de poussées Un régime d’éviction alimentaire doit être mis en place pour une durée de 6 à 10 semaines, afin d’explorer une hypersensibilité alimentaire (isolée ou concomitante avec une allergie aux aéroallergènes). Les acariens de stockage comme Tyrophagus pouvant se développer dans les aliments, ces derniers doivent être conservés dans un lieu sec pas trop chaud. Un traitement antipuce draconien doit être instauré : traitement toute l’année avec un APE systémique (shampooings fréquents sur un chien atteint de DAC). Une éventuelle sensibilisation à des aéroallergènes doit être recherchée par des tests allergologiques (intradermoréactions). Des mesures de contrôle des acariens de la poussière de maison peuvent être mises en place. Les infections bactériennes ou fongiques doivent être identifiées (examen cytologique +/- culture) et traitées selon les recommandations actuelles (topiques antimicrobiens +/- antibiotiques ou antifongiques systémiques). En cas d’infection par Malassezia, l’itraconazole (5 mg/ kg/j) ou la terbinafine (30 mg/kg/j) peuvent être prescrits 2 jours consécutifs par semaine (pour la terbinafine, meilleur effet sur le prurit en pulsée qu’en prise continue) Améliorer l’hygiène cutanée Il est recommandé de baigner une fois par semaine un chien atteint de DAC à l’aide d’un shampooing doux non irritant (élimination des allergènes et d’une partie de la flore microbienne, effet apaisant et émollient). Selon l’état cutané, un shampooing antiprurigineux, kératomodérateur ou antiseptique sera choisi (ou en combinaison). L’apport d’acides gras essentiels (aliments enrichis, suppléments oraux, topiques) ou de lipides (topiques) influent sur la qualité du pelage et la composition de la couche cornée mais n’ont pas d’effet sur le prurit pris isolément. Réduction médicamenteuse du prurit lors de DAC Dermocorticoïdes et tacrolimus Les dermocorticoïdes, et tout particulièrement l’acéponate d’hydrocortisone, ont montré une réelle efficacité au long cours dans la prise en charge du prurit lors de DAC (efficacité équivalente à la ciclosporine). En cas d’atrophie cutanée induite par leur utilisation prolongée, le tacrolimus peut être choisi (rarement en première intention, compte tenu de son coût élevé). Une étude a montré l’efficacité sur la réduction du prurit d’un après-shampooing à base de budésonide et une autre l’intérêt d’un shampooing à base de clobétasol. Immunomodulateurs systémiques Les immunomodulateurs systémiques efficaces dans la DAC sont les corticoïdes oraux (prednisolone, prednisone, méthylprednisolone), la ciclosporine et l’oclacitinib. La ciclosporine est plus lente à agir sur le prurit (environ un mois), d’où son association éventuelle avec les corticoïdes pendant la phase d’initiation (3 semaines environ). Après réduction satisfaisante du prurit, une diminution de posologie est effectuée, afin de rechercher la dose minimale efficace (diminution de la dose journalière ou espacement des prises) : dose initiale de corticoïdes à 0,5 mg/ 4 kg/j, de ciclosporine à 5 mg/kg/j (pas d’ajustement généralement avant 1 mois), d’oclacitinib à 0,4-0,6 mg/kg 2 fois par jour pendant 14 j (puis une fois par jour et ensuite il est parfois possible de diminuer encore la dose). L’association prolongée de deux de ces molécules est déconseillée en raison d’un risque important d’immunosuppression (infections opportunistes potentiellement fatales). En revanche, la diminution des doses de ces différents médicaments peut être facilitée par l’administration de traitements concomitants (shampooings émollients, désensibilisation, AGE, etc.) Corticoïdes Les corticoïdes sont réputés très efficaces pour le contrôle du prurit. Mais leur utilisation au long cours peut provoquer des effets secondaires non négligeables, incluant une prise de poids, un syndrome de Cushing iatrogène, une calcinose cutanée, une immunodépression, etc. Il est ainsi recommandé en plus de rechercher la dose minimale efficace, de réaliser un examen urinaire 2 fois par an pour détecter une éventuelle infection. Ciclosporine Les inhibiteurs de la calcineurine agissent notamment en inhibant la production et l’action de certaines cytokines. Les essais de l’utilisation de la ciclosporine dans la DAC ont démontré que cette molécule a une efficacité similaire aux corticoïdes oraux. Après un mois à la dose d’attaque de 5 mg/kg/j, une diminution est possible chez la moitié des chiens (un jour sur deux, voire un jour sur trois). Un quart des patients présentent des troubles digestifs à l’initiation du traitement, mais qui disparaissent le plus souvent après un arrêt temporaire. La toxicité à long terme est assez faible avec notamment une hyperplasie gingivale observée uniquement dans 1 à 2 % des cas de DAC traités à la ciclosporine. Compte tenu de son mode d’action, le prurit diminue lentement (en 2 à 4 semaines) et de plus en plus de dermatologues associent de la prednisolone pendant 2-3 semaines. Aucun suivi biologique n’est particulièrement recommandé lors de traitement à la ciclosporine. 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS Oclacitinib Une nouvelle molécule appelée oclacitinib a été développée comme antiprurigineux puissant. Elle appartient à une classe nommée les inhibiteurs des Janus kinases. Il existe 4 Janus kinases (JAK1, JAK2, JAK3 et TYK2). Les JAKs fonctionnent par paires (JAK1/JAK2 par exemple) et interagissent avec une autre famille de molécules, les STAT, qui exercent une régulation de la transcription des protéines au niveau du noyau cellulaire. Il existe donc de multiples combinaisons JAK/STAT dans les différents tissus de l’organisme. La fonction de ces Janus kinases (JAK) est de transmettre un signal d’un récepteur de la surface cellulaire au noyau ; elles sont en particulier impliquées dans de nombreuses voies inflammatoires, notamment les cytokines et leurs récepteurs. Récemment, l’IL-31 a été identifiée comme une cytokine majeure du prurit, sécrétée par les lymphocytes TH2 « proallergiques » et agissant en se fixant sur un récepteur impliqué dans une voie JAK/STAT. L’activation de cette voie induit un cercle vicieux d’interactions neuro-immunologiques et de prurit. L’oclacitinib est un inhibiteur de JAK et plus spécifiquement de JAK1 et a montré sa capacité à stopper le prurit, parfois plus rapidement même que la prednisolone. Les études comparatives avec la prednisolone ou la ciclosporine montrent une efficacité similaire avec une très grande rapidité d’action (dans les heures qui suivent l’administration orale). L’oclacitinib possède une AMM pour le contrôle du prurit chronique avec une efficacité de 60 à 70 % chez les chiens allergiques. Certains chiens non contrôlés par d’autres médications répondent en effet remarquablement bien. Les effets secondaires rapportés se limitent à des troubles gastro-intestinaux, une polyphagie, des plages hyperpigmentées et dans de rares cas une agressivité (prévenir les propriétaires). Aucune interaction n’est rapportée avec les antibiotiques, les antifongiques, les antihistaminiques, les AINS, les tests allergologiques, la désensibilisation et la vaccination. En revanche, son emploi est contre-indiqué en cas d’infection grave, de démodécie ou de cancer actif. L’IL-31 étant fortement impliqué dans le prurit, au moins allergique, un anticorps monoclonal anti-IL-31 (le lokivetmab) a été développé et montre une grande efficacité sur le prurit dans les études déjà réalisées. Il sera prochainement disponible en Europe. Interféron L’interféron gammma canin recombinant (non disponible en France) est efficace dans le traitement de la DAC, tandis que l’interféron oméga recombinant félin (1-5 MU, 3 fois par semaine pendant un mois, puis une fois par mois) donne des résultats inconstants. Autres molécules Un certain nombre de molécules sont utilisées dans le traitement de la dermatite atopique, sans avoir démontré une efficacité suffisante et ne peuvent donc être recommandés en première intention : anti-histaminiques (cétirizine, hydroxyzine, fexofénadine), pentoxifylline, misoprostol, tepoxalin, fluoxétine (aucune efficacité), masitinib (efficacité modeste et effets secondaires rénaux), injection d’acides gras essentiels. Thérapie proactive Il a été démontré chez l’homme, comme chez l’animal, que des lésions microscopiques inflammatoires subcliniques et des défauts de la barrière cutanée peuvent être retrouvés dans la peau atopique apparemment saine et qu’ils sont redevables de traitements intermittents récurrents (2 à 3 fois par semaine), même en l’absence de lésions cliniquement visibles, afin d’éviter de nouvelles poussées. La thérapeutique « préventive », dite proactive, néologisme issu de l’adjectif anglais proactive et signifiant « qui anticipe les réponses à donner à un problème » est définie par l’application à long terme et à faible dose d’un anti-inflammatoire, sur une peau ayant été précédemment lésée (mais d’aspect sain au moment de l’application) et elle est inscrite dans les Recommandations Européennes pour le traitement de l’eczéma atopique humain. Le protocole classique consiste en une phase d’attaque (application fréquente d’un dermocorticoïde) jusqu’à disparition clinique des lésions cutanées inflammatoires (traitement de la poussée), une phase d’entretien avec application (proactive) d’un dermocorticoïde ou de tacrolimus, généralement 2 fois par semaine. L’emploi d’une telle thérapie proactive permet de réduire la fréquence des poussées et donc la consommation médicamenteuse globale. L’application deux jours consécutifs une fois par semaine d’acéponate d’hydrocortisone sur les zones de prédilection de poussée permet d’espacer les crises sans signe visible d’atrophie cutanée. Cet effet proactif peut sans doute être attendu avec des corticoïdes moins puissants. la désensibilisation sans observer de rechute, mais la plupart des chiens nécessitent un traitement à vie. Dans une enquête rétrospective en ligne (Dell et coll., 2012) auprès de propriétaires de chiens atopiques 5 et 10 ans après le début d’une désensibilisation, environ 1/3 jugent le traitement « très efficace » ou extrêmement efficace » et environ 5 % des chiens présentent une guérison complète apparente Une étude rétrospective à grande échelle de chiens traités plus d’un an rapporte 63 % de réponses bonnes à excellentes (Carlotti et coll.). De même, la publication de DeBoer et coll. en 2012 (étude ouverte multicentrique et rétrospective) rapporte une bonne réponse chez environ 60 % des chiens nouvellement traités. Prise en charge du prurit neuropathique Le prurit neuropathique/neurogénique correspond à une sensation de démangeaison lié à une atteinte du système nerveux (périphérique/central). Après stimulation des prurirécepteurs cutanés par divers médiateurs (bradykinines, substance P…), l’influx nerveux est transmis (fibres Aδ et C) jusqu’au cortex cérébral, provoquant ainsi la perception de démangeaison et une réponse appropriée (léchage, grattage, mordillement…). On inclut dans le prurit neuropathique le prurit accompagnant la syringomyélie, le syndrome d’automutilation des extrémités, le granulome de léchage. Le traitement antiprurigineux fait alors appel aux opiacés (blocage de la transmission interneuronale de l’influx nerveux) par voie orale, mais plus souvent aux anti-épileptiques, tout particulièrement la gabapentine (Neurontin ND), qui diminuent l’excitabilité des fibres nerveuses (analogues du GABA) et ont démontré leur efficacité dans les prurits paroxystiques et neuropathiques, comme par exemple les douleurs postzostériennes de l’adulte humain, et méritent d’être utilisés dans certaines dermatoses prurigineuses neuropathiques canines. Plus simplement, il ne faut pas négliger l’effet apaisant de l’eau froide et préconiser donc des balnéations fréquentes (quotidiennes à biquotidiennes) des zones concernées. Désensibilisation Prise en charge du prurit psychogène La désensibilisation ou immunothérapie spécifique d’allergènes est efficace dans le contrôle de la DAC et notamment dans la réduction des scores de prurit. Il est possible après une longue période de traitement d’interrompre Le prurit d’origine comportementale ne doit plus être un diagnostic d’exclusion mais être identifié après un interrogatoire précis et si besoin une véritable consultation comportementale, permettant de faire un diagnostic 5 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS d’anxiété, les antidépresseurs (sérotoninergiques ou noradrénergiques, voire mixtes, agissent en augmentant la quantité d’amines biogènes au niveau des synapses) sont régulièrement employés et choisis en fonction de la situation : sérotoninergiques (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine comme la fluoxétine ou la sélégiline), noradrénergiques (comme la miansérine), mixtes (comme la clomipramine, le tramadol ou l’amitriptyline). Gadeyne C. et coll. Efficacy of oclacitinib (Apoquel®) compared with prednisolone for the control of pruritus and clinical signs associated with allergic dermatitis in client-owned dogs in Australia. 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