Le divorce sans juge, qu`est-ce que ça change ?

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Le divorce sans juge, qu`est-ce que ça change ?
MERCREDI 4 JANVIER 2017
F
LE PARISIEN
15
VIE QUOTIDIENNE
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Le divorce sans juge,
qu’est-ce que ça change ?
FAMILLE
Depuis le 1er janvier,
fini la case tribunal
pour les divorces à
l’amiable. Une
avocate spécialisée
répond aux questions
qu’on se pose.
PAR CHRISTINE MATEUS
On peut désormais enregistrer un divorce par consentement mutuel chez le notaire par l’intermédiaire de deux avocats sans avoir à passer devant un juge.
66 000
divorces à l’amiable ont lieu
chaque année. Cela représente
53 % de la totalité
des divorces.
I ON PEUT AVOIR LE MÊME AVOCAT ?
NON. Désormais, chacun des époux
doit être assisté de son propre avocat
de manière à garantir son consentement libre et éclairé. Avec l’ancienne
procédure, la très grande majorité
des couples qui se séparaient par
consentement mutuel avaient le
même représentant (80 %). « L’avocat a désormais un rôle central. L’intérêt de chacune des parties doit être
EN CHIFFRES
Le cap des
quinze ans
de mariage
C’EST UN FAIT. On divorce moins en
France. En 2014, selon les chiffres de
l’Insee (Institut national de la
statistique et des études
économiques), 123 500 divorces ont
été prononcés pour
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respecté et c’est à nous de veiller à ce
qu’un accord équilibré soit trouvé »,
précise Me Casado. Cela veut-il dire
que les frais sont multipliés par
deux ? « Pas forcément, assure
l’avocate. Le coût dépend de beaucoup de choses, de la complexité du
dossier et donc du temps qui sera
nécessaire pour aboutir à une convention, si l’avocat est extrêmement
spécialisé, si son cabinet est à Paris
ou en province… »
I LE JUGE PEUT-IL QUAND MÊME
INTERVENIR ?
OUI. Mais uniquement si le ou les enfants mineurs du couple sollicitent
leur audition. « Si l’enfant n’est pas
d’accord avec ce que ses parents ont
décidé pour la garde par exemple »,
240 000 mariages (- 1,1 % par
rapport à 2013). Plus d’un sur deux
(53 %) était un divorce par
consentement mutuel. Cette
tendance à la baisse se manifeste
d’ailleurs depuis plusieurs années,
puisqu’on note un recul des divorces
de 8 % entre 2010 et 2014. Cela estil dû à une baisse simultanée des
mariages ? Non, puisque les unions
ont seulement baissé de - 1 %
pendant ces quatre années. Les
experts mettent plutôt en avant un
changement de comportement lié
aux difficultés économiques des
foyers qui entraîneraient les époux à
ajoute l’avocate. L’enfant, « capable
de discernement » (la loi ne précise
pas l’âge), doit donc être tenu informé de ce droit et indiquer dans un
formulaire s’il souhaite l’exercer ou
non. Si la réponse est oui, la procédure de divorce par consentement mutuel connue jusqu’alors s’appliquera.
Des voix se sont élevées (associations familiales, féministes et même
certains magistrats) pour dénoncer
ce nouveau dispositif qui, faute de juge, ne protégerait pas le plus faible.
« Notre obligation est de défendre
nos clients. Si j’ai une cliente victime
de violences conjugales qui est prête
à lâcher sur ses droits pour gagner sa
liberté, je me battrai y compris contre elle. Rien ne pourra se faire sans
ma signature », insiste Me Casado.
DAVID CLEVELAND
I EST-CE QUE CELA CONCERNE
TOUS LES TYPES DE DIVORCE ?
NON. Les divorces pour faute, par
exemple, continuent à nécessiter un
juge. Mais les divorces à l’amiable
(également appelés par consentement mutuel), c’est-à-dire un peu
plus d’un sur deux, sont concernés.
Que vous ayez des enfants et/ou un
patrimoine immobilier ou encore
une société en commun, le nouveau
système s’applique à tous. Ne pensez
pas qu’il s’adresse uniquement aux
époux qui sont d’accord sur tout, locataires et sans enfant…
LP/OLIVIER ARANDEL
P
lus rapide ? Plus simple ?
Sans garde-fou ? Qu’en
est-il vraiment de la nouvelle procédure du divorce par consentement mutuel qui
est entrée en vigueur le 1er janvier,
suite à la promulgation de la loi de
modernisation de la justice. On l’appelle aussi le divorce sans juge car
cette forme de divorce ne sera plus
homologuée par la justice mais simplement enregistrée chez le notaire.
Fini la case tribunal. Désormais, c’est
l’avocat qui devient le garant de
l’équilibre de l’accord trouvé entre
les futurs ex-époux lors des séparations à l’amiable, qui sont au nombre
de plus de 66 000 par an. Me AnneLaure Casado, avocate au cabinet
Mulon Associés (Paris XVIIe), décrypte cette « révolution » en droit
de la famille.
différer leur divorce. Une
conséquence de la crise en somme.
Toutefois, il existe de grandes
disparités selon les départements. On
divorce ainsi
plus
fréquemment
dans les
grandes villes,
notamment à
Paris (un
mariage sur
deux ne survit
pas) et dans le
Sud, que dans
l’ouest de la
France. Selon le ministère de la
Justice, les séparations interviennent
en moyenne après quinze ans de
mariage. A ce moment-là, les
I LA PROCÉDURE EST
MOINS LONGUE ?
OUI. Normalement… Si tout se passe
bien entre les futurs divorcés. Dans
l’ancien système, entre le dépôt d’une
requête et la date d’une audience devant le juge, « on pouvait compter en
moyenne trois mois », analyse Me
Casado. Aujourd’hui, lorsque le projet
de convention de divorce est envoyé
par les avocats aux clients, ces derniers ont un délai de quinze jours de
réflexion pour le signer. S’ils sont
d’accord, les avocats ont sept jours
pour l’envoyer chez le notaire, qui a,
par la suite, quinze jours pour l’enregistrer. On dit alors que la convention
est déposée au rang des minutes.
« En un mois et demi, un divorce peut
être prononcé. »
hommes ont environ 43 ans et les
femmes 41 ans et demi. La plupart
des couples mariés qui se séparent
avaient le plus souvent fondé une
famille. Plus de la moitié des divorces
prononcés en 2014 (53 %) impliquait
ainsi des mineurs, soit
113 000 enfants. Toujours selon
l’Insee, le divorce pèse plus
économiquement sur les femmes.
Elles perdent jusqu’à 19 % de leurs
revenus (ce taux pouvant aller
jusqu’à 26,5 % lorsqu’elles
travaillent à temps partiel) contre
seulement 2,5 % pour les hommes.
C.M.