Psychologie et recrutement

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Psychologie et recrutement
Les processus psychologiques mis en
place lors d’un entretien d’embauche
Par Charlotte Allix, [email protected]
Résumé : Depuis plusieurs décennies, le monde du travail s’oriente de plus en plus vers le
secteur tertiaire. Les ressources humaines sont un point central de cette évolution, on
s’intéresse davantage à l’Homme, à ses compétences, à ses performances. Le facteur humain
est un outil essentiel à l’entreprise et cette idée s’est développée et s’est étendue à la plupart
des entreprises. Le recrutement est donc devenu un atout clé de l’entreprise, cela devient un
investissement pour la société. De fait, recruter quelqu’un est devenu une tâche voir un métier
à part entière dans un monde où il faut optimiser chacune de ses ressources. Le recrutement
est devenu un enjeu stratégique, travailler avec de meilleurs recruteurs pourra peut-être faire
la différence entre deux entreprises concurrentes.
Mots-clés : Représentation, Catégorisation, Schéma, Communication, Prise de décision,
Heuristiques, Biais.
Abstract : For a long time, the work’s world specializes more and more in the tertiary sector.
The human resources are the major point of this evolution, we are interested more to man, to
his competences, to his performances. The human factor is an essential tool for company and
this idea has been developed and applied to most of them. So the recruitment is became an
essential asset of companies, it becomes in a way an investment for the society. Indeed,
recruit a person is became a real task it’s became a job in a world where we must use all our
resources. The recruitment is, today, a strategic stake, work with better recruiters will be able
to make the difference between two competitor companies.
Key words: Representation, Categorization, Script, Communication, Decision making,
Heuristic, Bias.
Par Charlotte Allix
Sommaire
Introduction ................................................................................................................................ 3
I- Les prémisses de l’entretien d’embauche. .............................................................................. 4
I-1- Les représentations .......................................................................................................... 4
I-2- La catégorisation ............................................................................................................. 6
I-3- Les stéréotypes ................................................................................................................ 7
II- Au cours de l’entretien .......................................................................................................... 8
II-1- Les schémas et les scripts .............................................................................................. 9
II-2- L’interaction sociale..................................................................................................... 10
II-3- Le langage et la communication .................................................................................. 11
III- Prise de décision ................................................................................................................ 14
III-1- Modèles théoriques ..................................................................................................... 14
III-2- Heuristiques et biais de jugement ............................................................................... 17
Conclusion ................................................................................................................................ 19
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Introduction
Le recrutement est devenu un enjeu clé dans nos sociétés modernes. Le secteur des ressources
humaines s’est considérablement développé et celui du recrutement en parallèle. Le
recrutement est donc un défi nouveau pour les entreprises car c’est le facteur humain que l’on
va évaluer et à partir duquel il va falloir prédire les performances à venir. Jusque récemment
on ne se posait pas tellement cette question mais avec des études de plus en plus longues et
des activités davantage orientées sur le tertiaire, les entreprises n’ont eu d’autre choix que de
s’adapter à ce changement. Il faut toutefois noter que ce développement se situe
particulièrement dans les pays occidentaux.
L’activité de recrutement met en jeu différents processus psychologiques et il est important
d’avoir à l’esprit que ça n’est pas une science exacte. Les processus mis en jeu naissent de la
rencontre de deux personnes, la rencontre lors d’un entretien en vu d’un recrutement est
particulière. Le temps de ce travail, nous souhaitons mettre en avant les différents mécanismes
impliqués lors de l’entretien d’une personne en vu d’un recrutement. Le recrutement est un
domaine vaste, c’est pourquoi nous avons préféré nous focaliser sur l’entretien d’embauche.
Je me placerais au niveau du recrutement de cadres, car c’est à ce niveau que l’entretien
d’embauche est porteur d’enjeux.
Dans la première partie de ce travail, nous nous pencherons sur ce qui se passe dans les
premières minutes suivant la rencontre des deux protagonistes. Nous verrons comment, à
travers leurs représentations, le phénomène de catégorisation et les stéréotypes, les deux
acteurs vont se percevoir l'un et l’autre et s’appréhender. Chacun d’entre eux se conformant à
ce que l’on va attendre de lui à travers les normes.
Dans la seconde partie nous traiterons de la notion de schéma qui pose les bases structurales
de l’entretien. Tout se déroule comme dans un script écrit à l’avance et dont nous avons tous
connaissance. Puis nous aborderons la question de l’interaction sociale, point incontournable
d’un entretien. Cela permet de saisir ce qui est mis en jeu lors de cette rencontre et quelles
sont les normes que nous utilisons tous. Ce concept est étroitement lié à la dernière notion
dont nous traiterons, à savoir la communication. Nous essayerons d’expliciter quelles sont les
règles de communication dans un contexte formel comme l’est celui de l’entretien
d’embauche.
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Enfin dans notre troisième partie nous nous attarderons sur le processus de la prise décision.
Nous tenterons d’appréhender comment fonctionne le cerveau humain lorsqu’il doit prendre
une décision à partir de différents modèles. Nous verrons comment il est possible de procéder,
comment il faudrait réagir pour optimiser ses résultats. Puis nous verrons que des biais
viennent entraver le raisonnement humain. Ils sont de différentes sortes mais la plupart du
temps ils ont tous le même objectif : permettre à l’Homme de faire des économies cognitives.
I- Les prémisses de l’entretien d’embauche.
L’entretien d’embauche est à situer dans le cadre d’une économie d’entreprise, où l’on
recherche l’efficacité. Avant de décider de recruter une personne, le recruteur et sa hiérarchie
vont définir et expliciter les besoins de l’entreprise. Ils vont ainsi définir un profil avec des
traits sur lesquels ils seront intransigeants, et d’autres pour lesquels ils seront un peu plus
flexibles. Une fois le profil du candidat bien défini, ils pourront passer par des chasseurs de
tête ou par des annonces, qui devront à la fois cibler les candidats et à la fois les séduire. Les
décideurs n’auront alors plus qu’à attendre des Curriculum Vitae potentiels et à effectuer une
première sélection sur la base de ces premières informations.
Lorsque nous rencontrons quelqu’un pour la première fois il se forme ce que nous appelons
communément la première impression. Nous savons qu’elle est très importante et qu’elle va
en partie déterminer les opinions, les impressions qui la suivront. Et par la suite, il est très
difficile de se défaire de celle-ci. Cette formation d’impression est sous-tendue par des
mécanismes cognitifs et sociaux de différents types mais qui cependant restent liés les uns aux
autres que cela soit dans leurs processus ou dans leurs conséquences.
I-1- Les représentations
En premier lieu, ces deux personnes arrivent à cet entretien avec des représentations sociales
(Moscovici, 1961; Jodelet, 1989; Mannoni, 1998) en tête (selon le domaine de l’entreprise, les
études du candidat...). Ce phénomène se produirait à un niveau non conscient. Tous deux ont
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donc déjà des croyances, attitudes, opinions quant à la situation dans laquelle ils se trouvent.
La représentation sociale agit en quelque sorte comme un filtre interprétatif ; lorsque l’on se
représente une situation comme celle d’un entretien, tout un système d’attentes se met en
place. Certains les considèrent davantage comme une grille de lecture et de décodage de la
réalité. Ces représentations guideraient donc jusqu'à notre perception de la situation, si l'on
considère qu'elles agissent à la manière d'un filtre. On doit s’adapter à la situation, au niveau
sémantique, vestimentaire, attitudinale ; cela permet aux deux personnes en présence de
pouvoir s’identifier comme des pairs, dans le cas de recrutement de cadres. Et de manière plus
générale, ces indices sémantiques, vestimentaires, attitudinaux, nous servent à situer la
personne dans un cadre socio-économique et culturel, et même si l’on sait que les apparences
sont parfois trompeuses, ces indices restent dans l’ensemble assez fiables. L'Homme à
l'habitude de se fier à ses représentations et il peut les modifier ou en créer de nouvelles grâce
à l'expérience. Les représentations sociales personnelles sont ancrées dans nos représentations
collectives, les groupes dans lesquels nous grandissons, évoluons, fondent nos
représentations. Certaines d'entre elles sont universelles si l'on considère l'humanité comme
groupe de référence, d'autres vont être plus spécifiques si l'on se place du point de vue de la
religion comme groupe social par exemple. Cependant ces représentations découlent
également de l’élaboration de nos savoirs, elles nous permettent de savoir ce qui est normal
ou pas et comment il faut réagir face à ces situations. Les représentations peuvent être
abordées d’un point de vue plus cognitif, dans ce cas elles sont définies comme guidant le
traitement de l’information et aidant à l’action. Elles peuvent être transitoires ou intégrées
dans la mémoire à long terme. Les représentations renvoient généralement au vécu de la
personne, à l’expérience et au contexte socio-économique et politique qui l'entoure. CODOL
va parler de cognèmes qui, de manière simplifiée, peuvent être considérés comme des codages
de la réalité, des connaissances.
En définitif, il convient de dire qu’on parle des représentations sociales car elles agissent en
interactions les unes avec les autres et fondent ainsi notre vision du monde. Il ne faut pas
oublier par ailleurs que toute représentation n’est qu’une représentation de quelque chose pour
quelqu’un à un moment donné. De ce fait deux entretiens d’embauches ne pourront pas être
comparés, car si la structure reste plus ou moins identique, les variations en termes de
représentations du côté du recruteur comme du candidat modifieront inexorablement la
situation.
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Cette notion de représentation est liée au fait qu’une situation ne peut être détachée de son
contexte, aussi bien le contexte immédiat (« nous sommes tous les deux de chaque côté d’un
bureau et cette personne située en face de moi va m’évaluer » par exemple pour le candidat)
qui peut modifier la situation à cause du stress par exemple. Mais également le contexte au
sens plus général du terme (le système de valeurs propre à chacun, le parcours personnel, les
normes... ) qui peut lui aussi interférer sur les relations qu’auront les deux interlocuteurs.
I-2- La catégorisation
Un autre phénomène impliqué lors de la première rencontre, et peut-être même avant ça, est le
processus de catégorisation. Il est par ailleurs difficile de changer de catégorie une fois qu’on
y a intégré une personne. La catégorisation est un processus nécessaire dans notre vie
quotidienne car nous ne possédons pas les ressources suffisantes pour traiter individuellement
toutes les informations qui nous parviennent. Cela nous permet de percevoir le monde de
façon plus structurée. De manière formelle, la catégorisation au sens cognitif est l’activité
cognitive visant à ranger dans une même classe des objets ou personnes de même nature.
C’est par ce phénomène que l’on structure le monde qui nous entoure (BOUSFIELD,
COHEN ; 1953). On classe les personnes selon des catégories plus ou moins partagées par
l'ensemble de la population de référence. Cela répond au principe de l’économie cognitive,
cela nous permet de sélectionner les informations qui nous semblent pertinentes. Les
catégories peuvent être organisées selon deux modes : les informations structurelles (elle est
blonde) ou fonctionnelles (elle est cadre). La conception la plus répandue est celle de
l’organisation des catégories par exemplaires. Nous procèderions par comparaison aux autres
éléments, ou exemplaires, déjà en mémoire. Le plus typique de ces exemplaires est appelé
prototype (ROSCH, 76) il est celui qui représente le mieux la catégorie. Cependant il faut
avoir à l’esprit que la catégorisation ne s’organise pas en tout ou rien, un attribut peut être
plus ou moins typique d’une catégorie. Plus le degré de ressemblance sera élevé, plus la
catégorisation sera rapide. Le simple fait d’avoir eu le CV du candidat entre les mains a
constitué pour le recruteur une première source de catégorisation et le secteur dans lequel
travaille l’entreprise fera également office de source pour le candidat. Puis le fait de s’être
rencontré physiquement va venir confirmer ou non ce premier avis.
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Des travaux ont également mis en avant le fait que la catégorisation des humains notamment,
serait un phénomène croisé (Deschamps & Doise, 78). En effet nous n’appartenons pas à une
seule catégorie, notre personne est au centre d’une multitude de catégories, mais elles ne sont
activées que les unes après les autres.
Selon le contexte où je me situe il sera plus avantageux ou plus convenable que telle catégorie
soit saillante par rapport à telle autre. Par exemple, selon la situation je vais faire valoir mon
appartenance au groupe des femmes ou bien je vais insister sur le fait que je suis étudiante en
Psychologie.
La catégorisation aurait même un effet sur notre perception, elle ferait office de filtre, elle
orienterait notre perception (TAJFEL, 1963). Tajfel a mis en avant l’existence d’un biais
perceptif lors d’expérimentations où l’on induisait la catégorisation et en a tiré le principe
d’accentuation : Nous avons tendance à diminuer les différences à l’intérieur d’une catégorie
et à accentuer les différences entre les catégories. De fait cela amènerait ce qui constitue un
autre biais dans le traitement des informations : les stéréotypes, qui seraient issus de notre
système de traitement de l’information.
I-3- Les stéréotypes
Les stéréotypes sont définis comme des schémas cognitifs associés à des critères tels que
l’apparence physique, le sexe, l’identité religieuse..., critères qui définissent nos croyances et
guident nos jugements sur les groupes sociaux et sur leurs membres. Ils résultent de l’activité
de catégorisation. Ils constituent un raccourci cognitif utilisé d’autant plus que nous sommes
fatigués et peu disponibles mentalement ou à l’inverse lorsque nous pensons avoir
suffisamment d’informations diagnostiques pour juger autrui. En effet lorsque nous avons
l’impression d’avoir en main des informations pertinentes, les stéréotypes se révèlent être tout
aussi actifs que si nous ne disposions d’aucune information. Ils relèvent principalement de
croyances, ils sont peu confrontés à la réalité. D’ailleurs ils se trouvent plus facilement
confortés que niés, nous retiendrons mieux un élément qui vient appuyer et étayer nos
stéréotypes, surtout quand l'attente est bien structurée et que les ressources cognitives sont
faibles (Stangor & MacMillan, 92). Nous avons tendance à adapter la réalité pour la faire
coller à nos attentes. Pour Kanheman et Tversky, ou Palmarini plus récemment, nous
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négligeons certaines informations disponibles pertinentes pour nous focaliser sur des éléments
typiques, stéréotypiques. Une des principale conséquence de l’utilisation de stéréotypes est
que les personnes victimes de ceux-ci vont parfois avoir tendance à s’y conformer (Aronson
et Steele, 95) et de fait, les rendre « encore plus vrais ».
Liées de très près aux stéréotypes, les Théories Implicites de Personnalité sont constituées de
stocks de traits de personnalité que nous avons en mémoire et qui correspondent à ce que nous
attendons des personnes, de ce qu’il faut qu’elles soient.
Dans cette première partie nous avons pu constater que bien des biais interviennent lors de
notre rencontre avec autrui, avant même d’avoir commencé un échange. Nos représentations,
la catégorisation, les stéréotypes sont autant de processus non contrôlés qui interviennent
parfois avant même la perception de ce qui nous entoure. Nous n’en avons pas conscience et
pourtant ils sont le fondement de nos jugements et de notre raisonnement. Ils sont la base à
toute activité cognitive plus élaborée. Au sens large du terme, nous pourrions dire que nous
nous servons d’heuristiques, mécanismes simples et fonctionnels qui nous permettent de
prendre des décisions ; c’est l’émission d’un jugement de type catégoriel. L’entretien
d’embauche est donc soumis à ces phénomènes avant même d’avoir « commencer ». Le
recruteur et le candidat vont se former des impressions sur la personne qui se trouve en face
d’eux, vont adapter leur comportement par rapport à ce qu’ils perçoivent de l’autre.
II- Au cours de l’entretien
Malgré une large internationalisation des normes de recrutement, on ne peut nier que les
besoins et les qualités recherchées par les entreprises varient d’une culture à une autre. Les
idéaux mis en avant ne sont pas partout les mêmes et il faut donc savoir s’adapter à cela
lorsque l’on recrute à un niveau mondial. De même, il faut en avoir conscience lorsque l’on
postule dans un pays étranger ou que l’on décide d’embaucher une personne avec des origines
culturelles différentes des nôtres (ceci étant valable uniquement pour la culture d'entreprise).
En effet même si les concepts généraux qui sous-tendent nos activités sont applicables en
grande partie dans la quasi-totalité des pays, il n’en reste pas moins que la culture,
l’éducation, le milieu économique, le lieu où l’on a grandit ainsi que d’autres facteurs, vont
influencer nos attentes et notre façon de nous comporter. Un mot, un geste, une attitude ou
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une habitude peuvent paraître totalement en adéquation avec un environnement ou à l’inverse,
en total décalage dans un autre lieu et à un autre moment.
Nous aborderons ici quelques-uns uns des grands concepts mis en jeux lors de la rencontre de
deux personnes en entretien tels que les scripts, l’interaction et la communication. Nous
n’entrerons pas dans les détails des variations sous-jacentes à ceux-ci, les conditions de cette
recherche ne nous permettant pas un travail assez approfondi.
II-1- Les schémas et les scripts
Une des notions mise en jeu lors d’une interaction comme celle de l’entretien et que l’on peut
généraliser à l’ensemble des individus est celle de schéma. La notion de schéma ou script a
été mise au jour par Abelson et Schank, et trouve tout son sens dans une situation telle qu’un
entretien d’embauche. Elle peut être définie comme une séquence d’évènements attendus par
l’individu, l’impliquant lui-même en tant qu’acteur ou observateur. On peut également les
présenter comme une structure mentale contenant des connaissances et des hypothèses sur le
monde. De même ils définissent les conduites à attendre de notre part comme de la part des
autres acteurs de la « scène ».
Ces scenarii sont la plupart du temps ancrés en nous et sont le fait de notre culture, de notre
éducation. Ils nous permettent de réguler le flux d’informations en ne traitant que les plus
pertinentes selon la situation où l’on se trouve. En fait ces schémas sont comme des guides
qui nous permettent de réagir de façon adaptée par rapport à une situation standard que l’on
ne rencontre pas quotidiennement. En effet lorsque la situation ou l’événement a lieu chaque
jour, on parle alors de routine. Ces deux notions se différencient en cela que les routines sont
la plupart du temps des habiletés cognitives ou motrices sur-apprises et devenues
automatiques avec le temps. La différence principale entre routine d’action et schéma, c’est
que le schéma est plus facilement accessible de manière consciente, il est possible de
l’expliciter alors que la routine est devenue quelque chose que l’on fait sans y réfléchir et elles
sont difficiles à verbaliser.
Les schémas d’action ont pour but de faciliter la compréhension et l’action. Ainsi le simple
fait de savoir que l’on se rend à un entretien va déclencher en nous le script correspondant.
Par ce processus nous gardons à l’esprit ce que nous devons et pouvons faire mais également
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les comportements à inhiber, par exemple si je me rends à un entretien je sais que je ne
poserais pas mes pieds sur le bureau en arrivant. Cela nous permet par ailleurs de savoir
comment la ou les personnes que j’ai en face de moi devraient se comporter. De fait les
interlocuteurs se trouvent généralement face à face avec les mêmes schémas d’action en tête,
recruteur et candidat savent ce qu’il est convenable de faire ou pas, pour lui comme pour
l’autre. Dans le cas de cultures différentes des universaux persistent tout de même quel que
soit l’endroit où l’on se trouve, heureusement me direz-vous car sinon aucune compréhension
ne serait possible entre deux ethnies différentes. Il convient cependant de préciser que
l’entretien d’embauche est un phénomène porteur d'enjeux différents selon la catégorie socioprofessionnelle à laquelle on appartient.
On pourrait ainsi classer les scripts en plusieurs catégories croissantes, allant de la situation
spécifique à certaines cultures, certains lieux (comme par exemple marchander) à d’autres
situations que l’on pourrait qualifier de plus universelles (l’entretien d’embauche).
Cette notion de schéma joue donc un rôle central dans l’entretien d’embauche, et de manière
plus large dans toute situation d’interaction. Cette interaction est un facteur prépondérant dans
le déroulement de l’entretien. A ce niveau, se mêlent les normes assimilées et les processus
inconscients exprimés.
II-2- L’interaction sociale
L’interaction sociale intervient dès lors que deux personnes se trouvent en présence. De ce fait
la situation d’entretien se situe dans le cadre d’une interaction entre le candidat et le recruteur.
L'ensemble de ces interactions seront produites dans un cadre social déterminé, qui orientera
le sens et la nature de celles-ci. Elles se situent à un niveau verbal et para-verbal. Chaque
situation induit son propre type d’interaction (Picard, 1996). En premier lieu l’identité des
personnes qui interagissent vont influencer les relations, selon leur sexe et leur âge par
exemple, les rapports ne se dérouleront pas de manière identique. Au-delà de ça, à un niveau
plus global, entre en ligne de compte ce que la situation a de commun pour les différents
acteurs. Il y a tout d’abord le contexte matériel, dans notre cas l’entretien a le plus souvent
lieu dans un bureau où chaque parti est installé de part et d’autre du bureau. Cette
configuration influence et détermine les rôles des acteurs dans la pièce, les représentations
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jouant ici aussi un rôle. Puis il y a également le contexte immatériel qui ici est représenté par
l’entretien d’embauche ce qui tend à induire des relations particulières. Il dépend
principalement du but et des objectifs de chacun, qui sont généralement de conclure à un
recrutement pour les deux partis. L’entretien représente alors une situation où il va falloir
convaincre l’autre, le séduire. Chacun des acteurs doit faire valoir ses qualités et garder un
oeil objectif sur la personne qu’il a en face de lui. C’est ce qui devrait en tout cas se passer
dans une optique d’équilibre d’offre et de demande, or on peut penser que par les temps qui
courent cette relation d’interaction bascule le plus souvent de manière asymétrique, en faveur
du recruteur. Dans ce cas l’entretien peut être vécu comme un rapport de force. Pour le
candidat trouver un travail est parfois plus important que de trouver un bon travail.
Un autre élément qu’il est important d’avoir en commun est le cadre de référence. La
communication entre les deux acteurs ne pourra être que facilitée s’ils possèdent le même
cadre de référence que ce soit un niveau linguistique, sociale, économique.
La situation d’entretien est donc un cadre d’interaction tout à fait particulier, où beaucoup de
choses se jouent au niveau de l’implicite. Le langage utilisé et les postures adoptées sont
autant d’indices qui à un niveau « inconscient » jouent un rôle essentiel.
II-3- Le langage et la communication
La communication et l’utilisation d’un langage commun et approprié sont la base pour qu’un
entretien se déroule au mieux. La communication est généralement régie par des contrats
explicites et implicites. Le langage quant à lui pourrait être défini comme une paraphrase de la
pensée, ainsi chaque interlocuteur doit tenter de savoir ce que l’autre pense à travers ce qu’il
exprime. Ici il faut prendre en compte les buts poursuivis par les acteurs pour comprendre
l’acte de communication et le langage utilisé.
Le langage est une caractéristique fondamentale de l’être humain, c’est une faculté générative
et dynamique que l’on met en oeuvre pour communiquer. Le langage se développe très tôt par
plusieurs processus et notamment celui de l’imitation, de fait on a tendance à reprendre les
habitudes langagières de ceux qui nous entourent ce qui parfois peut être pénalisant. Mais
d’autres institutions telles que l’école permettent d’acquérir des bases à peu près identiques
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pour tous. De la même façon, la nécessité de s’adapter à la polysémie et à l’ambiguïté du code
est acquise très tôt.
L’être humain à cette faculté particulière de comprendre très jeune que le langage est un
moyen d’action sur autrui. Le langage est gouverné par un ensemble de règles syntaxiques,
sémantiques, pragmatiques. Ici, c’est la pragmatique du langage qui nous intéresse le plus. La
pragmatique se situe au croisement de la psychologie et de la linguistique, cela traite de
l’incidence du contexte sur la production et l’interprétation des énoncés et des séquences
d’énoncés (Dictionnaire fondamental de psychologie). Le contexte ici est à prendre au sens
large, il renvoie non seulement à l’endroit et la situation, mais également à l’intonation de la
voie ou la gestuelle accompagnant le langage. C’est par exemple ce qui nous permet de
comprendre l’ironie. La pragmatique c’est l’étude d’une langue telle qu’elle est utilisée
réellement, avec les non dits, les sous-entendus. Ces règles sont implicites, ce sont en quelque
sorte des normes de langage apprises naturellement.
La communication et le fait de la maîtriser ainsi que ses règles est donc un atout lors d’une
situation d’entretien. Communiquer implique d’attribuer des pensées à autrui. La
communication renvoie à l’expression orale, aux gestes, mimiques, à la position du corps
mais également au silence. De plus les interlocuteurs vont être affectés par des variables
psychologiques, cognitives et affectives. Par ailleurs Abric (99), affirme que toute
communication est une interaction, à savoir que c’est un phénomène dynamique produisant
une transformation. C’est un jeu d’influence entre les différents acteurs sociaux. Deux
personnes qui entrent en communication doivent être définies comme des interlocuteurs, ils
reçoivent, traitent, interprètent et transmettent de l’information de manière simultanée et non
pas l’un après l’autre. Il faut ajouter qu’il existerait deux types d’informations, que les
linguistes appellent d’une part l’information assertée, c’est à dire explicite, et d’autre part
l’information présupposée, c’est à dire implicite. Dans un système comme celui de l’entretien
d’embauche il est important de souligner l’aspect de la proxémie, en effet les interlocuteurs se
trouvent le plus souvent de chaque côté d’un bureau ce qui induit une distance de
communication et une définition des rôles selon le côté où l’on se trouve.
Plusieurs auteurs sont donc arrivés à la conclusion qu’il existait un contrat de communication.
Dans un cadre comme celui de l’entretien les contraintes sont par ailleurs assez fortes car c’est
une situation porteuse d’enjeux assez forts. Il faut également prendre en compte le contexte
qui va rendre plus ou moins interprétables les actes de communication. En effet en situation
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nous allons nous attendre à entendre certains mots plutôt que d’autres ce qui va faciliter la
compréhension et l’accélérer, on appelle cela de la prédictabilité. Un philosophe, Grice (79) a
donc énoncé des maximes conversationnelles reposant sur un principe fondamental, celui de
la coopération (« que votre contribution conversationnelle corresponde à ce qui est exigé de
vous » p61) entre les interlocuteurs. Pour lui, tout échange ne peut se faire que sur cette base.
Ses maximes sont donc au nombre de quatre : Le premier principe est de « quantité », il
consiste à donner autant d’informations qu’il est nécessaire mais sans en donner trop, il faut
trouver le bon équilibre. La seconde est dite de « qualité » ; nous nous devons de dire des
vérités et de ne pas énoncer des choses que nous savons fausses ou dont nous ne sommes pas
surs. La troisième maxime est celle de « relation », il s’agit d’être pertinent dans ses propos de
ne pas faire de digression par rapport à ce qui nous est demandé. Enfin la dernière maxime est
celle de « manière » ; il faut être clair dans ses paroles, éviter d’être ambigu et également être
bref et ordonné. L’avantage de ce principe de coopération est que cela permet aux
interlocuteurs de se comprendre même si l’un des deux transgresse une des maximes, l’autre
opère des inférences pour comprendre ce que l’on veut lui signifier.
Ainsi pour que la communication soit effective et de qualité, on peut dire qu’il y a des règles à
respecter ; il faut écouter, observer, analyser, s’exprimer et contrôler. Même si cela peut
paraître évident, ces règles ne sont pas toujours appliquer. Il faut être impliqué dans la
communication, sinon rien n’en ressortira et au moment de faire le bilan, très peu de choses
auront été retenues.
Dans cette seconde partie nous avons observé quelques-uns des processus qui peuvent se
mettre en place lors de l’entretien d’embauche. Schémas, interaction, langage et
communication ; cette liste n’est pas explicite et le développement consacré à chacune de ces
notions est également loin d’être exhaustif. Cependant cela permet d’avoir un aperçu de ces
mécanismes, d’en comprendre les bases. Ils sont différents de ceux présentés lors de la
première partie car, mis à part les schémas, ils ne sont actifs qu’à partir du moment où deux
acteurs se trouvent en présence.
L’interaction et la communication sont vraiment la base d’une bonne entente d’un point de
vue aussi bien sémantique que culturel.
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III- Prise de décision
Après avoir préparé et réalisé l’entretien, il revient à la personne chargée du recrutement de
prendre une décision qui soit la plus pertinente possible. Laquelle des personnes reçues faut-il
engager ? Faut-il en engager une, est-ce nécessaire si personne ne correspond parfaitement au
poste à pourvoir ? A ce moment peuvent intervenir plusieurs stratégies ainsi que des biais qui
vont influencer notre jugement. La prise de décision tient ses racines théoriques des
mathématiciens, et des probabilités. En effet prendre une décision c’est évaluer quel choix
sera le plus pertinent, le plus rentable, mais lorsqu’il s’agit d’être humains en tant
qu’évaluateur et candidat, rien n’est certain. De fait les erreurs de jugement et leur étude se
sont développées sur le versant psychologique, car les hommes ne fonctionnent pas sur un
modèle purement mathématique. Ce sont ces différents processus que nous allons tenter
d’explorer au cours de cette partie. Le jugement précède la prise de décision, il nous aide à
effectuer cette dernière. La finalité de cette suite de processus va être un choix d’action,
l’émission de préférences envers un candidat dans l’optique d’optimiser cette décision.
III-1- Modèles théoriques
Plusieurs théories se basent sur le fait que l’être humain pour prendre des décisions se base
sur des probabilités (Cadet, 1998). Tout d’abord on trouve la théorie de la décision
rationnelle. Ses postulats de départs sont au nombre de trois principaux. En premier lieu nous
serions conscients des conséquences de toutes les options du choix à effectuer. Ce serait un
peu comme construire un arbre décisionnel sur lequel nous placerions chaque candidat, avec
ses qualités et ses défauts du point de vue de l’entreprise et les conséquences de l’embauche
de chacun. Le second postulat est que nous combinerions une probabilité que les choses
arrivent avec notre intérêt pour celles-ci. Enfin nous choisirions le bénéfice maximum. Dans
un cas comme celui-ci, les probabilités que nous attribuons sont de notre propre fait. Ce sont
des estimations qui sont personnelles. On attribue une valeur à une information selon son
degré d’adéquation avec les critères définis comme principaux lors de la définition du poste,
la probabilité correspondant en fait au degré de croyance que l’individu a sur l’adéquation de
la personne dans sa totalité avec le poste à pourvoir. Les modèles auxquels cela renvoie sont
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celui l’utilité subjectivement espérée (SEU) ou celui de Bayes, qui sans être identiques,
conservent des points communs. Pour Bayes, la probabilité dépend de l’état d’esprit de
l’individu.
En effet deux personnes peuvent tout à fait avoir le même état de connaissance sur le monde
mais établir des probabilités différentes. Le modèle SEU quant à lui est une « prolongation »
du modèle de l’utilité espérée qui à la base n’est que purement économique. Il a été créé pour
rendre compte de la notion d’utilité qui remplace en quelque sorte la notion de gain à
proprement parler ; en effet un gain d’argent n’a pas la même utilité selon la somme gagnée et
la somme déjà en possession de la personne. La formule utilisée est donc celle de l’espérance
de gain qui est la multiplication de la probabilité que l’évènement arrive avec l’utilité. Les
probabilités étant dans ce cas des connaissances objectives sur l’état du monde. L’ajout de
subjectivité a été instauré pour les cas où les connaissances sur le monde en termes
statistiques ne seraient pas tout à fait connues. De ce fait, les sujets infèreraient des
probabilités à partir de leurs croyances. Plusieurs principes accompagnant cette évolution ont
été décrits mais le plus important est celui de la transitivité des préférences. Il existerait un
ordre de préférence entre les différents traits et ceci de façon à ce que si je préfère A à C, alors
je préfèrerais forcément B à C.
Ces modèles probabilistes sont encore en vigueur dans des situations techniques complexes
telles que l’aéronautique par exemple. Cependant dans des situations de la vie quotidienne
nous utilisons davantage des stratégies moins formelles pour prendre une décision.
La prise de décision est le résultat de la mise en oeuvre de processus cognitifs qui vont varier
selon le problème et selon le contexte dans lequel celui-ci est possible. Il est possible
d’utiliser potentiellement plusieurs techniques. On peut agir par élimination d’attributs, c’est
la modèle Elimination by Aspects, de Tversky, c’est-à-dire qu’une caractéristique considérée
comme déterminante dans le choix est sélectionnée et que les candidats ne possédant pas cette
caractéristique sont éliminés. Ainsi la procédure prend fin lorsque les différences restantes ne
sont plus significatives ou quand il ne reste plus qu’un candidat. On peut également se baser
sur la règle des dimensions confirmantes de Russo & Dosher, dans ce cas les alternatives sont
comparées deux à deux et seule la meilleure des deux est retenue ; ce ainsi de suite jusqu’à ce
qu’il ne reste plus que l’alternative finale. D’autres règles peuvent bien sur être appliquées
dans ce cas et cela permet de souligner la subjectivité plus importante dans ces stratégies que
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dans les jugements probabilistes. Ici les critères dits importants sont définis par la seule
appréciation de l’évaluateur.
On peut également mettre en avant le fait que nous avons recours aux heuristiques de façon
assez régulière. Une heuristique est définie comme une règle courte qui facilite la prise de
décision, elle est basée sur le principe d’économie cognitive. Kanhman et Tversky en ont
défini un nombre limité qui seraient le plus souvent usitées. En premier lieu on trouve
l’heuristique de représentativité, qui se base sur des critères de ressemblances entre une entité
et la classe à laquelle on souhaite la rattacher. Dans le cas d’un entretien cette heuristique
pourrait par exemple fonctionner sur le physique de la personne qui se présente. En effet un
cadre doit avoir une certaine présentation de soi et le simple fait que le candidat ne
corresponde pas à ces critères pourrait être défavorable par rapport à un concurrent qui serait
estimé plus représentatif; ce en dehors de toute évaluation de leurs compétences. Cette
heuristique de représentativité pourrait être raccrochée à la notion de stéréotype en cela
qu’une entité doit coller à l’idée que l’on se fait de son groupe.Vient ensuite l’heuristique de
disponibilité qui se base sur la fréquence d’une représentation. Les informations les plus
fréquentes seraient mises en avant et parfois même surévaluées par rapport aux autres. Ces
informations pourraient donc prendre le dessus sur des informations plus rares même si ces
dernières semblent plus pertinentes. Nous avons tendance à privilégier ce que l’on a
l’habitude de voir, la familiarité est un facteur important d’influence comme l’a montré
Zajonc. Il expliquait que plus l’on voit quelque chose (ou quelqu’un), plus on va avoir
tendance à le préférer. Pourtant dans certaines situations dont le recrutement fait parti, il peut
s’avérer plus utile d’être innovant et donc de mettre en avant des traits moins attendus pour se
démarquer. Enfin on observe l’heuristique d’ancrage-ajustement. Dans ce cas on va d’abord
se baser sur un fait connu qui va nous servir d’ancre. Puis on va ajuster la situation nouvelle à
notre ancre, plus ou moins en fonction des similitudes et des différences entre ces deux
situations. Le point de comparaison est donc une expérience déjà vécue par rapport à laquelle
on évalue la situation nouvelle.
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III-2- Heuristiques et biais de jugement
Les heuristiques sont donc des biais dans le traitement de l'information. Il s'agit de raccourcis
cognitifs et à travers cela il est donc convenu que nous ne traitons pas les informations dans
leur totalité quand nous les utilisons. Mais il faut bien avoir à l'esprit que les heuristiques sont
des processus automatiques et de ce fait nous n'avons pour ainsi dire aucun moyen de les
contrôler. Les modèles duaux ont été étudiés par différents chercheurs, par exemple Eagly et
Chaiken en Psychologie sociale ou Evans en Psychologie du raisonnement. Ces modèles ont
mis en avant qu’il existe une différence de traitement entre ce qu’ils définissent comme deux
voies distinctes, qui sont la voie heuristique et analytique. Ces modèles s’appuient sur le fait
que selon des facteurs personnels (tels que la fatigue, le stress) et également de contexte, nous
ne traitons pas toutes les informations avec un même niveau d’implication. Ces modèles se
sont développés dans les années 1980 et leur contenu est applicable à bien des situations,
notamment celle de la prise de décision.
Ces différents modèles, bien que différents en quelques points, suivent la même ligne
directrice. Ils supposent qu’il existerait deux voies distinctes de traitement de l’information,
une qui serait analytique et l’autre heuristique. La voie analytique ou voie centrale serait donc
celle par laquelle nous traiterions les messages de façon détaillée, il y aurait une prise en
compte de chaque argument du message. L’utilisation de cette voie suppose le traitement du
contenu sémantique et un effort cognitif important, le sujet doit donc être impliqué et motivé
par la tâche qu’il est en train d’effectuer. La voie heuristique ou périphérique quant à elle,
serait la voie que nous utiliserions lorsque nous serions peu disponibles cognitivement. Dans
ce cas le traitement du message tiendrait davantage compte des caractéristiques de la source et
de propriétés non sémantiques.
Aujourd’hui ces modèles sont quelque peu remis en cause puisque de plus en plus d’auteurs
pensent que les voies centrale et périphérique ne fonctionnent pas forcément en tout ou rien.
Leurs effets pourraient par exemple être additifs. Un autre processus que nous utilisons
systématiquement en présence d’informations sont les inférences. Elles peuvent être vraies ou
non et c’est pourquoi dans certains cas elles peuvent constituer des sources d’erreurs. De
toutes les informations que nous recevons nous déduisons automatiquement d’autres
informations. Tout d’abord parce que lorsque la personne qui est en face de moi parle, je dois
inférer de ses paroles ce qu’il pense. Même si l’Homme est généralement très doué pour
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effectuer ces opérations on ne peut pas nier le fait que certains biais puissent s’introduire lors
du processus. Tout d’abord nous pouvons avoir tendance à penser que l’autre pense comme
moi, analogie à la pensée syncrétique observée chez le nourrisson. Je reconnais l’autre comme
un pair et de ce fait ses pensées doivent être à peu de choses près, similaires aux miennes. Et à
travers cela je pourrais être victime du biais de confirmation des hypothèses. Nous prêtons
plus d’attention à ce que nous attendons qu’au reste, si le recruteur pense que le candidat est
idéal pour le poste alors il ne relèvera que les informations allant dans ce sens.
De même, Ross, 77 ; a mis en avant que nous étions tous victimes de l’erreur fondamentale
d’attribution. Nous aurions tous tendance à surestimer les facteurs dispositionnels ou
personnologiques par rapport aux facteurs de l’environnement, lorsque nous jugeons
quelqu’un. Cette erreur est liée à la norme d’internalité, nous avons tendance à considérer les
personnalités internes, c’est à dire qui s’attribuent leurs échecs et leurs réussites, comme
meilleures. Le fait de prendre sur soi ses actions est considéré comme une qualité même si les
évaluateurs n’en ont pas toujours conscience (Paradigme des juges, Jellison & Green).
Les biais sont nombreux lors du jugement précédant une prise de décision. Nous n’en avons
explicité que quelques-uns uns ici afin que nous puissions nous rendre compte de ce que cela
pouvait impliquer. Ce qu’il faut c’est tenter de les avoir un maximum en tête lorsque nous
sommes en situation d’évaluation. Finalement tout au long de notre travail nous avons pu
nous apercevoir que les biais ne sont pas le simple fait d’une erreur de jugement mais peuvent
intervenir bien avant cela, au moment même où nous percevons l’information. Ces biais, ces
processus agissent pour certains à un niveau de traitement qui est non conscient.
Toute prise de décision ne peut être par conséquent qu’une incertitude. Nous faisons de notre
mieux pour optimiser le résultat mais il restera toujours un pourcentage de facteurs indéfinis
pouvant venir modifier l’idée que l’on s’est fait de la situation et du « bon résultat ». On peut
cependant mettre en place quelques moyens facilitateurs pour éviter de faire trop d’erreurs.
Par exemple une évaluation instrumentalisée peut venir aider lors de l’entretien et appuyer ou
non une décision. Il vaut mieux tenter de repérer des faits observables qui présentent peu
d’ambiguïté, même si ça n'est pas toujours évident. Le recueil de l’information doit être le
plus immédiat possible car si l’on attend trop longtemps, nous avons tendance à effectuer des
associations en mémoire qui ne sont pas forcément exactes. Enfin il faut essayer de contrôler
un maximum ses affects car ils n’ont rien d’objectif pour la grande majorité d’entre nous et «
avoir un coup de coeur » n’a jamais représenté une caractéristique de recrutement. Mais les
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biais tels que je les ai appelés ici sont également à l’origine de la particularité humaine, sans
tous ces processus l’être humain ne pourrait pas réagir correctement aux situations qui
l’entourent. De ce point de vue les biais deviennent donc une nécessité, on ne peut vivre sans
dans notre société.
Conclusion
Au cours de ce travail j’ai tenté de mettre en avant les processus centraux mis en jeux lors de
l’entretien d’embauche. Certains d’entre eux sont applicables à des situations générales et
utilisés quotidiennement dans la vie courante, telle que la catégorisation par exemple.
D’autres processus par ailleurs sont plus spécifiques à certains types de situations, on peut ici
citer la prise de décision. Quoiqu’il en soit, nous avons pu nous rendre compte que recruter la
bonne personne est loin d’être un acte facile et la certitude n’existe jamais dans de telles
situations, tellement la tâche est conditionnée par d’autres facteurs parfois tout à fait extérieur.
Une multitude d’agents sont à prendre en compte, que ce soit au niveau personnel ou
situationnel. Évidemment contrôler tous les aspects évoqués représenterait un travail de titan
pour le recruteur mais connaître leur caractéristiques principales et les avoir en tête ne
pourrait être que bénéfique. Cela permettrait d’en limiter les effets. Il ne faut pas oublier
qu’au-delà de ce qui a été développé lors de ce travail, il faudrait prendre en compte des
facteurs tels que l’attention, la motivation par exemple pour avoir une vue plus globale sur le
sujet.
Le domaine du recrutement et des ressources humaines de façon plus large se développent et
les cabinets spécialisés dans le recrutement également. Le recours à différents tests de
raisonnement tel que le R2000 par exemple ou à des tests psychométriques est également en
essor. Les mises en situations sont également un moyen de voir comment les personnes
peuvent réagir une fois qu’elles sont en poste. On cherche à maximiser l’efficacité de la
décision, en l’appuyant sur d’autres outils que notre raisonnement personnel. Les exemples
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cités juste avant nous permettent de voir sur la base de quels outils les recruteurs pensent
pouvoir juger les candidats de façon plus juste. Cela permet tout du moins de mettre les
différents candidats sur le même pied d’égalité. Mais même lorsqu’on pense utiliser des
techniques dites plus objectives, il faut avoir à l’esprit que même dans ces tests, qu’ils soient
de raisonnement ou psychométriques, des biais peuvent exister que ce soit au niveau de leur
création, leur passation ou bien dans l’interprétation possible des résultats.
Pour conclure on peut donc constater que le recrutement est un domaine large où de
nombreux processus sont impliqués. Que ce soit au niveau cognitif ou affectif, l’être humain
n’est jamais à l’abri de faire des erreurs, on pourrait même aller jusqu’à dire qu’il est dans la
nature de l’Homme de faire des erreurs. L’Homme ne peut être considéré comme une
machine infaillible, et malgré les distorsions et les biais que nous avons pu mettre en avant, on
s’aperçoit que la plupart du temps la prise de décision se révèle efficace.
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