La conscience l`inconscient le sujet 2

Transcription

La conscience l`inconscient le sujet 2
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L’INCONSCIENT
L’essentiel pour comprendre
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L’HYPOTHÈSE
DE L’INCONSCIENT
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A. La conscience n’est pas le tout de l’activité psychique
● La conscience est synthèse, unification du réel : ce caractère essen-
tiel se trouve inscrit, on l’a vu, dans l’étymologie même du mot
conscience – le latin cum scientia, qui signifie littéralement « savoir
ensemble ».
● Pour Freud pourtant, la conscience n’est pas le tout de l’activité
psychique. Il se produit en nous des phénomènes psychiques dont
nous n’avons pas même conscience, mais qui déterminent certains de
nos actes conscients. Ainsi nous croyons nous connaître, mais nous
sommes incapables de dire pourquoi nous ne pouvons supporter la vue
de tel ou tel animal pourtant inoffensif (une souris, une araignée, etc.),
pourquoi nous faisons des rêves si délirants. Nous croyons nous
connaître, mais il y a en nous comme un étranger qui se manifeste de
temps en temps dans nos manies, dans nos rêves ou dans nos actes
manqués, et qui s’évertue à se dérober à nos regards introspectifs. Cet
étranger insaisissable, Freud l’appelle l’inconscient.
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B. Le moi n’est pas maître dans sa propre maison
● Pour Freud, il y a des raisons aux conduites les plus déraison-
nables, et un sens derrière les discours qui paraissent les plus insensés
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(le discours du rêve notamment). Seulement la signification de ces discours échappe à ceux-là mêmes qui les tiennent. Si la conscience
échoue ainsi à lire en nous « comme dans un livre ouvert », c’est que
certaines pulsions, certains désirs incompatibles avec nos exigences
morales ont été « refoulés » hors de notre conscience, mais continuent
cependant de se manifester sur le mode symbolique, dans nos symptômes névrotiques (angoisses, phobies, obsessions, etc.), mais aussi
dans nos rêves et dans nos actes manqués (lapsus, oublis involontaires,
etc.).
● L’inconscient est fait de tous ces contenus psychiques refoulés, qui
sont les causes réelles – mais enfouies et inaperçues – de nombre de
nos pensées et de nos conduites. Notre psychisme est ainsi le théâtre
d’un conflit permanent dans lequel le moi doit composer non seulement avec la réalité, mais avec les pressions contradictoires du ça et
du surmoi. Freud appelle surmoi la censure primitive inconsciente formée par l’intériorisation, dans la petite enfance, des interdictions
morales, familiales et sociales. Le ça, c’est la dynamique aveugle des
pulsions vitales, notamment sexuelles, et des désirs refoulés, qui tendent à se satisfaire en forçant ou en trompant le surmoi.
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LES
ENSEIGNEMENTS DE LA PSYCHANALYSE
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A. Théorie des pulsions et sexualité infantile
● Les pulsions érotiques, qu’elles soient narcissiques (amour de soi-
même) ou objectales (amour d’un objet autre que le moi), sont régies
par le principe de plaisir – toute tension désagréable entraîne un
dynamisme correcteur qui tend à réduire cette tension, c’est-à-dire à
supprimer le déplaisir au profit du plaisir – et réglées par le principe de
réalité – qui nous invite à ajourner la satisfaction, à la reporter à plus
tard pour tenir compte des obstacles imposés par le monde extérieur.
● Freud a montré que l’énergie sexuelle, ou libido, n’apparaît pas
à la puberté, mais à la naissance, et que l’enfant passe par différents
stades où s’investit successivement sa sensualité : stade oral (ou
buccal, période de la tétée), stade anal (entre un et trois ans, la libido
anale doit se soumettre au difficile apprentissage de la propreté), et stade
phallique lorsque, vers quatre-cinq ans, la curiosité pour les organes
reproducteurs s’éveille. C’est à cette époque que se développe le
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Chapitre 2 L’inconscient
complexe d’Œdipe : l’enfant éprouve un attachement érotique envers
le parent du sexe opposé et s’identifie – faute de pouvoir le supplanter – au parent du même sexe. Par exemple, pour le petit garçon, « la
mère est ce qu’il voudrait avoir, le père ce qu’il voudrait être ».
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B. La cure psychanalytique
● Un grand nombre de troubles de la personnalité et de maladies ner-
veuses seraient dus, selon Freud, au refoulement de conflits psychiques infantiles. Ainsi Dora, l’une de ses patientes, était aphone par
intermittences. En fait, ces périodes d’aphonie correspondaient aux
absences de l’homme qu’elle aimait – amour qu’elle refusait de
s’avouer à elle-même (cet homme était marié, donc son amour lui
apparaissait comme coupable). Le symptôme signifiait : je refuse de
parler quand celui que j’aime n’est pas là, mais il signifiait cela à
l’insu du sujet, qui refoulait ses propres sentiments. D’où la formulation de Freud : « Les névroses sont des produits, non de la sexualité,
mais du conflit entre le moi et la sexualité. »
● Pour guérir les patients atteints de ce type de troubles, Freud met
au point une méthode originale – la psychanalyse –, fondée sur l’exploration de l’inconscient à l’aide des associations libres. Allongé sur
un divan, le malade est invité par l’analyste à raconter ses rêves (au
cours des rêves, la censure du surmoi se relâche et laisse s’accomplir
des désirs inconscients, non sans les déformer et les travestir) et à dire
toutes les pensées qui lui viennent à l’esprit, même et surtout celles qui
lui paraissent ridicules ou inconvenantes. Cette « cure par la parole »,
qui nécessite souvent de nombreuses séances, permet de vaincre les
résistances du patient et de ramener jusqu’à sa conscience les éléments
psychiques refoulés.
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CRITIQUES
DE LA THÉORIE FREUDIENNE
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A. L’inconscient n’est pas un autre moi
● La notion d’inconscient est inconcevable, contradictoire si nous
définissons la psychologie comme l’étude de la vie intérieure, de la
conscience. Une conscience inconsciente, cela n’a pas de sens !
● Pour Descartes, on l’a vu, la conscience est identifiée à la pensée.
Tout ce qui, en moi, échappe à la conscience appartient donc à cette
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partie de moi qui n’est point pensée, à savoir mon corps. En digne
héritier de Descartes, Alain affirme à son tour : « Savoir, c’est savoir
qu’on sait ». Autrement dit, nul ne peut penser sans avoir conscience
de penser. Tout ce qui se passe en nous sans que nous l’ayons voulu
relève du corps, et non de notre psychisme. Tel est le cas du rêve, qui
n’est, selon Alain, qu’un simple mécanisme corporel. Le mot inconscient renverrait donc au corps, à des mécanismes purement physiologiques, comme le sont la respiration ou la digestion. Or, gonfler
l’inconscient au point d’en faire une sorte de monstre qui habiterait
chacun de nous constitue une faute, et même « la faute capitale », dit
Alain. À ce compte-là en effet, personne ne serait vraiment responsable de ses actes, et tous les crimes pourraient être mis sur le compte
de l’inconscient de leurs auteurs…
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B. L’homme est liberté
● Le point de vue de Sartre, élève d’Alain, s’inscrit aussi dans la
ligne cartésienne. Comment le psychisme humain peut-il censurer ce
qu’il ne connaît pas ? Si certains de mes désirs sont inconscients, c’est
qu’ils ne sont pas connus, et donc qu’ils ne sont pas non plus susceptibles d’être refoulés. Pour Sartre, l’inconscient n’existe pas. Ce qui
existe en revanche, c’est la mauvaise foi, cette comédie par laquelle je
fais semblant d’être ce que je ne suis pas (à l’exemple de ce garçon de
café qui, de façon un peu trop appuyée, « joue à être garçon de café »).
Mais la mauvaise foi est une attitude consciente : « La seule façon
d’exister pour la conscience, écrit Sartre dans L’Imagination, c’est
d’avoir conscience qu’elle existe ».
● En invoquant des causes inconscientes pour expliquer – voire pour
justifier – nos pensées et nos actes, nous nous mentons à nousmêmes ; nous tentons de nous persuader que ce n’est pas nous qui
décidons, mais que nous sommes gouvernés par des pulsions ou par
des tendances contre lesquelles nous ne pouvons rien. Mais refuser la
conscience, c’est refuser la liberté. Il n’y a pas de tempérament lâche,
dit Sartre ; le lâche est responsable de sa lâcheté. Chacun choisit d’être
ce qu’il est, sans excuses. « Il n’y a pas de déterminisme, écrit Sartre,
l’homme est libre, l’homme est liberté ».
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