PDF 668k - Mélanges de la Casa de Velázquez

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PDF 668k - Mélanges de la Casa de Velázquez
Mélanges
de la Casa de Velázquez
Nouvelle série
41-2 | 2011
Le droit hispanique latin du VIe au XIIe siècle
Giorgio Vasari, Francisco Pacheco et le Jugement
dernier
Giorgio Vasari, Francisco Pacheco y el Juicio Final
Giorgio Vasari, Francisco Pacheco and the Last Judgement
Anne-Sophie Molinié
Éditeur
Casa de Velázquez
Édition électronique
URL : http://mcv.revues.org/4088
ISSN : 2173-1306
Édition imprimée
Date de publication : 1 novembre 2011
Pagination : 165-184
ISBN : 978-84-96820-73-9
ISSN : 0076-230X
Référence électronique
Anne-Sophie Molinié, « Giorgio Vasari, Francisco Pacheco et le Jugement dernier », Mélanges de la
Casa de Velázquez [En ligne], 41-2 | 2011, mis en ligne le 01 novembre 2013, consulté le 30 septembre
2016. URL : http://mcv.revues.org/4088
Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée.
© Casa de Velázquez
miscellanées
Giorgio Vasari, Francisco Pacheco
et le Jugement dernier
Anne-Sophie Molinié
Université Paris Sorbonne - Paris IV
Y así el año de 1614 yo acabé un lienzo grande
de la historia del Juicio universal en precio de
setecientos ducados, para el convento de Santa
Isabel desta ciudad, donde está, con descrebir el
pensamiento que seguí en su disposición y en
lo que me aparté del común de otros pintores,
trayendo el exemplo del más aventajado Juicio
que se ha pintado jamás (que es el de Micael
Angel), descubriendo la razón que tuve para
historiar así, sacaremos de todo apurado el fin
deste punto1.
À la fin du xvie siècle, parmi d’autres sujets religieux désormais plus volontiers soumis à la contemplation des fidèles et à leur méditation sur les fins
dernières, le Jugement dernier retient encore l’attention des théologiens,
relayée par le travail des peintres.
Nous nous proposons dans les pages qui suivent de rapprocher, à travers
l’exemple précis de ce thème du Jugement dernier, deux auteurs de premier
rang dans l’histoire de l’art, davantage connus comme théoriciens que comme
peintres, Giorgio Vasari et Francisco Pacheco. Il s’agit d’étudier la question
plus vaste de la réception des textes et des positions de Giorgio Vasari en
Espagne, jusque dans les années 1660.
Le Jugement dernier est à la fois objet de représentation picturale et « événement » inscrit dans la profession de foi des chrétiens2. Il offre un point de
vue spécifique sur les choix et les thèses de l’historien de l’art et biographe
1
Cap. iii « En que se prosigue la materia del decoro », dans Pacheco, El Arte de la Pintura, 1990,
pp. 307-309. « L’année 1614, j’ai achevé une grande toile du Jugement Dernier au prix de sept cents
ducats, pour le couvent de Sainte Isabelle de cette ville. En expliquant la pensée que j’ai suivie pour
sa disposition, comment je me suis éloigné du commun des autres peintres en suivant l’exemple
du meilleur Jugement que l’on ait jamais peint — (celui de Michel-Ange) — et en découvrant les
raisons qui ont fait que j’ai traité l’histoire de la sorte, nous en terminons avec ce point », traduction
de l’espagnol par Fallay d’Este, 1986, p. 156.
2
Voir Molinié, 2007.
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toscan Vasari (Arezzo 1511 - Florence 1574), dans le contexte de la création
artistique et de la réflexion théologique dans la péninsule italienne en cette
seconde moitié du xvie siècle. L’œuvre magistrale de Michel-Ange dévoilée
à Rome, au sein de la chapelle Sixtine, en octobre 1541, renouvelle profondément la conception picturale de ce sujet et suscite des débats bien connus
sur sa portée spirituelle. Ces nouveautés et controverses sont rapportées par
Vasari et influencent sa réflexion.
Fortement marqué par la tradition italienne, le grand théoricien de l’art
espagnol, Francisco Pacheco (Sanlúcar de Barrameda 1564 - Séville 1644)
consacre pour sa part une étude exceptionnellement longue au Jugement
dernier et peint lui-même un imposant tableau sur ce sujet.
Après avoir présenté la manière dont Vasari interprète l’héritage italien
dans son exposé et dans sa peinture, on examinera son rôle comme relais
dans l’introduction en Espagne de traditions picturales italiennes alors novatrices, en particulier dans le cas de Pacheco. À côté des artistes formés à Rome
et venus, ou revenus, travailler à la cour d’Espagne, à côté des gravures qui
circulent et diffusent les modèles italiens, il est probable que le texte de Vasari
ait joué un rôle plus notoire qu’il n’apparaît d’ordinaire.
Le thème du Jugement dernier dans l’œuvre de Vasari :
théorie et pratique
L’Évangile selon saint Matthieu (24, 14 et 29-31) et, dans une moindre
mesure, le chapitre VII du Livre de l’Apocalypse demeurent les textes auxquels se réfèrent principalement les prédicateurs comme les théologiens qui
abordent le thème du Jugement dernier entre les dernières décennies du xvie
siècle et le milieu du xviie siècle. Ce sont le plus souvent les mêmes sources
qui figurent, en toute logique, dans les contrats de commande passés avec les
artistes ainsi que dans les recommandations qui leur sont adressées.
Sur le plan artistique, le Jugement peint par Michel-Ange Buonarroti
(Caprese 1475 - Rome 1564) pour Paul III, entre 1536 et 1541, constitue la
référence obligée pour tout artiste confronté à ce sujet. Son œuvre dans la
chapelle pontificale bouleverse les codes iconographiques traditionnels dans
la représentation du Jugement dernier et des modalités du salut de l’homme.
Ce sont enfin les questions de convenance, de bienséance et d’invention dans
les images qui sont soulevées par l’interprétation de Michel-Ange. Fervent
admirateur de Michel-Ange, avec qui l’art touche à sa perfection, Giorgio
Vasari accorde à son Jugement dernier un statut tout à fait exceptionnel :
L’œuvre captive ceux qui prétendent s’y connaître ; à voir les traits
dont il trace le contour de toute chose, les plus forts frémissent de
crainte, si aptes au dessin soient-ils ; on ne contemple pas ces réalisations sans être troublé en pensant à ce que sont par comparaison
les peintures passées ou futures des autres. Époque bénie, et heureux
souvenir pour qui a vu la merveille étonnante de notre siècle ! Quelle
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chance, quel bonheur pour toi, Paul III, que le Seigneur ait voulu placer sous ton égide l’accomplissement dont les auteurs donneront le
bénéfice à sa mémoire et à la tienne!3.
Quelques années plus tard, Francesco Pacheco parlera du « meilleur Jugement que l’on ait jamais peint ».
Vasari traite du Jugement dernier à deux reprises : la première, dans la
biographie qu’il trace de Michel-Ange. Vasari s’est formé à Florence, entre les
années 1525 et 1530. La scène artistique toscane est alors largement dominée
par la figure de Michel-Ange et Vasari s’est voulu le premier témoin et défenseur de l’activité du maître. La Vie qu’il lui consacre est la plus considérable
de tout son ouvrage, tant par sa longueur que par sa position : cent vingtième et dernière de la première édition (1550), elle constitue alors une sorte
de point d’achèvement et de conclusion à la vaste entreprise des Vies. Dans
l’évolution de l’art tracée par Vasari, l’œuvre de Michel-Ange marque le parfait aboutissement, le plein accomplissement de l’histoire qu’il s’est employé à
retracer dans son entreprise biographique. Il aborde donc le Jugement dernier
en termes élogieux, d’un point de vue tout d’abord iconographique :
Quand le Jugement fut dévoilé, on vit qu’il ne l’emportait pas seulement sur les autres artistes qui avaient travaillé là mais qu’il avait même
voulu, sous la voûte qu’il avait rendue si célèbre, se dépasser lui-même.
Et c’est ce qu’il a fait de très loin en réussissant à imaginer le Maître
redoutable de ces jours qui est représenté pour la punition des mauvais
avec tout l’appareil de sa Passion, toutes sortes de figures nues portant
dans les airs la croix, la colonne, la lance, l’éponge, les clous et la couronne, dans des attitudes pleines de souplesse et de réalisation difficile.
Le Christ assis, le visage effrayant et dur, se tourne vers les damnés pour
les maudire, non sans effrayer la Madone qui se replie dans sa tunique au
bruit et au spectacle de la catastrophe. Une foule de personnages forme
cercle autour d’elle : prophètes, apôtres, et plus particulièrement Adam
et saint Pierre, présents l’un pour rappeler l’origine des peuples soumis
au jugement, l’autre le fondement premier de la religion chrétienne.
À ses pieds un saint Barthélémy magnifique monte sa peau d’écorché.
Également un saint Laurent nu et d’innombrables saints et saintes, et
d’autres figures d’hommes et de femmes autour, auprès, à côté, qui se
font fête en s’embrassant pour avoir obtenu la béatitude éternelle par la
grâce de Dieu et la récompense de leurs bonnes œuvres4.
La version étoffée de 1568, dite Giuntina, à laquelle nous nous référons,
ne comporte guère de nouveauté sur le Jugement dernier par rapport à celle
de 1550, hormis quelques passages qui font écho aux critiques formulées par
3
Vasari, Les Vies, 1568. Toutes les citations du texte sont tirées des deux éditions suivantes : édition française commentée sous la direction d’André Chastel, 1981-1989, « Vie de Michel-Ange »,
t. VIII, p. 250. Vasari, Le vite de più eccellenti pittori scultori et archittetori, 1568, réédition par Gaetano Milanesi, 1878-1885, t. V, p. 248. Nous avons également utilisé les éditions de Luciano Bellosi
et Aldo Rossi, 1991 y de Rosanna Bettarini et Paola Barocchi, 1966-1997 (voir bibliographie).
4
Vasari, Les Vies, 1981-1989, t. VIII, pp. 248-249.
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l’humaniste vénitien Lodovico Dolce (1508-1568) en 1557 dans son Dialogo della pittura intitolato l’Aretino et aux condamnations théologiques de
Giovanni Andrea Gilio (mort en 1584) exposées dans le Dialogo nel quale si
ragiona degli errori e degli abusi de’ pittori circa l’istorie publié en 1564 5. Leurs
remarques portaient notamment sur les nudités et les étreintes des élus, motif
que Vasari souligne ici et dont il justifie la pertinence.
L’introduction du personnage mythologique de Charon avait elle aussi
suscité de vives protestations. Vasari y fait allusion, au long de sa description
très détaillée de la peinture, et il prend la défense des choix de Michel-Ange :
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Il y a dans tout cela toutes les intentions qu’on peut bien concevoir
dans un ouvrage pareil. Des études et recherches de toutes sortes s’y
font jour partout, et on le voit bien par exemple avec la barque de
Charon : celui-ci d’un air sinistre frappe de sa rame les âmes jetées
par les diables dans la barque, comme l’avait exprimé son cher Dante
en disant : « Le diable Charon aux yeux de braise / Leur fait signe
et les rassemble, / Frappant de la rame les traînards. » On ne saurait imaginer la diversité des faces de ces monstres infernaux. Les
pécheurs laissent voir la nature de leur péché et leur terreur de la
damnation éternelle6.
La suite de son propos adopte un tour plus technique, dégageant plusieurs
traits propres à la manière de Michel-Ange. Vasari met ainsi en valeur l’emploi savant des raccourcis, la notion d’« unité colorée » et le souci de rendre
« toutes les expressions humaines concevables »:
Tout esprit judicieux, tout connaisseur perçoit dans cet art la terribilità, discerne dans les figures sentiments et pensées que nul autre
n’a jamais peints ainsi, saisit la diversité des attitudes avec les gestes
singuliers propres à la jeunesse, à la vieillesse, à l’homme, à la femme7.
Ainsi, Vasari présente le Jugement de la Sixtine de façon assez précise et
enthousiaste, relevant certains motifs novateurs lorsqu’ils firent l’objet de
vives critiques et controverses, mais sans noter l’originalité de l’interprétation d’ensemble proposée par Michel-Ange. Alors même qu’il s’adresse aux
artistes et présente cette peinture comme un modèle inégalé, le biographe
n’en tire pas de prescriptions pour illustrer un tel sujet. Ce n’est pas son
propos et ses propres expériences picturales en la matière ne suivent pas le
modèle admiré.
Vasari revient en effet en une autre occasion sur ce sujet, lorsqu’il reçoit
une commande du pape Pie V (Michele Ghisleri 1504/1566-1572) pour
5
Ludovico Dolce, Dialogo della pittura intitolato l’Aretino, Venise, 1557. Réédition par Barocchi,
1960-1962, vol. I, pp. 140-206. Giovanni Andrea Gilio, Dialogo nel quale si ragiona degli errori e degli
abusi de’ pittori circa l’istorie, Camerino, 1564. Réédition par Barocchi, ibid., vol. II, pp. 1-115.
6
Vasari, Les Vies, 1981-1989, t. VIII, p. 249.
7
Ibid.
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l’église du couvent de Bosco Marengo 8. Le souverain pontife était en effet
originaire de cette localité du Piémont. Dans sa propre autobiographie, qui
vient clore l’ensemble de son ouvrage dans l’édition de 1568, Giorgio Vasari
évoque rapidement ce projet, sans toutefois mentionner le Jugement dernier :
Je partis en voyage à travers presque toute l’Italie, revoyant de
nombreux amis […]. En dernier lieu, je me trouvais à Rome, avec
l’intention de revenir à Florence ; au moment où je baisais les pieds du
très saint et bienheureux pape Pie V, il me demanda de lui faire à Florence un tableau destiné à l’église du couvent del Bosco qu’il était en
train de faire construire dans son pays, près d’Alessandria della Paglia.
[…] il me commanda pour le maître-autel de son église del Bosco,
non point un tableau selon l’usage, mais un grand montage, du genre
arc de triomphe avec deux tableaux, l’un par devant et l’autre par
derrière, et, fragmentés en une trentaine de petits tableaux, de petites
scènes remplies de personnages qui sont toutes terminées9.
La toile, peinte à l’huile, faisait partie d’un vaste ensemble de vingt-deux
œuvres destiné au maître-autel situé dans le chœur, démembré en 1710. Les
deux grands tableaux placés au centre représentent le Jugement dernier, face
à la nef, et, au revers, le Martyre de saint Pierre de Vérone. Des portraits de
saints dominicains et des scènes de miracles que ceux-ci avaient accomplis
figuraient dans les plus petits panneaux, allusion à l’appartenance du pape
commanditaire à l’ordre des Frères Prêcheurs. Le Jugement dernier demeure
aujourd’hui encore en place, au-dessus des stalles, derrière le maître-autel.
Réalisé à Florence où travaille alors Giorgio Vasari, il est acheminé jusqu’à
Bosco par la mer en septembre 1570. Une inscription indique la date et la
signature : « d.mdlxviii / pius v pot. / max : fieri / fecit / georgius/
vasarius / aretinus pinxit » (fig. 1, p. 170). Le 27 février 1567, on sait
qu’un dessin préparatoire, présenté par Vasari et conçu selon les instructions
de Vincenzo Borghini, est approuvé par le pape. Il s’agit probablement de
la feuille conservée au Louvre, qui représente le tableau dans son imposant
cadre architectural 10.
La composition, disposée en hauteur, suit une répartition traditionnelle
entre un registre supérieur où le Christ-Juge siège au milieu des saints et des
apôtres et un registre inférieur où l’archange Michel, casqué et cuirassé, au
centre, procède au partage entre les élus sur sa droite et les réprouvés qu’il
repousse sur sa gauche, du geste de la main et de l’épée brandie au-dessus
de sa tête. Une épaisse strate nuageuse sépare les cieux du monde terrestre
8
Ce tableau s’inscrit dans une longue tradition de représentation en peinture de la scène du
Jugement dernier. Je me permets de renvoyer pour l’étude du Jugement dernier de Bosco Marengo au
corpus de Jugements derniers peints rassemblés dans ma thèse de doctorat, Molinié, 2007.
9
Vasari, Les Vies, 1981-1989, t. X, p. 290-291.
10
Vasari, Jugement dernier, 1566-1567. Plume et encre brune, lavis brun sur pierre noire, 73,8 x
45,4 cm. Paris, musée du Louvre, Cabinet des dessins, inv. n. 2153
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et accueille les anges, sonnant de la trompette, chargés du livre des vies ; l’un
d’eux, aux pieds du Sauveur, porte la Croix. L’axe vertical est fortement souligné par l’alignement entre le Christ, la croix et l’archange de taille imposante,
saint patron du pape commanditaire.
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Fig. 1. — Giorgio Vasari, Jugement dernier, 1567-1569. Huile sur toile,
580 x 280 cm environ. Bosco Marengo, Santa Croce, autel majeur
Dans ce schéma classique et rigoureux, le peintre introduit vie et mouvement. Chez les bienheureux et les anges, c’est la souplesse des corps, la fluidité
des vêtements, l’élégance des gestes, l’inclinaison d’un visage ou la torsion d’un
buste qui traduisent ce mouvement. Sur terre, il devient tumulte. Ce sont là
de véritables foules qui se pressent de part et d’autre de l’archange. Entassés,
bousculés dans les positions les plus variées par des diables, contorsionnés et
implorant encore, précipités dans la gueule de l’enfer, les damnés peuplent un
espace saturé que délimite, outre le cadre doré, une masse de nuées sombres
que traversent des flammes. L’assemblée des élus, derrière l’archange, est
presque aussi désordonnée, mais l’échappée de lumière à l’horizon indique un
chemin qu’empruntent les élus encadrés par des anges. Là encore, le peintre
traite avec une grande variété les visages, les coiffures et les gestes : frères dominicains et religieuses, hommes et femmes du monde se pressent en prière ou
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encore inquiets. Giorgio Vasari reprend ici le motif condamné dans la peinture
de Michel-Ange, et qu’il avait défendu, de l’étreinte des élus.
Dans sa peinture aux accents maniéristes — que ce soit par la délicatesse
des visages des anges, les coloris, les formes allongées, la gestuelle empreinte
d’une grâce voulue, recherchée, ou une certaine emphase de la manière —,
Vasari ne suit pas le modèle et la composition révolutionnaire de MichelAnge, et n’obtient en aucun cas la force prodigieuse qui émane de la peinture
qu’il avait érigée pourtant en exemple. Vasari se conforme au contraire très
fidèlement aux prescriptions de son commanditaire, le pape Pie V, et des
théologiens qui l’entourent, soucieux avant tout d’orthodoxie et d’éviter
toute interprétation iconographique ambiguë.
À la fin de sa vie, Vasari reçoit une ultime commande prestigieuse : la décoration de l’intérieur de la célèbre coupole réalisée par Brunelleschi pour le
duomo Santa Maria del Fiore. Le commanditaire est le grand-duc de Toscane,
Cosme Ier Médicis. Défenseur des positions de l’Église en matière de salut, il
souhaitait attacher son nom à une entreprise décorative de grande ampleur.
Le sujet retenu est un Jugement dernier et le programme iconographique est
élaboré par Vasari et le prieur du lieu, Vincenzo Borghini. Le peintre y travaille dès 1572, jusqu’à sa mort en 1574. Le projet est alors repris par Federico
Zuccari et son atelier. Là encore, les dessins préparatoires de Vasari, conservés
au Louvre, montrent un parti strictement respectueux des textes des Écritures et des positions défendues par les théologiens de la Réforme catholique.
Si Francisco Pacheco n’a pas forcément connu ces peintures de l’Arétin,
ses écrits au contraire lui sont familiers, comme l’attestent les nombreuses
occurrences relevées dans l’Arte, et sur le thème du Jugement dernier tout
particulièrement. Cette familiarité s’inscrit dans le cadre plus large de la
diffusion des textes de Vasari en Espagne. L’étude des inventaires de bibliothèques anciennes révèle en effet la présence des écrits vasariens chez nombre
d’artistes, hommes de lettres ou membres de familles nobles.
La réception des textes de Vasari en Espagne
à partir de l’exemple de Francisco Pacheco
D’un point de vue théorique, Francisco Pacheco cite amplement Vasari,
parfois sur le mode de la critique et de la distance, souvent comme référence
en matière de goût. Ainsi, à plusieurs reprises, exprimant un jugement sur tel
ou tel artiste italien, Pacheco retient les choix et les appréciations de Vasari,
soit littéralement, soit en reprenant ses positions exprimées par Federico
Zuccaro, auteur de L’Idea dei Pittori, scultori et architetti (Turin, 1607) ou par
Giovan Paolo Lomazzo dans son Trattato dell’Arte della Pittura, della scoltura et archittetura (Milan, 1584). L’influence des positions vasariennes sur
la réflexion de Pacheco est notoire dans le cas du Jugement dernier : c’est
bien au Toscan que Pacheco doit ses positions nuancées, contrairement à ce
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que l’on aurait pu attendre, sur les enjeux artistiques soulevés par ce sujet en
matière de convenance, de décence, de decoro. Pacheco reprend donc là en
partie la défense formulée par Vasari dans sa Vie de Michel-Ange, poursuivie et orchestrée par Lomazzo. Tandis que Vincente Carducho, très proche
de la pensée de Lomazzo, livrait dans son cinquième Dialogue un éloge sans
partage du Jugement dernier, Pacheco demeure plus réservé, ferme sur l’interprétation religieuse que délivre la peinture et sa portée morale. Rappelons
qu’il écrit dans un contexte où les propagateurs de la Réforme catholique, fervents défenseurs de l’orthodoxie et de la décence dans les œuvres sacrées, ont
attaqué avec virulence le Jugement dernier de la chapelle Sixtine. Si Pacheco
n’est pas lui-même un ecclésiastique, il entretient, au sein de l’Académie
sévillane qu’il dirige, de longs échanges avec bon nombre de Jésuites sur la
représentation de l’Histoire Sainte. Toute une partie de son Arte de la Pintura
s’en fait l’écho précis. Il adopte une position mesurée, à mi-chemin entre les
violentes critiques de Dolce, l’Arétin ou Gilio et l’enthousiasme de Vasari,
auquel il reste toutefois somme toute assez fidèle. Ce faisant, il s’inscrit au
cœur du débat suscité en Italie par l’œuvre de Michel-Ange.
Francisco Pacheco ne se contente pas, à l’instar de plusieurs auteurs espagnols dont les ouvrages contiennent des références à Vasari, de lui emprunter
des exemples, des informations ou des anecdotes sur la vie et la production
de tel artiste italien 11. Il considère avant tout les Vies comme un recueil de
réflexions sur l’art, dont il reprend les développements, les réflexions théoriques, les recettes d’atelier et les principes de méthode que doivent suivre les
artistes, pour l’usage des dessins ou des cartons préliminaires, par exemple. Au
moment d’aborder un point que Vasari n’avait pas étudié dans ses prologues
théoriques placés en introduction aux Vies, Pacheco précise alors qu’il a dû par
conséquent s’appuyer sur d’autres auteurs. C’est le cas au tout début du Livre II,
dans le chapitre I intitulé « De la division de la peinture et de ses parties ».
Le milieu des académies sévillanes, autour de la figure de Francisco Pacheco,
constitue ainsi l’une des voies d’entrée des textes de Vasari en Espagne. Si
la première est plutôt liée au Greco (1541-1614), que Pacheco rencontre
d’ailleurs à Tolède en 1611, c’est dans le milieu sévillan que l’on peut observer ensuite l’introduction de l’œuvre de Vasari. Pacheco possède dans sa riche
bibliothèque le livre de Vasari — auquel il puise donc si abondamment pour
écrire plusieurs chapitres de son Arte de la Pintura — dans la seconde édition de 1568, sans doute parvenue jusqu’à lui par l’intermédiaire de Pablo de
Céspedes qui lui rapporte plusieurs ouvrages d’Italie. C’est ce qu’indique un
texte de sa main, écrit le 29 décembre 1593. Dans le contrat de mariage (capitulaciones matrimoniales) établi à cette date, lors de son union avec Maria
11
On peut évoquer, à titre d’exemple, le manuscrit bien connu de Butrón, Discursos apologéticos,
1626 (BNE, Sala Cervantes R/27751 et U/3834). Prenant la plume pour défendre les peintres dans
un litige fiscal, il se réfère à plusieurs auteurs italiens, parmi lesquels Giorgio Vasari, pour définir le
statut de leurs œuvres et reconnaître la peinture comme un art libéral.
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Ruiz, Francisco Pacheco déclare posséder parmi ses biens plusieurs livres
d’art : « mas los libros del arte que son uiñola en frances dos libros de pintura y jorge basari que ualen 66 rreales ». Ce document, conservé à l’Archivo
General de Protocolos de Séville, a été publié par Celestino López Martínez12.
Notons que l’autre ouvrage remarquable de Vasari pour ses commentaires,
les Ragionamenti, publiés en 1588, n’est en revanche jamais cité par Pacheco.
La présence des Vite dans la bibliothèque de Francisco Pacheco, et l’intérêt que porte le théoricien à son prédécesseur toscan, ne sont pas inattendus
de la part d’un auteur familier de la théorie artistique italienne, mais sont
significatifs en ce qu’ils constituent un point visible de la présence des écrits
vasariens dans l’Espagne de la fin du xvie et de la première moitié du xviie
siècle. Alors qu’il n’est guère évident à première vue que ces textes aient circulé dans la péninsule ibérique, on a là un indice d’une réelle diffusion, certes
relative, mais bien réelle. Les travaux menés par Ramón Soler i Fabregat sur
les bibliothèques d’environ deux cents artistes ou auteurs de traités artistiques espagnols, dont les inventaires s’échelonnent entre les années 1358 et
1812, montrent, notamment pour la Catalogne, quelle pouvait être la diffusion des traités italiens 13. Le travail de l’auteur, Ramón Soler i Fabregat, est
fondé sur une base de données constituées d’à peu près six cents titres, pour
un ensemble d’environ trois mille exemplaires, liés à l’art. Parmi les auteurs
de biographies d’artistes, Vasari apparaît en premier lieu pour le xvie siècle,
avec Palomino pour le xviiie siècle. Notre propre recherche, actuellement en
cours, est pour sa part davantage fondée en particulier sur les inventaires de
bibliothèques privées anciennes, principalement à partir des fonds de Madrid,
Tolède et Séville. Centrée sur la réception des textes de Giorgio Vasari, notre
prospection révèle un nombre significatif d’exemplaires des Vite, voire dans
une moindre mesure des Ragionamenti, dans les collections espagnoles.
Pour revenir à notre sujet et à l’importance des écrits vasariens pour Pacheco,
notons que c’est bien à travers la Vie que consacre Vasari à Michel-Ange que
Pacheco acquiert une vision aussi précise et modulée du Jugement de la Sixtine.
Écho des traditions italiennes dans la théorie de l’art espagnole :
le Jugement dernier d’après Francisco Pacheco
C’est à propos de la notion de decoro que le théoricien sévillan, au Livre II
de son Arte de la Pintura, aborde le thème du Jugement dernier. Cette notion
essentielle dans sa réflexion est envisagée au cours des chapitres II et III,
12
López Martínez, 1929, pp. 178-184 (cit., p. 181 [1639, fº. 769]). Salazar, 1928, p. 155. Ce
document est également cité dans l’introduction de Bassegoda i Hugas à Pacheco, El Arte de la
Pintura, 1990, p. 32.
13
Nous renvoyons en particulier à la thèse de Soler i Fabregat, 1998 soutenue sous la direction
du Professeur Bonaventura Bassegoda à l’Universitat Autònoma de Barcelona, et à la version remaniée de cette thèse : Soler i Fabregat, 2000.
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puis développée au chapitre IV à partir d’une analyse critique du Jugement dernier de Michel-Ange. Indéniablement, c’est au modèle italien que
se réfère le théoricien à propos de ce thème. L’œuvre apparaît exemplaire
pour traiter des questions de bienséance, de respect des convenances dans les
images saintes et de la liberté laissée ou non à l’artiste dans l’interprétation
des textes sacrés. C’est donc en référence au Jugement du maître florentin,
objet de controverses artistiques et doctrinales, que Pacheco définit les règles
que dictent l’ordre et la décence en matière de peinture, de façon générale,
puis plus précisément celles que doit suivre l’artiste chargé de peindre un
Jugement dernier. Quand bien même Pacheco ne consacre que la fin de
son propos à Michel-Ange, c’est au regard de cette œuvre qu’il construit sa
réflexion. Ce sujet devient ici l’illustration par excellence de ses préceptes en
matière de bienséance.
Pacheco n’est sans doute pas allé à Rome, mais il connaît bien l’œuvre de
Michel-Ange et se livre à une analyse détaillée. L’une des modalités de l’introduction en Espagne des modèles italiens, et plus particulièrement de l’œuvre
de Michel-Ange à la Sixtine, est la présence des artistes ayant travaillé à Rome.
Des Italiens sont présents sur le chantier du monastère de l’Escorial tandis que
plusieurs artistes espagnols voyagent en Italie pour y compléter leur apprentissage. Pablo de Céspedes fait partie de ces peintres espagnols formés à Rome
dans les années 1600 dans un milieu imprégné par le maniérisme hérité de
Michel-Ange ; ces artistes travaillent dans les ateliers des disciples du maître,
tels que Federico Zuccaro ou Giorgio Vasari en particulier. À son retour en
Espagne, Céspedes, qui avait noué des relations d’amitié avec le peintre et
théoricien Zuccaro, fréquente l’Académie de Séville et son influence sur les
réflexions de Pacheco est évidente.
En outre, c’est aussi par le biais des gravures que Pacheco connaît le Jugement de Michel-Ange. Il l’écrit lui-même : «je dirai que j’ai vu et observé
toutes les inventions que j’ai pu et que l’on trouve sous forme d’estampes. Et
notamment ce dessin de Michel-Ange dont j’ai conçu une grande copie »14.
Le Sévillan peut de la sorte se référer à la version originale du maître,
sans les corrections apportées par Daniele da Volterra, sur les nudités ou les
postures de quelques personnages. Parmi les reproductions du Jugement de
Michel-Ange qui circulent alors en Espagne, on pense en particulier aux dessins réalisés par Gaspar Becerra (vers 1520-1570)15.
14
Pacheco, Arte de la Pintura, 1990, p. 309 (éd. de 1649 à la BNE, Sala Cervantes R/31629) ; L’Art
de la peinture, 1986, p. 156).
15
On en trouve un exemplaire au crayon noir, daté avant 1557, conservé à la BNE sous le titre
Fragmento del Juicio Final de Miguel Angel (ill. 5). Il s’agit d’un détail de la partie inférieure gauche,
représentant la résurrection des morts, de très belle facture. Le Musée du Prado possède un autre détail
jumeau qui figure le groupe des élus [F.A. 2]. Pour Xavier de Salas, ces deux dessins reproduiraient, non
la version définitive de la peinture, mais le carton préparatoire conçu chaque jour par le maître pour la
partie qu’il allait peindre. Pacheco, qui cite souvent Becerra, relève dans ses dessins un trait assez proche de celui de Michel-Ange. Gaspar Becerra, né à Jaén, se trouve à Rome vers 1540-1544 ; il travaille
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 41 (2), 2011, pp. 165-184.
ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
anne-sophie molinié giorgio vasari, francisco pacheco et le jugement dernier
S’il concède à l’immense peinture des qualités formelles — la grande manière,
la sûreté dans les raccourcis, l’excellence du trait, des gestes et du jeu des muscles,
nul n’y parvint comme lui, dans la perfection d’un corps humain nu —, Pacheco
critique sévèrement les erreurs du peintre, ses manquements non seulement à
la convenance mais plus encore aux principes de la Réforme catholique. Le chapitre IV expose ces réserves : ainsi, la barque de Charon, transportant les âmes
vers l’enfer, allusion à Dante, relève d’une fantaisie très éloignée du dogme. Les
saints non vêtus comme les anges aptères sont jugés tout aussi peu conformes à la
vérité de l’histoire sainte et à la convenance, convenevolenzza en italien — autant
de critiques inspirées des écrits de Gilio et de Lodovico Dolce, d’ailleurs cité par
le théoricien sévillan16. Pacheco se place de la sorte au centre du débat moral et
religieux posé en Espagne également par l’œuvre de Michel-Ange.
Pourtant Pacheco, théoricien de la Réforme et censeur de l’Inquisition,
ne condamne pas définitivement cette peinture. Il fait preuve d’une relative
modération, inspirée par l’admiration qu’il éprouve malgré tout : « L’art,
quand il touche à la perfection, ne peut jamais être mauvais et ceux qui en
médisent ne pourront jamais l’égaler ».
Son jugement relativement nuancé sur le Jugement de Michel-Ange est
influencé par des auteurs tels que Pablo de Céspedes mais aussi Giorgio Vasari.
C’est notamment au nom des remarques de Céspedes qu’il relativise les critiques de Lodovico Dolce. Lorsqu’il explique avoir cité un détail du Jugement
dernier de Michel-Ange « afin d’honorer ma peinture de quelque chose qui
appartînt à cet homme de talent », Pacheco invoque l’exemple de Céspedes.
Il s’agit de l’homme qui porte les mains sur ses oreilles: « car c’est une gloire
de l’imiter (non pas tellement pour ce qui est de la décence), comme je l’ai vu
faire par Peregrini dans la Bibliothèque de l’Escorial et par Pablo de Céspedes
dans le célèbre retable de la Compagnie de Jésus à Cordoue »17.
Comme pour tempérer les critiques qu’il formule à la suite de Dolce,
Pacheco cite également Vasari, inconditionnellement acquis aux choix de
Michel-Ange. Et il conclut en ces termes :
J’affirme premièrement que le Jugement Dernier de Michel-Ange a
été et sera la première et la meilleure œuvre jamais exécutée au monde
et que ceux qui viennent après lui renoncent à l’espérance de l’égaler
en art, profondeur et savoir. Et de la sorte, Michel-Ange n’a pas péché
contre la perfection de l’art (en cela nul homme sensé n’osera lui en
faire le reproche) ni contre l’intention en général18.
sous la direction de Vasari, notamment à la décoration de la salle des Cent Jours, et dans l’atelier de
Daniele da Volterra, le disciple de Michel-Ange, qu’il a sans doute côtoyé. Il rentre en Espagne en 1557.
Deux autres copies au moins peuvent être signalées, celle du graveur Giulio Bonasone (vers 1510 - vers
1576), dont le nom apparaît dans l’Arte et celle de Martino Rota (vers 1520 - 1583), plus tardive (BNE,
Sala Goya, Inv. 40480 et Inv. 2233). Voir le catalogue On Love and Death…, 2001, n. 100, pp. 280-281.
16
Pacheco, Arte de la Pintura, 1990, p. 335.
17
Ibid., p. 314 (L’Art de la peinture, 1986, p. 159).
18
Ibid., p. 337 (ibid., p. 162).
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C’est face à cette œuvre si célèbre et si débattue — qu’il n’examine en détail
qu’au chapitre IV — que Pacheco explique comment peindre un Jugement
dernier pour respecter la bienséance et la sacralité du sujet. Il commence, aux
premières pages du chapitre III, par énumérer les sept impropriétés le plus
souvent commises par les peintres sur ce thème : 1. Le rameau d’olivier dans
la main droite du Christ, en signe de miséricorde, et l’épée de la justice dans
la main gauche, motifs adéquats mais insuffisants ; 2. La Vierge et saint JeanBaptiste, intercesseurs ; 3. La croix et les autres instruments de la Passion
portés par des anges ; 4. L’archange saint Michel représenté en train de peser
les âmes ; 5. La résurrection des morts ; 6. Les démons occupés à infliger toutes
sortes de maux aux damnés, selon leurs péchés ; 7. La présence enfin d’une
bouche de l’enfer. Notons que, s’il pouvait les connaître, Pacheco ne cite pas
les traités sur le Jugement dernier imprimés dans ces années-là en Espagne.
Œuvres de théologiens, ils rassemblaient les commentaires des auteurs
anciens sur les fondements, les circonstances et les modalités du Jugement,
envisagés de façon très détaillée, ainsi par exemple à propos de l’identité des
ressuscités, élus ou réprouvés, selon la couleur de leur peau, ou de leurs yeux.
On peut mentionner par exemple le Tratado del Iuyzio final, écrit par Frère
Juan Diaz Nicolas, de l’ordre des Prêcheurs de la Province de Portugal19. Le
texte est imprimé à Valladolid, chez Diego Fernández de Córdoba y Oviedo,
en 1588. Il connaît une assez large diffusion, plusieurs nouvelles impressions,
ainsi à Madrid en 1599, et des traductions, en italien à Venise en 1597. Il sert
de référence en matière d’iconographie sur ce thème. Les commanditaires,
notamment au sein des ordres religieux, dominicains, jésuites, y puisent des
détails précieux pour une interprétation narrative, voire pittoresque, des
étapes du Jugement et de la résurrection. Donner quelques détails.
La suite de ce chapitre, et le suivant, présentent, à partir de là, ses propres
choix et une description minutieuse de son tableau. Pacheco s’attache à montrer qu’il s’est bien gardé de telles impropriétés et justifie son œuvre. Il écrit
ainsi :
Il n’y a pas dans ce tableau de bouche de l’Enfer, ni corps qui ressuscitent, car la première ne se montre pas et le second événement a déjà
eu lieu. Le but de cette démonstration est de peindre une seule histoire,
le jugement achevé, et comment chacun vient recevoir la récompense
de ses œuvres. Tout le reste est un champ dépourvu d’herbe, pelé, un
peu plus vert du côté des Justes, sec et stérile du côté des damnés20.
La fidélité aux textes sacrés et aux commentaires des théologiens doit
exclure les libertés et les fantaisies prises par certains artistes. Ce n’est pas la
puissance imaginative de l’artiste qui prévaut, mais le respect de la vérité et
du dogme, conformément à l’esprit de la Réforme catholique.
19
BNE, Sala Cervantes, R/33699.
Pacheco, Arte de la Pintura, 1990, p. 316 (L’Art de la peinture, 1986, p. 160).
20
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anne-sophie molinié giorgio vasari, francisco pacheco et le jugement dernier
Ces lignes éclairent donc la manière dont Pacheco aborde, en tant que Veedor de l’Inquisition pour les peintures sacrées, le thème du Jugement dernier.
Quand bien même il aborde ce sujet du Jugement dernier en référence,
comme en défi, à la célèbre peinture de Michel-Ange, qu’il connaît donc
notamment à travers les textes de Vasari, Pacheco s’en démarque tout à fait
dans le parti qu’il adopte à Santa Isabel. Dans ce Jugement conforme aux
recommandations des théologiens de la Réforme catholique, ce n’est plus au
Vasari relais des innovations de Michel-Ange que se réfère Pacheco, mais bien
plutôt au Vasari lui-même interprète des positions catholiques de Rome ou
de ses défenseurs.
En 1611, ce n’est plus de ce point de vue théorique ou théologique avant
tout que Pacheco aborde le Jugement dernier. C’est au peintre, actif dans
les principaux couvents de Séville ainsi qu’à la Casa de Pilatos pour le duc
d’Alcalá, vice-roi de Naples, que revient cette fois la tâche de composer un
tableau sur ce sujet. Formé dans la tradition hispano-flamande, Pacheco
puise ici à une inspiration nordique, transmise par les gravures venues en
Espagne depuis les Provinces du Nord21 ou par les artistes séjournant dans la
péninsule22. Pacheco analysait ces traditions iconographiques en écrivant les
pages de son Arte où il relève les motifs à éviter et ceux qu’il juge au contraire
souhaitables.
Conjointement, Pacheco est aussi influencé par les courants italiens tels
que le maniérisme. 1611 correspond en outre à son voyage en Castille, à
Madrid et à Tolède, où il rencontre Greco. On remarque l’influence de ce
dernier, malgré les réserves que Pacheco formulera à son encontre, dans le
traitement de certains corps longilignes ou parfois des visages, ainsi parmi
les Élus. En 1611 également entre dans son atelier le jeune Velázquez. Œuvre
imposante par ses dimensions (338 x 235 cm) et emblématique par son sujet,
elle est donc longuement décrite par Pacheco dans son traité, au chapitre 3 du
Livre II. On y lit que ce tableau était l’une des pièces d’un retable commandé
le 28 juillet 1610 par Hernando de Palma Carillo et son épouse, destiné à surplomber l’autel de la sépulture familiale, dans l’église du couvent Santa Isabel
de Séville. Le retable est réalisé entre 1610 et 1614 à partir du projet de Juan
de Oviedo, ce qui dépasse largement les six mois prévus dans le contrat pour
accomplir la peinture. Le prix en est élevé : 700 ducats.
Une inscription en bas à gauche, attribuée, selon le peintre, à son ami
21
Ainsi les planches gravées par Johan Wierix (vers 1549 - vers 1618) qui accompagnent plusieurs
ouvrages imprimés à Anvers, comme le très célèbre Jugement dernier des Adnotationes… de Jérôme
Nadal ou celui du non moins fameux De rerum usu et abusu…, respectivement imprimés en 1594 et
1575. [BNE, Sala Goya R-7965 (2) Ilustraciones et Sala Cervantes R/4398]
22
On pense notamment au Jugement dernier de Martin de Vos (1532-1603), achevé en 1570 et
conservé au Musée des beaux-arts de Séville. Huile sur bois, 263 x 262 cm. Inv. n. CE0053P. Pacheco
le mentionne avec de fortes réserves sur son sens de la décence ; les multiples corps ressuscitants au
premier plan, certains accueillis par des anges, d’autres manipulés brutalement par les démons n’ont
pas été retenus par le peintre sévillan, beaucoup moins inventif et audacieux.
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le poète Francisco de Medina (1544-1615), indique la signature et la datation : « FUTURUM AD FINEM SAECULORUM IUDITIUM FRANCISCUS
PACIECUS ROMULENSIS DEPINGEBAT SAECULI A IUDICIUM NATALI
DECIMI SEPTIMI A.[NNO] XIV ».
Le tableau quitte l’Espagne en 1808, avec les troupes napoléoniennes. Après
une longue histoire mouvementée, il est conservé depuis 1996 au Musée
Goya de Castres (fig. 2 et 3). Dans un récent article, Benito Navarrete Prieto
a rapporté les épisodes de cette histoire et présenté un dessin préparatoire
jusqu’ici méconnu, conservé depuis peu au Musée du Prado23. L’auteur note
que la principale différence entre ce dessin et la toile — la position inversée et
les attributs des deux archanges saints Gabriel et Michel — reflète les débats
survenus entre les amis et conseillers religieux du peintre. On peut citer le
Franciscain Damián Lugones, les docteurs Sebastián de Acosta et Gonzalo
Sánchez Lucero, Gabriel de Torres y Salto, chanoine de Badajoz, Don Alonso
de la Serna et le bibliothécaire et chroniqueur du roi Philippe IV, Francisco
Rioja. L’attention que suscite le dessin préparatoire pour ce Jugement dernier
auprès de ces auteurs est bien le signe que Pacheco est alors au sommet de sa
carrière, tant sur le plan artistique que social. Âgé d’une cinquantaine d’années, il occupe un rôle de premier plan sur la scène artistique sévillane.
La toile — « véritable exhibition de peinture savante », selon Bartolomé
Bennassar24 — est saisissante, tant par ses dimensions, le nombre des personnages (environ huit cents), que par l’emploi de couleurs vives, de tons saturés
et de contrastes entre les tonalités chaudes et froides, ou encore la construction très recherchée, fondée sur des rapports d’harmoniques ou de symétrie.
Comme l’écrit Jean-Louis Augé, directeur du musée Goya de Castres :
Pour Pacheco, une œuvre peinte se doit d’être construite selon des
règles précises, de façon « scientifique » comme il le précise dans son
Traité de la Peinture. Outre le dessin préparatoire dont il célèbre le
mérite, il prétend user de la cuadricula (c’est-à-dire le principe de la
mise au carreau), du modèle vivant, de l’étude des draperies.
Et après avoir analysé toute la composition selon le jeu des lignes, diagonales, courbes et cercles qui la définissent, il conclut : « Autant dire que
cette œuvre est un véritable manifeste, une prouesse technique où les rapports de mesures font appel aux harmoniques et à n’en pas douter à la section
dorée »25.
L’ensemble est ordonné avec soin. La répartition de la lumière, des couleurs et des masses confère à la scène un puissant équilibre. Suivant un parti
traditionnel, deux registres apparaissent clairement, séparés par quatre anges
23
Navarrete, 2010. Le dessin préparatoire au Jugement dernier est conservé sous le numéro
d’inventaire D-8557. Crayon et encre brune, 55,3 x 38,7 cm.
24
Bennassar, 2010, p. 51. L’auteur poursuit : « La composition, extraordinairement rigoureuse,
est une illustration du gouvernement de la géométrie dans l’art de peindre ».
25
Le Jugement dernier de Francisco Pacheco, 2001, p. 4.
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Fig. 2. — Francisco Pacheco, Jugement dernier, 1611-1614.
Huile sur toile, 338 x 235 cm. Castres, musée Goya, inv. n. 96-17-1
Fig. 3. — Francisco Pacheco, Jugement dernier, 1611-1614 (détail)
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buccinateurs venus annoncer la fin des temps et le Jugement dernier. Au
sommet de la composition, dans l’axe de la croix, le Christ est assis sur un
arc-en-ciel, la Vierge Marie à sa droite. Il bénit les élus de sa main droite et
repousse de l’autre les réprouvés vers l’enfer. L’ange de la Miséricorde divine
avec un rameau d’olivier et l’ange de la Justice divine armé de l’épée de feu
complètent ce groupe. Un axe vertical conduit du Christ à saint Gabriel ;
muni de la croix de la Passion, il siège au centre de l’assemblée céleste, et au
point central également de la composition. Les prophètes, avec le roi David,
côtoient les chœurs angéliques ainsi que les apôtres identifiables à leur attribut, ainsi saint Pierre avec la clé, saint Jean et l’aigle, saint André et la croix en
X et de nombreux autres saints tels saint Paul, saint Jérôme, saint François et
saint Dominique ou encore saint Ignace. La présence, exceptionnelle, de saint
Joseph, placé entre saint Pierre et saint Jean-Baptiste, rappelle l’essor du culte
de saint Joseph en Espagne au xvie siècle ; l’année 1611 est en effet marquée
par la proclamation de la fête de ce saint.
L’axe vertical se prolonge dans le registre inférieur avec la figure de saint
Michel, « figure de trois mètres de haut », « Capitaine général, armé à la
romaine de sa cuirasse et de ses grecques ». L’archange saint Michel domine
l’espace, occupé à séparer les damnés des élus, « phalanges ou armées de
figures nues ». Comme il l’explique dans l’Arte de la Pintura, Pacheco a inséré
parmi ce dernier groupe son propre autoportrait, à gauche, parmi de très
nombreux portraits aux traits individualisés. Sur une terre vallonnée, les
flammes à gauche signalent l’enfer, gerbes qui sortent des fissures du sol ou
constituent à l’horizon une bande jaune et orangée avant les sombres nuages.
Sur la gauche au contraire, au-dessus des élus groupés eux aussi en rangs serrés, la sphère de lumière ferme l’horizon. À l’extrême gauche de la toile, des
élus s’élèvent vers le ciel dans une trouée de nuages.
L’ovale des visages, l’allongement des mains, la gestuelle aussi viennent du
maniérisme que Pacheco avait pu découvrir auprès de son maître, Luis de
Vargas (1506-1567) qui avait séjourné à Rome entre 1527 et 1534. Alors que
dans l’Arte, Pacheco aborde le Jugement dernier de Michel-Ange dès le Livre I
puis lui consacre le chapitre IV du livre II, on peut s’étonner que sa propre
composition ne doive rien au chef-d’œuvre romain. Hormis l’homme placé
dans l’angle inférieur droit qui tient sa tête entre ses mains, aucune citation
de Michel-Ange ne peut être repérée. Pacheco relève en quelque sorte un défi
en représentant ce sujet après l’exemple magistral et célébrissime de MichelAnge et en adoptant un tout autre parti. Il écrit d’ailleurs :
J’ai voulu peindre le visage du Christ paisible et tourné vers les bons,
à la différence de Michel-Ange qui l’a fait debout, irrité, tourné vers
les méchants car, à mon avis, la douceur et la suavité ont plus de pouvoir sur l’âme des hommes […] La Vierge est assise dans une posture
agréable, elle s’incline vers les bons, les bras croisés sur la poitrine et
elle montre sa satisfaction. Elle n’est pas en prières, à genoux comme
le montre la majorité des peintres, car saint Bonaventure dit que ce
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anne-sophie molinié giorgio vasari, francisco pacheco et le jugement dernier
jour-là sera entièrement consacré par le Juge à rendre la Justice et que,
même si la Vierge le supplie, elle ne pourra l’émouvoir ; ce ne sera pas
en effet jour de prières mais d’attention et de silence26.
Pacheco ne renonce pas aux nus, qui forment les cohortes des justes et des
pécheurs, mais il note : « dans toutes ces figures nues, j’ai cherché l’honnêteté avec art et la grâce, afin que de chastes et pieux regards ne puissent s’en
offenser ».
Pacheco se garde de toute invention et suit au contraire un modèle très
conventionnel de représentation sur ce sujet, scrupuleusement inspiré des
Évangiles et des écrits pauliniens. Ses choix sont débattus et approuvés par
les auteurs des Approbations : le père franciscain Bernardino de Los Ángeles,
Antonio de Santiago, archiprêtre de San Clemente el Real, le chanoine Alónso
Gómez de Rojas (mort en 1649) et le Jésuite Gaspard de Zamora (1543-1621),
auteur d’un long commentaire27. Leurs remarques, en partie rapportées par
Pacheco dans son propre texte, portent sur des points précis de doctrine
relatifs aux motifs qu’il convient de représenter, tels que le Christ-Juge, la
résurrection des morts, l’apparence des bienheureux, revêtus de leur enveloppe terrestre, selon Pedro de Ribadeneyra.
Si l’interprétation de Pacheco, du moins dans sa version picturale, est plus
statique, géométrique et stéréotypée que celle de Vasari, toutes deux se rejoignent dans une même fidélité à l’idéologie de la Réforme tridentine. Nous
avons souligné précédemment les motifs qui en relèvent. Ceci est particulièrement perceptible dans l’importance accordée aux deux archanges, la place
réservée aux intercesseurs, le rôle dévolu aux anges dans le partage des élus et
des damnés, et l’accueil des bienheureux. En outre, dans l’un et l’autre cas, les
acteurs de la scène sont les ressuscités, non les corps ressuscitants. Les deux
artistes emploient dans leur tableau un répertoire et un schéma en tous points
conforme aux positions des représentants de l’Église romaine sur ce sujet.
Le thème du Jugement dernier, abordé par Francisco Pacheco, peintre aussi
bien que théoricien, offre donc un point de vue significatif sur le rôle des
écrits de Giorgio Vasari dans l’introduction en Espagne d’innovations picturales et de débats iconographiques venus d’Italie, entre la fin du xvie et le
début du xviie siècles. Ce sujet renvoie à la création de Michel-Ange et présente un enjeu artistique, théorique et théologique de premier ordre. Comme
théoricien, Pacheco trouve dans les textes du biographe une source précieuse,
souvent convoquée, qui participe à l’élaboration de sa propre pensée. Peignant le Jugement dernier, il s’inscrit dans une même tradition théologique
que Giorgio Vasari, écho, non de ces renouvellements picturaux, mais au
contraire de la stricte orthodoxie romaine.
26
Pacheco, Arte de la Pintura, 1990, p. 311 (L’Art de la peinture, 1986, p. 157).
L’ensemble de ces approbations sont réunies dans un manuscrit bien connu intitulé Tratados
de erudición de varios autores, vers 1631 [BNE, Sala Cervantes, Mss/1713]. Les notes de Gaspar de
Zamora se trouvent aux folios 175vº à 177rº.
27
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ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
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miscellanées
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Mots-clés
Francisco Pacheco, Giorgio Vasari, Iconographie, Jugement dernier, Peinture, Théorie
de l’art
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 41 (2), 2011, pp. 165-184.
ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.

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