TD/TP : Géométrie avec Geogebra - IECL

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TD/TP : Géométrie avec Geogebra - IECL
TD/TP : Géométrie avec Geogebra
Wolfgang Bertram∗
Avant-propos : La géométrie, est-elle une science expérimentale ?
La géométrie, est-elle une science expérimentale ? Peut-on connaître la “nature de
l’espace” par des expériences, ou seulement par des déductions logiques abstraites et sans
rapport avec les sciences expérimentales ? On peut trouver des arguments en faveur de
l’une ou de l’autre de ces hypothèses – depuis Platon et Euclide, les mathématiciens, les
physiciens et les philosophes en discutent –. Autrefois, les seuls moyens “expérimentaux”
en géométrie étaient papier, crayon, règle et compas... aujourd’hui, les ordinateurs nous
fournissent des moyens très puissants – les logiciels de géométrie dynamique, voir http://
en.wikipedia.org/wiki/List_of_interactive_geometry_software, dont geogebra,
logiciel libre http://www.geogebra.org/cms/fr/download, largement utilisé, aussi en
l’enseignement en collège et lycée.
La partie la plus basique de la géométrie est ce qu’on appelle parfois la “géométrie
d’incidence” : c’est la géométrie du plan, ou de l’espace, qui n’utilise que les notions les
plus simples de géométrie, qui correspondent également aux commandes les plus basiques
de geogebra :
(1) intersection de deux objets, par exemple, de deux droites a et b (alors notée a ∧ b ) ;
(2) droite passant par deux points X et Y (notée X ∨ Y ) ;
(3) parallèle d’une droite a par un point X (qu’on notera Par(X, a) ),
en écartant toutes les notions plus avancées de la géométrie euclidienne, comme celles de
distance, longueur, mesure d’angle, orthogonalité... ; la relation fondamentale qui nous
reste alors est dite la relation d’incidence : “un point appartient à une droite (à un plan...),
ou non”. Un théorème d’incidence est un énoncé qui porte sur ces relations – voir partie
TP pour des exemples. La visualisation, à l’aide de logiciels comme geogebra, permet de
saisir en même temps d’autres notions fondamentales des maths :
• la notion de fonction : le logiciel est dynamique – on peut déplacer quelques points
dits libres et observer le mouvement des points dits dépendants ; alors on dira
que les points dépendants sont une fonction des points libres – en des symbôles
mathématiques : fonction : (objet libre 7→ objet dépendant) ;
• la notion de continuité : si l’objet dépendant suit l’objet libre “sans saut”, alors la
fonction est continue (parfois on parle aussi de déformations continues) ; s’il y a des
sauts, la fonction y présente une discontinuité ou une singularité ;
• la notion de groupe : souvent, les images montrent certaines symétries ; la notion
mathématique correspondant à des symétries les plus diverses est celle de groupe,
l’une des plus importantes des mathématiques modernes – cf. partie TD.
∗
Département de Mathématiques, Faculté des Sciences et Technologies à l’Université de Lorraine,
adresse courriel : [email protected] ; Journée d’immersion, 9 avril 2015.
1
Travaux pratiques : parallélogrammes, trapèzes, prismes,...
Premiers pas : faire connaissance du logiciel geogebra (pré-installé en des salles de TP),
en particulier, des fonctions (1), (2), (3) mentionnées ci-dessus. Pour produire des images
nettes, il est préférable de cacher les axes et de cacher la grille.
Exercice 1: parallélogrammes. Dans toute la suite, soit X, Y, Z trois points nonalignés du plan. Construire le point W défini par:
W est l’intersection de [la parallèle de la droite Y ∨ Z par X]
avec [la parallèle de la droite Y ∨ X par Z] ;
(
)
(
)
En une formule mathématique : W = Par Y ∨ Z, X ∧ Par Y ∨ X, Z . Modèle de figure :
b
W
X
b
b
Z
Y
b
Puisque le point W dépend de X, Y, Z, il est une fonction du triplet (X, Y, Z), et on
pourra le noter f (X, Y, Z) ou, plus court, [X, Y, Z] ou encore [XY Z]. Ainsi on définit :
(
) (
)
[X, Y, Z] := Par(Y ∨ Z, X) ∧ Par(Y ∨ X, Z) .
Faire varier les points libres X, Y, Z et observer le changement de position du point dépendant [XY Z] : que se passe-t-il si X, Y, Z deviennent colinéaires ? Et si deux de ces points
sont confondus ? Vérifier de façon expérimentale qu’on a la “loi”, pour tous les points
X, Y ,
[X, Y, Y ] = X = [Y, Y, X] .
(0)
Est-ce que la définition de W donnée ci-dessus s’applique encore dans ces cas, et que
pensez-vous, comment le logiciel calcule alors la position de W ?
Exercice 2 : Encore un parallélogramme ? Soient X, Y, Z trois points non alignés
et soit h une droite, que nous appellons “horizon”. Construire le point W défini par:
W est l’intersection de [la droite par X et le point d’intersection de h avec Y ∨ Z]
avec [la droite par Z et le point d’intersection de h avec X ∨ Y ] ;
Notation : comme le point W dépend de X, Y, Z et h, on le notera [X, Y, Z]h ou [XY Z]h :
[XY Z]h :=
((
) ((
)
)
)
(X ∨ Y ) ∧ h ∨ Z ∧ (Z ∨ Y ) ∧ h ∨ X
Exercice : construire le point [XY Z]h avec geogebra ; faire varier les points X, Y, Z et
observer. Peut-on dire que le quadralitère de sommets X, Y, Z, W est un parallélogramme?
Si “non” : y a-t-il des propriétés communes avec celles d’un parallélogramme ? Modèle :
2
b
b
h
b
b
Z
b
b
Y
W
b
b
X
Exercice 3 : Trapèze. Soit a une droite et X, Y, Z trois points non alignés et tels que
la droite X ∨ Y ne soit pas parallèle à a. Construire le point W défini par:
W est l’intersection de [la droite par X et le point d’intersection de a avec Y ∨ Z]
avec [la parallèle par Z de la droite X ∨ Y ] ;
Notation : le point W dépend de X, Y, Z et a ; on le notera (XY Z)a :
(
)
(
) ) ((
)
(XY Z)a := Par (X ∨ Y ), Z ∧ (Z ∨ Y ) ∧ a ∨ X
Exercice : construire le point (XY Z)a avec geogebra ; faire varier les points X, Y, Z et
observer.
b
b
b
Z
b
b
b
W = (XY Z)a
Y
b
X
Etudier aussi ce qui se passe en des situations a priori “interdites”
– si Y ∨ Z est parallèle à a ;
– si X, Y, Z sont alignés ;
– si l’un des points est sur la droite a ;
– si plusieurs points parmi X, Y, Z sont confondus ; observer qu’on a toujours
(XY Y )a = X = (Y Y X)a .
(1)
Exercice 4 : Encore un trapèze ? Soit a et b deux droites et X, Y, Z trois points tels
que la construction suivante soit possible : construire le point W défini par
3
W est l’intersection de [la droite par X et le point d’intersection de a avec Y ∨ Z]
avec [la droite par Z et le point d’intersection de b avec X ∨ Y ] ;
Ce point est une fonction de X, Y, Z, a, b. On le note (XY Z)ab :
((
) ((
)
)
)
(XY Z)ab := (X ∨ Y ) ∧ a ∨ Z ∧ (Z ∨ Y ) ∧ b ∨ X
Construire ce point avec geogebra ; observer (questions comme ci-dessus) :
b
b
b
a
W
b
b
X
b
b
Z
Y
Exercice 5 : Prisme. Soit X, Y, Z, V quatre points libres tels que 3 d’entre eux ne
soient jamais alignés. Construire les points
W := [XY Z],
U := [V Y Z],
H := [V XW ].
Que constate-t-on ? Que dire si plusieurs parmi les points X, Y, Z, V sont alignés ?
Formuler le suivant en langage géométrique :
Théorème. Pour tout quadruplet (X, Y, Z, V ) de points du plan, on a l’égalité suivante :
[V X[XY Z]] = [V Y Z] = [[V Y X]XZ] .
(2)
Que pensez-vous : ce théorème, est-il vrai ? Si oui, comment le prouver ?
Version bis. Soit h une droite (“horizon”). Faire les mêmes constructions que ci-dessus,
avec [ ]h au lieu de de [ ]. L’analogue du théorème, est-ce qu’il sera vrai?
Exercice 6 : Encore des prismes ? Soit a une droite et X, Y, Z, V quatre points libres
tels qu’on puisse construire les points suivants
W := (XY Z)a ,
U := (V Y Z)a ,
H := (V XW )a .
Que constate-t-on ? Appelons cette figure un “prisme gauche”. Que dire si plusieurs parmi
les points X, Y, Z, V sont alignés ? Ensuite, construire les points suivants
W ′ := (ZY X)a ,
U ′ := (ZY V )a ,
H ′ := (W XV )a .
Que constate-t-on ? Appelons cette figure un “prisme droite”. La figure suivante montre
un prisme gauche et un prisme droite. Expliquer la différence entre les deux configurations
: comment peut-on les caractériser, géométriquement? Observer que chacun des “prismes”
contient deux faces triangulaires, et que les droites reliant les sommets, respectivement
les droites prolongeant les cotés, ont certaines propriétés remarquables...
4
b
a
b
W
b
A
b
O
b
b
b
b
H
b
V
b
X
F
b
b
Y
b
Théorème. Pour tout quadruplet (X, Y, Z, V ) de points du plan, on a les égalité suivantes
(V X(XY Z)a )a = (V Y Z)a ,
((ZY X)a XV )a = (ZY V )a .
(3)
Que pensez-vous : ce théorème, est-il vrai ? Si oui, comment le prouver ?
Version bis. Soit a, b deux droites. Faire les mêmes constructions que ci-dessus, mais
avec ( )ab au lieu de de ( )a . L’analogue du théorème, est-ce qu’il sera vrai? Dans ce
contexte, il faut évoquer les noms de deux géomètres éminents : Girard Desargues (1591
- 1661) et Michel Chasles (1793 - 1880).
Exercice 7 : Des pavés et autres figures... Soit X, Y, Z, V quatre points du plan.
Constuire les points W = [XY Z], U = [V Y X], H = [U XW ] et le pavé de sommets
X, Y, Z, V, W, U, H. Observer ; puis construire des “pavés” en utilisant ( )a ou en utilisant
( )ab ; puis construire d’autres figures... Voici une suggestion : 27 points formant une
figure centré on O : quelle est la règle de construction ? Noter que le fichier dynamique
donne une impression de “tridimensionalité”, comme si on regardait un même objet en
perspective spatiale :
a
b
b
b
b
b
b
b
b
b
b
b
b
X
b
b
O
b
b
b
b
b
b
Y
b
b
b
Z
b
b
b
b
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Théorie : algèbre et géométrie – la notion de groupe
Il existe des liens profonds entre géométrie et algèbre : la notion de groupe y est centrale.
Exercice 1 : Premier exemple d’un groupe – addition de points (vecteurs).
Motivé par ce qui précède, admettons que les deux théorèmes et les formules (0), (1), (2),
(3) ci-dessus sont valables. Fixons le point Y et appelons-le “origine” (on pourra le noter
alors O), et définissons la somme de X et Z par rapport à l’origine O par
X + Z := [XOZ] .
Montrer que cette somme a les propriétés suivantes : pour tout X, Y, Z, points du plan,
(A) associativité : (X + Y ) + Z = X + (Y + Z),
(N) neutre : le point O vérifie : X + O = X = O + X
(I) inverse : pour tout point X il existe un “point inverse”, noté −X, tel que
X + (−X) = O = (−X) + X.
Indications : utiliser les formules (0) et (2) à tour de rôle. Pour définir le point −X,
montrer que −X = [OXO] remplit la condition (I).
Résumé. On dira que les points du plan forment un groupe, avec élément neutre 0.
Montrer, de plus, que ce groupe est commutatif, c’est-à-dire, qu’il vérifie
(C) commutativité : X + Y = Y + X.
Indications : ceci ne découle pas des formules précédentes ; il faut le démontrer par un
raisonnement géométrique !
Exercice 2 : Second exemple d’un groupe – plus difficile ! Fixons maintenant la
droite a et un point (“origine”) E qui n’est pas sur a. Pour deux points X, Z qui ne sont
pas sur a, on définit un produit par rapport à l’origine E par
X · Z := (XEZ)a .
Montrer que ce produit a les propriétés suivantes : pour X, Y, Z, points non sur a,
(A) associativité : (X · Y ) · Z = X · (Y · Z),
(N) neutre : le point E vérifie : X · E = X = E · X
(I) inverse : pour tout point X, il existe un “point inverse”, noté X −1 , tel que
X · X −1 = E = X −1 · X.
Indications : utiliser les formules (1) et (3) à tour de rôle. Pour définir le point X −1 ,
montrer que X −1 = (EXE)a remplit la condition (I).
Résumé. On dira que l’ensemble G des points du plan qui ne sont pas sur a est un groupe,
avec élément neutre E. Montrer, de plus, que ce groupe est non-commutatif, c’est-à-dire,
qu’il existe X et Z dans ce groupe tels que
X · Z ̸= Z · X.
Pour aller plus loin. Le concept de groupe est l’un des plus importants en mathématiques. Il formalise l’idée de symétrie au sens large du terme, allant de la géométrie
élémentaire (comme dans ce TP/TD) jusqu’aux concepts les plus abstraits liés aux particules élémentaires en physique théorique. Pour se faire une idée, lire : quant aux groupes
généraux, http://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_(mathématiques),
et quant à ce TP-TD, http://arxiv.org/pdf/1305.6851v1.pdf.
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