ANALYSE DES DEUX AFFICHES L`affiche française (design de l

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ANALYSE DES DEUX AFFICHES L`affiche française (design de l
ANALYSE DES DEUX AFFICHES
L’affiche française (design de l'affichiste Pierre Collier d'après les dessins de Marjane Satrapi) est la
traduction d’une vie de famille idéalisée par les souvenirs d’enfance. L’influence et la relation aux
parents comme à une grand-mère vénérée aux côtés de laquelle se place Marjane Satrapi sont
immédiatement perceptibles. Il n’y a, par conséquent, aucune présence sur l’affiche d’une quelconque
violence, ni physique ni psychologique, ni évocation d’un poids historique, politique ou religieux. Ce qui
doit frapper, quand on connait l’œuvre mise à l’affiche, c’est le contraste entre la réalité d’un véritable
état policier et la sérénité très occidentale (immeubles en arrière plan, pas de signes religieux ou
ethniques, ni de vêtements traditionnels) d’une famille montrée comme irrésistiblement unie. Le
titre Persépolis vient du nom de la capitale de l’Empire Perse Achéménide, du VIème au IVème siècle
avant J.C. Marjane Satrapi, enfant confiante, seule habillée en blanc et noir, face à un monde adulte plus
sombre, illustre physiquement ce brusque glissement d’une époque à une autre. Noir et blanc, encore,
pour le titre et le fond de l’affiche, pour le rapport entre rêve (bleu…), souvenir et réalité.
Il est intéressant de constater les modifications apportées dans la version américaine de l’affiche :
outre les mentions de critiques élogieuses et du prix de la sélection cannoise, c’est le choix du
recentrage sur la famille, et par conséquent la disparition de l’arrière-plan urbain visible sur la version
française.
L’accroche virulente (Le film que l’Iran ne voulait pas laisser voir au monde), le choix de montrer
Marjane Satrapi (enfant) en opposition/rébellion avec le cercle intime familial tout autant qu’avec les
conventions sociales et religieuses traditionnelles, dans une pensée résolument féministe (les yeux
ouverts et la cigarette-crayon à la main, dans une reprise directe d’une scène du film), nous
désigne Persépolis comme un pamphlet révolutionnaire, traduit par le vêtement rouge porté par
l’auteur sur cette version, en accord avec le personnage dans le film, et à la différence de la version
album, uniquement en noir et blanc…
La force de son graphisme, comme l’affiche l’indique, c’est aussi de resituer son combat dans le souvenir
et la perspective historique, de le faire avec un humour et une lucidité
Autobiographie
Persépolis est donc une autobiographie, elle relate les événements historiques et politiques qu’ a vécu
Marjane Satrapi . Elle raconte sa vie en se concentrant sur sa famille et des moments bouleversants.
C’est un film sur la mémoire familiale et sur l’éducation qui va permettre à Marjane de s’épanouir.
Quand elle pose des questions, des réponses lui sont données ; quand elle s’interroge, des ouvrages lui
sont recommandés ; quand elle doute, des explications lui sont proposées. Le père lui donne un cours
sur l’arrivée au pouvoir au chah ou la fin des hostilités. Ces cours sont illustrés rappelant les illustrations
des livres pour enfants. Les personnages historiques apparaissent dans le film comme des pantins, des
marionnettes que l’on peut manipuler.
La leçon d’Histoire devient plus individuelle par le biais de récits qui illustrent, eux, les conséquences de
cette histoire sur des vies. Les décisions des politiciens ont des répercussions sur le quotidien. Marji
reçoit un enseignement sur la vie.
Autre BD à la fois historique et autobiographique : Maus, la BS dans laquelle Art Spiegelman restituait
l’horreur nazie d’après le témoignage de son père juif déporté. Les juifs sont incarnés par des souris face
au nazisme (les chats).
Regard sur la femme
Sous le régime de l’ayatollah, la femme devient la cible privilégiée. La réforme imposant le voile touche
à la silhouette de la femme, est dénoncée par Marjane. Son absurdité est présente au moment de son
cours aux beaux arts à Téhéran, les tableaux célèbres comme la naissance de Vénus de Botticelli sont
grimés, les corps ne sont plus dévoilent et ne raconte plus l’histoire du tableau.
Elle montre aussi son absurdité lors de son cours sur l’anatomie sans corps dénudé. Elle dénonce aussi
l’hypocrisie des hommes : tenue vestimentaires des hommes suggestives / voile des femmes.
Mais le catholicisme aussi a le droit à quelques piques puisque les sœurs renvoient elle aussi aux
femmes extrémistes qui lorgnent sur la tenue de Marji
Style visuel
Dans la BD, les dessins sont en noir et blanc. Les contours sont travaillés soit en noir, soit en blanc.
Aucun contraste, tout en aplat et les fonds, noir ou blanc, renforcent la vision des personnages, de leur
silhouette. En adaptant sur grand écran son œuvre, Marjane échange les fonds en noir et blanc par des
fondus au noir, de grands ombres qui viennent envahir le plan, des fondus enchainés.
Pour donner une impression de mouvement même entre les plans, Marjane utilise des fondus au noir,
des fondus enchainés et des fondus au blanc. Les fondus au noir closent une scène ou un épisode et
offrent du temps avant une nouvelle aventure. Ils sont une pause entre les plans. L’usage du fondu
enchainé permet de relier une image à une autre. Des panoramiques, avant et arrière resituent
régulièrement le personnage dans le lieu.
Si Marjane refuse la couleur en BD, elle a dû se plier aux exigences de l’animation, aux 24images/ s.
Dans le film, la scène d’ouverture qui se déroule à l’aéroport d’Orly présente l’image en couleur d’une
exilée qui aimerait repartir. Elle s’apprête à quitter l’Europe pour l’Iran et pour cela, elle doit modifier
son apparence physique en se couvrant d’un foulard. Marjane Satrapi n’encombre pas son décor. Lors
des scènes dans l’aéroport, seuls quelques personnages sont taches de couleur et le ciel qui voit l’envol
des avions est bleu.
Persepolis est construit en flash back en noir et blanc. Opposant la couleur du présent à une palette de
gris pour traiter le passé, Persepolis garde son graphisme épuré et utilise la force des contours pour faire
bouger ses personnages. Les visages sont expressifs. Les silhouettes noires sont envahissantes mais
permettent de reconnaître d’emblée les personnages principaux.
Les moments de danger sont toujours dessinés en ombre chinoises, la foule, les silhouettes noires
viennent souvent envahir l’écran. Le noir bouleverse le cadre, efface les corps, dévore, s’étale (tache de
sang).
Les ombres peuvent servir la crainte qui s’empare de Marji . Par ex : l’adolescente interceptée par deux
extrémistes au moment où elle achète une cassette d’Iron Maiden : le noir des tenues envahit l’écran, menaçant
d’étouffer l’enfant. Ces femmes ressemblent à des serpents qui menacent Marji.
Références
Le générique propose un décor qui s’inspire des miniatures personne (architecture, jardin, mer,
montagne, fleurs…)
Expressionnisme : Marjane Satrapi rejoint l’esthétisme de l’expressionnisme, s’amusant dès lors à
baptiser son œuvre Persépolis, un clin d’œil à Métropolis (Fritz Lang, 1927).
Le Cabinet du Docteur Caligari de Robert Wiene ou Nosfetaru de Murnau pour le travail sur l’ombre
La scène où Marji découvre horrifiée une main qui dépasse des décombres de l’immeuble voisin est une
citation au Cri de Much (1893)
Persépolis se caractérise, comme les films expressionnistes, par l’emploi d’un système plastique très
précis, par l’exacerbation des formes, de manière moins torturée que chez les Allemands mais
cependant très forte. L’auteur emprunte à l’expressionnisme allemand les décors aux perspectives
faussées, le travail des ombres, l’usage des ouvertures et fermeture à l’iris
Mise en abime :
A l’intérieur de Persépolis, Marji regarde un serie TV (l’inspecteur Derrick) et Marji et sa grand-mère vont voir au
cinéma Godzilla. Godzilla est le monstre fabriqué par Tomoyuki au sortir de la 2e guerre mondiale, né de la peur
des essais nucléaires. Les plans de destruction de Tokyo dans Godzilla rappellent ceux de Téhéran
Le tombeau des lucioles
Il y a dans Persépolis une volonté de montrer les choses dans leur dureté que l’on peut rapprocher en partie de
celle de Takahata. Dans une des scènes dramatiques, Marjane reconnaît la main de son amie dans des
décombres, grâce à son bracelet, mais les réalisateurs ne s’appesantissent pas sur cette image tandis que dans Le
Tombeau des lucioles (1988) Takahata nous force à voir les horreurs de la guerre, ses effets les plus pénibles.