Le golden boy - Maseratitude
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Le golden boy - Maseratitude
Le golden boy Vous vous en doutez bien, tous les maseratistes ne sont pas pauvres, en témoigne l'histoire de notre petit prince de la finance. Il a déjà tout eu dans sa pourtant jeune vie : des BMW, des Porsche, des Ferrari bien sûr, des Aston Martin et même des Lamborghini. Plus enfant gâté par la vie que lui, c'est impossible. Il n'avait jamais gardé une voiture plus de six mois, neuf mois au maximum, puis la changeait quand l'envie d'une autre le prenait. Or pour lui, envie signifiait achat car ses moyens financiers extraordinaires le lui permettaient. Il n'avait par contre toujours possédé qu'une seule de ces merveilles à la fois. Il faut dire qu'habitant au cœur de Londres, disposer d'une place de garage était déjà difficile, alors plusieurs relevait de l'exploit. De toute façon, il n'avait aucun esprit de collection. De plus, il ne se souvenait pas, sauf pendant ses études, avoir déjà conduit son auto dans un garage pour une révision. Il en changeait avant le moindre entretien. Sa vie de trader à la bourse de Londres n'était pas si stressante que l'on voulait bien le dire. Ce qui est angoissant, c'est de ne pas savoir, de choisir et parier dans l'inconnu. Il savait. Il en savait long sur de multiples plans, ses banques de données étaient aussi fournies que ses comptes, ses réseaux de relations d'une densité inimaginable et ses antennes dressées tout azimut. Il en savait long et surtout il sentait d'où venaient les vents contemporains et à venir et vers où ils poussaient. Ses investissements tenaient plus de la chirurgie minutieuse que du poker. Tout était disséqué, pesé, analysé, envisagé. Il y avait de l'inspecteur de police, du psychologue et du chirurgien en lui. C'était un vrai analyste boursier, beaucoup plus analyste que boursier, et son sérieux lui valait des succès considérables, presque constants, et la confiance de nombreux investisseurs. Il ne dérogeait jamais à une règle éthique simple : l'argent que l'on voulait bien lui confier était aussi précieux que le sien propre et il en prenait très grand soin. Quand on dispose avant trente ans d'une telle aisance financière, il y a de quoi vous faire tourner la tête, vous faire perdre le sens des réalités, gonfler votre ego de manière extravagante. Bien sûr, il avait connu une certaine frénésie consumériste : vêtements de prix, montres de prestige, bel appartement bien placé, il ne s'était rien refusé mais, mise à part sa boulimie automobile, il avait conservé les pieds sur terre et savait prendre du recul. Il n'oubliait pas ses origines "middle class" et la formidable chance qu'avait représenté pour lui l'éducation nationale française gratuite et la saine promotion au mérite scolaire ( prépa commerce puis HEC ). Sur le plan sentimental, sa vie n'avait pas été plus dispersée que celle de bon nombre de jeunes de sa génération. Après quelques d'ailleurs rares errements naturels, il avait eu la chance de rencontrer assez rapidement, en fait avant même d'asseoir sa fortune, une jeune fille avec laquelle il se sentait bien, en confiance et estime mutuelles, en communication et, disons-le, en amour véritables, sentiments profonds qui le mirent à l'abri des redoutables autant que belles chasseuses de traders. De prime abord, il n'avait pas pensé à Maserati. Il faut dire que ses ressources montèrent en flèche au milieu des années quatre-vingt dix. En ce temps là, on parlait peu de Maserati si ce n'est pour décrier la fiabilité des biturbo et elles étaient fort peu et mal distribuées ainsi que suivies en après vente en Angleterre (ainsi qu'en France d'ailleurs). Ce n'est que quand Ferrari eut repris Maserati, en 1998, et que ces dernières apparurent dans les show-room Ferrari, commercialisées et entretenues par le même réseau, que leurs ventes décollèrent. Habitué de la concession Ferrari Londonienne, c'est en venant y fureter vers 2002 pour y dégoter une Modena qu'il y découvrit une fort élégante Maserati 4200 Coupé à boîte Cambio Corsa avec palettes au volant. Elle portait une couleur assez indéfinissable entre le gris et le marron, sorte de bronze noble et discret, et son intérieur était entièrement habillé de cuir noir. A partir de 2002, toutes les Maserati furent équipées des moteurs Ferrari V8 atmosphériques 4.2 puis 4.7 litres dérivés de la Modena , à l'exception de la très confidentielle MC 12 pourvue du prodigieux V12 de la Ferrari Enzo très légèrement dégonflé. Ce fut la fin de la génération biturbo, des moteurs à proprement parler Maserati et commercialement un grand succès, les acquéreurs étant rassurés et fiers de s'offrir un moteur Ferrari dans une sobre et néanmoins splendide robe Maserati. Cela correspondait également à une période de hausse boursière et de succès fracassants et absolus de Ferrari en formule 1 avec un Michael Schumacher qui ne manquait pas de faire la promotion de Maserati dans ses rares mais toujours très médiatisées apparitions people. En bref, comme un nombre certain d'amateurs de belles automobiles, notre golden boy fut séduit et s'offrit sa première Maserati. Le son du moteur était prodigieux, ample et profond à faire vibrer quelque chose de sensible en son thorax, le même timbre que celui de la Ferrari 355 qu'il avait possédée un temps, les passages de vitesses au volant se révélaient ultra-rapides, peut-être même plus rapide que sur la Ferrari et avec ce petit coup d'accélérateur absolument jouissif au rétrogradage, correspondant à un ancien talon-pointe parfaitement exécuté. Cette carrosserie toute en finesse mais aussi en retenue, beaucoup plus discrète qu'une sculpturale Ferrari ou une transgressive Lamborghini, n'était pas pour lui déplaire, l'auto étant bien plus utilisable au quotidien, disposant de quatre places réelles, d'un coffre pouvant recevoir un peu plus qu'un attaché-case, d'une vraie visibilité arrière et d'une garde au sol suffisante pour ne pas s'angoisser sans cesse au moindre ralentisseur ou à la descente du premier parking souterrain venu. Pour satisfaire aux normes américaines de surface de feux arrières, elle avait perdu les beaux boomerangs de la 3200 GT mais elle était tout de même superbe, raffinée et fort élégante. Arrivé en fin d'année, il avait l'habitude de prélever sur une petite partie de ses confortables boni pour s'offrir son nouveau bolide, mais il n'en ressentit plus le besoin. Pour la première fois de sa vie, il avait du mal à se séparer d'une voiture. Il songea que de ne plus entendre ce feulement rauque lui manquerait. De ne plus regarder les feux avant carénés et oblongues en s'approchant de son auto dans le parking lui serait difficile voire douloureux. Il conserva sa Maserati encore six mois, encore un an. Ses amis en vinrent à le chahuter un peu à ce sujet : - alors on s'attache, on devient sentimental ? Méfie-toi, ce n'est pas bon pour les affaires. Il faut rester dur et cruel ! et encore : - tu as quand même les moyens de t'en payer une nouvelle ? Eh fais gaffe, je t'ai confié une bonne partie de mon fric ! Il les rassurait : - non, non, tout baigne, seulement cette Mase est trop bien. De plus, elle convenait parfaitement à sa compagne qui était tout sauf "bling-bling" et supportait assez mal de descendre d'une Ferrari rutilante ou d'une Aston éblouissante devant les badauds hébétés. Avec la Maserati, surtout dans cette couleur sable métallisé, c'était bien plus discret et incognito. Le terme de Ferrari banalisée, notion quelque peu péjorative mais oh combien appréciable dans la vie quotidienne quand il s'agit de garer sa voiture un peu n'importe où, s'appliquait malgré toute sa classe à la Maserati 4200. Incroyable mais vrai, deux ans de plus passèrent. Pour la première fois de sa vie, il emmenait sa voiture au garage pour son entretien et non pour en changer. A ces occasions, il ne se privait cependant pas d'un petit regard dans le show-room : la "méchante" GranSport, évolution ultime et très sportive de la carrosserie née 3200 GT, lui fit bien de l'oeil avec sa grille de calandre en inox, ses bas de caisse carénés et ses sièges baquets spécifiques mais non, sa "gentille" 4200, tout de même Cambio Corsa, lui convenait toujours par sa finesse et sa sobriété de style. GranSport Puis survint un heureux évènement, un enfant leur est né. Déjà, pendant la grossesse, il s'était félicité d'avoir conservé la Cambio Corsa assez souple par rapport à une Gransport et assez haute par rapport à une Ferrari dans laquelle, pour "monter" en voiture, on se plie pour y descendre. Mais après la naissance, comme bien des parents, ils se rendirent vite compte de la difficulté à placer un enfant et son berceau-auto sur le siège arrière d'un coupé : intenable pour les lombes paternelles et maternelles. Il leur fallait quatre portes et un coffre assez grand pour y loger landau et poussette. Il transmit la 4200 GT à son frère, moyen psychologiquement acceptable de conserver cette voiture attachante dans la famille, et il commanda une bien nommée Quattroporte V, seule berline en 2005 à posséder un moteur Ferrari et des passages de vitesses au volant. Il choisit pour l'intérieur un habillage en cuir noir, le seul susceptible de résister au porte bébé voire plus tard, le temps passe vite, aux petits souliers enfantins. Il craqua pour des boiseries et un volant en acajou et se détermina pour la carrosserie en faveur d'une robe de couleur gris Alfieri des plus dignes sur ce dessin merveilleusement baroque de Pininfarina. Il ne quitta plus Maserati et ne quitta plus ses Maserati. Vous imaginez sans peine, connaissant désormais un peu le personnage, qu'il ne résista pas à l'apparition quasi divine de la GranTurismo en 2007, mais sans se séparer de la Quattroporte. Une place de parking de plus, ça se trouve quand on le veut et qu'on y met le prix. En fait, un certain "je ne conduirai plus autre chose" l'avait envahi, que les familiers de la marque comprendront très aisément. Il adhéra au club Maserati Grande Bretagne et participa activement au merveilleux site internet, sans doute le plus complet sur Maserati: " Enrico's Maserati page".