L`action de groupe

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L`action de groupe
L’action de groupe
Marta Torre-Schaub1
Cette note a pour objet de présenter la class action ou action de groupe.
Les textes les plus développés concernant cette action sont ceux relatifs aux associations de
consommateurs. Aussi, cette note a-t-elle pour objectif de décrire les possibilités d’action
dans ce contexte précis afin d’en tirer des enseignements concernant le contexte DALO.
I. L’action de groupe ou la class action en France
Cette partie contient deux volets : l’un concerne le descriptif de la Class Action ainsi que les
discussions doctrinales autour d’elle. L’autre vise à présenter brièvement le projet de loi
française (Texte n° 1357 transmis à l'Assemblée nationale le 16 septembre 2013 pour
deuxième lecture).
A. L’action de groupe : définition et discussion
Une class action est une procédure anglo-saxonne qui permet à un groupe de personnes ayant
un intérêt commun de se regrouper dans une action commune pour faire valoir leur droit ou
indemniser leur préjudice.
En France, la Class Action n'existe pas encore mais des projets de loi ont envisagé de créer
une procédure similaire sous l'appellation tantôt d'action collective ou d'action de groupe.
Jusqu'à présent les tentatives d'inscrire cette nouvelle procédure dans les projets de lois ont
toutes échouées et il est possible que finalement cela soit imposé au niveau européen par la
commission européenne qui travaille sur ce sujet. Toutefois, il existe un projet de loi qui est
au Sénat depuis le 28 janvier 2013 visant à porter une action de groupe en France.
Il s’agit ainsi d’une procédure par laquelle une association ou un groupe d'individus saisit un
juge pour le compte d'un groupe d'individus qui ont le même litige. Cette personne ou cette
association demande au juge de sanctionner le professionnel et de fixer le montant de la
réparation que ce dernier devra verser à chaque membre du groupe. Les membres du groupe
ne sont pas obligés de se faire connaître ou de donner un mandat : on parle « d'opting-out ».
Toutes les personnes qui entrent dans la définition du groupe font automatiquement partie de
celui-ci, à charge pour elles de s'en exclure si elles le souhaitent, par exemple en menant une
action individuelle. Le cas échéant, l'Action de groupe engagée peut donner lieu à une
1
Chargée de Recherches 1 au CNRS, HDR
UMR 8533 IDHE, associée au SERDEAUT, Université Paris 1
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transaction entre le représentant du groupe et le professionnel. Le juge s'assure que la
transaction respecte les intérêts du groupe et peut l'invalider. Les membres du groupe se
manifestent à la fin de la procédure pour obtenir leur indemnisation.
Le terme « Class Action » est utilisé aux États-Unis pour désigner ce type de procédure. Cette
procédure a d'autres noms : elle est appelée au Québec « Recours collectif » et au Portugal «
Action populaire ».
L'Action de groupe a vocation à s'appliquer à tous les types de litiges civils quels que soient
les secteurs d'activité.
Il s'agit de litiges qui affectent des individus et qui peuvent relever
aussi bien du droit de la consommation que du droit de la concurrence ou du droit de la
santé… Le préjudice peut être physique (dommage lié par exemple à l'usage d'un produit
défectueux) ou pécuniaire (dommage lié par exemple à des pratiques anticoncurrentielles ou
encore au non-respect de contrats).
L’action de groupe peut se présenter sous deux aspects :
La forme de type « opt out », qui intègre par défaut toutes les victimes potentielles d’un
comportement identifié, à l’exception de celles qui manifestent la volonté de s’exclure du
groupe ainsi défini. La class action que connaît le droit américain se présente sous cette
forme, mais aussi l’action populaire introduite voici dix ans dans le droit portugais. Il s’agit
de la forme la plus efficace au regard de l’objectif de réparation des préjudices de masse, mais
aussi la plus innovante au regard du droit positif.
L’action de groupe de type « opt in », forme plus proche des principes fondamentaux du droit
français, ne concerne que les personnes qui manifestent leur volonté d’être partie à l’action
intentée. C’est sous cette forme que la Suède a récemment introduit l’action de groupe dans
son droit interne.
La mise en œuvre de l’action
1- S’agissant des problèmes relatifs à la représentation à l’action, la difficulté première que
suscite le mécanisme de l’action de type « opt out » tient à l’initiative du procès. De fait, c’est
une association ou un cabinet d’avocat qui, par hypothèse, engagera une action sans avoir
reçu mandat à cette fin. Ce renversement des rôles n’irait pas sans soulever des obstacles
sérieux au regard du droit constitutionnel et du droit européen.
En effet, dans la mesure où
une procédure opting out concernerait tous les membres d’un groupe prédéterminé, sans
qu’ils aient exprimé une volonté en ce sens, n’y aurait-il pas d’abord une atteinte à la liberté
d’agir ou de ne pas agir en justice ? L’atteinte à la liberté d’action ne s’accompagnerait-elle
pas en outre d’une atteinte à la liberté de choix du représentant, s’il n’est du moins pas permis
aux membres du groupe de choisir un mandataire ou un avocat propre ?
Mais la maxime « nul ne plaide par procureur » constitue bien sûr l’obstacle le plus sérieux à
l’introduction de l’action de groupe en droit positif. Bien entendu, le contexte a largement
évolué depuis l’époque révolutionnaire, où la crainte des corps intermédiaires avait conduit au
rejet de toute forme d’action collective. Syndicats et associations sont ainsi depuis longtemps
admis.
Le principe selon lequel « nul ne plaide par procureur » renvoie aujourd’hui à une exigence
de transparence du procès, dont il faut se demander s’il convient de la faire céder devant
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l’impératif d’efficacité. La question se pose alors de savoir si le législateur peut écarter un tel
principe2.
2 - Une autre série d’obstacles est liée au déroulement de l’instance. Vient en premier rang le
principe de l’égalité des armes, garantie essentielle du procès équitable, prévue par la
Convention européenne des droits de l’homme. La rupture d’égalité paraît bel et bien attestée
par le fait que le défendeur ne connaîtra pas tous ses adversaires, alors que le représentant de
la class action l’identifiera quant à lui parfaitement.
Le fait que la multitude des membres
du groupe s’éclipse derrière un représentant favorise en outre un risque d’abus. Des
commentateurs de la loi québécoise ont pu observer une déresponsabilisation des justiciables,
les requérants n’étant plus obligés de signer des déclarations certifiant la réalité des faits
allégués. Il faudrait donc prendre garde de ce que la procédure offre aux requérants
suffisamment de protection leur permettant d’attaquer leur adversaire de façon invisible. C’est
ainsi au regard du principe de la contradiction et des droits de la défense que l’action de
groupe de type opt out ne manque pas de soulever la difficulté la plus sérieuse. De fait, il ne
faut pas oublier que dans le cadre de l’opting out, toutes les victimes ne sont pas identifiées
précisément : il est évidemment impossible que chacune présente des observations, et que le
défendeur puisse faire valoir contre chacune d’entre elles ses arguments, notamment dans
l’appréciation du préjudice de chacun, en opposant par exemple le comportement fautif de
certaines victimes3.
Le résultat de l’action
L’opting out soulèverait enfin des difficultés au stade du dénouement de l’instance.
Outre la contrainte majeure que représente le principe d’autorité relative de la chose jugée,
une difficulté apparaît également au stade de la fixation des dommages-intérêts dus aux
victimes du préjudice de masse. Dans le cadre de l’action de type opt out, le nombre de
victimes n’est pas connu et celles-ci ne sont pas identifiées précisément. La solution la plus
évidente serait de donner à l’indemnisation un caractère automatique et forfaitaire, égalitaire.
Le problème tiendrait alors à l’absence de détermination individuelle du préjudice subi par
chacune des victimes, en contradiction avec le principe selon lequel un préjudice doit être
évalué individuellement, en fonction des considérations propres à chacune des victimes. En
outre, l’indemnisation consistant en l’attribution d’une somme globale variera selon le
nombre final des victimes qui se seront fait connaître après le jugement, ce qui n’est
évidemment pas satisfaisant, et risque de conduire à une réparation partielle du dommage subi
par certaines victimes, en contradiction avec le principe de réparation in integrum.
Force est par ailleurs d’observer que la réparation la plus adéquate ne consistera pas toujours
en l’allocation de dommages-intérêts aux victimes, parce que le préjudice individuel est
minime, ce qui est par exemple les cas dans nombre de litiges de droit de la consommation.
Dans le cadre de la loi DALO, en revanche, l’allocation de dommages-intérêts constitue
souvent une partie du procès non négligeable.
Certains systèmes étrangers admettent une sorte de réparation en nature, ainsi par exemple, en
cas de litige relatif à une augmentation indue ou à une surfacturation illégale, une diminution
corrélative, pendant un certain temps, des tarifs pratiqués par l’opérateur économique. Cette
solution serait également envisageable dans le cadre du logement opposable.
2
Discours prononcé par le premier président de la Cour de cassation au Colloque organisé le 10 novembre
2005
par l’association UFC – Que choisir sur le thème : « Pour de véritables actions de groupe : un accès
efficace et démocratique à la justice ».
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Colloque cour de cassation précité
3
Des solutions peuvent en outre être imaginées, et l’ont d’ailleurs déjà été, pour qu’un
enrichissement illicite puisse être restitué, par exemple à un fonds public.
Le système de l’opting in semble ainsi plus respectueux des principes fondamentaux du droit
français, ce qui explique que les pistes de réflexion, à l’échelle européenne, s’orientent surtout
vers ce type de recours.
La procédure :
Au stade de l’introduction de l’instance, il faudra tout d’abord répondre à la question de
savoir si le demandeur à l’action de groupe devra être représentatif ou non des membres de la
classe.
Faudra-t-il ainsi attribuer à des associations agréées une compétence réservée en la matière ?
L’ouvrir plus largement à toute association de défense ? En fait, il s’agira surtout de
déterminer si les avocats pourront prendre l’initiative du procès, avec le risque largement
dénoncé que l’action de groupe ne se transforme en une poule aux œufs d’or entre les mains
de cabinets spécialistes.
Qu’il s’agisse d’action de groupe de type opt out ou opt in, il sera nécessaire d’informer les
membres potentiels du groupe, ainsi les victimes du préjudice de masse allégué : dans le
système opt out, pour permettre aux victimes de sortir du groupe, dans le système opt in, pour
leur permettre de manifester leur volonté de se joindre à l’action. Dans le but d’informer les
victimes, une mesure de publicité sera de fait inéluctable. S’il est admis que l’initiative du
procès revienne à un cabinet d’avocats, il faudra alors lever l’obstacle de l’interdiction des
actes de démarchage ou de sollicitation.
Le rôle du juge apparaît ainsi déterminant, ne
serait-ce que pour exercer ce contrôle de la représentativité du demandeur ou pour autoriser la
sollicitation des victimes. Une scission du procès en deux phases apparaît de fait inexorable :
une première phase relative à la recevabilité de l’action, l’autre à l’examen de son bien-fondé.
Le mécanisme de l’action de groupe appelle sans doute une certification de l’action qui
permettrait au juge de vérifier que les conditions de réalisation d’un préjudice de masse sont
réunies par tous ceux qui se trouvent dans la même situation. La question est alors de savoir si
le juge devra se contenter d’un contrôle classique de la recevabilité, au regard de l’intérêt à
agir, de la prescription, de la chose jugée, etc., ou si, à l’instar du juge québécois, il devra se
livrer à un examen du sérieux des moyens invoqués par le groupe. Compte tenu de l’ampleur
des frais que peut occasionner l’exercice d’une class action, il semble primordial d’évaluer les
chances de succès du recours. Il faut cependant se garder d’une sorte de jugement avant
procès.
De même, des questions se posent au stade du déroulement de l’instance.
S’agissant de la réparation du préjudice, faudra-t-il prévoir les modalités concrètes de
l’indemnisation de chacune des victimes ? Faut-il exiger une réparation individuelle, donnant
lieu à une indemnisation versée directement par le défendeur succombant ? Faut-il prévoir un
fonds d’indemnisation, sous l’égide de l’Etat ?
Mais la question des frais du procès et des honoraires des avocats est sans doute la plus
problématique. Une action de groupe est, par hypothèse, au départ d’une procédure complexe,
imposant une recherche coûteuse des preuves établissant la responsabilité du défendeur. Dans
le cadre d’une action de groupe, les frais du procès ne sauraient être assumés par des
personnes qui, par hypothèse, ne sont jamais toutes identifiées – système de l’opt out – ou ne
le seront qu’en cours de procédure – système de l’opt in. L’initiative du procès peut certes
revenir à une association représentant le groupe, mais la surface financière relativement faible
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de la plupart des structures associatives ne leur permet pas de supporter le coût de la publicité
consécutive à l’exercice de cette action, ni de rémunérer par avance les avocats qui plaideront
dans l’affaire. La seule solution économiquement viable serait selon certains de prévoir une
rémunération de l’avocat assise sur le produit de cette action judiciaire, ce qui heurte
directement le principe de prohibition des pactes de quota litis. Est-il sage, cependant, de
rompre avec un tel principe ? Le risque ne serait-il pas de créer alors un « jackpot justice »,
qui fait depuis longtemps le bonheur des avocats américains ?4
Le domaine de l’action de groupe : une adaptation possible au contexte DALO ?
Si l’on accepte que l’action soit menée par des associations, la question pourrait se poser à
nouveau de définir ce qui relève précisément de l’atteinte aux intérêts qu’elles défendent. La
définition du préjudice réparable pourrait ainsi donner lieu à une réforme de certaines règles
de fond : un débat pourrait s’engager sur la question des intérêts concrets défendus et des
droits des victimes défendues par les associations.
Dans le cadre précis des bénéficiaires de la loi DALO, la question de l’intérêt à agir des
associations a déjà été bien établie par la jurisprudence. En revanche il reste encore à faire des
progrès sur la question de la qualification du « droit au logement lui-même » et ses différentes
nuances, ce qui permettrai d’ouvrir l’action de groupe à toute conséquence directe ou
indirecte de la violation de ce droit pour la victime et pour ses ayant-droit.
L’admission des Class Actions pourrait produire un « effet domino » non négligeable. Il ne
faut pas nécessairement le craindre. Dans une certaine mesure il est peut-être opportun que
soient définies des techniques juridiques adaptées aux nouveaux droits comme celui au
logement opposable.
B. Le Projet de loi 2013 sur la consommation introduisant l’action de groupe en France
présenté au Sénat (Texte n° 1357 transmis à l'Assemblée nationale le 16 septembre 2013
pour deuxième lecture)
Cette loi modifie le titre II du livre IV du code de la consommation, par un chapitre III qui
sera complété par un article L. 423-1.
Le projet introduit en droit français une action de groupe fondée sur l'adhésion volontaire.
Elle reprend en grande partie le dispositif de l'article 12 du texte n° 41 (2011-2012) renforçant
les droits, la protection et l'information des consommateurs, adopté par le Sénat le 22
décembre 2011 qui transposait une directive européenne sur le e-commerce. Ce dispositif
résultant d'un amendement adopté à l'unanimité par la commission des lois créait une action
de groupe pour que les consommateurs puissent s'unir pour demander une indemnité au
professionnel. Seules les associations agréées sont autorisées à introduire une telle action.
(L. 423-2). Autrement dit, seules les associations de défense de consommateurs agréées (seize
en France) pourront introduire des actions de groupe. Il est toutefois possible que dans
l’avenir cette possibilité soit élargie à des associations qui militent dans d’autres domaines
comme la santé, l’environnement ou l’aide au logement. Toutefois, pour l’heure, l’objet
même du projet de loi semble exclure le contentieux DALO du champ de l’action de groupe.
En effet, d’une part, le projet vise les consommateurs placés dans une situation similaire ou
identique et ayant pour cause commune un manquement d'un même professionnel à ses
4
Colloque précité
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obligations légales ou contractuelles que ce soit à l'occasion de la vente de biens ou de la
fourniture de services ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles au
sens du titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du traité sur le
fonctionnement de l'Union européenne. Ce champ d’action n’inclut donc pas pour le moment
des situations générées dans le cadre d’un contentieux DALO. Il n’en demeure pas moins que
la possibilité offerte par le projet de pouvoir entamer des actions de groupe en France devrait
sans doute à moyen ou long terme avoir un effet plus vaste et plus large sur l’ensemble des
contentieux sociaux. Il est certain que les associations de défense de la santé et de
l’environnement comptent pouvoir utiliser cet outil juridique un jour. Dans un mouvement
d’ouverture du projet à d’autres champs, le logement social pourrait peut-être y bénéficier.
D’autre part, l'action de groupe ne peut porter que sur la réparation des préjudices
patrimoniaux résultant des dommages matériels subis par les consommateurs. De ce fait, le
préjudice moral ou corporel en sont exclus. Si cette limite n’écarte pas forcément du champ
du projet des contentieux dans le cadre du DALO, elle rétrécie quelque peu l’objet de ces
litiges les limitant à celui des « dommages matériels ». L’expression, toutefois, pourrait être
interprétée de manière plus large par la jurisprudence à venir. Il conviendra ainsi de porter
spéciale attention sur les raisonnements utilisés par les juges dans les futurs contentieux dans
le cadre du projet de loi sur les consommateurs.
L’action de groupe introduite par le projet de loi ouvre une voie de recours aux
consommateurs en réponse aux manquements des entreprises au Code de la consommation
(pratiques abusives, frauduleuses, allégations mensongères) ainsi qu’aux pratiques
anticoncurrentielles. Les consommateurs obtiennent une voie de recours collective en
réparation des préjudices économiques, qui sera prise en charge et organisée par les
associations de consommateurs agréées. Celles-ci organiseront et prépareront l’introduction
en justice, soulageant ainsi les consommateurs des avances de frais et de l’énergie nécessaires
à une telle action
Selon le projet, la procédure se décline en deux phases : l'association présente des cas, à partir
desquels le juge se prononce sur la responsabilité du professionnel et définit les personnes
concernées, ainsi que le mode de publicité à retenir pour les informer et le délai pendant
lequel les personnes peuvent se joindre à l'action (articles L. 423-4); puis le juge statue sur la
recevabilité des demandes d'indemnisation et sur le montant de l'indemnisation (article
L. 423-6).
C'est une adhésion volontaire qui régit l'action, contrairement au « opt out » du système
américain.
L'association à l'origine de l'action de groupe est compétente pour déposer les demandes
d'indemnisation, faire procéder aux mesures d'exécution de la décision ou représenter les
personnes lésées en cas de contestation de leur demande (article L. 423-1). L’association peut
agir devant les juridictions civiles afin d’obtenir réparation.
L’article L. 422-3 explique que le juge détermine le groupe des plaignants à l'égard desquels
la responsabilité du professionnel est engagée, soit en désignant individuellement les
intéressés lorsque tous sont connus, soit en définissant les critères de rattachement au groupe.
À cette fin, il se fait communiquer par le professionnel toute information utile. L'association
requérante ou l'association désignée peuvent agir, sauf opposition de leur part, au nom et pour
le compte des plaignants ayant déposé une demande d'indemnisation, en cas de contestation
ou de difficulté d'exécution, pour ce qui les concerne (articles. L. 423-1 et 423-3).
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S’agissant de la responsabilité du professionnel, le juge ordonne les mesures nécessaires pour
informer les consommateurs susceptibles d'appartenir au groupe des plaignants de la
procédure en cours. Ces mesures sont à la charge du professionnel. Elles ne peuvent être
mises en oeuvre avant que la décision du juge soit devenue définitive (article L. 423-3).
Le juge fixe les délais et modalités selon lesquels les consommateurs peuvent adhérer au
groupe en vue d'obtenir réparation de leur préjudice. Il détermine notamment si les
consommateurs doivent s'adresser au professionnel directement ou par l'intermédiaire de
l'association pour la réparation de leur préjudice. L'adhésion au groupe vaut mandat aux fins
d'indemnisation au profit de l'association.
A l'occasion de la décision sur la responsabilité, le juge peut condamner le professionnel au
paiement d'une provision à valoir sur les frais non compris dans les dépens exposés par
l'association (article L. 423-3).
L'ensemble de la procédure peut, à l'invitation du juge et avec l'accord des parties, se
transformer en procédure de médiation (articles L. 423-8) mais tout accord négocié au nom du
groupe est soumis à l'homologation du juge, qui lui donne force exécutoire (article L. 423-9).
La prescription des actions civiles en responsabilité contre le professionnel pour des faits
similaires est suspendue pendant le cours de l'instance (article L. 423-12) et l'autorité de la
chose jugée n'est établie qu'à l'égard du professionnel et des personnes qui se sont joints à
l'action (article L. 423-13).
À l'expiration des voies de recours, l'indemnisation est exécutoire pour toutes les
indemnisations individuelles qui n'ont pas fait l'objet d'une contestation (article L. 423-12).
Concernant les droits individuels, le projet stipule que l'adhésion au groupe ne fait pas
obstacle au droit d'agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des
préjudices n'entrant pas dans son champ d'application. De plus, l'adhésion au groupe ne vaut
ni n'implique adhésion à l'association requérante (article L. 423-14).
Lorsque l'action de groupe concerne les règles de la concurrence l'action ne peut être engagée
devant le juge que sur le fondement d'une décision constatant ces manquements qui n'est plus
susceptible de recours et a été prononcée à l'encontre du professionnel par les autorités ou
juridictions nationales ou de l'Union européenne compétentes (article L. 423-10).
Enfin, est réputée non écrite toute clause tendant à interdire par avance à un consommateur de
participer à une action de groupe (article. L. 423-17).
II. Questions autour de l’action de groupe et son efficacité
1. Quels sont les avantages essentiels de l'Action de groupe ?
a) Elle permet à tous, par son système de représentation sans mandat, d'accéder effectivement
à la justice, y compris lorsque le nombre de victimes est important et que le préjudice
individuel est modeste.
b) Elle permet un traitement égalitaire et étendu à toutes les victimes d'un même groupe, c'està-dire ayant subi un même agissement illicite ou abusif et un même préjudice d'un même
professionnel.
c) Elle permet aux victimes de mutualiser les moyens : une même analyse juridique,
technique ou économique va servir à l'ensemble du groupe…
d) Elle permet à tous d'accéder à la justice sans engorger les tribunaux.
e) Elle favorise une bonne administration de la justice en évitant, pour une même affaire, la
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multiplicité des recours devant de nombreuses juridictions, et limite ainsi le risque de
décisions contradictoires.
f) Elle permet à la justice de retrouver la plénitude de ses fonctions de sanction, de réparation
et de dissuasion. De fait, elle participe à la moralisation du comportement des acteurs
économiques.
2. L'Action de groupe va-t-elle favoriser les parties prenantes à l'action au détriment du
reste du groupe ?
L'Action de groupe doit permettre d'éviter tous conflits d'intérêts.
a) L'individu qui représente le groupe ne doit pas bénéficier d'une réparation de son préjudice
différente de celle des autres membres du groupe. Il est seulement remboursé des frais
engagés qui sont liés à la procédure.
b) Lorsque l'Action de groupe est à l'initiative d'une association, celle-ci ne peut prétendre
qu'au remboursement de ses frais engagés.
c) Les honoraires des avocats, notamment dans le cadre d'une transaction, sont contrôlés par
le juge qui apprécie leur caractère raisonnable au regard notamment du travail fourni.
3. En quoi la procédure de « Class Action » américaine est-elle différente de l'Action de
groupe à la française ?
Au-delà de la recevabilité, le contrôle du juge français, à tous les stades de la procédure
(recevabilité, transaction si elle a lieu, décision, estimation et modalités de liquidation des
réparations individuelles), constitue une garantie contre les risques de dérive que l'on observe
parfois aux États-Unis.
a) Aux États-Unis, les juges des États sont élus et certains sont réputés pour être assez
complaisants avec leurs électeurs. Certains avocats s'arrangent ainsi pour déposer leurs
requêtes devant ces tribunaux. En France, les décisions ne sont rendues que par des magistrats
professionnels. Ces juges professionnels sont indépendants et peuvent ainsi exercer
pleinement leur rôle de filtre au stade de la recevabilité, puis fixer une réparation ajustée au
préjudice.
b) Aux États-Unis, des jurés composent les tribunaux et rendent les décisions. En France, il
n'y a pas de jurés dans les tribunaux civils. Les décisions sont rendues par des magistrats
professionnels qui ont montré depuis longtemps leur sens de la mesure, s'agissant du montant
des réparations allouées.
c) À la différence des États-Unis, le droit français ne prévoit pas de dommages et intérêts
punitifs, c'est-à-dire allant au-delà de la juste réparation du préjudice : toute la réparation,
mais rien que la réparation.
d) En France comme au Québec, les avocats ne peuvent pas solliciter individuellement et
directement des clients et peuvent donc plus difficilement susciter « artificiellement » des
Actions de groupe.
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En conclusion on pourrait dire que :
Une procédure de class action est désormais admise en France avec la loi sur les
consommateurs. Il serait souhaitable que ce type d’action puisse s’élargir à d’autres champs
comme celui de l’environnement, la santé ou l’action sociale en général.
Les arguments à faveur de cette action sont assez convaincants :
Une action de groupe présente un intérêt pour les victimes et pour la société toute entière. Du
côté des victimes en général l’instauration d’une classe action permettrait une plus grande
réparation des dommages de masse. Du côté des auteurs de dommages, une telle action
contribuerait à une dépénalisation de la responsabilité en cas de dommage de masse. Au-delà,
pour la société, l’action de groupe représente un moyen de réduction de l’incertitude et dès
lors de l’insécurité dans le droit ainsi qu’un outil « d’optimisation globale du système
judiciaire ». Elle permettrait ainsi de voir la jurisprudence fixée rapidement avec la seule
décision déférée à la Cour de cassation.
Gageons pour que l’action de groupe se popularise et s’étende à tous les domaines sociaux.
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