Constructions en comme : homonymie ou polysémie
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Constructions en comme : homonymie ou polysémie
CONSTRUCTIONS EN COMME : HOMONYMIE OU POLYSÉMIE ? UN ÉTAT DE LA QUESTION Estelle Moline et Nelly Flaux Armand Colin | Langue française 2008/3 - n° 159 pages 3 à 9 ISSN 0023-8368 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-langue-francaise-2008-3-page-3.htm Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.163.119.42 - 07/01/2014 22h19. © Armand Colin Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Moline Estelle et Flaux Nelly, « Constructions en comme : homonymie ou polysémie ? Un état de la question », Langue française, 2008/3 n° 159, p. 3-9. DOI : 10.3917/lf.159.0003 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin. © Armand Colin. 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Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.163.119.42 - 07/01/2014 22h19. © Armand Colin -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Estelle Moline (Université du Littoral-Côte d’Opale, GRAMMATICA, JE 2489) Nelly Flaux (Université d’Artois GRAMMATICA, JE 2489) Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.163.119.42 - 07/01/2014 22h19. © Armand Colin Le morphème comme se caractérise par la très grande variété des contextes syntaxiques dans lesquels il est susceptible d’apparaître : – en phrase simple (Il entendit comme un bruit ; Comme c’est gentil !) ou en phrase complexe (Il ment comme il respire ; Et comme minuit allait sonner, elle se leva pour partir, Zola ; Comme vous le savez, Paris est la capitale de la France) ; – en construction intégrée (Il chante comme un canard ; Le soleil se leva comme elle causait encore, Maupassant ; Dès demain, vous la remplacerez comme seconde, Zola) ou détachée (Comme beaucoup de jeunes autistes, je n’ai pas accepté le changement de bonne grâce, Grandin ; Comme vous le savez, Paris est la capitale de la France ; Comme médecin, Pierre est tenu au secret médical). – le segment introduit par comme peut dépendre d’un verbe (Il se comporte comme un imbécile ; J’aime comme tu me souris), d’un nom (Un pianiste comme Thélonious Monk a marqué l’histoire de la musique ; Certaines villes, comme Paris ou Marseille, se développent constamment ; Ce sont des gens très comme il faut), d’un adjectif (Intelligent comme vous l’êtes, vous réussirez certainement), succéder à la copule être (Je suis comme je suis). Une construction en comme peut également être incidente à l’ensemble d’une proposition (Comme elle s’éloignait, elle reconnut près d’elle Mme Marty, Zola ; Son père a, comme il semble, beaucoup d’amitié pour vous, Mérimée ; Comme convenu, je vous fais parvenir cijoint…). – enfin, si, dans bon nombre de cas, comme est suivi d’un segment de type phrastique effectivement réalisé (Comme il faisait beau, il sortit ; Un de ces exemples comme on en rencontre parfois) ou facilement reconstituable (Il est gai L A N G U E F RANÇAISE 159 3 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.163.119.42 - 07/01/2014 22h19. © Armand Colin Constructions en comme : homonymie ou polysémie ? Un état de la question Points de vue sur comme comme < est gai > un pinson ; Comme < il (est + était + a été) > convenu, je vous fais parvenir ci-joint…), il n’est pas évident que tel soit toujours le cas. En effet, la restitution d’une proposition elliptique s’avère parfois problématique, notamment en ce qui concerne les emplois dits « qualifiants » (Il travaille comme maçon ; Comme médecin, Pierre est tenu au secret médical) ou encore les emplois dits « approximants » (Il entendit comme un bruit ; La maison avait comme disparu ; Il grimpait comme magiquement). Cette question ne fait pas l’objet d’un consensus parmi les chercheurs contemporains. Certains linguistes, notamment Le Goffic 1991 ou encore Fuchs & Le Goffic 2005, postulent l’unité syntaxico-sémantique du morphème : comme est un adverbe de manière fondamentalement indéfini, et les différents effets de sens découlent de cette valeur première. D’autres au contraire (cf. Kroumova et Hristov 1982) prônent l’existence de plusieurs morphèmes homophones, relevant de différentes catégories syntaxiques. Une tendance semble cependant émerger ces dernières années (cf. Le Goffic 1991, Desmets 2001, Moline 2001, Léard & Pierrard 2003, Fuchs & Le Goffic 2005) : comme est un mot en qu-, un adverbe de manière, dans bon nombre de ses emplois (Desmets 2001), si ce n’est dans tous (Le Goffic 1991, Fuchs & Le Goffic 2005). Il s’agit là d’une question fondamentale : doit-on, en ce qui concerne comme, parler d’homonymie ou de polysémie ? Pour comprendre en quels termes se pose le débat actuel, nous rappellerons succinctement les principales propositions d’analyse. Étant donné la variété des contextes dans lesquels comme est susceptible d’apparaître, de très nombreux chercheurs ont été, au cours de leurs travaux, confrontés à ce morphème. C’est notamment le cas de Muller (1996 : 83-140), qui analyse comme en regard des comparatives corrélatives. Le morphème que introducteur d’une comparative corrélative est interprété comme une variante de comme dans le cas de l’égalité, une variante de comme ne pas ou de ne pas comme dans le cas de l’inégalité. L’auteur souligne le double rôle de quantifieur, dans la principale et dans la subordonnée, assumé par comme dans les constructions comparatives, et analyse comme comme un pronom en qu-. Les relations temporelles ressortissant de la comparaison (cf. avant que et après que), il ne paraît guère surprenant que comme, terme qui « couvre de nombreux domaines », y apparaisse. À l’instar d’autres morphèmes comparatifs, comme intervient 4 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.163.119.42 - 07/01/2014 22h19. © Armand Colin Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.163.119.42 - 07/01/2014 22h19. © Armand Colin Les valeurs sémantiques associées aux segments introduits par comme semblent également caractérisées par la diversité. Comme apparaît en effet dans des énoncés exclamatifs (Comme c’est gentil !) ou comportant une interrogative indirecte (Je ne sais plus comme il me soigna, Duhamel). Le morphème peut contribuer à l’expression de la manière (Il mange comme un cochon), du temps (Le soleil se leva comme elle causait encore, Maupassant), de la cause (Comme il faisait beau, il décida de se promener), de l’approximation (Il entendit comme un bruit), de la qualification (Nous venons ici comme témoins, Mérimée), voire d’une forme de coordination (dans un cas comme dans l’autre), etc. S’agit-il d’effets de sens, résultant d’un contexte qui reste souvent à décrire, ou sommes-nous en présence de différents morphèmes homophones ? Constructions en comme : homonymie ou polysémie ? Un état de la question Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.163.119.42 - 07/01/2014 22h19. © Armand Colin Le Goffic 1991 replace l’analyse de comme dans le cadre plus général des mots en qu-. Après avoir rappelé que ces termes apparaissent aussi bien en contexte « percontatif » (Dis-moi (qui tu aimes + où tu vas + comment tu fais)) qu’« intégratif » (J’aime qui j’aime ; J’irai où tu vas ; Je ferai comme j’ai toujours fait), l’auteur montre que du point de vue fonctionnel, il n’y a pas lieu de distinguer des formes pronominales (qui) et des formes adverbiales (où, quand, comment/ comme). Comme celui des autres mots en qu-, l’emploi intégratif de comme relève d’un mécanisme de subordination spécifique, le « chevillage », et dans chacun de ces emplois, il y a analogie fonctionnelle entre la fonction de la subordonnée dans la principale, et celle du morphème introducteur dans la subordonnée : adverbe de prédicat dans Je ferai comme j’ai toujours fait, adverbe de phrase dans Comme je dressais l’oreille, deux hommes entrèrent ou Comme j’avais du temps libre, j’en ai profité pour aller faire un tour, adverbe d’énonciation dans Comme on pouvait le craindre, le conflit s’est généralisé. Portine 1995 analyse comme comme un marqueur polysémique : la présence du morphème au sein d’un énoncé de forme Y comme X indique que « X sert de référence à l’évaluation de Y ». Sur la base de cette valeur sémantique fondamentale, l’auteur établit une liste de sept types d’emplois spécifiés en contexte. Il distingue les emplois comparatifs (Paul est grand comme Jacques ; Elle avait eu, comme une autre, son histoire d’amour, Flaubert), d’appartenance à une classe (Comme véhicule, c’est pratique), d’approximation (Douglas se sentit comme assommé, Vercors), d’exemplification (Rares sont les Universités de province (comme Lille, Montpellier et Nancy) qui […]), temporels (Son père et sa mère sont morts comme il était tout jeune, Maupassant), causaux (Enfin, comme sa bougie allait mourir, qu’elle était très lasse et qu’il faisait froid, elle se coucha dans le lit, France) et intensifs (Comme je suis heureuse pour vous !). L’auteur souligne les difficultés que soulève ce dernier cas, dans la mesure où, d’une part, Y n’est pas matérialisé, et où, d’autre part, l’interprétation intensive ne peut, selon lui, résulter d’un simple redoublement (* Je suis heureuse comme je suis heureuse). Fuchs & Le Goffic 2005 proposent également une analyse polysémique et postulent l’unité du morphème, tant du point de vue syntaxique (comme est un adverbe qui « cheville » deux structures prédicatives sous-jacentes) que du point de vue sémantique. Sur le plan syntaxique, le « chevillage » a pour corollaire la symétrie entre le rôle syntaxique du morphème dans la subordonnée et le rôle de la subordonnée dans la phrase matrice. Sur le plan sémantique, comme est un « marqueur (comparatif) d’identité », qui réfère fondamentalement à la manière, à la manière de faire (modus faciendi) ou à la manière d’être (modus essendi). Les auteurs distinguent dix-neuf constructions clés, réparties en trois L A N G U E F RANÇAISE 159 5 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.163.119.42 - 07/01/2014 22h19. © Armand Colin également dans les constructions à parallèle (Paul est venu, tout comme Pierre). Il ne s’agit plus à proprement parler d’un quantifieur, la comparaison portant alors « sur la similitude ou l’opposition des actions ou des situations ». Enfin, l’auteur signale que dans les constructions du type il était comme mort, comme a plutôt un emploi adverbial « qui n’est probablement pas à rattacher aux constructions comparatives ». Points de vue sur comme Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.163.119.42 - 07/01/2014 22h19. © Armand Colin Léard & Pierrard 2003 proposent une autre classification des emplois de comme en français contemporain. Ils établissent une partition entre les emplois « centraux », dans lesquels le morphème est caractérisé par les traits/indéfini/ et/identité/et les emplois périphériques, dans lesquels persiste le seul trait /identité/. Dans le premier cas, l’identité est appliquée à des notions ou à la référence, notamment à la manière (Il parle comme un professeur ; Léa est comme (toi + avant)), à la quantité (Il est grand comme toi ; Il gagne comme il dépense ; Comme c’est beau !), aux repères (Il partait comme j’arrivais) ou aux traits définitoires (Il était comme fou). Dans le second, l’identité peut concerner le prédicat (Pierre, comme Jacques, est gentil) ou l’énonciation (Comme on te l’a dit, je pars demain), exprimer une identité partielle (Luc travaille comme pilote ; Léa considère ce rapport comme important ; C’est immense comme maison), s’appliquer aux valeurs de vérité des propositions mises en relation (Comme tu restes, je pars) ou encore à l’identité partielle entre un principe général et un ou plusieurs exemples (Des félins comme le chat et le tigre sont très vifs ; Certains félins, comme le tigre et le chat, sont très vifs). Pierrard & Léard 2004 situent l’étude de comme dans le contexte plus général des proformes indéfinies (qui, où, quand, etc.) et indiquent qu’en regard des autres proformes, comme présente des spécificités tant sémantiques (comme ne correspond pas à une valeur sémantique primaire, et marque l’identité plutôt que la manière) que syntaxiques (en construction subordonnée, comme ne co-sature pas nécessairement deux prédicats). Lorsque comme cosature deux prédicats, le morphème, à la différence des autres proformes indéfinies, marque une identité sans en préciser le domaine, lequel peut correspondre à la manière (Il parle comme un professeur), à une propriété (Léa est comme avant), à l’intensité (Il est grand comme toi ; Je l’aime comme toi) ou à des données spatio-temporelles (Il entrait comme j’arrivais). Dans d’autres cas (addition : Comme Luc, Léa est en prison ; métadiscursif : Comme tu le sais, je pars ; prédication seconde : Léa considère Luc comme un frère) et identité partielle : Certains pays, comme la Suisse et le Luxembourg, …), comme ne marque pas la co-saturation de deux prédicats. L’examen des emplois exclamatifs conduit les auteurs à distinguer comme des véritables proformes correspondantes (comment et combien), à la différence desquelles le morphème comme n’aurait pas de valeur sémantique précise et ne remplirait pas la fonction de constituant dans la prédication. Les auteurs interprètent comme comme un marqueur de degré, cette valeur sémantique permettant de rendre compte tant des emplois comparatifs que des emplois exclamatifs. 6 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.163.119.42 - 07/01/2014 22h19. © Armand Colin classes : 1°/ l’identité de manière de faire (Jean se comporte comme les autres) et l’analogie (Je me tourne vers lui comme l’héliante vers le soleil ; Tout juste comme j’allais partir, le téléphone sonna, etc.), 2°/ l’identité de manière d’être (Marie est jolie comme sa sœur ; Paul est un homme comme les autres ; un homme comme le général de Gaulle ; Jean travaille comme maçon, etc.) et 3°/ l’identité tautologique, i.e. « reposant sur une relation sous-jacente d’identification circulaire » (Jolie comme elle l’est, Marie rallie tous les suffrages ; Comme il s’y prend, il n’a aucune chance de réussir ; Comme c’est gentil !). Constructions en comme : homonymie ou polysémie ? Un état de la question Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.163.119.42 - 07/01/2014 22h19. © Armand Colin Enfin, il existe quelques études consacrées à des occurrences spécifiques de comme qui indiquent que leurs auteurs ont renoncé à une analyse catégorielle unifiée du morphème : Moline 1996 analyse comme dans Il grimpait comme magiquement (Balzac) comme un adverbe modalisateur, glosable par pour ainsi dire, incident au terme qui lui fait suite ; Desmets 1998 décrit les spécificités de l’emploi causal de comme (Comme Pierre ne l’avait pas vue, Marie en profita pour sortir de son bureau) en regard de l’emploi comparatif (Il vous a traité comme il aurait traité son fils ; Je rêve à des gâteaux au chocolat comme en préparait ma nounou ; Il s’en va bon train, heureux comme il est d’avoir réussi son examen) ; Pierrard 2002b dégage les points communs et les différences entre les propriétés de certains emplois de comme (Marie aime Paul comme un frère ; Paul a considéré ta réponse comme une insulte ; Il a engagé Paul comme caissier ; Tu prendras quoi comme dessert ; On entendait comme un grondement lointain) et les caractéristiques prototypiques des prépositions. Pierrard 2004 analyse comme dans certains de ces emplois (Il voit la Chine comme la puissance montante du XXIe siècle ; Il l’a engagé comme caissier) comme de véritables prépositions. Ces quelques propositions d’analyse montrent bien la diversité des points de vue relatifs à la description de comme. Les divergences portent tout autant sur le caractère polysémique ou non du morphème, et, de façon corollaire, sur l’analyse catégorielle appropriée, que sur la valeur primaire de comme (identité, manière, degré), ou encore sur le nombre d’emplois distincts du morphème. La diversité des analyses semble corrélée à la priorité accordée dans la description au plan sémantique ou au plan syntaxique, et à la façon dont est conçue l’articulation entre la forme et le sens. L’hypothèse préalable selon laquelle une forme donnée possède un et un seul sens, plus ou moins complexe, conduit à une analyse polysémique. En l’absence d’une telle hypothèse, seule une étude syntaxique préalable de chacun des emplois du morphème permet de trancher en faveur de l’homonymie ou de la polysémie. Malgré un nombre important d’articles (cf. la bibliographie en fin de présentation), l’ensemble des contextes (et des effets de sens associés) dans lesquels comme est susceptible d’apparaître n’est toujours pas décrit avec précision. Chacune des contributions de ce numéro est consacrée à l’analyse d’un emploi spécifique du morphème, éventuellement mis en relation avec d’autres. L A N G U E F RANÇAISE 159 7 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.163.119.42 - 07/01/2014 22h19. © Armand Colin Pour leur part, Kroumova & Hristov 1982 prônent une conception homophonique de comme. Selon les auteurs, comme serait une conjonction de subordination dans les comparatives non elliptiques (Il habitait Paris comme un rossignol habite la forêt, Balzac), les propositions de modalité (Faites comme il vous plaira), les causales (Comme elle était contente de sa cuisinière, elle désirait lui donner une robe, Zola) et les temporelles (Comme je commençais à m’endormir, j’entendis du bruit dans la maison, Robert), une conjonction de coordination dans Ils sont paresseux, le père comme le fils (Robert) ou L’une comme l’autre gardent peu de loisir disponible pour l’ouverture (Prévost), une préposition dans Il est hardi comme un lion, rire comme un bossu, Je sens comme un bourdonnement dans ma tête, On ne rencontre pas souvent un homme comme lui, Je le considère comme mon fils ou encore dans Comme avocat, il est tenu au secret professionnel et un adverbe dans Dieu sait comme ou Comme tu es belle. Points de vue sur comme Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.163.119.42 - 07/01/2014 22h19. © Armand Colin Marianne Desmets montre que les constructions comparatives en comme présentent un large spectre de réalisations dont la parenté n’est pas toujours immédiate. L’observation des propriétés syntaxiques et sémantiques de ces formes indique qu’elles relèvent d’une même analyse : leur distribution est conforme à celle d’un adverbe de manière, la phrase introduite par comme est une structure à extraction, et comme présente les propriétés d’un mot qu-. De même, la forme syntaxique de ces comparatives n’est pas isolée : elle répond à celle d’une relative sans antécédent. Grâce aux contraintes dites de coïncidence des relatives sans antécédents, on peut rendre compte formellement du calcul sémantique qui est à l’œuvre dans ce type de comparatives non scalaires, entre autres, du fait que l’on compare deux « manières ». Michel Pierrard étudie les propriétés des comparatives « co-énonciatives » (Comme vous (le) savez, la guerre vient d’éclater ; Comme son nom l’indique, M. Pain est boulanger), dans lesquelles, selon Pierre Le Goffic (1991 ; 1993), comme remplit la fonction d’un « adverbe d’énonciation ». Ces constructions se situent aux frontières de la zone d’emploi comparative de comme. Elles sont généralement caractérisées par un décalage énonciatif entre P1 et la proposition en comme (P2). L’étude détaillée du tour permet de préciser la place des co-énonciatives au sein des comparatives, d’affiner l’analyse des propriétés sémantiques et du fonctionnement syntaxique de comme et de spécifier le rapprochement des coénonciatives avec d’autres tours en comme, où des questions de prise en charge de l’assertion sont en jeu. Catherine Fuchs et Pierre Le Goffic analysent l’emploi de comme dans la structure Nindéfini comme P (un/un de ces exemple(s) comme on en trouve partout). Sont tout d’abord étudiés les paramètres co-textuels constitutifs de la structure considérée. Au plan syntaxique, le fonctionnement de comme est ensuite décrit en termes d’un schéma sous-jacent qui permet, grâce à la notion de « chevillage », de relier ce type de construction aux autres emplois comparatifs de comme. Au plan sémantique, les auteurs montrent que comme contribue à introduire une qualification du nom N à valeur typifiante, d’où la possibilité de paraphrases en tel que et, dans certains cas, avec une relative, à la différence près que la propriété reste toujours indéterminée avec comme : c’est le « modus », quel qu’il soit, non spécifié. Estelle Moline décrit une configuration spécifique, dite analogique, dans laquelle comme met en relation deux objets P complets (Le bonheur est la poésie 8 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.163.119.42 - 07/01/2014 22h19. © Armand Colin Bernard Combettes et Annie Kuyumcuyan analysent les modifications qui conduisent à la disparition de comme au profit de que dans les comparaisons d’égalité (X est aussi Adj comme Y). Pendant une bonne partie de son évolution, le français, comme beaucoup de langues, exprime la comparaison d’égalité au moyen d’un système corrélatif à deux termes distinct de celui qui est en usage pour les comparaisons d’inégalité : aussi/autant… comme s’opposant ainsi à plus/ moins… que. Des facteurs avant tout sémantiques semblent expliquer la marginalisation de comme et son remplacement progressif par que dans les comparaisons d’égalité, marginalisation dont des locutions conjonctives formées également sur comme, et aujourd’hui disparues, portent également témoignage. Constructions en comme : homonymie ou polysémie ? Un état de la question des femmes, comme la toilette en est le fard, Balzac). Sur le plan sémantique, l’auteur s’interroge sur l’apport spécifique de comme dans l’interprétation de ces constructions, et suggère que, comme c’est le cas pour les « temporelles » et les « causales » en comme, celle-ci résulte davantage d’inférences établies en relation avec les caractéristiques des propositions mises en relation par comme et nos connaissances du monde, que d’un sens attribuable à comme. Sur le plan syntaxique, elle montre la difficulté à exploiter des critères qui indiquent des différences ténues entre les différents cas de figure. Els Tobback & Bart Defrancq testent, pour la classe des verbes dits de nomination, certaines hypothèses formulées en rapport avec l’emploi de comme au sein des structures attribut de l’objet. La présence de comme va de pair avec certaines formes de marquage de la structure attributive. En présence de comme, l’attribut s’éloigne des propriétés du prédicat prototypique en général et du prédicat résultatif en particulier. La relation prédicative seconde établie au sein de la construction s’apparente à des structures phrastiques marquées du point de vue informationnel. Enfin, l’emploi de comme va de pair avec une interprétation non prototypique du verbe, dans la mesure où celui-ci réfère moins souvent à l’attribution d’une fonction professionnelle immédiatement liée au sens des verbes étudiés. L A N G U E F RANÇAISE 159 9 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.163.119.42 - 07/01/2014 22h19. © Armand Colin Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 92.163.119.42 - 07/01/2014 22h19. © Armand Colin Véronique Lagae étudie les constructions détachées en position frontale dans lesquelles comme introduit un nom « nu » (Comme ornements, ils avaient des colliers et des bracelets en coquillages). Leur spécificité est mise en évidence par la comparaison avec les emplois non détachés d’une part (Ils avaient des colliers en coquillage et des bracelets comme ornements), et le détachement au moyen de la locution en fait de d’autre part (En fait d’ornements, ils avaient des colliers et des bracelets en coquillages). L’auteur montre que le détachement frontal n’est pas possible pour tous les emplois de comme + Nom, et qu’il convient de distinguer plusieurs cas de figure parmi ces structures, sur la base de diverses propriétés distributionnelles.