Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences De - e-RH

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Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences De - e-RH
Gestion Prévisionnelle des
Emplois et des Compétences
De l'incitation - concertation à
l'obligation – sanction ?
Invité e-Rh : Maître PROFIT,
Cabinet FIDAL
Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences
De l'incitation - concertation à l'obligation – sanction ?
G.P.E., G.P.E.C. voilà deux sigles au long passé quasi confidentiel
appelés certainement à un brillant avenir. On appelle G.P.E.C., d'une part,
un outil de réflexion prospective et anticipative sur les compétences
nécessaires à la réalisation d'un projet d'entreprise et, d'autre part,
l'ensemble des moyens utiles à la mesure, à l'évaluation des compétences
des personnes devant mettre en œuvre ce projet d'entreprise. Ces
compétences sont tout autant externes qu'internes. L'ajustement des
compétences internes se réalisera à l'aide d'un plan pluriannuel de
formation.
Quel événement provoque ce soudain regain d'intérêt ? La Loi de
Modernisation Sociale du 17 janvier 2002 dite L.M.S. et plus
particulièrement ses articles 108 et 112 (appréciés et validés par le Conseil
Constitutionnel), d'une part, et 94 et 95, d'autre part.
Les articles 108 et 112 de la L.M.S. ont la particularité de faire basculer
la G.P.E.C. du domaine de l'incitation-concertation dans le champ de
l'obligation-sanction désormais appréciée, mesurée, jaugée par les juges de
l'ordre social.
I – Jusqu'à la L.M.S. du 17 janvier 2002, quelle était la place de la
G.P.E.C. dans le Code du travail ?
§ L'embryon réside dans la définition des attributions économiques du
Comité d'Entreprise lorsqu'il est affirmé que cette institution doit être
consultée sur toute question touchant à l'organisation de l'entreprise quand
sont prises des mesures de nature à affecter les conditions de travail et de
formation du personnel.
Les choses avancent le 30 décembre 1986 quand le législateur crée le
concept de "plan d'adaptation" lorsque l'entreprise se propose de mettre en
place des "mutations technologiques importantes et rapides", ce plan visant
notamment les conditions de travail et la formation. Un tel plan est malgré
tout cantonné à l'introduction de projets importants de nouvelles
technologies et le Comité d'Entreprise doit être consulté.
§ Le concept naît véritablement avec la loi du 2 août 1989 à travers
une nouvelle obligation annuelle de consultation du Comité d'Entreprise sur
"l'évolution de l'emploi et des qualifications". L'Entreprise est censée faire
des "prévisions" et également de la "prévention" en direction de ceux de ses
salariés les plus exposés "aux conséquences de l'évolution économique ou
technologique". C'est à partir de cette époque que la G.P.E. ou G.P.E.C.
commence à acquérir ses lettres de noblesse.
L'Etat fait même un effort conséquent en instituant des aides
spécifiques au financement des actions de formation adaptation-prévention.
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De l'incitation - concertation à l'obligation – sanction ?
§ A partir de 1992, intervient la naissance d'une nouvelle
jurisprudence fondant le devoir de l'employeur au reclassement préalable du
salarié avant toute décision de licenciement économique sur le principe de
l'exécution de bonne foi du contrat de travail (comme tout contrat d'ailleurs
!). Cette jurisprudence se transpose dans le domaine législatif avec la loi du
27 janvier 1993 sur les plans sociaux.
§ Nous pouvons ainsi constater une évolution progressive allant de
l'incitation-concertation (rôle du Comité d'Entreprise ; aides de l'Etat) vers
l'obligation-sanction, notamment à travers le développement du droit du
licenciement économique et de l'obligation de reclassement.
II – La loi L.M.S. du 17.01.2002 renforce singulièrement le caractère
d'obligation-sanction de la G.P.E.C.
La première pierre de l'édifice a été posée juste deux ans auparavant
par la loi du 19.01.2000, plus connue sous le nom de Loi Aubry 2 qui
introduit dans le Code du travail, en matière de formation professionnelle,
l'obligation pour l'employeur "d'assurer l'adaptation de ses salariés à
l'évolution de leurs emplois". D'autre part, l'expression même de G-P-E-C
figure désormais en toutes lettres parmi les conditions d'accès à l'aide de
l'Etat dans le financement du C.A.T.S. (Cessation d'activité des salariés
âgés).
§ Désormais, cette obligation entre dans le champ de la
définition légale du motif économique, un troisième alinéa ayant été
ajouté à l'article L 321-1 du Code du travail (Art. 108 L.M.S.).
"Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir
que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et
que le reclassement de l'intéressé …/… ne peut être réalisé dans le cadre de
l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel
appartient l'entreprise".
En clair : le premier alinéa de cet article, interprété par la
jurisprudence, donne la définition du motif économique "réel et sérieux"
pouvant fonder des licenciements économiques. Mais, avec la L.M.S., ce
n'est plus suffisant : encore faut-il que la décision de licencier soit légitime
c'est-à-dire après que "tous les efforts de formation et d'adaptation [aient]
été réalisés". Serions-nous en train de glisser vers une obligation de résultat
? Ou resterons-nous au stade de l'obligation de moyen ?
Les Parlementaires se sont émus de cette nouvelle contrainte en
recourant au Conseil Constitutionnel, estimant que le législateur ne précisait
pas les conséquences de la méconnaissance de cette nouvelle condition.
Le Conseil Constitutionnel rappelle l'exécution de bonne foi du contrat
de travail, l'obligation de reclassement qui en résulte, et précise qu'en
l'absence de texte prescrivant la nullité du licenciement, la méconnaissance
de l'obligation ne se résout ni par la nullité, ni par la réintégration.
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De l'incitation - concertation à l'obligation – sanction ?
Quelle sanction alors ? La jurisprudence a déjà répondu : dommages et
intérêts pour licenciement abusif (violation de l'obligation d'exécution de
bonne foi et de reclassement). Ceci veut dire au minimum six mois de
salaire, sans compter le remboursement des indemnités de chômage à
l'ASSEDIC dans la limite de six mois d'indemnisation, ce qui globalement
représente une addition d'environ dix mois de salaire.
En outre, si la légitimité repose sur cette nouvelle obligation de faire
(les efforts d'adaptation et de formation), il n'est pas besoin d'être grand
clerc pour comprendre qu'il sera très tentant pour les organisations
syndicales de se précipiter devant le juge des référés afin d'obtenir la
suspension de la procédure au motif de la non-réalisation ou de
l'insuffisance de réalisation de ladite obligation !
§ Désormais, cette obligation entre dans le champ de la
définition du Plan de Sauvegarde de l'Emploi, (P.S.E.) suite à la
réécriture de l'article L 321-4-1 du Code du travail (art 112 L.M.S.)
Le P.S.E. doit prévoir les mesures de "reclassement interne", de
"reclassement externe". Comment l’ articuler avec la définition précédente ,
puisque les mesures du PSE ne sauraient intervenir qu’ après épuisement de
tous les efforts de formation et de reclassement internes ? La jurisprudence
ne manquera pas de continuer d’ affiner sa réponse .
Pour l’ instant , nous pouvons souligner le lien indirect qui semble se
faire jour entre une GPEC inexistante ou insuffisante et un PSE qui
apporterait tardivement des solutions ou révélerait implicitement le défaut
de GPEC préventive .
Les conséquences de la méconnaissance de ces nouvelles obligations
sont drastiques : la loi prévoit formellement et expressément la nullité de
toute la procédure de licenciement, en d'autres termes, l'obligation de
réintégration avec toutes les conséquences pécuniaires qui en résultent.
Là encore, les organisations syndicales ne manqueront pas d'user et
d'abuser du référé-suspension.
Les Parlementaires se sont émus, également, de ces nouvelles
dispositions en faisant valoir devant le Conseil Constitutionnel que "le
législateur aurait omis de préciser les conditions permettant au juge de
déclarer nulle la procédure de licenciement".
Le Conseil Constitutionnel, à juste titre, a balayé d'un revers de mains
cette objection en invitant à lire la loi modificative qui ajoute un alinéa à
l'article L 321-4-1 :
"La validité du P.S.E. est appréciée au regard des moyens dont dispose
l'entreprise".
On est tenté de dire : "quand même !". Mais cela va beaucoup mieux
en l'écrivant. Les juges avaient déjà posé ce principe. Désormais, il est
légalisé.
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De l'incitation - concertation à l'obligation – sanction ?
III Aides de l’ Etat à la GPEC .
§ Sachons enfin que le législateur de 2002, à l'instar de celui de 1989,
crée une nouvelle aide de l'Etat en faveur des entreprises d'au maximum
250 salariés désireuses d'élaborer une G.P.E.C., l'aide portant sur les études
préalables à la conception du plan (art. 95 L.M.S.).
A contrario, les autres entreprises sont censées faire par elle-même.
Le texte ne précise pas comment s'articule cette nouvelle aide avec
celle de 1989, toujours en vigueur, visant les actions de formation en faveur
des entreprises d'au maximum 500 salariés , ces aides ayant elles-mêmes
été « recentrées » sur les Engagements de Développement de la Formation
( EDDF ) .
IV GPEC négociée ?
L’ article 94 LMS vient créer un nouveau thème de négociation
obligatoire dans les branches professionnelles : « La négociation… doit
porter sur … la gestion prévisionnelle des emplois des entreprises de la
branche compte tenu de l’ évolution de ses métiers . «
Comment une entreprise , soucieuse de la qualité de son dialogue
social , pourrait-elle rester à l’ écart d’ une telle négociation en interne ?
Rappelons-nous que la négociation du plan de formation de l’ entreprise
peut , si on le souhaite , entrer dans le champ de la négociation annuelle
obligatoire ( NAO ) . De facto , ne devient-on pas obligés de négocier , l’
absence de négociation pouvant décrédibiliser une GPEC et un plan de
formation par trop unilatéraux ?
La G.P.E.C. devient un outil indispensable, nécessaire, incontournable
pour toutes les entreprises : aucune ne saurait désormais s'en dispenser
sous peine de graves déboires pouvant mettre en cause sa pérennité.
Th. PROFIT, Directeur Associé
FIDAL, Société d'Avocats
[email protected]
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