Fin de saison, dernier cyclone Dans la fureur et le vacarme du

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Fin de saison, dernier cyclone Dans la fureur et le vacarme du
Fin de saison, dernier cyclone
Dans la fureur et le vacarme du cyclone des Açores, la mobilisation générale a été décrétée au
FAR pour le derby de clôture contre le FC Croix-Rousse. Malgré le rappel des réservistes et le
renfort de quelques mercenaires, le FAR va prendre sa plus grosse dérouillée de l'année.
Peu avant le solstice d'été, sanctuaire Gorjus, route de Germanie.
Comme chaque année depuis le début des changements climatiques, la colère des dieux s'abat sur
le plateau de la croix-rousse.
–
C'est le tonnerre qu'on entend ?
–
Ouais...mais, t'entends pas de la musique en fond, aussi ?
–
T'as raison...on dirait que ça se rapproche...Mais c'est...
–
Ouais, ouais, on dirait « Europe », non ?
–
C'est ça, c'est « Final Countdown » ! crie Cheval en lachant ses cheveux, tandis que ses
coéquipiers s'élancent sur le terrain en scandant « tin-nin-nin-nin...tin-nin-nin-nin-nin...tin-nin-ninnin-nin-nin-nin! »
Le compte à rebours final, les dernières 90 minutes de la saison....
Les nuages sont noirs comme des bananes trop mûres. Des éclairs oranges fluos déchirent le ciel
et la foudre s'abat toutes les 30 secondes au point de penalty. Une pluie diluvienne et des centaines
de grenouilles géantes terrifiées tombent sur la terre battue du stade Gorjus à 2 lieues de
l'amphithéâtre des Trois-Gaules. Des arbres arrachés et des plaques de tôles volent au-dessus du
terrain qui se transforme peu à peu en mer intérieure, une mer fortement salée par la sueur de toute
une saison de ballon-pied. Et tout autour, chancelant au milieu des bourrasques, des animaux à poil
à plumes et à vapeur se sont agglutinés sur un monticule pour échapper au déluge.
Mais il faudrait bien plus qu'un cyclone de force 5 et du hard rock des années 80 pour empêcher
des footballeurs un tant soit peu courageux de pousser le caillou.
Au contraire même, pas moins de 19 faricrussiens en armures rouges et noires sont rassemblés au
bord du terrain. Car c'est lorsque la nature se déchaîne que le Far est le plus fort, que tout le monde
se mobilise. Les joueurs du FAR ne sont jamais aussi glamour que le visage ruisselant de pluie,
leurs torses velus luisants de sueur et leurs protèges-tibias fumant dans la moiteur.
Tout le monde est là : il y a d'abord les gardiens du temple : Requin, Kayser Nico, Cheval et
Malik, derniers rescapés de la fondation du FAR, six ans plus tôt.
Il y a les cadres inamovibles mais sur la touche : Gui le stratège et Fredinho le préparateur
physique qui revient d'un voyage d'études à Sparte, tous deux blessés au combat et qui ne jouent pas
ce soir mais gèrent le schéma tactique de l'équipe.
Les piliers, mi-hommes mi -béton armé, toujours présents quand il le faut : Raf (maître du
boulier), Rol, Vinc' et Peter.
Les Orientaux fantasques : Kobri, Lio et Mat el Riu, sous la tutelle de Scorpibis, leur étrange
dieu qui roucoule et frétille, le scorpion à tête d'ibis avec des ailes de pigeon.
Les Nouveaux, devenus esssentiels : Burns, Bess, Flamingo Mat.
Il ne manque que Pef, qui tient le bon bout dans sa traversée de l'Antarctique en solitaire,
commencée deux mois plus tôt.
On teste aussi trois nouvelles recrues potentielles : Nassim en milieu gauche, Damien à droite et
Florian en meneur de jeu. Il faut bien ça pour remplacer Requin, envoûté par les sirènes du Poitou,
berné comme tant d'autres par un réseau de traficants de squales lui promettant amour, gloire et
beauté à l'Ouest de la rivière Saône.
Tous connaissent l'importance de l'enjeu : il s'agit du match rituel de fin de saison qui amène la
fertilité pour l'année à venir. Peu importe le résultat, seul compte l'engagement.
Il est aussi possible que certains joueurs aient été attirés par la prime exceptionnelle de fin
d'année : non pas une, non pas deux, mais bien trois graffenwälder tièdes promises après le match !
Enfin c'est le dernier match de la saison et il faut finir en beauté, après une saison tout juste
correcte, plutôt pas mal sur la fin mais où l'espoir de conquerrir une deuxième étoile s'est
rapidement éloignée.
Le match commence et très vite, le FAR Croix-Rousse perd les pédales : 4-0 pour le FC Croix
Rousse au bout de 25 minutes de jeu...Et 6-1 à la mi-temps (réduction du score par Peter). Le score
aurait pu être encore plus lourd sans quelques arrêts décisifs de Mat.
A la mi-temps Gui et Fredinho ne cachent pas leur désarroi. Tandis que le stratège cherche des
solutions, le préparateur physique sort sa branche de noisetier et flagelle les omoplates des joueurs
les plus paresseux.
En deuxième mi-temps la profondeur de l'eau atteint 40 cm dans le rond central; le jeu à terre
devient totalement aléatoire et les accélérations laissent des sillons profonds dans la boue.
Les joueurs du FC Croix Rousse sont beaucoup plus physiques, combattifs et n'hésitent pas à
mettre le pied sur le ballon qu'ils font circuler tranquillement jusqu'au but. Ils en rajoutent un. 7-1.
Puis Peter réduit une nouvelle fois le score : 7-2.
Une boulette de Mat plus loin et on arrive à
8-2.
Puis 8-3, grâce à un tir de Requin des 25 mètres, détourné habilement par Florian qui trompe le
gardien.
Un petit dernier : 9-3 pour le FC Croix-rousse, score final.
La rumeur de Final Countdown s'éteint complètement dans un tonnerre assourdissant : des
mèches de cheveux frisés, des bouts de peaux avec des tatouages de dragons et des morceaux de
jean slim s'écrasent tout autour sans blesser personne. La pluie s'arrête.
Les nuages se déchirent dans un bruit de draps froissés, le ciel bleu orange du crépuscule se
découvre, des ptérodactyles planent à basse altitude à l'horizon sur le plateau de la duchère,
profitant du calme relatif de l'oeil du cyclone.
On sort une dernière fois les Graffenwalder. Puis les Rouges et Noirs entament la traversée du
plateau dévasté par la tempête et se rendent à leur taverne habituelle.
Sur la terrasse du Broc, les rescapés refont ce match catastrophique, puis dressent le bilan de
l'année et réfléchissent au mercato.
Le Bilan de l'année (avant vérification du Maître du Boulier) :
24 matchs joués cette saison, un peu moins que lors de la saison précédente : 12 victoires, 4 nuls,
8 défaites. Le FAR finit 7ème de sa poule, ce qui semble bien sévère et amène à s'interroger sur
l'attribution des points de fair-play.
68 buts marqués et 63 encaissés...Un solde positif de 5 buts ce qui n'est pas beaucoup...
Au classement des buteurs, Kobri est sacré meilleur buteur avec 17 buts, suivi par Peter (12),
Malik (11), Gui et Cheval (6), Requin (5), Florian (3 buts pour seulement deux matchs joués),
Fredinho, Flamingo Mat, Burns et Niko Kayser (2), enfin Bess et Amar (1 but chacun).
Mercato : Le test de deux joueurs, Florian et Damien, s'est avéré positif; l'objectif est donc de les
faire signer le plus vite possible et par tous les moyens. Le retour d'Amar est également envisagé,
sans beaucoup d'espoir néanmoins.
Ainsi s'achève la saison 6.
Nul doute que les joueurs du FAR reviendront en force au mois de septembre, toujours plus
téméraires, toujours plus beaux malgré la trentaine avancée, animés de la rage de vaincre et motivés
pour faire vibrer les foules et enfin devenir une vraie équipe de coupe, également prêts à conquerrir
cette seconde étoile qu'ils souhaitent tellement voir palpiter sur le drapeau rouge et noir du football
associatif radical croix-rousse.