Le devoir d`information et de conseil des prestataires de services d
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Le devoir d`information et de conseil des prestataires de services d
1 Le nantissement de meubles incorporels Par Michel Storck Professeur à l’université Robert Schuman Directeur du centre du droit de l’entreprise I - Passé 1-Formalisme lourd écrit et signification Art 2075 ancien du C civ : « Lorsque le gage s’établit sur des meubles incorporels, tels que les créances mobilières, l’acte authentique ou sous seing privé, dûment enregistré, est signifié au débiteur de la créance donnée en gage, ou acceptée par lui dans un acte authentique » Ce formalisme est imposé aussi pour le gage commercial (renvoi de l’art. 521-1 C.com. à 2075 C.civ.) Difficultés d’application : possibilité de nantir des créances futures alors que le gage est un contrat réel ? le nantissement de créances futures est qualifié de promesse de gage, prenant effet seulement au jour de la naissance de la créance. En cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, le créancier gagiste s'expose donc à deux risques : impossibilité de pouvoir constituer le nantissement si la créance n'est pas née avant le jugement d'ouverture, et nullité du nantissement s'il a été constitué au cours de la période suspecte. Pourtant la jurisprudence a reconnu la validité d'une cession de créances futures faite dans les formes du Code civil. 2- Multiplication des nantissements spéciaux Des gages avec ou sans dépossession ont été introduits par des textes spécifiques, remplaçant la dépossession par une formalité elle-même prescrite à peine de nullité, ou par une publicité peu efficace 3-Procédure d’exécution du gage trop contraignante Procédure d’exécution du gage commercial prévue à l’article L 521-3 C.com. : vente publique Effets limités, notamment dans le cadre d’une procédure collective Préférence de la pratique pour les cessions en propriété : cession globale de créances présentes et futures par bordereau Dailly, mais uniquement au profit d’un établissement de crédit. II - Présent 2 Idées directrices : - faciliter la constitution des nantissements ; souplesse et efficacité dans la réalisation de ces sûretés - transposition et généralisation de mécanismes spéciaux de garanties existant en droit commercial (nantissement de comptes, nantissements de créances futures, nantissements multiples) - généraliser le pacte commissoire à tous les nantissements civils et commerciaux - Combinaison avec le droit des procédures collectives : importance en ce domaine des biens meubles incorporels Méthode : le gage et le nantissement ne sont plus des contrats réels, mais des contrats solennels (écrits). La dépossession, rarement possible pour les meubles incorporels, n'est qu'une formalité d'opposabilité ; à défaut, elle est remplacée par une publicité sur un registre spécial. Le gage sans dépossession peut ainsi se généraliser, et s’étendre notamment au gage de choses futures, au gage d'un ensemble de choses, dont les composants peuvent être modifiés. l'ordonnance du 23 mars 2006 introduit dans le Code civil un chapitre III, « Du nantissement de meubles incorporels» (articles 2355 à 2366 du Code civil). Disposition générale : L'article 2355 définit en ces termes le nantissement : « Le nantissement est l'affectation, en garantie d'une obligation, d'un bien meuble incorporel ou d'un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs ». 2 régimes sont prévus : nantissement conventionnel qui porte sur des créances (A) et nantissement d’autres meubles incorporels (B) A.Nantissement de créance Nouveau droit commun défini dans le code civil 1° - Créances susceptibles d'être nanties et obligations susceptibles d'être garanties les articles 2356 et suivants du Code civil portent sur le nantissement de tous les types de créances de somme d'argent, commerciales aussi bien que civiles, contractuelles ou non contractuelles. Aucune distinction n'est faite selon la qualité du créancier, du débiteur, ou 3 du bénéficiaire. Les créances soumises à une loi étrangère sont susceptibles d'être garanties. NB : Les formes spéciales de nantissement de créances existantes subsistent sans modification et vont donc coexister (endossement pignoratif d’une lettre de change ou billet à ordre -C. com., art. L. 511-13 et L. 512-3 nantissement et de la transmission des créances par bordereau Dailly -C. monét. fin., art. L. 313-23 – nantissement de polices d’assurances, créances hypothécaires...). Sauf convention contraire, le nantissement s'étend accessoires de la créance c'est-à-dire notamment intérêts et garanties (C. civ., art. 2359). aux aux 2 innovations : créances futures ; ensemble de créances La possibilité de nantir des créances futures explicitement prévue par l’article 2356 rapp article L. 313-23 du Code monétaire et financier relatif au transfert par bordereau de créances futures à titre de cession en propriété ou en nantissement: «... créances résultant d'un acte déjà intervenu ou à intervenir mais dont le montant et l'exigibilité ne sont pas encore déterminés ». mais cette possibilité est limitée par un champ d’application restreint du bordereau Dailly, alors que ce texte nouveau a une portée générale, non limité au profit des seuls établissements de crédit, ou aux seules opérations à caractère professionnel. comment définir la créance future ? créance qui n’est pas née, parce que l’acte ou le fait susceptible de lui donner naissance n’est pas encore intervenu Exemple : - un nantissement de loyers n’est pas un nantissement de créances futures, dès lors que le contrat de bail qui constate les engagements du preneur est déjà conclu - la créance de prix afférente à des ventes à venir est une créance future. Ainsi, possibilité de conclure un nantissement de flux de créances hors du champ d’application de la loi Dailly licéité d'une clause prévoyant le remplacement automatique de créances venues à échéance par des créances nouvelles ; cette possibilité est prévue pour le refinancement des 4 crédits à moyen terme (C. monét. fin., art. L. 313-44). Une telle stipulation suppose que les créances substituées soient suffisamment identifiées dans l'acte constitutif (2356 du Code civil). 2°. - Forme du nantissement de créance Une notification au débiteur ou son acceptation ne sont plus imposées comme condition de validité du nantissement. L’article 2356 du Code civil maintient l'exigence de la forme écrite (acte authentique ou sous seing privé) en précisant qu'elle est une condition de validité du nantissement. «Les créances garanties et les créances nanties sont désignées dans l'acte » (C. civ., art. 2356). Les parties choisissent librement le mode d'identification des créances nanties et de désignation des obligations garanties. Elles pourraient le faire en se référant à un acte distinct de celui portant constitution de la sûreté. Cet accord peut résulter d’un contrat cadre qui délimite des créances futures ou une pluralité de créances, sous réserve de bien préciser qu’il s’agit d’ une affectation en nantissement et non pas une simple promesse de sûreté l'article 2356 donne des indications plus précises sur l’identification des créances futures données en nantissement : « ... l'acte doit permettre leur individualisation ou contenir des éléments permettant celle-ci tels que l'indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et, s'il y a lieu, leur échéance ». Cette formulation est proche de celle figurant à l'article L. 313-23 du Code monétaire et financier concernant le bordereau Dailly. Si le nantissement est consenti pour un temps limité ou porte sur une fraction de la créance nantie, cela doit être mentionné dans l'acte constitutif 3°. - Effets et opposabilité du nantissement article 2361 du Code civil précise que : « Le nantissement d'une créance, présente ou future, prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date de l'acte ». le législateur abandonne ainsi la solution énoncée jusqu’alors par l'article 2075. la date figurant dans l'acte de nantissement rend désormais la sûreté opposable aux tiers, même en l'absence d'enregistrement. Aucune distinction n'est faite entre un nantissement commercial et un nantissement civil. 5 Article 2362 : l’opposabilité du nantissement au débiteur de la créance nantie est subordonnée à la notification qui lui en est faite ou à son intervention à l’acte (pas de forme particulière pour cette notification). l’accord préalable du constituant n’est pas exigé Le créancier nanti n’est pas tenu de procéder à cette notification S’il notifie (ou obtient l’intervention à l’acte du débiteur de la créance donnée en nantissement), il a l’assurance que la créance nantie sera payée entre ses mains A défaut, le nantissement est « occulte » ; le constituant sera chargé de recouvrer la créance dispensant ainsi le créancier nanti de le faire. la preuve de l'inexactitude de la date mentionnée dans l’acte de nantissement peut être faite par tout moyen. Rapp : selon l'article L. 313-27 du Code monétaire et financier, en cas de contestation de la date portée sur le bordereau, c'est au banquier bénéficiaire de la cession ou du nantissement qu'il appartient d'en établir l'exactitude. Il peut le faire par tout moyen. La solution est transposable, malgré le silence de l'ordonnance sur la preuve de la date. NB : - L'opposabilité aux tiers du nantissement à la date de celui-ci est applicable en cas d'ouverture d'une procédure collective. Toutefois, dans cette hypothèse, le créancier nanti est exposé à la nullité de la sûreté en application de l'article L. 632-1, 6° du Code de commerce si le nantissement garantit une dette antérieure. - Pour les créances futures, il convient de combiner l'article 2361 avec l'article 2357 aux termes duquel : « Lorsque le nantissement a pour objet une créance future, le créancier nanti acquiert un droit sur la créance dès la naissance de celle-ci ». Ainsi un créancier nanti, tout comme un cessionnaire, ne peut avoir de droit sur une créance qui n'existe pas encore. Mais le titulaire d'un nantissement sur une créance future bénéficie, après naissance de la créance, d'une priorité sur tout tiers, créancier nanti, cessionnaire..., ayant acquis un droit sur la créance nantie après la date du nantissement. - En cas de gage d'un ensemble de biens, le remplacement ultérieur d'un bien est réputé avoir pris effet, par subrogation réelle, à la date de la signature de la convention de gage. Le créancier gagiste ne s'expose donc plus au risque de nullité du gage d'un bien nouveau 6 au cours de la période suspecte. De la même manière, le nantissement de créances futures devrait être opposable en cas d'ouverture d'une procédure collective(4). 4° – Paiement de la créance et réalisation du nantissement Particularisme de la créance, objet du nantissement : elle est un droit personnel et non un bien qui est mis en vente au jour de la réalisation du gage, avec l’exercice d’un droit de préférence par le créancier sur le prix de vente du bien grevé Autre particularité : nous sommes en présence de deux dates d’échéance : échéance pour les créances couvertes par le nantissement et échéance pour les créances données en nantissement ; or ces dates sont rarement identiques. * A l’échéance de la créance donnée en nantissement, auprès de qui le débiteur de cette créance doit il se libérer ? - si le nantissement a été notifié au débiteur de la créance nantie (ou acceptée par lui dans l’acte), le paiement doit se faire entre les mains du créancier nanti (art. 2363); le constituant est ou sera déchargé de sa propre dette à hauteur du montant de la créance payée. L'article 2364 du Code civil dispose que les sommes payées au titre de la créance nantie s'imputent sur la créance garantie si elle est échue. Si la créance nantie devient exigible avant la créance garantie, le créancier nanti ayant encaissé les fonds les conserve à titre de garantie sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité à les recevoir à charge pour lui de les restituer si l'obligation garantie est exécutée. Il n’est plus nécessaire dès lors de prévoir un mandat de recouvrement au profit du créancier gagiste. En cas de défaillance du débiteur de la créance donnée en nantissement et huit jours après une mise en demeure demeurée sans effet, le créancier affecte les fonds au remboursement de sa créance dans la limite des sommes impayées. Le débiteur devra s’assurer que le créancier nanti respecte cette obligation de dépôt des fonds encaissés par anticipation. - si la sûreté n’a pas été rendue opposable au débiteur de la créance, ce dernier se libère valablement entre les mains du constituant, qui, à ses yeux, est demeuré titulaire de la créance. En cas de défaut de paiement par le débiteur de la créance donnée en nantissement, le droit de poursuite est reconnu aussi bien au constituant qu’au créancier nanti. Chacun ne peut toutefois agir que l’autre dûment appelé (2363, alinéa 2), de sorte qu’ils figureront tous deux dans la procédure (et le jugement aura autorité à l’égard de l’un comme de 7 l’autre). Si le débiteur de la créance nantie est condamné à payer, il devra s’exécuter entre les mains du bénéficiaire du nantissement, conformément à la solution de principe. * En cas de défaillance du constituant, Si la créance nantie a une échéance postérieure à celle de la créance garantie, et si le débiteur de celle-ci est défaillant, le bénéficiaire du nantissement peut attendre que la créance nantie devienne exigible. le créancier nanti a une option : soit attendre l’échéance de la créance donnée en nantissement, ce qui lui permettra de bénéficier du paiement direct ; soit se faire attribuer en propriété la créance nantie : l'article 2365 du Code civil lui permet de se faire attribuer par le juge ou dans les conditions prévues dans la convention, la créance donnée en nantissement ainsi que tous les droits qui s'y rattachent Le droit à paiement direct et l’attribution de la propriété de la créance devrait renforcer très sensiblement la position du créancier nanti face aux privilèges généraux et aux autres créanciers d’un constituant contre lequel est ouverte une procédure collective. L'article 2366 du Code civil pose le principe, applicable quel que soit le mode de réalisation du nantissement, que s'il a été payé au créancier nanti une somme supérieure à la dette garantie, il doit la différence au constituant. Le reliquat est détenu en qualité de mandataire. Mais le constituant n'est que créancier d'une somme d'argent, ce qui est une position peu favorable en cas d'insolvabilité du bénéficiaire du nantissement. B. Nantissement de meubles incorporels autres que des créances Selon l'article 2355, alinéa 5, nouveau du Code civil, le nantissement qui porte sur des meubles corporels autres que des créances est soumis, à défaut de dispositions spéciales, aux règles prévues pour le gage de meubles corporels. Le régime applicable a été précisé : constitution du nantissement, l'article 2336 du Code civil s’applique : le gage est constitué par l'établissement d'un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature. 8 opposabilité aux tiers : choix entre la dépossession du constituant ou une publicité par une inscription dans un registre spécial dont les modalités seront réglées par décret (C. civ., art. 2337). L'inscription dans le registre ne soulèvera pas de difficulté particulière dans le cas d'un meuble incorporel. Une dépossession n’est envisageable que s’il existe un titre constatant le droit du constituant du nantissement (par ex. titre au porteur). mise en oeuvre de la sûreté : droit commun ; possibilité de convenir d'un pacte commissoire, sauf en matière du droit de la consommation (c. consom., art. L. 311-32). Le point intéressant est de savoir ce que recouvre cette catégorie de meubles incorporels autres que des créances, dont le nantissement n’est pas régi par des dispositions spéciales. Ne vise pas notamment : Le nantissement de fonds de commerce, le nantissement de compte d'instrument financier Sont visés par ex : 1°- Nantissement de parts sociales (Sarl, SNC) Application du droit commun du nantissement Il n'existe pas de texte général relatif au nantissement des droits sociaux dans les sociétés commerciales de personnes (société en nom collectif, société en commandite simple, SARL, société en commandite par actions). La validité de tels nantissements a été admise par recoupement avec le nantissement des créances mobilières, visé à l'article L. 5211 du Code de commerce : la part sociale est en effet une créance de l’associé sur la société 1 . La loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution a institué un nantissement judiciaire des parts sociales, sans dépossession, mais avec une signification à la société (D. 31 juill. 1992, art. 253). En revanche, pour les sociétés civiles, le législateur a, par la loi du 4 janvier 1978, organisé le nantissement des parts (C.civ., art. 1866 à 1868) en imposant l’établissement d’un écrit signifié à la société ou accepté par elle et une publicité du nantissement au registre du commerce et des sociétés (D. 3 juill. 1978, art. 53). 1 Par ailleurs, l’article L. 223-15 du Code de commerce, qui vise l'agrément du cessionnaire en cas de nantissement de parts sociales de SARL ainsi que les conséquences d'une vente forcée de parts nanties, consacre la validité du nantissement de parts de SARL, sans imposer de conditions particulières telles que la dépossession du constituant ou des formalités de publicité. 9 Le droit commun de constitution d’un nantissement s’applique désormais pour les parts de sociétés commerciales 2 : L’assimilation, contestable, du nantissement de parts à un nantissement de créances, ne s’impose plus. Le nouveau régime du nantissement opère une distinction entre les créances et les autres meubles incorporels. Il convient donc de classer les parts de SARL et de SNC dans cette dernière catégorie. Le nantissement, qui se réalise sans dépossession du constituant doit être publié dans le registre spécial du gage dont les modalités seront réglées par décret (art. 2338). Une fois publié, le gage devient opposable aux tiers. Le décret pourrait sur ce point préciser qu’une mention du nantissement devra être reproduite au RCS. Dès lors que ce nantissement n’est plus soumis au principe d’une dépossession, il devient possible de constituer plusieurs nantissements successifs sur des parts sociales . Le rang des créanciers est réglé par l'ordre de leur inscription (art. 2340). Par ailleurs, le constituant conserve la possession des biens affectés en gage, et donc la qualité d’associé et de toutes les prérogatives qui s’y rattachent. Tant que la vente forcée des parts n'est pas intervenue, le débiteur reste associé et exerce seul toutes les prérogatives attachées aux parts nanties. L'assiette du nantissement est définitive : des parts nouvelles attribuées au débiteur, par suite d'une augmentation de capital par exemple, peuvent être incluses dans le nantissement en tant que biens incorporels futurs. Par ailleurs, les dividendes des parts nanties peuvent revenir au créancier nanti (rapp. Art 2259 Cciv) 2 Sur la régime antérieur à l’ordonnance du 23 mars 2006 : La prise de possession était réalisée par la signification au débiteur de la créance donnée en gage. Il n’était pas nécessaire de remettre symboliquement un exemplaire des statuts de la société au créancier gagiste. En pratique, la dépossession du débiteur était assurée par la remise de l'original ou de l'expédition des statuts de la société émettrice. Un arrêt de la Cour de cassation du 10 mai 1983 a abandonné l'exigence de la remise du titre de la créance gagée en relevant que la mise en possession est réalisée, au cas où le gage porte sur une créance et où la tradition est matériellement impossible, par la signification au débiteur de la créance donnée en gage (Cass. 1re civ., 10 mai 1983 : Bull. civ., I, n° 141 ; D., 1984, jur. p. 433, note Légier et IR p. 82, Piedelièvre). obs. Vasseur ; Defrénois, 1983, art. 33161, p. 1394, note A. Une publicité du nantissement au registre du commerce et des sociétés n’est pas exigée pour les sociétés commerciales (v. Rép. min. JO déb. Sénat 29 juill. 1985, p. 3571, Rev. sociétés 1985, 738), mais est exigée pour les sociétés civiles : décr. N° 78-704 3 juill. 1978, art. 53 10 Les parts sociales n’étant pas des biens fongibles il n’y a pas lieu de prévoir dans la convention la possibilité pour le constituant d'aliéner les biens à charge de les remplacer. Consultation des associés NB : Pour la SARL, il existe une procédure facultative d'agrément du futur cessionnaire régie par l’article L. 223-15 du Code de commerce. Le défaut de notification du projet de nantissement, de même que le refus d'agrément par les associés, n'empêchent pas le nantissement des parts (en ce sens, cf. Cass. com., 3 oct. 1978 : Bull. civ. IV, n° 180). En effet, l'article L. 223-15 du Code de commerce précise uniquement les conséquences attachées au consentement des associés au projet de nantissement, sans interdire à l'associé qui veut donner ses parts en garantie de passer outre au refus de la société. Mais, lors de la réalisation forcée des parts, l'adjudicataire devra être agréé comme en cas de cession de parts La procédure de réalisation est la nouvelle procédure de réalisation du gage, avec notamment la nouvelle possibilité d’attribution judiciaire ou conventionnelle du bien au créancier nanti. 2°- Nantissement portant sur la monnaie scripturale l'ordonnance apporte un éclairage nouveau mais limité sur la qualification et au régime applicable aux différentes sûretés portant sur la monnaie. La commission Grimaldi avait proposé d'introduire dans le Code civil le nantissement de monnaie scripturale, défini comme la convention par laquelle le constituant affecte en garantie des fonds inscrits sur un compte bloqué ouvert à son nom auprès d'un établissement habilité à les recevoir. Ce mécanisme n'a pas été retenu dans l'ordonnance. En l’absence de dispositions générales sur ce point, l’analyse de cette question repose sur des bases nouvelles. Le gage espèces (ou gage sur monnaie fiduciaire) relève du gage sur biens meubles corporels avec dépossession, et donc des dispositions de l'article 2341 relatif aux gages sur choses fongibles. Le nantissement du solde d'un compte (bloqué ou non) est expressément régi par l’ordonnance, en tant que 3 nantissement de créance : 3 Lorsque les sommes affectées à la garantie sont individualisées dans un compte, la sûreté n'est valablement constituée que par un écrit répondant aux exigences de 11 article 2360 nouveau du Code civil : « Lorsque le nantissement porte sur un compte, la créance nantie s'entend du solde créditeur, provisoire ou définitif, au jour de la réalisation de la sûreté ». L'article 2360 fixe les droits du créancier nanti sur un compte. Pour déterminer l'assiette de la sûreté, il convient de procéder au jour de la réalisation de cette sûreté à une régularisation des opérations en cours. Les sommes déjà engagées sont déductibles du solde tandis que sont ajoutées les remises non encore comptabilisées. Le texte renvoie sur ce point aux modalités prévues par les procédures civiles d'exécution. Au cas d'ouverture contre le constituant du nantissement d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ou d'une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers, le droit du créancier nanti porte sur le solde du compte à la date du jugement d'ouverture. Ce solde subit, éventuellement, les régularisations précédemment mentionnées (C.civ., art. 2360, al. 2). Le nantissement de monnaie scripturale qui ne porte pas sur le solde d’un compte est, en l’absence de règles particulières, traité comme un nantissement de meubles incorporels : l'article 2355, alinéa 4 du Code civil renvoie aux règles prévues pour le gage de meubles corporels. Gages successifs : art. 2340. 3°- Nantissement d’un contrat d’assurance vie Article L132-10 du code des assurances : « La police d'assurance peut être donnée en nantissement soit par avenant soit par endossement à titre de garantie, si elle est à ordre, soit par acte soumis aux formalités des articles 2355 à 2366 du code civil ». la police d’assurances serait ainsi traitée comme une créance, susceptible d’être nantie. Mais il semble plus l'article 2074 du Code civil (Cass. com., 23 avr. 2003, no 02-11.015, JCP éd. G 2003, II, no 10140, p. 1576, note Schmidt et Delespaul, RD bancaire et financier 2003, p. 291, obs. Cerles A., RD bancaire et financier 2003, p. 296, obs. Delici, JCP éd. G 2003, I, no 176, p. 1987, obs. Delebecque Ph.). Le banquier ne peut utiliser la somme gagée sans acte du constituant titulaire du compte à terme rémunéré qu'en justifiant que la garantie constituée leur était acquise (Cass. com., 4 févr. 2004, précité). 12 exact de considérer qu’il s’agit d’un meuble incorporel autre qu’une créance, pour lequel il devrait être possible de stipuler une faculté de substitution. Rapp. Cass. com., 12 juill. 2005, n° 04-10.214 (D. 2005, AJ, p. 2142, obs. X. Delpech, RLDC 2005/21, p. 25 et s., note G. Marraud des Grottes, RD bancaire et financier sept./oct. 2005, n° 174, obs. D. Legeais, Banque nov. 2005, p. 90, obs. J.-L. Guillot et S. Fayner, Banque et droit sept./oct. 2005, p. 64, obs. N. Rontchevsky). le gagiste prétendait s’opposer au changement de support des polices par le constituant, « la dépossession, qui fait perdre au constituant une partie de ses prérogatives sur la chose donnée en gage, ne les confère pas pour autant au créancier nanti, qui dispose, en sa qualité de dépositaire de cette chose jusqu’à sa restitution, du seul pouvoir de la garder et conserver, sans acquérir celui d’en user ni de l’administrer ». 4°- ex de la grande liberté dans l’application de ces mécanismes : Valeur patrimoniale constituée par un footballeur - Les joueurs professionnels ne sont pas la propriété de leur club, mais sont liés à celui-ci par un contrat. Une cession éventuelle de ces joueurs à un autre club représente une créance éventuelle, qui peut être donnée en gage dans les conditions prévues par l’article 2355 du Code civil 4 . III - Avenir A - Sort des nantissements spéciaux ? Les nantissements spéciaux sont ils désormais que le nantissement général ? moins attractifs Idée générale : la réforme n’a pu opérer que dans les limites fixées par la loi d’habilitation, sans modification en profondeur des régimes spéciaux de nantissement, qui 4 La valeur patrimoniale constituée par les avantages pécuniaires que peut procurer à un club de football le transfert de ses joueurs professionnels est une créance future de l'association sportive sur les clubs au profit desquels les transferts de joueurs peuvent intervenir, qui peut être donnée en nantissement (Cass. com., 28 janv. 1997, Bull. civ. IV, n° 34 ; JCP G, 1997,I, 4033 n° 19 obs. Ph. Delebecque ; II, 22791, rapport J.P. Rémery ; D. 1997, somm. p.214 obs. A. Honorat ; D. 1998, somm. p.140, obs. M.N. Jobard-Bachellier). 13 avaient été introduits pour assouplir le régime général du gage inadapté aux biens meubles incorporels Un nouveau droit commun des nantissements étant désormais tracé par l’ordonnance du 23 mars 2006, le législateur devrait rapidement adapter les régimes spéciaux à ces nouveaux principes. 1- Modifier le nantissement du fonds de commerce (ou d’un fonds artisanal : L 5 juillet 1996, art. 22) ? NB : l’article L 142-1 al 2 n’est pas modifié : « le nantissement d’un fonds de commerce ne donne pas au créancier gagiste le droit de se faire attribuer le fonds en paiement et jusqu’à due concurrence ». inefficacité du nantissement du fonds de commerce – En pratique, cette garantie est prise en complément d'autres sûretés, dans le but notamment de conférer au créancier un droit de regard sur les affaires du débiteur qui devra l’informer de toute opération importante portant sur le fonds. 2- le nantissement de compte d'instrument financier demeure régi par l'article L. 431-4 du Code monétaire et financier et le décret du 21 mai 1997, sans être incorporé, comme cela avait été envisagé, dans le Code civil. Une modification importante est apportée aux modalités de réalisation du gage (renvoi à l’article 521-3 Ccom, lui même modifié : le créancier peut demander l’attribution judiciaire du gage ou convenir de son appropriation conformément aux articles 2347 et 2348 du Code civil. Cette disposition nouvelle est d’un grand intérêt lorsque le constituant de cette sûreté fait l’objet d’une procédure collective : toutefois, le nouvel article L. 622-7 du code de commerce, fait obstacle à la réalisation du pacte commissoire ! Si la banque créancière est titulaire du compte nanti, ne pourrait-elle pas toutefois faire jouer la compensation après ouverture de la procédure collective ? 3-Le nantissement de parts de SCI est régi par l'article 1866 du Code civil, le nantissement doit être constaté par acte authentique ou sous seing privé. L'acte doit être signifié à la société ou accepté par elle dans un acte authentique (attribution judiciaire des parts au créancier ?, pacte commissoire ? devrait être exclu par disposition statutaire de la SCI – nantissements multiples non possibles) 14 B - Attractivité nouvelle du nantissement par rapport aux autres sûretés ? Sûretés opérant transfert de propriété : cession de créance professionnelle à titre de garantie comp régime du nantissement Dailly au nantissement de droit commun, et à la cession Dailly 1 - le régime du nantissement de créances professionnelles, régime spécial, l’emporte-t-il sur le régime général (cf art. 2355) ? en l'absence de l'une des mentions obligatoires du bordereau, le titre ne vaut pas comme acte de nantissement de créances professionnelles au sens de la loi de 1981 5 . Il s'agit donc en ce cas d'un nantissement de créances de droit commun : art. 2355 st s Cciv. Il en est de même pour les nantissements de créances ne rentrant pas dans le champ d’application de la loi Dailly (C.mon.fin., art. L. 313-23)réalisés par ex par des particuliers Effets plus limités du nantissement général par rapport au nantissement Dailly ? cf art. L 313-24 C. mon. fin. : sauf convention contraire, le signataire de l’acte de nantissement est garant solidaire du paiement des créances données en nantissement la solution vaut même s’il n’y a pas eu notification de l’opération il en résulte qu’à l’échéance de la créance donnée en nantissement, le créancier nanti peut se retourner contre le constituant du nantissement même si la créance garantie n’est pas à échéance. la portée de la clause autorisant le recouvrement des créances nanties par l’établissement de crédit (art.L 313-28 C.mon.fi.) n’est pas explicitement prévue : l'établissement de crédit, qui perçoit le montant des créances nanties pour le compte du constituant du nantissement, est normalement tenu de lui restituer ces fonds, sauf à faire jouer la compensation avec ce qui lui est dû au titre du crédit consenti. Cette compensation ne joue plus après ouverture d’une procédure collective contre le constituant. 5 Cass. com., 9 avr. 1991 : Bull. civ. IV, n° 121 ; RD bancaire et bourse 1991, p. 144, obs. Crédot et Gérard ; Banque 1991, 1086, obs. Rives-Lange 15 Dans le nouveau droit commun du nantissement, l’art 2364 C.civ. précise expressément que les sommes payées au titre de la créance nantie s’imputent sur la créance garantie. Dans les nantissements de créances professionnelles, il sera désormais essentiel de stipuler au profit de l’établissement de crédit une clause d’attribution des créances nanties : ce pacte commissoire n’est plus prohibé. Il est rare en pratique que le créancier nanti demande au débiteur d’accepter le nantissement dans les conditions prévues par l’article L. 313-29 du Code monétaire et financier : une telle acceptation produit des effets comparables à ceux de l’acceptation d’une lettre de change. Le débiteur ne peut opposer alors à l’établissement de crédit les exceptions fondées sur ses rapports personnels. La notification au débiteur de la créance nantie, dans le cadre du droit commun, est plus souple à l’égard de ce débiteur, et emporte aussi pour le créancier droit d’obtenir paiement. 2 - Avantages de la cession à titre de garantie ? l'établissement de crédit cessionnaire a la qualité de propriétaire des créances cédées, ce qui lui permet d'échapper au concours avec les autres créanciers, notamment dans le cadre d’une procédure collective contre le débiteur. Or dans le nouveau droit commun, le créancier nanti qui a notifié le nantissement n’a pas un simple droit de préférence : il acquiert le droit d’être payé directement, avec imputation sur la créance garantie. Conclusion : l'ordonnance du 23 mars 2006 ne traite que du nantissement de créance et non de la cession de créances à titre de garantie, encore moins de la cession de créances en général. Or l’article 2075 du Code civil était intimement lié à l’article 1690. Une réforme des règles relatives à la cession de créances de l’article 1690 du Code civil s’impose. Il n’est pas satisfaisant que le nantissement de créances soit opposable à un cessionnaire dès la date de l’acte, tandis qu’un cessionnaire devrait, pour l’emporter sur le créancier nanti, avoir signifié la cession au débiteur cédé avant l’établissement de l’acte de nantissement. 16