Casier judiciaire :quel contrôle, quelles conséquences ?

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Casier judiciaire :quel contrôle, quelles conséquences ?
STATUT
RESSOURCES HUMAINES
Casier
judiciaire : quel
contrôle, quelles
conséquences ?
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Il appartient à l’autorité
investie du pouvoir de
nomination d’apprécier
si les mentions
contenues sur
le bulletin n° 2 du
casier judiciaire d’un
candidat à un emploi
public sont compatibles
avec l’exercice des
fonctions. Un jugement
récent du tribunal
administratif de
Marseille permet de
rappeler les obligations
de la collectivité
en la matière et
les conséquences
sur le recrutement.
L’
objet du casier judiciaire est de retracer les antécédents judiciaires d’un
individu (art 768 du Code de procédure pénale). Il comporte trois bulletins différents par leur contenu et leur accessibilité.
L’article 5 de la loi du 13 juillet 1983 précise
que nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire si les mentions portées au bulletin n° 2
de son casier judiciaire sont incompatibles
avec l’exercice des fonctions. La même exigence existe pour le recrutement des agents
non titulaires1. La vérification de cette condition est indépendante de la condition de
jouissance des droits civiques également prévue par les textes. La collectivité employeur
doit donc effectuer ce contrôle de compatibilité entre les mentions contenues au « B2 » et
les fonctions envisagées.
LA DEMANDE DU BULLETIN N° 2 DU
CASIER JUDICIAIRE PAR LA COLLECTIVITÉ
La demande de B2 doit être effectuée par la
collectivité par voie postale ou par télétransmission auprès du ministère de la Justice,
service du casier judiciaire national automatisé. La demande doit indiquer l’état civil de
la personne dont le bulletin est demandé, la
qualité de l’autorité requérante ainsi que le
motif de la demande (art R80 Code de procédure pénale). Les bulletins n° 2 du casier judiciaire sont délivrés gratuitement (art R86
Code de procédure pénale).
© David Alary - Fotolia.com
tibles avec l’exercice des fonctions. Cette
appréciation doit être réalisée au cas par cas,
au moment de la nomination, en tenant
compte de la nature de l’emploi à pourvoir,
des responsabilités qui doivent être confiées
à l’agent, du délai écoulé depuis la peine infligée, des circonstances des faits sanctionnés.
Le Conseil d’État a ainsi validé2 la décision du
président d’un conseil général rapportant la
nomination d’un agent au motif que ces mentions étaient incompatibles avec les fonctions
de garde des parcs départementaux. En l’espèce, l’intéressé avait fait l’objet d’une
condamnation à deux mois d’emprisonnement avec sursis et à la suspension de son
permis de conduire pendant trente mois pour
conduite en état d’ivresse.
Récemment, le TA de Marseille a validé pour
des motifs similaires la décision d’une collectivité refusant de donner suite à un recrutement dans une « brigade verte » rattachée à
une ligne de transport en commun. Le bulletin n° 2 de l’intéressé révélait qu’il avait été
condamné à un an d’emprisonnement, à
1 000 euros d’amende et à l’invalidation du
permis de conduire pour des faits de rébellion, délit de fuite, conduite d’un véhicule en
état d’ivresse manifeste, refus de se soumettre aux vérifications se rapportant à la
recherche de l’état alcoolique et outrage à une
personne dépositaire de l’autorité publique.
L’EXAMEN DU BULLETIN PAR
LES COLLECTIVITÉS
Olivier Guillaumont
[email protected]
Conseiller juridique Région PACA
La loi n’impose pas la virginité du casier judiciaire. L’autorité territoriale investie du pouvoir de nomination doit, sous le contrôle du
juge administratif en cas de recours, vérifier
si les mentions contenues au B2 sont compa-
“
La loi n’impose pas
la virginité du casier
judiciaire ”
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“ L’administration peut
tenir compte, en cours
de recrutement, d’une
condamnation non encore
inscrite au B2 ”
Le tribunal a confirmé la position de la collectivité en jugeant « que le défendeur soutient
sans être contredit que l’exercice des fonctions
auxquelles postulait le requérant exigeait de ce
dernier le scrupuleux respect de règles de sécurité ; que les faits mentionnés sur le bulletin n° 2
du casier judiciaire doivent donc être regardés
comme incompatibles avec ce même exercice3 ».
Inversement, il a été jugé qu’un agent qui
avait été condamné, plusieurs années auparavant, à une peine de suspension de permis
de conduire pendant sept mois pour conduite
en état alcoolique, et qui n’avait pas commis
depuis de nouveaux faits répréhensibles, ne
peut se voir refuser, dans les circonstances
de l’espèce, sa nomination suite à réussite à
concours au motif que les mentions inscrites
au bulletin n° 2 de son casier judiciaire
seraient incompatibles avec l’exercice de ses
fonctions de directeur d’établissement sanitaire et social4.
EXAMEN CIRCONSTANCIÉ
ET CAS SPÉCIFIQUES
La collectivité employeur doit donc effectuer
ce contrôle de compatibilité entre les mentions contenues sur le bulletin et les fonctions envisagées au cas par cas. Il convient
toutefois de préciser que l’accès à certaines
fonctions est soumis à des dispositions spécifiques imposant dans certains cas le rejet
d’une candidature. Tel est notamment le cas
de l’article L212-9 du Code du sport, en vertu
duquel nul ne peut exercer des fonctions d’enseignement, d’animation ou d’encadrement
des activités physiques ou sportives ou
entraîner des pratiquants, s’il a fait l’objet de
certaines condamnations et notamment pour
des faits de crime, violences volontaires,
agressions sexuelles, trafic de stupéfiants.
LE CAS DE LA NON-INSCRIPTION AU B2
La jurisprudence semble admettre que l’administration peut ne pas se limiter aux mentions contenues dans le bulletin n° 2 du casier
judiciaire. Le Conseil d’État a ainsi jugé dans
une affaire que « la circonstance que le tribunal
correctionnel, qui a condamné le 31 octobre 1984
le requérant, ait assorti cette condamnation
d’une mesure de non-inscription au casier judiciaire n° 2 qui emporte, en application de l’ar-
ticle 775-1 du Code de procédure pénale, le relèvement de toutes les interdictions, déchéance ou
incapacité de quelque nature qu’elles soient, ne
faisait pas obstacle à ce que le préfet se fonde,
pour prendre sa décision, sur les faits dont il
avait eu connaissance dans le cadre de l’enquête
administrative effectuée préalablement à l’agrément de la candidature5. »
Cette décision peut être regardée comme
contrevenant à la lettre de l’article 5 de la loi
de 1983, qui invoque « les mentions » portées
au B2, ainsi qu’au deuxième alinéa de l’article 775-1 du Code de procédure pénale6. Elle
permet à l’administration de tenir compte,
en cours de recrutement, d’une condamnation non encore inscrite au B2. Étant entendu
que, comme l’a jugé le TA de Marseille dans
sa décision du 17 novembre dernier, une promesse de recrutement peut être retirée dans
le délai de quatre mois suivant la prise de
cette décision si la collectivité estime que le
recrutement est illégal du fait de l’incompatibilité des condamnations avec les fonctions.
Au-delà de ce délai, la radiation de l’intéressé
ne pourra intervenir qu’à l’issue d’une procédure disciplinaire.
1. Art. 2, décret n° 88-145 du 15 février 1988.
2. CE, arrêt n° 197578 du 21 juin 2000.
3. TA de Marseille, 17 nov. 2010, n° 0805202, M. B.
4. CAA Lyon, 10 juin 2008, n° 06LY00056, Mme X.
5. CE, 21 juin 1993, n° 135088, ministre de l’Intérieur
c/M. Leduc.
6. « L’exclusion de la mention d’une condamnation au bulletin
n° 2 emporte relèvement de toutes les interdictions,
déchéances ou incapacités de quelque nature qu’elles soient
résultant de cette condamnation. »
DOC
DO
OC
DOC
À télécharger
Sur www.lettreducadre.fr/
base-juridique.html
- CE, 21 juin 2000
- CAA, Lyon 10 juin 2008
- CE, 21 juin 1993
Les différents bulletins du casier judiciaire
Le B1 comporte l’ensemble des condamnations et est réservé aux autorités
judiciaires (art. 774 et R. 76 Code proc. pénale).
Le B2 comporte la plupart des condamnations pour crimes et délits, à l’exception
notamment des condamnations bénéficiant d’une réhabilitation judiciaire ou de
plein droit, de celles prononcées à l’encontre des mineurs, de celles prononcées
pour contraventions de police, de celles prononcées avec sursis, lorsque le délai
d’épreuve a pris fin sans nouvelle décision ordonnant l’exécution de la totalité de
la peine. Ce bulletin ne peut être délivré qu’à certaines autorités administratives
ou militaires pour des motifs précis et notamment pour accéder à un emploi
public (art. 776 et R79 Code proc. pénale). L’ensemble des condamnations ne
figure pas nécessairement dans ce bulletin puisque le tribunal qui prononce une
condamnation peut exclure sa mention dans le bulletin n° 2 (art. 775-1 Code proc.
pénale).
Le B3 comporte les condamnations les plus graves et il ne peut être délivré qu’à
la personne concernée ou à son représentant légal (art. 777 et R82 Code proc.
pénale).
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