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AVIS CONCERNANT L’AVENIR DES SCIENCES DE L’ENVIRONNEMENT À L’UQAM Sebastian Weissenberger, Robert Davidson, professeurs associés, ISE-­‐UQAM Le rôle des professeurs associés au sein de l’ISE-­‐UQAM n’est pas à négliger, surtout en considérant le statut particulier de l’ISE en tant qu’unité académique qui ne se prévaut pas d’un droit d’embauche. Ils contribuent de à l’épanouissement de l’ISE à travers l’encadrement d’étudiants, l’enseignement aux 2ème et 3ème cycles, la publication d’articles scientifiques, le maintien d’une revue institutionnelle, les demandes de subvention de recherche et autres services à la collectivité. L’avis suivant portera sur quatre enjeux clés du développement futur de l’ISE et des sciences de l’environnement à l’UQAM: 1) la place de l’interdisciplinarité, 2) le rôle de l’ISE comme point d’ancrage de la formation, de la recherche et de la vie académique, 3) la formation en environnement au premier cycle et 4) la dotation de l’ISE en ressources professorales. Les données et numéros de pages proviennent du rapport du comité ad hoc de la Faculté des Sciences. 1 La place de l’interdisciplinarité Il est difficile de définir les sciences de l’environnement et cet exercice ne sera pas tenté ici. Une caractéristique qui fait cependant l’unanimité est la nature interdisciplinaire du champ des sciences de l’environnement. Autant dans la pratique que dans la recherche ou l’enseignement dans le domaine des sciences de l’environnement, la contribution de nombreuses disciplines issues des sciences naturelles, des sciences humaines, sociales, politiques, économiques et autres, sont souvent complémentaire et nécessaires pour aborder des objets d’étude et d’intervention en environnement. L’aspect interdisciplinaire des études est d’ailleurs fortement valorisé par les étudiants, qui se déclarent à 80% satisfaits par le programme de maîtrise, et surtout en ce qui a trait à l’actualité des connaissances acquises (95%), du climat intellectuel (90%), et de la diversité́ des points de vue (90%). Sur le plan de la recherche, l’interdisciplinarité et surtout la complémentarité entre sciences humaines et sciences naturelles a permis l’élaboration de projets novateurs comme le COMERN, CARUSO ou PLUPH, pour ne nommer que ceux-­‐ci. Une séparation des sciences naturelles et des sciences humaines, comme proposée dans le rapport du comité ad hoc, va donc à l’encontre à la fois de la prémisse épistémologique des sciences de l’environnement comme sciences interdisciplinaires, et des acquis construits à l’UQAM depuis 1972, date de création de la maîtrise en environnement. D’autres programmes en environnement, comme ceux de la School of environment de l’université McGill, du Centre universitaire de formation en environnement de l’université de Sherbrooke, de la maîtrise en études de l’environnement de l’université de Moncton, ou de la Faculty of Environmental studies de l’université de York, misent également sur l’interdisciplinarité. Il nous semblerait ainsi périlleux de séparer les formations en environnement en deux composantes, une en sciences naturelles (BSc ou MSc en études environnementales, p. 45) et une en sciences humaines (BA ou MA en études de l’environnement, p. 41). En absence des programmes de BA ou MA, pour lesquels ne semble pas exister de plans concrets, on peut anticiper une perte d’environ la moitié de la clientèle étudiante qui ne provient pas des sciences naturelle (56%, p.20) et ne serait sans doute pas intéressée par une formation en sciences naturelles, d’autant plus qu’on leur imposera une propédeutique (p. 44). Dans les faits, le désengagement risque d’être encore plus 1 important, puisqu’une minorité (25%, p. 21) des étudiants issus des sciences naturelles adoptent un sujet de recherches également centré autour des sciences naturelles. La séparation des étudiants des sciences humaines et naturelles réduit aussi l’apprentissage inter-­‐pairs, l’esprit de groupe, et la formation de réseaux, qui sont des composantes importantes de l’enseignement aux cycles supérieurs et réduirait considérablement la valeur de l’une et l’autre des formations. Par ailleurs, le rapport de la FS laisse entrevoir une vision hiérarchique des sciences, au sein de laquelle les sciences naturelles priment sur les autres sciences ou facultés. On peut ainsi lire qu’il serait « difficile, voir impossible d’ajuster le niveau des cours pour sciences naturelles tout en les laissant accessibles aux sciences humaines » (p. 7) ou encore qu’« une minorité se questionne sur la pertinence des sciences humaines » (p .8). Or, malgré les rivalités traditionnelles qui existent entre les disciplines et les facultés, il est important au sein du monde académique, et en particulier des sciences de l’environnement, de reconnaître la légitimité, la pertinence et la valeur égale de chaque champ de savoir. À l’ISE, la rencontre des disciplines dans un esprit de respect et de dialogue a toujours été une des forces de l’enseignement et la recherche. La définition de l’interdisciplinarité n’est pas chose facile. Elle doit certainement dépasser la pluridisciplinarité, c’est à dire la superposition passive de plusieurs disciplines, qui a longtemps caractérisé le domaine de l’environnement., sans nécessairement devoir aboutir à la transdisciplinarité et une seule science de l’environnement, puisque la pluralité est ici synonyme de richesse méthodologique et intellectuelle. L’intégration des disciplines peut s’opérer par exemple autour d’objets frontières ou à travers l’approche systémique, qui est adoptée dans les programmes de formation et de recherche à l’ISE, ainsi que dans d’autres universités. Dans tous les cas, il est important de maintenir une réflexion active sur l’interdisciplinarité et les approches méthodologiues, comme le fait l’ISE à travers les cours de tronc commun de la maîtrise et du doctorat, ou le cours d’épistémologie. 2 L’ISE comme point d’ancrage de la formation, de la recherche et de la vie académique Il est depuis longtemps reconnu dans le monde académique que les activités de formation, de recherche et d’intervention et de services à la collectivité s’enrichissent mutuellement. Dans le domaine des sciences de l’environnement, la présence d’un lieu de rencontre où se pratiquent toutes ces activités est donc vitale pour le bien-­‐être de chacun de ces volets de la vie académique. L’ISE sert ainsi de point d’ancrage aux deux programmes de formation, à de nombreux partenariats internes et externes à l’UQAM, également à l’international. Il ne sert que partiellement comme point d’ancrage des projets de recherche, puisqu’une partie importante des étudiants effectuent leur recherche dans les départements ou centres de recherche mieux équipés et mieux financés. Il serait donc souhaitable de renforcer la capacité de l’ISE d’accueillir et solliciter des projets de recherche. La création d’un Institut Environnement, limité aux départements de la Faculté des sciences et de Géographie, et qui aurait un mandat uniquement de recherche, les programmes de 2ème et 3ème cycle devant être rattachés à la FS, ne semble pas apporter de progrès par rapport à l’ISE actuel. Au contraire, une telle restructuration organisationnelle créerait une scission entre la recherche et l’enseignement qui serait regrettable et réduirait la portée des projets de recherche qui pourraient y être développés. Par ailleurs, la présence obligatoire d’un représentant industriel ainsi que de NGO et du gouvernement (p.52), alors que les professeurs associés, les étudiants et les chargés de cours ne sont pas représenté au conseil d’administration, nous semble problématique. 3 Formation de premier cycle, articulation avec les formations des cycles supérieurs 2 Jusqu’à maintenant, la formation en environnement à l’ISE se limitait à des programmes de cycles supérieurs. Le raisonnement en arrière de ce choix est que les formations des cycles supérieures offrent une ouverture vers le champs de l’environnement, basée sur une formation disciplinaire préalable permettant la maîtrise d’une méthodologie de recherche. Les besoins en formation et les demandes de la société envers les formations en environnement évoluant, la création d’une formation de premier cycle, au delà du certificat en environnement existant actuellement, semble justifiée et une avenue de développement intéressante pour l’UQAM. Le projet du comité ad hoc de la FS est en partie issu du projet de majeure Teluq-­‐UQAM, auquel avaient contribué plusieurs professeurs associés de l’ISE. Le contexte bimodal Teluq-­‐UQAM avec la présence d’un certificat en présence à l’UQAM et à distance de la Teluq n’étant plus donné, le positionnement de programmes de premier cycle au sein de l’existant et ses orientations spécifiques doivent être repensées en profondeur. En particulier, l’articulation d’une formation en premier cycle, qui serait plus axé vers la formation professionnelle et des connaissances interdisciplinaires, et les formations de cycles supérieures, axées sur la recherche, et en partie sur la formation professionnelle dans le cas de la maîtrise profil professionnel, mérite d’être examiné pour garantir une cohérence entre les nouveaux et les anciens programmes et prévoir des transitions entre les deux programmes, qui soient utiles pour les étudiants. Une refonte de la maîtrise en fonction d’un nouveau programme de premier cycle apparaît peu justifiée. En effet, la maîtrise est un programme reconnu et très performant, à en juger par les données présentées dans le rapport du comité ad hoc. Ainsi, « Les taux d’obtention de diplômes surpasse systématiquement ceux obtenus par les étudiants de la FS et de l’UQAM en général et se situent à 88% pour la période 1997-­‐2006 » (p. 20). Presque tous les étudiants semblent contents avec leur formation – taux de satisfaction de 80% -­‐ et presque tous trouvent un emploi -­‐ 90% de taux de placement (p.25-­‐26). La formation s’avère bien adaptée au milieu de travail des finissants (81% des étudiants estiment être bien préparés à occuper leur emploi, p.25). Les critères d’admission stricts (moyenne de 3,2 comparé à 2,7 à Sherbrooke) montrent qu’il s’agit d’un programme basé sur l’excellence académique, qui devrait impérativement être maintenue. Les problèmes notés dans le rapport et qui devraient être adressés sont des déficiences dans la qualité des ressources physiques (ainsi que partout à l’UQAM, p.27) et dans l’encadrement et l’attribution d’un directeur de recherche (seulement 48% de satisfaction dans l’aide de recherche d’un directeur de recherche et 51% par rapport à la disponibilité de ce dernier, p.26). Parmi les avenues de solution figureraient une dotation de l’ISE en ressources professorales et une implication plus forte et mieux structurée des professeurs associés dans l’encadrement des étudiants. Dans la réflexion sur le développement de programmes, l’avenue de formations professionnelles et de programmes courts spécialisés, en présence, en vidéoconférence, ou a distance, mériterait d’être exploré. Certaines universités anglophones, par exemple University of Toronto ou University of Vermont, et francophones, par exemple l’UQAC et la TELUQ, s’engagent avec succès dans cette voie. 4 Dotation de l’ISE en ressources professorales On pourra noter d’emblée une anomalie: l’UQAM est une des rares universités qui ne pratique pas d’embauche de professeurs dans un domaine où elle offre une formation de 3ème cycle. Il semblerait donc normal que l’ISE puisse engager des propres professeurs, en fonction de ses besoins et selon ses critères d’embauche. Il pourrait s’agir de professeurs “à temps plein” ou de joint appointments. 3 Il existe de nombreuses formules de “joint appointment” qui sont pratiquées dans des universités, au Canada et à l’étranger. Pour ne citer que trois exemples au Canada, l’Environmental Center de l’université de Toronto fonctionne avec un mix de faculty members, au double rattachement département-­‐EC et d’adjunct faculty, recrutés au dehors de l’université. Le corps professoral de la McGill School Environment compte des faculty members qui sont jointly-­appointed avec d’autres départements de l’université McGill. La Faculty of Environmental Science de l’université de York comporte des full-­time et des adjunct & cross-­appointed faculty members, dont une partie provient de l’extérieur de l’université et une partie d’autres départements de l’université. Cependant, l’ouverture de l’ISE aux professeurs issus des départements de l’UQAM est un élément de vie intellectuelle qui ne devrait en aucun cas être mis en cause. Cela concerne l’enseignement autant que l’encadrement d’étudiants ou la participation à la vie de l’ISE. Cette ouverture interpelle cependant aussi les départements, qui doivent y prendre part, ce qui ne semble actuellement pas le cas, puisqu’autant le département de chimie que celui de biologie refuse de libérer des professeurs à l’ISE (p. 6). Une transformation de l’ISE en un département classique ôterait, selon nous, un élément de vitalité à l’ISE et ne serait pas nécessairement l’avenue la plus souhaitable. Pour pallier au manque de ressources professorales à l’ISE et permettre une plus grande diversité dans le profil des intervenants, la place laissée à des professeurs associés pourrait être augmentée. Ainsi, des mécanismes spécifiques pourraient être mis en place pour permettre à ceux-­‐ci de rencontrer et d’encadrer des étudiants à la maîtrise. La création de lieux de rencontre plus fréquents et planifiés serait importante dans cette optique. Aussi, la place des professeurs associés en enseignement pourrait être bonifiée. À cette place, on remarquera qu’ils possèdent certains avantages en égard aux modalités d’attribution des cours par rapport à des chargés de cours, mais sont en désavantage par rapport aux professeurs réguliers, même ceux n’ayant pas d’expérience d’enseignement en environnement. Dans ce contexte, une prise en compte plus systématique des évaluations de cours dans l’assignation des charges de cours permettra aussi d’améliorer ou de maintenir la qualité de l’enseignement. La participation de professeurs associés issus de milieux externes est un mode de fonctionnement que l’on retrouve entre autres à l’Environmental Center de l’université de Toronto et à la Faculty of Environmental Science de l’université de York. Dans le cas de formations à vocation plus professionnelles que de recherche, d’autres types de fonctionnement peuvent aussi être envisagés. Ainsi, le Centre de formation universitaire en environnement de l’université Sherbrooke, fait entièrement abstraction de ressources professorales et ne repose que sur des chargés de cours et une vingtaine (!) de professionnels, alors que l’ISE n’en compte que six, incluant le responsable du laboratoire de chimie. Conclusions et recommandations •
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L’interdisciplinarité doit occuper une place centrale dans la pratique des sciences de l’environnement. Pour cette raison, une scission des programmes en environnement en un MSc/BSc en sciences naturelles et un MA/BA apparait peu souhaitable, mettant en danger la pertinence des programmes et le recrutement d’étudiants. La présence d’un point d’ancrage et de rencontre pour l’enseignement, la recherche et les autres facettes de la vie académique est essentielle. Pour cette raison, une dissociation du rattachement administratif des programmes et d’un ISE/IE dédié seulement à la recherche n’est pas recommandée. 4 •
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L’offre de formations de premier cycle présente un potentiel intéressant, si le profil de ces formations est ajusté à la demande sociale; une formation centrée essentiellement sur les sciences naturelles n’est probablement pas la formule la plus appropriée. Une baisse de l’engagement de professeurs réguliers de l’UQAM au sein de l’ISE peut être constatée, pour des raisons diverses incluent un manque de reconnaissance de leur activités à l’ISE au sein de leur départements respectifs et un refus de certains département de libérer des professeurs. Pour cette raison, une participation accrue et mieux encadrée des professeurs associés aux activités d’enseignement, de recherche et à la vie de l’ISE serait bénéfique pour les sciences de l’environnement à l’ISE. Pour la même raison, il serait certainement souhaitable que l’ISE puisse se doter de ressources humaines, que ce soit des professeurs de l’ISE ou en joint appointment, comme pratiqué dans d’autres établissement. Notes biographiques S. Weissenberger est diplômé en chimie (Dipl, Université Würzburg), en chimie physique (MSc, University Toronto) et en sciences de l’environnement (PhD, UQAM). Ses champs de recherche sont la géochimie organique, la modélisation environnementale, les impacts des changements climatiques et l’adaptation en zone côtière, dans le cadre de projets de recherche interdisciplinaires, en collaboration avec les communautés. Après son doctorat en sciences de l’environnement à l’UQAM, il a été professeur en études et en sciences de l’environnement à l’université de Moncton et à la Teluq. Il est membre du comité de rédaction de la revue VertigO. R. Davidson a une formation disciplinaire en agronomie. Après avoir collaboré à la conception de l’écosystème tropical du Biodôme de Montréal, il y intègre l’équipe de recherche. En 1998, il complète un doctorat en sciences de l'environnement à l’ISE/UQAM sur la récupération de terres dégradées en Amazonie équatorienne. Il a depuis collaboré sur divers projets en santé environnementale en Amazonie brésilienne, soit les projets Caruso et PLUPH, intéressé par des enjeux reliés à l’usage de la terre. Dès son doctorat puis tout au long de sa carrière de chercheur, M. Davidson a toujours travaillé en interdisciplinarité, essentielle pour aborder des problèmes environnementaux. 5 

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