un institut des sciences de l`environnement
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un institut des sciences de l`environnement
UN INSTITUT DES SCIENCES DE L’ENVIRONNEMENT INTERDISCIPLINAIRE POUR MIEUX RÉPONDRE À LA MISSION SOCIALE DE L’UNIVERSITÉ FACE AUX DÉFIS CONTEMPORAINS Mémoire déposé dans le cadre des États généraux sur les sciences de l’environnement à l’Université de Québec à Montréal par Isabel Orellana Professeure, Département de didactique Coresponsable du Groupe de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement Faculté des sciences de l’éducation Mars 2012 Après plus de 20 ans de vie, l’Institut de sciences de l’environnement (ISE) a accompli un travail remarquable en matière de formation à l’environnement qui a valu à l’université une reconnaissance au niveau national et international. Par contre, le besoin d’un nouveau souffle dans ce domaine à l’UQAM est aujourd’hui mis en évidence. Rattaché depuis sa création à la Faculté des sciences, la réalité et les besoins actuels du contexte québécois requièrent un espace institutionnel approprié pour l’ISE qui puisse favoriser de façon optimale et stimulante les échanges, la coopération ainsi qu’une dynamique inter facultaire stimulante pour le déploiement du domaine des sciences de l’environnement et de son caractère interdisciplinaire. Le développement de la formation, de la recherche et des services aux collectivités dans ce domaine a besoin, en effet, d’un espace qui favorise un regard intégrateur à la confluence des savoirs sur la réalité environnementale. L’enfermement institutionnel de l’Institut de sciences de l’environnement dans les sciences biophysiques constitue en ce sens, une entrave à la dynamique interdisciplinaire qui est nécessaire afin que l’UQAM puisse répondre adéquatement aux besoins actuels de la société. L’UQAM fait aujourd’hui face à une perte du prestige national et international que l’ISE avait su construire dans le domaine. La complexification croissante des réalités environnementales contemporaines, en constant changement (à la convergence des réalités sociales), nous interpelle constamment à articuler les connaissances des divers domaines, ce à quoi les programmes de maîtrise et de doctorat en sciences de l’environnement ont contribué, en évoluant dans cette direction. Les grandes problématiques actuelles de nature écologique, sont essentiellement d’ordre social et politique au sens large. Leur l’étude requiert effectivement, des savoirs croisés provenant de divers champs. Ces problématiques sont à être considérées en tenant compte des questions de pouvoir et d’intervention humaine dans les écosystèmes et de leur fondement social et symbolique (Dansereau, 1973). L’interdisciplinarité est donc devenue non pas seulement une nécessité, mais aussi un défi essentiel pour mieux appréhender ces réalités. Les débats sont nombreux sur cette question. Les changements qui s’imposent ont à confronter l’esprit de propriétaire qui domine dans certaines disciplines et tente d’empêcher toute «interférence» dans le champ de sciences de l’environnement. Celles-ci sont considérées comme une parcelle du savoir leur appartenant. Cependant, la prise de conscience des obstacles, incluant ceux d’ordre institutionnel, qui se présentent à l'interdisciplinarité, favorise l’identification des pistes à suivre pour promouvoir des approches originales et novatrices (Origgi et Darbellay, 2010) permettant de résoudre cet enjeu actuel. Le défi est également de prendre conscience des dynamiques des sciences. En effet, «l’histoire des sciences n'est pas seulement celle de la constitution et de la prolifération des disciplines, mais en même temps celle de ruptures des frontières disciplinaires, d'empiètements d'un problème d'une discipline sur une autre, de circulation de concepts, de formation de disciplines hybrides » Morin (1994). Plusieurs sont les domaines, par exemple, qui sont issus de cette circulation et de cette interrelation. Ils sont le résultat du bris, du parcellement et de l’isolement des disciplines. Effet, ils sont le fruit du décloisonnement de celles-ci. Le progrès des sciences et la vitalité scientifique sont directement associés à ces évolutions épistémologiques, organisatrices et structurelles. L’héritage du professeur Pierre Dansereau est en ce sens une source très importante d’inspiration pour l’ISE. 2 À l’UQAM, l’importance des liaisons et de l’interdépendence des divers champs de savoirs dans le domaine des sciences de l’environnement a été reconnue à travers les divers réseaux de collaboration qui se tissent au sein de l’université (entre les divers champs, départements, facultés, groupes de recherche, etc.) autour des préocupations environnementales (socioécologiques). L’ISE y a joué un rôle clé. Ces collaborations ont pris force à travers la recherche, la formation et les services aux collectivités, cherchant à mieux répondre aux défis sociaux actuels. L’interdisciplinarité à été construite travers le dialogue, le partage et l’échange de connaissances, d'analyses et de méthodes. Effectivement, «il importe désormais de mobiliser les compétences disciplinaires pour les fédérer et les intégrer dans un processus d'échange et de dialogue co-constructifs, afin de comprendre, d'analyser et de résoudre les problèmes complexes de notre temps» (Darbeley et Paulsen, 2008). L’effet de complémentarité, de synergie et d’enrichissement mutuel a été clairement mis en évidence, reconnu et valorisé. La fécondité et pertinence de cette façon d’envisager la trajectoire académique ont été largement démontrées. La contribution à une telle dynamique du champ de l’éducation relative à l’environnement (ERE), dans lequel j’œuvre, conjointement avec mes collègues Lucie Sauvé et Thomas Berryman, est en ce sens à souligner. Le programme de formation de deuxième cycle dans ce domaine, dans ses formats in situ et à distance, les formations «sur mesure», ainsi que les divers projets de recherche intégrant des professeurs de l’ISE et des divers autres instances de l’UQAM, d’autres universités et du milieu, ainsi que le travail fécond de partenariat avec des acteurs sociaux du milieu, en témoignent. Un processus de travail prolifique et engagé a été développé, par exemple, autour des problématiques (écologiques, sociales, culturelles, de droits humains, de droits autochtones, etc.) associées à l’expansion accélérée de l’industrie extractive, entre autres. L’apport épistémologique, méthodologique et éthique du domaine de l’ERE au champ des sciences de l’environnement est à mettre en évidence. (Voir plus de détails sur la contribution de ce champ dans le mémoire de ma collègue Lucie Sauvé). Mais, on constate la nécessité de repenser les structures académiques et d’envisager des transformations institutionnelles qui permettent de consolider ces acquis et de poursuivre ces efforts. L’UQAM se joint à la mouvance des institutions universitaires qui prennent progressivement conscience de l’état de cloisonnement disciplinaire et qui cherchent des pistes pour l’enrayer. Un effort d’adéquation s’impose afin de trouver une niche institutionnelle appropriée à l’ISE de façon à ce que celui-ci puisse se déployer de façon optimale et en cohérence avec la mission sociale de l’UQAM. Compte tenu de l’importance cruciale actuelle des problématiques environnementales et du caractère complexe et multiple de l’environnement, il est à envisager d’une part, l’intégration des préoccupations environnementales dans tous les programmes (sciences biophysiques, sciences humaines et sciences sociales) et d’autre part, de consolider et de renforcer l’ISE en tant qu’espace privilégié interdisciplinaire de formation, de recherche et de service aux collectivités dans le domaine des sciences de l’environnement. Les réflexions (présentées, entre autres, au Bilan 2010-2011) et les efforts déployés par l’équipe actuelle de l’ISE sont en ce sens à valoriser et à mettre à contribution pour la prochaine étape de changement. Il s’impose de considérer l’ISE comme un lieu dynamique et novateur, à caractère évolutif, qui propose une culture de réflexion critique et de praxis, qui se situe à l’avant-garde de la 3 mouvance sur les questions environnementales au sein de la société québécoise. Il est souhaitable que l’ISE constitue un espace interfacultaire, associé directement au vice-rectorat à la vie académique ou bien, à une autre instance de cet ordre, qui lui assure un développement approprié à court, moyen et long terme. L’exploration des expériences d’autres universités ayant mis de l’avant des instituts en sciences de l’environnement pourrait s’avérer enrichissante : • • • • • • • • • • Environmental Science Institute, The University of Texas at Austin Environmental Sciences Institute, Florida Agricultural and Mechanical University Institut des sciences de l'environnement, Université de Genève Institut des sciences de l'environnement, Université Cheikh Anta Diop de Dakar Instituto Universitario de Ciencias Ambientales, Universidad Complutense de Madrid Instituto de Ciencias Ambientales, Universidad de Castilla-La Mancha (Espagne) Instituto de Ciencias Ambientales, Universidad Nacional de Cuyo, (Argentine) Instituto Universitario de Investigación en Ciencias Ambientales de Aragón, Universidad de Zaragoza (Espagne) Instituto de Ciencias Ambientales y Biodiversidad, Universidad de Panamá Instituto de Ciências Ambientais e Desenvolvimento Sustentável, Universidade Federal de Bahia (Brasil) Références Dansereau, Pierre (1973). La terre des hommes et le paysage intérieur, Montréal: Leméac. Darbellay, Frédéric et Paulsen, Theres (dir.) (2008). Le défi de l'inter et - transdisciplinarité. Concepts méthodes et pratiques innovantes dans l'enseignement et la recherche. Lausanne (Suisse) : Presses Polytechniques et universitaires romandes Morin, Édgar. (1994). Sur l’interdisciplinarité. Bulletin Interactif du Centre International de Recherches et Études transdisciplinaires, n° 2, 1994. Origgi, Gloria et Darbellay, Frédéric (dir.) (2010). Repenser l'Interdisciplinarité. Genève : Éditions Slatkine 4