Microbiote intestinal et obésité - Laboratoires d`analyses médicales

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Microbiote intestinal et obésité - Laboratoires d`analyses médicales
NUTRITION Microbiote intestinal et obésité
Microbiote intestinal :
rôle dans l’obésité
et les maladies métaboliques
J. ARON-WISNEWSKY1,2
résumé
L’obésité est une pathologie dont l’étiologie est complexe et multifactorielle. La flore microbienne intestinale, ou
microbiote intestinal, semble jouer un rôle majeur dans le développement de la prise de poids, mais aussi dans les
pathologies métaboliques secondaires à l’obésité (diabète, stéatopathie non alcoolique). Ce lien direct est clairement
démontré chez l’animal mais reste plus compliqué à authentifier chez l’homme. Par ailleurs, l’alimentation, mais aussi
d’autres éléments de l’environnement, peuvent moduler la composition du microbiote intestinal et favoriser le développement d’anomalies métaboliques. Chez l’homme, les interventions diététiques ou les programmes de chirurgie
bariatrique constituent d’excellents modèles d’étude pour clarifier le rôle spécifique du microbiote et élucider les
mécanismes physiopathologiques qui sous-tendent l’obésité et ses complications spécifiques.
I. - INTRODUCTION
Nous faisons actuellement face, non seulement à une
épidémie mondiale d’obésité dont la sévérité est encore
accrue dans les pays qui ont adopté une alimentation
occidentale et un mode de vie sédentaire (1), mais aussi à
la progression conjointe des pathologies qu’elle engendre,
dont le syndrome métabolique, le diabète de type 2, la
stéatopathie non alcoolique, les maladies cardiovasculaires
et certains cancers (2). Les facteurs étiologiques à l’origine
de l’obésité sont multiples et complexes, et comprennent
entre autres le mode de vie, les facteurs génétiques/épigénétiques, hormonaux et neuronaux. La flore microbienne intestinale pourrait aussi jouer un rôle dans la prise
de poids et ses complications.
La flore microbienne intestinale – ou microbiote intestinal – colonise le tube digestif juste après la naissance. Sa
composition initiale est influencée par la flore maternelle,
le mode d’accouchement (voie basse ou césarienne), le
mode d’allaitement et l’exposition précoce à des antibiotiques ; après l’âge de deux ans, elle se stabilise jusqu’à
l’âge adulte. Initialement compliqué à explorer par notre
incapacité à cultiver plus de 30 % des microorganismes de
la flore intestinale, ce domaine a bénéficié ces dernières
années de l’émergence de méthodes de séquençage à haut
débit. La « métagénomique » a ainsi rendu possible la
caractérisation de l’ensemble des génomes bactériens – le
métagénome bactérien –, constitué d'environ 4,2 millions
de gènes, soit 100 à 150 fois plus que le génome humain
(3). Cette approche a également permis l’analyse de la
composition du microbiote intestinal et de certaines de
ses fonctions, ainsi que ses interactions avec l’environnement (4). Ce sont les grands programmes internationaux
(« Human Microbiome Project » et le consortium « MetaHIT ») qui ont permis la compréhension des liens entre
microbiote intestinal et certaines pathologies comme
l’obésité et ses comorbidités.
IHU Institute of Cardiometabolism and Nutrition (ICAN)
Service de Nutrition - Bâtiment IE3M, Hôpital PitiéSalpêtrière, 46-83 boulevard de l'Hôpital, 75013 Paris.
2 Laboratoire Nutriomique UMR-S 1166-ICAN.
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NUTRITION Microbiote intestinal et obésité
mots-clés : obésité, maladies métaboliques, microbiote intestinal.
II. - LE MICROBIOTE INTESTINAL :
ÉTAT PHYSIOLOGIQUE
A) Composition physiologique
Le tube digestif humain est considéré comme un
organe intérieur, puisqu’il abrite plus de 1014 microorganismes dont la plupart n’ont pas encore été identifiés
à ce jour (5), mais qui appartiennent pour 90 % à deux
phylums prédominants : les Bacteroidetes et les Firmicutes
(6). La composition de la flore varie le long du tube digestif
en lien avec les variations majeures de la niche environnementale (7) (Figure 1). Ainsi, la production acide de
l’estomac est toxique pour la plupart des microbes et a
sélectionné deux types de bactéries capables de résister à
ces bas niveaux de PH : Lactobacillus sp. et Streptococcus
sp. (8). Malgré la toxicité des sécrétions pancréatiques et
des sels biliaires, le nombre de bactéries augmente le long
du tube digestif, atteignant 107/ml dans le jéjunum
distal (9). Le gros intestin est composé d’une communauté bactérienne principalement anaérobique, complexe
et très dense.
B) Fonctions physiologiques
Le microbiote exerce plusieurs fonctions physiologiques : (i) il permet la digestion de fibres alimentaires,
grâce à des enzymes que l’homme ne possède pas (10-12),
conduisant à la production d’acides gras à chaînes courtes
(short-chain fatty acids, SCFA) absorbés par l’intestin (13) ;
(ii) il exerce des interactions majeures avec le système immunitaire ; (iii) il a un rôle dans la production des acides
biliaires secondaires à partir des acides biliaires primaires
sécrétés par le foie. Les acides biliaires secondaires ayant
une activité anti-microbienne concentration-dépendante,
ont la capacité d’influencer directement la composition
de la flore, tout au moins la quantité totale des bactéries,
mais sûrement aussi leur fonctionnalité.
Outre son rôle physiologique, il est actuellement bien
démontré que le microbiote intestinal pourrait aussi jouer
un rôle dans certaines pathologies quand sa composition
se modifie (« dysbiose »).
III. - MICROBIOTE INTESTINAL ET OBÉSITÉ
A) Rationnel
La démonstration initiale du rôle du microbiote intestinal dans la régulation pondérale et le stockage énergétique provient d’une très élégante étude réalisée chez la
souris (14). Les auteurs ont comparé des souris sans flore
digestive, dites axéniques, à des souris conventionnelles et
ont observé que les souris axéniques avaient une adiposité
moindre alors qu’elles mangeaient plus que les contrôles.
Le transfert de la flore des souris conventionnelles rendues
obèses par régime gras aux souris axéniques, induisait chez
ces dernières une prise de poids, en particulier adipeuse,
malgré une réduction de la consommation alimentaire et
NUTRITION Microbiote intestinal et obésité
Intestin grêle proximal
duodénum et jéjunum (2)
Enzymes pancréatiques
bicarbonates, acides biliaires
pH 5,7 - 6,4
103-104 bactéries/ml
Lactobacillus
Escherichia coli,
Enterococcus faecalis
Estomac (1)
Production acide, pepsine,
amylase :
pH 1-2
< 103 bactéries/ml
Lactobacillus
Streptococcus
Gros intestin
caecum/côlon (4-5-6)
Bicarbonates, mucus
pH 5,7 - 6,8
1012 bactéries/ml
Bacteroidetes, Eubacterium
Bifidobacterium,
Ruminococcus,
Pepstreptococcus,
Propionibacterium, Clostridium,
Lactobacillus, Escherichia,
Streptococcus
Intestin grêle distal iléon (3)
pH 7,3 - 7,7
107 bactéries/ml
Entérobactéries, Enterococcus
Bacteriodetes, Clostridium
Lactobacillus
Fig. 1 - La composition du microbiote évolue le long du tube digestif en fonction de l’écologie locale.
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l’absence d’augmentation de la
dépense énergétique (10, 14, 15).
Diversité normale
Plus récemment, l’équipe de
Gordon a évalué la composition
corporelle de souris axéniques
Corpulence
ayant été transplantées par une
normale
mais aussi
flore provenant de deux jumeaux
certains obèses
humains homozygotes, l’un obèse,
Diversité réduite
métaboliquement
et l’autre pas. Les données de ces
sains
travaux montrent que les souris
Obésité
qui ont reçu la flore du jumeau
(mais grande variabilité)
obèse prennent significativement
Anomalies métaboliques
plus de poids (en particulier de la
(insulino-résistance,
masse grasse) que les souris qui
dyslipidémie)
ont reçu la flore du jumeau non
Inflammation de bas grade
obèse (16, 17). Ces différents
résultats confirment donc le rôle
de la flore intestinale dans la Fig. 2 - Phénotypes métaboliques associés à la diversité bactérienne d’après (4, 14, 18, 19, 20).
prise de poids et son caractère
transmissible, chez l’animal tout
du moins.
Sur le plan mécanistique, les études démontrent que le au sein du tissu adipeux) (19). Ces résultats ont été confirmicrobiote intestinal : (i) est impliqué dans la régulation més dans une population danoise (20) (Figure 2).
de gènes favorisant le stockage énergétique dans le tissu
adipeux (15) ; (ii) participe à la formation des SCFA. D’ail- C) Lien entre microbiote et alimentation
leurs, l’analyse des selles d’individus obèses a mis en évi- 1) Composition basale
dence plus de SCFA et moins de calories que dans les selles
Si la composition de la flore présente une grande variad’individus de poids normal (13), permettant de formuler
bilité
interindividuelle, le microbiote intestinal possède
l’hypothèse que la flore intestinale des obèses serait plus
néanmoins
un métagénome bactérien commun partagé
efficace pour extraire l’énergie de l’alimentation et inpar
tous
les
individus
(21). D’ailleurs, trois « entérotypes »,
duire son stockage que celle d’individus de poids normal.
pouvant être rapprochés des groupes sanguins, ont été mis
en évidence dans des populations variées et ne semblent
B) Signature bactérienne et diversité de la flore
pas impactés par la corpulence. Ces entérotypes sont
L’analyse de la composition du microbiote intestinal a caractérisés par la présence prédominante d’un genre bacété largement rapportée dans la littérature. De nombreux térien comme, respectivement, Bacteroides (entérotype 1),
auteurs ont suggéré que l’obésité était associée à une ano- Prevotella (entérotype 2) ou Ruminococcus (entérotype 3),
malie du ratio Bacteroidetes/Firmicutes, mais ce résultat est chaque entérotype étant capable de digérer des types
actuellement très controversé.
spécifiques de nutriments (22).
La littérature s’accorde plutôt sur la notion d’une
La flore intestinale est relativement stable chez les indiréduction de la diversité bactérienne (diminution de la vidus consommant leur régime habituel (23), et les entérichesse bactérienne) chez l’obèse par rapport à celle du rotypes semblent liés aux habitudes alimentaires sur le
sujet de corpulence normale (4, 14, 18). Dans le même long terme (24) : alimentation contenant des protéines
sens, la diversité bactérienne diminue dans une popula- animales et des graisses saturées pour l’entérotype 1, alition ayant une forte prévalence d’obésité comme aux mentation à base d’hydrates de carbone pour l’entérotype
États-Unis comparativement à celle d’une population de 2. Par ailleurs, une étude a montré que la flore d’enfants
moindre corpulence comme les amérindiens (18).
africains vivants en milieu rural (dont l’alimentation est
riche
en fibres) était plus riche et diverse que celle d’enNéanmoins, notre équipe a récemment démontré qu’il
fants
européens,
où l’apport en fibres est plus faible et la
existait une variabilité importante de la diversité de la flore
prévalence
de
l’obésité
plus forte (25).
intestinale y compris au sein d’un groupe de patients de
corpulence relativement homogène (cohorte de patients
obèses ou en surpoids). Ainsi, certains individus présen- 2) Intervention diététique
tent un respect de la diversité microbienne, alors que d’auSi l’entérotype apparaît comme une signature relativetres présentent une flore intestinale appauvrie, de diversité ment stable au cours du temps, un changement de diétéréduite (19). Cet appauvrissement de la flore était associé tique (lors d’un régime ou d’une intervention diététique)
à un profil métabolique défavorable (patients plus insu- est néanmoins capable de modifier, sinon la composition
lino-résistants et plus dys-lipidémiques) et à une inflamma- globale de la flore, au moins en partie certains composés
tion de bas grade plus importante (systémique mais aussi de celle-ci, indépendamment de la perte de poids. Ainsi,
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Microbiote intestinal et obésité
des régimes riches en hydrates de carbone vont modifier
certaines bactéries connues pour jouer un rôle dans leur
digestion, comme par exemple Roseburia et Eubacterium
rectale (26-28). Notre équipe a également pu démontrer
qu’une intervention diététique (mise en place d’un régime riche en fibres) était capable d’augmenter la richesse
bactérienne chez les personnes obèses ou en surpoids, en
particulier chez ceux qui avaient un appauvrissement de
la flore intestinale avant l’intervention (19).
3) Intervention de chirurgie bariatrique
NUTRITION Microbiote intestinal et obésité
L’étude du microbiote avant et après chirurgie de l’obésité (chirurgie « bariatrique ») s’est largement développée
car il s’agit d’un modèle de choix pour mieux comprendre
le rôle de la flore intestinale dans la physiopathologie de
l’obésité et ses complications. Plusieurs types de chirurgies
sont disponibles, selon que l’intervention est purement
restrictive (anneau ou « sleeve » gastrique), ou qu’elle allie
restriction et processus malabsorptif (« bypass gastrique
Roux-en-Y ») (Figure 3). Ces chirurgies induisent une
perte de poids majeure maintenue sur le long terme et
permettent une amélioration des comorbidités de l’obésité, ainsi qu’une amélioration de
l’inflammation tissulaire (29, 30).
De nombreux auteurs ont observé une
modification de la composition de la flore
intestinale après bypass gastrique, modèle
chirurgical le plus exploré (31-33). Notre
laboratoire a aussi démontré que la diversité
bactérienne, réduite chez l’obèse, augmentait après perte de poids induite par chirurgie
bariatrique, confirmant les données précédentes (34). Les changements de profils
bactériens sont associés à des changements de
marqueurs de la corpulence (indice de masse
corporelle [IMC], masse grasse évaluée par
DEXA [dual energy X-ray absorptiometry] et taux
de leptine). Néanmoins, nous avons mis en
évidence que 50 % de ces changements
étaient dépendants de la consommation
alimentaire (31, 34), confirmant le lien fort
entre le microbiote, l’alimentation et la
biologie de l’hôte. Enfin, nous avons pu analyser de manière concomitante le microbiote
intestinal, mais aussi l’expression génique du
tissu adipeux de l’hôte avant et après chirurgie bariatrique. Nos résultats suggèrent que
le bypass permet de restaurer un dialogue
entre le microbiote et l’hôte après amaigrissement.
Le bypass est néanmoins une technique
chirurgicale qui induit un très grand nombre
de modifications du tractus digestif (pH,
hormones, vitesse de transit) et donc de
l’écologie digestive, pouvant en soi modifier
la composition du microbiote. Cela a été
résumé dans une revue récente (35). À ce
stade, il paraît donc nécessaire de confirmer les résultats
obtenus dans d’autres modèles chirurgicaux (sleeve,
anneau) et de rechercher sur le long terme la résilience
des modifications observées.
4) Effet de l’activité physique
Des données récentes suggèrent un rôle bénéfique de
l’activité physique sur la composition du microbiote. Une
étude a ainsi comparé la flore digestive de 4 groupes de
souris soumises ou non à un régime gras, sédentaires ou
pratiquant de l’activité physique « volontaire ». Comme
attendu, les souris sous régime gras développent des anomalies métaboliques qui peuvent être en partie améliorées
par la pratique d’activité physique. Cependant, de manière
intéressante, les auteurs mettent en évidence une modification des profils de certains genres bactériens par l’activité physique (différents de ceux engendrés par les
modifications alimentaires), qui pourraient rendre
compte de l’amélioration métabolique observée chez les
souris obèses actives (36). D’autres auteurs ont mis en évidence un lien entre l’exercice physique, la modification
Fig. 2 - Les trois principales techniques de chirurgie bariatrique. Adapté de
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_765529/fr/obesite-prise-en-charge-chirurgicalechez-l-adulte
A. L’anneau gastrique ajustable consiste en la création d’une petite poche gastrique
(a) grâce à un anneau (b) fixé sur la partie supérieure de l’estomac ; cet anneau est
connecté à un boîtier (c) situé en sous-cutané qui permet l’ajustement du serrage.
B. La « sleeve » consiste en une résection large de l’estomac (d), afin de créer un tube
gastrique de 60 ml laissant intact le pylore.
C. Le « bypass gastrique Roux-en-Y » consiste en la création d’une petite poche gastrique (e) de 30 ml directement reliée à la partie distale de l’iléon formant l’anse alimentaire (h) ; la partie distale de l’estomac (f), le duodénum (g) et la partie
proximale du jéjunum (i) sont dérivés et anastomosés d'environ 1,5 m en dessous de
l’anastomose gastro-jéjunale.
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de certains genres bactériens et les concentrations d’hormones intervenant dans la régulation de l’appétit et de la
prise alimentaire (37).
Ce qu’il faut retenir
Le microbiote intestinal fait le lien entre l’environnement extérieur et la biologie de l’hôte, avec un rôle
majeur de l’apport alimentaire (et probablement de
l’activité physique) sur la modulation du microbiote. Il
existe une diversité bactérienne réduite chez l’obèse,
qui est encore accrue en présence d’anomalies métaboliques.
Sur le plan mécanistique, les résultats des études murines
suggèrent qu’au cours de l’obésité et avec une alimentation riche en graisses, la perméabilité intestinale est accrue
et est responsable d’un passage des bactéries ou de certains
de leur composants, induisant une endotoxémie ellemême à l’origine des anomalies métaboliques rencontrées
(insulino-résistance et diabète) (39).
Ce qu’il faut retenir
Le microbiote intestinal pourrait jouer un rôle prédicitif pour évaluer le risque de développer une pathologie
métabolique sur le long terme ou pour prédire la
réponse à une intervention diététique.
IV. - MICROBIOTE : BIOMARQUEUR
PRÉDICTIF DES MALADIES MÉTABOLIQUES
V. - CONCLUSION
Comme mentionné précédemment, les patients obèses
ou en surpoids ayant une diversité de leur flore digestive
réduite, présentent des anomalies métaboliques et des
manifestations inflammatoires plus marquées que ceux
ayant une diversité normale de la flore (19). De manière
intéressante, après intervention diététique introduisant
une alimentation riche en fibres, cette diversité s’améliore.
Néanmoins, les patients qui présentaient de façon basale
une flore appauvrie et des complications métaboliques,
restent plus « métaboliquement malades » à la fin de l’intervention et perdent moins de poids que les patients dont
la flore est normalement riche. Cela suggère que l’étude
de la flore intestinale pourrait jouer un rôle prédictif dans
la réponse à une intervention.
Différents travaux montrent le rôle indéniable du
microbiote intestinal dans l’obésité, faisant le lien entre
l’environnement (alimentation et activité physique), la
corpulence mais aussi ses complications métaboliques. Des
modèles murins suggèrent que cela passerait par une
perméabilité intestinale accrue et une translocation des
bactéries dans l’organisme, provoquant une endotoxémie
et l’induction du stockage énergétique, mais aussi l’activation des voies de l’inflammation, en partie responsable des
complications fréquemment associées à l’obésité (diabète,
stéatopathie non alcoolique (40)). Des données très récentes impliquent aussi directement le microbiote intestinal dans la survenue d’événements athéromateux et
d’événements cardio-vasculaires par son rôle dans le métabolisme de certains dérivés alimentaires (41).
Dans le même esprit, la cohorte DESIR a suivi plus de
3 000 patients non diabétiques pendant 9 ans et a évalué
le nombre de nouveaux cas de diabète au cours du suivi.
Les auteurs ont quantifié l’ADN bactérien systémique
circulant, qu’ils ont retrouvé augmenté chez les patients
ayant déclaré un diabète au cours du suivi (38). Ces données mettent encore une fois en exergue le rôle de la flore
bactérienne comme un outil prédictif, afin de mieux poser
les indications d’une intensification des traitements préventifs chez certains patients à risque.
Approfondir nos connaissances du microbiote intestinal
permettra de mieux comprendre la physiopathologie
des maladies nutritionnelles, métaboliques et cardiovasculaires, mais aussi de proposer des thérapeutiques
ciblées dans le futur. L’analyse du microbiote pourrait
aussi nous permettre de stratifier les patients en répondeurs et non répondeurs, afin de proposer des thérapeutiques personnalisées.
NUTRITION Microbiote intestinal et obésité
Conflit d’intérêt : aucun.
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