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Dialogues
0123
Dimanche 11 - Lundi 12 mars 2007
me
lle
M , M , M.
Médiatrice
Véronique Maurus
C
e n’était qu’une incidente, au
détour d’une critique, mais
elle nous a mis la puce à
l’oreille. Jean-Claude Gamot
(courriel), s’indignant du
« dénigrement » dont Dominique Voynet fait, selon lui, l’objet, relevait
que la candidate « était nommée respectueusement Mme Voynet », et ajoutait : « A
comparer avec la candidate Laguiller appelée – de façon plus sympathique ou affectueuse – Arlette Laguiller et non
Mme Laguiller. » La civilité, marque de respect traditionnelle, serait-elle si démodée qu’elle en deviendrait péjorative ?
Une autre remarque, ironique, de Philippe Boucher (Paris) le confirmait : « Il
était inutile de rappeler mon âge en faisant
précéder mon nom d’un M. épargné aux
autres lecteurs », notait-il.
Le reproche est nouveau. Jusqu’ici, la
plupart des lecteurs déploraient au
contraire régulièrement, comme Gilles
Tissot (Toulon), que « les noms propres de
personnalités, politiques le plus souvent,
[soient] cités (…) sans être précédés de la
mention “M.” ou du prénom. » « La
notion de courtoisie est peut-être surannée
mais Le Monde (…) gagnerait à la respecter », soulignait de même Jean-François
Ricornet (Thiers), remarquant que, dans
une même rubrique France, le quotidien
titrait d’un côté « Sarkozy… », de
l’autre : « François Hollande… » et, une
page plus loin : « Mme Royal… »
Au Monde, la question de la civilité est
un peu la querelle des anciens et des
modernes, un très vieux débat, jamais
complètement tranché. Cette honorable
maison, il est vrai, revient de loin. A l’origine, les « M. », « Mme » et « Mlle » devaient
impérativement précéder les noms et prénoms de toute personne vivante citée. On
écrivait « M. Joseph Staline » ou
« M. Georges Pompidou », et on continua
de le faire pendant près de quatre décennies. Cette règle stricte ne souffrait que de
rares exceptions : artistes, sportifs, journalistes et criminels condamnés…
Elle s’assouplit d’elle-même pendant
les années 1980, engendrant, dans un premier temps, la confusion. Ce n’est qu’au
Aucourrierdeslecteurs
Retour
sur la bataille d’Alger
Qu’il me soit permis de vous exprimer ma reconnaissance pour avoir
été le premier journal en France à
reproduire et commenter les derniers instants de la vie de Larbi
Ben M’Hidi (Le Monde du 6 mars),
et ce au 50e anniversaire de sa
mort. Selon le témoignage du général Aussaresses, il n’aurait pas été
torturé avant sa mise à mort par
pendaison (…). Cela reste à vérifier, car un détail a échappé à Aussaresses, celui de la présence sur
les lieux d’un fidai [combattant],
laissé pour mort dans une des écuries de la ferme où Larbi devait
être pendu. Ce sursitaire de la
mort, échappé miraculeusement, a
révélé certaines vérités sur les derniers instants du héros national.
Les six tortionnaires se sont
relayés sur leur prisonnier qui ne
cessait de défier Paul Aussaresses
par son assurance et sa foi en la
liberté. Tous les moyens étaient
employés, le poignard, le tesson de
bouteille et d’autres pratiques qu’il
est indécent de relater. Le fou rire
s’est emparé des tortionnaires
quand l’un des légionnaires, en
état d’ivresse, a crié : « Allez, les
gars, vous pouvez y aller, le gus est
fini. » Et quand, avant la pendaison, on demanda à la victime qui
se traînait péniblement sur la
paille quelles seraient ses dernières volontés, il a demandé qu’on le
laisse faire ses prières. Furieux,
probablement, de n’avoir pu dompter sa victime, Paul Aussaresses a
crié : « Monsieur se prend pour
Jésus-Christ. Eh bien, qu’on le crucifie ! » Et au moment où les bourreaux s’apprêtaient à exécuter les
ordres de leur chef, le rire reprenait de plus belle.
Nous n’avons pas de haine ni de
désir de vengeance. (…) Larbi Ben
M’Hidi était plus fort que Paul
Aussaresses et sa bande de tueurs.
Abdelkrim Hassani, dit El Ghouti,
compagnon et beau-frère
de Larbi Ben M’Hidi
Alger
17
début des années 1990 que Le Monde se
résigna à abandonner les « M. » ou
« Mme » systématiques, tandis que le
« Mlle » tombait pratiquement en désuétude, sauf pour les très jeunes filles. Une nouvelle règle, aussi stricte que la précédente,
s’imposa : le nom de famille devait être
précédé soit du prénom, soit de « M. » ou
de « Mme ».
Dix ans plus tard, le souffle de la modernité bouscula à nouveau les habitudes.
En 2002, il fut donc décidé que la manchette de « une » pouvait utiliser le patronyme sec : foin des « M. Chirac » ou des
« Jacques Chirac », on titrerait désormais « Chirac » tout court. Cet usage
demeure aujourd’hui réservé à la vitrine
du quotidien, où il permet des titres plus
efficaces et surtout plus courts. Mais,
dans le corps du journal, la règle du prénom ou du M./Mme continue d’être respectée. En principe.
L
e Monde est pratiquement le dernier
journal en France, et peut-être
même en Europe, à appliquer les
conventions de la civilité. Partout ailleurs,
l’usage du patronyme sec s’impose, au
nom de la modernité et de l’efficacité à
l’anglo-saxonne. Pourtant, la force du langage parlé aidant, la règle se perd peu à
peu dans nos pages. Dans la même édition, voire côte à côte, cohabitent ainsi
régulièrement les trois formules (patronyme seul, prénom et nom, « M. » ou
« Mme » suivis du nom). Ce mélange des
genres crée, pour les lecteurs, des effets de
sens parfaitement involontaires et de plus
en plus contradictoires : « Mme » est-il un
signe de respect normal ou un signe de
l’âge ? Le patronyme sec, une consécration ou une déchéance ?
Ce n’est pas un hasard si l’utilisation du
nom seul a été accordée de tout temps aux
stars de l’écran ou des stades qui font
dudit nom une sorte de marque. Elle suppose la célébrité, ne serait-ce que pour éviter toute confusion. On titre encore
« M. Wade », même à la « une » du journal, car le président du Sénégal n’est pas
assez connu, en France, pour que le lecteur l’identifie d’emblée. L’usage du patronyme seul devient ainsi un marqueur de
notoriété, au même titre qu’avoir sa
marionnette aux « Guignols de l’info ».
Le fait que les pages politiques soient celles qui, spontanément, tendent le plus souvent à s’affranchir des traditionnels
« M. » et « Mme » traduit simplement la
starisation croissante des élus. Pourquoi
« Platini » et pas « Chirac » en effet ?
Les codes, en se brouillant, ne facilitent pas la tâche des éditeurs. La moindre
erreur peut devenir source de malentendu. Ainsi de l’article consacré à Youssouf
Fofana, auteur présumé d’un crime
odieux. A la « une » comme dans la
page 3, le titre le désignait par son seul
patronyme, « Fofana ». Pour les lecteurs, choqués, non par l’article mais par
sa présentation, c’était une façon de l’élever au rang de célébrité. « La gloire ! »,
s’est indigné Jacques Daumas (Beaugency). Stupeur chez les rédacteurs : « Pour
moi, c’était méprisant », dit Josette Rolinat, chef de la correction. Un mépris tout
aussi involontaire et au demeurant injustifié puisque le détenu n’a pas encore été
jugé. Le « M. », dans ce cas, aurait choqué plus encore. Il fallait donc user du
prénom. Un compromis valable dans
tous les cas, quand la place le permet…
P
our lever toute ambiguïté, faut-il
généraliser, dans les titres, l’usage
du patronyme sec à défaut du prénom, comme à la « une » du journal ? La
question n’est pas que de forme. Un sondage rapide auprès de la rédaction en
convainc. La manière d’appeler les gens
implique une familiarité plus ou moins
grande avec eux, elle donne un ton. A l’exception notable du service politique – et
à notre grande surprise –, une large majorité de journalistes s’est prononcée pour
le maintien de la règle actuelle, assumant
son côté démodé au nom de la distance
nécessaire, y compris parmi la nouvelle
génération. « Ah, non !, s’est exclamé un
jeune stagiaire, vous n’allez pas mettre des
responsables au même rang que les vedettes
de la télé ! Pas Le Monde ! »
Va donc pour le statu quo… avec discernement. « Dans les pages d’actualité, je
suis favorable à ce qu’on continue, dans la
mesure du possible, à respecter les règles,
estime Françoise Tovo, chef d’édition.
Mais en faisant attention aux effets de
sens. » L’usage, de plus en plus rare, du
« M. » ou « Mme » rend son maniement
d’autant plus délicat. Presque un art. Le
Monde, s’il n’en reste qu’un, sera sans
doute le dernier à le pratiquer. A une
condition : la prudence. a
Le sommet de l’Union européenne par Oliver
Madame le maire
Mme Charlet devrait réfléchir au
fait qu’être élu peut aussi signifier
avoir du courage, assumer ses
actes, être responsable (Le Monde
du 8 mars).
Au moment d’apporter son soutien à un candidat à l’élection présidentielle, elle devrait en mesurer
les conséquences, et surtout,
savoir qu’elle engage sa commune
à ses côtés.
D’accord, réformons ce système
de parrainage qui déplaît tant à
cette courageuse élue, mais réformons aussi d’autres aspects de la
fonction. Deux mandats non
renouvelables, une transparence
financière…
Philippe Tournebise
Paris
Génération Chirac
La « génération Chirac » oublie
un peu vite ce que l’Europe lui a
apporté en matière d’études et de
travail au sein des différents pays
d’Europe.
Il suffit de penser aux programmes Erasmus, au décret de Bologne et à l’abolition des obligations
administratives en matière d’emploi (suppression des permis de
travail). Ce n’est pas les jeunes
Français travaillant en Angleterre
et en Irlande qui me contrediront.
Leurs aînés n’ont pas eu cette
chance.
Christiane Desnoeck
Courriel
Catherine D.
Mon Dieu ! Qu’est-ce que j’apprends ! Catherine Deneuve a eu
la tentation de quitter la France
pour des raisons fiscales ! (Le Monde du 6 mars.) Après les footballeurs simplets, après les chanteurs
finissants, l’icône du cinéma français a été tentée par l’exil. Elle
n’est jamais passée à l’acte. Ouf !
La France l’a échappé belle… Nous
sommes pendus à ses lèvres. Ses
lèvres qui délivrent de si rares
Dessin d’Oliver paru dans « Der Standard » à Vienne (Autriche). CARTOONS@COURRIERINTERNATIONAL. COM
paroles, nous dit-on. « Je gagne
beaucoup d’argent, ça ne veut pas
dire que je suis riche »,
confie-t-elle. Ah bon… Alors parfois, il vaut mieux continuer à se
taire, lui répondrons-nous.
Philippe Erbs
Chambourcy (Yvelines)
Musées et cimetières
Dans une interview (Le Monde
daté 4-5 mars), le ministre de la
culture, M. Donnedieu de
Vabres, se dit favorable à la gratuité des musées nationaux. Ce
serait bien (…). Au cours d’un
récent voyage à Rome, j’ai trouvé
agréable que l’entrée dans un
grand nombre de sites ou musées
soit gratuite pour moi, en tant
que senior, et pour mon petit-fils,
de moins de 15 ans, qui m’accompagnait.
J’ajouterai qu’à Paris vous pouvez, sans débourser, aller vous
recueillir devant la sépulture de
Musset, d’Apollinaire ou d’Edith
Piaf. Normal, me direz-vous, le
Père-Lachaise n’est pas un
musée mais un cimetière.
En revanche, si vous voulez faire
de même au Panthéon devant les
tombeaux de certains grands
hommes (ou femmes) que vous
avez toujours profondément
admirés, il vous en coûtera
7,50 euros. (…)
Jocelyne Allée
Clermont-Ferrand
RECTIFICATIFS ET PRÉCISIONS
Aide publique au développement. La part que la France
consacre à l’aide publique au
développement (APD) est de
0,5 % de son PIB, et non de
0,15 %, comme écrit par erreur
dans l’entretien avec Michel
Kazatchkine, directeur exécutif
du Fonds mondial de lutte contre
le sida, la tuberculose et le paludisme (Le Monde du 9 mars).
Henri Troyat. Si Henri
Troyat était bien le doyen de
l’Académie française, car il en
était le plus ancien membre élu,
comme nous l’avons écrit dans
0123 SUPPLÉMENT
Jacques Chirac à l’heure du départ
Dans un supplément de 8 pages, Le Monde dresse le bilan de 12 années de présidence.
Supplément de 8 pages, le lundi 12 mars, avec 0123 daté mardi 13 mars.
l’article nécrologique qui lui a été
consacré (Le Monde du 6 mars),
Claude Lévi-Strauss, né en 1908,
en est le doyen d’âge. D’autre
part, concernant sa biographie
Juliette Drouet (Flammarion,
1997), Henri Troyat avait été
condamné en appel pour contrefaçon de l’ouvrage de Gérard Pouchain et Robert Sabourin, Juliette
Drouet ou la dépaysée (Fayard,
1992). L’ouvrage avait été retiré
de la vente sur injonction judiciaire. Henri Troyat, qui s’était pourvu en cassation contre cette décision, s’était désisté de son pourvoi le 26 octobre 2004.