L`Espace Santé Jeune de Saint-Germain sur Moine

Transcription

L`Espace Santé Jeune de Saint-Germain sur Moine
UNIVERSITÉ DE NANTES
FACULTÉ DE MÉDECINE
Année : 2016
N°
THÈSE
pour le
DIPLÔME D'ÉTAT DE DOCTEUR EN MÉDECINE
(DES de MÉDECINE GÉNÉRALE)
Par
Clément Le Glatin
Né le 26 mai 1987 à Évry
Présentée et soutenue publiquement le 09 février 2016
L’Espace Santé Jeune de Saint-Germain sur Moine
Étude de la participation de médecins généralistes à un projet
d’éducation pour la santé mené en milieu scolaire
Président du jury
:
Directeur de Thèse :
Madame le Professeur Leïla Moret
Monsieur le Docteur Patrick Lamour
Remerciements
Madame le Professeur Leïla Moret, Professeur des Universités et Praticienne
Hospitalière en santé publique, je vous remercie d’avoir bien voulu présider ce jury.
Monsieur le Docteur Patrick Lamour, médecin généraliste, ancien directeur de
l'IREPS de pays de la Loire, merci pour tout ce que vous m'avez apporté
humainement et intellectuellement durant nos échanges et mon stage. Merci d'avoir
inspiré et dirigé ce travail.
Madame le Docteur Céline Bouton, médecin généraliste et Maître de
Conférence de Médecine générale, merci pour vos encouragements et vos conseils
avisés. Merci d'avoir accepté de participer à ce jury.
Monsieur le Professeur Jean-Noël Trochu, Professeur des Universités et
Praticien Hospitalier en cardiologie, je vous remercie d’avoir accepté de juger ce
travail. Soyez assuré de mes sincères remerciements.
À Gaëlle, pour tout ce qui ne peut pas se dire en quelques mots,
À mes parents pour m'avoir toujours apporté un « certain regard » et m'avoir
permis de développer mon esprit critique. Pour m'avoir accompagné et encouragé
dans tout ce que j'ai entrepris,
À Thibault pour sa présence, sa patience et le plaisir de pousser la chansonnette
avec toi,
À Pierre-Charles, Antoine, François et Jeoffrey pour les longues heures à défaire
et refaire le monde (pourvu que ça dure!), pour les belles aventures et pour le bout
de chemin fait à vos côtés,
Aux Trompettes de Fallope pour m'aider à me vider la tête quand il y en a besoin,
À Ilhem et Thomas pour m'avoir supporté pendant une longue année de D4,
À Matthieu, Nathalie, Tao, Thomas, Alexis, Thibault et les kabésiens avec qui j'ai
découvert la médecine… et quelques autres petites choses aussi, pour les belles
tranches de rigoulades !
À mes maîtres d'internat, Anne, Hélène, Sylvie, Catherine, Patrick, Marcellin et
Laurent. Merci d'avoir su partager votre expérience et votre goût pour la médecine,
A tout l'IREPS du 44 pour m'avoir aidé à bousculer mes représentations sur la
santé et le rapport aux autres, cette thèse est le fruit de notre rencontre,
À Patrick B pour nos beaux échanges, pour ton aide précieuse dans ce travail,
À Isabelle et Patrick pour leur transmission de savoir,
Aux patients rencontrés, pour ce qu'ils m'ont appris et pour ce qu'ils continuent à
m'apprendre,
Aux élèves et enseignants du Collège Jean Blouin, aux médecins de la maison
Médicale de Saint Germain et à l'animateur jeunesse du CSI qui m'ont permis de
réaliser ce travail,
À mes courageux relecteurs : Séléna et Pierre-Charles,
Et à tous ceux qui m'ont un jour, par leur expérience, leur écoute, leur présence,
permis de faire quelques pas de plus sur la route.
Liste des abréviations
AJ
Animateur Jeunesse
ARS
Agence Régionale de Santé
CESC
Comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté
CPS
Compétences Psycho-Sociales
CSI
Centre Social Intercommunal
Dir
Le directeur du collège
EPS
Éducation Pour la Santé
ETP
Éducation Thérapeutique du Patient
ESJ
Espace Santé Jeune
EVAS
Éducation à la Vie Affective et Sexuelle
INPES
Institut National de Prévention et d'Éducation pour la
santé
IREPS
Instance Régionale d'Éducation et de Promotion de la
Santé (ex CREDEPS)
MG
Médecin Généraliste
PDS
Promotion de la Santé
Mod
Modérateur des entretiens (le chercheur)
MSP
Maison de Santé Pluridisciplinaire
OMS
Organisation Mondiale de la Santé
WONCA
World Organization of National Colleges, Academies and
Academic Associations of General Practitioners / Family
Physicians
Table des matières
INTRODUCTION..................................................................................................................8
CONTEXTE.......................................................................................................................9
I.Prévention, éducation pour la santé... De quoi parle-t-on ?...................................9
A.La prévention, des définitions floues….............................................................9
B.Classifications des pratiques de prévention....................................................10
C.Notions nécessaires à la compréhension du concept d'éducation pour la
santé...................................................................................................................12
D.L'éducation pour la santé................................................................................23
II.Prévention et éducation pour la santé en médecine générale............................26
III.L'éducation pour la santé en milieu scolaire.......................................................29
A.Mise au point sur les compétences psycho-sociales......................................30
IV.Contexte du projet Espace Santé Jeune............................................................31
A.La commune de Saint-Germain sur Moine.....................................................31
B.Le cabinet médical Averroès...........................................................................32
C.Le collège Jean Blouin....................................................................................34
D.Le projet Espace Santé Jeune........................................................................35
MATÉRIEL ET MÉTHODE.....................................................................................................39
I.Description et objectif de l'étude...........................................................................39
II.Lieu de l'étude......................................................................................................39
III.Population de l'étude...........................................................................................39
A.Définition de la population...............................................................................39
B.Critères d'inclusion..........................................................................................40
C.Critères d'exclusion.........................................................................................40
D.Constitution du corpus de l'enquête qualitative..............................................40
IV.Recueil des données...........................................................................................40
A.Le choix d'une méthode mixte.........................................................................40
B.Méthodes de recueil des données..................................................................41
V.Déroulement de l'étude........................................................................................42
A.Protocole de l'étude.........................................................................................42
B.Élaboration des outils de recueil des données...............................................43
C.Recrutement des participants.........................................................................45
D.Retranscription................................................................................................46
VI.Analyse des données.........................................................................................46
A.Analyse qualitative...........................................................................................46
B.Analyse quantitative........................................................................................46
C.Intégration des résultats..................................................................................47
RÉSULTATS....................................................................................................................48
I.Déroulement et population de l'étude...................................................................48
A.Entretiens.........................................................................................................49
B.Questionnaire..................................................................................................51
II.Analyse transversale............................................................................................54
A.Le projet Espace Santé Jeune (ESJ)..............................................................54
B.Espace Santé Jeune et pratiques professionnelles........................................95
DISCUSSION.................................................................................................................109
I.A propos de ce travail de recherche, discussion de la validité interne...............109
A.Choix de la méthode mixte............................................................................109
B.Critères d'inclusion, échantillonnage.............................................................110
C.Richesse des données..................................................................................111
D.Analyse..........................................................................................................112
II.A propos des résultats de cette étude, discussion de la validité externe..........112
A.Réflexion sur la forme des interventions d'éducation pour la santé..............112
B.Rapport des jeunes au médecin généraliste et à la consultation médicale. .118
C.Une expérience d'interprofessionnalité.........................................................121
D.Réflexion sur la rémunération d'un tel projet................................................125
E.Perspectives..................................................................................................127
CONCLUSION................................................................................................................132
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES.......................................................................................133
ANNEXES.....................................................................................................................137
Verbatims des entretiens.......................................................................................137
Annexe 1 : Mise au point sur les représentations sociales...................................137
Annexe 2 : Mise au point sur la notion d'autonomie.............................................139
Annexe 3 : Grilles d'entretien................................................................................140
Annexe 4 : Flyer invitant les élèves à participer au questionnaire........................144
Annexe 5 : Questionnaire élèves..........................................................................145
Annexe 6 : Résultats du questionnaire.................................................................151
Annexe 6 : Documents concernant l'ESJ fournis par la maison médicale et le
collège...................................................................................................................159
Annexe 7 : Exemples de thèmes choisis par les adolescents grâce aux post-it..160
Introduction
INTRODUCTION
L'Espace Santé Jeune (ESJ) est un projet d'éducation pour la santé mené dans
un collège du Maine et Loire à l'initiative de médecins généralistes du secteur.
Depuis sa création en 2007-2008, ce projet réunit différentes structures locales : la
maison médicale de la commune, le collège privé Jean Blouin et le Centre Social
Intercommunal (CSI, dépendant de la communauté de communes). Ces différents
professionnels proposent aux jeunes collégiens de la 6ième à la 3ième de participer
à des espaces de parole sur la santé. La participation des élèves aux séances
mensuelles et le choix des thèmes de discussion est libre. Chaque séance a lieu en
présence de deux adultes : l'un des cinq médecins généralistes, accompagné d'un
enseignant ou de l'animateur jeunesse du CSI. Ce projet ne dépend d'aucun
programme de financement, la participation volontaire des animateurs n'entraine pas
de rémunération supplémentaire.
Quatrième axe de la Promotion de la Santé, l'éducation pour la santé vise à
développer les connaissances et les aptitudes qui favorisent la santé de l'individu et
de la communauté (1). L'éducation pour la santé en milieu scolaire se base en
pratique sur l'échange autour des représentations en santé de chacun, le
développement des compétences psycho-sociales et l'apport de connaissances (2).
Définie au sein des caractéristiques de la médecine générale par la WONCA en
2002, l'éducation pour la santé pose cependant certaines difficultés pratiques en
médecine générale (3).
Original, le projet de l'ESJ pose les questions de la perception, du sens et des
bénéfices que lui confèrent ses participants. Cette étude mixte, majoritairement
qualitative, tentera d'explorer les représentations et les effets perçus de l'Espace
Santé Jeune par ses différents acteurs, afin de mieux comprendre ce projet
d'éducation pour la santé mené par des généralistes en milieu scolaire.
8
Contexte
CONTEXTE
I. Prévention, éducation pour la santé... De quoi
parle-t-on ?
A. La prévention, des définitions floues…
Le terme prévention dérive étymologiquement du latin praeventio «action de
devancer, action de prévenir en avertissant». Depuis la définition proposée par l'OMS
en 1948 à la définition de la loi du 4 mars 2002, les champs de la prévention se sont
considérablement élargis : de l'évitement des maladies à la promotion de la santé, le
terme prévention regroupe aujourd'hui des pratiques multiples se défendant de
concepts théoriques radicalement différents.
C'est pourquoi, comme l'indiquent les deux derniers rapports publiques sur le
sujet, la prévention est difficile à définir…
En introduction du rapport d'enquête de la Cour des Comptes d'octobre 2011, les
auteurs signalent que « l'imprécision du champ [de la prévention ] a conduit de fait à
adopter différentes classifications qui traduisent de considérables disparités
d’approches » (4). Même constatation pour les auteurs du rapport Flajolet en 2008
qui précisent que « La prévention fait partie de ces concepts dont nous avons tous
une connaissance intuitive mais qui finalement posent des difficultés dès lors qu’il
s’agit d’en livrer une définition précise » (5).
Voici cependant quelques repères :
•
OMS 1948 :
"La prévention est l'ensemble des mesures visant à éviter ou réduire le nombre et
la gravité des maladies, des accidents et des handicaps" (5).
C'est la définition historique de la prévention, centrée sur l'évitement des maladies
et des risques.
•
Loi de 4 mars 2002 (4) :
« La politique de prévention a pour but d’améliorer l’état de santé de la population
en évitant l’apparition, le développement ou l’aggravation des maladies ou accidents
9
Contexte
et en favorisant les comportements individuels et collectifs pouvant contribuer à
réduire le risque de maladie et d’accident. À travers la promotion de la santé, cette
politique donne à chacun les moyens de protéger et d’améliorer sa propre santé. La
politique de prévention tend notamment à réduire les risques éventuels pour la santé
liés aux multiples facteurs susceptibles de l’altérer, tels l’environnement, le travail, les
transports, l’alimentation ou la consommation de produits et de services, y compris
de santé ; à améliorer les conditions de vie et à réduire les inégalités sociales et
territoriales de santé ; à entreprendre des actions de prophylaxie et d’identification
des facteurs de risque ainsi que des programmes de vaccination et de dépistage des
maladies ; à promouvoir le recours à des examens biomédicaux et des traitements à
visée préventive ; à développer des actions d’information et d’éducation pour la santé
et à développer également des actions d’éducation thérapeutique »
Bien que la loi du 4 mars ait été complétée depuis par la loi de santé publique du
9 août 2004, la cour des comptes l'a choisie pour définir la prévention car elle illustre
une conception « extensive » et exhaustive des pratiques de prévention.
•
Rapport Flajolet, 2008 (5) :
« Une définition de la « prévention globale » entendue comme la gestion de son
capital santé : gestion active et responsabilisée par la personne de son capital santé
dans tous les aspects de la vie. L’action de promotion de la santé, de prévention des
maladies ou d’éducation thérapeutique est déclenchée par un ou des professionnels.
Une participation active de la personne, ou du groupe ciblé, est systématiquement
recherchée. »
B. Classifications des pratiques de prévention
Selon les auteurs du Traité de Santé Publique publié en 2007 (6), les actions de
prévention peuvent être divisées en deux cadres théoriques en fonction des
concepts idéologiques auxquels elles se rattachent. Cette classification est
complétée par une approche plus pratique : classification en fonction du niveau
d'évolution de la maladie, ou en fonction du public bénéficiaire des actions de
prévention.
1. Classification conceptuelle
Les deux cadres théoriques sont définis en fonction du concept auquel s'attachent
les interventions de prévention (6) :
10
Contexte
•
La prévention dite de "protection" qui est avant tout une prévention "de", ou
"contre", laquelle se rapporte à la défense contre des agents ou des risques
identifiés.
•
La prévention dite "positive" voire universelle, du sujet ou de la population,
sans référence à un risque précis, qui renvoie à l'idée de "promotion de la
santé".
2. Classification en fonction de l'évolution de la maladie
Il s'agit de la classification en prévention primaire, secondaire ou tertiaire (5) :
•
Avant l'apparition de la maladie : prévention primaire. Le but est de diminuer
l'incidence d'une maladie dans une population en réduisant autant que faire se
peut les risques d'apparition de nouveaux cas (prise en compte des conduites
individuelles à risque, et des risques environnementaux ou sociétaux).
•
Au tout début de la maladie : prévention secondaire. Le but est de diminuer la
prévalence d’une maladie dans une population en agissant au tout début de
l’apparition de la pathologie afin de s’opposer à son évolution (dépistage), ou
encore en diminuant les facteurs de risque.
•
Une fois la maladie installée : prévention tertiaire. Le but est de diminuer la
prévalence des complications, invalidités ou rechutes consécutives à la
maladie chronique. En d’autres termes, il s’agit d’amoindrir les effets et
séquelles d’une pathologie ou de son traitement. Par ailleurs, la prévention
tertiaire vise la réadaptation du malade, sous la triple dimension du médical,
du social et du psychologique (rôle de l'éducation thérapeutique du patient).
3. Classification en fonction de la population à laquelle s'adresse la
prévention
En parallèle, en 1982, RS Gordon (5) propose une approche de la prévention,
non basée sur le stade d'évolution de la maladie mais sur le type de public
bénéficiaire. C'est l'approche populationnelle. Elle distingue elle aussi trois types de
prévention :
•
La prévention universelle est destinée à l’ensemble de la population, quel que
soit son état de santé. Le champ de « l’éducation pour la santé » se réfère à
cette notion.
•
La prévention sélective s’exerce en direction d'un sous-groupe de population
spécifique : automobilistes, travailleurs du bâtiment, hommes de plus de 50
11
Contexte
ans, etc. Ainsi, des campagnes telles que la promotion du port de la ceinture
de sécurité, ou encore de la contraception constituent des exemples d’action
de prévention sélective.
•
La prévention ciblée est non seulement fonction de sous-groupes de la
population mais aussi et surtout fonction de l’existence de facteurs de risque
spécifiques à cette partie bien identifiée de la population (glycosurie chez les
femmes enceintes, cinquantenaires présentant une hypercholestérolémie…).
4. Classification en fonction du type d'action
Selon le rapport Flajolet, la « prévention globale » peut être déclinée en 4 grands
modèles :
•
Prévention par les risques, qui est la plus classique actuellement et qui
concerne le champ sanitaire ;
•
Prévention par les populations, dans une logique d’éducation pour la santé
entendue globalement ;
•
Prévention par les milieux de vie, qu’il s’agit de rendre sains et favorables ;
•
Prévention par les territoires, pour bénéficier de la connaissance et de la
proximité du terrain et des populations.
C. Notions nécessaires à la compréhension du concept
d'éducation pour la santé
1. La santé
En 1946, l'OMS propose une définition de la santé, considérée comme un « état
de complet bien-être physique, mental et social, et ne consistant pas seulement en
une absence de maladie ou d'infirmité ». Cependant cette définition est actuellement
remise en question. Cet état de bien-être complet, stable et rigide semble difficile à
atteindre (7), et ne repose que sur trois dimensions de l'Homme.
Depuis 1986 et la conférence d'Ottawa, l'OMS propose une nouvelle définition :
« la santé, c’est la mesure dans laquelle un groupe ou un individu peut d’une part,
réaliser ses ambitions et satisfaire ses besoins, et d’autre part, évoluer avec le milieu
ou s’adapter à celui-ci. La santé est donc perçue comme une ressource de la vie
quotidienne, et non comme le but de la vie… » (8). Cette définition semble compléter
la précédente. La santé n'y est plus considérée comme un idéal à atteindre mais
comme une ressource, c'est à dire un moyen de réaliser ambitions et besoins. Ces
12
Contexte
deux notions sont d'ailleurs importantes puisqu'elles font passer un système
tridimensionnel (bio-psycho-social) à un système multi-dimensionnel, où les
dimensions sont celles définies par le sujet lui-même, prenant ainsi en compte le
sens qu'il désire donner à sa vie. Le troisième point à noter est la notion d'évolution
et d'adaptation : la santé n'est plus un état stable et rigide mais un processus
dynamique, évoluant en fonction des évènements de vie du sujet.
Sans pour autant abandonner la définition historique d'état complet, la conception
actuelle de la santé n'exclut pas le processus qui permet d'y tendre. Autant le
concept d'état complet considéré seul exclut une majorité de personne de l' « état de
bonne santé », autant le concept de ressource inclut les personnes n'ayant pas une
santé objectivement parfaite mais la percevant comme satisfaisante. Cela rend donc
la notion de santé plus accessible et plus subjective.
2. Les déterminants de santé
A chaque étape de la vie, l'état de santé est influencé par une multitude de
facteurs, interagissant de manière complexe les uns avec les autres. Ces facteurs
sont appelés déterminants de santé. Plusieurs modèles ont été proposés pour en
rendre compte, et ce champ complexe est l'objet de nombreuses recherches
scientifiques. Le point commun de ces travaux est de bousculer le poids que
représentent actuellement les comportements à risque dans la genèse des
problèmes de santé. Ces recherches les mettent en perspective en identifiant les
facteurs qui influencent en amont ces comportements même, notamment les facteurs
de position sociale. Elles justifient que le champ de la prévention se déplace de la
lutte contre les comportements à risque vers la promotion de conditions de vie plus
favorables.
Par souci de simplification nous nous contenterons d'illustrer le concept de
déterminants de santé grâce au modèle de Dahlgren et Whitehead, 1991 (9).
Selon ces auteurs, les déterminants de santé s'échelonnent sur quatre niveaux :
•
Le niveau « zéro » concerne les déterminants de santé non modifiables tels
les facteurs biologiques, l'âge, le sexe.
•
Le premier niveau « Facteurs liés au style de vie personnel » concerne les
comportements et styles de vie personnels, influencés par les modèles qui
régissent les relations entre amis et dans l’ensemble de la collectivité. Ces
rapports peuvent être favorables ou défavorables à la santé. Les personnes
désavantagées ont tendance à montrer une prévalence plus élevée des
13
Contexte
facteurs
comportementaux
comme
le
tabagisme
ou
l'alimentation
déséquilibrée. Ils feront également face à des contraintes financières plus
importantes pour choisir un style de vie plus sain.
•
Le second niveau « Réseaux sociaux et communautaires » comprend les
influences sociales et collectives : la présence ou l’absence d’un soutien
mutuel dans le cas de situation défavorable a des effets positifs ou négatifs.
Ces
interactions sociales et la
pression des
pairs
influencent les
comportements individuels.
•
Le troisième niveau « Facteurs liés aux conditions de vie et de travail »
désigne l’accès au travail, l’accès aux services et aux équipements
essentiels : eau, habitat, services de santé, nourriture, éducation mais aussi
les conditions de travail. La santé des personnes socialement désavantagées
(soumises à des conditions d’habitat plus précaires, à des conditions de travail
plus dangereuses et stressantes et à un accès médiocre aux services) est
défavorablement influencée par ces facteurs.
•
Le quatrième niveau « Conditions socio-économiques, culturelles et
environnementales » englobe les facteurs qui influencent la société dans son
ensemble. Ces conditions, comme la situation économique du pays et les
conditions du marché du travail ont une incidence sur toutes les autres
strates. Le niveau de vie atteint dans une société, peut par exemple influer sur
les possibilités de trouver un logement, un emploi, ainsi que sur les habitudes
en matière d’alimentation. De même, les croyances culturelles sur la place des
femmes dans la société ou les attitudes profondes par rapport aux
communautés ethniques minoritaires peuvent influer sur leur niveau de vie et
leur position socioéconomique.
Nous voyons donc que les déterminants de santé sont multiples, allant de critères
strictement individuels comme les fonctions biologiques, à des critères collectifs
larges comme la culture dans laquelle évolue un individu. On constate que les
comportements de santé, bien qu'étant un déterminant de santé évident, doivent être
compris au sein des autres facteurs d'influence et ne constituent donc pas l'unique
porte d'entrée pour intervenir en prévention. Au contraire, comme le rapporte
l'INPES, « les comportements préjudiciables à la santé apparaissent associés aux
positions inégales que les personnes occupent dans la hiérarchie sociale et l’état de
14
Contexte
santé résulte de l’action de déterminants socio-environnementaux », ce qui élargi les
possibilités d'action.
Cette approche a été complétée depuis 1991, et à titre d’illustration on se réfèrera
au modèle proposé par l’Institut National de Santé Publique du Québec dans un
ouvrage récent (10), qui propose une approche en 5 domaines. Chaque domaine
faisant l’objet d'une déclinaison plus précise permettant d’envisager différents types
d’interventions correctrices, résumé dans l'illustration 1.
3. La promotion de la santé
Les principes de la promotion de la santé (PDS) ont été posés en 1986 lors de la
Conférence internationale pour la promotion de la santé à Ottawa et sont rapportés
dans la Charte d'Ottawa (8). Cette charte est un texte de référence pour les acteurs
de la prévention et de l'éducation pour la santé.
15
Contexte
Selon cette charte, « la promotion de la santé a pour but de donner aux individus
davantage de maîtrise de leur propre santé et davantage de moyens de l'améliorer.
Pour parvenir à un état de complet bien-être physique, mental et social, l'individu, ou
le groupe, doit pouvoir identifier et réaliser ses ambitions, satisfaire ses besoins et
évoluer avec son milieu ou s'y adapter. La santé est donc perçue comme une
ressource de la vie quotidienne, et non comme le but de la vie; c'est un concept
positif mettant l'accent sur les ressources sociales et personnelles, et sur les
capacités physiques. La PDS ne relève donc pas seulement du secteur de la santé :
elle ne se borne pas seulement à préconiser l'adoption de modes de vie qui
favorisent la bonne santé ».
On peut lire dans cette définition que la PDS ne relève pas uniquement du
secteur de la santé. Cette affirmation peut aisément se comprendre à la lumière des
recherches sur les déterminants de santé : les premiers niveaux de déterminants
relèvent du secteur sanitaire, mais les autres niveaux dépendent des milieux de vie,
des conditions sociales, des politiques de santé, donc des secteurs politiques,
économiques, environnementaux…
En conséquence, la charte d'Ottawa propose un pré-requis et 5 axes pour
développer la PDS:
•
Pré-requis indispensable à toute amélioration de la santé.
« La santé exigeant un certain nombre de conditions et de ressources préalables.
L'individu doit pouvoir notamment : se loger, accéder à l'éducation, se nourrir
convenablement, disposer d'un certain revenu, bénéficier d'un éco-système stable,
compter sur un apport durable de ressources, avoir droit à la justice sociale et à un
traitement équitable. »
•
Axe 1 : Élaboration de politiques de santé
« La politique de promotion de la santé associe des approches différentes, mais
complémentaires ; mesures législatives, financières et fiscales et changements
organisationnels, notamment. Il s'agit d'une action coordonnée conduisant à des
politiques de santé, financières et sociales qui favorisent davantage d’équité. »
•
Axe 2 : Création d'environnements favorables
16
Contexte
« L'évaluation systématique des effets sur la santé d'un environnement en
évolution rapide notamment dans les domaines de la technologie, du travail, de
l'énergie et de l'urbanisation est indispensable et doit être suivie d'une action
garantissant le caractère positif de ces effets sur la santé du public. »
•
Axe 3 : Renforcement de l'action communautaire
« La promotion de la santé passe par la participation effective et concrète de la
communauté à la fixation des priorités, à la prise des décisions et à l'élaboration et à
la mise en œuvre des stratégies de planification en vue d'atteindre une meilleure
santé. »
•
Axe 4 : Acquisition d'aptitudes individuelles
« La promotion de la santé appuie le développement individuel et social grâce à
l'information, à l'éducation pour la santé et au perfectionnement des aptitudes
indispensables à la vie. Ce faisant, elle donne aux gens davantage de possibilités de
contrôle de leur propre santé et de leur environnement et les rend mieux aptes à
faire des choix judicieux. »
•
Axes 5 : Réorientation des services de santé
« Par delà son mandat qui consiste à offrir des services cliniques et curatifs, le
secteur de la santé doit s'orienter de plus en plus dans le sens de la promotion de la
santé. Les services de santé doivent se doter d'un mandat plus vaste, moins rigide et
plus respectueux des besoins culturels, qui les amènent à soutenir les individus et
les groupes dans leur recherche d'une vie plus saine et qui ouvre la voie à une
conception élargie de la santé, en faisant intervenir, à côté du secteur de la santé
proprement dit, d'autres composantes de caractère social, politique, économique et
environnemental. »
17
Contexte
4. Les comportements
Les comportements néfastes à la santé sont un enjeu de la prévention. En effet,
selon l'OMS, sur les 10 causes de décès les plus fréquentes dans le monde entre
2002 et 2012, sept d'entre elles sont liées à des comportements individuels
(cardiopathie ischémique, accident vasculaire cérébral, broncho-pneumopathie
chronique obstructive (BPCO), cancer du poumon, de la trachée, infection par le VIH,
diabète sucré et accidents de la route) (11). Cela explique qu'une part majeure de la
prévention, notamment en France, soit tournée vers la réduction des comportements
à risque.
Selon l'OMS dans le Glossaire de la Promotion de la Santé, un comportement de
santé est défini comme « Toute activité entreprise par une personne, quel que soit
son état de santé objectif ou subjectif, en vue de promouvoir, de protéger ou de
maintenir la santé, que ce comportement soit ou non objectivement efficace dans la
perspective de ce but. »
Cependant cette définition doit être complétée. En effet elle semble réduire le
comportement à sa dimension individuelle. Or, comme l'expliquent de nombreux
auteurs, les comportements ne doivent pas être isolés des autres facteurs
influençant la santé. Selon P. Lamour et O. Brixi, un comportement peut se
comprendre dans une trajectoire individuelle comme une « stratégie développée par
18
Contexte
l’individu, en réponse à la multiplicité et la complexité des facteurs qui influencent sa
vie, dont la rationalité peut nous échapper [et dont] le sens est à chercher dans la
construction de sa propre histoire et celle de ses semblables » (1).
En effet, les comportements sont un phénomène complexe. Ils s'appuient sur les
représentations sociales (cf. annexe 1), le niveau économique et le milieu social
dans lequel évolue les individus (12). Expliquer un comportement de manière isolée,
par la seule volonté individuelle, ou par la seule méconnaissance de risque, revient à
ignorer la complexité des personnes. Cette complexité est illustrée par P. Lecorps
(1), pour qui un individu évolue dans trois grandes dimensions :
•
celle de sujet individuel, désirant et contradictoire
•
celle de sujet inséré dans une culture, qui le modèle et le contraint
•
celle de sujet politique, collectivement responsable et à la fois dépossédé des
choix de société qui conditionnent la qualité de la vie
Ainsi,
certaines
comportement,
ou
interventions
une
de
prévention
« responsabilisation »
visant
des
un
individus
changement
quand
à
de
leur
comportement posent un problème éthique. Est-il bienveillant ou non-malfaisant de
demander un changement de comportement à un individu sans d'abord en
questionner le sens ? Est-il équitable de demander un changement de comportement
néfaste à la santé lorsqu'on sait que celui-ci est lié à des conditions sociales
défavorables, sans lutter contre celles-ci ? Renforce-t-on l'autonomie des personnes
lorsqu'une demande de changement de comportement ne prend pas en compte la
nécessité de développer des compétences individuelles avant de le mettre en
place ?
S. Tessier, illustre ces interrogations en parlant du comportement comme un état
d'équilibre (13). Un état d'équilibre qui permet éventuellement de compenser une
situation défavorable. Ainsi, toute proposition de changement de comportement doit
être accompagnée par la proposition d'un nouvel état d'équilibre, sinon ce
changement est voué à l'échec. L'auteur prend l'exemple d'une personne sans
domicile fixe, alcoolo-dépendante : proposer un arrêt de la consommation d'alcool à
cette personne sans l'accompagner vers des conditions de vie acceptables ne
semble ni cohérent, ni éthique.
Malgré tout, il existe une part d'individualité dans les comportements, que ces
auteurs nous permettent de mieux comprendre. Pour leur part individuelle, les
19
Contexte
comportements s'appuient sur les représentations sociales (14), cette notion
(développée en annexe 1) met en question la rationalité des comportements.
En effet, la raison pure ne semble constituer qu'une infime partie de la multitude
de
données
sur
lesquelles
s'appuient
nos
représentations
et
donc
nos
comportements. De plus, le « sujet » ne peut pas être résumé à un individu purement
rationnel, mais désirant et contradictoire. Un exemple illustrant cette notion est
l'existence de consommation de tabac chez les médecins. Comment expliquer cette
pratique chez des professionnels parfaitement « au courant » des risques et des
conséquences de leur comportement ? Ce comportement est parfaitement
irrationnel. Cette part prédominante d'irrationalité dans les représentations sociales,
et donc dans les comportements néfastes à la santé explique l'inefficacité des
stratégies de persuasion uniquement basées sur la rationalité cognitive.
En conclusion, on peut appréhender la notion de comportement comme une
expression de l'individu en fonction de son milieu. Un comportement a une
signification. Ainsi, au niveau individuel, toute proposition de changement doit être
précédée d'une compréhension de sa signification de la part de l'acteur de
prévention.
5. Information, persuasion, éducation
Il existe trois modes de communication lorsqu'un intervenant souhaite réaliser une
action de prévention auprès d'un public : l'information, la persuasion, l'éducation.
Chacun de ces modes présente un objectif, des moyens et des conséquences
propres.
a) Information
L'information se définit par la transmission de connaissances, de faits, entre
l'intervenant et son public. Son objectif est uniquement d'accroitre le volume de
connaissance du public, sans préjuger de l'utilisation qu'il fera de ces connaissances.
Lorsque cette stratégie est adoptée en prévention il importe d'adapter l'information au
public en se renseignant sur son niveau d'information préalable, ses représentations
de la situation, ses attentes, son état émotionnel, ainsi que de laisser le public gérer
le rythme et la quantité d'information délivrée. Enfin il importe d'évaluer la
compréhension des connaissances délivrées. Il est également conseillé de s'appuyer
sur des supports d'informations (brochures, site web…) afin d'améliorer la
20
Contexte
compréhension des connaissances. En dernier lieu, il importe de prêter attention à la
validité et à la source des connaissances diffusées.
b) Persuasion
La persuasion se définit comme la manière d'amener quelqu'un à croire ou à
accomplir quelque chose. Son objectif est de modifier un comportement du public
auquel on s'adresse. Pour y parvenir, l'intervenant peut utiliser des ressorts différents
afin de convaincre son public : la peur, la raison, l'humour, l'émotion, le rêve,
l'érotisme, la valorisation, la provocation. L'utilisation de certains de ces ressorts en
prévention est fortement critiquée, c'est notamment le cas de la stratégie basée sur
la peur.
En effet, la peur ne semble ni un ressort efficace, ni un ressort acceptable à
utiliser en éducation pour la santé en raison de l'angoisse qu'il provoque sur le public.
Il est nécessaire de comprendre que le changement de comportement ne peut
opérer que si les ressources du sujet sont supérieures à l'angoisse provoquée (15).
Par exemple un fumeur possède rarement la ressource nécessaire pour son sevrage
tabagique, le persuader par la peur ne l'empêche donc pas d'arrêter de fumer, mais
augmente son angoisse. Vivre avec cette angoisse n'est pas « un nouvel état
d'équilibre (13) » avec lequel il est possible de vivre. Le sujet va donc tenter de fuir
l'angoisse provoquée par diverses stratégies cognitives (minimisation du risque,
sentiment de ne pas être concerné par ce risque ou discrédit de la source). De plus,
l'utilisation massive de ces messages à un public extrêmement large, sans obtenir
son accord préalable, pose des problèmes éthiques : est-il bienveillant, non
malfaisant, juste et respecte-t-on l'autonomie des personnes en difficulté avec leur
tabagisme en leurs rappelant constamment et crument que « fumer tue » ?
La persuasion peut cependant être utilisée en prévention, notamment pour
renforcer la motivation des personnes qui ont choisi de changer de comportement.
c) Éducation
L'éducation est définie selon le dictionnaire Larousse comme la formation d'une
personne ou d'un groupe dans un domaine, ou encore les moyens mis en œuvre
pour développer une faculté. L'objectif est de développer l'autonomie du public
auquel on s'adresse, en développant ses compétences. Selon Albert Jacquard,
« l’éducation, c’est faire prendre conscience à chacun qu’il peut se choisir un destin
et s’efforcer de le réaliser. Il ne s’agit pas de fabriquer des hommes tous conformes à
21
Contexte
un modèle, ayant tous appris les mêmes réponses, mais des personnes capables de
formuler de nouvelles questions » (1).
L'éducation
s'appuie
sur
la
pédagogie,
dont
le
processus
permet
le
développement des compétences, et n'engage donc pas nécessairement le public au
changement comportemental. Elle développe cependant la capacité à mettre en
œuvre ce changement, en fonction de la motivation des personnes.
Au final, il est fondamental de ne pas confondre les objectifs et les moyens mis en
jeu : l'information n'a pas pour but le changement de comportement d'un sujet, et la
stratégie d'éducation n'est pas synonyme de la stratégie d'information. En pratique, il
faut cependant signaler que ces moyens peuvent être mêlés au sein d'une même
intervention et en fonction des objectifs recherchés.
6. Les compétences
Le concept de compétence fait l’objet de très nombreuses recherches en
sciences humaines. On pourrait les synthétiser en définissant la compétence comme
« un processus de mobilisation dans une situation authentique et complexe de la vie
professionnelle ou personnelle, d’un certain nombre de ressources internes (savoir,
savoir-faire, savoir-être) et de ressources externes (ressources de l’environnement),
pour répondre à une tâche ou à une situation-problème. La compétence n’est
réductible ni à la performance visée (le résultat visible), ni aux ressources
nécessaires pour la produire » (16).
Les savoirs correspondent aux connaissances, que l'ont peut délivrer lors d'une
action de prévention par le biais d'une information. On peut constater à la lecture de
cette définition que les savoirs ne sont pas suffisants pour engendrer la compétence :
il est nécessaire d'intégrer ce savoir et de pouvoir le mobiliser dans une situation
réelle. Ce processus est le processus d'apprentissage proposé lors d'une action
d'éducation pour la santé, il propose le développement de compétences et non la
seule transmission de savoir. Il faut bien sûr préciser que dans certaines situations le
savoir est nécessaire, pour développer cette compétence, et que sa transmission est
alors utile.
On constate également que la notion de compétence ne renvoie pas uniquement
à un processus individuel. Être compétent ne signifie pas forcément être indépendant
du soutien d'autrui. Au contraire, la compétence correspond dans certains cas à la
prise de conscience de ses limites et au développement de stratégies permettant
l'obtention d'une aide extérieure.
22
Contexte
Les compétences correspondent aux aptitudes nouvelles que la promotion de la
santé propose de faire acquérir. Elles permettent donc aux individus d'avoir
davantage de contrôle sur leur santé et de gagner en autonomie.
D. L'éducation pour la santé
Nous constatons donc que le terme de prévention est difficile à définir et renvoie à
une multitude de pratiques, se référant à des concepts théoriques divergents. Le
terme de promotion de la santé, qui renvoie à une vision humaniste de la prévention,
semble donc une alternative sémantique plus précise.
L'éducation pour la santé peut s'intégrer dans le cadre de la promotion de la
santé : parmi les 5 axes d'action proposés par la charte d'Ottawa, l'un propose le
développement des aptitudes individuelles renforçant la maîtrise de sa propre santé.
Ce développement d'aptitudes nouvelles est, comme nous allons le développer, le
but de l'éducation pour la santé.
1. Définition
Le glossaire de la base de donnée en santé publique (BDSP) propose cette
définition de l'éducation pour la santé : « L'éducation pour la santé comprend des
situations
consciemment
construites
pour
apprendre,
[...]
y
compris
les
connaissances, et pour développer les aptitudes à la vie, qui favorisent la santé de
l'individu et de la communauté. L'éducation pour la santé cherche également à
stimuler la motivation, les qualifications et la confiance (auto-efficacité) nécessaires
pour agir afin d'améliorer la santé » (17).
Selon l'IREPS des Pays de la Loire, « L'éducation pour la santé aide chaque
personne, en fonction de ses besoins, de ses attentes et de ses compétences, à
comprendre l'information et à se l'approprier pour être en mesure de l'utiliser dans sa
vie. En ce sens, la vulgarisation et la diffusion des connaissances scientifiques ne
suffisent pas. En matière d'action de proximité, l'éducation à la santé utilise des
méthodes et des outils validés favorisant l'expression des personnes et leur
permettant d'être associées à toutes les étapes des programmes, du choix des
priorités à l'évaluation. Elle est accessible à tous les citoyens et a le souci permanent
de contribuer à réduire les inégalités sociales de santé » (16).
A l'instar du concept de prévention, l'éducation pour la santé est omniprésente
dans le contexte de la santé publique, sous une multitude de discours et de pratiques
différentes (1). Ces pratiques sont encadrées en France par L'INPES créé par la loi
23
Contexte
du 4 mars 2002, responsable de trois missions : communication sur le thème de la
santé, prévention sanitaire et éducation pour la santé.
2. Une éducation pour la santé centrée sur les personnes
Dans le Traité de Santé Publique paru en 2007, O. Brixi et P. Lamour prennent
position pour une éducation pour la santé ancrée dans la promotion de la santé (1).
Les
auteurs
insistent
sur
la
nécessité
du
passage
de
la
logique
« comportementaliste » vers le concept du développement de compétences des
individus. Ils s'appuient sur la définition proposée en 2001 par le plan national
d'éducation pour la santé : « l'éducation pour la santé à pour but que chaque citoyen
acquière tout au long de sa vie les compétences et les moyens qui lui permettront de
promouvoir sa santé et sa qualité de vie ainsi que celle de la collectivité». Nous
décrivons ici les principales caractéristiques de ce type d'intervention. Elles doivent :
•
Prendre en compte la complexité des personnes, c'est à dire reconnaître
l'influence des contextes et des contraintes auxquelles celles-ci sont
soumises.
•
Intégrer une réflexion éthique des interventions, c'est à dire respecter les
principes de bienveillance, de non-malveillance, d'autonomie et de justice
sociale.
•
Favoriser l'émergence du sujet en valorisant son autonomie, sa liberté et sa
responsabilité.
•
Prendre en compte les représentations des personnes sur leur santé et
favoriser un dialogue respectueux permettant d'échanger sur ces différents
points de vue.
•
Prendre en compte la demande des publics, c'est à dire respecter leurs
attentes et leurs besoins. Proposer une éducation pour la santé qui réponde
aux problématiques quotidiennes des personnes.
•
Proposer une action adaptée aux personnes, et non normée et répétitive.
Pour cela, disposer d'un temps suffisant et de professionnels disponibles et à
l'écoute.
•
S'appuyer sur une pédagogie active qui place « l'apprenant au centre des
apprentissages » laissant une place à l'individu dans la construction et
l’appropriation de différents savoirs utiles pour sa santé.
24
Contexte
•
Viser à développer les compétences des personnes en reconnaissant et en
valorisant celles qu'elles possèdent déjà.
•
Favoriser
des
actions
de
proximité
et
développer
une
approche
communautaire.
3. Les professionnels de l'éducation pour la santé
L’éducation pour la santé est pratiquée par des professionnels de disciplines
variées : professionnels du soin, de la psychologie, de la santé publique, de la
sociologie, de l’anthropologie, des sciences de l’éducation, etc. Ils travaillent au sein
d’associations de santé, d’institutions de protection sociale, de collectivités
territoriales, des services de l’état et de l’éducation nationale et, parfois, de quelques
prestataires privés. Ils interviennent dans des milieux de vie aussi divers que les
établissements scolaires, les universités, les entreprises, les quartiers, les
établissements pénitentiaires ou les foyers d’hébergement.
Voici les principales institutions dont sont issus les professionnels de l'éducation
pour la santé :
•
L'INPES et les IREPS
•
Les associations de santé thématiques : les ANPAA (Association Nationale de
Prévention en Alcoologie et Addictologie), association AIDES, ou encore la
Ligue contre le cancer,
•
Les organismes de protection sociale (CPAM, etc.),
•
Les services de promotion de la santé en milieu scolaire,
•
Les collectivités territoriales,
•
Les établissements de soin (en développant notamment l'éducation
thérapeutique du patient).
4. Mise au point sur la pédagogie active
Selon Wikipédia, « la pédagogie désigne l'art de l'éducation ». Le terme
pédagogie renvoie aux méthodes permettant la transmission de connaissance, d'un
savoir ou d'un savoir faire (18).
En éducation pour la santé, les méthodes pédagogiques employées sont celles
de l'éducation nouvelle, paradigme éducatif qui considère l'éducation comme un acte
global de construction de la personne et non comme une simple transmission de
connaissances. Les humanistes de la renaissance l'ayant inspirée estimaient déjà
que « l'enfant n'est pas un vase qu'on remplit mais un feu qu'on allume » (19).
25
Contexte
La pédagogie de l'éducation nouvelle, aussi appelée pédagogie active (ou
participative), défend donc le principe d'une participation active des individus à leur
propre formation. Elle est inspirée du constructivisme défini par Jean Piaget (18).
En éducation pour la santé le processus pédagogique est conçu en 4 étapes (20).
1. Une étape « diagnostique » : avant l'intervention, l'intervenant cherche à
découvrir les représentations, la problématique, les motivations de l'apprenant.
2. Une phase de définition des objectifs : à l'issu du diagnostic, l'intervenant et
l'apprenant négocient les objectifs de l'apprentissage.
3. Une phase d'apprentissage : en utilisant des outils pédagogiques permettant la
participation active de l'apprenant.
4. Une phase d'évaluation formative : l'apprenant fait le bilan de ses
apprentissages.
Ce processus est conçu comme un cycle dynamique. En faisant évoluer
l'apprenant vers de nouvelles compétences, il peut mettre à jour de nouvelles
problématiques auxquelles pourront peut-être répondre un nouveau cycle éducatif.
II. Prévention et éducation pour la santé en
médecine générale
Les démarches de prévention et d'éducation pour la santé sont définies dans les
compétences du médecin généraliste (référentiel compétence de la WONCA (21),
convention nationale des médecins généralistes). Dans le traité de santé publique, le
rôle du médecin généraliste, en position clé entre le patient et les stratégies
nationales de prévention est évoqué, soulignant son intérêt dans la personnalisation
des messages de prévention (6). Cependant, il faut noter que P-L. Druais dans son
rapport ministériel soulignait la nécessité d'inclure le collège disciplinaire de
médecine générale dès la conception de ces stratégies nationales afin d’accroître la
faisabilité de cette mission (22).
Publié en 2009, le Baromètre Santé Médecins Généralistes est un outil précieux
pour comprendre comment les MG investissent cette mission définie au niveau
disciplinaire et quelles sont leurs pratiques concrètes en prévention (3).
Ce travail d'enquête révèle que 90 % des médecins estiment que la prévention fait
partie de leur rôle, et que 95 % pensent que la prévention de la population doit être
réalisée par eux-mêmes. Cette unanimité masque cependant une grande diversité
26
Contexte
d'opinions et de pratiques. Ces pratiques sont mises en place autour des 3 grands
axes de la prévention en médecine générale : la prévention médicalisée, l'éducation
pour la santé (EPS) et l'éducation thérapeutique du patient (ETP).
a) La prévention médicalisée
La prévention médicalisée correspond à la prévention basée sur des actes
techniques ou prescriptifs comme la vaccination, les dépistages opportunistes,
l'incitation aux dépistages organisés ou encore la prescription de médicaments
évitant rechutes et complications des maladies chroniques. Selon le Baromètre
Santé Médecins Généralistes, les praticiens ont une opinion très favorables de ces
pratiques, une grande facilité à les mettre en œuvre et y sont donc très investis.
b) L'éducation pour la santé
L'éducation pour la santé en médecine générale est définie de la même manière
que dans d'autres contextes. Elle présente néanmoins la spécificité d'être très
dépendante de la facilité avec laquelle le médecin aborde les thématiques d'EPS en
consultation. Il faut également remarquer que le Baromètre Santé MG, notre
principale source, ne s'intéresse à la pratique d'EPS que dans le cadre du colloque
singulier de la consultation, n'évoquant la participation à une association de
prévention ou à un réseau de santé que comme des pratiques parallèles.
Le
Baromètre
Santé
montre que
les
thèmes
biomédicaux
(prévention
cardiovasculaire ou cancers) sont beaucoup plus faciles à aborder pour les médecins
que les thèmes psycho-sociaux comme les addictions (à l'exception du tabac) ou la
vie affective et sexuelle. Plus le médecin est persuadé que son rôle est de faire de la
prévention sur un thème donné, plus il lui sera facile de l'aborder sans se sentir
« intrusif » dans la vie du patient. Les actions préventives sont notamment ciblées en
fonction des facteurs de risque connus du patient. Les médecins les plus à l'aise sont
également ceux qui ont reçu une formation en ETP/EPS et qui collaborent le plus
avec d'autres professionnels dans la prise en charge psychologique des patients.
L'acceptation sociale des effets négatifs du tabagisme semble expliquer l'exception
que ce thème représente dans les difficultés à aborder les problèmes psychosociaux.
Une des limites du Baromètre Santé est d'ignorer si l'abord de ces thématiques
biomédicales s'inscrit dans une véritable démarche éducative. Concrètement, il
27
Contexte
semble que cette pratique préventive repose principalement sur l'abord de la
thématique et la délivrance de conseils ou d'informations au patient.
c) Éducation thérapeutique du patient
L'éducation thérapeutique est définie comme une action qui « vise à aider les
patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au
mieux leur vie avec une maladie chronique » (23). Présentant de nombreux points
communs au niveau conceptuel et méthodologique avec l'éducation pour la santé,
elle s'en différencie par le public qui en bénéficie. L'ETP se préoccupe en effet des
patients atteints de maladies chroniques désireux de gagner en autonomie. Il s'agit
donc de prévention tertiaire.
Dans le cas de l'ETP, les représentations et pratiques d'une partie des médecins
généralistes semblent assez éloignées des recommandations. Selon le Baromètre
Santé, 95 % des MG déclarent informer et conseiller leurs patients, mais seulement
45 % les orientent vers des activités éducatives, et 33 % réalisent eux-mêmes des
séances éducatives. Les auteurs concluent que l'ETP en médecine générale reste
donc une pratique minoritaire, plaçant l'observance au centre de la démarche et
principalement axée sur le conseil et l'information.
De nombreux freins sont identifiés pour expliquer ces résultats, du côté des
médecins mais également du côté des patients. En effet de nombreux médecins
déclarent être confrontés à un manque de motivation des patients à entrer dans une
démarche éducative.
Il faut également remarquer que de plus en plus de médecins, notamment les
plus jeunes, ont le sentiment d'une baisse d'efficacité de leur action d'ETP. Les
auteurs du baromètre évoquent une augmentation des connaissances concernant
l'ETP de la part du corps médical, allant de pair avec une prise de conscience de la
difficulté du changement comportemental pour les patients.
Selon le Baromètre Santé, plusieurs facteurs pourraient aider les médecins dans
leurs pratiques préventives en général : plus de temps dédié à la prévention, plus de
soutien par les campagnes d'information, et une meilleure reconnaissance du rôle du
médecin généraliste en prévention. Il est intéressant de remarquer que le problème
de la rémunération n'est que très peu évoqué par les médecins comme facteur
facilitant des pratiques préventives.
28
Contexte
La délégation des tâches semble également une piste évoquée. Bien que les
médecins se considèrent comme les principaux acteurs de prévention, 80 %
estiment que les professionnels paramédicaux ont également un rôle à jouer en
prévention, 66 % pour ce qui concerne le secteur hospitalier et 60 % pour les
professionnels éducatifs et sociaux. Les auteurs remarquent que la littérature
scientifique va dans le sens de la collaboration interprofessionnelle : pour répondre à
l’accroissement majeur des recommandations de prévention et de prise en charge
des personnes atteintes de maladies chroniques, une transformation profonde des
modalités de travail des médecins semble nécessaire, avec un partage des tâches
entre médecins et non-médecins dans un travail d’équipe.
En conclusion, les pratiques préventives des médecins généralistes semblent
largement tournées vers la prévention médicalisée et l'abord des thèmes
biomédicaux. Les pratiques éducatives en santé semblent encore généralement
restreintes au conseil et à l'information. Afin de faire évoluer ces pratiques, le
décloisonnement des actions préventives par la collaboration en interprofessionnalité
et la transition d'un modèle médical centré sur le curatif vers un modèle intégrant les
aspects préventifs sont des enjeux majeurs de l'évolution du système de santé.
III. L'éducation pour la santé en milieu scolaire
La définition de l'éducation pour la santé en milieu scolaire rejoint celle de
l'éducation pour la santé. La circulaire du 24 novembre 1998 « orientations pour
l'éducation à la santé à l'école et au collège » la définit de la manière suivante : « À
l'opposé d'un conditionnement, l'éducation à la santé vise à aider chaque jeune à
s'approprier progressivement les moyens d'opérer des choix, d'adopter des
comportements responsables, pour lui-même comme vis-à-vis d'autrui et de
l'environnement. Elle permet ainsi de préparer les jeunes à exercer leur citoyenneté
avec responsabilité, dans une société où les questions de santé constituent une
préoccupation majeure. Ni simple discours sur la santé, ni seulement apport
d'informations, elle a pour objectif le développement de compétences [reposant] sur :
l'appropriation de connaissances utiles pour comprendre et agir ; la maîtrise de
méthodes de pensée et d'action ; le développement d'attitudes, telles que l'estime de
soi, le respect des autres, la solidarité, l'autonomie, la responsabilité » (2).
L'école (le terme école renvoie aux établissements scolaires en général) et la
santé sont unies par un lien privilégié. Il est en effet reconnu que les apprentissages
29
Contexte
et la santé sont interdépendants : l'éducation contribue à la santé, et la santé procure
les conditions nécessaires aux apprentissages. L'école étant un lieu privilégié de
développement des apprentissages, fréquenté quotidiennement par tous les enfants
pendant une décennie, il lui appartient donc de veiller à la santé des élèves et de
contribuer au développement des compétences permettant de la préserver (24).
Il est intéressant de rencontrer la notion de citoyenneté dans la définition de
l'éducation pour la santé en milieu scolaire. La mission première du système éducatif
est la formation des citoyens de demain pour permettre la réussite de tous (25). Les
points communs entre l'apprentissage du « vivre ensemble » citoyen et celui des
compétences en santé sont nombreux. Prenant en compte cette proximité, le
ministère de l'Éducation Nationale a créé en 2005 les Comité d’Éducation à la Santé
et à la Citoyenneté (CESC). Sous la responsabilité du chef d'établissement, et
réunissant tous les acteurs de l'établissement, les CESC ont pour mission de définir
et d'organiser les programmes d'éducation à la santé, les plans de prévention de la
violence, les actions d'éducation citoyennes et d'apporter un soutien aux parents en
difficulté. Ils sont les pivots des projets d'éducation pour la santé mis en place dans
les établissements scolaires.
Dans la pratique, il ne s'agit pas de simplement transférer les problématiques de
santé vers l'école, mais plutôt de « mobiliser dans la mission propre de l'école ce qui
est de nature à promouvoir la santé » (26). Il est également nécessaire de respecter
l'autonomie des enfants, et celle des parents dans leur droit de les éduquer tel qu'ils
l'entendent, sous réserve du respect de la Loi. De part sa position particulière entre
sphère privée et sphère publique l'école doit exiger une réflexion éthique rigoureuse
avant d'initier un projet d'éducation pour la santé. Ainsi un projet ne peut se contenter
de promouvoir l'application d'un mode de vie sain qui serait valable pour tous mais
doit favoriser l'échange autour des représentations sur la santé et placer en position
centrale le développement des compétences psycho-sociales (2,24,26).
A. Mise au point sur les compétences psycho-sociales
Les compétences psycho-sociales (CPS) ont été définies par la section Santé
mentale et prévention des conduites addictives de l'OMS en 1993 : « Les
compétences psycho-sociales sont la capacité d'une personne à répondre avec
efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne. C'est l'aptitude d'une
personne à maintenir un état de bien-être mental, en adoptant un comportement
30
Contexte
approprié et positif à l'occasion des relations entretenues avec les autres, sa propre
culture et son environnement» (27).
Les CPS (life skills en anglais) sont à rapprocher d'autres concepts proches sur le
plan théorique comme les habiletés sociales ou les compétences d'adaptation
définies en ETP.
Les CPS sont au nombre de 10, regroupées en paires :
•
Savoir résoudre des problèmes / Savoir prendre une décision
•
Avoir une pensée créative / Avoir une pensée critique
•
Savoir communiquer efficacement / Être habile dans les relations interpersonnelles
•
Avoir conscience de soi / Avoir de l'empathie pour les autres
•
Savoir gérer son stress / Savoir gérer ses émotions
Les CPS permettent de développer des ressources individuelles pour faire face
aux événements de la vie (développement de stratégies de coping), mais également
d'apprendre à connaître ses propres limites et de savoir utiliser les ressources de
son entourage et de son environnement. Par ces stratégies d'adaptation « sociale »
les CPS s’inscrivent dans le développement du lien social au sein de la
communauté. Elles ne doivent donc pas être interprétées dans une optique
individualiste, qui inciterait à une indépendance totale de l'individu.
Le développement des CPS est mis en œuvre dans de multiples programmes
d'éducation pour la santé. Il est l'axe central des programmes de prévention des
addictions (28), ou encore des projets portant sur la paix ou le renforcement de la
confiance en soi (27). De part leur transversalité, les CPS représentent le
dénominateur commun des projets d'éducation pour la santé, d'éducation à la
citoyenneté et d'apprentissage du vivre ensemble en milieu scolaire.
IV. Contexte du projet Espace Santé Jeune
A. La commune de Saint-Germain sur Moine
Selon Wikipédia (29), Saint-Germain-sur-Moine est une commune française
rurale et isolée située dans le département de Maine-et-Loire et la région Pays de la
Loire, membre de la communauté de communes de Moine-et-Sèvre, au cœur de la
région naturelle et historique des Mauges. D’après le recensement de l’Insee en
31
Contexte
2009, la commune de Saint-Germain-sur-Moine comptait 2771 habitants, soit une
augmentation d’environ 10,5 % par rapport à la population de 1999.
La population de la commune est relativement jeune. Le taux de personnes d'un
âge supérieur à 60 ans (17,6 %) est en effet inférieur au taux national (21,8 %).
Concernant l'enseignement scolaire, la commune totalise deux écoles primaires
(privée et publique), et un collège privé : le collège Jean Blouin. Au cours de l'année
scolaire 2011-2012, 145 élèves étaient scolarisés dans le secteur public, et 370 dans
le secteur privé.
En 2009, le revenu fiscal médian par ménage était de 16 581 €, ce qui plaçait
Saint-Germain-sur-Moine au 20 578e rang parmi les 31 604 communes de plus de
50 ménages en métropole, la part des agriculteurs et des ouvriers au sein de la
population active y est plus importante qu'au niveau national. Le taux de chômage y
était de 7,9 % en 1999.
Parmi les principaux établissements médicaux ou sociaux, peuvent être cités la
maison médicale, une pharmacie, le centre de santé du Val de Moine (où officient
plusieurs spécialistes), un cabinet d'orthophonie, ainsi qu'une maison de retraite.
B. Le cabinet médical Averroès
Cette maison médicale a été fondée en 2004 par 4 médecins généralistes au
cœur de Saint-Germain sur Moine. Actuellement, un de ces médecins a pris sa
retraite, et deux nouveaux praticiens ont rejoint l'équipe.
L'origine de cette maison médicale se trouve dans la volonté de quatre médecins
de construire un espace de travail permettant d'exercer en accord avec leurs valeurs
communes. Ces valeurs sont illustrées par le discours d'inauguration de la maison
médicale, prononcé en 2004 :
« Nous partageons tous les quatre une approche globale de la santé dans la
tradition humaniste d'Averroès et d'Hippocrate. L'approche scientifique organique
classique est nécessaire mais insuffisante. Il est nécessaire de s’intéresser à
l'Homme dans sa globalité en tenant compte de son histoire personnelle et des
interactions avec l'environnement. Cette approche globale privilégie l'accueil,
l'écoute, les conseils de prévention et d'orientation. L'acte du soin devient un
accompagnement de la personne dans son parcours de soin. Nous recherchons une
médecine de la personne qui soit à la fois curative et préventive, enrichissante pour
le malade et le médecin et qui s'engage dans une promotion du « mieux être ». »
32
Contexte
Lors de la création de leur lieu de travail, les quatre médecins ont donc façonné
un projet conforme à leur engagement. Cet engagement se décline sous diverses
formes : dans la définition du projet professionnel, dans le nom choisi pour la maison
médicale, mais aussi dans les murs ou dans l'organisation du travail.
a) Le projet d'installation
L'association de ces médecins a pour but de faciliter l'exercice de leur profession
commune : la médecine générale, c'est à dire de mieux assurer les soins curatifs et
palliatifs aux malades. Leur association y contribue en plusieurs points : amélioration
de la permanence des soins, aménagement des horaires, perfectionnement des
connaissances, partenariat avec les autres acteurs de santé, mais aussi intérêt
commun de prendre en compte « les causes véritables des maladies » en
développant l'éducation sanitaire, la prévention et l'accompagnement.
Ainsi, la maison médicale Averroès se donne pour mission d'être au service de la
commune, de la communauté de communes et des usagers. Lors de son
inauguration, les médecins ont donc rappelé les objectifs de leur installation :
•
Répondre aux besoins de santé des habitants et à la permanence des soins.
•
Réfléchir aux besoins de santé de la commune et participer éventuellement à
une politique de santé communale.
•
Conseiller et orienter les gens dans le système de soin, notamment grâce à
un secrétariat expérimenté et chaleureux.
•
Développer avec les habitants des actions en matière de prévention,
d'éducation et de travail en réseau.
b) Le choix d'Averroès
Averroès est un médecin, philosophe, théologien, juriste et mathématicien arabe
né en 1126 à Cordoue, en Andalousie. Grand penseur de l'Espagne musulmane, il
étudie et commente l'œuvre d'Aristote. De part sa contribution à la séparation
conceptuelle entre la foi et la science, certains le décrivent comme l'un des pères
fondateurs de la pensée laïque en Europe de l'ouest (30). Dans son traité de
médecine « Colliget », à propos des moyens de guérir, il explique que le médecin
doit « aider le corps humain à trouver la guérison en respectant l'histoire naturelle de
la maladie », sinon l'« administration du remède serait pire que le mal ». Il met
également en avant l'importance de la prévention et de la nutrition. Déclaré
hérétique, Averroès sera exilé et son œuvre dénoncée. Il sera finalement réhabilité
33
Contexte
avant sa mort en 1198. La philosophie d'Averroès a inspiré les médecins fondateurs
du cabinet médical de Saint Germain sur Moine, qui décidèrent de baptiser de son
nom leur lieu d'exercice.
c) Les murs
La maison en elle-même a été conçue et bâtie spécialement pour le projet
d'installation. Les médecins avaient demandé à l'architecte de concevoir un lieu
propice à « une rencontre entre un patient et un soignant », ce qui se traduit
aujourd'hui par l'accueil du patient dans un hall vaste et lumineux.
Bâtis pour la « rencontre », les murs ont été décorés dans ce même esprit. À la
demande de l'équipe médicale une artiste a été chargée de réaliser plusieurs œuvres
(des mosaïques) évoquant la rencontre, qui ont été installées à l'entrée du cabinet et
dans les salles de soin. Ces œuvres traduisent la conception du soin défendue par
les praticiens.
d) L'organisation du travail
Sur le plan juridique il s'agit d'une société civile de moyens (SCM) dont le but est
de faciliter l'exercice d'une profession commune : la médecine générale.
Étant conscients de la difficulté d'exercer à la fois la médecine générale classique
et de s'investir dans d'autres projets plus globaux, les médecins ont choisi de
reporter dans leur contrat d'association un paragraphe de protection. « L'organisation
[du travail] tient compte de la volonté de chacun des médecins de pouvoir s'investir
dans des activités professionnelles en dehors du cabinet (éducation sanitaire,
prévention, recherche, formation continue, enseignement, coordination...). […] Les
médecins se réunissent au moins une fois par semaine. »
Aujourd'hui, les médecins expliquent que leur organisation, l'accueil des internes,
la décision contractuelle de se réunir de manière hebdomadaire sont des facteurs
facilitant considérablement l'existence d'un projet comme l'Espace Santé Jeune.
C. Le collège Jean Blouin
Collège rural au cœur de la commune de Saint-Germain, le collège Jean Blouin
est un établissement privé catholique sous contrat accueillant 218 élèves de la
sixième à la troisième. Le projet d'établissement met l'élève au cœur des temps
éducatifs. Il est basé sur 5 axes :
•
Un collège à taille humaine qui accueille le jeune tel qu'il est et comme un être
en devenir ;
34
Contexte
•
Un collège où le jeune peut développer ses capacités dans un climat de travail
et prendre conscience qu'il est capable de réussir ;
•
Un collège qui recherche l'épanouissement de chacun ;
•
Un collège où chacun peut se construire humainement dans un climat de
respect ;
•
Un collège qui propose aux jeunes de s'ouvrir au monde et aux valeurs
chrétiennes.
Le projet ESJ est inscrit au sein de ce projet éducatif d'établissement.
D. Le projet Espace Santé Jeune
1. Généralités
Le projet « Espace Santé Jeune » est un projet d'éducation pour la santé se
déroulant dans le collège Jean Blouin de Saint-Germain sur Moine depuis janvier
2008. Il est animé par différents acteurs locaux : les membres de l'équipe éducative
du collège, les médecins généralistes de la maison médicale Averroès et un
animateur jeunesse du Centre Social Intercommunal (CSI). Le projet consiste à
proposer aux élèves de participer mensuellement à un espace de discussion sur la
santé animé par un binôme d'adultes (dont un médecin systématiquement). La
participation des élèves et les thèmes de discussion sont libres. Les objectifs du
projet sont au nombre de quatre :
1. Créer un espace libre d'écoute et de parole
2. Valoriser les démarches de bien-être
3. Informer sur la santé
4. Prévenir les comportements à risque.
2. Historique
a) Une initiative des médecins généralistes
Désireux de mettre en place une action de prévention, les médecins généralistes
mènent une réflexion dès avril 2007, inspirés par les expériences des maisons
médicales espagnoles et belges menées dans des collèges de proximité. Le constat
initial est le suivant :
•
Les adolescents sont dans une étape charnière de développement et sont
particulièrement exposés aux conduites à risque : consommation d'alcool ou
de stupéfiants, sexualité à risque ou encore souffrance morale. Il est donc
35
Contexte
justifié d'agir tôt auprès des jeunes, avant que ces comportements ne soient
installés, en mettant en œuvre une action de prévention primaire.
•
Les adolescents n'identifient pas toujours le médecin généraliste comme une
personne « ressource » en cas de situation de mal-être. De plus, tous les
jeunes ne consultent pas au cabinet et il est parfois difficile pour certains de
demander de l'aide. Il est donc nécessaire d'aller à leur rencontre en
proposant une action sur leur lieu de vie : le collège.
•
Il existe sur le secteur un potentiel médical et para-médical : professionnels en
nombre suffisant et motivés, permettant la création d'un projet.
Les médecins prennent par la suite contact avec les différents acteurs locaux : les
responsables des deux collèges du secteur (le collège privé de Saint Germain et le
collège public de la commune voisine) et les médecins généralistes exerçant sur ce
même secteur. Finalement parmi ces structures, seul le collège Jean Blouin
participera au projet. Il semble qu'à ce moment, l'initiative des médecins répondait à
un besoin de ce collège, ce qui n'était pas le cas du collège public, freinant
probablement l'implantation du projet.
Dans
le
même
temps,
l'équipe
médicale
a
effectué
une
demande
d'accompagnement au CREDEPS (actuellement IREPS) des Pays de la Loire, afin
d'être aidé dans ce projet par une équipe spécialisée.
b) Création d'une dynamique territoriale
Par souci d'intégrer le plus grand nombre d'acteurs, une réunion de concertation
est organisée en novembre 2007. Dix-huit personnes y assistent : parents d’élèves,
chefs d'établissement, enseignants, médecins généralistes, membres de l'IREPS, et
un éducateur du CSI.
À l'issue de cette réunion, les objectifs du projet sont définis et quatre parents
d'élèves se proposent pour participer à l'animation des séances, ce qu'ils feront
pendant un an. D'autres réunions rassembleront ce groupe pilote pour organiser le
démarrage du projet.
c) Les débuts au collège Jean Blouin
Afin d'implanter l'ESJ et de sensibiliser les élèves, un questionnaire a été diffusé
au collège fin 2007. Les élèves ont été invités à participer, et ont également été
sollicités pour donner leur avis sur la fréquence des séances, la méthode de choix
des thèmes et les thématiques qu'ils souhaitaient aborder.
36
Contexte
Soixante-dix jeunes ont répondu à ce questionnaire : 45 connaissaient l'existence
du futur projet et 47 étaient satisfaits de la fréquence des séances. Les thèmes
intéressant les jeunes étaient nombreux et variés (nutrition, alcool, tabac, drogues,
sexualité/puberté, relation parents/ados, anatomie, stress...)
La première séance a eu lieu au collège Jean Blouin le 17 Janvier 2008 en
présence de 27 jeunes et de 2 adultes animateurs.
3. Modalités d'intervention
a) Les séances
Les séances de l'ESJ ont lieu tous les 15 jours, en alternant les groupes de
niveau. Ainsi, les 6-5ièmes et les 4-3ièmes se voient proposer une séance tous les
mois. Les méthodes d'intervention sont identiques mais les élèves sont séparés
selon leur classe afin de faciliter la communication au sein des groupes.
Les séances durent 45 minutes et se déroulent sur le temps de pause du
déjeuner. Les élèves choisissent le jour même de se rendre ou non à la séance en
se présentant directement au lieu de RDV (le plus souvent à la cantine). Il n'existe
pas de système d'inscription préalable, ni d'engagement de l'élève à participer à une
future séance.
Au début de chaque année scolaire lors des premières séances, le cadre de
l'atelier est rappelé aux participants. De manière générale, les élèves sont sollicités
pour rappeler eux-mêmes les règles à l'ensemble du groupe. Ces règles sont :
respect des autres (pas de moqueries, pas de jugement), écoute de la parole des
autres, confidentialité des échanges.
Le choix des thèmes abordés est librement laissé aux élèves, qui les choisissent
en début de séance. Les adultes ont plusieurs fois tenté de dresser une liste de
thèmes pour l'année en proposant un recueil via une boite aux lettres anonyme ou
via une adresse mail « espace santé jeune ». En pratique ces deux moyens
d'échange ne sont pas réellement utilisés par les élèves.
Les séances ESJ ont pour but de proposer une discussion libre entre les
collégiens. Le respect des règles est garanti par la présence des adultes animateurs.
Afin de favoriser les échanges, les animateurs utilisent des techniques d'écoute
active et d'animation collective se référant à la pédagogie constructiviste, et utilisent
parfois des outils d'intervention (outils pédagogiques) : outil « potes et despotes »,
« Ados Sexo », diffusion de vidéo…
37
Contexte
Les animateurs sont présents en binôme à chacune des séances. L'un des
animateurs est toujours un médecin, accompagné d'un enseignant ou de l'animateur
jeunesse (AJ). Les cinq médecins de la maison médicale se relaient pour assurer
leur présence. Des parents d'élèves ont participé aux binômes durant la première
année du projet.
À la fin de chaque intervention, les animateurs effectuent un rapide compte-rendu
de la séance dans un cahier dédié : le cahier de « suivi ». Les réunions annuelles de
bilan y sont également consignées. Ce cahier contient donc toutes les informations
utiles sur l'ESJ, et permet une transmission des informations entre les animateurs.
b) Évaluation annuelle
Chaque année, la dernière séance de chaque groupe de niveau est consacrée à
l'évaluation annuelle de l'ESJ par les élèves. Encore une fois, cette séance est
proposée aux élèves sur la base du volontariat. Les élèves sont amenés à exprimer
leurs remarques sur la qualité et le fonctionnement de l'ESJ, ainsi que sur les thèmes
abordés. Il n'existe pas de protocole de cette évaluation. Les élèves sont souvent
invités à exprimer leur approbation sur les critères en votant avec des cartons de
couleur (vert, orange et rouge). En 2014 une enquête sous forme de questionnaire a
été réalisée dans l'établissement pour évaluer la satisfaction des élèves concernant
l'ESJ.
En parallèle, les animateurs (médecins, professeurs, animateur jeunesse et
directeur) organisent des temps de concertation réguliers. Ils se réunissent
notamment en début et en fin d'année scolaire pour faire le bilan des séances,
évoquer des difficultés ou mettre en œuvre une amélioration pour l'année suivante.
38
Matériel et méthode
MATÉRIEL ET MÉTHODE
I. Description et objectif de l'étude
L'objectif principal de cette étude est de comprendre comment les différents
acteurs de l'Espace Santé Jeune perçoivent une intervention d'éducation pour la
santé proposée depuis 7 ans au collège Jean Blouin de Saint-Germain sur Moine.
Les différents acteurs sont les élèves, les médecins généralistes animateurs, l'équipe
éducative du collège (chef d'établissement et enseignants) et l'animateur jeunesse
du Centre Social Intercommunal.
L'objectif secondaire de l'étude est de déterminer des pistes d'amélioration dans
le fonctionnement du projet Espace Santé Jeune.
Il s'agit d'une étude mixte (qualitative et quantitative) réalisée par focus groups et
entretiens individuels semi-directifs auprès des différents acteurs. Le volet de l'étude
centré sur les perceptions des élèves s'appuie sur une méthode séquentielle
exploratoire : un questionnaire construit à partir des données récoltées en entretien a
permis d'affiner les résultats concernant les élèves participant à l'étude.
II. Lieu de l'étude
Cette étude est mono-centrique, elle s'est déroulée au sein de la maison médicale
Averroès et du collège privé Jean Blouin appartenant tous deux à la commune de
Saint Germain sur Moine, dans le département du Maine et Loire (49).
III. Population de l'étude
A. Définition de la population
La population étudiée est composée des acteurs du projet Espace Santé Jeune. Il
s'agit des 218 élèves de 6ième, 5ième, 4ième, 3ième du collège Jean Blouin, des 21
enseignants et du directeur du collège, de l'animateur jeunesse du CSI de la
communauté de communes de la Moine, des 5 médecins généralistes de la maison
médicale Averroès.
39
Matériel et méthode
B. Critères d'inclusion
Être élève ou enseignant au collège Jean Blouin.
Être médecin généraliste à la maison médicale Averroès.
Être volontaire pour participer à l'étude.
Critère de participation à l'Espace Santé Jeune requis pour les focus groups :
avoir participé au moins une fois à une séance de l'Espace Santé Jeune (en tant que
jeune ou adulte).
Pas de critère de participation à l'Espace Santé Jeune pour le questionnaire
destiné aux élèves.
C. Critères d'exclusion
Les élèves de 6ième ont été exclus de l'étude. Lorsque le recueil de données a
débuté, les élèves de 6ième n'avaient eu qu'une seule occasion de participer à une
séance de l'Espace Santé Jeune. Il a été estimé que leur expérience de l'ESJ était
trop faible pour contribuer à l'étude.
D. Constitution du corpus de l'enquête qualitative
Dans une recherche qualitative, la diversité de l'échantillon est plus importante
que sa représentativité, il s'agit de panacher les opinions recueillies (31). La taille de
l'échantillon - souvent modeste - n'obéit donc pas à une règle de calcul. Nous avons
choisi d'interroger tous les types d'acteurs participant au projet (élèves, enseignants,
chef d'établissement, médecins, animateur jeunesse). L'enquête a pris fin après
recueil des opinions de chaque type d'acteurs.
IV. Recueil des données
A. Le choix d'une méthode mixte
Nous avons choisi d'introduire une méthode mixte au sein de cette étude
qualitative. La méthode mixte est définie par l'association au sein d'un même
protocole de recherche de méthode qualitative et quantitative.
L'avantage d'une méthode mixte est de combiner les atouts des méthodes
qualitatives et quantitatives pour renforcer les résultats d'une étude et ainsi limiter les
biais inhérents à l'utilisation isolée de ces méthodes. Une méthode mixte permet
d'aborder la problématique à partir de différents points de vue : on parle de
triangulation. La triangulation vise à la convergence ou la corroboration des résultats
40
Matériel et méthode
issus de différentes méthodes dans une optique de validation des interprétations
(32).
Concernant les données récoltées auprès des élèves, nous avons fait le choix
d'utiliser une méthode mixte de type séquentielle exploratoire. Dans cette méthode,
l'étude qualitative précède l'étude quantitative, qui est construite à partir des résultats
obtenus. Elle permet d'explorer des phénomènes dont les caractéristiques ne sont
pas connues a priori ou d'extrapoler les résultats de l'enquête qualitative. Dans notre
étude, un questionnaire a été mis au point à partir des résultats des focus groups des
élèves.
B. Méthodes de recueil des données
1. L'entretien
L'entretien est une méthode fréquente de recueil de données en recherche
qualitative. Il existe plusieurs types d'entretien, définis selon le nombre de
participants (individuel ou collectif) et le degré de structuration (directif, semi-directif
ou lâche). Le déroulement de l'entretien est organisé à l'avance et consigné dans un
guide d'entretien (33). Dans ce travail, les entretiens effectués étaient tous semidirectifs, individuels ou collectifs (focus groups).
2. Le focus group
Le focus group est un entretien collectif semi-structuré permettant de recueillir les
opinions des participants sur la problématique étudiée (31). Le focus group est
particulièrement adapté pour identifier et approfondir la compréhension d’un
problème spécifique et complexe (facteurs difficiles à mesurer objectivement) ou
encore identifier des axes de recherche à approfondir par une recherche quantitative
(triangulation).
Cette technique repose sur la dynamique de groupe entre les différents
participants, et permet l'approfondissement des propos, l'expression d'expériences
ou d'opinions, l'émergence de désaccords entre les membres,
l'expression de
propos critiques.
Cependant le groupe peut aussi apporter certaines limites : une opinion
minoritaire peut être difficile à exprimer par un participant, notamment en cas de
timidité, l'émergence d'un leader au sein du groupe peut gommer la diversité des
opinions, l'expression du groupe peut être entravée par des participants difficiles.
41
Matériel et méthode
Le déroulement du focus group nécessite la présence de deux chercheurs : un
modérateur et un observateur. Le modérateur est concentré sur la gestion des
échanges du groupe et doit donc posséder une certaine maîtrise des techniques de
relance et d'animation de groupe. L'observateur est concentré sur la nature des
échanges, et sur l'expression non verbale des participants.
3. Le questionnaire
Le questionnaire est une méthode d'enquête quantitative : il cherche à vérifier la
validité d'une hypothèse définie par le chercheur. À partir de l'hypothèse, différents
indicateurs permettant de la tester doivent être définis. Ces indicateurs servent de
guide aux items du questionnaire. Une attention particulière doit être portée au type,
à la formulation, et à l'ordre des réponses afin de garantir l'intelligibilité, de favoriser
la participation et d'éviter d'influencer les participants. Une partie du questionnaire
doit être consacrée aux caractéristiques sociales des participants, afin d'identifier des
liens de causalité entre les variables. La sélection de l'échantillon doit être
particulièrement rigoureuse afin de garantir sa représentativité. Enfin les conditions
de passation du questionnaire doivent être soigneusement anticipées afin de
favoriser la participation (34).
V. Déroulement de l'étude
A. Protocole de l'étude
Le protocole de l'étude a été défini en plusieurs séquences :
•
Première séquence : exploration informelle du projet Espace Santé Jeune par
observation de séances, prise de contact avec les médecins, et le directeur du
collège, exploration de documents concernant l'historique du projet, fournis
par le collège et le cabinet médical.
•
Seconde séquence : réalisation des focus groups.
•
Troisième séquence : passation du questionnaire destiné aux élèves, construit
à partir des données recueillies lors des focus groups.
•
Quatrième séquence : confrontation des résultats aux opinions des trois
acteurs clés du projet Espace Santé Jeune grâce à la réalisation d'entretiens
individuels.
42
Matériel et méthode
B. Élaboration des outils de recueil des données
1. Définition des dimensions et indicateurs
A l'issue de la phase d'observation informelle et d'une recherche bibliographique,
les différentes dimensions à explorer pour répondre à la question de recherche ont
été définies.
Un tableau récapitulatif
des
dimensions
et
des
indicateurs
correspondants a été établi (Tableau 1).
2. Élaboration des guides d'entretien
Pour les focus groups, les guides d'entretien ont été établis pour chaque groupe
d'acteurs (élèves, professeurs, médecins) à partir du tableau des dimensions (cf.
annexe 3). Les guides d'entretien pour les groupes « élèves » ont été améliorés
après chaque focus group afin de les adapter au public.
Concernant les entretiens individuels, les guides ont été établis à partir du tableau
des dimensions et des résultats intermédiaires de l'étude (cf. annexe 3)
3. Élaboration du questionnaire
Le questionnaire a été créé à partir du tableau des dimensions et des propos
recueillis lors des focus groups élèves. Différents types de propos ont été choisis :
propos divergents sur une même thématique, afin de décrire la position dominante ;
propos consensuels afin de permettre une extrapolation ; propos concernant les
élèves n'ayant jamais participé à l'ESJ.
Le questionnaire était divisé en deux parties : une partie commune concernant les
caractéristiques individuelles des élèves et une partie spécifique en fonction de la
participation des élèves à l'ESJ.
Chaque partie spécifique comprenait une série de questions fermées et une
question ouverte. Les questions fermées proposaient différents types de réponses :
échelles de Likert, réponses binaires, choix de propositions.
Une attention particulière a été portée au design du questionnaire afin de le
rendre attrayant pour les jeunes. Le choix a été fait de proposer une passation en
ligne exclusive afin de faciliter la participation en limitant toute assimilation du
questionnaire à un « contrôle scolaire » (cf. annexe 5).
Les dimensions explorées dans le questionnaire sont présentées dans le tableau
2.
43
Matériel et méthode
Dimensions
Indicateurs
Qui est concerné
par cet
indicateur ?
Représentations
sociales concernant
l'ESJ
Description de l'expérience vécue dans l'ESJ
Tous*
Sentiment d'utilité/d'importance accordé à l'ESJ Tous*
Motivations à participer à l'ESJ
Tous*
Attitudes sociales des élèves en rapport avec
l'ESJ
Tous*
Degré d'adhésion / attitude sociale des
Enseignants
membres de l'équipe éducative en rapport avec
l'ESJ
Perception du
fonctionnement de
l'ESJ
Description du rôle tenu par les adultes
pendant l'ESJ
Tous*
Extension des séances hors de l'ESJ
Tous*
Perception du contenu des séance
Tous*
Perception du cadre de l'ESJ (respect de la
parole, des personnes, confidentialité...)
Enseignants,
élèves
Perception de l'animation des séances
Tous*
Perception du choix des thèmes
Tous*
Perception de l'utilisation d'outils pédagogiques Tous*
Bénéfices perçus du
projet ESJ
Difficultés concrètes liées à l'ESJ
Enseignants,
animateur,
médecins
Facteurs favorisant la pérennité du projet ESJ
Enseignants,
animateur,
médecins
En terme de
relations
Tous*
Entre élèves
Entre élèves et enseignants
Entre adultes
Effets de la
participation de
médecins au projet
En terme de santé perçue
Elèves
En terme de facilitation des soins pour les
jeunes
Tous*
En terme de pratiques professionnelles
Enseignants,
animateur,
médecins
Influence sur la représentation sociale du
médecin par les autres acteurs
Enseignants,
animateur, élèves
Influence sur les relations avec les médecins
Tous*
Tableau 1: Tableau des dimensions et critères explorés.
*Elèves, enseignants, animateur, médecins
44
Matériel et méthode
Partie commune : caractéristiques des participants
Âge, genre, classe, date de naissance, participation à au moins une séance de l'ESJ
Partie spécifique concernant les élèves ayant déjà participé à une séance au moins de l'ESJ
Appréciation globale de l'ESJ
Influence de l'ESJ sur les relations entre les élèves
Expérimentation d'une empathie entre les élèves lors des séances ESJ
Influence sur la participation du non respect de la confidentialité entre les élèves
Exploration des relations entre les 4ièmes et les 3ièmes
Influence de l'ESJ sur la relation médecin-jeune au cours de la consultation médicale
Influence de l'ESJ sur les relations entre élèves et enseignants
Question ouverte : commentaires libres sur l'ESJ
Partie spécifique concernant les élèves n'ayant jamais participé à l'ESJ
Question ouverte : explication des raisons de non-participation
Influence de la confidentialité des élèves et des enseignants sur la non-participation
Influence du choix des thèmes de séance sur la non-participation
Influence du mode d'animation sur la non-participation
Influence de la présence des médecins sur la non-participation
Influence du dialogue sur la santé dans le milieu familial sur la non-participation
Influence des relations entre 4ièmes et 3ièmes sur la non-participation
Tableau 2: Dimensions explorées dans l'enquête quantitative
C. Recrutement des participants
Le recrutement des médecins et des enseignants pour les focus groups a été
réalisé sur la base du volontariat. Une prise de contact avec les médecins
généralistes lors d'une première visite de la maison médicale a permis de confirmer
leur souhait de participer à cette étude. Pour les enseignants, une information orale
informelle et une information écrite disposée en salle des professeurs invitant à
participer à l'étude ont été réalisées en accord avec le directeur de l'établissement.
Le recrutement des élèves a été réalisé sur la base du volontariat. Une lettre
d'information concernant le déroulement de l'étude au sein de l'établissement a été
transmise aux parents d'élèves, aucun parent ne s'est opposé à la sollicitation de ses
enfants pour participer à l'étude.
Pour les focus groups, les élèves ont été sélectionnés par l'équipe éducative
parmi les volontaires. Les critères de sélection étaient la participation effective à
l'ESJ, le genre, la classe afin d'obtenir des groupes équilibrés.
45
Matériel et méthode
Pour les questionnaires, tous les élèves ont été invités oralement et par mail à
remplir le questionnaire en ligne à leur domicile ou dans la salle informatique du
collège, sans sélection particulière hormis exclusion des 6ièmes.
Le directeur, le médecin initiateur du projet et l'animateur jeunesse ont été
sollicités oralement ainsi que par mail pour participer aux entretiens individuels.
D. Retranscription
Chaque entretien a été enregistré après accord des participants puis
intégralement retranscrit. La retranscription des entretiens a été réalisée au plus tôt
et au mot près (hormis noms, prénoms et références géographiques). Les silences,
les hésitations ont été traduits par des points de suspension. Les rires et certains
éléments non verbaux ont également été notés. Enfin, le contexte environnemental
et les interventions de tiers ont été précisés.
VI. Analyse des données
A. Analyse qualitative
L'analyse des entretiens a été réalisée par le chercheur au fur et à mesure de
l'enquête, selon la méthode de la théorisation ancrée. Après transcription, une lecture
attentive de chaque entretien a été réalisée, suivie d'un codage primaire à l'aide du
logiciel Nvivo 6, découpant les données par unités de sens. Les réponses aux
questions ouvertes du questionnaire et les notes de terrain ont également été
codées.
Dans un second temps une analyse transversale par catégorisation des codes en
ensembles et sous-ensembles a été effectuée, afin de dégager les résultats de
l'enquête qualitative (31).
B. Analyse quantitative
Une analyse simple type « tri-à-plat » des effectifs a été effectuée pour les
réponses au questionnaire (34) à l'aide du logiciel Excel. Pour chaque item, les
réponses ont été présentées dans un tableau à double entrée, les variables
qualitatives ont été exprimées en pourcentage.
46
Matériel et méthode
C. Intégration des résultats
Une approche complémentaire a été choisie pour l'intégration des résultats
qualitatifs et quantitatifs. Les résultats sont analysés séparément puis interprétés
chacun à la lumière de l'autre : soit comme élément qui propose une autre piste
d’exploration, soit comme élément explicatif et/ou de compréhension (32).
47
Résultats
RÉSULTATS
I. Déroulement et population de l'étude
Cette étude s'est déroulée de janvier à juin 2015, pendant 23 semaines. Les
différentes phases de l'étude sont détaillées dans la figure 1.
Population de l’étude n= 246
218 élèves (68 sixièmes, 47 cinquièmes, 51 quatrièmes, 52 troisièmes)
5 médecins
21 enseignants
1 chef d'établissement
1 animateur jeunesse
Exclusion : 68
élèves de 6ièmes
Inclusion
Echantillon
Entretiens N=30
Questionnaire N=107
Phases
Type d'entretien
Effectif
Phase 1
23 janvier-13
mars 2015
Focus Group 5ièmes
N=7
Focus Group 4-3ièmes
N=8
Focus Group
Enseignants
N=4
Focus Group 4ièmes
N=5
Phase 2
27 avril – 7 mai
2015
Phase 3
01 juin - 30 juin
2015
Effectif
Questionnaire
élèves
Focus Group
médecins
N=4
Entretien Directeur
N=1
Entretien Animateur
Jeunesse
N=1
Entretien Médecin 2
N=1*
Figure 1: Diagramme de flux
* Médecin ayant déjà été comptabilisé dans le focus group médecin
48
N=107
Résultats
A. Entretiens
1. Temporalité
Le déroulement des entretiens a duré 23 semaines. Les entretiens ont été
réalisés en deux séquences distinctes. Durant la période du 23 janvier au 13 mars
2015, 4 focus groups ont été réalisés avec les élèves de 5ième, les 4ièmes et
3ièmes ensemble, les 4ièmes seuls, et enfin les enseignants. Durant la période du
premier juin au 30 juin 2015, le focus group médecin a été réalisé, suivi par les trois
entretiens individuels avec l'animateur jeunesse, le chef d'établissement et le
médecin responsable de l'ESJ.
2. Lieu
Les focus groups des élèves et des professeurs se sont déroulés au collège Jean
Blouin de Saint-Germain sur Moine, dans des salles de classe inoccupées. Le focus
group des médecins s'est déroulé au cabinet médical, durant le déjeuner.
Les entretiens individuels se sont déroulés dans les lieux souhaités par les
participants : bureaux respectifs du médecin et du chef d'établissement, salle de
pause du cabinet médical pour l'animateur jeunesse.
3. Déroulement
Chaque entretien s'est déroulé en présence du (des) participant(s) et du
modérateur (le chercheur) : pour des raisons d'organisation, la présence d'un
observateur accompagnant n'a pas été possible.
Une explication concernant le projet d'étude, les principes du focus group
(notamment la nécessité d'écoute et de respect de la diversité des opinions) et de
l'entretien individuel, le respect de l'anonymat des participants a été donnée au début
de chaque entretien. Une série de données contextuelles étaient également recueillie
à ce moment auprès des participants : âge, genre, classe des élèves, profession des
adultes.
En ce qui concerne les élèves, un groupe de 5ièmes et un groupe de 4ièmes3ièmes mêlés étaient initialement prévu. En raison d'un biais d'expression important
des 4ièmes, un focus group supplémentaire a été organisé avec des 4ièmes seuls.
Les opinions des élèves n'ayant pas participé au projet ESJ, ne correspondant pas
au principal objectif de l'étude, n'ont été recueillies que de manière superficielle dans
le questionnaire.
49
Résultats
Les focus groups (médecins, élèves, enseignants) ont duré entre 42 et 61
minutes. Les entretiens individuels ont duré 30, 39 et 44 minutes.
4. Caractéristiques des participants
Trente participants ont été inclus dans les entretiens : 20 élèves, 4 enseignants et
4 médecins pour les focus groups ; le chef d'établissement, l'animateur jeunesse et
un des quatre médecins (ayant participé au focus group) ont participé aux entretiens
individuels (Tableau 3).
50
Résultats
N
Participants
Statut
Genre
Âge
M
M
M
M
M
F
F
M
F
F
F
F
F
F
M
F
M
M
M
M
12
12
12
13
12
12
12
13
13
13
14
13
14
14
14
13
13
14
13
13
F
F
F
F
M
M
M
F
F
M
31
52
35
43
54
64
47
54
35
36
Élèves
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
E1
E2
E3
E4
E5
E6
E7
E8
E9
E10
E11
E12
E13
E14
E15
E16
E17
E18
E19
E20
Elève 5ième
Elève 5ième
Elève 5ième
Elève 5ième
Elève 5ième
Elève 5ième
Elève 5ième
Élève 4ième
Élève 4ième
Élève 4ième
Élève 3ième
Élève 4ième
Élève 3ième
Élève 3ième
Élève 3ième
Élève 4ième
Élève 4ième
Élève 4ième
Élève 4ième
Élève 4ième
Adultes
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
P1
P2
P3
P4
Dir
M1
M2
M3
M4
AJ
Enseignant
Enseignant
Enseignant
Enseignant
Chef d'établissement / enseignant
Médecin généraliste
Médecin généraliste
Médecin généraliste
Médecin généraliste
Animateur Jeunesse
Tableau 3: Caractéristiques des participants à l'enquête qualitative
B. Questionnaire
1. Temporalité
Le recueil des questionnaires a été effectué du 27 avril au 7 mai au collège Jean
Blouin de Saint-Germain sur Moine.
51
Résultats
2. Déroulement du questionnaire
Au début de la phase de recueil du questionnaire, une information orale dans les
classes a été effectuée par le chercheur, accompagnée d'une distribution de flyers
(cf. annexe 4) invitant les élèves de l'établissement à répondre en ligne au
questionnaire. Un mail de sollicitation, contenant le lien vers le questionnaire en ligne
a également été envoyé aux élèves par le professeur de technologie.
Durant la première semaine de recueil des questionnaires, les élèves étaient
libres de répondre à domicile. Des ordinateurs étaient également mis à disposition au
collège. Lors de la seconde semaine, les professeurs principaux ont sollicité les
élèves pour répondre au questionnaire sur le temps de vie de classe. Les élèves
étaient alors conduits vers la salle informatique du collège pour participer.
3. Caractéristiques des participants
107 questionnaires ont été complétés par les élèves. 150 élèves ont été sollicités
pour participer, le taux de réponse a donc été de 71,3 %. Le taux d'élèves ayant
participé à l'ESJ a été de 58,9 %. Les caractéristiques des répondeurs sont
rapportées dans le tableau 4.
Nombre et taux de participants
Genre des participants
Filles
Garçons
40 (37,4%)
67 (62,6%)
Classe des participants
Cinquième
Quatrième
Troisième
37 (34,6%)
31 (29%)
39 (36,4%)
Année de naissance
1999
2000
2001
2002
2003
Autres
3 (2,80%)
40 (37,4%)
29 (27,1%)
28 (26,1%)
3 (2,80%)
4 (3,7%)
Participation à l'ESJ
Au moins une fois
Jamais
63 (58,9%)
44 (41,1%)
Tableau 4: Caractéristiques des participants à l'enquête quantitative
52
Résultats
4. Résultats chez les 63 élèves ayant déjà participé à l'ESJ
Assertions
Réponse (%)
« Globalement j'aime bien l'ESJ »
Tout à fait d'accord
D'accord
En partie d'accord
Pas du tout d'accord
Assertions
12 (19%)
32 (50,8%)
19 (30,2%)
0 (0%)
Élèves « D'accord » Élèves «Pas d'accord »
(%)
(%)
Effets de l'ESJ sur le relationnel entre les
élèves
Diminution des préjugés entre élèves
Amélioration des relations avec les plus âgés
Vécu d'une empathie au sein des séances
ESJ
Effets de l'ESJ sur les relations jeunes médecins
« Je me sens plus à l'aise en consultation »
« J'ose poser des questions à mon médecin »
« J'ai plus confiance en mon médecin »
« Ça n'a rien changé »
Envie de parler de « santé » avec le médecin
au cabinet
Effets de l'ESJ sur la relation élèves enseignants
« Je vois les enseignants de manière plus
positive »
Perception de la confidentialité des séances
Arrêt de participation en raison d'un non
respect de la confidentialité entre élèves
Préférence de l'anonymat sur la confidentialité
« Je ne suis pas gêné si on répète ce que je
dis à l'ESJ »
Assertions
23 (36,5%)
22 (35%)
52 (82,5%)
40 (63,5%)
41 (65%)
11 (17,5%)
15 (23,8%)
22 (35%)
20 (31,8%)
38 (60,3%)
48 (76,2%)
41 (65%)
43 (68,2%)
25 (39,7%)
22 (34,9%)
41 (65,1%)
26 (41,9%)
36 (58,1%)
8 (12,7%)
36 (57,1%)
55 (87,3%)
27 (42,9%)
29 (46%)
34 (54%)
Réponse (%)
A propos des séances 4-3ièmes mélangés
(exclusion des réponses des 5ièmes)
Toujours mélanger les 4-3ièmes
Toujours séparer les 4-3ièmes
Alterner
Pas d'avis
9 (24,3%)
11 (29,7%)
14 (37,8%)
3 (8,11%)
A propos de la confidentialité des enseignants
Ils respectent la confidentialité
Ils ne la respectent pas mais « je m'en fiche »
Ils ne la respectent pas et « ça me gène »
Pas d'avis
28 (44,4 %)
13 (20,6%)
9 (14,3%)
13 (20,6%)
Tableau 5: résultats des élèves ayant déjà participé à l'ESJ
53
Résultats
5. Résultats chez les 44 élèves n'ayant jamais participé à l'ESJ
Assertions
« D'accord »
«Pas
« Pas
(%)
d'accord » d'avis » (%)
(%)
Si je ne participe pas à l'ESJ c'est parce que...
Les élèves pourraient répéter ce que je dis
Je n'ose pas proposer des thèmes
Il y a de grands silences et je n'aime pas ça
Les profs pourraient répéter à mes parents ou
aux autres profs
On ne connaît pas les médecins
Je parle déjà de santé avec mes proches
Je ne veux pas parler devant les 3ièmes
(réponses des 4ièmes uniquement)
Je préférerais en parler seul avec mon
médecin
14 (31,8%)
18 (40,9%)
8 (18,2%)
21 (47,7%)
18 (40,9%)
18 (40,9%)
9 (20,5%)
8 (18,2%)
18 (40,9%)
9 (20,5%)
9 (20,5%)
15 (34,1%)
31 (70,5%)
29 (65,9%)
18 (40,9%)
4 (9%)
6 (13,6%)
11 (25%)
5 (31,2%)
8 (50%)
3 (18,8%)
13 (29,6%)
16 (36,4%)
15 (34,1%)
Tableau 6: Résultats des élèves n'ayant jamais participé à l'ESJ
II. Analyse transversale
A. Le projet Espace Santé Jeune (ESJ)
1. Perception des séances de l'ESJ
a) Des séances centrées sur la parole
La parole semble être l'élément central de l'ESJ, permettant un dialogue riche
entre adultes et élèves, mais surtout entre les élèves eux-mêmes. En majorité, les
séances de l'ESJ reposent sur la tenue d'un échange entre les participants adultes
ou adolescents. Les autres séances, « plus dynamiques » (AJ) reposent sur
l'utilisation d'outils pédagogiques thématiques.
a.1 Échanges entre adultes et jeunes
Pour les adultes, l'ESJ est perçu comme un espace d'écoute des jeunes (Dir, P3).
L'espace de parole ainsi développé permet aux élèves d'avoir une réelle
conversation avec des adultes (P2) qui ne sont « ni les parents, ni les profs » (Dir) et
de poser des questions qui les concernent (P2).
Les jeunes perçoivent également les séances de l'ESJ comme un espace
d'échange. Ils affirment avoir un sentiment de liberté d'expression au cours des
séances : « on dit ce qu'on veut » (E13). Ils se perçoivent également libres de choisir
les thèmes de séance (E17, E3, E4, E6).
Il semble exister un réel effort des adultes pour libérer la parole chez les jeunes
(E15, E14, E13) et leur permettre d'exprimer leurs questionnements (P3, P2, E15),
54
Résultats
leurs émotions (E13) ou leurs inquiétudes (questionnaire), ce qui demande parfois
aux médecins de « se taire » pour laisser le dialogue se créer entre les adolescents
(M2).
E15 : et puis c'est nous qui parlons pas les profs […].
E13 : ils [les médecins] essaient de comprendre en fait, comment... ce qu'on
ressent, tout ça.
Les échanges entre les jeunes et les adultes semblent spontanés et libres, sans
« langue de bois » (P1), les enseignants signalent même être surpris en voyant la
facilité des élèves à aborder certains sujets devant eux (P1, P4).
a.2 Échanges entre les jeunes.
En plus d'être un espace d'échanges entre adultes et élèves, il existe dans les
séances de l'ESJ un échange entre les élèves eux-mêmes : l'ESJ est perçu comme
un espace de parole collectif (Dir). Pour les jeunes comme les adultes, cet échange
entre jeunes est fondamental (M2) : L'ESJ doit permettre de « libérer la parole » des
adolescents (M1, M2, M3, M4).
Les jeunes apprécient obtenir des réponses des adultes mais également se poser
d'autres questions, se construire une opinion au cours d'un débat entre jeunes de
leur âge (E12, E10, E13), « ouvrir des portes » (Dir). De tels débats sont parfois
facilités par l'utilisation d'outils pédagogiques (E20, E12).
E12 : [Alors] que quand on est à l'espace santé jeune, il y en a qui vont dire
« non », il y en a qui vont dire « oui » et puis on va changer plusieurs fois
d'avis […].
Quest : Je [...] trouve le concept [de l'ESJ] plutôt bien car de temps en temps
ça permet de s'exprimer sur nos inquiétudes mais aussi d'écouter d'autres
situations et d'avoir sa propre opinion, peut-être que ça pourra aider l'élève.
Les jeunes sont notamment incités par les adultes à répondre entre eux à leurs
propres questionnements, et à exprimer leurs savoirs et expériences sur la santé
(voir partie « ESJ et apprentissage »).
a.3 Expression rare de problématique intime
Parfois, mais rarement, un des participants va livrer une expérience personnelle
relevant de l'intime. Cette expression est perçue par les adultes comme la libération
d'un fardeau (P2, Dir, M1) avec une valeur presque thérapeutique (Dir, M1).
55
Résultats
Dir : Ils vont parler d'un problème qui les touche, qui les concerne
véritablement et le fait d'en parler déjà, ça les aide à mieux l'accepter. Ça ne
résout pas le problème, mais ça les aide à mieux l'accepter.
L'ESJ n'est cependant pas du tout perçu par les élèves comme une thérapie de
groupe. En effet, les élèves expriment une méfiance à l'idée de dévoiler des choses
trop personnelles (E2, E4, E6, E7, E16, E17, E19, E20), ce qui diffère de la
perception des adultes qui estiment l'ESJ propice à l'expression des mal-êtres des
jeunes (Dir, M2, P2).
P2 : Parce qu'ils disent des trucs assez forts quand même, hein, dans ces
ESJ ! Moi c'est ça qui m'a soufflée ! Et on a vu qu'il y a une vraie souffrance
quand même, chez certains, et qu'ils osent le dire […].
Mod : L'ESJ ce n'est pas forcément le lieu pour étaler toute votre vie, c'est
ça ?
Plusieurs : oui voilà !
E4 : il y a des limites à ne pas franchir...
E6 : ça ne regarde pas tout le monde.
a.4 Limite de la parole
Baser les séances sur la parole comporte certaines limites. Une des limites est la
création des conditions nécessaires à la libération de la parole au sein d'un groupe
d'adolescents : à cet âge, la parole est souvent freinée par le regard des autres,
créer un cadre sécurisant et dynamisant pour les adolescents est donc indispensable
(voire partie « rôle des animateurs » et « non jugement entre les participants »). La
parole peut également être freinée par le vote d'un thème qui n'intéresse (par
définition) pas la partie minoritaire des jeunes (E17, E20). Ces freins à la parole
provoquent parfois de « grands blancs » au sein des séances (E19, E17).
Une autre limite est la difficulté de compréhension orale par certains jeunes, qui
signalent l'intérêt de l'utilisation d'outils de transmission d'information (vidéos ou
autres) (E16, E20, E17).
E16 : Parce que souvent avec la parole, enfin, on peut comprendre mais pas
toujours.
E17 : On comprend pas tout.
b) Quelles sont les motivations des élèves à se rendre aux séances ?
Les séances de l'ESJ sont basées sur la participation libre des élèves. Plusieurs
motivations à participer ont été évoquées.
56
Résultats
Les élèves citent en premier lieu l'intérêt pour les sujets abordés pendant les
séances (E12, E7, E17, E18). Les élèves se rendent également plus facilement aux
séances lorsqu'ils ont un sujet précis qui les questionne et qu'ils aimeraient aborder
en séance (E13, E17). L'envie d'apprendre est également signalée (E20, E2).
La convivialité de l'ESJ est citée comme une motivation. Les jeunes s'y rendent
pour passer un moment de « détente » (E16), de décontraction (E17), un temps
« cool » (questionnaire), où ils peuvent « souffler » (E20), s'amuser (E7, E5), prendre
du plaisir (E16) et faire « ce qu'il veulent » (voir partie « liberté »).
E7 : Ben on s'amuse bien parce qu'on fait des choses mais en jouant un peu...
On donne notre avis mais des fois on fait des jeux.
E5 : C'est ludique.
Se rendre à l'ESJ avec un groupe d'amis est une condition importante des jeunes
(E14, E20) qui apprécient débattre avec eux (E10, E4).
E14 : du coup on y va avec nos amis aussi d'un côté, parce que... moi toute
seule j'irai pas...
Les jeunes apprécient faire quelque chose de différent, quelque chose « qui
change » (E16, E18). D'autres viennent pour « être au chaud » (E14). Parfois les
jeunes n'ont pas forcément de motivation précise en tête quand ils se rendent à
l'ESJ, ils y vont juste par « curiosité » (Voir partie « Une occasion »).
Certaines motivations des autres participants sont critiquées par les élèves :
certains ne viendraient aux séances que pour « rigoler » ou « faire les intéressants »
(E13, E20).
c) ESJ et apprentissages
L'ESJ
est
fréquemment
décrit
par
les
jeunes
comme
un
espace
d'« apprentissage » (E2, E13, E14, E16, E17, E18, E20, E13).
E16 : Oui et puis on apprend, pas toujours mais souvent, des choses
importantes…
Les moyens d'apprentissage de l'ESJ semblent se décliner en : transmission de
connaissances entre les élèves ou transmission de connaissances des adultes vers
les élèves, création d'une opinion ou d'un esprit critique lors des débats entre les
jeunes, favorisée ou non par un outil pédagogique (voir partie « Échanges entre les
jeunes »).
C'est au final la coexistence d'un débat entre les jeunes et de réponses à leurs
questionnements qui importe aux participants (E12, E13, E14).
57
Résultats
Ces connaissances transmises semblent cependant peu réinvesties par les
jeunes dans leur vie quotidienne (E2, E3, E5, E6, E7, E18, E19, E20, E13, E14),
exception faite de certains jeunes qui se sentent mieux « informés » sur certaines
problématiques de santé (voir partie « influence sur la santé des jeunes »).
c.1 Transmission de connaissances entre les élèves
Les adultes s'accordent sur l'importance de faire émerger les réponses aux
questions par le groupe de jeunes lui-même (Dir, M1, M2, M3, E10, E12, E13, E1,
AJ), afin que chacun s'enrichisse de l'expérience des uns et des autres (M2).
Dir : Et là, ça se fait vraiment sous forme d'un dialogue. Et ce que j'apprécie
aussi […] c'est que, très souvent, finalement, ce sont les élèves qui
s'apportent des éléments de réponse mutuels. C'est pas « le médecin qui
apporte tout de suite une réponse » à la question posée. Il y a un échange,
toujours […].
E13 : On apprend des choses mais ce n'est pas forcément que par les
médecins non plus ! Des fois on apprend les expériences des autres [...] du
coup c'est... aussi plus proche parce qu'on connaît, par exemple, l'élève... tout
ça.
AJ : Voilà, on essaie de faire en sorte que les élèves trouvent les réponses par
eux-mêmes.
c.2 Informations transmises par les adultes
Les jeunes apprécient également obtenir des réponses à leurs questionnements,
notamment médicaux, de la part des adultes. Lorsque des informations sont fournies
par les adultes, il existe un réel effort de ces derniers pour en adapter le contenu à ce
jeune public, notamment de la part des médecins qui semblent délivrer une
information claire et adaptée à l'âge des jeunes et à leur vocabulaire (Dir, E14, E17,
E7, E2, questionnaire). Les informations transmises par les médecins sont perçues
comme plus compréhensibles et adaptées que celles trouvées sur internet (E2, E7,
E17, E13, E14).
E13 : [...] moi je sais que j'avais posé une question sur une maladie qui
m’intéressait parce que je connaissais quelqu'un qui avait cette maladie et je
ne comprenais pas ce qui se passait. Et du coup quand j'y suis allé, le
médecin m'a vachement répondu, il était précis et il m'a mis en confiance,
c'est pas comme si [...] il plaquait tout ça comme si c'était un cours, il essayait
de comprendre pourquoi je posais cette question tout ça sans me mettre mal à
l'aise…
58
Résultats
d) Le choix des thèmes de discussion
d.1 Méthode de choix des thèmes
Les élèves ressentent une réelle liberté dans le choix des thèmes de discussion
(Voir partie : « le choix de la liberté, forces et limites »). Le choix des jeunes est
toujours effectué au début de la séance ESJ (E10, E14, E15, E20), ce qui semble
important pour eux et favorise la participation (E1, E7, E10, E13, E14) mais peut
poser quelques difficultés : pour les adultes cela entraine une difficulté à anticiper les
outils pédagogiques adaptés aux thèmes ; pour les jeunes, le choix des thèmes les
exposent au regard des autres.
La méthode de choix des thèmes la plus souvent citée est la méthode des post-it
(E1, E7, E15, E10, E17, E20). Chaque jeune écrit le thème qui l'intéresse sur un
post-it, les thèmes les plus fréquemment cités sont ensuite abordés pendant la
séance (cf. annexe 7). L'anonymat procuré par cette méthode est apprécié par les
jeunes (E14, E17, E20, E16, E20) :
Mod : Mais heu, c'est facile comme ça de dire... « j'ai envie de parler de ça »
devant tout le monde ?
E20 : Non, c'est pour ça qu'on nous donne des post-it […] parce qu'au moins
personne ne sait que c'est nous qui l'avons mis...
Les élèves décrivent également certains choix de thèmes en début de séance
sans post-it : chaque élève doit prendre la parole et exprimer le thème qu'il souhaite
aborder (E10, E12, E13, E14). Cette méthode ne semble pas adaptée pour les
jeunes (E10, E12, E13) qui craignent d'exprimer des thèmes devant les autres, ce
qui provoque parfois de « grands blancs » (E13, E14).
La méthode de choix des thèmes est un enjeu important de la participation,
puisque 40,9 % des élèves non-participants à l'ESJ estiment que c'est en partie
parce qu'ils n'oseraient pas proposer de thèmes.
E13 : Quand ils disent « bon, alors vous voulez parler de quoi ? » […]
E10 : [...] mais en fait quand ils nous demandent comme ça à l'oral on ne
répond jamais !
E13 : oui sur les post-it c'est plus facile.
E12 : on n'a pas envie de dire devant tout le monde [de] ce qu'on veut parler
E13 : c'est plus facile de l'écrire…
E14 : Anonymement.
59
Résultats
Il arrive parfois que les jeunes n'aient « pas d'idée » (E14, E13). Dans les
entretiens, les élèves proposent à ce moment-là de voter un thème parmi une liste
qui serait apportée par les adultes.
E14 : Parce que ça nous est arrivé qu'on soit restés un quart d'heure à se
regarder dans le blanc des yeux […] alors que s'ils voient qu'au bout de 5
minutes on a aucune idée qui nous vient… ben là ils proposent les thèmes et
puis du coup on peut plus facilement oser parce qu'on s'est dit ce n'est pas
venu de notre pensée alors on ne sera pas du tout jugés, ceux qui ont peur...
D'un autre côté, certains élèves ont une perception plutôt négative d'une séance
où les adultes avaient anticipé un outil pédagogique sur un thème donné et que les
élèves n'avaient donc pas choisi (E2).
Au final, les jeunes attendent des adultes qu'ils n'imposent pas les thèmes, mais
qu'ils n'arrivent pas non plus les mains vides : les jeunes souhaitent que les adultes
aient un « plan B » en cas de manque d'inspiration des jeunes (E12, E13, E14).
L'anonymat des élèves par rapport au choix des thèmes semble fondamental.
d.2 Nature des thèmes abordés
Les thèmes abordés à l'ESJ sont très variés, mais on peut distinguer plusieurs
grands axes abordés par les jeunes.
Les thèmes médicaux (en rapport avec le soin, les maladies) sont souvent
abordés. Souvent les jeunes s'interrogent à propos de membres de leur famille
atteints de maladies particulières qu'ils ne comprennent pas, ils questionnent donc
les médecins (E17, E13, E4, E5, Dir, M1, M2). Dans les entretiens, il a été cité des
questionnements sur : l'ablation de la vésicule biliaire, la maladie d'Alzheimer, la
dépendance à l'alcool, le cancer.
E17 : Il y a eu mon papi qui a eu une vésicule biliaire et puis du coup je savais
pas ce que c'était et du coup ben je leur avais demandé et ils m'avaient
expliqué…
Les thèmes médicaux sont également amenés par les jeunes sans lien avec leur
famille, par simple questionnement, à propos de maladies (Infections sexuellement
transmissibles ou autres) ou de questions anatomiques (E12). La présence même du
médecin semble orienter implicitement les échanges vers ces thèmes médicaux
(E10, E13, M2). Lorsque les discussions sont trop « techniques » AJ précise que son
rôle est de recentrer les échanges sur l'expérience concrète des jeunes dans cette
même thématique (Voir partie « Rôle de l'AJ »).
60
Résultats
Après les thèmes médicaux, viennent les thèmes « autour de la santé ». Ces
thèmes tournent autour de problématiques de santé mais sont plutôt orientés sur les
questionnements généraux. Par exemple la problématique de santé « tabagisme »
va conduire les échanges sur la relation des ados face au groupe (M2). On peut citer
également des thématiques comme la sexualité vue sous l'angle des pratiques (E13,
E4), toutes les problématiques relationnelles (garçon-fille (M2), relation amoureuse,
parents-enfants (E14)), le stress (E4), les drogues (E10) ou d'autres thèmes comme
« l'ordinateur et le cerveau » (M2), « santé et jeux-vidéos ». Il arrive également que
les échanges s'éloignent franchement des thématiques de santé pour aborder des
questions plus philosophiques comme « qu'est ce que la mort ? » (Dir). Ces
discussions sont donc souvent éloignées des compétences spécifiques du médecin,
voire se rapprochent plus des compétences des enseignants ou de l'AJ (M2 et M3 à
propos des thématiques relationnelles).
E10 : On parle plus des trucs de la santé ou ce qui peut toucher le moral ou le
cerveau... des trucs comme ça.
Enfin, sont abordés les thèmes que les adolescents décrivent « de la vie de tous
les jours » (E17, E20).
E17 : Ou par exemple quelque chose qu'on a entendu aux infos ou des trucs
comme ça…
E20 : après c'est plutôt des questions qu'on se pose « comme ça », de la vie
de tous les jours…
Des thèmes semblent assez récurrents, notamment la sexualité (E1, E5, E7, E14,
E20).
E5 : Non mais en fait, 19 fois sur 20, tu as le thème de la sexualité et puis 1
fois sur 20 tu as les maladies, le stress, tout ce qui est en dehors de la
sexualité et de la puberté.
Au-delà des thèmes proposés, les discussions qui ont lieu concrètement semblent
concerner les élèves (P1, E17, E18, E20) même si parfois le choix par post-it ne
prend en compte que les thèmes majoritaires et laisse donc de côté certains thèmes
qui intéressent les élèves (E20, E4, E2).
61
Résultats
e) Relations entre les élèves au sein des séances et dynamique de
groupe
e.1 Perception du groupe d'élèves
Les jeunes soulignent majoritairement l'importance d'être entourés d'amis
pendant les séances de l'ESJ, ou de « pouvoir y aller avec des amis » (E1, E2, E5,
E14, E10, E17, E13, E16, E20).
E14 : Du coup on y va avec nos amis aussi d'un côté, parce que... moi toute
seule j'irais pas…
Certains élèves signalent même que la présence des amis est la principale
motivation à se rendre à l'ESJ (E17, E20), sans véritable envie de prendre part à la
discussion.
E17 : ben il y en a qui viennent c'est juste pour être avec leurs copains, ils ne
parlent pas du tout...
Les élèves perçoivent une différence entre le groupe de l'ESJ et le groupe classe.
Ils se sentent plus à l'aise pour s'exprimer devant le groupe de l'ESJ, notamment car
il est plus réduit (E13, E12).
Cependant, même dans ces conditions, il reste difficile et malaisé pour certains
adolescents de prendre la parole au sein du groupe (E16, E20, E17, E20).
Notamment car le groupe de l'ESJ ne compte pas que les amis des jeunes, il y en a
aussi d'autres avec lesquels les relations sont moins amicales (E6, E16).
E16 : Ben après c'est peut-être qu'ils [les autres jeunes] sont gênés aussi…
[...][parce] qu'on n'est pas toujours avec des personnes qu'on aime…
La création d'une dynamique de groupe est donc importante pour leur permettre
d'échanger entre eux (M4).
e.2 Bénéfice de la dynamique de groupe
L'importance de la dynamique de groupe est signalée par tous les acteurs de
l'ESJ.
Selon les élèves, être au milieu d'un groupe, entouré d'amis, de pairs change leur
rapport à l'adulte : en groupe, il devient possible d'échanger avec les adultes,
notamment avec les médecins (E14, E10, E13, E20, P1, P2).
P2 : et que dans un groupe, ils ont plus de poids, plus de culot, plus de
pouvoir... ils osent parce qu'ils sont ensemble !
62
Résultats
De plus les élèves plus timides ont la possibilité de se fondre dans le groupe et de
profiter des échanges en les écoutant simplement (M3, E17, E18), sans s'exposer
eux-mêmes à prendre la parole. Cela permet donc de les inclure dans une
dynamique de prévention tout en respectant leur personnalité (M3).
M3 : […] quelques fois certains viennent et ne prennent jamais la parole ou
autre mais ils sont quand même là… Et ça veut dire qu'ils sont amenés à
entendre des choses, à identifier des repères ou à s'auto-questionner, même
s'ils n'ont rien dit. Et je pense que ça, ça sert à quelque chose de toute façon.
La dynamique de groupe permet aux jeunes de répondre par eux-mêmes à leurs
questionnements, ce qui est grandement encouragé par les adultes (voir partie
« ESJ et apprentissage »). Entendre l'expérience d'autres élèves est plus marquant
pour les jeunes qu'entendre l'expérience de l'adulte (M3) : il y a une réappropriation
des expériences des autres par les élèves, ce qui les amène à se questionner sur
leurs propres représentations et comportements (M4).
M4 : Aussi, qu'ils s'ouvrent à des questions [auxquelles] ils n'avaient pas
pensé […]. Et je pense que ça peut [...] les questionner même, eux, sur ce
qu'ils feraient et sur comment ils réagiraient.
Enfin, pouvoir s'exprimer dans un groupe peut renforcer la confiance en eux de
certains élèves, ce qui est parfois constaté au cours de l'année (M2, E20).
E20 : ben, il y en a qui vont peut-être devenir un peu moins timides.
e.3 Une facilité à se mettre à la place de l'autre
Certains participants ont exprimé que les élèves au sein de l'ESJ étaient
globalement compréhensifs et peu enclins à juger les problématiques personnelles
exprimées par les autres élèves (E13, E14). Les résultats du questionnaire vont
même plus loin : 82,5 % des élèves déclarent « comprendre et se mettre à la place »
des élèves exprimant des problèmes personnels au sein de l'ESJ.
E13 : [...] c'est des gens bien [les autres élèves] donc comme on se dit des
trucs un peu personnels des fois, ils nous voient différemment, ou [...] ils ne se
moquent pas. Ils se montrent compréhensifs parce qu'ils doivent se dire « bah
mais en même temps, ça pourrait m'arriver à moi aussi »
Concrètement, il semble que les élèves distinguent les situations « graves » et les
situations « communes ». Autant, les élèves craignent d'être jugés lorsqu'ils
expriment à haute voix des questions communes, comme celles concernant la
sexualité (voir partie « Non-jugement entre participants »), autant les élèves se
63
Résultats
montrent compréhensifs, respectueux et discrets lorsque l'un d'entre eux exprime
une problématique personnelle douloureuse (E4, E6, E7, E13, E14, Dir).
L'expression de ces problématiques reste cependant rare (voir partie « Expression
rare de problématiques intimes »).
E4 : On a un cœur hein, on sait très bien que si la personne a eu du mal à le
dire, on va pas dire ... « hé ! Tu sais que machin m'a dit ça ! »
Ces résultats vont dans le sens de l'existence d'une certaine empathie entre les
jeunes à propos de situations douloureuses vécues par leurs camarades.
f) Perception du cadre des séances
f.1 Respect de la confidentialité entre jeunes
Les avis des élèves sur la confidentialité des propos au sein des séances sont
divergents.
Certains jeunes ont globalement confiance dans la confidentialité entre les
participants de l'ESJ (E12, E14, E4) et d'autres pas du tout (E16).
E12 : Dans l'espace santé jeune, je sais que ceux, enfin la plupart, ceux qui
viennent c'est parce que... enfin ils veulent s'informer et puis ils ne vont pas
aller le répéter...
En pratique, cette confidentialité entre les jeunes semble souvent enfreinte (E10,
E14, E7, E16, E17, E20), parfois jusqu'aux moqueries entre les élèves (E14, E20). Il
arrive même que certains jeunes soient gênés et ne reviennent plus à l'ESJ (E20),
mais ce fait est cependant minoritaire comme le laisse penser le questionnaire :
seuls 12,7 % des élèves décrivent un abandon de l'ESJ suite au non-respect de la
confidentialité.
E17 : Il y a une fois où je n'y vais pas et quand on ressort, dans la cour là, il y
a tout le monde qui dit « ah il y a lui qui a dit ce thème, il y a lui qui a dit ce
thème là » donc heu... après si on a pas envie que notre thème il se sache...
et ben il y en a plein qui le disent quand même…
La confidentialité des séances est une préoccupation des élèves : 54 % déclarent
« ne pas se ficher et être gêné » à l'idée que d'autres élèves répètent ce qu'ils ont pu
entendre à l'ESJ.
Préférer l'« anonymat » à la confidentialité (les jeunes auraient le droit de répéter
ce qu'ils entendent mais sans nommer ceux qui l'ont dit) rencontre l'approbation de
57,1 % des élèves participants.
64
Résultats
L'équipe enseignante ne s'aperçoit pas des doutes des élèves concernant la
confidentialité : elle pense que celle-ci est globalement bien respectée (Dir).
f.2 Respect de la confidentialité des adultes
Les élèves ont une confiance variable dans le fait que les adultes ne dévoilent
pas hors de l'ESJ les discussions qui y sont tenues.
Concernant les personnes extérieures à l'établissement (l'AJ et les médecins), les
élèves expriment unanimement une confiance totale dans la confidentialité de ces
intervenants (E17, E2, E7, E8, E13, E14, E12). La confiance est particulièrement
importante chez les médecins car les élèves les savent soumis au « secret
professionnel » (E2, E7, E14).
E2 : En fait avec les profs on est pas sûrs qu'ils ne le disent à personne alors
qu'un médecin... à qui on veut qu'il le dise, parce qu'il ne nous connaît pas
justement !
E7 : Même, c'est un secret professionnel !
Concernant les enseignants, les élèves expriment des doutes (E17, E12, E13,
E14, E2, E20, E4, E6). Certains élèves ont cependant une confiance importante
dans les enseignants : soit ils pensent qu'ils respectent cette confidentialité (E17,
E18, E19), soit ils pensent qu'ils l'enfreignent mais sans volonté de nuire à l'élève,
plutôt pour informer les autres membres de l'équipe éducative, dans tous les cas
sans le rapporter aux autres élèves (E20, E7, E4). En parallèle, certains pensent que
les enseignants pourraient répéter ce qu'ils entendent à leurs parents (E16, E1).
E18 : Moi j'ai... quand ils [les professeurs] disent ça, enfin j'ai confiance en
eux... je n'ai pas peur qu'ils le disent parce que je sais qu'ils ne le feront pas...
E16 : Vu qu'ils connaissent plus nos parents que les médecins ! On a toujours
un peu peur !
E4 : Et puis ils nous le disent tout le temps : « oui entre profs on se dit tout » !
La confidentialité des adultes est perçue comme très importante pour certains
élèves (E3). Dans le questionnaire, à l'assertion « certains élèves pensent que les
profs peuvent répéter ce qu'ils entendent aux autres profs et aux parents », 44,4 %
des élèves n'étaient pas d'accord, 20,6 % étaient d'accord mais ne s'en souciaient
pas, 14,3 % étaient d'accord et en étaient gênés, 20,63 % étaient sans avis.
Ce doute sur la confidentialité des enseignants ne semble pas influencer de
manière importante la participation : 70,5 % des élèves non-participants n'ont pas
l'impression que les enseignants pourraient répéter ce qu'ils entendent à l'ESJ.
65
Résultats
Les enseignants n'ont pas conscience des doutes des élèves (P1, P2) sur leur
confidentialité, pour eux il s'agit d'une évidence, même si cette règle n'est pas
rappelée à chaque séance (P1). Certains élèves sont au courant que les adultes
doivent respecter cette règle (E20, E16, E17, E2, E1), d'autres non (E12).
f.3 Non-jugement entre les participants
Les jeunes ont une perception contradictoire de la sensation d'être jugés par leurs
pairs durant les séances de l'ESJ.
Les élèves décrivent globalement la crainte d'être jugés par les autres participants
(E16) ou une certaine crainte de s'exprimer devant le groupe (E20, E19, E10, E13,
E14), particulièrement quand ils étaient en 6ième-5ième (E10, E13, E14). Malgré
tout, aucun élève n'exprime clairement la sensation d'être personnellement jugé au
cours des séances.
Le moment critique semble le choix des thèmes. Proposer un thème (notamment
autour de la sexualité) peut être source de moqueries (E13, E17, E20, E14), tout
comme le manque de connaissance sur certains sujets (E13), ou au contraire la trop
grande connaissance d'un sujet (E19).
E19 : ben sinon ils [des élèves] auraient peur qu'on les juge parce que... ils s'y
« connaissent » ou des choses comme ça...
Certains élèves déclarent facilement « ne pas juger » les autres durant les
séances de l'ESJ, et après les séances (E14, E10) (voire partie « facilité à se mettre
à la place de l'autre »).
g) Le choix de la liberté : forces et limites
g.1 Un réel sentiment de liberté des élèves
Les jeunes perçoivent l'ESJ comme un espace de liberté. Cette liberté s'exprime
sous plusieurs formes.
Il semble exister une réelle liberté de participation : les élèves se permettent
souvent de ne pas venir pendant plusieurs mois s'ils ne le souhaitent pas
(Questionnaire, E13, E12, E7), d'autres y participent quasiment systématiquement
(E4, E5, E6, E7). Il est même rapporté qu'il est possible de quitter la séance si les
thèmes n'intéressent pas certains jeunes (E4)
Les jeunes décrivent une réelle liberté d'expression. Elle semble se décliner sur
deux axes : liberté de choisir les thèmes de la séance (E10, E12, E13, E14, E15,
66
Résultats
E16, E17, E20, E1, E2, E3, E4, E7), ainsi que liberté d'exprimer une diversité
d'opinions à propos de ces thèmes (E10, E20, E17, E2, E3, E14).
E20 : Ouais, tout le monde peut parler, tout le monde a ses idées…
E2 : On fait ce qu'on veut ! Enfin on choisit le thème et après ils choisissent un
jeu. Et puis on a tous un avis.
Inversement, les élèves décrivent la liberté de ne pas parler s'ils n'ont pas l'envie
(E16).
E16 : On peut parler... ou pas ! Quand on ne parle pas, en fait ça ne fait rien,
alors qu'en cours enfin... faut participer !
Il semble également exister une liberté « spatiale » : les jeunes apprécient pouvoir
se placer à côté de leurs camarades (E2, E16).
Le cadre est également décrit plus « décontracté » que dans le reste du temps
scolaire (E18, E17).
E18 : Enfin, tu peux être plus décontracté, c'est moins cadré...
Cette liberté n'est cependant pas « totale », le cadre reste assez précis, mais elle
est tout de même beaucoup plus importante que dans le temps purement scolaire
(E17, E18, E20, E2).
g.2 Un choix défendu par les animateurs du projet et les élèves...
Les adultes défendent l'idée de la libre participation des élèves (AJ, Dir). Le chef
d'établissement explique que les temps de liberté sont rares dans la vie scolaire, et
que leur existence améliore le vécu du collège pour les élèves (Dir). Il précise
également que les élèves qui vivent des problématiques personnelles et dont les
adultes estiment qu'il leur serait bénéfique de se rendre à l'ESJ n'y sont pas forcés
(Dir, exemple des élèves qui se scarifient). Ces élèves sont incités à participer aux
séances mais s'ils refusent ce choix est respecté (Dir).
AJ : C'est vraiment, vraiment très important d'être dans une démarche
volontaire et pas d'être dans quelque chose d'imposé […]. Heureusement
qu'on a cette démarche là !
Dir : L'important c'est que ceux [les élèves] qui s'y retrouvent et qui y trouvent
de l'intérêt puissent en profiter quoi ! Je crois qu'il faut qu'on reste libres aussi
par rapport à ça… Moi je tiens beaucoup à cette liberté de pouvoir venir, ou ne
pas venir…
67
Résultats
A propos de la liberté de choix des thématiques, les élèves insistent sur le fait
qu'ils seraient beaucoup moins attirés par l'ESJ s'ils ne choisissaient pas eux-mêmes
leurs sujets de discussion (E1, E7, E10, E13, E14).
E13 : ça ne sert à rien de faire... enfin si quelqu'un nous disait « ben on va
parler de ça »... enfin ça sert à rien de venir si on ne peut pas dire ce qu'on
veut.
g.3 … Mais entraînant des difficultés d'organisation
Ce choix de la liberté et la recherche de la spontanéité à chaque séance
entrainent certaines difficultés.
Le choix des thèmes au jour le jour par les jeunes rend très difficile l'anticipation
d'outils pédagogiques thématiques adaptés (M2, E17, AJ, P4).
AJ : Parce qu'on est plutôt sur quelque chose d'assez immédiat, [...] et c'est ce
qui fait un petit peu la limite des outils : c'est qu'on ne peut pas trop anticiper…
ou alors, il faudrait qu'on se dise de temps en temps […] « ben tiens, telle
séance on va aborder telle thématique ». Mais alors ça enlève un petit peu le
côté spontané et le côté « c'est les élèves qui lancent la thématique ».
Cette impossibilité d'anticiper les outils adaptés à la thématique choisie par les
jeunes diminue parfois la qualité de la séance, en rendant notamment plus difficile
d'entamer les échanges (AJ, M2). Cette perte de qualité cause parfois une certaine
frustration aux adultes (M2).
La gestion des participants semble aussi être une difficulté, plutôt signalée par les
élèves. La liberté de participation rend impossible à prévoir le nombre de participants
à chaque séance. Parfois la séance est surchargée (Questionnaire, E2, E4, E17,
E20), certains élèves sont donc invités à revenir la fois suivante. Ce « tri » fait que
des groupes d'amis qui voulaient participer ensemble sont parfois séparés
(Questionnaire). Parfois au contraire, il n'y a pas assez de volontaires pour tenir la
séance. Le manque de participants est apparemment plus important en mai-juin,
lorsque le temps est plus agréable (notes de terrain). Ce manque de participants a
amené à espacer les séances de l'ESJ de toutes les semaines à tous les 15 jours.
E4 : En général c'est 15 personnes par séance, maximum. Du coup des fois [il
y avait] une troupe énorme qui y allait et heu on [les animateurs] faisait :
« vous, vous y allez et vous, vous viendrez la prochaine fois » et le problème
c'est que des fois ben il y en a qui ne viennent pas du coup les autres ils
reviennent et on ne sait pas quoi faire…
68
Résultats
h) L'utilisation d'outils pédagogiques
L'utilisation d'outils pédagogiques, bien que défendue par la plupart des acteurs,
rencontre certaines difficultés.
Les
adultes
se
positionnent
globalement
« pour »
l'utilisation
d'outils
pédagogiques (M2, Dir, P1, P4, AJ). AJ précise qu'il existe deux types d'outils : les
outils « d'animation » qui sont simplement utiles pour favoriser la parole, comme la
méthode des post-it, utile pour faire émerger les thèmes (par commodité on les
appellera ici « techniques d'animation ») et les outils pédagogiques « thématiques »
qui sont utilisés pour favoriser une réflexion collective sur un thème précis (sexualité,
violence au collège, etc.) (AJ). Les enseignants et les médecins ne distinguent pas
dans leur vocabulaire la différence entre ses deux types d'outils, mais font bien
allusion à leurs objectifs différents (P1, P4).
Les techniques d'animation sont décrites comme « essentielles » (P1), il semble
qu'elles aient été introduites pour répondre au besoin des adultes qui étaient en
difficulté avec le « lancement » des séances (P1).
P1 : Ils [les outils] sont essentiels, parce qu'au départ on n'en avait pas et on a
vraiment demandé la nécessité... d'en avoir. [...] pour dire « voilà, moi je ne me
sens pas à l'aise, je ne sais pas comment démarrer, qu'est ce qu'on pourrait
mettre en place ? »
Effectivement, les techniques d'animation semblent « rassurer » les adultes qui
les utilisent lors des séances (P4, P1).
P4 : Ce qu'il faudrait c'est qu'on prenne vraiment le temps de bosser les outils
[…] parce que c'est une façon d'y aller « plus léger » moi je trouve...
Les outils pédagogiques thématiques, sont décrits comme utiles et rendent les
séances plus dynamiques (AJ). De plus, ils semblent bien adaptés à l'ESJ (AJ), et
facilitent la parole des jeunes en leur permettant de s'exprimer de façon détournée
sur un sujet, sans les « mettre en danger » face au groupe (AJ, P1).
AJ : Le fait d'utiliser, de proposer des outils, aussi c'est parce que je pense
que les outils c'est hyper pertinent pour favoriser la participation et ce n'est
pas que « jouer », c'est loin de là.
Les outils pédagogiques sont aussi plébiscités par les jeunes (E10, E13, E14,
E15, E16, E17, E19, E5, E7) qui apprécient ces « sortes de jeux » et leur côté
ludique. Les élèves évoquent souvent les outils numériques comme les vidéos.
69
Résultats
E14 : On ne parle pas de ça [les sujets de l'ESJ] forcément sérieusement, on
fait, comme disait E13, des jeux, des choses comme ça, plus ludiquement
qu'en classe...
La principale difficulté des outils pédagogiques semble être la difficulté de les
anticiper par rapport aux thématiques choisies au jour le jour (voire partie « Le choix
de la liberté : forces et limites »). Les autres difficultés sont exprimées par les
enseignants qui décrivent un manque de connaissance des outils disponibles (P4),
ou bien décrivent ne pas savoir utiliser de manière optimale ceux qu'ils connaissent
(P1 et P4) et expriment donc un besoin de les « travailler » (P4).
Il est signalé un projet de création d'un portail informatique mettant à disposition
des outils pédagogiques numériques qu'il serait facile d'utiliser dès le choix de la
thématique par les élèves. Bien que rapporté, ce projet n'a pour l'instant pas vu le
jour (P4, M2).
Au final, bien que plébiscités, les outils pédagogiques / techniques d'animation ne
sont pas utilisés systématiquement pendant les séances (E10). Leur utilisation
semble dépendre des animateurs présents. Cette sous-utilisation des outils ou
techniques semble expliquer une difficulté soulevée par les enseignants : il arrive que
les échanges ne démarrent qu'à la toute fin de la séance, réduisant le temps
d'échange constructif à quelques minutes (P1, P4).
P1 : [insiste] oui mais des fois ce n'est qu'à la fin qu'on arrive à se lancer sur
un truc et ils ont envie d'en savoir plus !
P4 : Oui, mais oui, t'as raison... Mais je crois que notre difficulté elle est là !
2. Le rôle des animateurs pendant les séances
a) Le rôle théorique de l'adulte pendant les séances de l'ESJ
Les adultes estiment que le rôle de l'animateur au sein de l'ESJ est de favoriser la
parole des jeunes : faciliter le questionnement des élèves (Dir), impulser les
échanges (M3), tenir une posture d'animation et de médiation au sein du groupe
(M2), même si cette posture est parfois difficile à adopter (P3, M1, M4). L'animateur
ne se positionne pas en « sachant » et facilite l'expression de l'expérience des
jeunes (M2) pour que le groupe puisse répondre à ses propres questionnements
(voir « ESJ et apprentissage »).
AJ : On est d'abord sur l'interrogation de l'élève, essayer que par lui-même il
trouve des réponses. Et puis dans l'accompagnement quoi, on n'est pas sur
un cours magistral [...]
70
Résultats
Pour les adultes, l'adolescent a un rapport à la connaissance propre à sa
génération (Dir). Les médias et notamment internet permettent l'accès des
adolescents à une quantité considérable d'informations. Cependant les adolescents
auraient du mal à comprendre et à faire « le tri » de cette masse d'informations,
générant parfois une angoisse (P2). L'adulte éducateur doit donc être un guide
permettant aux jeunes de prendre un recul critique face à ces informations (Dir).
Les adultes se décrivent donc dans une posture « bienveillante » où ils sont à
l'écoute des jeunes (M2), et portent sur eux un regard neutre et sans jugement (P3).
Cependant, l'adulte de l'ESJ doit aussi être garant de la fiabilité des
connaissances et des informations exprimées dans les séances (M3).
Les adultes avaient donc défini a priori des « rôles » dans le binôme d'animation :
un des deux adultes devait être garant du cadre et de l'animation des échanges,
l'autre adulte (plutôt le médecin) garant des connaissances et informations médicales
(M3). En réalité, ces rôles théoriques ne semblent pas aussi rigides, comme
l'expliquent les animateurs.
b) Le rôle du médecin généraliste pendant les séances
En pratique, au sein des séances de l'ESJ, le médecin a un rôle hybride entre
« animateur » d'échanges collectifs et « expert » en santé-médecine.
M3 : Moi c'est plus comme ça que je le vois notre rôle, en fait. Dans quelque
chose où on va favoriser l'échange, de temps en temps lancer quand ça ne
vient pas tout seul et puis positionner notre expertise.
Dans le rôle d'« animateur », le médecin donne l'« impulsion » des échanges si
« ça ne vient pas », il tente de favoriser les discussions entre les adolescents (M2,
M3). Les élèves décrivent les médecins comme attentifs, à l'écoute (E17,
questionnaire), les mettant à l'aise et en confiance (Questionnaire, E14, E16).
Cependant cette posture d'animateur est une posture difficile : il n'est pas inné pour
un médecin d'être animateur de dynamiques collectives (M1, M2, M3, M4, voir partie
« difficulté des médecins »).
M2 : On est là pour favoriser un dialogue autour de la santé, pour catalyser ça.
M4 : [...] parce que moi, j'avais eu des difficultés pendant une période
justement avec ce côté animation et avec ce côté heu… ben voilà : il n'y a pas
de questions qui viennent...
Dans le rôle d'« expert », le médecin est le référent de l'information médicale. Soit
il amène des informations aux jeunes, pour répondre à leurs questions en fonction
71
Résultats
des besoins (M2), soit il est un « garde-fou » lors des échanges sur des sujets
médicaux afin de corriger d'éventuelles connaissances erronées (M3). Les élèves
expliquent que le médecin « répond aux questions » (E12), et amène des
informations fiables, dans lesquelles les jeunes ont une confiance très importante
(voir « apport du médecin à l'ESJ »). Dans ce rôle d'expert, les médecins se sentent
plus à l'aise, tout en signalant la difficulté d'amener les informations et de corriger les
erreurs en y amenant progressivement les jeunes et en essayant de les faire avancer
dans leur réflexion (M3).
M3 : Comment on peut essayer de reprendre ça pour les amener à réfléchir, à
avancer, ou à vraiment dire « ben non, ça c'est faux », ça peut arriver quoi !
[…] Le problème c'est de savoir le dire quoi…
Les autres animateurs apprécient ce rôle d'expert, expliquant que les médecins
amènent une objectivité dans l'information, quelque chose de « technique » (AJ, P1,
P2, P3, P4).
P2 : Enfin en tout cas, je trouve très important qu'il y ait des médecins, […] et
je trouve que leurs réponses claires, sans sentiments, précises…
P1 : Aseptisées quasiment... [sourit] la technicité…
P2 : Voilà ! Et je trouve toujours ça très intéressant. Voilà, il n'y a qu'un
médecin qui peut faire cette réponse et je trouve que c'est vraiment très bien.
Le rôle d'« expert » présente cependant une limite. Dans l'ESJ, certains sujets de
santé abordés ne relèvent pas strictement de la compétence médicale, mais de la
compétence éducative (exemple des problématiques relationnelles) ou encore de la
simple expérience d'« adulte » (M2, M3) (exemple du questionnement sur la mort). À
ce moment là, les médecins décrivent leur présence comme non-indispensable, les
autres adultes étant également compétents, voire plus compétents qu'eux-mêmes
(M2, M3) pour animer les échanges et être garants des connaissances (M2, M3).
C'est pourquoi le rôle d'expert ne doit pas être envahi par le médecin (M2) : M2
précise la volonté d'équité avec les autres intervenants et privilégie la posture mixte :
tous les intervenants sont à la fois animateurs et aussi plus ou moins experts. C'est
ce que M2 appelle la « transversalité » des animateurs.
Pour favoriser le dialogue le médecin doit savoir se taire (M2) et valoriser les
savoirs des élèves et des autres adultes (M2). Malgré son expertise médicale, le
médecin doit accepter de quitter le terrain sur lequel il est à l'aise (la pathologie) pour
aller vers les préoccupations des adolescents, même si les sujets abordés sont en
72
Résultats
dehors de ses compétences et mettent le médecin face aux limites de ses
connaissances (M2).
Au final, dans le gradient entre « animateur » et « expert », c'est la personnalité
du médecin, son aisance face au groupe qui détermine la position occupée (P1, P4,
M4, M2)
P4 : En fait il y a des médecins qui sont à la fois animateurs et … médecins !
Donc ils gèrent tout quoi. Alors là, c'est assez confortable parce qu'on
participe quand on veut tout ça... Parfois il y a des médecins qui sont là en fait
plus [...] en tant que médecin, et du coup là on a plus à se positionner en tant
qu'animateur.
c) Le rôle des enseignants pendant les séances
Le rôle des enseignants au sein de l'ESJ comprend trois facettes : garant du
cadre, animateur et adulte référent pouvant exprimer une opinion. Ces deux
dernières sont parfois à l'origine de difficultés.
Un des rôles investi par les enseignants est de garantir un cadre de respect de la
parole entre les jeunes. Les enseignants décrivent être « à l'aise » dans la gestion du
temps de parole des élèves et la distribution de cette parole, ce qui correspond plus
à leur rôle professionnel habituel (M2, P3, P4). Les élèves perçoivent également que
les professeurs occupent facilement le terrain de la « discipline » (E13, E14, E17,
E20), ce qui est d'ailleurs perçu comme bénéfique pour permettre un climat de
discussion serein (E13).
E14 : Ils [les enseignants] viennent juste pour nous gérer en gros si on fait des
bêtises, des choses comme ça…
P4 : [...] il y a des choses sur lesquelles j'y vois clair. C'est à dire que, par
exemple bien les chercher à l'heure, préparer des conditions pour que ça
puisse démarrer de bonne heure enfin tout ça. Tout ce démarrage, ça je... en
fait, mon rôle il est clair dans ma tête […]
Les enseignants doivent souvent endosser le rôle d'« animateur » lors de la
séance, particulièrement lorsqu'ils sont accompagnés d'un médecin peu à l'aise luimême dans l'animation collective (M3, P2, P4). Ce rôle d'animateur est à l'origine de
difficultés pour certains enseignants, notamment car il n'est pas assez clairement
défini (P1, P4), mais pas pour tous (P2).
Mod : C'est quoi pour vous le rôle d'animateur ?
P1 : C'est là où ce n'est pas très bien défini et on ne sait pas trop quoi faire...
73
Résultats
Sur certaines thématiques, les enseignants peuvent être amenés à donner leur
opinion en tant qu'adulte, ou amener leur expertise lorsque le sujet fait partie de leurs
compétences (M2). Les professeurs sont cependant mal à l'aise à l'idée de donner
leur avis ou d'exprimer leur opinion. Pour certains cela revient à exposer une partie
de leur vie privée, ce qu'ils ne font pas en temps de classe ordinaire (P1, P2, P3), et
qui est perçu comme une « mise en danger » de soi-même (P1).
P1 : Et là en tant que prof, d'habitude, on n'est jamais amené à dire ce qu'on
pense en fait... Enfin, moins. On est dans [...] l'écoute de l'élève et pas dans
cette mise en danger de soi-même. […]
P2 : oui oui oui complètement ! On n'a pas de « vie » !
P2 : […] voilà, je trouve ça pas si facile quand le médecin me demande mon
avis, de me positionner juste en tant que personne, enfin voilà, j'ai du mal.
L'expression de l'opinion des enseignants survient souvent après une sollicitation
du médecin (M2, P1, E14). Les élèves remarquent également que les enseignants
donnent leur avis et ils en ont une perception positive (E10, E13, E14).
Les enseignants apprécient la co-animation avec les médecins, ce qui leur donne
l'occasion de prendre du recul par rapport au groupe. Le fait de ne plus être
« responsable » du groupe permet de « se taire » (P1), d'écouter et d'observer les
élèves (P4). Ceci est d'ailleurs décrit par les élèves : les enseignants viennent pour
« écouter » ou pour « regarder » (E4, E12, E14, E10, E16, E17, E20), et prennent
peu la parole (E17, E19). Certains élèves ont l'impression que les enseignants aussi
sont là pour apprendre lors des séances (E12, E13, E16).
E20 : Les profs qui viennent c'est juste pour... heu je sais pas trop... juste pour
écouter…
À cause de cette prise de recul durant les séances, les élèves n'ont globalement
pas l'impression que la présence du professeur leur apporte un bénéfice (E10, E13,
E20, E19), car ce ne sont pas eux qui répondent aux questions (E20). Leur rôle
semble secondaire par rapport à celui du médecin (E10, E13, E14, E12, E20). E7
remarque cependant qu'un enseignant peut mieux comprendre les difficultés d'un
élève après l'avoir écouté dans une séance de l'ESJ.
Globalement, les élèves expriment un changement de posture de l'enseignant
pendant les séances de l'ESJ, qui s'écarte du rôle traditionnel (P4, Dir, E13, E14,
E10). Ils décrivent que les enseignants sont un peu comme dans les voyages
scolaires, plus proches, plus neutres (E13), plus réceptifs aux questions des élèves
(E12, E13, E14), qu'ils les jugent moins et les prennent plus au sérieux (E13). Au
74
Résultats
final, les enseignants semblent moins dans une relation de supériorité avec les
élèves (E12, E13, E17) même si certains pensent qu'au contraire les profs ne
changent pas (E20).
E17 : Parce que quand ils [les enseignants] sont à l'ESJ c'est pas forcément
eux qui ont le pouvoir, qui dirigent le cours. C'est plutôt avec les médecins et
les élèves.
Dir : Parce que dans l'ESJ, le prof accompagnateur n'a pas le statut de prof
quoi.
C'est ce changement de posture qui semble difficile pour les professeurs, même
si cette difficulté est à nuancer par le fait que ces derniers se sentent de plus en plus
à l'aise avec le temps (P1, P4).
d) Le rôle de l'animateur jeunesse pendant les séances
AJ définit son rôle comme un rôle d'animateur des séances ESJ, qu'il souhaite
« dynamiser ». Pour cela, il apporte des techniques d'animation et des outils
pédagogiques, auxquels il réfléchit à l'avance, ce qui est unanimement apprécié par
les médecins (M1, M2, M3, M4).
Lors de l'abord de questions « techniques » concernant la santé, AJ ne se sent
pas compétent pour délivrer des informations mais reste attentif à ramener les
échanges vers le vécu concret des jeunes et de leur environnement. Cependant,
lorsque les thèmes de discussion ne sont pas directement reliés à la médecine et au
soin, une compétence équivalente à celle du médecin lui est reconnue pour
intervenir (M3) ou faire passer des messages (Dir).
AJ : […] je ne suis pas du tout un professionnel de la santé, je ne me
permettrais pas de répondre sur ces questions-là. Mais par contre ça
m'intéresse de savoir comment le jeune a eu l'information, est-ce que le jeune
en discute avec ses parents, est-ce qu'il en discute avec ses copains, est-ce
qu'il se pose telle ou telle question. Ça, ça m'intéresse. Et là, je pense que j'ai
ma place, dans ce cadre là.
Par sa profession, AJ côtoie les jeunes dans un autre contexte et amène un
regard différent au sein de l'ESJ (AJ, Dir). La présence d'AJ lors des séances semble
motiver et attirer les élèves (notes de terrain). Les élèves le reconnaissent comme
« plus de leur génération » et donc plus à même de les comprendre et de les mettre
à l'aise (E13, E14, E11).
75
Résultats
e) Complémentarité des compétences entre les différents animateurs
Aucun des animateurs de l'ESJ n'est un professionnel de l'éducation pour la
santé, mais chacun possède des compétences spécifiques. En s'associant, ces
champs de compétences se complètent et améliorent la qualité de l'ESJ (Dir, AJ,
M2).
AJ : […] pour moi ce qui est important effectivement, c'est qu'à un moment
donné le professeur, le médecin et l'animateur des temps de loisirs se
retrouvent ensemble sur un même temps, pour aborder la même thématique,
pour discuter dans le… Et puis on voit bien, [...] à la fois on se complète et
puis à la fois… moi je trouve qu'il y a de la cohérence.
L'animation collective peut représenter une difficulté pour les médecins. C'est
pourquoi, l'association avec un professionnel de l'animation comme AJ, qui apporte
des compétences spécifiques d'animation collective et des outils pédagogiques
semble précieuse pour créer un dialogue autour de la santé (M1, M3, M2, M4), ce
qui est très apprécié des médecins (M1, M3, M2, M4), notamment ceux en difficulté
avec l'animation collective.
M1 : Et c'est vrai que AJ il a amené des choses plus techniques mais
autrement, des fois, avec les profs au départ… on a galéré hein !
La complémentarité des compétences et l'interaction entre les animateurs est
source de plaisir et participe à l'investissement des professionnels dans l'ESJ (M2).
M2 : C'est cette différence-là, ou cette complémentarité qui fait qu'après il y
d'une part un plaisir pour les adultes qui sont là […], parce qu'au départ les
enseignants, qui ne prenaient pas cette place, qui ne trouvaient pas de
plaisir… Quand ils ont une place plus riche, qu'ils sont intégrés dans le
dialogue, ben ils reviennent, ils sont impliqués dedans [...] S'ils sont juste là,
spectateurs, heu il y a un turn-over [...] et donc ils se désinvestissent un petit
peu.
De part leur profession, les adultes ont un regard différent sur certaines questions
de santé des adolescents. L'expression de ces différentes opinions face aux jeunes
amène de la richesse à l'ESJ (M2). De plus, la complémentarité des compétences
permet, au fil du temps, une « formation professionnelle » informelle aux
compétences des autres adultes (AJ, M3, M2, P4 : voir partie « Apport de l'ESJ dans
les pratiques professionnelles »).
76
Résultats
f) Importance des intervenants extérieurs à l'établissement
Les élèves sont nombreux à souligner l'importance de la participation
d'intervenants extérieurs à l'établissement au sein de l'ESJ (E14, E10, E8, E12, E13,
E14, E6, E2). Le terme d'intervenants extérieurs désigne les médecins et AJ.
Les personnes extérieures sont perçues comme plus faciles à aborder et facilitent
donc la parole des jeunes (E14, E6, Dir), notamment car la sensation d'être jugé est
moindre avec une personne « qu'ils ne connaissent pas » (E10, E13, E8). Les jeunes
ont également une plus grande confiance dans la confidentialité des intervenants
extérieurs car ils n'ont « personne à qui répéter » les propos tenus lors des séances
(E13) (voir partie « Respect de la confidentialité des adultes »).
E10 : C'est qu'ils [les médecins] ne nous connaissent pas forcément, ils n'ont
pas d'a priori d'avant, de comment on est d'habitude.
E13 : Ils n'en auront pas après non plus […]
E8 : Ils s'en foutent normalement, on dit ce qu'on veut.
Les résultats du questionnaire vont dans le même sens puisque la présence de
médecins « inconnus » ne semble pas un facteur déterminant de la non-participation
des élèves : seuls 20,5 % s'en soucient.
Les enseignants, au contraire, sont perçus comme connaissant très bien les
élèves (E14, E10, E13, E7) et pouvant avoir des a priori sur eux (E10). Les élèves
expriment que, sans forcément gêner leur expression, la présence des enseignants
ne la facilite pas (E5, E10, E14, E15, E13, E16, E19, E4), voire que certains
enseignants particuliers l'entravent (E6). Inversement, la présence d'intervenants
extérieurs semble plutôt la faciliter (E2, E3, E5, E6, E1, E7).
Les enseignants signalent également l'importance des intervenants extérieurs
(P1, P2, P3, P4). Ils expliquent que le professeur n'est pas omniscient (P1, P2, P4) et
ne peut pas répondre seul aux multiples missions que la société fournit à l'école (P2,
P3, P4).
P2 : Donc moi je trouve très important, que des intervenants extérieurs
viennent pour expliquer aux élèves, parce que ça a encore plus de poids. [...]
Ils [les élèves] ne peuvent pas imaginer qu'on est omniscients.
Dans une logique éducative, la multiplication des intervenants enrichit les
apprentissages des élèves (AJ).
AJ : Ça veut dire […] qu'on a assimilé le fait que l'éducation, ce n'est pas
« que » soit à l'école, soit à la maison, soit sur les temps de loisirs, mais que
77
Résultats
c'est un tout. Et que, avoir une cohérence dans ces différents temps
d'éducation, c'est hyper important.
3. Perception globale du projet
a) Une perception globalement positive
Les jeunes participants de l'ESJ expriment une satisfaction importante par rapport
au projet. Dans le questionnaire, 69,8 % des élèves ont exprimé être « tout à fait
d'accord » ou « d'accord » avec l'assertion « Globalement j'aime bien l'ESJ ».
b) Une « occasion »…
La notion d'« occasion » a été rapportée par tous les acteurs de l'ESJ.
Selon les animateurs, l'ESJ représente une occasion pour les adolescents d'avoir
une conversation avec des adultes, évènement considéré comme rare, et d'exprimer
les interrogations qui les concernent (AJ, Dir, M1, M4, M3, M2, P2, P1), ce qui
répondrait à un de leur besoin (P2, Dir). L'adolescence est en effet perçue par les
adultes comme une phase de questionnement (P3). Ces questionnements, difficiles
à exprimer, peuvent être à l'origine d'une souffrance (M2) et faire percevoir cette
période de la vie comme un âge difficile (M4). Ils ont donc besoin d'être extériorisés
et entendus par un adulte afin de favoriser leur résolution (P2, P3).
Dir : Je pense que ça répond, oui, aux attentes des jeunes, dans le sens où…
ce sont des questions qu'ils ont, et qu'ils ne poseraient sans doute pas
autrement.
P1 : J'ai trouvé ça super, parce que je me suis dit « ah, il y a un endroit où ils
peuvent dire ça » qui n'est pas un endroit où il y a des parents, pas un endroit
où il y a un prof justement (c'est un « adulte ») et avec un médecin qui est
bienveillant en face.
Les adultes estiment que la plupart des questions des jeunes ne pourraient pas
être posées ailleurs, notamment dans le cercle familial (AJ, M2, Dir, P2).
Premièrement car les adolescents sont décrits comme ayant « peu d'espace de
parole » dans leur vie quotidienne (Dir, P2) et deuxièmement car la relation parentenfant, affective et émotionnelle, rend plus difficile l'abord des problématiques
sensibles (maladie dans la famille, sexualité) (Dir). Les jeunes se décrivent d'ailleurs
« peu à l'aise » pour parler » de ces sujets avec leurs parents (E19, E16, E14, E13,
E10, E19, E20, M3).
E14 : Moi je trouve que c'est plus facile de parler de choses comme ça avec
des gens qu'on connaît pas qu'avec nos proches.
78
Résultats
Dir : Le lien affectif avec la famille peut poser souci pour poser des questions
particulières […]. Tandis que poser des questions à des personnes extérieures
qui ne sont pas concernées ça paraît plus facile.
L'ESJ n'est pas décrit comme le seul espace de parole possible entre les adultes
et les jeunes (P3, P2) mais il a l'avantage d'être « formalisé », c'est un « rendezvous » que le jeune peut identifier et utiliser (P1) et qui est accessible à tous (P3).
Les jeunes ont un regard un peu différent sur cette « occasion ». Dans ce qu'ils
expriment, l'ESJ ne répond pas forcément à un « besoin ». Plusieurs jeunes
décrivent s'y rendre sans avoir forcément de questionnement précis (E12, E13, E14),
ou simplement parce qu'ils ont entendu quelque chose à la télévision le midi même
(E17) ou par curiosité (E13).
E14 : Ben ce qui est bien aussi quand on va là-bas c'est qu'on est pas obligés
d'y aller vraiment pour quelque chose de « visé », enfin on peut y aller aussi
parce que...
E13 : par curiosité…
E14 : oui voilà, parce qu'on sait qu'on va apprendre des choses qu'on... ne
pense pas encore... à trouver la réponse…
E12 : ou pour les questions aussi, parce qu'au début on arrive, on ne sait pas
vraiment quelles questions poser. Et puis par rapport au débat qu'on va avoir,
ben on va en poser d'autres…
E13 : ça vient naturellement en fait.
D'autres jeunes décrivent qu'ils ont des questions mais, qu'effectivement, ils
n'osent pas aller chercher les réponses, notamment sur internet (E6, E7) même si
cela « les intéresse ».
Finalement l'ESJ est un espace qui « provoque » les questions, il pose un cadre
sécurisant pour les élèves (M3) et les pousse à s'interroger. L'ESJ est notamment
perçu comme beaucoup plus pratique et accessible que la recherche d'informations
sur internet.
E4 : […] [Devant] l'ordinateur, on pense pas vraiment à parler de ça, alors
qu'à l'espace santé jeune d'un côté on est un petit peu obligé, et puis
finalement ça ne nous gêne pas.
c) Importance de l'inscription dans une démarche de projet
c.1 Importance de l'inscription dans la durée
La durée du projet sur plusieurs années est décrite par AJ comme une force
importante de l'ESJ pour plusieurs raisons.
79
Résultats
La durée du projet amène du recul aux animateurs : avec le temps ils identifient
mieux ce qui fonctionne dans l'animation de séances (AJ) et deviennent plus à l'aise
avec cette animation (M1, M2, P4).
P4 : Bon plus ça va, plus je suis à l'aise... parce qu'au début c'était une
catastrophe...
M1 : […] des fois, avec les profs, au départ… on a galéré hein !
La durée du projet semble également diminuer les freins des différents
participants (AJ). Avec le temps l'ESJ s'est « institué », y participer est devenu
quelque chose de « normal » (P3). Cette « habitude » (AJ) facilite la participation des
jeunes : à la création du projet les 4-3ièmes participaient plus difficilement aux
séances que les 6-5ièmes. Avec le temps les 6ièmes qui participaient sont devenus
les 3ièmes et ont continué à venir à l'ESJ, remplissant les séances 4-3ièmes (AJ).
AJ : [...] ce temps-là, il a été vraiment nécessaire pour construire l'ESJ et faire
que les 6ièmes d'hier, ils deviennent les 3ièmes d'aujourd'hui et que,
finalement on arrive à instaurer une sorte d'habitude… enfin finalement, on est
dans quelque chose, aujourd'hui, d'« instauré », de « naturel ».
c.2 Existence d'un partenariat entre les professionnels
Les professionnels engagés dans l'ESJ décrivent entre eux une véritable relation
de partenariat (Dir, AJ, M1, M2, M3).
Pour AJ, un partenariat est défini par l'association d'acteurs qui partagent des
objectifs communs, à la différence d'un projet où certains acteurs sont simplement
appelés ponctuellement en renfort pour leurs compétences particulières (AJ).
AJ : Enfin moi, je me revois à cette première réunion, de lancement de l'ESJ
[...] on définissait les objectifs en commun. On était vraiment sur du
partenariat : « on va essayer de créer quelque chose en commun », « qu'estce qu'on veut pour cet espace ? » [...] Donc c'est pour ça que je parle de
partenariat.
Plusieurs facteurs renforcent le partenariat :
Premièrement, il existe une volonté commune aux animateurs de travailler
ensemble pour développer l'ESJ (Dir, M2, AJ, P4), concrétisée par des temps de
concertation bi-annuels fixés et respectés (M2, AJ).
AJ : Enfin ça [le projet ESJ et un projet de journée de santé à thème] pour moi
ça vient d'un partenariat fort, c'est parce qu'on fonctionne bien ensemble qu'on
a envie d'aller un peu plus loin et des fois de se remettre en question, de
proposer des choses.
80
Résultats
Deuxièmement, il existe un partage des compétences et une complémentarité
entre les différentes compétences des animateurs qui créent une richesse à cette
collaboration (M2, AJ, voir partie « Complémentarité des compétences »).
Troisièmement, le partenariat semble favoriser l'existence de véritables « relations
humaines » entre les différents acteurs, et facilite leur communication. Des échanges
entre collège et cabinet médical, entre le CSI et le collège, et entre le CSI et la
maison médicale sont fréquemment évoqués (M2, M3, AJ, Dir, voir partie « Maillage
autour des jeunes, mise en réseau des professionnels »).
Enfin, les médecins signalent également une reconnaissance, non financière mais
humaine, du travail effectué, ce qui valorise leur engagement dans le projet (M1).
M1 : M.Dir, je trouve qu'il a la délicatesse de nous envoyer ses vœux tous les
ans au moment de Noël. […] Je trouve que c'est un petit geste, mais au moins
c'est quelque chose qui signifie que le travail est reconnu, voilà.
d) Apport des médecins au projet ESJ
d.1 Importance du médecin généraliste
Les médecins semblent amener une plus-value importante à l'ESJ. Leur rôle est
décrit par les autres adultes comme « essentiel » (AJ), pour certains, l'ESJ ne serait
pas « viable » sans médecin (P1, P3, P4). Pour les enseignants, sans les médecins
l'ESJ serait « autre chose », un projet non centré sur la notion de « santé » (P2, P3,
P4).
Pour les jeunes, le médecin est perçu comme le principal animateur de l'ESJ, les
autres adultes sont perçus comme « accompagnateurs » du médecin (E19, E20).
Certains élèvent déclarent qu'ils ne « viendraient plus » si les médecins arrêtaient
l'ESJ (E19, E20), pour eux l'ESJ ne serait pas l'ESJ sans médecin (E10, E13, E14).
E19 : Ouais il n'y aurait plus d'espace santé jeune [si les médecins arrêtaient]
parce que c'est quand même grâce à eux... c'est eux qui le font !
Les médecins n'ont cependant pas la même perception de l'importance de leur
présence. Pour eux, l'ESJ pourrait parfois se passer de médecin (M2, M3).
M3 : […] c'est que je me dis, à la limite, au jour d'aujourd'hui, on a lancé
quelque chose qui peut-être pour certaines fois, pourrait très bien continuer
sans nous, je pense.
En effet, la présence du médecin n'est pas forcément nécessaire pour permettre
un échange entre les jeunes, ou permettre l'abord de problématiques de santé non
médicales pour lesquelles les autres adultes ont une compétence (M2, M3).
81
Résultats
Tout en se reconnaissant un rôle dans l'initiation de projets de santé (voir partie
suivante), les médecins estiment que, dans l'idéal, leur présence concrète en séance
pourrait donc être moins fréquente. En effet, pour l'instant, une des limites de l'ESJ
signalée par les médecins est la dépendance du projet à la présence médicale (M3).
M3 : Mais on pourrait imaginer à la limite que le groupe fonctionne avec un
autre adulte référent que nous, parce que là pour l'instant ça tourne quand
même un petit peu autour du cabinet et de nos possibilités, et tout.
En conclusion, la propre perception des médecins de l'importance de leur
présence diffère de celle des autres acteurs.
d.2 Une crédibilité et une légitimité perçues
Le médecin généraliste est décrit comme pouvant faciliter l'émergence de projet
de santé sur un territoire. Ce rôle facilitant est en partie expliqué par la perception du
statut de médecin dans la population : l'image culturelle du médecin (M2). Cette
image positive du médecin, sa crédibilité, son expertise reconnue à propos de la
santé favoriseraient l'adhésion d'autres professionnels et du public (M2).
M2 : Et à ce moment là il [le médecin généraliste] a une légitimité pour, on va
dire, tout projet de santé dans un territoire. Il peut être moteur et il peut être,
on va dire, quelque chose qui donne un crédit, une caution, qui permet de
financer ça.
De part cette image positive, les médecins amènent une crédibilité à l'ESJ. Pour
les enseignants, le fait de collaborer avec des médecins donne une image de
« sérieux » et de « qualité » à l'ESJ, notamment devant le regard des parents (P3).
P3 : Je pense que cet espace, pour les parents, comme il y a un médecin qui
vient, ça lui donne aussi de la crédibilité, ça donne aussi une image de
l'établissement...
En effet, les adultes animateurs non-médecins ne semblent pas se sentir assez
légitimes pour animer seuls un espace de parole sur la santé comme l'ESJ (AJ, P2,
P3). Le médecin lui, de part ses compétences possède cette légitimité pour parler de
santé et il amène des données « validées » (Dir), qui ne sont pas de simples
« opinions personnelles » sur la santé (AJ). Il est donc le garant de la fiabilité des
informations (AJ) et est le seul légitime à donner certaines informations médicales
(AJ).
AJ : Pour moi la santé c'est [insiste]… de la compétence d'un médecin, voilà.
Même si on peut débloquer la parole etc. […] Ça peut exister sous d'autres
82
Résultats
formes, mais dans la manière dont on le met en place à Saint-Germain, là…
pour l'instant je le vois mal sans médecin.
d.3 Les jeunes ont une confiance très forte dans les médecins.
Les élèves ont une grande confiance dans les informations délivrées par les
médecins (E4, E7, E15, E19, E16, E17, E20, E5, E2, AJ).
E19 : et puis c'est des médecins donc on est sur que c'est vrai.
Cette confiance est véhiculée par les représentations des jeunes concernant les
médecins : ils ont fait beaucoup d'étude (E7), ils ont un « diplôme » (E17), c'est leur
« métier » donc ils sont « connaisseurs » de maladies (E2, E5, E6, E7). Cette image
culturelle « forte » du médecin est probablement transmise par les parents dans ce
milieu rural (M2).
E7 : Parce que c'est leur métier […]. Ils connaissent mieux, ils ont fait
beaucoup d'études. Et du coup ben, on est sûr que c'est vrai ce qu'ils disent.
E2 : c'est des connaisseurs...
Le fait d'obtenir des informations lors d'une relation « humaine » (définie par les
jeunes en opposition à la recherche d'information sur internet) participe à cette
confiance (E20, E16, E17).
E16 : Enfin là, c'est vraiment des médecins en réel... alors que derrière un
ordinateur... enfin... tu sais pas…
E20 : ben oui parce qu'on l'a en face de nous [le médecin].
E17 : Parce que les médecins ils ont passé un diplôme et tout, alors que ceux
qui sont derrières des ordinateurs ça se trouve ils n'ont pas passé le diplôme
pour ça, donc heu... on ne sait pas ce qu'il y a derrière l'ordinateur !
e) Un espace « à part » dans le collège
e.1 Un espace « clos » au sein du collège…
Plusieurs facteurs participent à cette perception singulière de l'ESJ. La présence
d'animateurs extérieurs à l'établissement, le fait que les jeunes reparlent rarement au sein du collège ou au sein du cadre familial - de « ce qu'il s'est passé » dans les
séances et la règle de confidentialité façonne la perception d'un espace parfois décrit
comme « clos » (P1).
Premièrement, la présence d'intervenants extérieurs fait percevoir l'ESJ comme
un espace « à part », comme s'il ne faisait pas vraiment partie du collège (Dir).
Dir : Il y a un médecin qui est extérieur, il y a un animateur qui est souvent là,
qui est extérieur. Il y a un adulte qui est là, qui rappelle effectivement que c'est
83
Résultats
un peu le collège, il y a les lieux qui rappellent que c'est le collège, mais
finalement, je ne suis pas persuadé que les élèves dans leur tête, ils aient
l'impression d'être toujours au collège lorsqu'ils sont à l'ESJ.
Deuxièmement, il existe un consensus parmi les participants sur la discussion a
posteriori des sujets abordés dans l'ESJ avec les parents. Aucun jeune ne signale
parler habituellement avec ses parents des sujets abordés pendant les séances
(E14, E13, E9, E10, E12, E8, E15, E19, E17, E18, E16, E1, E6, E7), exceptée E4,
qui signale l'avoir fait une fois. Les jeunes expliquent que signaler leur participation à
l'ESJ amènerait des questions de leurs parents sur les thèmes abordés, ce qu'ils ne
souhaitent pas, estimant qu'il s'agit de leur « vie privée » (E13, E14, E6). D'autres
pensent que leurs parents se « fichent » de savoir qu'ils participent à l'ESJ (E13,
E16) ou que leur raconter n'avancerait à rien (E18).
E13 : En plus, dire à ses parents qu'on y va, après le soir ils peuvent dire :
« tiens vous avez parlez de quoi ? », et puis heu... des fois ça peut nous
gêner. D'ailleurs on peut même parler de la famille, on a pas forcément envie
de dire : « ben j'ai dit que des fois t'étais pas hyper cool ! » [rires] [...] Moi j'ai
jamais dit à ma mère : « ben tiens je vais aller à l'espace santé jeune ». J'y
pense pas en fait.
E19 : Et puis c'est aussi notre vie privée un peu ce qu'il se passe là bas... on
fait ce qu'on veut.
Certains parfois signalent à leurs parents qu'ils s'y sont rendus mais sans
expliquer les sujets abordés (E9, E15, E12, E1). Certains jeunes pensent que leurs
parents ne savent pas qu'ils participent à l'ESJ (E14, E8, E19, E17, E7 ), ou même
qu'ils ignorent l'existence de l'ESJ (E20, E18).
Parmi les non-participants à l'ESJ, seuls 34,1 % déclarent aborder des sujets de
santé avec leur famille au lieu de le faire à l'ESJ.
Troisièmement, les échanges de l'ESJ ne donnent pas spécialement lieu à des
retours dans les classes (E14) même si parfois il existe des échanges en classe à
propos de thèmes déjà abordés à l'ESJ (E12, E13), mais cela semble rester assez
marginal (E13).
Les discussions de l'ESJ ne semblent pas non plus faciliter les échanges
spontanés sur la santé entre les jeunes (E10, E13, E14, E15). La règle de
confidentialité semble jouer un rôle dans ce cantonnement (P1), même si E7 signale
parfois « parler» aux absents de ce qu'il s'est dit au sein de la séance.
84
Résultats
E10 : En dehors, enfin, quand on en sort, entre nous même, on n'en parle pas
forcément. […]
E14 : Quand on sort, c'est fini, c'est fini.
e.2 … mais un espace d'ouverture du collège sur l'extérieur
L'ESJ est donc perçu comme un espace clos au sein du collège, mais il est
paradoxalement
décrit
comme
un
espace
d'ouverture
avec
l'extérieur
de
l'établissement (Dir, P1, P2, P4). Cette ouverture vers l'extérieur est défendue par le
chef d'établissement (voire partie « Un collège tourné vers l'extérieur »). Le
partenariat avec des intervenants extérieurs à l'établissement au sein de l'ESJ
participe aux liens entre le collège et le cabinet médical ou la communauté de
communes (voire partie « Partenariat entre les professionnels de l'ESJ »).
Dir : L'ESJ en est une aussi, c'est une bouffée de liberté, c'est une bouffée
d'échange, c'est un espace de parole, c'est heu… voilà, c'est une ouverture
sur l'extérieur par rapport au collège. Et je trouve que ce partenariat est
important parce que, justement, il ouvre sur l'extérieur.
4. Perception des effets de l'Espace Santé Jeune
a) Maillage autour des jeunes, mise en réseau des professionnels
En créant un partenariat pour développer l'ESJ, les adultes ont développé des
liens entre leurs différentes structures. De manière informelle, ces liens mettent en
réseau les professionnels, qui sont amenés à communiquer sur des situations ne
concernant pas l'ESJ. Ce réseau semble permettre l'existence d'un maillage de
soutien autour de certains jeunes.
Ce réseau est signalé par différents professionnels (Dir, M2, M1, M3, AJ). Il
s'inscrit sur le territoire de la commune de Saint Germain (P2). Ce réseau semble
correspondre à : une meilleure connaissance des personnes dans les différentes
structures (M1, M2, M3) et à une communication entre ces différents professionnels
(M1). Globalement, l'utilisation de ce réseau n'est rapportée spontanément que par
les médecins (M1, M2, M3), même si d'autres acteurs valident cette idée (AJ, Dir).
M1 : C'est un peu quelque chose qui peut s'apparenter à un réseau. C'est à
dire qu'on va plus facilement prendre contact en fait […].Comme je le fais avec
un travailleur social quand je suis dans une situation de problème social qui se
présente dans ma consultation, bon ben […] je vais essayer de chercher de
l'aide et je vais échanger avec l'autre et puis savoir ce qu'on peut proposer. Ça
nous permet au moins de nous repérer et de pouvoir, oui quelque part,
travailler en réseau si besoin s'en fait sentir.
85
Résultats
Ce réseau de professionnels semble établir un « maillage » autour des jeunes du
territoire. Les médecins ont cité des exemples d'utilisation de ce réseau pour des
jeunes en difficulté : consultations médicales de jeunes filles envoyées par un
professeur qui avait identifié une problématique de contraception suite à une séance
de l'ESJ (M3), concertation entre parents, élève, médecin et chef d'établissement sur
le collège pour un élève en difficulté (M2).
M2 : [...] de ce lien-là avec le collège […] les enfants vont être facilités, vont
être encouragés à venir nous rencontrer si l'équipe pédagogique sent qu'il y a
un besoin.
M2 : Et puis être dans un maillage de dialogue, de discussion autour de
l'adolescent pour que, en cas de difficultés, de problèmes, il puisse y avoir
intervention.
Les médecins pensent que l'ESJ est à l'origine de ces contacts car avant l'ESJ, ils
n'étaient sollicités que rarement par le collège, et plutôt pour des situations d'urgence
ou de traumatologie (M1, M2, M3). À titre de comparaison, les liens avec le collège
public pour les jeunes en difficulté sont décrits comme plus compliqués (M3).
La volonté des médecins de se positionner comme interlocuteur disponible pour
les jeunes en difficulté renforce ce maillage autour des jeunes du territoire (voire
partie « Des adultes partageant des représentations communes »).
M3 : Donc c'était cette idée-là : créer d'autres repères adultes [que les
parents] […].
Les élèves interviewés dans les focus groups ne font pas mention de ce maillage
de soutien, les enseignants n'ont pas signalé non plus avoir utilisé ce réseau pour
des situations « hors-ESJ ».
b) Les jeunes ont-ils l'impression que l'ESJ influence leur santé ?
Les jeunes considèrent que l'ESJ a très peu d'influence sur leur santé. Lorsque la
question leur est posée ils répondent spontanément par la négative (E10, E13, E14,
E17, E18, E19, E2, E4, E7). Dans un second temps, certains élèves signalent qu'ils
se sentiront mieux informés sur certaines thématiques (E10, E14, E16, E18, E20) :
sexualité, drogues (E10, E14), surpoids (E19) et alcool ; même si l'influence de ces
informations sur leur santé reste assez floue pour eux.
E14 : On sera prévenus des dangers !
86
Résultats
E18 : Ben non mais ça évite de faire des choses que heu... enfin parce que du
coup on sait les conséquences... du coup on va peut-être moins le faire, on va
y réfléchir avant…
E4 : Oui voilà, on apprend des choses sur notre santé mais ce n'est pas pour
ça que... […] mais [ce n'est pas parce] je suis abonné chez le médecin […]
pour que j'apprenne des choses sur ma santé tout ça, que je vais me sentir
moins malade !
Les adultes signalent que l'ESJ semble diminuer les angoisses des jeunes. Les
adultes observent qu'un jeune qui livre ses doutes dans un espace sécurisant, qui
confronte ses propres angoisses à celles de ses camarades semble apaiser son
anxiété (Dir, P2), ce qui est d'ailleurs exprimé par un élève (E17).
E17 : Ben oui parce que [les thèmes de discussion] c'est dans notre quotidien,
on angoisse moins.
Dans les entretiens, deux types de situations angoissantes semblent être
exprimées par les jeunes. Première situation, les maladies de membres de la famille
causant une souffrance aux jeunes, par exemple un jeune dont le père est alcoolodépendant avait pu se livrer lors d'une séance (M1 et Dir). Les situations
d'incompréhension de maladies familiales exprimées à l'ESJ ont été rapportées par
de nombreux jeunes (E4, E5, E17, E13). Deuxième situation, les angoisses
quotidiennes, bénignes mais qui peuvent altérer le quotidien des adolescents.
Dans le premier cas, la libération du fardeau durant la séance peut
exceptionnellement s'apparenter à un acte thérapeutique (voir partie « Expression de
problématiques intimes »). Dans le second cas, il s'agit d'échanges plus banals (Dir,
P2).
P2 : Mais par exemple certains qui sont angoissés, je dis n'importe quoi, par le
fait que leur père partent pour son boulot trois fois par semaine, et bien voir
quelqu'un qui parle d'une autre angoisse, ça le rassure. Parce qu'il se dit
« mon angoisse, même si elle est différente, voilà je ne suis pas tout seul à
être angoissé ».
c) Modification de l'image des médecins généralistes, effets sur les
relations entre jeunes et médecins
c.1 Changement de regard sur les médecins
L'ESJ semble amener chez certains acteurs une modification de la perception du
médecin généraliste.
87
Résultats
Certains élèves trouvent que les médecins « changent » dans le cadre de l'ESJ,
qu'ils sont plus détendus, moins professionnels (E17, E18, E20). Un autre trouve
qu'au contraire, les médecins ne changent pas et restent abordables quel que soit le
contexte (E12).
E12 : C'est qu'ils ne changent pas, c'est exactement la même personne […].
Certains élèves ont changé de regard sur leur médecin : quelques uns ont plus
confiance dans leur médecin après les séances de l'ESJ (E17, E2). Cependant, dans
le questionnaire, 68,3 % des élèves déclarent ne pas avoir plus confiance en leur
médecin qu'avant.
E7 : Ouais parce que des fois […] on n'a pas vraiment confiance [avec les
médecins], je ne sais pas pourquoi mais voilà. Et d'aller à l'espace santé jeune
tu vois que les médecins ben... on peut parler de tout et de rien avec eux et
que… on peut leur faire confiance !
D'autres ont réalisé que le médecin était une personne à part entière, avec des
goûts, des centres d'intérêt (E5), ou que le médecin connaissait « autres choses que
les maladies » (E1).
E5 : Moi je suis avec M4 qui est au cabinet et des fois on la voit ici. Et tu te
rends compte que ta médecin elle est... tu découvres [chez elle] des passions,
autres que la médecine... des choses comme ça, ce qu'elle aime…
Une enseignante rapporte également avoir changé de regard sur les médecins au
cours de l'ESJ. Elle décrit s'être rendu compte des incertitudes que pouvait exprimer
un médecin. Cette perception n'est pas négative, elle semble avoir pour
conséquence d'humaniser le rapport entre cette enseignante et les médecins.
P1 : Il y a une humanité qui se crée en fait, qui est différente... C'est à dire,
nous même quand on va chez le médecin, c'est le médecin ! C'est celui qui a
le pouvoir ! Il sait ce qu'on doit faire ! Alors que là, du coup, quand on voit
parfois les incertitudes qu'ils peuvent [avoir] et bien, on se dit... « ah oui »,
mais même nous en fait, on crée une confiance avec le médecin aussi je
trouve... Il est pas tout puissant !
Selon M2, cette modification de la perception du « pouvoir médical » est positive.
Premièrement, elle favorise la participation des jeunes aux échanges : il est selon lui
plus facile de s'exprimer devant quelqu'un qui exprime ses doutes que devant une
autorité « sachante ». Deuxièmement, M2 explique qu'un médecin qui reconnaît les
connaissances profanes des jeunes sur leur santé et qui montre que lui-même n'est
pas omniscient, renforce la motivation des individus à s'investir dans leur santé.
88
Résultats
M2 : L'idée aussi […] c'est rendre acteur les enfants de leur santé. Parce que
s'ils considèrent que c'est le médecin qui « sait », eux ils n'ont rien à changer,
ils attendent tout de la personne qui sait, qui va leur dire.
c.2 Effets sur les relations médecin-jeune en consultation
Les avis des jeunes sont assez partagés sur la question des effets de l'ESJ sur
les relations en consultation. La majorité trouve que l'ESJ ne change pas leur relation
individuelle avec le médecin (E10, E14, E12, E17, E19, E20), ce qui semble en partie
lié au contexte de la consultation qui ne change pas non plus (présence des parents,
plaintes somatiques, voir partie « Éducation pour la santé en consultation »). Une
minorité explique cependant être plus à l'aise en consultation suite à l'ESJ (Quest,
E2, E7).
E2 : Ben on est plus à l'aise... […] Parce qu'on sait qu'il [le médecin] ne va pas
se moquer […].
Le questionnaire confirme la rareté des changements relationnels en consultation :
après avoir participé à l'ESJ, 76,2 % des jeunes ne se sentent pas plus à l'aise en
consultation, 65,1 % n'osent pas poser plus de questions à leur médecin, et 60,3 %
sont d'accord avec l'assertion « En fait l'ESJ n'a rien changé avec mon médecin ».
Les médecins expliquent qu'en étant « témoins » des problématiques spécifiques
de certains jeunes au cours des séances, l'abord de ces problématiques avec ces
mêmes jeunes en consultation est plus facile. L'enfant qui a confié les problèmes
d'alcool de son père à l'ESJ est un enfant suivi par M1, qui était présent ce jour là.
M1 explique qu'après avoir assisté à cette séance, il a été beaucoup plus facile pour
lui d'aborder à nouveau le sujet avec l'adolescent en consultation.
M1 : […] parce que j'ai pu être témoin de ça, et puis […] de pouvoir […]
reparler aussi de ça, en consultation, à l'occasion d'une visite de sport ou
autre. Parce que ça avait été abordé au collège quoi. […]
d) Effets sur la relation aux « adultes qui aident » : exemple de la
psychologue de l'établissement
Les enseignants expliquent que l'ESJ a facilité le rapport des jeunes avec la
fréquentation de professionnels de santé. Ils citent notamment l'exemple des
consultations de la psychologue de l'établissement (présente tous les 15 jours) : les
jeunes doivent spontanément prendre RDV avec la psychologue au secrétariat du
collège, puis quitter le cours à l'heure du RDV pour s'y rendre. Les enseignants
décrivent que tout cela se fait de manière assez naturelle, que les élèves
89
Résultats
« assument » devant leurs camarades d'aller « chez la psychologue » sans crainte
de jugement (P1, P3, P4). Pour P1, l'ESJ a facilité de manière générale la relation
entre les adolescents et « l'adulte qui aide ».
P1 : Les élèves, les uns vis-à-vis des autres en fait, savent qu'il y a des
adultes qui les aident. Que ce soit le médecin ou le psychologue. Et du coup il
n'y a plus de jugement... Il n'y a plus « ah oui tu vas voir le médecin » ou « ah
oui, tu vas voir le psychologue ». C'est normal.
e) Effets sur la vie quotidienne du collège
e.1 L'ESJ améliore-t-il les relations entre les élèves ?
L'effet de l'ESJ sur les relations entre élèves est source d'opinions contradictoires.
L'expérience d'empathie vécue au cours des séances de l'ESJ (voir partie «Une
facilité à se mettre à la place de l'autre») pourrait être à l'origine de relations plus
compréhensives entre les élèves sur le reste du temps scolaire (E13, E14, Dir).
Dir : Je crois que […] mais alors après je n'ai pas les certitudes, mais le fait
qu'ils partagent, [...] des moments forts […à l'ESJ...] je crois que ça permet
une connaissance mutuelle des élèves qui va éviter des tensions aussi. [...]
mieux on se connaît, mieux on accepte de vivre ensemble, [...] cette
connaissance des uns et des autres facilite la vie collective finalement.
Certains participants estiment également que l'ESJ peut faciliter les relations
entre les élèves plus jeunes et les plus âgés (E12, E13, P4), le questionnaire va
dans le sens d'un faible effet : 34,9% des élèves pensant que l'ESJ les a rendu plus
à l'aise avec les élèves plus âgés.
Dans ce collège de petite taille, les élèves déclarent se connaître tous, donc l'ESJ
ne permet pas à des élèves inconnus de se rencontrer (E16, E17, E20). L'ESJ peut
cependant permettre à des élèves qui ne se parlent pas habituellement d'avoir des
échanges (E13, E14, E15, E17, E20, P1) mais pas au point de se faire de nouveaux
amis (E10, E13, E14). L'ESJ ne semble pas non plus avoir d'effet important sur les
préjugés entre les élèves, ce qui est confirmé par le questionnaire : pas de
diminution des préjugés entre élèves après l'ESJ chez 63,5 % des participants.
Les enseignants remarquent qu'il existe une différence dans le relationnel des
élèves pendant les séances ESJ par rapport au reste du temps scolaire : les élèves y
seraient plus respectueux entre eux, mais sans que cela ne modifie leurs rapports en
dehors (P1, P2, P4).
90
Résultats
P2 : Moi je les trouve assez respectueux pendant les séances, je les trouve
assez respectueux les uns avec les autres, mais par contre c'est après, je
trouve, que ça ne change pas grand chose...
e.2 L'ESJ améliore-t-il les relations entre les élèves et les
enseignants ?
Les élèves et les enseignants ont des opinions contradictoires sur cette question.
Les élèves décrivent une attitude plus humaine des enseignants durant les
séances (voir partie « Rôle des enseignants pendant les séances »), ce qui peut
modifier le regard qu'ils portent sur eux mais sans pour autant que cela n'entraine
une amélioration sur les relations élèves-enseignants hors de l'ESJ (E10, E12, E14).
Le questionnaire va également dans ce sens : seuls 41,9 % des élèves déclarent voir
de manière plus positive les enseignants après l'ESJ.
Les enseignants, au contraire, considèrent que cette posture plus neutre et « à
l'écoute » favorise une relation positive avec les élèves au décours des séances ESJ
(P1, P2, P3, P4, Dir). Le développement d'une relation de confiance semble
permettre une plus grande connivence avec les élèves, une relation plus « humaine »
(P1, P2, P3, P4).
P1 : Ben ils disent des choses, qu'on écoute et qu'on ne juge pas […]. Et donc
du coup, il y a cette relation de confiance.[…]
P2 : Moi j'irais même plus loin que toi. « j'ai été respecté » […] enfin, «j'ai été
accepté ! », dans ma différence [...] on est passé de « le prof contre les élèves »
à [...] « on est ensemble, on avance dans la même direction ».
P1 : Un adulte qui me respecte, et sur qui je peux avoir confiance.
Les enseignants expriment changer de regard sur les élèves (P1, P3, P4) : les
séances de l'ESJ permettent aux enseignants de découvrir l'élève sans le « prisme »
de leur matière d'enseignement (P4), et donc d'avoir un regard neuf sur les élèves.
Au final, les enseignants décrivent que la relation « d'adulte à adolescent » au sein
de l'ESJ nourrit positivement la relation « d'enseignant à élève ».
P4 : Je trouve que ça permet de mieux les connaître et qu'il y ait une autre
relation qui s'installe en fait […]
P1 : C'est plus humain en fait, c'est souvent plus humain. Plus de personne à
personne, d'adulte à enfant et pas de prof à élève.
P1 : C'est à dire que quand on a vécu l'espace santé jeune, on s'est dit à un
moment donné « ah mais c'est pas du tout l'élève que je pensais [...] »
91
Résultats
L'ESJ n'a cependant pas l'exclusivité de ces relations privilégiées entre élèves et
enseignants. Les temps informels comme les sorties scolaires, les voyages, le sport
ou la vie de classe participent également à cette relation (P1, P2, P3, P4).
P4 : [l'ESJ] est un élément parmi tout ça, en fait.
Les
enseignants
signalent
également
enrichir
leurs
représentations
de
l'adolescence en général, grâce à l'écoute des jeunes à l'ESJ, notamment sur leur
contexte de vie (P1) ou sur leurs préoccupations, leurs questionnements (P4).
P4 : Je trouve que c'est riche. De prendre conscience... et moi je trouve que
l'ESJ a contribué à [...] je ne pensais pas qu'il y avait un certain nombre de
sixièmes qui se posaient ce genre de questions. [...] les questions de
« première fois » des choses comme ça. Et une méconnaissance aussi, de
certaines choses ! J'ai été sciée quoi !
e.3 Amélioration des conditions d'apprentissage
Pour l'équipe éducative du collège, l'ESJ participe à l'amélioration des conditions
d'apprentissage globales des élèves.
P3 remarque que le bien-être d'un élève est relié à sa capacité d'apprentissage
(P3). Le collège tente donc de favoriser ce bien-être (Dir) en utilisant de multiples
moyens. L'ESJ est un de ces moyens, et participe, au milieu d'un tout, à la qualité de
vie des élèves au collège.
Les enseignants soulignent également l'importance de la relation humaine entre
un élève et un professeur dans le cadre des apprentissages. De part la modification
positive des relations élèves-professeurs, l'ESJ est considéré comme un facteur
important d'amélioration des conditions d'apprentissage (P1, P2, P3, P4) même si
encore une fois, l'ESJ n'est pas le seul à y participer mais fait partie d'un tout (P3).
P4 : Il y a beaucoup d'étude qui sont montrées en maths sur l'impact du
relationnel sur l'apprentissage. Et heu, donc du coup je trouve, [l'ESJ] c'est
l'occasion d'un autre relationnel, qui est intéressant après je trouve.
P1 : Quand on revient en classe […] quand il y a eu un espace santé jeune
juste avant, et que je retrouve les mêmes élèves […], on n'est pas du tout
dans le même rapport. C'est souvent des élèves qui participent plus, parce
qu'ils ont eu confiance. [...] Et que du coup au niveau de l'apprentissage ça
passe aussi mieux, je trouve.
92
Résultats
e.4 Diminution des tensions sur le collège
Un des effets éventuel de l'ESJ serait de diminuer les « tensions » au sein de
l'établissement (Dir). Effectivement, l'ESJ est perçu par les jeunes comme un espace
de détente, d'amusement qui permet de « souffler » (voir partie « Motivations »).
Dir : Et je crois que l'ESJ [...] rend aussi service à l'établissement. […] le fait
qu'il y ait cet espace de parole […] ça va permettre d'abaisser certaines
tensions, existant chez les jeunes.
E19 : Des fois on s'amuse bien quand on est à l'intérieur [de l'ESJ], et puis du
coup, après, l'après midi on est content... on est pas [en train de se dire] « oh
non, il va y avoir ça comme cours, ça va être chiant »
5. Pistes d'amélioration de l'Espace Santé Jeune
Beaucoup de propositions d'amélioration se heurtent à la spontanéité de
participation et de choix des thèmes au début de la séance. Certains jeunes, mais
aussi des enseignants, aimeraient parfois plus de « suivi » d'une séance à l'autre :
revenir sur un thème non approfondi à la séance précédente (E4, P1) ou encore
bénéficier de la présence des mêmes adultes animateurs d'une fois sur l'autre pour
assurer une continuité.
P1 : Oui il y a ça et puis un peu plus de suivi d'une fois sur l'autre.
P3 : La limite du suivi du groupe c'est que ça ferme les portes aux autres la
fois d'après…
D'autres jeunes souhaitent une meilleure gestion du nombre de participants,
décrivant parfois un afflux massif qui rend difficile l'organisation de la séance (E2, E4,
E7, E17, E20, Questionnaire).
D'autres souhaiteraient des séances spécifiques destinées à un seul niveau de
classe (5ièmes uniquement par exemple) (questionnaire).
Les élèves expriment l'envie d'inclure la psychologue de l'établissement dans
l'équipe des animateurs (E12, E13, E14), qui pourrait apporter encore plus d'écoute
et de dialogue (E14).
Une autre piste d'amélioration de l'ESJ exprimée par certains participants serait
de favoriser les échanges dès le début de la séance, pour éviter les « grands blancs »
(E17, E20) et le « démarrage » des échanges alors que la séance est sur le point de
se terminer (P1, P4).
93
Résultats
a) Principales hypothèses expliquant la non-participation de certains
jeunes
Toutes ces hypothèses proviennent des questions ouvertes du questionnaire, sauf
mention d'un élève ayant participé au focus group.
a.1 Manque d'intérêt
Certains élèves ne sont pas intéressés par l'ESJ. Ils pensent que l'ESJ « est nul »
ou « inutile » (E14), en tout cas ils n'en voient pas l'intérêt.
Quest : Les sujets exprimés à l'espace santé jeune ne m'intéressaient pas, et
je n'aime pas la médecine.
a.2 Pas de besoin ressenti à participer
Certains élèves pensent que l'ESJ est quelque chose de positif mais ne
ressentent pas le besoin d'y aller, ils ne se sentent pas concernés par les sujets de
conversation ou n'ont pas de questions particulières. Notamment, certains parlent
déjà de santé avec leurs parents, et expliquent donc ne pas avoir besoin de l'ESJ.
Quest : C'est intéressant mais pour moi inutile.
Quest : Je trouve que cela ne me concerne pas car je n'ai pas de maladie
grave et ma famille aussi, il n'y a pas de maladie qui me pose question.
a.3 Difficultés organisationnelles
Les élèves externes (ceux qui ne mangent pas à la cantine) participent plus
difficilement à l'ESJ (Dir), ce qui est effectivement signalé dans beaucoup de
questionnaires. Certains jeunes préfèrent, quant à eux, consacrer leur temps de
pause-déjeuner à d'autres activités : sport, options, autres associations, temps libre
personnel. D'autres disent tout simplement « ne pas avoir le temps » ou « ne pas y
penser ». D'autres encore déclarent ne pas connaître l'ESJ, ou ne pas être informés
des dates de séances.
a.4 Difficultés avec le collectif
Certains élèves craignent peut-être de devoir prendre la parole devant les autres
(E11), ou ont peur que leurs propos soient répétés après la séance. Les résultats du
questionnaire vont modérément dans ce sens : parmi les non-participants 31,8 %
pensent que leurs propos pourraient être répétés (47,7 % pas d'accord et 20,5 %
sans avis) et 40,9 % n'oseraient de toute façon pas proposer de thèmes (40,9 % pas
d'accord et 18,2 % sans avis).
94
Résultats
Une autre hypothèse a été soulevée, concernant plus spécifiquement les 4ièmes
et 3ièmes. Les adultes s'accordent sur le fait qu'il est plus dur de recruter ces élèves
et que les séances sont plus difficiles à impulser avec ce public. L'hypothèse serait
que les 4ièmes soient freinés dans leur participation et leur expression à l'ESJ par la
peur du jugement des 3ièmes. Dans le focus 4ième-3ième, les 4ièmes ne se sont
quasiment pas exprimés (hormis E10). Dans le focus des 4ièmes seuls, les élèves
signalent (à demi-mots) que la présence des 3ièmes les rend mal à l'aise (E16, E17,
E18, E19, E20).
Mod : Et vous qui êtes en 4ième, quand vous êtes dans une séance avec un
groupe de 3ième assez important, comment vous vous sentez par rapport à
ça ?
E20 : On... on parle un peu moins déjà […].
E17 : [...] On a peur de parler de certains sujets parce qu'ils pourraient... je
sais pas heu […].
E18 : Moi perso, j'ai... c'est pas que j'ai peur mais... c'est juste que...[…] je
laisse parler les autres en fait .
Dans le questionnaire, seuls 20 % des élèves déclarent vouloir poursuivre les
séances 4ième-3ième mélangés. 67,6 % des élèves souhaiteraient une modification
des séances 4ième-3ièmes : 29,7 % une séparation définitive, 37,8 % une
alternance. 8,1 % des élèves n'ont pas d'avis. Ces résultats vont dans le sens d'une
difficulté de relation entre les 3ièmes et les 4ièmes en séance.
Parmi les non-participants de l'ESJ, seuls 31,3 % des quatrièmes déclarent ne
pas « aimer parler devant les 3ièmes ».
B. Espace Santé Jeune et pratiques professionnelles
1. Les médecins
a) Une perception de la profession de médecin généraliste
Les médecins généralistes de la maison médicale Averroès partagent une
représentation commune de leur profession. Ils considèrent que leur métier est basé
sur une approche globale du patient, pris en compte dans ses différentes
dimensions. Le partage de valeurs « humanistes » entre les médecins a été à
l'origine de leur association et de la création du cabinet (M2).
M2 : C'est une culture humaniste, médicale […] Donc il y a un biais dans ce
qu'on fait, parce que les médecins a priori, [on a] des valeurs qui nous sont
communes et qu'on a définies dans notre cabinet.
95
Résultats
Une organisation administrative de la maison médicale, basée sur la répartition
des tâches administratives entre les médecins et l'instauration d'un temps d'échange
hebdomadaire entre les associés semble faciliter l'engagement dans des projets de
santé (M2).
Dans cette vision globale, les médecins placent la prévention comme faisant
partie intégrante de leur pratique médicale (M2, M3).
b) Apports de l'ESJ
L'ESJ fait profiter les médecins de quelques apports positifs dans leur pratique
professionnelle.
Premièrement, participer à l'ESJ amène les médecins à une meilleure
compréhension de la réalité de la vie et du contexte des adolescents. L'ESJ procure
aux médecins des « clés » en terme de représentations (M1, M3, M4)
M4 : Moi ça m'aide à comprendre [...] des ados que je vois en consultation, [...]
à m'imaginer […] comment ils voient le problème, eux, de l'intérieur. […] Parce
qu'ils sont plus libres de parler dans cet ESJ qu'en consultation.
M1 : Je pense que ça donne des clés en terme de représentations […] on va
le mettre quelque part dans notre tête ce qu'on a entendu là, et c'est des clés
après […] dans le dialogue de la consultation.
Ces clés de représentation ne rendent pas forcément les médecins plus
compétents dans la prise en charge médicale des adolescents. En fait les médecins
sont partagés sur cette question. Certains pensent que l'ESJ améliore leur
compétence de communication avec les adolescents et facilite donc leurs
consultations (M2, M3), tandis que les autres expliquent que ces « clés » ne rendent
pas forcément plus aisée la rencontre singulière et imprévisible entre le médecin et
une personne, notamment un adolescent (M1, M4).
M4 : Ça donne des clés, effectivement, en terme de représentations qu'ils
peuvent avoir, mais après je ne me sens pas forcément plus compétente.
M3 : Moi j'ai l'impression que je rejoins un petit peu M2, je pense que ça me
rend plus capable d'entrer en relation, de choisir peut-être des mots
simplement […].
Deuxièmement, l'ESJ amène également un surplus de satisfaction professionnelle
à certains médecins (M2, M3) : l'idée de participer à l'amélioration de la santé des
jeunes en amont est valorisante (M3), d'autant plus que dans le domaine de la
prévention l'ESJ est perçu comme plus « utile » que la consultation (M3).
96
Résultats
M3 : Je trouve que c'est assez satisfaisant aussi quelque part de se dire que,
à côté d'un travail, ou quelque fois on va être dans de la prescription pour
compenser, [...] là on est vraiment dans du long terme. [...] Et là je me dis, on
est un petit peu dans la position de celui qui met un ferment, qui sème une
graine : [...] Bon peut-être qu'on en verra certaines pousser, s'épanouir,
d'autres pas du tout… mais [...] c'est pas désagréable de se dire ça aussi…
Troisièmement, le projet de l'ESJ rassemble les médecins autour d'un travail
commun. Ce projet partagé semble favoriser les échanges et les rapports entre les
médecins et participe donc à l'esprit d'équipe de la maison médicale (M2).
M2 : Dans notre pratique on est tellement individualisés, qu'avoir des choses
qui renforcent notre lien, qui fait [...] qu'on discute, je pense que ça favorise
une qualité de travail d'équipe. Parce que sinon on n'a pas tant de travail
d'équipe que ça.
En dernier lieu, les médecins décrivent « apprendre » au contact des
professionnels de l'éducation (M1, M2, M3), notamment en ce qui concerne la
communication et l'animation collective.
c) Difficultés pratiques liées à l'ESJ
c.1 Rémunération
La question de la rémunération a été très peu abordée spontanément par les
médecins. Seul M1 y fait allusion en précisant qu'une rémunération serait
souhaitable pour ce travail accompli. Il n'en précise pas les éventuelles modalités.
M1 : Il y a l'aspect, je dirais, de notre implication non rémunérée que je trouve,
bon, intéressante. Mais ce qui serait à terme logique, c'est qu'il y ait une
rémunération pour le travail, ce travail, qui soit fait.
M2 précise que l'investissement d'un soignant dans ce type de projet dépend de
ses priorités, notamment en ce qui concerne son niveau de rémunération.
M2 : Et après c'est le rapport qu'on a aussi avec nos priorités : est-ce qu'on
veut gagner de l'argent ou pas… [...] et dans le cabinet on a par rapport à ça
des valeurs qui ne sont pas des valeurs financières.
c.2 Gestion du temps de travail
Participer à l'ESJ rajoute un temps de travail non négligeable pour un soignant.
M2 précise que le temps de l'ESJ est une heure de temps de travail à part entière,
non superposable avec l'accueil des urgences ou les tâches administratives, ce qui
décale donc d'une heure la fin de la journée de travail. Aux temps d'animation
97
Résultats
s'ajoutent deux fois par an les temps de concertation avec l'équipe de l'ESJ. M2
explique donc qu'une organisation rigoureuse est indispensable pour permettre la
participation à ce projet. L'installation en cabinet de groupe, en permettant un
roulement des différents confrères à l'ESJ et en favorisant la répartition des tâches
administratives communes est un facteur facilitant la participation à ce type de projet.
M2 : Alors, clairement, c'est dans le temps professionnel, donc c'est quelque
chose qui rajoute « un temps » de travail. [...] donc ça reporte l'heure à
laquelle je rentre chez moi.
c.3 Posture éducative
Une des principales difficultés exprimée par les médecins est (ou a été) la
difficulté à maîtriser les techniques d'animation collective, compétence qui n'est « pas
innée » chez des médecins (M1, M2, M3, M4). Les connaissances médicales ne
semblent pas être un appui permettant d'être plus à l'aise devant le groupe, dans
cette situation les médecins sont « comme tout le monde ! » (M1).
M2 : On est là pour favoriser un dialogue autour de la santé […] on réalise
qu'il nous manque des outils pour animer un groupe, pour le rendre vivant
pour favoriser l'échange.
M2 précise également que la posture « transversale » du médecin au sein de
l'ESJ (c'est à dire facilitant les échanges, et valorisant les savoirs profanes) doit être
respectée : le médecin ne doit pas tomber dans le travers du « monologue » sur la
santé et doit parfois savoir « se taire » afin de favoriser l'expression des jeunes et
des autres adultes présents (M1, M2, M3).
M2 : C'est un biais aussi dans les jeunes médecins qui vont prendre [...] le
relais, parce que ce n'est pas si spontané que ça et quand il y a des nouveaux
enseignants, il faut vraiment à chaque fois les inciter à prendre la parole…
L'exemple récent c'est heu, une des enseignante qui était là [...] sur la
communication difficile entre filles-garçons, elle connaissait mieux que moi ce
sujet là. Mais spontanément, elle ne s'autorisait pas à l'exprimer. […] Donc il y
a un effort à la fois, à nous de temps en temps se taire et de temps en temps
d'encourager, ou valoriser les autres adultes [… qui vont] enrichir plus le
dialogue que si on est dans un monologue […].
C'est pourquoi M2 explique qu'avant de se lancer dans l'animation d'une séance,
il est important de se « former » au moins en observant des séances pour
s'imprégner du fonctionnement, ou en faisant appel à des ressources comme un
animateur jeunesse, ou des associations comme les IREPS.
98
Résultats
M2 : Il y a un peu besoin de formation, c'est pas si inné que ça. [...] et que
c'est quelque chose qui nécessite un support, ou se faire aider par l'IREPS,
[...] et là-dessus, l'apport de l'animateur [AJ] était drôlement important.
c.4 Mise en évidence des propres limites du médecin généraliste
Les médecins expliquent que les sujets de conversation amenés par les élèves
sont souvent à la limite de leurs champs de compétences (M2, M3), ce qui les met
parfois dans une position inconfortable (M2).
M2 : De temps en temps on se sent dans une position où… ça nous sort de
notre savoir, on a moins de certitudes. […] sur des questions des jeunes sur,
par exemple : « le cerveau et l'ordinateur ». [...] je n'ai pas une connaissance
particulière par rapport à ça, ça ne fait pas partie de ma formation. [...] on va
être [...] à la limite de nos connaissances, donc on va être […] plus en
difficulté.
c.5 Environnement
M2 explique qu'il est souvent difficile d'évoluer avec l'environnement matériel et
informatique du collège, qu'il ne maîtrise pas spécialement. Cette difficulté empêche
l'accès à certains supports, notamment numériques, qui pourraient apporter une
plus-value aux séances (outils pédagogiques ou supports d'information).
c.6 Qualité inégale des séances
Selon M2, la qualité des séances n'est pas toujours optimale, certaines séances
sont très riches entre les jeunes et les adultes, d'autres sont plus pauvres.
M2 : D'un point de vue qualitatif moi je suis un peu frustré… Je pense que ça
pourrait évoluer mieux qualitativement.
Différents facteurs semblent être à l'origine de cette inégalité. La qualité du lien
entre les animateurs semble être un de ces facteurs. M2 a par exemple une grande
habitude de travail avec AJ, animer une séance avec ce dernier représente un
« plaisir ». Au contraire, animer la séance avec un adulte moins motivé et moins
expérimenté rend parfois l'animation plus difficile et lui procure moins de plaisir.
M2 : Quand il n'y a pas l'éducateur, que ce n'est pas anticipé [cela a parfois
pour conséquence] que l'adulte qui est là-bas ne s'investit pas forcément…
Heu, à ce moment là, de temps en temps, le ressenti il est plus négatif…
Un autre facteur semble être la qualité du lien entre les jeunes eux-mêmes : une
bande d'amis qui participe aura moins de difficulté à prendre la parole, ce qui
améliorera la qualité des échanges. Au contraire, les difficultés de communication
99
Résultats
entre les 4ièmes et les 3ièmes, un mauvais « feeling » de l'animateur avec certains
groupes ne favorisent pas la participation et provoquent des séances d'où « il ne sort
pas grand chose ».
M2 : Donc ça, d'une année à l'autre, d'un groupe à l'autre, on n'a pas les
mêmes qualités d'échange et quand on n'a pas de qualité d'échange [...]…
c'est moins motivant !
d) Éducation pour la santé en consultation
d.1 Perception de la consultation médicale par les élèves
La perception de la consultation médicale par les jeunes est globalement
partagée par la perception des enseignants.
Les jeunes ont une représentation de la consultation médicale centrée sur la
pathologie et le corps. La plupart d'entre eux pensent qu'il est nécessaire d'avoir un
problème « physique » ou d'être « malade » pour se rendre chez un médecin (E10,
E13, E16, E2, E3, E4, P3, P1).
E10 : Mais quand on va voir le médecin c'est quand on est malade, du coup
on n'y pense pas trop [à poser des questions sur la santé]…
E4 : Enfin les médecins quand on va chez eux, dans leur cabinet, [...] on parle
de maladie donc heu... Sinon on leur fait perdre leur temps !
Les jeunes pensent majoritairement que la consultation médicale n'est pas « un
endroit pour parler » ou échanger avec les médecins comme ils le font à l'ESJ (E1,
E10, E13, E14, E20, E16, E17, E19, E20, P1, P2, P4). Le questionnaire va
également dans ce sens : 65,1 % des élèves ne souhaiteraient pas parler « comme à
l'ESJ » avec leur médecin en consultation. Parmi les non-participants à l'ESJ, 29,6 %
des élèves préféreraient parler avec leur médecin en consultation plutôt que se
rendre à l'ESJ. Parler de prévention n'est pas un motif de consultation valable pour la
plupart des jeunes (E2, E5, E16, E18, E20). Un seul adolescent identifie, au
contraire, le cabinet médical comme un lieu d'échange libre (E17).
E18 : Mais bon je ne me vois pas en train de dire à mes parents de
m'emmener pour « parler de ça » [de sexualité] au médecin…
E2 : Ben je sais pas, quand on va au médecin c'est toujours pour parler des
maladies [...] on n'a pas l'intention de parler des problèmes qu'on a dans la
tête du coup bah... là [à l'ESJ] on en parle.
100
Résultats
Les temps de parole sont perçus comme inversés entre la consultation et l'ESJ :
lors de la consultation c'est le médecin qui parle, il dit « ce qu'il faut faire », alors que
dans l'ESJ la parole est aux jeunes (E3, E4, E7).
E1 : Ben quand on est chez le médecin, ben on parle pas de choses enfin, on
dit ce qu'on a et puis c'est tout, on parle pas plus.
La présence des parents, fréquente en consultation, est également un frein au
dialogue entre médecins et adolescents (E17, E3, E2, E5, E7, P1, P4), même si les
parents peuvent laisser le jeune seul avec le médecin (E20). D'autre part, les
adolescents évoquent plusieurs facteurs limitant leur accès à la consultation
médicale : « prendre un RDV » (E17), y « être emmenés par ses parents » (E17,
E18, E20), et régler la consultation (E4, E7, E16).
E17 : Il faut prendre un RDV chez le médecin et tout, c'est plutôt compliqué.
E4 : Enfin les médecins quand on va chez eux, dans leur cabinet, ben déjà on
doit les payer […].
d.2 Avantages de l'ESJ sur la consultation médicale dans le cadre de la
prévention
Les médecins expriment que la consultation médicale présente plusieurs freins à
l'éducation pour la santé des adolescents. La présence des parents, la faible
fréquence de consultation des adolescents (M3, E7), la place occupée par les
problèmes somatiques, le manque d'identification du médecin comme interlocuteur
possible sur certaines problématiques (mal-être...) (M2, M3), la difficulté de
communication en colloque singulier avec l'adolescent sont identifiés comme
facteurs limitants par les médecins (M1, M2, M3, M4).
M3: La consultation on est en relation singulière, ou quelque fois parasité
parce qu'il y a un des parents qui est là et ce n'est pas toujours facile de les
faire sortir...
M1 : On a beaucoup de parasites par rapport à des demandes somatiques
hein, il faut être clair... C'est à dire que faire de la prévention en consultation
ça reste compliqué […].
Le « rôle » de soignant est également identifié comme un frein à la prévention en
consultation : il amène implicitement les demandes des patients vers le soin (M1) et
rend douteuse l'interprétation des conseils de prévention (cf. M3 ci-dessous). De
plus, il semble difficile de ne « pas répondre » à une demande somatique (M1).
L'ESJ semble s'affranchir de ce facteur limitant (M3).
101
Résultats
M3 : Ou même notre message [de prévention en consultation] ne passe pas
parce qu'on est vécu comme un soignant pour un problème médical et du
coup [...] il va être interprété comme « on pense que je suis malade alors que
non ».
En outre, la relation singulière médecin-adolescent lors de la consultation ne
semble pas propice à l'expression des problématiques sensibles, les jeunes
semblent être plus à l'aise au milieu du groupe pour aborder ces thématiques (M1,
M2).
E10 : T'es moins à l'aise quand tu es chez le médecin tout seul quand même
hein ! Je [sais] pas mais après tu es avec tes amis et tout, donc après c'est
plus facile de parler…
En dernier lieu, la gratuité est citée par plusieurs jeunes comme un avantage
indéniable de l'ESJ par rapport à la consultation médicale (E4, E5, E7, E16).
Néanmoins, on peut noter que malgré tous ces avantages, des nuances existent.
M1 précise en effet que la prévention peut prendre différentes formes, et peut donc
être plus ou moins adaptée à la consultation médicale. En conclusion, une
prévention individuelle, ciblée, basée sur la connaissance du patient semble plus
adaptée à la consultation qu'une prévention éducative, précoce (M3, M1),
s'adressant à des adolescents dont les problématiques de santé sont collectives (M1,
M2).
M3 : Mais si on veut aller plus loin et aller dans la prévention, il faut aller « là
où ils sont » et peut-être pas seulement se dire « nous on se pose ces
questions là », mais « qu'est-ce que eux, éventuellement, se posent comme
questions [...]». Et puis se mettre dans une démarche différente de la
consultation.
d.3 Collectif et éducation pour la santé
L'abord collectif semble plus adapté pour réaliser l'éducation pour la santé des
adolescents. Notamment car leurs problématiques de santé spécifiques doivent
souvent être comprises dans un cadre collectif (M1, M2, M4) et nécessitent une
confrontation au sein du groupe d'adolescents (M1).
M1: […] enfin quand même, l'adolescent est souvent enfermé dans des
problèmes de normalité enfin de « c'est normal, pas normal, etc. »
M2 : Et, avec aussi un élément : c'est que les problématiques de santé à
l'adolescence, elles sont souvent dans un cadre collectif. C'est à dire que les
102
Résultats
problématiques d'alcool, les problèmes de tabac, elles ne se comprennent pas
individuellement, elles se comprennent dans un fonctionnement collectif.
Pour les médecins, faire échanger les jeunes autour d'un sujet de santé fait donc
partie intégrante de la prévention à cet âge (M1, M2, M3, M4).
M1 : Et puis quelque soit le domaine de la prévention, parce qu'elle est vaste
en fait cette prévention, elle est surtout : « libérer la parole » quelque part.
Le principe d'un espace de parole pour les adolescents, instauré et régulier est
donc décrit comme particulièrement « pertinent » (M1).
De manière générale, l'expérience du collectif en prévention est positive pour M2,
qui l'avait déjà expérimentée lors de séances d'éducation thérapeutique du patient.
De la même manière, pour les élèves, confronter leurs propres représentations au
sein d'un groupe est décrit comme enrichissant (Dir, M3).
M3 : Donc je pense que là aussi on est dans la prévention : par rapport à
l'autonomie, à la perception qu'on a de sa capacité à dire des choses, ou à
entendre d'autres « tiens j'aurais pas pensé ça ». Et ça les fait réfléchir et
avancer quoi.
L'intérêt d'un groupe mixte pour aborder les questions de sexualité est également
signalé comme un avantage (M1, M3).
Au final, la dynamique de groupe permet une prévention vers les adolescents très
différente de celle réalisée dans une consultation médicale individuelle. Cette
démarche vise à développer l'autonomie des participants et à confronter leurs
représentations sur la santé.
2. L'équipe éducative du collège
a) Singularité du collège
Le collège Jean Blouin présente plusieurs particularités.
Premièrement, son équipe éducative est présentée comme jeune, dynamique et
avide de se former (P1, P2, P4).
P2 : Je pense que c'est parce qu'on est dans une école exceptionnelle, où les
professeurs sont exceptionnels [rire]
Les enseignants perçoivent leur profession comme une mission éducative au
sens général visant à accompagner les jeunes vers l'âge adulte (P1, P2, P3, P4) en
prenant en compte leurs éventuelles souffrances et en gardant sur eux un regard
positif inconditionnel (Dir). Cette perception, partagée par la grande majorité des
enseignants (P2, P3, P4), est décrite en adéquation avec la problématique actuelle
103
Résultats
de l'enseignement : accompagner le jeune à développer un esprit critique sur les
connaissances auxquelles il a accès, plutôt que simplement lui transmettre des
connaissances.
Dir : Je crois qu'ils ont vraiment compris qu'un enseignant aujourd'hui c'est
avant tout un éducateur, avant d'être un transmetteur de connaissances.
Deuxièmement, tous les membres du collège perçoivent leur établissement
comme de « petite taille » (E2, E6, E16, E17, E20, Dir, P4). Cette situation présente
plusieurs avantages : meilleure prise en compte des élèves (Dir), facilité d'échange
dans l'équipe éducative (P4).
Dernièrement, la présence de la médecine scolaire y semble rare. Le médecin
scolaire intervient uniquement sur sollicitation, notamment pour des problèmes
spécifiques comme l'aménagement pour un élève handicapé (Dir). Le collège ne
compte pas non plus d'infirmière scolaire sur place. La présence d'une infirmière
scolaire au collège public a été perçue comme un frein possible pour implanter un
projet comme l'ESJ dans cet établissement (M2).
M2 : Il y en a une [infirmière scolaire] au collège public et elle est identifiée
comme le référent santé. Donc quelque part ils considèrent qu'ils vont gérer
avec elle et qu'on fait un peu doublon par rapport à ça. Et avec sans doute
une méconnaissance de la complémentarité, de ce qu'on peut apporter.
Le collège de Saint-Germain est perçu comme ouvert sur l'extérieur par l'équipe
enseignante (Dir, P1, P2, P4). Cette ouverture se traduit en pratique par la recherche
de partenariats avec des intervenants extérieurs et par l'organisation de sorties
scolaires (Dir).
Dir : […] mais le collège ne doit pas vivre fermé sur lui-même quoi. Ce n'est
pas une micro-société au sein d'une société plus large.
P2 : On fait partie, on est une entité intégrante de Saint Germain et donc on
est ouvert sur Saint Germain, les médecins de Saint Germain viennent, c'est...
oui, une ouverture je trouve, qui est importante.
b) Apport de l'ESJ
Les enseignants signalent une influence de l'ESJ sur leur exercice professionnel
(P1, P2, P3, P4), parfois décrite comme importante (P1, P2, P4). Cependant cette
influence, encore un fois, s'inscrit dans un « tout » et un état d'esprit particulier à
l'établissement.
104
Résultats
Les enseignants expliquent que l'ESJ les amène à se questionner et à changer
de regard sur leur pratique (P1, P4), ce qu'on pourrait définir comme de la
« réflexivité ». Le regard sur l'autre animateur de la séance (P4) et la position de
recul adoptée par les enseignants (P4) déclenchent cette remise en question.
P1 : Je trouve que moi ça change un peu ma manière d'être prof.
P4 : [...] alors que là quand il y a un autre adulte, on est aussi observateur de
cette relation entre les deux [élève et adulte], qui peut exister, et du coup ça
nous aide à une prise de recul par rapport à cette relation […].
P2 : Et puis ça nous apprend aussi qu'on peut réagir différemment de ce qu'on
croit, de ce qu'on fait d'habitude, face à une situation.
L'ESJ permet également aux enseignants d'avoir un regard neuf sur les élèves,
non influencé par l'impératif de la matière (voir partie « Effets de l'ESJ sur les
relations élèves-enseignants »).
P3 : [ça amène] le regard, c'est ce que tu disais, un regard différent sur un
élève […].
Cette réflexivité s'inscrit au sein d'une équipe éducative volontaire pour se former
et améliorer ses pratiques. En favorisant la réflexivité, l'ESJ peut représenter une
sorte de formation (P1).
P1 : Et on a envie de se former tout le temps, donc c'est une nouvelle manière
de se former en fait.
3. L'animateur jeunesse
AJ se définit comme un acteur de l'éducation populaire, intervenant sur les temps
de loisirs des jeunes mais prenant part également à leur développement éducatif.
AJ : Mais on a cette position particulière qui fait qu'on est là aussi pour
accompagner les jeunes dans leur construction, et dans l'élaboration d'un loisir
aussi […].
Participer à l'ESJ a renforcé la légitimité d'AJ à s'investir dans des actions de
prévention auprès des jeunes.
AJ : Ça m'a conforté dans le fait que l'animateur jeunesse, il peut être
pertinent sur ces questions là, d'information, de santé etc. […] Voilà je
cherchais le mot : plus en confiance quand j'interviens sur ce type de
thématiques […].
AJ explique que l'ESJ lui a permis d'apprendre à aborder et se sentir à l'aise avec
les problématiques de santé des jeunes. Le fait d'animer l'ESJ en collaboration avec
les médecins a fini par lui donner confiance et légitimité pour « exporter » ce type
105
Résultats
d'intervention sur d'autres collèges, notamment le collège de la ville voisine où il
anime également une action de prévention sur la sexualité.
AJ : Moi je trouve que la collaboration avec des médecins elle est vraiment
très très intéressante […] le fait que ce soit des médecins, ça m'a beaucoup,
beaucoup aidé […].
Mod : En quoi alors ?
AJ : Ben déjà j'apprends ! De séance en séance j'apprends moi aussi ! […]
c'est un type de formation en fait ! [...] et on se sent peut-être plus légitime, à
aller [les] ré-exploiter dans d'autres contextes quoi. Ouais, ouais, je suis assez
convaincu.
AJ décrit également que l'ESJ a renforcé les liens qu'il avait avec certains jeunes.
Le fait de rencontrer ces adolescents dans un autre contexte a alimenté leurs
relations et lui a permis de revenir sur certains sujets de santé abordés dans l'ESJ
afin de les approfondir. AJ décrit éprouver un grand plaisir à participer à ce projet.
AJ : […] enfin moi je prend plaisir à venir à l'ESJ parce qu'aussi il y a ce lien
qui est très sympa [avec les jeunes], très privilégié, et puis ça m'apporte aussi
le fait de pouvoir en rediscuter après, sur les temps de loisirs [...] et des fois
d'aller un peu plus loin, de creuser.
4. Singularité des contextes professionnels
a) Des adultes partageant des représentations communes
Les adultes de l'ESJ partagent des représentations communes sur les
adolescents, leurs besoins, et leurs rapports à la connaissance (Dir, P1, P2, P4, M2,
M3, AJ).
Dir : Mais je crois qu'effectivement au niveau de l'ESJ, on partage des valeurs
autour de ce qu'est l'adolescent d'aujourd'hui. Et la façon dont on veut le voir
grandir, le voir évoluer.
Les adultes de l'ESJ partagent le désir d'être identifiés par les jeunes comme
adulte repère ou ressource que ce soit dans une logique d'aide pour les adolescents
en souffrance (M1, M2, M3), ou dans une logique éducative globale pour faire
« grandir » les jeunes (Dir, AJ, P1, P2, P3, P4).
M3 : Ça c'était une idée aussi qu'on avait eu au départ [...] que les adultes
présents à un moment donné, là, puissent éventuellement aussi être identifiés
comme adulte relais, par des jeunes qui en auraient besoin.
106
Résultats
M2 : Pour que, face à des difficultés ils [les adolescents] ne soient pas tout
seuls, mais que les adultes autour soient perçus comme des aidants, et pas
comme des gens qui ajoutent des difficultés en plus.
Ce
contexte
singulier,
réunissant
des
professionnels
partageant
des
représentations communes de la problématique de la santé des adolescents est,
sans conteste, un des facteurs ayant favorisé l'implantation du projet ESJ (M2, Dir,
AJ).
Dir : Et c'est pour ça que je ne suis pas persuadé que l'ESJ pourrait exister
partout non plus !
b) Désir de s'inscrire dans une dynamique territoriale
Les médecins ont le désir de s'inscrire dans la communauté et d'exercer une
action positive au sein de leur territoire (M1, M2, M3). L'ESJ a été initié dans cette
optique : en constatant la fréquence de problème de santé des jeunes du territoire
(suicides, accidents), les médecins ont souhaité mettre en place une action de
prévention pour les jeunes du territoire, dont la plupart des familles consultent
régulièrement au cabinet (M3).
M3 : C'est à dire qu'il y a eu une période, donc il y a maintenant 5-6 ans [...]
on a eu pas mal de situation où il y a eu des accidents : des accidents
corporels, des suicides, des choses graves au niveau de pas mal d'ados... [...]
certains on les connaissait, d'autres c'étaient des enfants de famille ou des
choses comme ça, [...] Et on s'est dit un moment donné est-ce qu'on aurait eu
un moyen d'être dans la prévention, de toucher ces jeunes-là ? [...]
De manière plus globale, les médecins considèrent que les généralistes peuvent
être identifiés comme « référents santé » (M2) sur un territoire et participer à
l'impulsion de projet de santé (M1, M2, M3). Au final, les médecins généralistes se
reconnaissent une mission locale de santé publique (M2).
M2 : Quelque part il [le médecin généraliste] est acteur de santé publique. Il ne
le sait pas forcément, on sous-estime ce rôle là, on ne s'appuie pas forcément
sur [lui], mais pour moi sur un territoire donné, il peut vraiment avoir un rôle de
santé publique
c) Facteurs explicatifs de l'échec de la collaboration avec le collège
public
Les hypothèses expliquant l'échec de l'implantation de l'ESJ au collège public du
secteur permettent de mieux comprendre comment l'ESJ s'est implanté avec succès
au collège privé.
107
Résultats
Les médecins évoquent plusieurs hypothèses. La présence d'une infirmière
scolaire déjà impliquée dans la prévention (M2), la réticence à l'intervention de
médecins extérieurs, la crainte que les médecins libéraux fassent « de la publicité »
pour leurs consultations (M2), et l'absence d'atomes crochus avec le chef
d'établissement (M3) n'ont pas permis d'y mener le projet. La structure publique a été
également perçue comme plus « rigide » que le collège privé, ne favorisant pas la
co-construction du projet (M3).
Cependant les médecins n'ont pas abandonné l'idée de développer l'ESJ au
collège public, attendant de meilleures conditions (M2, M3).
108
Discussion
DISCUSSION
I. A propos de ce travail de recherche, discussion
de la validité interne
A. Choix de la méthode mixte
Cette étude avait pour but de comprendre comment un projet d'éducation pour la
santé original et peu décrit dans la littérature, était perçu par ses acteurs. Le choix
d'une méthode mixte, principalement qualitative, était donc adaptée pour mettre en
évidence ces données non mesurables et inconnues au début de l'étude. L'ajout d'un
volet quantitatif de type séquentiel-exploratoire a permis d'affiner les résultats
obtenus chez les élèves et d'extrapoler certaines hypothèses issues des entretiens.
Cette complémentarité des résultats qualitatifs et quantitatifs est une des forces de
l'étude.
Plusieurs biais limitent cependant ce travail. Dans l'enquête qualitative le biais
principal réside dans l'influence du chercheur lui-même sur la fiabilité des données
(35). Dans cette étude la place du chercheur a été conçue comme externe et non
participante, mais l'inexpérience du chercheur et les liens cordiaux développés tout
au long de l'étude avec les médecins, l'AJ et l'équipe du collège ont pu nuire à sa
neutralité dans le recueil et l'analyse des données.
Il existe un probable biais d'influence dans le recueil des données qualitatives.
Malgré l'adoption d'une posture la plus neutre possible durant les entretiens, le
chercheur a été identifié comme « médecin » par les participants non-médicaux, ce
qui a pu orienter les réponses des participants ou inhiber les avis négatifs sur le
cabinet médical ou l'ESJ. De plus, les grilles d'entretien étaient conçues pour
explorer davantage les points positifs de l'ESJ que ses points négatifs, ce qui peut
expliquer la faible proportion de perceptions négatives sur l'ESJ dans les résultats.
Certains groupes d'élèves ont été très dynamiques et prolixes dans les focus
groups, ce qui a entrainé de nombreuses interventions du modérateur afin de cadrer
les échanges et a donc pu influencer les propos des participants.
109
Discussion
L'absence d'observateur durant les focus groups n'a pas permis de minimiser ces
biais.
Un important biais d'expression et biais de lissage a été observé dans le focus
group des 4ièmes-3ièmes. Ce biais était prévisible : l'expression de collégiens
devant le groupe est soumise au « regard et au jugement des autres », auquel ce
public est particulièrement sensible. Ce biais d'expression a entrainé le silence quasi
total de 3 quatrièmes sur 4 dans ce focus. Afin de limiter ce biais, il a été convenu de
réaliser un entretien supplémentaire avec des quatrièmes seuls.
Le biais d'expression a été globalement limité par le choix de la méthode mixte.
En prévision d'une difficulté des adolescents à exprimer des opinions divergentes au
sein d'un groupe de pairs, il a été choisi de compléter l'enquête par un questionnaire
auprès des élèves. Ce questionnaire a permis de confronter les données relevées
pendant le focus group, à l'ensemble des élèves de manière individuelle et anonyme
afin d'en vérifier la validité et la représentativité.
B. Critères d'inclusion, échantillonnage
Les critères d'inclusion ont privilégié les participants actifs de l'ESJ, hormis dans
le volet quantitatif de l'étude où les élèves n'ayant jamais participé ont été sollicités.
Ce choix est cohérent avec l'objectif de l'étude, qui s'intéresse aux perceptions des
participants, mais a probablement induit un biais de sélection. Il est logique que les
participants réguliers de l'ESJ aient des opinions plus positives que les nonparticipants, ce qui a pu induire une sur-représentation d'opinions favorables à l'ESJ.
La sélection des participants aux entretiens a privilégié la diversité des acteurs
plutôt que leur représentativité, comme il est recommandé dans une enquête
qualitative (33). Cependant, il a pu une fois encore exister un biais de sélection au
sein des familles d'acteurs. Dans le focus group des enseignants, on retrouve par
exemple des propos assez homogènes. Pour ce groupe d'acteurs, la participation a
été proposée aux volontaires parmi l'équipe pédagogique et il est possible que les
volontaires aient été des enseignants plus « convaincus » que d'autres par l'ESJ.
Au sein des « niveaux de classe », les élèves ont été choisis par les enseignants
après accord de ces derniers pour participer. Cette sélection a peut-être favorisé la
présence d'élèves favorables à l'ESJ au cours des entretiens.
110
Discussion
Les biais de sélection des élèves ont été probablement limités par la proposition
d'une question ouverte dans les questionnaires destinés aux « participants » et aux
« non-participants » de l'ESJ.
Le questionnaire en ligne a permis une forte participation des élèves (taux de
réponse de 71 %) avec répartition homogène des classes des participants. Une
différence de participation entre filles et garçons a été observée. Ne connaissant pas
le ratio fille/garçon de la population du collège, cette différence n'est pas expliquée.
L'échantillon étudié semble donc relativement représentatif.
L'importance du taux de participation s'explique par l'engagement fort des
enseignants dans cette enquête. En effet, lors de la deuxième et dernière semaine
de passation, les enseignants ont invité tous les élèves à remplir le questionnaire en
salle informatique sur les temps de vie de classe. Malgré un fort bénéfice sur le taux
de participation, la réalisation du questionnaire au collège et en présence des
camarades et des enseignants a probablement limité la franchise des réponses des
élèves entraînant un possible biais de déclaration.
La formulation des questions n'a pas été testée chez les élèves, entraînant un
biais de compréhension des questions, rapporté notamment dans les cas de double
négation.
Le cabinet médical compte 5 médecins. Un des praticiens était absent lors du
focus group, ce qui amoindrit la représentativité de cet entretien.
L'exclusion des 6ièmes a été choisie en raison d'une faible expérience de l'ESJ
au début de l'étude. Une inclusion des parents d'élèves aurait pu apporter des
opinions intéressantes concernant le projet ESJ.
C. Richesse des données
Le recueil des opinions des différentes familles d'acteurs (élèves, médecins,
enseignants, chef d'établissement et animateur jeunesse) a permis de croiser les
points de vue sur l'ESJ et de produire une grande richesse de données, ce qui est
une des forces de l'étude. La saturation des données n'a cependant pas été atteinte,
ce qui représente une limite de ce travail.
Les grilles d'entretien ont été complétées au fur et à mesure de l'avancée de
l'étude en fonction des résultats obtenus.
111
Discussion
D. Analyse
L'analyse de résultats qualitatifs est largement soumise à l'influence du chercheur,
limite importante de la validité des résultats, à laquelle n'échappe pas cette étude.
Afin de limiter ce biais, il aurait fallu trianguler l'analyse (33), c'est à dire mener deux
codages parallèles des entretiens par deux chercheurs indépendants, ce qui n'a pas
pu être réalisé dans ce travail. Encore une fois, la réalisation du questionnaire amène
une autre source de données permettant de relativiser et de mettre en perspective
les résultats qualitatifs, ce qui limite (modérément) ce biais.
Il a été choisi de ne pas effectuer de tests statistiques à partir des résultats du
questionnaire. L'objectif de l'étude est formellement qualitatif. Il a donc été estimé
qu'une analyse statistique n'aurait amené qu'un faible bénéfice supplémentaire à
l'analyse des résultats.
II. A propos des résultats de cette étude,
discussion de la validité externe
L'intervention de médecins généralistes dans un projet d'éducation à la santé de
longue durée en milieu scolaire constitue une expérience originale et donc peu
étudiée dans la littérature. La plupart des études déjà réalisées concernent la
thématique plus spécifique des interventions ponctuelles pour l'éducation à la vie
affective et sexuelle (EVAS) en milieu scolaire. Cependant, certaines de ces études
s'intéressent aux besoins exprimés des adolescents concernant les interventions
d'éducation et à la forme que peuvent prendre celles-ci. Nous pourrons donc en
partie comparer leurs résultats à ceux de notre travail.
A. Réflexion sur la forme des interventions d'éducation pour la
santé
1. Les séances
Notre étude montre que la forme des séances de l'ESJ est appréciée des élèves
et des adultes intervenants, aussi bien dans l'organisation générale des séances :
fréquence, régularité, volontariat, fragmentation des élèves par niveaux, groupe
d'effectif modéré ; que dans la forme des séances : cadre respectueux,
prédominance de l'expression des jeunes, liberté d'expression, liberté des
thématiques, présence des pairs, utilisation d'outils pédagogiques et position de recul
112
Discussion
des intervenants. Ces critères qui contribuent à l'appréciation globalement positive
de l'ESJ se retrouvent pour certains dans la littérature.
Selon les auteurs du guide INPES éducation à la santé en milieu scolaire,
l'éducation à la santé - « ni discours sur la santé, ni seulement apport d'information »
- « vise à aider chaque jeune à s'approprier progressivement les moyens d'opérer
des choix ». En ce sens, il est nécessaire selon ces auteurs de faire appel à la
participation active et interactive des élèves dans les séances, en inscrivant les
interventions dans le cadre des pédagogies constructivistes et en utilisant des
techniques d'animation et des outils pédagogiques validés (2,24).
C'est également ce que souligne le guide INSERM sur l'éducation pour la santé
des jeunes. Pour les auteurs, l'acquisition de connaissance n’est en réalité qu’un des
nombreux facteurs du changement comportemental d'autant plus que les
adolescents sont très critiques sur l’approche professorale de l’éducation. Par
conséquent, dans une optique de promotion de la santé, il est nécessaire de se
baser sur une approche biopsychosociale, c'est à dire plus globale et participative du
public (25). Dans son étude sur les besoins exprimés des adolescents pour l'EVAS,
M. Riquet brosse un tableau des attentes des adolescents de 11 à 19 ans par rapport
à ces séances (36). Les séances devraient permettre un climat de confiance et de
liberté d’expression des adolescents : les propos de l'animateur doivent être
ludiques, adaptés à l’âge, aux préoccupations et aux questions des adolescents, et
celui-ci doit adopter une posture d'ouverture d'esprit. Dans le cadre de l'EVAS, les
adolescents semblent également attendre un discours positif sur la sexualité. Selon
cette étude, les critères de ressenti « positif » d'une intervention étaient : approche
globale et développement des compétences des jeunes, aspect ludique, présence
d’intervenants formés, nombre de séances (plus que la durée de chacune des
séances), contenu multiple permettant d’augmenter les compétences relationnelles,
les capacités de négociation et de décision. Les jeunes exprimaient également que
tout outil pouvant rendre la séance interactive et facilitant l’aisance de la prise de
parole était apprécié (discussions autour d’une vidéo, d’un jeu de rôle, de jeux de
société, de témoignages). Les jeunes signalaient également préférer des séances en
petit groupe ou sous forme d’ateliers pour favoriser l’expression. Les séances de
l'ESJ semblent donc rassembler plusieurs de ces critères, en ajoutant plusieurs
originalités comme le grand nombre de séances sur l'année et la liberté de
participation.
113
Discussion
La liberté de participation, ne semble d'ailleurs pas nuire à la participation des
élèves : le taux de participation de 59 % des élèves interrogés illustre la bonne
implantation de l'ESJ au sein de l'établissement. Cette liberté présente cependant
des « effets indésirables » : difficulté organisationnelle ne permettant pas d'anticiper
les thématiques, ni de savoir quels élèves seront présents lors d'une prochaine
séance, et donc faible « suivi » au fil des séances : élèves et animateurs se plaignent
souvent au cours des entretiens de ne pas pouvoir poursuivre les échanges lors
d'une séance ultérieure.
Le
cadre
des
séances
ESJ
semble
également
cohérent
avec
les
recommandations de l'INPES (règles basées sur la confidentialité, le respect de la
parole de l'autre, le droit de s'exprimer ou de ne pas s'exprimer) (2).
Cependant, par rapport à ces recommandations et les besoins exprimés par les
jeunes, l'ESJ présente une limite au niveau du développement de compétences des
élèves. Or, selon l'INPES, l'éducation pour la santé en milieu scolaire vise le
développement de compétences chez les jeunes (2). Bien que cité de nombreuses
fois par les médecins pendant les entretiens, le terme « compétence » ne semble
pas approprié pour définir les apprentissages des jeunes durant l'ESJ. Les
enseignants et les élèves décrivent plutôt un développement de « connaissances »
chez ces derniers, même si celles-ci sont transmises par la pédagogie active. On
peut cependant remarquer que quelques jeunes évoquent le développement de
certaines compétences psycho-sociales : E20 et M2 évoquent une diminution de la
timidité de certains élèves (compétences de relations interpersonnelle, gestion des
émotions), E12 évoque le développement d'un esprit critique au cours des débats
(compétence de développement d'une pensée critique). Malgré ces hypothèses, le
développement de compétences ne reste qu'en arrière plan de l'ESJ, le premier plan
étant principalement occupé par la libération de la parole chez les jeunes et le
développement des savoirs.
2. Les intervenants
Dans l'étude de M. Riquet, les adolescents déclaraient préférer les intervenants
extérieurs à l’établissement pour animer les séances d'EVAS, plus particulièrement
les professionnels de santé (médecin, IDE, planning familial, sage-femme). Les
professeurs n’étaient pas envisagés comme des confidents, certains voyaient en eux
la figure parentale. Cette préférence des intervenants extérieurs qui ne « connaissent
pas » les jeunes, aux professeurs qui les « connaissent trop bien » se retrouve dans
114
Discussion
notre étude. Cependant, la plupart des spécialistes (2,24,26) recommandent
formellement l'investissement des enseignants au sein des équipes d'éducation à la
santé en milieu scolaire. Ce décalage s'explique probablement dans la différence
qu'il peut exister entre une séance d'EVAS et une séance d'éducation sur un autre
thème, comme par exemple une séance sur le renforcement des compétences
psychosociales, dans laquelle la présence de l'enseignant pourrait être mieux
perçue. Dans notre étude, nous ne savons pas si la perception de l'enseignant par
les jeunes varie en fonction du thème de la séance (abord de la sexualité ou autre
thème).
3. La démarche de projet
Selon les auteurs précédemment cités (2), il est indispensable de penser un
projet d’éducation pour la santé dans son ensemble. Une approche par
« empilement » d'interventions thématiques non coordonnées ne répond pas à la
problématique du développement de compétences pour la santé et la citoyenneté. La
démarche de projet est un outil permettant d'éviter cet écueil. Elle repose sur 4
étapes : Constitution de l'équipe et implication des partenaires ; Analyse de la
situation, diagnostic et définition des objectifs de l'action ; Mise en œuvre du projet ;
Évaluation de l'action et communication autour du projet.
Les deux premières étapes de la démarche de projet sont fondamentales pour
intégrer l'équipe éducative. Prendre le temps d'impliquer les professionnels et de
définir un projet partagé par tous est le garant d'une action pérenne. Les auteurs
signalent cependant qu'un accompagnement au changement professionnel doit être
proposé et des formations envisagées. Les auteurs recommandent également
d'impliquer les parents d'élèves à chaque étape du projet afin de promouvoir une
dynamique de santé communautaire.
L'intervention de personnes extérieures à l'établissement peut être envisagée
selon les besoins, dans une logique de partenariat. Le partenariat est défini comme
un cadre rassemblant des professionnels de structures différentes dans un but
commun. Le partenariat nécessite un temps d'échange et de réflexion, puis une
mutualisation des compétences.
Dans l'idéal, un projet d'éducation à la santé doit être porté par le Comité
d'Éducation à la Santé et à la Citoyenneté (CESC) du collège, inscrit dans le projet
d'établissement et intégrer certaines des interventions au cœur des enseignements
classiques.
115
Discussion
L'apprentissage de compétence ne peut avoir lieu dans le cadre d'interventions
ponctuelles. Il est indispensable d'envisager une action dans le cycle scolaire, avec
des actions spécifiques pour chaque niveau scolaire, en insistant sur le lien entre ces
actions.
Dans le cas de notre étude, les acteurs du projet rapportent plusieurs de ces
critères. L'ESJ semble s'inscrire dans une véritable démarche de projet, avec un
partenariat réel entre les 3 structures concernées (collège, cabinet médical, centre
social intercommunal). La définition d'objectifs communs entre les partenaires, les
temps de concertation, l'inscription au projet d'établissement, les temps d'évaluation
annuels sont décrits par les acteurs comme ayant permis la pérennité et
l'amélioration du projet.
4. Les besoins des adolescents
Dans l'ESJ, les thèmes abordés sont globalement choisis par les jeunes et
semblent cohérents avec leurs besoins. En effet, plusieurs propos semblent illustrer
une faible influence des adultes sur le choix des thèmes par les jeunes, excepté
l'influence de la présence d'un médecin qui orienterait involontairement les thèmes
vers les problématiques médicales.
Dans l'ESJ, les thématiques sont de quatre grands types : les questions
médicales (maladies dans la famille, anatomie), les questionnements généraux
(qu'est-ce que la mort ?), les problématiques de prévention « classiques » (sexualité,
addiction, nutrition) et enfin les questionnements « de la vie de tous les jours »
(thèmes d'actualité, stress, vie quotidienne…). Parmi les thématiques de prévention
classiques, on constate une prédominance de la vie affective et sexuelle, sous
l'angle des IST et de la contraception, mais aussi sous l'angle relationnel, et affectif.
Selon le site de l'INPES, en 2014, les grandes thématiques de l'éducation pour la
santé en milieu scolaire sont l'hygiène de vie, l'éducation nutritionnelle et la
promotion des activités physiques ; l'éducation à la sexualité, l'accès à la
contraception, la prévention des IST et du sida ; la prévention des conduites
addictives ; la prévention des « jeux dangereux » et la contribution à la prévention et
à la lutte contre le harcèlement entre élèves ; la prévention du mal-être ; l'éducation à
la responsabilité face aux risques (formation aux premiers secours) (37). Il existe
donc une superposition assez incomplète entre les thèmes de prévention promus au
niveau national et les thèmes abordés spontanément par les adolescents dans des
séances consacrées à la santé.
116
Discussion
Différents points sont donc à discuter. Premièrement, l'ESJ n'a pas vocation à
remplir toutes ces missions. A titre d'exemple, l'éducation au secourisme n'y trouve
pas une place très cohérente.
Deuxièmement, l'ESJ semble adapté à l'éducation à la vie affective et sexuelle,
recommandée au niveau national. La fréquence importante du choix de ce thème fait
penser que les conditions sont adéquates pour tenir une discussion sur ce sujet avec
des adolescents.
Troisièmement, certaines des grandes orientations de prévention sont donc en
décalage avec les attentes des adolescents de notre étude. Dans le cadre du collège
de Saint-Germain, les élèves de 5ièmes interrogés, par exemple, ne se sentent pas
du tout concernés par la problématiques des addictions (E7, E5 : « on ne se drogue
pas nous... », « Allo ! Je suis normal ! ») et décrivent donc ne pas avoir spécialement
envie d'en parler pendant les séances.
Or, l'étude de M. Riquet nous signale que dans le cadre de l'EVAS, les jeunes ont
d'autant plus une perception positive des séances que celles-ci correspondent à
leurs besoins. Les jeunes n'apprécient pas les séances éloignées de leurs attentes,
les séances délivrant des connaissances redondantes (qu'ils connaissent déjà), ou
encore les discours de prévention uniquement centrés sur le risque (36).
L'expérience de l'ESJ peut donc servir de base à une réflexion sur les méthodes
de prévention en milieu scolaire : vouloir à tout prix aborder des thèmes de
prévention nationaux, ne nuit-il pas à l'adhésion des jeunes et donc à la qualité de
l'action de prévention ? A fortiori, dans un espace basé sur la participation volontaire,
le choix des thèmes par les jeunes est donc d'autant plus pertinent. Bien entendu,
cela ne justifie pas de laisser complètement de côté certaines thématiques
nationales, mais l'existence d'un décalage entre les attentes des jeunes et les
recommandations nationales est à prendre en compte.
Un des objectifs nationaux de prévention en milieu scolaire est la lutte contre le
harcèlement (37). Actuellement, la stratégie de lutte contre les violences à l'école
repose sur l'amélioration du climat scolaire. Le climat scolaire est défini par la
construction du bien-vivre et du bien-être pour les élèves et le personnel de l’école
(élèves, personnels, parents), c’est une responsabilité collective (38). L'amélioration
du climat scolaire passe par l'amélioration de plusieurs critères (notamment justice
scolaire, stratégie d'équipe, co-éducation, qualité de vie à l'école, prévention des
violences et du harcèlement…)
117
Discussion
Les auteurs du réseau Canopé expliquent que l'empathie, définie comme « la
disposition à se mettre à la place d'autrui tout en restant à distance, sans se
confondre avec lui » (38) est un facteur fondamental de la prévention de la violence.
Le chercheur O. Zanna, explique que le passage à l'acte violent peut correspondre à
une anesthésie momentanée de la capacité d'un jeune à se mettre à la place de
l'autre (39). Le travail de recherche de O. Zanna encourage donc le renforcement de
l'empathie chez les enfants, pour prévenir la violence scolaire.
Dans le cadre de l'ESJ, il semble qu'un espace de dialogue proposé dans un
cadre « sécurisant » de respect de l'autre, soit à l'origine d'une expérience
empathique. Cette expérience reste modeste en comparaison d'un programme voué
au renforcement de l'empathie (38), cependant 82,5 % des élèves déclarent « se
mettre à la place des autres » pendant les séances, ce qui est un des résultats les
plus francs du questionnaire. De plus, l'ESJ amène une vision plus positive des
enseignants chez 41 % des élèves, résultat modestement positif mais non
négligeable ; et modifie positivement la perception des élèves chez tous les
enseignants interrogés. L'amélioration des relations entre élèves et enseignants est
un des critères de la qualité de vie à l'école.
Au final, tout en gardant à l'esprit que l'ESJ fait partie d'un « tout » au sein d'un
établissement particulièrement attentif au bien-être de l'élève, ce projet semble donc
contribuer au climat scolaire positif de l'établissement par l'expérience de l'empathie
et l'amélioration de la qualité de vie entre les membres du collège. De manière
indirecte l'ESJ s'inscrit donc modestement dans un autre axe de prévention
nationale, en l'occurrence la lutte contre le harcèlement.
B. Rapport des jeunes au médecin généraliste et à la
consultation médicale
Dans notre étude, les jeunes ont un regard totalement positif sur les médecins
dans leur position d'animateur de l'ESJ. Les jeunes les décrivent comme attentifs et à
l'écoute, neutres et inspirant une grande confiance : à la fois sur la fiabilité des
informations et des connaissances transmises, mais aussi sur leur respect de la
confidentialité des échanges. Ce dernier point est notamment expliqué par le
caractère « professionnel » de la confidentialité (le secret professionnel), ainsi que
par le caractère « extérieur au collège » des médecins. La conséquence directe de
ces représentations est de faciliter considérablement la parole des jeunes, qui se
118
Discussion
sentent « à l'aise » devant les médecins. Au final, les médecins sont un facteur
d'attraction fort pour la participation des jeunes à l'ESJ. Dans l'étude de M. Riquet, la
présence d'un intervenant médical pour l'animation des séances EVAS a été perçue
positivement mais la présence d'un médecin n'a pas été spécifiquement évaluée,
sauf dans le cas des milieux ruraux où la présence d'un médecin (spécialité non
spécifiée) est jugée « pertinente » (36).
Ces représentations exprimées par les jeunes de notre étude concernent le
médecin dans son rôle d'animateur. En effet, ces qualités ne sont pas forcément
retrouvées à propos du médecin dans le cadre de la consultation médicale. Les avis
des élèves sont partagés mais la majorité des jeunes ne perçoivent pas la
consultation comme un espace de parole et seulement un tiers des jeunes se
positionnent « en accord » avec le désir de parler de santé avec le médecin pendant
la consultation. A l'inverse, dans le travail de M. Riquet, les jeunes considéraient
globalement le médecin généraliste comme ressource pour parler de sexualité, avec
cependant beaucoup de freins identifiés. Certains sont communs avec nos résultats :
timidité de l'adolescent, peur du jugement, perception d'indisponibilité ou de gêne du
médecin, proximité relationnelle insuffisante ou excessive, ou encore les freins
appelés « extrinsèques » (présence des parents, coût de la consultation, gestion du
RDV). Les freins non identifiés dans notre étude et rapportés dans le travail de M.
Riquet sont : l'âge de l'adolescent, le sentiment d'être suffisamment informés, le
caractère tabou du sujet (dans ce cas : la sexualité), peur du non respect de la
confidentialité, le discours du médecin peu compréhensible, l'âge et le sexe du
médecin, un doute sur ses compétences ou encore la durée passée en salle
d'attente (36). Un des freins identifié dans notre étude, non rapporté dans le travail
de M. Riquet, est le faible temps de parole des jeunes lors de la consultation
médicale : « ce n'est pas nous qui parlons ». Cette remarque est probablement
spécifique à notre étude, car dans le contexte de l'ESJ les jeunes ont l'habitude
d'avoir la parole en priorité lors des séances. Comparativement, le temps de parole
en consultation doit être perçu comme plus réduit.
Dans l'étude de M. Riquet, malgré ces multiples freins, les adolescents
identifiaient le généraliste en consultation comme une ressource possible sur les
questionnements de sexualité. Dans notre étude, ces freins ne sont surmontables
que pour un tiers des jeunes.
119
Discussion
De plus, les adolescents signalent la nécessité d'un motif de consultation valide
pour accéder au médecin généraliste. Dans notre étude, les motifs de consultation
valides exprimés par les adolescents sont principalement les « maladies » ou le suivi
de croissance. Ces résultats sont concordants avec une étude belge s'intéressant
aux motifs de consultation des adolescents en médecine générale en 2001 (40) et
avec l'étude SOCRATE publiée en 2008 (41) : les principaux motifs de consultation
sont les motifs physiques (plaintes respiratoires, ostéoarticulaires et digestives, 70,3 %
des consultations pour l'étude SOCRATE). Les plaintes générales (malaise, fatigue)
et les demandes de certificats constituaient également une fraction importante des
motifs de consultation. Les résultats confirmaient que les adolescents considèrent
leur médecin généraliste comme un interlocuteur privilégié pour confier leurs
problèmes de santé et, dans une moindre mesure, les aider à résoudre d'autres
difficultés auxquelles ils sont confrontés (relationnelles, mal-être…) : seulement 6,3 %
de motifs de consultation pour problème psychologique dans l'étude SOCRATE.
On pourrait instinctivement penser que l'ESJ, en proposant un nouveau type de
relation entre le médecin généraliste et les jeunes, renforce la confiance et facilite les
consultations spontanées des jeunes chez leur médecin. Cependant ces résultats ne
sont pas retrouvés dans l'enquête par questionnaire. En effet, seule une faible part
des jeunes se sent plus à l'aise avec leur médecin après les séances et cela « ne
change rien » pour 60% des élèves. Les médecins confirment cette impression, en
déclarant que malgré une meilleure compréhension des adolescents en général
grâce à l'ESJ, la relation singulière avec l'adolescent en consultation reste un défi à
chaque nouvelle rencontre. Ces résultats sont cohérents avec l'étude SOCRATE où
la formation des médecins à une approche spécifique de l'adolescent ne modifiait
pas le ressenti des jeunes sur la consultation. En conclusion, l'ESJ ne semble pas un
outil très performant pour améliorer les relations entre adolescents et médecins en
consultation.
En dernier lieu, l'expérience de l'ESJ amènent les médecins à penser que la
consultation médicale n'est pas le lieu idéal pour réaliser une éducation à la santé
globale des jeunes ; même si des interventions plus modestes et ciblées restent
pertinentes. Les freins d'accès à la consultation, une représentation « somatique »
du médecin amenant vers des demandes de l'ordre de la pathologie sont les
désavantages identifiés de la consultation ; tandis que la facilité d'accès à l'ESJ, sa
120
Discussion
gratuité, et l'aspect collectif plus adapté aux problématiques de santé des jeunes et
facilitant la libération de la parole sont les avantages identifiés de l'ESJ.
En conclusion, l'existence du projet ESJ a permis de mettre en évidence les
avantages et les inconvénients de l'éducation pour la santé en consultation médicale
par comparaison avec l'expérience collective menée au collège. La mise en évidence
d'éléments avantageux importants en faveur de l'ESJ incite à mener d'autres
recherches afin de les confirmer. L'ESJ ne semble cependant pas être un facteur
primordial de l'accès aux soins des adolescents.
C. Une expérience d'interprofessionnalité
1. Notion d'interprofessionnalité
Dans notre étude, les professionnels décrivent un fonctionnement d'équipe
efficace, au sein de laquelle chacun amène des compétences spécifiques. La
complémentarité de ces compétences semble un atout pour le projet, ainsi que pour
chacun des professionnels, qui enrichissent leurs pratiques de l'expérience des
autres membres de l'équipe. Ce fonctionnement semble correspondre au principe
d''interprofessionnalité étudié par X. de la Tribonnière et R. Gagnayre (42) dans le
cadre de l'ETP. Les auteurs la définissent comme l'échange intensif entre disciplines
impliquant des interrelations. L'intrication plus forte des disciplines, permise par des
espaces de dialogues, d'échanges de connaissances, d'analyses et de croisements
des méthodes, permet un décloisonnement des professions et rend leurs frontières
plus floues. Malgré tout chaque profession conserve ses fondements et ses
spécificités.
Une revue de littérature a permis aux auteurs de relever un grand nombre de
critères permettant d'évoquer le concept d'interprofessionnalité. Parmi ces critères,
de nombreux sont ainsi retrouvés dans l'organisation de l'ESJ.
2. Culture commune
La culture commune est un des critères de l'interprofessionnalité. Cette culture
commune repose sur une philosophie et des valeurs partagées, le respect des règles
de déontologie et d’éthique et l’expression de la diversité des représentations vis-àvis de l’objectif commun. Dans le cadre de l'ESJ, les professionnels partagent une
culture commune : à partir de représentations partagées sur les besoins des
adolescents, les adultes partagent le désir de s'engager au côté des jeunes pour les
amener vers le meilleur futur possible. Chacun s'engage selon sa profession : les
121
Discussion
enseignants et l'AJ en apportant aux jeunes le meilleur bagage éducatif possible, les
médecins en favorisant les prises de décisions positives en santé et en se
positionnant, pour les jeunes, en adultes « repères » en cas de besoin. Selon les
auteurs, cette culture est favorisée par une certaine proximité des disciplines entre
elles. Dans le cadre de l'ESJ les disciplines semblent pourtant assez éloignées, mais
on y retrouve des dénominateurs communs : engagement commun dans une
mission de service public (éducation et soin) sur un territoire partagé (la communauté
de communes de Saint-Germain) et partage d'un public commun (les collégiens,
même si ce n'est pas le principal public des médecins). Il est difficile de savoir si
cette culture commune est née de la collaboration entre les professionnels, ou si ces
valeurs étaient déjà préexistantes. Il s'agit le plus probablement d'une construction
complexe, basée sur une vision commune initiale, enrichie au fil du partenariat.
Cette culture commune a été soulignée comme un des facteurs de succès et de
pérennité de l'ESJ : l'éventuelle reproduction du modèle de l'ESJ dans d'autres
collèges, avec d'autres cabinets médicaux doit en tenir compte.
3. Rôle des intervenants
Un autre critère de l'interprofessionnalité est la définition précise de la place de
chacun des intervenants dans le projet et la reconnaissance de compétences solides
chez chacun des intervenants. Sur ce point le projet ESJ est à questionner. D'un
côté, la place spécifique des médecins et de l'animateur jeunesse, par leur
compétence « d'expert » en santé-médecine pour les premiers et par ses
compétences d'animation collective pour le second, est clairement définie, reconnue
et permet l'expression optimale de leurs compétences. D'un autre côté, la place des
enseignants est plus floue. Certains enseignants expriment d'ailleurs clairement ne
« pas savoir où ils vont » ou « ne pas y voir clair » dans l'animation des séances. De
manière paradoxale, les enseignants se disent à l'aise pour « distribuer la parole »
ou « s'assurer que chaque élève a pu s'exprimer », ce qui ressemble à une
compétence d'animation collective, mais non reconnue comme telle dans leur
discours. Il semble donc y avoir une difficulté dans la définition du rôle des
enseignants au sein des séances et un manque de reconnaissance involontaire par
les autres professionnels de leurs compétences spécifiques. Ce risque est clairement
évoqué par les auteurs. L'interprofessionnalité peut provoquer une certaine
vulnérabilité chez les intervenants : les enseignants le décrivent bien, ils apprécient
peu donner leur opinion devant les jeunes, ce qui correspond pour eux à une « mise
122
Discussion
en danger d'eux-même ». Si cette vulnérabilité n'est pas dépassée, l'intervenant peut
progressivement perdre son identité professionnelle et s'effacer, jusqu'à se « fondre
dans le groupe ». L'intervenant se désinvestit alors au fur et à mesure, laissant
reposer son rôle sur les autres intervenants. Dans l'ESJ, ce stade ne semble pas
atteint mais la sensation de vulnérabilité décrite par les enseignants (parmi les
professionnels de l'ESJ, ce sont ceux qui côtoient le plus les élèves en dehors de
l'ESJ !) associée à la définition floue de leur rôle entraîne une relative mise au
« second plan » des enseignants pendant les séances, qui est d'ailleurs remarquée
par les élèves. Au final, certains enseignants (probablement les moins à l'aise)
donnent l'impression d'un faible investissement, notamment rapporté par M2, alors
même que la motivation de l'équipe enseignante et sa croyance dans l'utilité du
projet est forte ! Une meilleure définition du rôle des enseignants, en rapport avec
leurs compétences spécifiques, pourrait diminuer leur sentiment de vulnérabilité,
augmenter leur investissement dans les séances et permettre une meilleure
reconnaissance de leur rôle.
4. Mise en réseau et apport dans les pratiques professionnelles
Selon MM. de la Tribonnière et Gagnayre, le travail en interprofessionnalité
semble permettre une meilleure communication entre les professions, à l'origine
d'une réduction des tensions. Dans le cadre de l'ESJ, cette communication est
évoquée entre le cabinet médical et le collège et semble permettre un travail en
réseau. L'ensemble des professionnels décrit « mieux comprendre » les contraintes
quotidiennes des autres acteurs. Cette interprofessionnalité semble originale en
comparaison avec la promotion par les ARS d'une interdisciplinarité entre les
différentes disciplines du soin, rassemblées autour du patient atteint de maladie
chronique (coopération entre les différents professionnels de santé) (43). Cependant,
la spécificité du public « adolescent » en général en bonne santé (44), consultant
peu fréquemment le médecin généraliste et ne l'identifiant pas pour les
problématiques de mal-être (40) rend pertinente la constitution de ce réseau. En
contact rapproché avec les jeunes, l'enseignant ou l'animateur jeunesse peut
facilement identifier un jeune en difficulté, et, en accord avec ses parents selon les
cas, orienter le jeune vers la consultation des généralistes.
Les autres bénéfices du travail en interprofessionnalité sont la meilleure prise en
compte de la complexité du public et l'augmentation de la qualité des interventions.
Parmi les difficultés causées par l'interprofessionnalité, nous avons déjà évoqué la
123
Discussion
vulnérabilité et la perte d'identité professionnelle. Les auteurs évoquent également
les informations contradictoires pouvant survenir par un manque de coordination des
différents intervenants.
Une des spécificités de l'interprofessionnalité dans le cadre de l'ESJ semble être
l'enrichissement de la pratique professionnelle « habituelle » de chaque intervenant
suite à la participation à l'ESJ. Cet enrichissement, assez faible pour les médecins,
semble beaucoup plus important pour les enseignants et l'AJ. Les premiers décrivent
changer de regard sur les élèves, ainsi que sur leur pratique et leur posture
professionnelle, tandis que le second a gagné une confiance et une expérience dans
l'animation d'action en santé, qu'il a exporté dans d'autres contextes, expliquant que
la collaboration avec les médecins a agit comme « formation informelle » à ce type
d'action.
Selon les enseignants, la position de retrait qu'ils occupent dans l'ESJ leur permet
d'observer les interactions entre les élèves et un autre adulte, de prendre conscience
des ressorts de cette relation et ainsi de remettre leur pratique en question, ce qui
est également décrit mais dans une moindre mesure, par certains médecins. Ce
phénomène de prise de distance, d'analyse et de remise en question pourrait
s'apparenter au concept de « pratique réflexive » développée par Schön en 1983,
défini comme un processus cognitif continu de réflexion sur l'action, encourageant un
retour de la pensée sur elle-même, et permettant d'analyser et d'évaluer ses propres
actes en se référant à ses propres savoirs scientifiques et professionnels (45). La
prise de distance nécessaire à la pratique réflexive est favorisée par l'interaction
avec d'autres professionnels. Il est à noter que l'attitude réflexive semble assez
développée chez les enseignants du collège de Saint-Germain, qui expliquent qu'un
programme d'observation entre collègues a été développé dans le cadre de
l'établissement. L'ESJ permettrait donc une certaine réflexivité, mais cette conclusion
s'inscrit au sein d'une équipe enseignante déjà versée dans cette pratique et dans
une volonté de formation permanente. Au final, l'expérience de l'interprofessionnalité
a permis a chacun des professionnels de questionner sa pratique.
L'expérience de la collaboration entre un animateur jeunesse et un médecin
généraliste a été perçue de manière extrêmement positive par ces deux types
d'acteurs. La recherche bibliographique n'a cependant pas permis de rapporter une
expérience similaire. La complémentarité des compétences d'animation et des
compétences médicales semble particulièrement efficace pour déclencher et enrichir
124
Discussion
un dialogue autour de la santé, l'efficacité de ce binôme serait donc à promouvoir et
à mieux étudier.
D. Réflexion sur la rémunération d'un tel projet
La nécessité du temps consacré à la co-construction et donc au développement
de l'interprofessionnalité est soulignée par MM. de la Tribonnière et Gagnayre. Ce
« temps » nécessite une organisation de chacun mais également une ressource
financière acceptable, évitant ainsi les situations de tensions dommageables à
l'équipe. Ce critère nous amène à discuter de la rémunération des professionnels de
l'ESJ. La notion de rémunération n'a été abordée que par les médecins au cours de
l'étude et de manière très succincte. Cette faible place d'un sujet pourtant au cœur
de nombreuses revendications du corps médical peut paraître étonnante. Deux
hypothèses peuvent l'expliquer. Premièrement, la grille d'entretien n'étaient pas
conçue pour aborder spécifiquement cette question, hormis dans l'indicateur
« Difficultés concrètes liées à l'ESJ ». Deuxièmement, les médecins de la maison
médicale Averroès sont globalement des médecins qui placent en priorité le sens et
la qualité de leur travail avant le bénéfice purement financier, même si des nuances
de ce point de vue semblent exister. Une étude menée en région PACA montre que
cet état d'esprit est fréquemment présent chez les MG, notamment les plus jeunes :
les motivations intrinsèques de l'exercice de la prévention en médecine générale (de
l'ordre des valeurs) sont souvent plus importantes que les motivations extrinsèques
(incitées par le bénéfice financier) (46). Cependant M1 exprime le souhait qu'à terme
l'ESJ soit rémunéré.
Le projet ESJ est une illustration des limites du paiement à l'acte comme mode de
rémunération principal des médecins. Des médecins généralistes motivés pour
s'engager dans une action d'éducation pour la santé bénéfique pour le territoire et
pour leur satisfaction professionnelle restent bénévoles huit ans après la création du
projet, alors même que l'éducation pour la santé fait partie de leur champ de
compétences (21). Il est à noter que les enseignants, salariés, ne perçoivent pas non
plus de rémunération spécifique pour ce temps supplémentaire en présence des
élèves. Le thème de la rémunération n'a jamais été abordé dans les entretiens avec
les professionnels du corps enseignant, ni avec l'animateur jeunesse.
Selon P-L. Bras, la modification de la rémunération des médecins français est une
condition sine qua non d'une modification du mode d'exercice (47). Le paiement à
125
Discussion
l'acte valorisant exclusivement le colloque singulier entre le patient et le médecin,
l'interprofessionnalité ne peut être promue que par une modification du mode de
rémunération.
La revue Exercer a récemment réalisé une monographie sur les différents modes
de rémunération des médecins généralistes en Europe (48). Il existe 4 modes de
rémunération principaux : le paiement à l'acte, la capitation, le salariat, le paiement à
la performance (P4P). Selon la revue de littérature effectuée par les auteurs, et
l'étude menée en région PACA, la capitation et le salariat semblent favoriser les
activités de prévention et d'éducation thérapeutique. De plus, les modes de
rémunération mixtes sont actuellement promues par l'OMS et l'OCDE : une partie de
la rémunération est apportée de manière prospective (avant les soins : salariat ou
capitation), l'autre partie est rétrospective (après les soins : paiement à l'acte ou
P4P). Selon P-L. Bras, ce sont justement ces modes de rémunération mixtes qui
favorisent le travail d'équipe, comme dans le cas des maisons et pôles de santé
pluridisciplinaires (MSP). Cependant, même si la maison médicale Averroès
constituait une MSP, le projet de l'ESJ n'aurait sans doute pas pu bénéficier de
l'expérimentation sur les nouveaux modes de rémunération (eNMR). En effet, selon
le portail web des Agences Régionales de Santé (ARS), aucun module de
rémunération ne semble convenir au contexte de l'ESJ, qui réunit des professionnels
de structures différentes, et a fortiori des professionnels soignants et non soignants
(43).
Cette forme de travail originale en médecine générale pose donc la question de
sa rémunération. Il ne faut cependant pas généraliser ce questionnement à tous les
praticiens. L'interdisciplinarité et l'interprofessionnalité ne correspondent pas à l'idéal
de tous et rencontrent une certaine résistance du corps professionnel (47). A cet état
de fait, P-L. Bras répond philosophiquement : « Aussi l’enjeu n’est-il pas d’engager
l’ensemble des généralistes dans une autre conception de leur activité mais de
permettre à ceux qui le souhaitent d’exercer autrement. Pour autant, une telle
évolution ne peut être envisagée, même pour des généralistes motivés, que si elle
s’inscrit dans une perspective économique positive [...] ». On pourrait donc imaginer
que la possibilité de laisser le choix d'opter pour une rémunération mixte serait une
piste pour encourager des projets tels que l'ESJ, tout du moins en ce qui concerne le
versant médical.
126
Discussion
Une autre piste permettant la rémunération de tous les professionnels impliqués
pourrait être la mise en jeu de financements administratifs au niveau des collectivités
locales, notamment via les Contrats Locaux de Santé (CLS, promue par les ARS)
souvent mis en place au niveau communal (49). En contrepartie d'une rémunération,
ces financements seraient probablement à l'origine d'une gestion administrative plus
lourde (dossier de financement, évaluation) et contraignante.
E. Perspectives
1. Proposition de pistes d'amélioration de l'ESJ
L'ESJ est l'occasion pour les jeunes d'échanger sur des sujets de santé de leur
choix avec des adultes. Cette occasion est un « rendez-vous » institué, afin d'être
accessible au moment où les jeunes en ont besoin et de faciliter leur participation. La
participation étant volontaire, cet espace se doit d'être particulièrement attractif pour
les jeunes.
Notre enquête a permis de mettre en évidence que le début des séances,
moment du choix des thèmes de discussion manque de fluidité. Cet enjeu est majeur
car il détermine l'ambiance dans le groupe pour le reste de la séance. Les besoins
exprimés par les jeunes pour cette séquence précise sont : l'anonymat du choix des
thèmes, un moment ludique, qui met à l'aise. Les besoins des enseignants pour cette
séquence sont : y voir clair, avoir un rôle défini et précis. Les besoins des médecins
pour cette séquence sont : parvenir à faire émerger les questions des jeunes, créer
une dynamique de groupe.
Notre proposition pour répondre à ces besoins est simple. Dans l'idée du rendezvous « immuable », la proposition serait de fixer une séquence d'introduction
redondante à chaque séance, qui agirait comme un « rituel » et ferait partie du cadre
de la séance.
Ce rituel serait composé de trois temps, et serait conforme aux techniques
classiques d'animation en EPS dont les bénéfices sont établis (50).
•
Premier temps : Accueil des élèves par un « rituel de démarrage », qui peut
être choisi parmi de nombreuses techniques (thermomètre de l'humeur, météo
de l'humeur, « se lève qui »…). Ce rituel de démarrage permet d'affirmer la
différence entre la séance et un cours magistral, il permet à chaque participant
de prendre la parole avant même le début des discussions et favorise ainsi la
dynamique de groupe.
127
Discussion
•
Deuxième temps : rappel des règles de la séance. Il semble nécessaire de
rappeler les règles de l'ESJ à chaque séance et non pas seulement en début
d'année. Cette nécessité est induite par la faible fréquence de participation de
certains élèves et par le doute sur la confidentialité des adultes rapportés par
les élèves. Le rappel des règles n'est pas forcément fait par les adultes et peut
être réalisé sous forme participative à l'aide d'une technique d'animation.
•
Troisième temps : choix des thèmes systématiquement à l'aide d'une
technique d'animation. La technique doit permettre l'anonymat et la protection
des élèves face aux jugements des autres. La technique des post-it est
appréciée par les élèves. Cette technique peut-être fixée (pour servir de
repère aux élèves) ou variable selon les séances (par exemple : « puzzle
santé » adapté, ou placement d'un jeton sur un plateau de jeu illustrant tous
les thèmes que les élèves ont souhaité aborder dans l'année).
Si elles sont utilisées, ces trois séquences devraient être consignées par écrit
sous forme d'un « conducteur de séance » afin d'être fixées et utilisables par
n'importe quel adulte. Cette séquence rituelle pourrait être dévolue aux enseignants,
ce qui clarifierait leur rôle, diminuerait l'anxiété anticipatoire de certains, et
favoriserait leur implication dans la séance.
Il est probable que si une séquence de ce type devient habituelle, elle favorisera
la participation des jeunes, qui eux aussi, y « verront plus clair ».
En dehors de cette recommandation, notre étude fait amorcer quelques réflexions
sur le fonctionnement de l'ESJ. Ces réflexions ne se prêtent pas à la proposition de
recommandations mais doivent être débattues au sein de l'équipe de pilotage :
•
La participation des 4ièmes et des 3ièmes devrait être discutée car l'étude a
mis en évidence une certaine réticence des 4ièmes à prendre la parole devant
les 3ièmes.
•
Faut-il conserver la notion de confidentialité, et si oui, comment renforcer la
croyance dans la confidentialité des enseignants envers les élèves ?
•
Une réflexion pourrait être amorcée à propos de la notion de compétence.
L'ESJ doit-il continuer à privilégier la libération de la parole entre les jeunes ou
bien évoluer vers le développement des compétences ? En réalité la
distinction n'est pas si manichéenne mais dans le cas d'une réorientation vers
le développement de compétences, l'ESJ devrait remettre au premier plan
l'utilisation d'outils pédagogiques validés (à distinguer des techniques
128
Discussion
d'animation), méthode indispensable au renforcement des savoir-faire et
savoir-être (2). Si la volonté du développement de compétence est poussée,
l'ESJ devrait être appuyé par un autre projet. En effet le développement de
compétence passe par une sollicitation très régulière des jeunes, ce que ne
permet pas un projet basé sur le volontariat comme l'ESJ.
2. Une expérience à diffuser ?
Étant donné la perception positive du projet ESJ, aussi bien pour les
professionnels que pour les élèves, constatée à l'issue de ce travail, il est légitime de
poser la question de l'extrapolation de l'ESJ à d'autres maisons médicales et d'autres
collèges. Cependant, cette idée d'extrapolation invite à la prudence et à l'analyse des
facteurs ayant permis une implantation pérenne de l'ESJ.
Nous l'avons signalé, l'ESJ est une spécifié territoriale, reposant sur un contexte
singulier. La présence d'un groupe de médecins aux motivations non-exclusivement
financières, motivés pour travailler en équipe interprofessionnelle avec des nonsoignants, possédant une représentation émancipatrice de l'éducation pour la santé
est le premier facteur. Une « véritable rencontre humaine » avec l'équipe éducative
d'un collège et un animateur jeunesse partageant une même culture éducative en est
un second. Lors des entretiens M2, M3 et Dir le disent d'ailleurs clairement : dès leur
première rencontre, M2 et Dir ont compris qu'ils partageaient une vision commune
sur le projet. A contrario, M3 explique que sa rencontre avec le directeur du collège
public était très différente : ne partageant pas la même vision des choses, les deux
structures n'ont pas abouti à une collaboration. Tout projet reposant avant tout sur la
qualité des rapports humains entre ses acteurs, ce facteur semble primordial à
prendre en compte avant création d'un projet similaire dans un autre contexte.
Un troisième facteur peut être évoqué. Dans ce contexte singulier, l'absence de
médecin ou d'infirmière de l'éducation nationale sur le terrain a probablement créé
une opportunité pour l'intervention des généralistes. Nous précisons bien que la
présence de professionnels de santé scolaire n'est pas un frein en soit, au contraire.
Cependant dans notre cas, ce champ était libre, et les médecins généralistes ont
donc pu occuper cet espace.
En 1998, les auteurs d'un dossier de la revue santé publique sur la médecine
scolaire mettaient pourtant en garde contre une « fausse bonne idée » : « puisque
les médecins de l’Éducation nationale ne sont pas assez nombreux pour accomplir
les tâches qui leur sont dévolues, dépêchons dans les écoles des médecins
129
Discussion
généralistes payés à la vacation » (51). Pour les auteurs, l'irruption de médecins
généralistes réalisant des actions de prévention dans les établissements scolaires
présentait plusieurs risques. Parmi ces risques, le plus important exprimé par les
auteurs est que des médecins non formés à la promotion de la santé, ni à l'approche
des adolescents « amènent dans l’école leur stéthoscope, une logique biomédicale
et des interventions ponctuelles » (51), ce qui n'a rien à voir avec la définition de
l'éducation pour la santé, processus de construction individuel et collectif de
représentations et de compétences utiles à la santé. Bien que cet avertissement date
de 1998, ce risque semble encore légitime. Selon le Baromètre Santé Médecins
Généralistes
de
2009,
la
pratique
des
généralistes
en
prévention
reste
principalement centrée sur la prévention médicalisée (vaccination, dépistage,
conseils…) et l'éducation pour la santé sur la délivrance de conseils dans les
thématiques biomédicales (3). Il en découle que les représentations de certains
médecins sur l'EPS en reste encore au stade d'une logique normative de pur
changement comportemental, comme l'illustre l'étude de S. Sauvage-Rigal. Ce travail
a cherché à montrer un changement des comportements d'hygiène d'élèves de
6ièmes, quelques semaines après une intervention unique consistant en 20 minutes
de délivrance d'information par un médecin à l'aide d'un diaporama (52). Malgré une
méthodologie ambitieuse ce travail illustre une certaine représentation de l'éducation
pour la santé, éloignée de l'idée de promotion de la santé. Il est également à noter
que parmi les médecins « ne souhaitant pas se former à l'éducation pour la santé et
l'ETP » interrogés dans le cadre du Baromètre Santé, 45,6 % pensent que les
compétences en EPS et en ETP sont «déjà acquises par la pratique clinique » et
17,5 % pensent qu’elles « ne s’acquièrent pas par la formation mais relèvent de
dispositions naturelles ».
Le risque évoqué par les auteurs de l'article traitant de la médecine scolaire est
donc justifié et pose la question de la formation des médecins en cas d'extrapolation
d'un projet comme l'ESJ. Une posture conforme à l'état d'esprit de l'EPS est
essentielle, aussi bien au niveau éthique que pour permettre l'adhésion des
adolescents au projet. L'association au service de médecine scolaire, l'aide de
structures spécialisées comme les IREPS, la formation individuelle initiale et
continue, l'interprofessionnalité avec des enseignants ou des animateurs jeunesses
sont des pistes à ne pas négliger en cas de création d'un projet tel que l'Espace
Santé Jeune.
130
Discussion
3. Vers une modification des représentations a propos des médecins
généralistes ?
L'expérience de l'ESJ montre que l'engagement de médecins généralistes dans
un projet novateur, en interprofessionnalité modifie, au moins partiellement, la
perception de l'image du médecin chez les autres acteurs. Des rapports déconnectés
de la notion d'autorité médicale (M2, P1) et donc plus symétriques semblent
participer à des relations plus humaines entre les professionnels et les jeunes d'un
secteur. Dans le cadre de la promotion des soins primaires et de la redéfinition de la
place de la médecine générale au sein des territoires (22), l'engagement de
médecins dans un projet d'éducation pour la santé au niveau local est une
expérience à prendre en compte.
131
Conclusion
CONCLUSION
Développé à l'initiative de médecins généralistes, l'Espace Santé Jeune est une
expérience originale d'éducation pour la santé menée en milieu scolaire. Il associe
dans un projet territorial des professionnels de l'enseignement, un animateur
jeunesse et des médecins généralistes dans un esprit de promotion de la santé.
Les séances sont perçues par les acteurs comme un espace de liberté centré sur
la parole des jeunes, fréquenté et apprécié par la majorité des élèves du collège.
L'ESJ est également une expérience d'interprofessionnalité, dans l'esprit des
réseaux de soins, dont la particularité est de réunir des acteurs du soin et de
l'éducation. Ce partenariat apporte un enrichissement des pratiques professionnelles
tout en permettant à certains jeunes de bénéficier du réseau informel ainsi créé.
Cette expérience montre que les médecins généralistes peuvent trouver leur
place dans un projet local de santé publique, en veillant à rester cohérent avec les
principes de la promotion de la santé. Le rôle facilitant du médecin dans l'initiation de
ce type de projet a notamment été évoqué.
Les résultats de cette étude alimentent une réflexion sur les modalités des
interventions en éducation pour la santé en soulignant la nécessité de centrer les
séances sur les besoins des jeunes participants. La complémentarité des
compétences entre les professionnels animateurs participe fortement à la qualité et à
la pérennité de l'ESJ, ce qui semble prometteur et encourage d'autres recherches sur
les partenariats entre médecins généralistes et animateurs jeunesse en éducation
pour la santé.
En participant à modifier positivement l'image du médecin généraliste au sein du
territoire, l'ESJ semble accompagner la transition d'un modèle d'exercice médical
centré sur la maladie vers un modèle centré sur les personnes.
132
Références bibliographiques
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1.
Brixi O, Lamour P. Éducation pour la santé : entre conceptions dominantes et
conceptions alternatives. In: Traité de santé publique. 2007. p. 203-8.
2.
Broussouloux S, Houzelle-Marchal N. Éducation à la santé en milieu scolaire:
choisir, élaborer et développer un projet. Saint-Denis: Éd. INPES; 2006. 139 p.
3.
Gautier A, et al. Baromètre santé médecins généralistes 2009 - Prévention,
éducation pour la santé et éducation thérapeutique en médecine générale.
Saint-Denis: Éd. INPES; 2009. 83 p.
4.
Durrleman A. La prévention sanitaire. Cour des Comptes; 2011 oct. 138 p.
5.
Flajolet A. Les disparités territoriales des politiques de prévention sanitaire.
2008. 99 p.
6.
Bourdillon F, Brücker G, Tabuteau D. Traité de santé publique. Paris:
Flammarion médecine-sciences; 2007. 745 p.
7.
La définition de la santé de l’OMS [Internet]. www.who.int. 1946 [cité 27 juill
2015]. Disponible sur: http://www.who.int/about/definition/fr/print.html
8.
Organisation Mondiale de la Santé. Charte d’Ottawa pour la Promotion de la
Santé [Internet]. nov 21, 1986. Disponible sur:
http://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0003/129675/Ottawa_Charter_F.p
df
9.
INPES. Qu’est-ce qui détermine notre état de santé ? [Internet].
www.inpes.sante.fr. 2012 [cité 11 nov 2014]. Disponible sur:
http://www.inpes.sante.fr/10000/themes/ISS/determinants-sante.asp
10. Anctil H, Jobin L, Pigeon M. La santé et ses déterminants mieux comprendre
pour mieux agir. Montréal: Ministère de la santé et des services sociaux; 2012.
26 p.
11. Organisation Mondiale de la Santé. Principales causes de mortalité dans le
monde [Internet]. www.who.int. [cité 30 juill 2014]. Disponible sur:
http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs310/fr/
12. Haut Conseil de la Santé Publique. Les inégalités sociales de la santé : sortir de
la fatalité. 2009 déc. 95 p.
13. Tessier S. Éducation pour la santé et prévention. Grande Histoire et petite
actualité scolaire. Inf Soc. 9 déc 2010;161(5):22-30.
133
Références bibliographiques
14. Dortier J-F. L’univers des représentations ou l’imaginaire de la grenouille. Sci
Hum. juin 2002;(128).
15. Ferron C. La peur, précaution d’usage en éducation pour la santé. Education
santé Rhône-Alpes. sept 2008;1:7.
16. IREPS Pays de la Loire. L’éducation pour la santé en 30 mots [Internet]. [cité 9
juin 2014]. Disponible sur: http://www.irepspdl.org/eps30mots
17. BDSP. Éducation pour la santé - Glossaire Européen en Santé Publique
[Internet]. www.bdsp.ehesp.fr. [cité 8 déc 2015]. Disponible sur:
http://asp.bdsp.ehesp.fr/Glossaire/
18. Pédagogie active. In: Wikipédia [Internet]. 2015 [cité 14 sept 2015]. Disponible
sur: https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9dagogie_active
19. Éducation nouvelle. In: Wikipédia [Internet]. 2015 [cité 14 sept 2015]. Disponible
sur: https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=
%C3%89ducation_nouvelle&oldid=117550145
20. HAS. Éducation thérapeutique du patient : Comment la proposer et la réaliser ?
2007 juin. 8 p.
21. WONCA Europe. La définition européenne de la médecine générale, médecine
de famille. 2002. 52 p.
22. Druais P-L. La place et le rôle de la médecine générale dans le système de
santé. Ministère des affaires sociales, de la santé et du droit des femmes; 2015
mars. 91 p.
23. HAS. Éducation thérapeutique du patient Définition, finalités et organisation.
2007 juin. 8 p.
24. Broussouloux S, Lamoureux P. Le développement de l’éducation à la santé à
l’école. Situations de la France et du Québec. Trib Santé. 26 oct
2007;16(3):61-8.
25. INSERM. Education pour la santé des jeunes : concepts, modèles, évolution.
Paris: Editions INSERM; 2001. 247 p.
26. Jourdan D. L’éducation à la santé à l’école. Apprendre à faire des choix libres et
responsables. Trib Santé. 26 oct 2007;16(3):53-9.
27. IREPS Pays de la Loire. Le cartable des compétences psychosociales [Internet].
www.cartablecps.org. 2001 [cité 3 nov 2013]. Disponible sur:
www.cartablecps.org
28. INSERM. Conduites addictives chez les adolescents. Paris: Editions INSERM;
2014. 500 p.
29. Saint-Germain-sur-Moine. In: Wikipédia [Internet]. 2015 [cité 9 déc 2015].
Disponible sur: https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Saint-Germain-surMoine&oldid=121151813
134
Références bibliographiques
30. Averroès. In: Wikipédia [Internet]. 2015 [cité 6 mai 2015]. Disponible sur:
http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Averro%C3%A8s&oldid=114619272
31. Moreau A, Dediann M, Letrilliart L, Le Goaziou M. S’approprier la méthode du
focus group. Rev Prat. 15 mars 2004;18(645):382-4.
32. Guével M-R, Pommier J. Recherche par les méthodes mixtes en santé
publique : enjeux et illustration. Santé Publique. 1 avr 2012;Vol. 24(1):23-38.
33. Centre de Documentation et de Recherche en médecine générale de
l’UNAFORMEC. Qu’est-ce que la recherche qualitative à l’heure des essais
randomisés? Bibliomed. 10 févr 2003;(294).
34. de Singly F. Le questionnaire. Paris: A. Colin; 2012. 128 p.
35. Touboul P. La recherche qualitative : la méthode des focus groups, guide
méthodologique pour les thèses en médecine générale [Internet]. Disponible
sur: http://www.nice.cnge.fr/IMG/pdf/Focus_Groupes_methodologie_PTdef.pdf
36. Riquet M. Les besoins d’éducation a la vie affective et sexuelle exprimés par les
adolescents : une revue de la littérature [Thèse d’exercice]. [Nantes] : Université
de Nantes - UFR de médecine; 2015. 74 p.
37. INPES. La santé à l’école [Internet]. www.inpes.sante.fr. 2014 [cité 2 déc 2015].
Disponible sur: http://www.inpes.sante.fr/10000/themes/sante-ecole/index.asp
38. Réseau Canopé. Climat scolaire [Internet]. www.reseau-canope.fr/climatscolaire.
[cité 2 déc 2015]. Disponible sur: https://www.reseaucanope.fr/climatscolaire/accueil.html
39. Zanna O. Restaurer l’empathie chez les mineurs délinquants. Paris: Dunod;
2010. 288 p.
40. Paulus D, Doumenec M, Riche B, et al. Adolescents et médecin généraliste
quelles portes d’entrée dans la consultation ? Louvain Méd.
2001;120(9):S258-65.
41. Goasdoue E. L’utilisation d’un référentiel d’attitudes a-t-elle une influence sur le
ressenti de l’adolescent en consultation de médecine générale ? [Thèse
d’exercice]. [Poitiers] : Université de Poitiers - UFR de médecine; 2007. 118 p.
42. de la Tribonnière X, Gagnayre R. L’interdisciplinarité en éducation thérapeutique
du patient : du concept à une proposition de critères d’évaluation. Éducation
Thérapeutique Patient. juin 2013;5(1):163-76.
43. Agence Régionale de Santé. Modes de rémunération [Internet].
www.ars.sante.fr. [cité 1 déc 2015]. Disponible sur:
http://www.ars.sante.fr/Modes-de-remuneration.101645.0.html
44. Escalon H, Hassoun J. Adolescence et santé: constats et propositions pour agir
auprès des jeunes scolarisés : à l’intention des professionnels de l’Éducation
nationale. Saint-Denis: Éd. INPES; 2004. 114 p.
135
Références bibliographiques
45. Boutin G, Lamarre A-M. Analyse réflexive [Internet]. www.uquebec.ca. [cité 2
déc 2015]. Disponible sur: https://www.uquebec.ca/dernierstage/analyse_reflexive.htm
46. Videau Y, Batifoulier P, Arrighi Y, Gadreau M, Ventelou B. Le cycle de vie des
motivations professionnelles en médecine générale : une étude dans le champ
de la prévention. Rev Epidémiol Sante Publique. oct 2010;58(5):301-11.
47. Bras P-L. Peut-on réformer l’organisation des soins de premier recours ? Trib
Santé. 1 avr 2011;n°30(1):113-26.
48. Saint-Lary O, Fanck C, Raginel T. Modes de rémunération des médecins
généralistes : quelles conséquences ? Exercer. 2015;(119):52-61.
49. Agence Régionale de Santé. Plaquette Territoire Santé : Contrats locaux de
santé. 2012 oct. 4 p.
50. Lemonnier F, Bottéro J, Vincent I, Ferron C. Outils d’intervention en éducation
pour la santé, critères de qualité: référentiel de bonnes pratiques. Saint-Denis:
Éd. INPES; 2005. 75 p.
51. Tricoire M, Pommier J, Deschamps J-P. La santé scolaire en France : évolution
et perspectives. Santé Publique. 1998;10(3):257-67.
52. Sauvage-Rigal S. Education à la santé en France: étude et réflexion autour
d’une intervention sur des enfants de sixième dans un collège parisien [Thèse
d’exercice]. [Paris] : Université Paris Diderot - UFR de médecine; 2011. 136 p.
136
Annexes
ANNEXES
Verbatims des entretiens
Par souci de clarté, les verbatims des entretiens ont été gravés sur un
CD inséré dans la couverture de la thèse. La totalité des verbatims de
l'étude y est disponible.
Annexe 1 : Mise au point sur les représentations sociales
Selon la banque de données en santé publique les représentations de
la santé reposent sur le concept de représentation sociale développé par
Emile Durkheim.
La représentation est une « construction psychologique complexe, qui
intègre les expériences de l'individu, les valeurs et les connaissances
d'une société. La représentation sociale regarde comment les croyances
partagées se développent et sont transmises dans les groupes sociaux.
De telles croyances partagées ont un rôle important en expliquant la
réalité et en justifiant l'action sociale. La représentation sociale est la
relation de l'individu à la santé, à la maladie et à la société.
En d'autres termes, les représentations sont un ensemble mental,
construit à partir de données multiples, concernant un sujet défini. Elles
nous permettent de structurer notre espace mental et sont utiles à son
fonctionnement.
Les représentations sont construites à travers de multiples sources de
données :
• Les croyances, tirées de l'expérience personnelle, du vécu, de ce
que nous avons « entendu, vu, lu. »
137
Annexes
• Les connaissances théoriques validées que nous pouvons avoir
d'une situation.
• Les compétences, notre savoir faire.
• Les émotions, celles qui ont existé par le passé ou celles qui
influence l'état présent.
• L'état viscéral, ce que nous ressentons.
• Les désirs et les projets, ce qui correspond à l'intentionnalité.
• Et
également :
les
rapports
sociaux,
les
institutions
(gouvernementales, religieuses…) et la culture.
Les représentations sociales ont plusieurs fonctions :
• Elles ont une fonction purement cognitive, nous permettant
d'identifier, de décrire, d'apprécier, de raisonner.
• Elles nous permettent de décrypter le monde qui nous entoure en
donnant du sens aux stimuli de notre environnement. Chaque
nouveauté est ainsi rassemblée autour d'un schéma simple et
familier, nous permettant de comprendre rapidement une situation
sans ployer sous la multitudes d'informations nouvelles qui arrivent
à notre cerveau à tout moment.
• Elles
nous
permettent
d'adapter
nos
actions
et
nos
comportements, les rendant cohérents à la situation que nous
rencontrons. Elles nous permettent également a posteriori de
justifier ces comportement.
• Elles possèdent également une fonction identitaire, rassemblant
des groupes sociaux autour de représentations communes.
Les représentations sociales ont également la particularité d'être très
stables. En effet, nous ne changeons pas d'avis au gré des informations
diverses et contradictoires auxquelles nous sommes confrontés. Cette
stabilité s'explique par l'ancrage psychologique profond de nos
représentations (souvent dès l'enfance), ainsi que par l'ancrage social et
138
Annexes
institutionnel
de
certaines
d'entre
elles.
La
modification
d'une
représentation est un processus, complexe et de longue haleine, plus
souvent le fruit d'une expérience personnelle ou collective que la
conséquence d'une intervention extérieure isolée.
Les représentations sont donc une image que l'ont se fait de la réalité.
A ce titre, elles ne peuvent être qualifiées de « fausses » ou
« d'erronées » puisque chacun, de par son expérience personnelle,
possède une perception différente de la réalité qui l'entoure.
La notion représentation est très importantes pour penser une action
de prévention. En effet, on comprend que tout « message », toute
tentative de persuasion à modifier un comportement, proposer par
émetteur à une personne, vient « atterrir » sur un terrain non neutre,
puisque déjà occupé par les représentations. Les représentations
servant à décrypter les informations nouvelles, celles-ci ont deux
options : ou elles s'adaptent au modèle de référence de la personne et
elles peuvent être comprises et perçues, ou elles ne peuvent trouver leur
place dans ce modèle et seront immédiatement rejetées. Cet état de fait
explique l'inefficacité de certaines campagnes de prévention, comme
l'explique O. Brixi et P. Lamour : « Sans mise à plat préalable, les
malentendus seront lourds de brouillages et d’inefficacités pour
l’intervention. L’échange autour de ses propres représentations est une
expérience riche pour quelqu’un qui se trouve ainsi confronté à d’autres
représentations que la sienne. L’intervention peut alors lui permettre de
les faire évoluer vers une meilleure prise en compte de quelques
connaissances expertes. »
Annexe 2 : Mise au point sur la notion d'autonomie
Le terme autonomie (du latin : auto nomos) désigne historiquement
sous l'Empire Romain le statut des cités grecques qui avaient gagné le
139
Annexes
droit d'établir leurs propres règles. En santé publique le terme
d'autonomie est à comprendre de manière beaucoup complexe que dans
son sens classique, défini par la philosophie européenne. Dans ce sens
commun, l'autonomie est associée à la représentation d'un sujet
« individuel, pensé comme un absolu, coupé de toute insertion sociale et
marqué par le refus de reconnaître sa dépendance envers autrui».
En santé publique, ce terme peut plutôt se comprendre comme « le
droit de prendre une décision », en respectant sa personnalité et sa
dignité, en mettant en pratique les compétences nécessaires à
l'adaptation et l'intégration au niveau social, familial et professionnel.
Ainsi l'autonomie en prévention se rapproche plus de la notion
d'empowerment, ou capacité à agir sur sa vie et son environnement, que
de la notion d'indépendance. R. Brizais illustre cette notion par sa vision
de l'autonomie : «c’est la capacité d’une personne à gérer ses propres
dépendances ».
Annexe 3 : Grilles d'entretien
Grille Focus Group élève
20'
Qu'est ce que vous en pensez de l'ESJ ?
Puis relance en fonction des dimensions :
Qu'est ce que vous faites dans une séance ESJ ?
Qu'est ce qui différencie une séance d'un cours normal ?
Quelles sont vos motivations/vos envies à vous rendre aux séances ?
C'est important pour vous de choisir les thèmes ? Mais c'est facile de proposer les thèmes
devant tout le monde ?
Qu'est ce que vous vous dites avant d'aller à la séance ?
Et si on séparait les 4ième et les 3ièmes vous diriez quoi ?
C'est pas trop gênant de parler de chose comme la sexualité devant tout le monde ?
Moqueries après les séances ?
Qu'est ce que vous pensez du fait que ce soit animé par un médecin ?
Et la présence du prof vous en pensez quoi ?
Outils pédagogiques : C'est quoi votre avis sur les jeux que vous utilisez ?
15'
D'après vous, qu'est ce que vous apporte le fait d'avoir l'ESJ au collège ?
Puis relance en fonction des dimensions :
140
Annexes
ESJ et ambiance au collège ? Amélioration des relations entre les élèves ?
Comment l'ESJ influence votre santé ?
Modification de l'image de l'enseignant ?
Modification de l'image du médecin ? Mais vous vous imaginiez avant qu'un médecin
pouvait faire ça ?
Mais alors vous aimeriez bien parler de sujets comme ça avec votre médecin en
consultation ?
Quand vous retournez voir votre médecin ça a changé quelque chose ?
Avec qui reparlez-vous des séances ? Famille/Amis/Profs/Médecins ?
Est ce qu'une fois, avoir participé à une séance ESJ vous a servi ?
Mais sur internet vous pouvez en apprendre des choses aussi non ?
5'
Qu'est ce que vous aimeriez améliorer dans l'ESJ ?
Grille Focus Group Enseignant
20'
Quelle importance accordez-vous à l'ESJ au sein de l'établissement ?
Puis, si non abordé spontanément :
L'ESJ influence-t-il la relation entre élèves et enseignants ? Si oui, en quoi ?
L'ESJ influence-t-il les relations entre élèves ? Si oui, en quoi ?
Qu'apporte pour vous la présence des médecins dans ce projet ?
Comment percevez l'attitude des jeunes par rapport au projet ?
Êtes-vous confrontés à des difficultés particulières au quotidien ?
Comment est perçu l'ESJ par les autres membres de l'équipe éducative ?
15'
Comment percevez-vous votre rôle au sein du projet ESJ ?
Puis, si non abordé spontanément :
Quand vous animez une séance, quel est votre rôle ?
Comment vous sentez-vous lors des séances ?
Pensez-vous que vous pourriez tenir un rôle différent ? Lequel ?
Que vous amène cette participation à l'animation des séances dans votre métier
d'enseignant ?
Cela a-t-il modifié votre point de vue sur les questions de santé des adolescents ?
Que retirez-vous de cette collaboration avec les médecins ?
5'
Quelles seraient vos propositions pour améliorer l'ESJ ?
Puis, si non abordé spontanément :
Que pensez-vous de l'utilisation des outils pédagogiques au cours des séances ?
Final L'ESJ au quotidien pour vous, en une phrase ?
Grille entretien individuel avec l'animateur jeunesse (AJ)
10'
Que représente pour toi l'ESJ ?
10'
Quel est ton rôle en pratique au sein de l'ESJ ?
Puis, si non abordé spontanément :
141
Annexes
Quel est ton niveau de satisfaction concernant la pédagogie utilisée ?
Comment perçois-tu l'utilisation des outils pédagogiques au sein de l'ESJ ?
5'
Imagines-tu l'ESJ sans médecins ? Pour quelles raisons ?
5'
Que t'apporte au niveau professionnel ta participation à l'ESJ ?
Puis, si non abordé spontanément :
Que penses-tu de ta collaboration avec des médecins ?
Qu'est ce cela t'apporte au niveau de ta relation avec les jeunes ?
Grille entretien individuel avec le Directeur du collège (Dir)
10'
Que représente pour vous l'ESJ ?
5'
L'ESJ est perçu par tous comme un espace de parole et une occasion pour
les jeunes d'avoir une véritable discussion avec un adulte… Vous qui êtes
professionnel de l'adolescence, pensez-vous que les jeunes aient si peu
d'occasion de discuter avec les adultes ?
5'
L'ESJ est perçu comme un espace de liberté par les élèves. En quoi est-il
pertinent quand on est chef d'établissement de proposer un espace de
liberté à ses élèves ?
En quoi la pédagogie de l'ESJ est-elle pertinente au regard des problèmes de
santé des jeunes ?
5'
Il semble que l'ESJ prenne place dans un état d'esprit particulier de
l'établissement. Quel est selon vous cet état d'esprit ?
5'
Il apparaît que l'ESJ forme un « réseau » entre les différentes structures qui y
participent… qu'en pensez-vous ? Comment fonctionne ce réseau ?
5'
Quels sont vos rapports avec la médecine scolaire ? Quelles sont les raisons
pour lesquelles ces professionnels ne participent pas au projet ?
Grille d'entretien avec M2
10' À la suite des entretiens il apparaît que le rôle d'« adulte repère » ou
« référent » dans lequel souhaitent se positionner les médecins de la maison
médicale s'apparente à un rôle éducatif : le médecin se positionne en repère
adulte différent d'un parent, autour duquel des adolescents peuvent se
développer positivement… Que pensez-vous de cet entrée de la médecine
dans une mission éducative ?
10' Certains adultes de l'ESJ décrivent qu'en fréquentant différemment des
médecins généralistes, il apparait une « perte de pouvoir » du médecin, une
relation dépossédée du « pouvoir médical »… qu'en pensez-vous ?
10' A contrario les élèves semblent avoir une confiance extraordinaire dans la
présence du « médecin » durant l'ESJ… Comment vous positionnez-vous
142
Annexes
face à cette confiance presqu'aveugle que vous confèrent les jeunes ?
10' Quelles difficultés
généraliste ?
provoquent
l'ESJ
au
quotidien
du
médecin
10' Il semble que les animateurs de l'ESJ partagent des valeurs communes autour
de l'adolescent… Qu'en pensez vous ? Quelles sont ces valeurs ?
143
Annexes
Annexe 4 : Flyer invitant les élèves à participer au questionnaire
144
Annexes
Annexe 5 : Questionnaire élèves
Annexes
Annexes
147
Annexes
148
Annexes
37
34,58%
Classes des Participants
Cinquième
Nombre d'élève
Pourcentage
Nombre d'élève
Pourcentage
Cinquième
Pourcentage
Quatrième
Pourcentage
Troisième
Pourcentage
Total par classe
Participation à l'ESJ
Nombre d'élève
Pourcentage
63
58,88%
25
67,57%
15
48,39%
23
58,97%
63
Au moins une fois
1999
3
2,80%
Année de naissance des participants
40
37,38%
Sexe des participants
Fille
Nombre d'élève
Pourcentage
Jamais
Quatrième
Garçons
44
41,12%
12
32,43%
16
51,61%
16
41,03%
44
2000
40
37,38%
31
28,97%
67
62,62%
107
100,00%
Total
107
100,00%
37
100,00%
31
100,00%
39
100,00%
107
2001
29
27,10%
39
36,45%
Troisième
Total
Nombre total de répondant
Ont répondu
N'ont pas répondu Total
Nombre d'élève
107
43
150
Pourcentage
71,33%
28,67%
100,00%
1ière Partie : Généralités
Résultats Questionnaires
Annexe 6 : Résultats du questionnaire
Total
2002
28
26,17%
107
100,00%
150
2003 Autres
Total
3
4
107
2,80%
3,74%
100,00%
Remarques
Annexes
Annexes
2ième Partie : oui j'ai déjà Participé
Q1 : Globalement j'aime bien l'espace santé jeune !
Pas du tout d'accord En partie d'accord D'accord
Tout à fait d'accord Total
Nombre d'élève
0
19
32
12
63
Pourcentage
0,00%
30,16%
50,79%
19,05%
100,00%
Cinquième
0
10
11
4
25
Pourcentage
0,00%
40,00%
44,00%
16,00%
100,00%
Quatrième
0
3
7
5
15
Pourcentage
0,00%
20,00%
46,67%
33,33%
100,00%
Troisième
0
6
14
3
23
Pourcentage
0,00%
26,09%
60,87%
13,04%
100,00%
Total par classe
0
19
32
12
63
Q 2 : A propos de l'ESJ et de l'ambiance entre les élèves…
Aller à l'ESJ m'a permis d'avoir moins de préjugés sur les autres élèves…
Pas d'accord
D'accord
Total
Nombre d'élève
40
23
63
Pourcentage
63,49%
36,51%
100,00%
Cinquième
14
11
25
Pourcentage
56,00%
44,00%
100,00%
Quatrième
10
5
15
Pourcentage
66,67%
33,33%
100,00%
Troisième
16
7
23
Pourcentage
69,57%
30,43%
100,00%
Total par classe
40
23
63
Participer à l'ESJ m'a permis d'être plus à l'aise avec les élèves plus âgés…
Pas d'accord
D'accord
Total
Nombre d'élève
41
22
63
Pourcentage
65,08%
34,92%
100,00%
Cinquième
16
9
25
Pourcentage
64,00%
36,00%
100,00%
Quatrième
12
3
15
Pourcentage
80,00%
20,00%
100,00%
Troisième
13
10
23
Pourcentage
56,52%
43,48%
100,00%
Total par classe
41
22
63
151
Annexes
Quand des élèves parlent à l'ESJ je comprend ce qu'ils vivent et je m'imagine à leur place…
Pas d'accord
D'accord
Total
Nombre d'élève
11
52
63
Pourcentage
17,46%
82,54%
100,00%
Cinquième
5
20
25
Pourcentage
8,00%
84,00%
92,00%
Quatrième
4
11
15
Pourcentage
26,67%
73,33%
100,00%
Troisième
2
21
23
Pourcentage
8,70%
91,30%
100,00%
Total par classe
11
52
63
Q3 : Certains élèves ne respectent pas la règle de confidentialité de l'Espace Santé Jeune. Ils racontent ce que les participants ont dit pendant la séance aux autres élèves dans la cour ou en classe…
Cela m'est déjà arrivé, depuis j'y vais moins ou plus du tout…
Pas d'accord
D'accord
Total
Nombre d'élève
55
8
63
Pourcentage
87,30%
12,70%
100,00%
On peut raconter ce que j'ai dit, à condition que les gens ne donnent pas mon nom !
Pas d'accord
D'accord
Total
Nombre d'élève
27
36
63
Pourcentage
42,86%
57,14%
100,00%
Je m'en fiche que l'on répète ce que je dis cela ne me gène pas
Pas d'accord
D'accord
Total
Nombre d'élève
34
29
63
Pourcentage
53,97%
46,03%
100,00%
152
Toujours séparer
les 4ièmes et les
3ièmes
Alterner
Pas d'avis
Total
9
11
14
3
37
24,32%
29,73%
37,84%
8,11%
100,00%
3
3
7
2
15
20,00%
20,00%
46,67%
13,33%
100,00%
6
8
7
1
22
27,27%
36,36%
31,82%
4,55%
100,00%
9
11
14
3
37
Toujours mélanger
4ièmes et 3ièmes
ensemble
Maintenant je me sens plus à l'aise quand je vais consulter mon médecin !
Pas d'accord
D'accord
Total
Nombre d'élève
48
15
63
Pourcentage
76,19%
23,81%
100,00%
Cinquième
17
8
25
Pourcentage
68,00%
32,00%
100,00%
Quatrième
13
2
15
Pourcentage
86,67%
13,33%
100,00%
Troisième
18
5
23
Pourcentage
78,26%
21,74%
100,00%
Total par classe
48
15
63
153
Q5 : Depuis que tu as particpé à l'ESJ, comment ça se passe avec ton (ta) médecin ?
NB : Le nombre de réponse devrait être de 38, il y a8 élèves de cinquième qui ont répondu et 1 élève de 3ième qui n'a pas répondu. Les élèves de 5ièmes on t répondu : alterner 2 fois, Mélanger 0 fois, Distinguer 3 fois, Sans avis 3 fois. Je les retire du tableau de résultat.
Correction
Nombre d'élève
Pourcentage
Quatrième
Pourcentage
Troisième
Pourcentage
Total par classe
Nombre d'élève
Pourcentage
Toujours séparer
les 4ièmes et les
3ièmes
Alterner
Pas d'avis
Total
9
14
16
6
45
20,00%
31,11%
35,56%
13,33%
100,00%
Toujours mélanger
4ièmes et 3ièmes
ensemble
Q4 : Que penses tu du mélange des 4ièmes et des 3ièmes ?
En ce qui concerne le fait d'être « à
l'aise », cela semble plis concerné
les élèves plus jeunes...
Le nombre de réponse devrait être
de 38, il y a8 élèves de cinquième
qui ont répondu et 1 élève de 3ième
qui n'a pas répondu. Les élèves de
5ièmes on t répondu : alterner 2
fois, Mélanger 0 fois, Distinguer 3
fois, Sans avis 3 fois. Je les retire
du tableau de résultat. Au final :
67 % des élèves estiment qu'il faut
modifier les séances 4-3 ou en
distinguant les niveaux ou en
alternant. 25 % des élèves estiment
qu'il faut poursuivre comme avant.
8 % n'ont pas d'avis. Globalement
les 3ièmes sont plutôt favorable à la
distinction mais à faible majorité
alors que les 4ièmes sont plutôt en
faveur de l'alternance
Annexes
Annexes
Maintenant j'ose poser des questions sur la santé à mon médecin !
Pas d'accord
D'accord
Total
Nombre d'élève
41
22
63
Pourcentage
65,08%
34,92%
100,00%
Cinquième
16
9
25
Pourcentage
64,00%
36,00%
100,00%
Quatrième
11
4
15
Pourcentage
73,33%
26,67%
100,00%
Troisième
14
9
23
Pourcentage
60,87%
39,13%
100,00%
Total par classe
41
22
63
Maintenant j'ai plus confiance en mon médecin !
Pas d'accord
D'accord
Nombre d'élève
43
Pourcentage
68,25%
Cinquième
13
Pourcentage
52,00%
Quatrième
13
Pourcentage
86,67%
Troisième
17
Pourcentage
73,91%
Total par classe
43
En fait ça n'a rien changé…
Pas d'accord
D'accord
Nombre d'élève
25
Pourcentage
39,68%
Cinquième
9
Pourcentage
36,00%
Quatrième
6
Pourcentage
40,00%
Troisième
10
Pourcentage
43,48%
Total par classe
25
Total
20
31,75%
12
48,00%
2
13,33%
6
26,09%
20
63
100,00%
25
100,00%
15
100,00%
23
100,00%
63
Total
38
60,32%
16
64,00%
9
60,00%
13
56,52%
38
63
100,00%
25
100,00%
15
100,00%
23
100,00%
63
Quand tu vas voir ton (ta) médecin, aimerais-tu parler de la santé avec lui (elle), un peu comme à
l'Espace Santé jeune mais dans son cabinet ?
Non
Oui
Total
Nombre d'élève
41
22
63
Pourcentage
65,08%
34,92%
100,00%
Cinquième
20
5
25
Pourcentage
80,00%
20,00%
100,00%
Quatrième
9
6
15
Pourcentage
60,00%
40,00%
100,00%
Troisième
12
11
23
Pourcentage
52,17%
47,83%
100,00%
Total par classe
41
22
63
154
Annexes
Q6 : à propos des professeurs qui participent aux séances de l'ESJ
Je vois ces professeurs de manière plus positive depuis que je les ai eus comme animateur à l'Espace
Santé Jeune...
Pas d'accord
D'accord
Total
Nombre d'élève
36
26
62
Pourcentage
58,06%
41,94%
100,00%
Cinquième
15
10
25
Pourcentage
60,00%
40,00%
100,00%
Quatrième
10
5
15
Pourcentage
66,67%
33,33%
100,00%
Troisième
11
11
22
Pourcentage
50,00%
50,00%
100,00%
Total par classe
36
26
62
Certains élèves pensent que les profs présents à l'Espace Santé Jeune peuvent répéter ce qu'ils
entendent aux autres profs, ou aux parents...
Pas d'accord
Nombre d'élève
Pourcentage
Cinquième
Pourcentage
Quatrième
Pourcentage
Troisième
Pourcentage
Total par classe
D'accord mais je D'accord et
m'en fiche
ça me gêne Pas d'avis
Total
28
13
9
13
63
44,44%
20,63%
14,29%
20,63%
100,00%
10
6
4
5
25
40,00%
24,00%
16,00%
20,00%
100,00%
7
2
3
3
15
46,67%
13,33%
20,00%
20,00%
100,00%
11
5
2
5
23
47,83%
21,74%
8,70%
21,74%
100,00%
28
13
9
13
63
Q8 : Les médecins et les professeurs se demandent si certains élèves de 4ième ou 3ième pourraient
animer des séances, avec un adulte, pour les élèves de 6-5ième, que penses-tu de cette idée ?
C'est nul
Faut voir
Plutôt bien
Pour !
Total
Nombre d'élève
8
28
19
8
63
Pourcentage
12,70%
44,44%
30,16%
12,70%
100,00%
Cinquième
7
9
7
2
25
Pourcentage
28,00%
36,00%
28,00%
8,00%
100,00%
Quatrième
1
10
4
0
15
Pourcentage
6,67%
66,67%
26,67%
0,00%
100,00%
Troisième
0
9
8
6
23
Pourcentage
0,00%
39,13%
34,78%
26,09%
100,00%
Total par classe
8
28
19
8
63
155
Annexes
3ième Partie : Non je n'ai jamais participé à l'ESJ
Q1 : J'ai l'impression que les autres élèves vont répéter à tout le monde ce que je dirais à l'Espace Santé Jeune
Pas d'accord
D'accord
Pas d'avis
Total
Nombre d'élève
21
14
9
44
Pourcentage
47,73%
31,82%
20,45%
100,00%
Cinquième
5
2
5
12
Pourcentage
41,67%
16,67%
41,67%
100,00%
Quatrième
8
7
1
16
Pourcentage
50,00%
43,75%
6,25%
100,00%
Troisième
8
5
3
16
Pourcentage
50,00%
31,25%
18,75%
100,00%
Total par classe
21
14
9
44
Q2 : Je n'ose pas proposer les thèmes qui m'intéressent donc ça ne sert à rien d'y aller
Pas d'accord
D'accord
Pas d'avis
Total
Nombre d'élève
18
18
8
44
Pourcentage
40,91%
40,91%
18,18%
100,00%
Cinquième
4
8
0
12
Pourcentage
33,33%
66,67%
0,00%
100,00%
Quatrième
8
4
4
16
Pourcentage
50,00%
25,00%
25,00%
100,00%
Troisième
6
6
4
16
Pourcentage
37,50%
37,50%
25,00%
100,00%
Total par classe
18
18
8
44
Q3 : Parfois il y a de grands « silence » et je n'aime pas ça
Pas d'accord
D'accord
Pas d'avis
Total
Nombre d'élève
18
8
18
Pourcentage
40,91%
18,18%
40,91%
Cinquième
6
1
5
Pourcentage
50,00%
8,33%
41,67%
Quatrième
6
3
7
Pourcentage
37,50%
18,75%
43,75%
Troisième
6
4
6
Pourcentage
37,50%
25,00%
37,50%
Total par classe
18
8
18
44
100,00%
12
100,00%
16
100,00%
16
100,00%
44
Q4 : J'ai l'impression que les profs pourraient répéter ce qu'ils entendent à mes parents ou aux autres profs
Pas d'accord
D'accord
Pas d'avis
Total
Nombre d'élève
31
9
4
44
Pourcentage
70,45%
20,45%
9,09%
100,00%
Cinquième
8
4
0
12
Pourcentage
66,67%
33,33%
0,00%
100,00%
Quatrième
12
1
3
16
Pourcentage
75,00%
6,25%
18,75%
100,00%
Troisième
11
4
1
16
Pourcentage
68,75%
25,00%
6,25%
100,00%
Total par classe
31
9
4
44
156
Annexes
Q5 : Cela me gêne qu'il y ai des médecins, on ne les connaît pas c'est difficile de parler avec eux…
Pas d'accord
D'accord
Pas d'avis
Total
Nombre d'élève
29
9
6
44
Pourcentage
65,91%
20,45%
13,64%
100,00%
Cinquième
3
7
2
12
Pourcentage
25,00%
58,33%
16,67%
100,00%
Quatrième
12
1
3
16
Pourcentage
75,00%
6,25%
18,75%
100,00%
Troisième
14
1
1
16
Pourcentage
87,50%
6,25%
6,25%
100,00%
Total par classe
29
9
6
44
Q6 : je parle déjà de santé avec mes proches, ma famille ou mes amis donc ça ne sert à rien de
recommencer au collège
Pas d'accord
D'accord
Pas d'avis
Total
Nombre d'élève
18
15
11
44
Pourcentage
40,91%
34,09%
25,00%
100,00%
Cinquième
6
3
3
12
Pourcentage
50,00%
25,00%
25,00%
100,00%
Quatrième
7
7
2
16
Pourcentage
43,75%
43,75%
12,50%
100,00%
Troisième
5
5
6
16
Pourcentage
31,25%
31,25%
37,50%
100,00%
Total par classe
18
15
11
44
Q7 : Je suis en 4ième et je n'aime pas devoir parler devant les 3ièmes
Pas d'accord
D'accord
Pas d'avis
Total
Nombre d'élève
9
5
30
Pourcentage
20,45%
11,36%
68,18%
Cinquième
1
0
11
Pourcentage
8,33%
0,00%
91,67%
Quatrième
8
5
3
Pourcentage
50,00%
31,25%
18,75%
Troisième
0
0
16
Pourcentage
0,00%
0,00%
100,00%
Total par classe
9
5
30
44
100,00%
12
100,00%
16
100,00%
16
100,00%
44
Q8 : Plutôt que de parler de santé au collège, je trouverai ça mieux d'en parler en tête avec mon médecin
quand je vais le voir au cabinet
Pas d'accord
D'accord
Pas d'avis
Total
Nombre d'élève
16
13
15
44
Pourcentage
36,36%
29,55%
34,09%
100,00%
Cinquième
7
2
3
12
Pourcentage
58,33%
16,67%
25,00%
100,00%
Quatrième
6
4
6
16
Pourcentage
37,50%
25,00%
37,50%
100,00%
Troisième
3
7
6
16
Pourcentage
18,75%
43,75%
37,50%
100,00%
Total par classe
16
13
15
44
157
Annexes
Annexe 6 : Documents concernant l'ESJ fournis par la maison
médicale et le collège
158
Annexes
Annexe 7 : Exemples de thèmes choisis par les adolescents grâce
aux post-it
159
Annexes
Vu, le président du jury
Vu, le directeur de thèse
Vu, le doyen de la faculté
160
Annexes
Serment Médical
Au moment d’être admis à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle
aux lois de l’honneur et de la probité.
Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans
tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.
Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune
discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si
elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité.
Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois
de l’humanité.
J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs
conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir
hérité des circonstances pour forcer les consciences.
Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me
laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.
Admis dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés.
Reçu à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite
ne servira pas à corrompre les mœurs.
Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les
agonies.
Je ne provoquerai jamais la mort délibérément.
Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je
n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les
perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés.
J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité.
Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes
promesses ; que je sois déshonoré et méprisé si j’y manque.
161
LE GLATIN
Clément
L’Espace Santé Jeune de Saint-Germain sur Moine
Étude de la participation de médecins généralistes à un projet d’éducation pour la santé
mené en milieu scolaire.
Résumé
OBJECTIF : L'Espace Santé Jeune (ESJ) est un projet d'éducation pour la santé mené depuis 2008
dans un collège français. Les collégiens sont invités mensuellement à participer à un espace de parole
sur la santé, animé par un médecin généraliste, accompagné d'un animateur jeunesse de la commune
ou d'un enseignant. Cette étude cherche à comprendre comment les différents acteurs perçoivent ce
projet et ses effets.
MÉTHODE : Une étude mixte a été menée au sein du collège par entretiens individuels et focus groups
auprès de l'animateur jeunesse, de 20 élèves participants à l'ESJ, 5 enseignants et 4 médecins ; puis
par un questionnaire informatique destiné aux 150 élèves. Une retranscription intégrale des entretiens
a permis une analyse par théorisation ancrée, puis une approche intégrative a confronté les résultats
quantitatifs et qualitatifs.
RÉSULTATS : L'ESJ est perçu comme une « occasion » originale pour les jeunes d'exprimer librement
leurs préoccupations autour de la santé dans un espace centré sur le dialogue, l'empathie, la
dynamique de groupe et la liberté de participation. 107 élèves (71%) ont répondu au questionnaire, 59 %
avaient participé à l'ESJ avec 70 % de satisfaction. L'ESJ présente des avantages sur la consultation
médicale pour réaliser la prévention chez les adolescents : la présence des pairs, l'absence des
parents, la gratuité facilitent l'interaction avec les médecins, malgré une difficulté des adultes à
l'animation des séances collectives. L'existence d'une démarche de projet et d'un partenariat entre les
professionnels inscrivent l'ESJ dans une dynamique territoriale d'interprofessionnalité et facilite le
maillage autour des jeunes en difficulté. Cependant, l'ESJ représente une charge de travail
supplémentaire non rémunérée pour les médecins, sans retombées positives majeures sur les relations
entre médecins et adolescents en consultation.
CONCLUSION : L'ESJ est une expérience originale d'interprofessionnalité entre soignants et
éducateurs inscrivant le médecin généraliste dans une dynamique territoriale de santé publique et
alimentant une réflexion sur les modalités de mise en pratique de l'éducation pour la santé.
Mots-clés
Éducation pour la santé – Prévention - Milieu scolaire – Médecine Générale – Interprofessionnalité

Documents pareils