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N°20 - Juin 2015
Journal de la 20e promotion PHR
de l’ESJ Lille
Banlieues & Campagnes
JEUNESSE
TERRITOIRES
OUBLIÉS
EN
Panorama d’une génération
en quête d’équilibre, à l’ombre
des tours et en rase campagne.
PP. 3-41
HEBDOS LOCAUX : place aux héritiers
SPHR : Éric Lejeune passe le relais
PP.
58-59
PP.
52-53
OUVERTURE
ÉDITO
JEUNESSE DU BITUME ET DES PATÛRES
LE CHAMP DES TOURS
ENTRE TERRES ET TOURS, DES JOURNAUX
À RÉINVENTER
L
Sommaire
a jeunesse, on en parle à longueur de temps.
Elle est au cœur du débat politique. Elle
est la France de demain. On la vante, on
la montre du doigt, comme si elle était une et
indivisible. Pourtant, elle a de multiples visages.
Du Kanak venu faire ses études en métropole
aux jeunes artistes dunkerquois, en passant par
le paysan du Lot-et-Garonne et les danseurs de
la banlieue lilloise, nous avons ratissé large. Alors
grandir sur le macadam ou apprendre à marcher
sur le sentier des vaches impliquent-ils les mêmes
problématiques ? À première vue, non… Tous ne
regardent pas Chasse et pêche et ne zappent pas
de W9 à NRJ 12. Les clichés ne sont pas figés. La
jeunesse est en mouvement. La PHR également.
Elle s’intéresse aux usages des lecteurs, et cherche
à séduire un nouveau public. Et pourquoi pas
ces jeunes ?
Banlieue, campagne, même combat ?
D’un bout à l’autre de la France nous
avons rencontré ces jeunes, aux
problématiques... pas si différentes.
Impression
Riccobono Imprimeurs
Tremblay-en- France
PHRases
Une publication de l’ESJ Lille
50 rue Gauthier de Châtillon
59 000 Lille - France
PHRASES
07 La tentation de l’extrême droite
08 Les apprentis du décrochage
10 Dossier : Jeunes en campagne
16 Enquête sur Lillenium
18 Kit de survie
20 Félix et Mady, parcours exemplaires
22 Lille-Sud, terre d’abstention
La 20e promotion PHR de l’École supérieure de journalisme de Lille.
Rédactrices en chef
Aïna Roger, Anne Leburgue
Rédacteurs en chef adjoints
Amélie Bouclet, Rémy Eylettens,
Nina Dworianyn, Arthur Conanec
Rédacteurs en chef technique
Laura Oudart, Pierre Julienne
Rédacteurs
Lucile Richard, Arthur Asquin,
Pierre Veillé, Clément Varanges,
Alice Douchet, Paul Descamps
Directeur de la publication
Pierre Savary
06 Grand Paris, petite tambouille
09 Kanak : de la case à la métropole
ANNE LEBURGUE, ARTHUR CONANEC,
NINA DWORIANYN
OURS
04 Les médias en territoires oubliés
SOMMAIRE
La jeunesse en territoires oubliés
24 Le permis à la campagne
AÏNA, JOURNALISTE POUR TOUJOURS
Légende
27 Une grossesse au vert
pp. 3-41
28 Le haut débit en débat
pp. 42-43
30 Le parkour forme la jeunesse
pp. 44-45
32 Foot : rencontre avec un arbitre
Carte des hebdos de France
Trombinoscope
25 Des scooters pour booster l’emploi
C’est arrivé près de chez vous
33 Boxe : un emploi au bout des gants
pp. 46-85
REMERCIEMENTS
Laurent Brunel, pour ses aller-retour depuis Barcelone,
ses faux-airs de Catalan énervé, mais aussi et surtout
pour sa patience, ses nuits blanches et son sourire.
Laurie Moniez, pour avoir toujours été là, pour ses
relectures jusqu’à pas d’heure, pour son honnêteté
et son soutien.
Yves Sécher, pour ses conseils de routard de la PAO.
Pierre Savary, pour son soutien et sa présence bienveillante.
Le SPHR, pour avoir toujours répondu à nos très
nombreuses sollicitations, et pour soutenir la filière
depuis vingt ans déjà.
Les imprimeries Riccobono, pour avoir pris soin de
notre petit magazine.
2
Il manque une page à ce magazine de fin d’année. Celle
que nous aurions aimé écrire avec Aïna. Sa plume, son
talent, son incroyable sourire, sa rage de vivre, sa rigueur,
son amour des autres, son envie de construire, sont autant
de mots qu’il manque dans ce PHRases.
Aïna était major de cette 20e promo PHR. Un pilier pour
ce groupe de quatorze étudiants si soudés. Elle était aussi la
rédactrice en chef de ce mag consacré à la jeunesse qui se bat.
Le 16 mai dernier, à 21 ans, elle nous a quittés, sereine.
Son diplôme en poche, quelques mois avant ses camarades.
Elle qui aurait tant aimé finir l’année et exercer son métier
de journaliste était promise à une belle carrière.
À l’heure où nous bouclons ce magazine, Aïna peut être
fière de sa promo. Ses camarades ont tout donné, au-delà
des larmes et de l’absence, pour que leur amie soit présente,
avec délicatesse, dans chacune de ces pages. Merci Aïna
pour cette magnifique leçon de vie.
L AURIE MONIEZ, RESPONSABLE
DE L A FILIÈRE PHR À L’ESJ LILLE
JUIN 2015
34 Centres sociaux, le point de repère
36 Hip-hop à Lille-Sud
37 MC Circulaire : interview
38 Fructôse, l’expérience culturelle
40 Éleveurs, l’amour vache
41 Une discothèque en campagne
Fructôse, à Dunkerque
LE CHAMP DES TOURS
LE CHAMP DES TOURS
PROXIMITÉ
LES MÉDIAS DONNENT LA PAROLE AUX JEUNES
Les quartiers, les petits patelins... Rien à y faire, rien à y voir ? Pas pour tous les médias.
Certains donnent même la parole aux habitants pour casser les clichés et contrecarrer
la stigmatisation.
LILLE-SUD : QUARTIER POPULAIRE ON THE AIR
Étudiants et habitants
sur les ondes
L’écart entre la réalité urbaine des quartiers populaires et le traitement médiatique
de celle-ci est dû à plusieurs raisons. La
principale étant la méconnaissance quasi-totale des journalistes de ces milieux,
dont ils sont d’ailleurs rarement issus. « Ils
n’y ont presque aucun réseau », déplore
Lucas. Un problème que Noémie Coppin
[instigatrice du projet] a voulu résoudre avec
Lille en quartiers. « Les étudiants en journalisme pourront faire leurs armes dans les
quartiers où ils n’iraient pas naturellement. »
Seulement, Lucas est réaliste. Les étudiants
restent un ou deux ans, le temps d’obtenir
leur diplôme, puis s’en vont. « C’est un projet
qui ne peut fonctionner que si l’on travaille
activement avec les habitants du quartier.
L’objectif final est de former les non-professionnels aux méthodes journalistiques, pour
PHRASES
4
Une partie de
l’équipe du
Bondy Blog
réfléchit aux
sujets proposés.
D
Maxime Saraiva (à gauche), Michael Guiheux, étudiant (à côté), animent
la première émission de la saison 2015.
qu’ils puissent se débrouiller seuls. » Mais
les habitants n’adhèrent pas. Le projet est
mis en stand-by pour un temps . Jusqu’en
2013, où l’on célèbre les 30 ans de la Marche
pour l’égalité et contre le racisme. Lucas
Roxo, qui sort de l’école avec un mémoire
sur les quartiers et l’immigration, reprend
le flambeau. Il renoue avec les habitants et
rameute les étudiants : « À force de piger,
j’avais besoin d’un peu d’interaction ».
Les réunions de rédaction reprennent.
Tout ce petit monde se mélange. Les uns
filent des tuyaux aux autres. La première
émission est finalement enregistrée le 17
avril 2015.
Les micros et la régie son s’installent au
centre social Lazare Garreau, près de la salle
de spectacle du Grand Sud. Les reportages
audio se succèdent. « Les lieux sont riches, il y
a beaucoup de choses à faire », soutient Lucas
Roxo. « Mais on est attendu au tournant.
BONDY BLOG :
DIX ANS DÉJÀ !
e jours en jours, la « famille Bondy Blog »
s’agrandit. Son seul but : casser l’image
négative de la banlieue.
« Nous, on revendique l’ordinaire. » Nordine Nabili, président de l’association Bondy
Blog, n’oublie jamais de donner ce conseil à ses
blogueurs. Créé en 2005 par le magazine suisse
L’Hebdo pour suivre les émeutes en banlieue,
ce sont aujourd’hui quelques jeunes, ou moins
jeunes, qui y contribuent. Tous ne sont pas de
Bondy, certains viennent même de Paris. Il
faut dire qu’en dix ans, le blog a fait son petit
bonhomme de chemin. Relayé par Libération,
il dispose aujourd’hui d’une notoriété certaine
dans le monde du journalisme. La rédaction
s’agrandit chaque semaine. Connu par Internet,
par des amis, ou juste curieux, beaucoup de
jeunes rejoignent l’équipe.
Tous les mardis, les blogueurs se retrouvent pour
une réunion de rédaction. Trop sérieux s’abstenir,
ici l’ambiance est conviviale, familiale même. Chacun parle en toute liberté, mais une règle règne :
l’écoute. Les sujets s’enchaînent, tous sont validés. «
C’est très rare qu’on nous refuse un sujet », explique
Sarah, blogueuse depuis cinq ans. « On a une vraie
R
ue Richard Wagner, Espace Senior,
le 31 mai 2015 à 17 h. Des jeunes
sont attroupés à l’entrée, après l’enregistrement d’une émission de radio. Le
ciel est noir. Les cumulonimbus menacent
d’éclater. Quelqu’un lance, à travers la vitre
de sa voiture : « Je rentre sur Lille, je peux
déposer quelqu’un ? » Mais, ne sommesnous pas déjà à Lille ? Ou bien le mot “sud”,
quand il est accolé à celui de la ville pour
désigner son quartier le plus étendu et le
plus peuplé, évoque-t-il trop le soleil pour
que les Lillois le reconnaissent ?
Lille-Sud, le paria de toute la ville. Pour
effacer cette mauvaise réputation du quartier, des étudiants de l’École supérieure
de journalisme de Lille lancent, en 2012,
l’émission radiophonique Lille en quartiers.
« L’idée est apparue en 2011, détaille son
rédacteur en chef, Lucas Roxo, après une
conférence sur les rapports entre quartiers et
médias. Ces derniers en parlent peu ou mal.
On a tous en tête des méthodes journalistiques
douteuses à ce sujet : des journalistes qui demandent à un tel de brûler une voiture pour
satisfaire un besoin d’article, etc. »
HABITANTS
HABITANTSDES
DESTERRITOIRES
TERRITOIRESOUBLIÉS
OUBLIÉS
liberté de ton, on parle des problématiques des gens,
on essaie de donner une autre vision des quartiers
», renchérit Latifa, au Bondy Blog depuis deux
ans. Le but des contributeurs est le même : parler
de ce qu’ils vivent au quotidien. De l’autolib’ au
massacre de Sétif, tout – ou presque – est permis.
C’est ce que viennent chercher les blogueurs. « On
nous guide, on nous donne des conseils. C’est un
bon tremplin si on veut être journaliste », explique
Rouguy, contributrice. Comme chaque semaine,
Nordine Nabili clôture la réunion, avec quelques
mots, qui restent dans la tête de tous : « Tenez vos
promesses ».
NINA DWORIANYN
LE PATELIN : LA PLUME DANS LA BOUE
L
Il y a près de 40 % de chômage. Souvent en
reportage, on me dit : je veux bien te parler,
mais en échange, tu fais quoi pour moi ? »
Voir un peu plus loin que l’autoroute et la
voie de chemin de fer qui séparent Lille-Sud
du centre, serait déjà un bon début. Reste
à proposer un traitement journalistique de
qualité. Défi que Lille en quartiers est bien
décidé à relever.
PIERRE JULIENNE
« On est attendu au tournant.
En reportage on me dit :
je veux bien te parler
mais en échange tu fais quoi
pour moi ? »
LUCAS ROXO
JUIN 2015
e Patelin.fr, c’est la campagne
du support web leur permet de multiracontée par ses jeunes habitants.
plier les genres de reportage mais aussi
« Si tu vis dans un patelin où il n’y
d’attirer un lectorat plus jeune, qu’ils
a pas de transport en commun à part
souhaitent intégrer au projet : « C’était
un car toutes les trois heures ; si tu dois
le support le moins cher et le plus adapté
faire dix kilomètres avant de trouver
à nos volontés. » En effet, leur média
une boulangerie ou une pharmacie ; ou
se veut participatif. L’équipe souhaite
si le seul événement de l’année chez toi
que le site fonctionne de manière
c’est la ducasse ou la foire d’été, ce site
autonome, sans leur contribution.
est pour toi. »
« Nous voudrions former des jeunes
À l’occasion du premier hackaton de
aux techniques du journalisme pour
l’ESJ Lille, « 24 h pour créer un média »,
qu’ils puissent alimenter le site. » Un
six étudiants, originaires de petits vilconcept qui pourrait d’ailleurs suslages, ont lancé un site web d’actualité
citer des vocations auprès des jeunes
tout droit venu des campagnes. Inspirés L’équipe du Patelin menée par Anaïs Denet (au centre) habitants des campagnes : « L’aspar le Bondy Blog, ces jeunes journalistes
pect formation est important pour
souhaitent donner un nouveau regard sur ces explique Mathieu Habasque, journaliste télé du nous. Il permettrait de créer un mélange social
territoires où ils sont nés : « Il faut changer l’image
Patelin. La qualité et le choix des sujets sont leurs au sein des écoles de journalisme, parfois trop
du bouseux pas très évolué. Il y a des personnes priorités : « Le but n’est pas de faire du Groland. élitistes ». C’est aussi la vocation de la filière PHR...
dans l’ombre que les médias ne vont pas chercher.
Les reportages doivent être beaux esthétiquement.»
ALICE DOUCHET
Ces gens ont de véritables histoires à raconter »,
Photo, vidéo, son. Chacun sa spécialité. Le choix hackaton.esj-lille.fr/patelin/
PHRASES
5
JUIN 2015
LE CHAMP DES TOURS
LE CHAMP DES TOURS
RÉFORME TERRITORIALE
POLITIQUE
GRAND PARIS, PETITE TAMBOUILLE
JEUNESSE : LA TENTATION DE L’EXTRÊME
Le dessein du projet originel était de réduire les inégalités dont sont victimes les jeunes
du nord et de l’est de la petite couronne en redistribuant les richesses entre départements.
Mais face au conservatisme des élus locaux, c’est une métropole a minima qui se prépare.
En 2014, 30 % des moins de 35 ans avaient l’intention de voter pour le Front National.
En Mayenne, le parti frontiste est arrivé en tête dans 15 communes aux élections départementales de mars 2015. Mais pourquoi les jeunes sont-ils tentés par l’extrême droite ?
U
n apartheid territorial, social,
ethnique s’est imposé à notre
pays. » Les mots de Manuel
Valls lors de ses vœux à la
presse le 20 janvier dernier
ont fait grand bruit. Ils reflètent néanmoins
la polarisation croissante entre l’ouest et
le nord de Paris et sa petite couronne. En
effet, la Seine-Saint-Denis, département le
plus jeune de France métropolitaine selon
les chiffres de son Conseil départemental,
est aussi celui le plus touché par le chômage
en Île-de-France, en particulier chez les
jeunes. Il atteignait plus de 32 % chez les
15-24 ans en 2011 (Insee).
De même, les indicateurs relatifs à
l’absence de diplôme et aux proportions
d’employés et d’ouvriers témoignent d’une
homogénéisation croissante du territoire et
d’un écart grandissant avec l’ouest de Paris.
Une des intentions affichées par la mission
de préfiguration sur la Métropole du Grand
Paris (MGP) était donc, selon les documents de présentation, de « développer
une meilleure solidarité entre territoires »
et de « réduire les inégalités territoriales ».
La métropole, dans sa version de la loi
Maptam* promulguée en janvier 2014,
devait regrouper Paris et les trois départements de la petite couronne au sein
d’une structure très intégrée avec une
forte péréquation financière et prévoyait
la disparition des intercommunalités.
Une métropole light
Seulement, le projet métropolitain s’est
heurté au conservatisme des élus locaux,
désireux de préserver leurs recettes financières et leur pouvoir de planification urbaine. Ceux-ci ont voulu renforcer
les établissements publics territoriaux
(EPT), futur échelon intermédiaire entre
les communes et la métropole, pour affaiblir la MGP.
C’est ce qu’expliquait dans la Gazette des
communes le politologue Patrick Le Lidec
en charge du master Gouvernance métropolitaine à Sciences Po : « Il ne faudrait
pas que ces EPT deviennent une solution
PHRASES
Manuel Valls a accepté, sous la
pression des élus locaux, de revenir
sur l’article 12 de la loi Maptam qui
prévoyait la création d’une métropole
puissante. ©20 minutes
de repli pour vider la métropole de tout
contenu et échapper à la solidarité. On sent
aujourd’hui cette tentation chez nombre
d’élus des territoires les plus riches. » Les élus
ont obtenu le respect du principe de neutralité budgétaire, cela signifie que la MGP
ne conservera que la croissance de l’impôt
et rétrocédera le reste aux communes, en
attendant la définition progressive de ses
compétences qui devrait s’achever en 2020.
Seul problème, une élection présidentielle
aura lieu d’ici là et rien ne garantit que les
transferts s’opéreront ensuite.
Le projet métropolitain rencontre déjà
une forte opposition d’une grande partie
de la droite mais aussi des parlementaires
communistes. Ces deux groupes se sont
retrouvés plusieurs fois alliés de circonstance au Sénat. Une première fois lors
de l’examen du projet de loi Maptam en
2013 et à nouveau en juin 2015 lors de la
deuxième lecture du projet de loi Notre**,
lorsqu’ils ont de concert voté le report d’un
an de la création de la métropole.
Selon Patrick Le Lidec, ceci s’explique
6
par la peur de ces élus de perdre à terme
leur fief, à cause de la dilution à prévoir
de certaines singularités territoriales :
« La polarisation a été acceptée et même
encouragée par les élus de droite et de
gauche, qui y ont trouvé leur compte. La
concentration de la richesse d’un côté, celle
de la pauvreté de l’autre, se traduit par une
homogénéisation de la composition sociale
des circonscriptions électorales. Tout cela
engendre de la stabilité politique et, donc,
de la stabilité de carrière ».
Jeunes d’extrême droite lors
d’un rassemblement de la Manif pour tous.
©RFI
À
CLÉMENT VARANGES
* Loi de modernisation de l’action publique territoriale
et d’affirmation des métropoles
** Loi de nouvelle organisation territoriale de la
République
« La polarisation a été
encouragée par les élus
de droite et de gauche
qui y ont trouvé leur compte. »
PATRICK LE LIDEC
JUIN 2015
quinze ans, j’avais déjà mes opinions.
Mais à cet âge-là, j’estime qu’on n’a
pas à les exprimer », raconte Romain*. Ce Mayennais d’origine a
grandi du côté de Château-Gontier.
« Ma mère a plus tendance à voter socialiste, mon
père, lui, a voté Sarkozy en 2007. Ils ont leurs idées
mais ne s’impliquent pas trop sur le plan politique »,
explique le jeune homme de 21 ans. Si son frère
vote à gauche, lui est impliqué dans la mouvance
d’extrême droite. « On évite de parler politique
lors des repas de famille. On fait en sorte que ça se
passe bien », ajoute ce pâtissier.
Rien ne prédestinait pourtant Romain à adhérer
à ces idées extrêmes. « À l’époque, j’ai longtemps
trainé avec un groupe de blacks qui venaient de l’Île
Maurice. Ces mecs-là dealaient quand je sortais
avec eux. Je me suis rendu compte qu’ils ne faisaient
que profiter du système », raconte le Mayennais.
Le système, social et politique, est le point de
cristallisation de sa colère. « Je ne vote pas pour
le FN. Je ne supporte pas Marine Le Pen. Elle est
à mettre dans le même sac que les autres partis
politiques. Je me sens plus proche des idées de son
PHRASES
père ou de Génération Identitaire », confie le jeune
homme. Depuis septembre, il a emménagé à Strasbourg, près d’un quartier difficile. Un changement
d’ambiance radical par rapport à son patelin de
province. « Derrière chez moi, ils construisent
une grosse mosquée. Pour moi ce n’est pas normal. La France est un état laïc depuis plus d’un
siècle, mais nous sommes de tradition catholique,
non ? », questionne Romain. « L’islamisation et
l’immigration » seraient donc les principales causes
d’inquiétude de ces jeunes qu’on entend répéter :
« On n’est plus chez nous ». L’artisan poursuit : « je
vais très régulièrement dans une salle de sport au
centre de Strasbourg. À chaque fois, on me regarde
bizarrement quand je parle français. »
Ravalement de façade
Francis*, lui, vote Front National depuis qu’il
est en âge de placer un bulletin dans l’urne. « J’ai
toujours baigné là-dedans. Ma grand-mère a été
secrétaire départementale du bureau à Lille », affirme ce gaillard de 28 ans. Mayennais d’origine,
il a roulé sa bosse dans le Sud avant de revenir
sur ses terres natales.
7
Une fois installé, il s’implique de plus en plus
dans le parti jusqu’à devenir membre de la sécurité du Front National pour certains meetings.
C’est grâce à ses connaissances au FN, et dans le
milieu du football, que Francis a pu accèder aux
coulisses des grand-messes du parti d’extrême
droite. « Même avec l’arrivée de Marine, le parti
n’a pas beaucoup changé. Le Front National s’est
aseptisé en façade, mais en coulisses le discours reste
le même », concède Francis avant de glisser : « La
vieille garde a tourné le dos à la nouvelle direction.
Beaucoup, notamment les jeunes, se dirigent vers
des groupes tels que Génération Identitaire ».
Il faut dire que la guerre ouverte entre Marine
et Jean-Marie Le Pen n’a pas arrangé les choses.
« Cette histoire est ridicule et nuit à l’image du
parti ». Mais les guerres intestines ne l’ont pas
dissuadé de continuer à voter pour le Front. « Je
vote systématiquement FN au premier tour. S’ils
ne sont pas présents au deuxième, je vote contre
la gauche. Les gauchistes, ce n’est pas mon truc. »
PIERRE VEILLÉ
* Les prénoms ont été changés
JUIN 2015
LE CHAMP DES TOURS
LE CHAMP DES TOURS
ÉDUCATION
ÉDUCATION
LES APPRENTIS DU DÉCROCHAGE
C’est l’un des grands chantiers d’éducation du quinquennat de François Hollande.
Le décrochage scolaire a touché 140 000 jeunes en 2014. En milieu rural, le phénomène
concerne principalement les jeunes apprentis.
3 QUESTIONS À
MARYSE ESTERLE,
SOCIOLOGUE ET
SPÉCIALISTE DU
DÉCROCHAGE SCOLAIRE
1
Parmi les causes du décrochage, les résultats
scolaires et le manque de motivation.
I
l y a dix ans, ce genre de situation n’existait
pas » regrette Jean-Marie Mollon-Deschamps,
directeur du Centre d’Information et d’Orientation (CIO) de Mayenne. Avec ses collègues,
il est en première ligne pour lutter contre le
décrochage scolaire. D’après l’INSEE, le nord du
département serait le secteur au plus fort potentiel
d’augmentation de décrocheurs scolaires de la région
Pays de la Loire dans les prochaines années.
« En 2014, ils étaient 66 recensés au CIO de
Mayenne. Cette année, nous en avons 55. Les chiffres
restent plus ou moins stables mais c’est toujours
très important », décrit le directeur. Parmi ces
élèves, près de la moitié sont issus des filières
d’apprentissage.
« Orientation zapping »
Comment expliquer que des jeunes décrochent
d’une formation censée les professionnaliser ?
« Aujourd’hui, quand cela se passe mal, il y a une
rupture directe entre les jeunes et leur patron. Lors
d’une mauvaise expérience, l’apprenti finit par rejeter
totalement le métier et la formation dans laquelle il est
engagé et se retrouve donc sur le carreau », explique
le responsable du CIO.
PHRASES
Cette situation serait due, avant tout, à un
changement de génération, et de mentalité. « On
vit à une époque où les jeunes fonctionnent à travers une orientation plaisir ou zapping », affirme
Jean-Marie Mollon-Deschamps. Avant d’ajouter : « Il
y a quelques années, les élèves finissaient leur formation ou intégraient le monde du travail ».
Cette facilité à accéder au marché de l’emploi
en milieu rural est le résultat d’une forte tradition
d’embauche des très jeunes en Mayenne. Il était
possible, dès seize ans, de trouver un travail dans
le nord du département, notamment dans les
métiers de l’artisanat.
« Ici, nous accueillons tous types de public. Nous
fonctionnons de deux manières avec les élèves décrocheurs. On leur propose une solution rapide avec
des mesures scolaires, voire un accompagnement avec
la mission locale », explique le responsable du CIO
de Mayenne. Si le problème est plus profond, le CIO
propose à l’élève un bilan d’orientation approfondi :
« On retrace ainsi tout son parcours scolaire et familial.
Le but est qu’il se rende compte d’où il vient », détaille
Jean-Marie Mollon-Deschamps. Un premier pas
avant de savoir où l’élève veut aller.
PIERRE VEILLÉ
8
Existe-t-il un profil type
de décrocheur ?
Non, il n’en existe pas. Nous avons
cherché au cours de nos différentes
études. Les jeunes en situation de décrochage ont le plus souvent vécu des
échecs scolaires et appartiennent à
des familles défavorisées. On retrouve
aussi, en général, plus de garçons que
de filles.
2
Quels sont les principaux facteurs
de décrochage scolaire ?
Il y a en a trois principaux. Dans un
premier temps, les résultats scolaires
et la motivation qui en découle. Ensuite, il y a la famille. Comment elle envisage l’école et le soutien apporté à
ses enfants. Pour finir, l’environnement
social du quartier dans lequel évolue
l’élève. C’est-à-dire les personnes qu’il
fréquente au jour le jour.
3
Ce phénomène touche-t-il plus
les élèves en apprentissage ?
Il touche avant tout les jeunes en
lycées professionnels. Certains, qui
sont entrés dans cette formation, se
trouvent déçus de l’enseignement
où ils se heurtent à trop de théorie à
leur goût. D’autres n’ont pas le niveau
scolaire suffisant pour réussir.
JUIN 2015
KANAK : DE LA CASE À
LA MÉTROPOLE
Chaque année, de jeunes
étudiants néo-calédoniens
quittent leur paradis pour
une cité universitaire.
Qui dit études, dit exil : un
déchirement pour certains,
une grande aventure pour
d’autres.
IL MANQUE SA PUTAIN DE PHOTO !
P
artir, c’est affronter l’inconnu. Mais
c’est aussi une fierté. Cela signifie qu’
on vole de nos propres ailes », explique
Jean-Jacques Selefen. Pour cet originaire de Lifou, dans les îles Loyauté
(Nouvelle-Calédonie), membre de la tribu Xodre,
c’est un sentiment étrange : « Au pays, on ne devient pas adulte à 18 ans. En fait, on est toujours
sous l’autorité de l’aîné, qu’il soit de la famille ou
du clan. En France, on se retrouve seul ».
Un monde nouveau
Cette solitude, ajoutée aux problématiques
nouvelles, a poussé la Maison
de la Nouvelle-Calédonie
à accompagner ces étudiants ultra-marins
[venant d’Outre-Mer].
Comme l’explique
Agnès Siraud, chef de
service, responsable de
près de 2000 Néo-Calédoniens, « ils doivent
« L’igname sauvage et la nourriture du pays m’ont manqué. »
accepter un monde plus impersonnel. Mais faire
également face à une nouvelle monnaie et à un
climat plus difficile. » Batailler avec l’administration
pour trouver un logement, demander des bourses
et donc gérer seuls leur capital en créant un compte
dans une banque française : autant de difficultés
pour des jeunes qui demandent rarement de l’aide.
Parfois par sentiment d’infériorité, souvent par
respect. Des démarches difficiles pour de jeunes
gens qui n’ont connu que l’ambiance apaisée
d’un village où vit l’ensemble de leur famille. On
change du tout au tout. Compliqué également de
troquer le short pour le pantalon, le débardeur
pour le pull et le manteau. « En France, j’étais en
claquettes et en short même en hiver. Je n’aimais
pas les chaussettes. Les gens me prenaient pour un
fou ! », confie Jean-Jacques.
« Je ne savais pas ce
qu’était une adresse mail »
L’envie de réussir est forte. Mais après deux
semaines de grisaille, quand les premières
feuilles commencent à tomber, le mal du pays
se fait sentir. Une mélancolie accentuée par la
télévision : « On voit les coups de mitraillette à
Marseille, les bagarres qui tournent mal… Seulement, on a fait une promesse : revenir entier ! »
L’acclimatation ne se fait jamais facilement.
9
« On a fait
une promesse :
revenir entier ! »
JEAN-JACQUES
«En général, si ça craque, ça lâche au premier
semestre », explique Agnès Siraud. La distance, la
fête, les problèmes financiers peuvent entraîner
des jeunes dans la précarité.
C’est le cas de Jean-Baptiste, rentré plus tôt que
prévu. « En arrivant, je ne maîtrisais pas vraiment
le français, l’informatique ça n’allait pas du tout non
plus. Je ne savais pas ce qu’était une adresse mail.
Puis j’ai commencé à déconner. A sortir. Au pays,
on dit boire comme un blanc et se saouler comme
un kanak... Au final, la maison de la NouvelleCalédonie m’a rapatrié mais je ne regrette pas cette
expérience. » Son ami de Lifou, non plus : « Je suis
tombé sur beaucoup d’ultra-marins qui m’ont aidé.
On a fait des repas ensemble. J’ai eu l’impression de
retrouver ce que j’avais perdu en prenant l’avion. »
Aujourd’hui, Jean-Jacques se sent grandi. Il a pris
de l’assurance et est devenu une sorte de modèle
pour son village : « Petit, je pensais que les Blancs
étaient meilleurs que nous en tout. Désormais, je
sais qu’il n’y a rien de plus faux ».
ARTHUR CONANEC
JUIN 2015
BRUNO GUERMONPREZ, SOCIOLOGUE
« LA FRANCE RESTE ATTACHÉE
À DÉFENDRE L’AGRICULTURE»
Bruno Guermonprez enseigne depuis une trentaine
d’années à l’Institut supérieur d’agriculture (ISA) de
Lille. Son domaine : les politiques agricoles et la place
de l’agriculture dans l’économie et la société.
JEUNES EN CAMPAGNES
UN SANG NOUVEAU
ABREUVE
NOS SILLONS
En France, est-il vrai qu’il y a de moins en moins de jeunes agriculteurs ?
Depuis 1960, oui. Avec le phénomène de modernisation des pratiques agricoles, le
pays a subi une forte diminution des exploitations. Depuis, on voit son nombre divisé par
deux tous les vingt ans. En 1900, un agriculteur nourrissait quatre personnes, en 2020 il
en nourrira environ cent.
Le monde agricole court-il à sa perte ?
Je ne pense pas. La France est un des rares pays qui reste attaché à défendre une agriculture avec des agriculteurs. Certes, ils sont moins nombreux à s’installer : 80 par an et par
département, contre environ 150 il y a 20 ans. Mais il faut prendre en compte le taux de
reprise d’exploitations, qui s’améliore.
Qui reprend ces exploitations ?
Ce sont les enfants d’agriculteurs qui sont de plus en plus formés. Ce qui évolue, c’est
l’utilisation des exploitations de ces nouvelles générations. Elles s’orientent vers l’agrandissement et la modernisation avec des stratégies d’associations pour rendre le travail plus
acceptable socialement. La vente directe est elle-aussi mise en avant. Les grandes cultures
sont privilégiées face aux élevages, plus pénibles et gourmands en espace.
Les jeunes qui s’installent sans avoir de parents agriculteurs
investissent-ils dans les mêmes productions ?
C’est assez difficile de reprendre une exploitation seul. Cela se
fait dans des régions où le prix du foncier est bas, comme dans
les zones montagneuses. Ils pensent plus en terme de création
d’entreprise, en investissant dans des élevages originaux ou
dans la vente directe. Mais cela dépend du lieu. Dans
le Nord-Pas-de-Calais, l’hérédité sociale reste forte.
À la campagne, tout n’est pas rose.
Mais, en quête d’économies et
d’une meilleure qualité de vie, étudiants
et néo-ruraux prennent d’assaut les contrées
autrefois délaissées.
L’occasion de relever la tête...
et de sortir de la sinistrose
PROPOS RECUEILLIS
PAR L AURA OUDART
Bruno
Guermonprez
PHRASES
10
JUIN 2015
PHRASES
11
JUIN 2015
LE CHAMPS DES TOURS
LE CHAMPS DES TOURS
“ J’AI PRÉFÉRÉ LA BIÈRE AUX ENDIVES ! ”
JEUNES EN CAMPAGNE
GRAINES DE PAYSANS
Agriculture à deux vitesses, surcharge de travail, perspectives floues… Le monde agricole
se transforme. Malgré les incertitudes, des jeunes continuent à y croire.
Paul-Marie va traire les vaches avec ses parents lorsqu’il rentre des cours.
D
ès mon premier
stage dans une
ferme, j’ai eu le
coup de foudre. »
En 2004, après
des études d’ingénieur agronome, le Nordiste Mathieu
Glorian devient stagiaire dans
le Gaec de son parrain, producteur de fromage. L’objectif
est de reprendre peu à peu
le groupement avec deux de
ses amis. Mais la partie est
remise. « J’étais déjà en couple
à l’époque, pas eux. Ils ne voulaient pas s’engager sur le long
terme, sachant qu’être agriculteur est souvent un gros handicap pour trouver l’âme sœur »,
avance Mathieu.
En 2006, il est embauché
comme animateur par la
Confédération Paysanne et
commence à mûrir un nouveau projet d’installation.
L’élevage ? Trop contraignant
pour ce père de trois enfants :
« Avec Rosa [sa femme, institutrice], nous voulions
conserver un fonctionnement
paritaire dans le foyer. Je n’ai
pas voulu sacrifier ma vie
familiale. » Il s’oriente alors
rapidement vers la fabrication de bière, et envisage de
devenir paysan producteur
de houblon. « J’aurais pu faire
des endives, j’ai préféré la bière,
explique-t-il. C’est plus valorisant. Et plus à la mode ! »
En 2010, il fait la connaissance de François Théry, paysan bio à Gavrelle, petit village
du Pas-de-Calais à mi-chemin
entre Arras et Douai. Une formation express de brasseur
et quelques essais dans le jardin plus tard, ce dernier lui
construit un local sur son exploitation. « Il m’a accordé une
confiance incroyable et m’aide
énormément ; presque plus que
de raison ! », se réjouit Mathieu.
Avec un père instituteur et
une mère au foyer, le trentenaire originaire de l’agglomération lilloise n’a aucune
entrée sur le monde agricole
à l’origine. Il s’aide alors du
réseau et des connaissances accumulées durant son passage
parmi les sympathisants de
José Bové pour obtenir différents financements solidaires.
Aujourd’hui, sa production
hebdomadaire de 200 litres
n’est pas viable, mais pas de
panique : « La phase de test
s’achève, et elle est concluante.
Le produit plaît et la clientèle
revient. » Il reste désormais à
investir pour pouvoir vivre de
J
PHRASES
« Plus tard,
je voudrais
reprendre la
ferme de mes
parents »
PAUL-MARIE
LEROY
cultivent des « patates », du blé, du maïs,
des petits pois, etc. Régulièrement, il les
aide. « Je travaille à la ferme les week-ends,
les vacances, le soir en revenant de l’école. »
Du temps de ses parents, pour devenir
agriculteur, un bac professionnel suffisait. Aujourd’hui, la plupart des jeunes
se destinant au métier, ont un bac+2. « Il
faut au minimum un BTS. C’est normal, on
utilise de plus en plus de technologies, ce qui
nécessite plus de compétences. »
Les exploitations sont aussi de plus en
plus grosses. « Elles sont donc plus difficiles à gérer. » Pour lui, l’agriculture de
12
demain, c’est « de plus grandes entreprises
et l’utilisation de toujours moins de produits
phytosanitaires ». Cela ne lui fait pas peur.
« Tant que mes parents travailleront sur
l’exploitation, ça ne sera pas difficile d’avoir
une vie à côté. » Et après ? « Je serai tout
seul. Il faudra que je prenne un salarié. »
Paul-Marie a déjà un projet en tête.
« Nous habitons sur une route passante.
J’aimerais faire de la vente directe : transformer des produits laitiers par exemple. »
Comme dirait Obélix : « Mais ils sont fous
ces jeunes ! »
AMÉLIE BOUCLET
JUIN 2015
MATHIEU
GLORIAN
Mathieu assure le service de sa bière,
L’épinette
sa bière. Et faire son trou dans le monde
chaotique d’une agriculture à deux vitesses : « Les pouvoirs publics encouragent
l’agrandissement du fossé. Connaissant
bien le système, j’arrive pour le moment à
trouver des soutiens. Mais c’est très difficile
pour les jeunes de se lancer quand des
industriels comme Ramery et sa ferme des
Mille vaches écrasent le secteur. »
PAUL DESCAMPS
“ JE SUIS MON PROPRE PATRON ”
PAUL-MARIE, UN GAULOIS DANS L’ÂME
e suis dedans depuis tout petit. » Il
n’est pas tombé dans la marmite mais
Paul-Marie Leroy, du haut de ses 18
ans, a quelques points communs avec
le fameux Gaulois.
Fils d’agriculteurs, il n’envisage son
avenir que dans ce milieu. « Pour toujours être chez soi et dehors. » Le jeune
homme brun aux yeux bleus est étudiant
en BTS Analyse et conduite de systèmes
d’exploitation (ACSE) à Hazebrouck (62).
« Plus tard, je voudrais reprendre la ferme
de mes parents. » Comme une évidence…
Ils possèdent un élevage de 80 vaches et
« Avec ma
femme, nous
voulions
conserver
un fonctionnement
paritaire
dans le
foyer.
Je n’ai pas
voulu
sacrifier
ma vie
familiale. »
J
e ne me voyais pas faire autre chose. » Benoît
Delplanque, 31 ans, est à la tête d’une exploitation de 60 vaches laitières, 15 vaches allaitantes, 4 400 poulets et 60 hectares de cultures.
« Je suis mon propre patron », explique le jeune
PHRASES
agriculteur installé depuis cinq ans. C’est à la
fois un avantage et un inconvénient. « La traite
des vaches est une contrainte pour le week-end
mais je suis libre d’organiser mon emploi du
temps ! » À cela s’ajoute la variété de ses tâches.
« Je fais de la maçonnerie, de la menuiserie, de la
soudure, etc. »
Depuis son installation, il fait partie de la FDSEA
(Fédération départementale des syndicats
d’exploitants agricoles), majoritaire en France.
« Quand on est seul sur un gros dossier, c’est
difficile de se défendre. » Être syndiqué lui permet
donc d’être « appuyé sur des sujets importants
comme les mises aux normes ». Un soutien pour
les enjeux actuels comme futurs.
« Même six mois à l’avance, on a du mal à avoir
des perspectives… Pour les jeunes agriculteurs,
c’est l’inconnu. Par exemple, les intérêts des
13
emprunts sont sur quinze à vngt ans et un contrat
pour la vente du lait, sur six mois ! » C’est encore
plus compliqué pour ceux qui ne sont pas issus
du milieu. « Un ami dont les parents ne sont pas
agriculteurs, s’est installé en Mayenne où c’est
moins cher, illustre-t-il. Il n’a pas le droit à l’erreur.
Il faut encore plus de motivation ! » Pourquoi ?
« Les prix de reprise sont plus raisonnables quand
c’est la famille. » Des aides à l’installation ont été
mises en place. Elles sont conditionnées à un
certain niveau d’études.
Aujourd’hui, ce niveau augmente. « Il ne faut
pas être idiot », rit Benoît. Il se souvient ainsi
de la réaction de sa conseillère d’orientation au
collège : « Quand mes parents lui ont dit que je
voulais être agriculteur, elle a répondu : “ Pourquoi ? Il n’apprend pas à l’école ? ” »
AMÉLIE BOUCLET
JUIN 2015
LE CHAMP DES TOURS
LE CHAMP DES TOURS
JEUNES EN CAMPAGNE
UNE VIE AU VERT
Campus Vert, c’est un principe : accueillir des jeunes dans des studios à la ferme.
Marie-Agnès Lenglet, agricultrice aux Attaques (62), fait partie du diposotif depuis 2001.
Marie-Agnès Lenglet a ouvert son Campus Vert en 2002.
N
Arthur travaille dans une exploitation de trente vaches laitières.
LE BONHEUR EST DANS LE COMTÉ
L
’agro-industrie a détruit le tissu
rural », assène Arthur Brachet.
L’Ardennais de 26 ans et son
Angevine de compagne, Amélie
Macera, ont pris leurs quartiers
à la ferme de l’Aubépine, à Moissey, dans le
Jura. Issu de familles de cadres et de travailleurs sociaux, le couple, qui s’est rencontré
durant des études d’ingénieur agronome à
Dijon, apprend le métier de paysan bio.
Passée par la pharmacie et l’herboristerie, Amélie est à l’initiative du projet.
Arthur lui a emboîté le pas avec enthousiasme. Après avoir envisagé d’intégrer un
Institut d’études politiques (IEP), il s’est
ravisé, estimant qu’ « on ne change pas le
monde en faisant des sciences politiques ».
Sensibilisé à l’écologie de longue date, il
souhaite désormais « être constructif »
en agissant à son échelle. Des idées qui
impliquent des sacrifices. « On ne regrette
rien, mais on souffre un peu de l’éloignement
avec nos amis », concède Amélie.
PHRASES
« On ne
regrette
rien, mais on
souffre un
peu de
l’éloignement
avec nos
amis. »
Amélie
Macera
Installé à Dole, le couple investira à la fin
du mois de juin « une maison magnifique,
dans des dépendances au milieu de [leurs]
bêtes ». Un peu exilés, certes, mais ils en
avaient marre des grandes villes et étaient à
la recherche d’une meilleure qualité de vie.
« Un bar sympa dans le village nous suffirait ! », s’exclame l’enthousiaste Angevine.
Depuis janvier 2015, les apprentis paysans travaillent dans une exploitation de
trente vaches laitières. Envoyée dans une
fruitière coopérative, leur production est
destinée à la fabrication de Comté.
Le comté,
une filière solidaire
Grâce à l’AOC qui protège le fromage,
le lait de leur secteur est « le mieux payé de
France. » Producteurs, affineurs, distributeurs… Toute la filière Comté est solidaire
et prend les décisions collégialement.
« Ailleurs, les laitiers sont seuls face aux
gros collecteurs, explique Arthur. Ici, nous
14
avons un meilleur pouvoir de négociation. »
Dans un secteur en difficulté, le salut
des fromagers franc-comtois passe par une
communication très développée, orientant
leurs produits vers le haut de gamme. Si
ce choix « énerve un peu » Arthur, Amélie
précise : « On se permet d’être exigeant car on
débute juste. On verra bien jusqu’où ira notre
projet en se frottant à la réalité ! » Leur rêve ?
« Acquérir une ferme à taille humaine, la plus
autonome possible, en produisant nous-mêmes
leur nourriture et celle du bétail. »
Les deux ingénieurs-paysans se donnent
jusqu’à fin 2016 pour mûrir leur projet
avant de passer aux choses sérieuses,
partir en quête de subventions, etc. Une
chose est sûre, s’ils persistent, ils ne manqueront pas d’offres pour reprendre une
affaire : quand ils ont passé l’annonce qui
a débouché sur leur emploi actuel, pas
moins de sept agriculteurs avaient sollicité
leurs services…
PAUL DESCAMPS
JUIN 2015
ous avons pensé à créer
des chambres d’hôtes mais
c’était difficile d’assurer le
petit-déjeuner et la traite.
Nous avons donc opté pour
Campus Vert. » Marie-Agnès Lenglet, est
membre de l’association Campus Vert
depuis quatorze ans. Le contact, la valorisation de son patrimoine et le complément
de revenu : ces avantages l’ont convaincue
de créer un studio dans sa ferme. « Un
élève en BTS à Coulogne (62) est venu faire
une enquête sur l’opportunité de créer un
Campus Vert. Nous nous sommes dit que
c’était intéressant. » Marie-Agnès et Hubert
se laissent convaincre : ils ont un bâtiment
agricole qui correspond aux critères et
aiment le contact. « Ça nous a permis de
valoriser notre patrimoine en transformant
un bâti agricole en studio. »
Mais, c’est également un revenu supplémentaire sans augmenter la charge de
travail. « Nous nettoyons juste les chambres quand un étudiant arrive et quand
il repart. » À cela s’ajoute l’obligation de
convivialité. « Par exemple, nous organisons
un apéro à la rentrée. »
Un studio à prix modéré
« Les étudiants arrivent et posent leurs
valises. » Les studios sont tout équipés et
le loyer est modéré. « Ici, ils vont de 248 € à
259 € pour des logements de 21 m2 à 25 m2. »
Seul inconvénient pour les étudiants : ils
ne sont pas sur leur lieu d’études. Les sites
doivent, toutefois, se situer à moins de
UN PEU D’HISTOIRE
L’association a été créée en 1995 par trois agriculteurs du secteur de Béthune (62). « Des universités décentralisées ont été construites, mais les villes moyennes n’étaient pas capables d’accueillir tous les étudiants »,
explique Odile Colin, directrice de Campus Vert. « Avec les mises aux normes, certains bâtiments et corps
de fermes n’étaient plus utilisés. » En faire des logements étudiants était donc un moyen de les valoriser.
Pendant plus d’un an, l’association s’est développée autour de Béthune. Elle s’est ensuite étendue à tout
le Pas-de-Calais et puis à la région. Aujourd’hui, Campus Vert est présent sur les douze sites universitaires
du Nord-Pas-de-Calais. « Depuis les années 2000, nous sommes dans la phase nationale. »
Le concept est transposable dans toutes les régions. « Le hic, c’est de trouver le financement. »
L’objectif actuel est de se développer en Bretagne et en Picardie. Par exemple, en Bretagne, il y a quelques
logements autour de Rennes mais aucun près de Vannes et Lorient.
PHRASES
15
quinze minutes d’un centre
universitaire. « Nous sommes
à la campagne donc, dans
l’idéal, c’est mieux d’avoir
un moyen de locomotion »,
reconnaît-elle. Même s’il
existe un système de covoiturage. « Ici, ils sont trois à
avoir leurs cours à Calais (62),
mais ils n’ont pas les mêmes
horaires donc chacun a sa voiture. »
Échange ville/campagne
Campus Vert permet aussi à des jeunes
de la ville de découvrir un milieu parfois inconnu pour eux. « Je ne pense pas
qu’ils aient des a priori. C’est plutôt une
méconnaissance et parfois une idée bucolique du monde agricole. » Cependant,
« il ne faut pas se leurrer, globalement, les
gens qui viennent au Campus Vert ont
l’habitude de vivre à la campagne », note
l’agricultrice.
Et de conclure en riant : « Au début,
j’avais peur que le bruit des vaches les incommode. Ils m’ont dit que non, que c’était
leur réveil-matin. Ça gêne un peu plus
quand c’est le coq à 3 h du matin ! »
En 2015,
les loyers de
Campus Vert,
dans le NordPas-deCalais,
vont de 243 €
pour 21 m2
à 558 €
pour 60 m2.
AMÉLIE BOUCLET
Site internet : www.campusvert.com
JUIN 2015
LE CHAMP DES TOURS
LE CHAMP DES TOURS
Des précédents plus
ou moins concluants
Le centre commercial a été conçu par le cabinet d’architectes Rudy Ricciotti
©Rudy Ricciotti Architectes.
Le B’Twin village à Fives
Situé sur l’ancien site Altadis
de 184 000 m², il compte 350
employés. Ce centre Decathlon
est ouvert depuis 2010. Sur la
trentaine de personnes qui travaillent dans le magasin, seules
deux habitent dans le quartier
du Petit Maroc. « Parfois, il y a
une différence entre la réalité et
ce que ressentent les habitants,
avance le chargé de mission de
la Maison du Projet. Il n’y a pas
d’études avec des pourcentages
à moyen terme. C’est délicat
d’imposer le recrutement. Si une
personne a postulé et n’a pas été
recrutée, cela peut créer de la
rancœur. »
LILLE-SUD
LILLENIUM OU LA PROMESSE D’EMBAUCHE
DES JEUNES DU QUARTIER
Depuis 2010,
le quartier de Lille-Sud
est en pleine mutation,
architecturale et
économique.
Le projet de pôle
commercial Lillenium
s’inscrit dans cette
dynamique.
Son ouverture a été
présentée comme
l’une des solutions
au chômage qui touche
les jeunes du quartier.
LILLENIUM
EN
CHIFFRES
PHRASES
U
ne friche, rue de Marquillies, face à l’Hôtel
de police de Lille-Sud. Entouré de grilles
et de grands panneaux qui annoncent la
création de 900 emplois, le site intrigue.
Dans le cadre de la requalification
du quartier, les promoteurs Vicity et Nacarat vont
construire un centre commercial : Lillenium. Situé à
l’entrée de la rue du Faubourg des Postes, il s’étalera sur
56 280 m2, « soit la moitié d’Euralille ». Sur six étages
dont deux en sous-sol, il accueillera l’hypermarché
E.Leclerc, un hôtel trois étoiles d’une centaine de
chambres, cent boutiques, des bureaux, un parking,
un parc pour 300 vélos, etc. Il faut ajouter à cela une
cité des enfants de 1 300 m². « Cette antenne de la
Cité des Sciences et de l’Industrie de Paris expliquera
les techniques aux plus jeunes. Par exemple, comment
on construit un bâtiment », développe Alexis, chargé
de mission à la Maison du Projet de Lille-Sud.
Le permis de construire a été validé le 27 septembre
2012 par la mairie de Lille. Le centre commercial
devait être livré en 2013. Cependant, la construction
n’a pas encore démarré. « Un recours administratif a
fait perdre deux ans, explique le chargé de mission.
56280 m
la taille du terrain
2
Un riverain et avocat a trouvé une faille dans le permis : le non-respect d’un délai. Il a fallu deux ans pour
éclaircir ce point. » Le tribunal administratif a débouté
le requérant que le promoteur lillois Vicity a attaqué
pour recours abusif.
Ouverture en 2017
« Aujourd’hui, nous sommes en phase de commercialisation des cellules. La concurrence est féroce. Ça se
passe bien », indique Anne Beaumeister, la communicante de Vicity. Le nom des enseignes retenues ne
sera dévoilé qu’à l’ouverture. « Nous essayons d’avoir
une certaine diversité : mode, beauté, restauration,
etc. » L’ ouverture devrait avoir lieu en 2017.
Quant aux travaux, « nous espérons qu’ils débuteront
cet été, en juin ou en juillet, voire septembre maximum », confie Alexis. Ils devraient durer deux ans.
« Il y a pas mal de réalisations à faire : pour le parking
souterrain, par exemple, il faudra évacuer la terre.
C’est toute une organisation, même pour accéder au
site. » Le promoteur a lancé des appels d’offres pour
les cellules commerciales. « Aujourd’hui, plus rien ne
s’oppose au projet. »
dont :
5 000 m2 pour l’hypermarché
22 000 m2 pour les 100 boutiques
4 800 m2 de bureaux
2 000 m2 de restaurants
16
Début juin, les travaux n’ont pas encore débuté.
140 K€
coût de Lillenium
Source : Vicity
JUIN 2015
Lillenium devrait créerLégende
des emplois dans ce quartier
où le chômage des jeunes est l’un des plus élevés de
Lille, ce qui explique la réticence des institutions à
communiquer ces chiffres. En effet, la création de
ce pôle commercial permettrait l’embauche de 500
personnes pour la construction et 900 à l’ouverture.
Romain Demettre, dirigeant de Vicity, déclarait à
la Voix du Nord en 2011 que cela engendrerait des
embauches, « dont 70 à 80 % à la population de proximité ». Mais ces emplois sont-ils vraiment garantis ?
Leclerc s’est engagé
Pour la phase de construction, une clause d’insertion a
été signée avec la ville. « Un certain pourcentage d’heures
de travail sur le chantier, au moins 5 %, est réservé à des
jeunes en insertion, notamment les habitants du secteur »,
explique le chargé de mission.
Pour la suite ? Une charte a été établie entre la direction du Leclerc et la ville de Lille. « Il s’engage à travailler en partenariat avec Pôle Emploi, développe Anne
Beaumeister. Cela dépendra bien sûr des profils recrutés et
des compétences. Le nombre d’habitants du quartier recruté
en résultera. » Si leurs profils ne correspondent pas, leur
part sera moins importante. Seule cette enseigne s’est
inscrite dans le processus. Elle ne représente à elle seule
qu’un quart de la création d’emplois annoncées. Mais « il
n’y a pas de charte ni de convention pour les autres sociétés,
reconnait-elle. Elles sont donc libres de monter [ou non]
un partenariat avec les acteurs locaux de l’emploi. Nous
embaucherons aussi pour faire vivre la structure Lillenium,
par exemple dans la direction et l’organisation ».
PHRASES
Le recrutement n’a pas encore commencé. Il devait
être mis en place par la Mission locale de Lille-Sud, qui
n’a pas encore eu d’informations ni de consigne à ce
sujet. Y aura-t-il des formations spécifiques mises en
place, comme cela a été le cas pour le casino Barrière ?
Anne Beaumeister n’écarte pas l’idée. « C’est possible,
affirme-t-elle. Mais nous ne le saurons qu’au moment
de la phase de recrutement. »
Certains acteurs locaux et habitants restent sceptiques
voire méfiants, devant ces chiffres. « Ils ont promis ça
pour la construction de la Halle de Glisse, mais, d’après ce
que l’on m’a dit, seul un jeune du quartier a été employé
pour la construction », explique Rachid El Ouahab, un
responsable du centre social Lazare Garreau. Le projet
Lillenium a été mis en avant par la ville comme créateur
d’emplois pour les habitants du quartier mais il n’a pas
encore eu de conséquence concrète à l’heure actuelle.
« Ça fait bien, avance-t-il. Nous avons eu une réunion
publique pour nous expliquer Lillenium. Les commerciaux
devaient proposer des projets qui embaucheraient le plus
possible de gens du quartier. C’est Leclerc qui a été retenu. »
Et de compléter : « Il devait y en avoir une autre pour
qu’on ait plus d’informations. Je l’attends toujours ». Ce à
quoi le chargé de mission rétorque : « Il y a eu plusieurs
réunions publiques à Lille Sud à cause des nombreux
nouveaux aménagements. La dernière date de 2012.
Il n’y a pas de concertation spécifique, car il n’y a plus
forcément besoin de l’annoncer ».
Lillenium devrait créer des emplois mais l’embauche de
jeunes du quartier dépendra du volontariat des enseignes…
AMÉLIE BOUCLET
17
Le Casino Barrière
Il a été inauguré le 29 novembre
2009. Cette entreprise emploie
plus de 279 personnes dont 125
Lillois. Un partenariat sur au moins
trois ans avait été mis en place
avec la Maison de l’Emploi. Celleci a recruté des croupiers. Ainsi,
trente-neuf Lillois, Hellemmois
et Lommois qui étaient éloignés
de l’emploi ont été embauchés.
Il s’agissait soit de personnes au
chômage depuis longtemps, soit
de femmes isolées, soit de travailleurs handicapés. Des formations
aux métiers du casino avaient
aussi été mises en place.
EssenSole Village à Lille-Sud
Situé entre le périphérique sud
et la rue de Marquillies, il regroupera un centre de recherche et
de développement, de design,
de production industrielle, et un
magasin showroom de 3 000
m2, dédié à l’équipement du
pied. Le groupe Oxylane devrait
l’ouvrir d’ici la fin de l’année à
Lille Sud. En tout, 254 personnes
y travailleront mais il permettra
la création nette de 120 emplois.
Le groupe a signé une charte où
il s’engage à travailler avec la
Mission locale.
JUIN 2015
LE CHAMP DES TOURS
LE CHAMP DES TOURS
LIFESTYLE
EN MODE BANLIEUSARD OU CAMPAGNARD, À CHACUN SON KIT DE SURVIE
En terrain hostile, un mauvais
équipement et une catastrophe
est vite arrivée.
Voici la panoplie parfaite
Booba: «Aucune cité
n’a de barreaux»
Tous les dimanches,
y a derby
Pour taxer des films chez
les copains qu’ont le net
Hips tea
Aie phone
Bombe lacrymale
douleur optimale
Mettre
des coups
de boules
Plein d’mouches
à brin
Surtout pour
le tire-bouchon
Car le GPS
s’y perd
Casque pour tenir
chaud
Posey sur
le macadam
Posey dans
la paille
Pour toujours
garder la pêche
La meilleure
planque
Pour tracer
sa life
Eul rêve
à Jacky
D’jogging dans
Pour pas mettre
de brin sur mes
Air Mix
les cho7
Carte d’identité
Comme une
seconde peau
Air mix
2.0
PHRASES
18
JUIN 2015
Pour voir
la vie
en rose
PHRASES
19
JUIN 2015
LE CHAMP DES TOURS
LE CHAMP DES TOURS
ÉDUCATION
FÉLIX ET MADY, DEUX JEUNES BANLIEUSARDS
AUX PARCOURS EXEMPLAIRES
Venir d’un milieu défavorisé, enclavé, comme celui de la banlieue ne signifie pas forcément
l’échec scolaire ou professionnel. Félix et Mady se sont battus et ont gagné.
MADY, 20 ANS :
“ JE NE LÂCHE JAMAIS RIEN ”
FÉLIX, 23 ANS :
“ JE VOULAIS
SORTIR
DE CETTE GALÈRE ”
F
élix, Rémois de 23 ans, est un
jeune homme ambitieux. Son
souhait ? S’en sortir malgré
un quotidien difficile, et un
contexte familial non adapté
pour la réussite scolaire.
Dès ses 6 ans, il fait face à des lacunes
d’apprentissage, il confond sa droite et sa
gauche et a des problèmes de langage. « J’ai
dû faire mon CP avec une orthophoniste.
J’avais du mal à m’exprimer. » C’est un enfant agité, que l’on a du mal à comprendre.
Le déclic
Une galère qui se poursuit quelques
années encore puis c’est le déclic. « Quand
j’avais 16 ans, mon père a fini par nous
quitter, ma mère, mon frère et mes deux
sœurs. Ma mère était assistante maternelle, nous avons dû déménager en HLM. »
Félix a honte. Il n’ose plus inviter ses copains : « Là où on vivait c’était trop petit,
il n’y avait pas de place pour recevoir ». Il a
du mal à se faire accepter par les autres car
il ne peut pas s’habiller à la mode. C’est à
ce moment là qu’il se prend en main. « Je
PHRASES
M
ady n’a que 20 ans mais
elle est déjà très mature
pour son âge. Pleine de
projets pour l’avenir, elle
n’a pas froid aux yeux et
n’hésite pas à se mettre en danger. Issue
du 93 et noire de peau, elle a su dépasser
les barrières des préjugés, et elle en est
fière. « J’étais obligée d’être meilleure que
les autres dans mes études secondaires, je
devais prouver pourquoi j’étais là. »
Sa famille ne l’empêche pas de faire des
études mais elle supporte assez mal la vie
en cité. « Avec mes deux frères et ma sœur
jumelle, on habitait à Sevran. Le lieu n’était
pas évident ».
voulais sortir de cette galère et je savais que
pour cela il fallait que je sois bon à l’école. »
Félix est motivé et décide d’être avec des
gens « meilleurs », ça lui donne envie de
progresser. Comme un défi.
Poussé par sa famille et ses professeurs,
il se tourne vers un lycée privé de Reims.
Il s’oriente vers une 3e professionnelle qui
lui donne sa chance. Un BEP comptabilité
en poche, il continue avec un Bac STG
mention Très Bien. Téméraire et courageux,
il s’embarque vers une classe préparatoire
économie et commerce pour rattraper ses
lacunes. « En STG, on ne mettait pas l’accent
sur le littéraire, la culture générale. Alors
quand je suis arrivé en prépa, le décalage
était important. »
Une claque
Félix ne compte pas s’arrêter là et entreprend des études longues. « Je voulais
intégrer une école de commerce mais elles
étaient toutes trop chères... Je me suis donc
tourné vers l’Institut d’Administration des
Entreprises (IAE) à Lille, en L3 management
et sciences sociales. »
20
« Je ne veux pas que
l’on retienne mes origines,
mais plutôt mon parcours. »
Aujourd’hui, Félix prend conscience
qu’il n’est plus un petit garçon. « Je me
suis pris comme une claque dans la figure.
J’ai tellement travaillé dur pour réussir mes
études. Finalement, même avec un Bac
mention Très Bien, je galère sur le marché
du travail. »
MADY
Elle passe ses années de collège en ZEP,
dans une des villes les plus pauvres de
France. « Là-bas, j’étais perçue comme une
intello, mes amies ne comprenaient pas
pourquoi je prêtais autant d’intérêt aux
études. » C’est à ce moment-là qu’elle se
démarque et décide de braver le jugement
de ses amies et de sa famille éloignée. « C’est
assez mal vu de faire des études longues.
Pour eux, je vais finir mes études à 30 ans,
je serai célibataire et sans enfant. Mais moi,
je m’en fiche. »
« J’ai dû faire mon CP
avec une orthophoniste. J’avais
du mal à m’exprimer. »
FÉLIX
Grâce à son parrain de Frateli (association de parrainage de jeunes étudiants
boursiers à haut potentiel par des professionnels), ses professeurs, son frère et ses
sœurs, il a trouvé l’aide dont il avait besoin
pour tenir et réussir. Aujourd’hui, il projette
de continuer ses études en Master innovation
et management du luxe à l’IAE de Paris. Mais
sans oublier que : « rien n’est acquis, il faut
toujours se battre ».
Peur de rien
C’est grâce à sa professeure d’allemand
qu’elle prend conscience de son potentiel.
« Je m’en souviendrai toujours. C’est elle
qui m’a parlé de la filière Abibac. Elle m’a
convaincue et surtout elle avait préparé tout
le dossier. Même les photocopies ! C’est là
que je me suis dit que peut-être, des gens
croyaient en moi. »
AÏNA ROGER ET L AURA OUDART
JUIN 2015
PHRASES
chologie
à la
S or-
©Christine Andréa
Poon-Photographe
Courageuse, elle s’est forcée à changer
d’environnement et d’amis, pour grandir plus vite. Elle débarque au collège
au Raincy. « J’évitais le lycée en secteur
ZEP et j’avais un meilleur enseignement
donc plus de possibilités pour les études
supérieures. »
Au collège, elle travaille pour son bac
général mais aussi pour un bac allemand,
une double charge de travail : c’est l’Abibac.
Jamais vaincue
Mady ne cache pas sa fierté d’avoir tracé
sa route, seule. « Je suis une fille qui
ne lâche jamais rien. Je ne veux pas
que l’on retienne de moi mes origines
sociales mais plutôt le parcours que j’ai
entrepris. » Dès la 2nde elle subit beaucoup
de pression. Soumise à la compétition,
Mady devait être « la meilleure ».
L’Abibac en poche, elle est perdue. Elle
ne connaît rien aux études supérieures,
sa marraine de Frateli l’aide et l’oriente.
Elle se dirige vers une prépa littéraire
au Raincy, mais abandonne au cours de
l’année. Elle se rend compte que ce n’est
pas sa voie. Elle tente une licence de psy-
21
bonne, mais là non plus, pas de coup de
cœur. « Ça a été une année de flottement,
j’avais besoin de réfléchir. » Un parcours
jallonné d’embûches mais Mady n’a
pas peur, elle sait gérer les difficultés.
Aujourd’hui en 3e année de droit à Paris-Descartes, elle se dit pleinement
épanouie. « Le droit est fait pour moi.
Ce n’est pas évident mais je trouve ça très
formateur psychologiquement. Je suis très
contente d’y être.»
Même pour l’avenir, ses projets sont
ambitieux, elle aime se mettre en danger.
Pour son master 1 ou 2, elle souhaite
voguer vers l’étranger. « Pour un master
en droit public des affaires, il faut souvent
aller à l’étranger. Bien sûr ça me fait un
peu peur mais je me force à sortir de ma
zone de confort. Je trouve que ça n’a que
des avantages. »
Une belle leçon de courage. « Avant,
j’écoutais les autres plutôt que moi-même,
j’avais besoin de repères. Aujourd’hui, je
me suis prise en main et je suis fière de ce
que je suis devenue. »
AÏNA ROGER ET LAURA OUDART
JUIN 2015
LE CHAMP DES TOURS
LE CHAMP DES TOURS
FAOUZY HANANE :
« LES ACTIONS SONT MEILLEURES
QUE LES PAROLES »
Faouzy Hanane
habite le quartier
depuis des années.
Aujourd’hui expert
comptable, il a décidé de s’engager
politiquement.
Pour lui, c’est une
façon de prendre
les choses en main.
Face au match, dos aux urnes © Pierre Gautheron
ABSTENTION
UNE JEUNESSE RÉVOLTÉE
CONTRE “ LES VENDEURS DE RÊVE ”
Aux dernières élections départementales, le taux de participation n’excédait pas 36 % (contre
26 % aux européennes de 2009 et 31 % aux cantonales de 2011). Entre défiance, misère et système scolaire défaillant, enquête sur une jeunesse « oubliée » qui semble ne plus y croire.
D
imanche 29 mars 2015, jour
d’élection départementale à
Lille-Sud. Une épaisse couche
nuageuse recouvre le ciel. Les
rafales de vent n’en finissent
plus. Mais les nombreux supporters présents
cet après-midi au stade du quartier semblent
avoir renoncé au cocooning. Couverts de leur
doudoune, capuche et bonnet sur la tête,
les jeunes affrontent la rude météo pour
supporter les footballeurs du FC Lille-Sud.
Le stade est animé mais les bureaux de vote,
eux, sont quasi déserts.
Ce dimanche, vers 15 h, au bureau numéro 608, les permanents font un premier
bilan « Je n’ai vu passer qu’une vingtaine
de jeunes sur la journée », constate l’un
d‘entre eux. À la sortie, Rachid, 21 ans,
fait partie de ceux-là. Une exception selon Faouzy Hanane, présent sur les lieux
« À droite, ils mentent.
à gauche, ils ne
disent pas la vérité. »
K AMEL
PHRASES
depuis le matin. « J’ai fait mon devoir de
citoyen , affirme le jeune homme, je m’étais
renseigné avant, j’avais un peu suivi alors j’y
suis allé. » Pour lui, le vote est une chose
importante : « Ceux qui ne votent pas sont
inconscients. Je le dis haut et fort, ce sont des
cons ! » À ses côtés, Farid. Il l’a accompagné
jusqu’aux urnes mais ne partage pas son
avis. « J’ai 17 ans. Je n’ai pas encore l’âge de
voter mais je n’irai pas, ça ne sert à rien.
Rien ne changera. »
Méfiance et défiance
Autour du stade, les klaxons des voitures retentissent. Lille-Sud mène face à
Sin-le-Noble. Malgré le froid, le terrain ne
désemplit pas. Kamel et Bilal sont venus
supporter leur équipe. Adossés aux rambardes, un œil sur le match, les élections
ne les intéressent pas : « Non, nous n’avons
pas voté. » Entre deux encouragements,
ils avouent ne plus rien espérer : « Des
promesses et des paroles en l’air, voilà tout.
C’est la jungle ici, il n’y a pas de boulot. C’est
toujours la même merde. On n’y croit plus ».
Pour ces jeunes, les élus n’ont plus aucune
crédibilité. « À droite, ils mentent. À gauche,
22
ils ne disent pas la vérité », conclut Kamel.
Quelques carrés de pelouse plus loin,
la buvette du club est animée. Les allées
et venues n’en finissent pas. Une dizaine
d’enfants jouent à la console, encadrés par
Zaineddine. Il sert les boissons chaudes et
les pâtisseries préparées par les mamans du
quartier. « Ici on se débrouille. Le budget est
restreint alors on s’arrange avec les habitants.
On manque de moyens. » Lui non plus
ne s’est pas rendu aux urnes aujourd’hui.
Les départementales sont bien loin de ses
préoccupations. Un autre supporter confie : « Les élections ? Quelles élections ? Je ne vote
pas. Les politiques, c’est zéro ».
La défiance reste le maître mot en cet
après-midi pluvieuse. Rien d’étonnant pour
le président du club, Mustafa El Idrissi :
« Aucun jeune n’a voté ici. Ils sont bien trop
déçus. Et ceux qui ne le sont pas encore le
seront bientôt, affirme-t-il. On leur a promis
des choses, mais ils n’ont rien eu ».
Au fil des discussions, les témoignages
s’accumulent mais les conclusions sont
les mêmes. Pas un seul n’est allé voté aujourd’hui. « Les politiques servent leurs
intérêts personnels. Ils sont cupides », af-
JUIN 2015
La jeunesse fantôme des isoloirs. © Pierre Gautheron
firme Aïssa, 27 ans, en formation pour devenir
éducatrice. « Il y a eu des changements, mais ils n’ont
pas été faits dans notre intérêt. On veut du travail.
On veut du concret, pas des belles aires de jeux. »
Salah Djebien, habitant et animateur de Lille-Sud
n’est pas étonné par la forte abstention dans le
quartier. « Ces jeunes sont dans la misère et les
politiques ne font rien de concret. C’est impossible
pour eux d’y croire », conclut-il. Des débats, des
discussions, il y en a eu. Mais ils n’ont jamais
abouti à des réponses constructives : « Pendant
les rencontres avec les politiques, les jeunes viennent
pour vider leur rage mais ils n’y croient plus ». Le
dialogue semble rompu.
À l’entrée du centre social, un groupe de filles
discute. Elles sont trois. Yania, la vingtaine, avoue
ne pas voter : « Je voterai peut-être pour les présidentielles, c’est plus important. Celles-ci ne servent à
rien. » Farah et Yasmine ne partagent pas l’avis de
leur amie : « Il y a des pays où les gens n’ont pas le
droit de vote. C’est un comportement irresponsable ».
La plus discrète, Farah, met en avant un autre
aspect, la famille : « J’y suis allée parce que mon
père me l’a demandé. » Pour une partie d’entre
elles, la cellule familiale intervient dans le choix.
De manière négative parfois : « Ils voient la déception de leurs parents. Ils n’ont plus envie de voter »,
remarque Salah Djebien.
« L’école a un rôle à jouer »
À l’étage du centre social, Khalid Felhahi aide
les adolescents après l’école. Il tente de leur transmettre le devoir de citoyen, tant bien que mal.
« J’essaie de leur en parler subtilement mais cela ne
les intéresse pas. Ils n’ont plus d’espoir », constatet-il. « Tu es au courant, toi, Sofia ? », demande
l’animateur à une adolescente du quartier. « Des
élections de quoi ? On vote pour qui ? »
PHRASES
Au fond de la salle, Sofiane, un autre adolescent,
termine sagement ses devoirs. « Oui, je suis au
courant des élections. Mais ce sujet n’est pas abordé
à l’école. Jamais. »
Rachid El Hmam, animateur sportif, soutient le
discours de Sofiane. Il admet que les enseignants
n’éduquent pas suffisamment les élèves. Mais il
tient à les défendre : « Les familles et les écoles ont un
rôle à jouer mais c’est compliqué pour elles. Celles-ci
travaillent dans des conditions difficiles et ne peuvent
pas tout faire. Il faudrait un enseignement adapté ». Marouane, 20 ans, tire les mêmes conclusions : « C’est une ZEP. Les conditions sont particulières.
C’est trop compliqué de capter leur attention. On
a d’autres soucis majeurs ». Il a voté aux élections,
mais lui-même n’y croit plus. « On a peur de voter.
Peur de faire le mauvais choix, encore une fois. »
Jacques Staniec coordonne le programme
d’études intégrées à Sciences Po Lille, qui vise
à favoriser la réussite scolaire d’élèves d’origine
modeste. Proche de Patrick Kanner, il considère
que « ces jeunes sont victimes de l’institution
scolaire ». Pour le professeur, les politiques ont
une part de responsabilité. « Il y a une incapacité
à tisser des liens. Dans ce contexte, la population
reste en retrait et a le sentiment d’être abandonnée.
Il ne faut pas juste penser pour eux, mais aussi
avec eux. Il faudrait leur redonner espoir dans
l’éducation, les institutions et l’avenir. »
L’abstention des jeunes à Lille-Sud semble être
la conséquence d’un quotidien de plus en plus
lourd à supporter. La révolte d’une population
trop souvent oubliée. Pour les politiques, les
« vendeurs de rêves », comme les surnomme
Marouane, la tâche se révèle difficile. Le constat est
simple, selon ce jeune habitant : « Ici, la baguette
magique, on n’y croit plus… »
ALICE DOUCHET
23
Comprenez-vous
le désintérêt des
jeunes ?
Bien sûr, puisque moi-même je suis déçu. Les
politiques leur ont fait des promesses qu’ils
n’ont pas tenues. Tout le monde y croyait, moi
le premier. Cette déception ne date pas d’hier.
L’abstention des jeunes est aussi l’expression
des parents déçus. Le devoir citoyen n’est
pas transmis et les jeunes ne se sentent pas
concernés pour la simple raison qu’on ne leur
demande pas leur avis. Ils sont mal informés.
Des rénovations sont faites mais en surface
seulement. Comme le groupe de rap IAM le
dit dans une de ses chansons : « C’est toujours
la même merde derrière les couches de peinture ».
Pourquoi avez-vous décidé de vous engager
politiquement ?
Je vis dans ce quartier depuis des années.
Je suis conscient des nombreux problèmes
puisque je les ai vécus. Les politiques sont loin
de nous, loin de nos préoccupations. Comment
peuvent-ils changer ou améliorer les choses
dans ces conditions ? Je ne veux plus qu’ils
s’occupent de nous. Je vais faire les choses
moi-même. Les actions sont meilleures que les
paroles !
Quelles seraient les solutions ?
Il faut que les élus soient plus proches des gens
du quartier. Ils ne peuvent pas comprendre
ce qu’il se passe puisqu’ils ne vivent pas ici.
Faire tomber les barrières entre les politiques
et les habitants pourrait être un premier pas.
Organiser ce qu’on appelle des descentes
citoyennes, en opposition aux descentes de
police. Le principe est simple, aller à la rencontre des habitants pour discuter avec eux. Il
faudrait également les sensibiliser davantage et
les informer sur les élections. La mise en place
d’une politique de proximité est importante.
La flamme citoyenne n’est pas éteinte. Je suis
persuadé qu’il reste une petite étincelle, ce n’est
A.D
pas perdu. Il y a encore un espoir !
JUIN 2015
LE CHAMP DES TOURS
LE CHAMP DES TOURS
ROULEZ JEUNESSE
MOBILITÉ
LE PERMIS À LA CAMPAGNE,
UNE PRIORITÉ À NE PAS GRILLER
Le calme, la nature... Habiter à la campagne peut être un rêve pour beaucoup. Sauf pour
les adolescents qui songent à tracer leur route et découvrir d’autres horizons. Avoir le permis
de conduire reste la seule solution. Exemple avec deux Nordistes, Manon et Florian.
DES SCOOTERS
POUR BOOSTER
L’EMPLOI
GUÉRANDAIS
Pour les jeunes désargentés,
pas évident de financer
un permis ou un véhicule,
donc de trouver un emploi.
À Guérande, plusieurs
associations se sont fédérées
pour briser ce cercle vicieux.
« C’est vrai qu’ici le permis est nécessaire. On a
envie d’avoir notre liberté le plus vite possible, même
s’il faut avoir la voiture qui va avec, évidemment ! »
S
ans moyen de locomotion, certaines personnes sont contraintes
de refuser des offres d’emploi. »
Tel est l’amer constat dressé par
Catherine Bazire, directrice de
La Passerelle. Cette association, installée
à Guérande, a pour cheval de bataille la
lutte contre le chômage. Elle dispose d’un
accord avec Pôle emploi, qui lui délègue
l’accompagnement de personnes. En retour,
La Passerelle transmet les informations nécessaires à l’actualisation de leurs situations.
Parmi les actions mises en place, Mob’île,
un service de location de scooters, a été
créé à l’automne 2014 en partenariat avec la
Mission locale, la Fédération des maisons
de quartier de Saint-Nazaire (FMQ) et le
Conseil départemental.
La FMQ propose ce service depuis plus
de vingt ans. « À Saint-Nazaire, nous avons
mis à disposition jusqu’à quarante machines,
explique Christine Ramond, la direc-
« Il y a deux auto-écoles dans le
village, c’est vraiment un avantage.
Sinon, avec ma sœur, on aurait été
obligés d’aller à une auto-école de
Cambrai. Ici on peut y aller à pied.
Souvent le moniteur vient nous
chercher chez nous pour la conduite
et nous y dépose à la fin. »
« Pour le moment, on s’arrange avec les
parents d’amis qui habitent ici. Lorsque nous
sommes plusieurs à terminer les cours à la même
heure, on revient à quatre dans la voiture. Cela
nous permet d’éviter une heure de bus ! Avec
la voiture, nous sommes chez nous en vingt
minutes environ. »
À
la sortie de l’autoroute A26,
une longue départementale
nous conduit tout droit à
un village de 1 500 âmes,
Gouzeaucourt. Pas énorme,
mais c’est un bourg qui offre une multitude de services : commerces, pharmacie,
médecins, établissements scolaires... On
peut facilement y vivre en autarcie, mais
lorsqu’on est jeune, ce n’est pas si simple.
Pour se rendre à Cambrai, la ville la plus
proche (distante de 15 km), il faut comp-
PHRASES
« Autour de moi, j’ai des amis qui ont déjà le
permis et qui viennent en voiture au lycée à Cambrai.
Pour sortir, nos parents nous amènent en ville quand
ils peuvent, sinon il faut prendre le bus et patienter
en ville jusqu’à la séance de cinéma par exemple.
C’est contraignant... »
ter sur les quatre bus de la journée, aux
horaires calqués sur les cours. Retrouver
des amis en ville à 16 h ? Impossible, pas
de bus. Papa et maman ne peuvent vous
y conduire ? Désespoir...
Florian, 17 ans, et Manon, 16 ans, sont
frère et sœur et en plein apprentissage
du permis. Ils sont inscrits dans les deux
auto-écoles du village, il ne leur reste que
quelques mois de conduite.
Bientôt « libérés, délivrés... »
De gauche à droite :
Christine Ramond,
Aurélie Bazire,
Yannick Ulmann
et Catherine Bazire.
précise Catherine Bazire. « Ce service n’est
pas destiné à faciliter les loisirs. D’ailleurs,
les déplacements ne doivent pas dépasser un
périmètre de 25 à 30 km », poursuit-elle.
53,20 € par mois
À mi-chemin de l’année d’expérimentation, aucun vol, aucune grosse casse ni
souci majeur ne sont à déplorer. Il ne fait
aucun doute que l’initiative va perdurer,
et le parc s’agrandir.
« Nous souhaitons être victimes de
notre succès », lance Yannick Ulmann
avec malice. En effet, cette volonté de
« booster l’action » n’est pas innocente.
« Le véritable objectif est de faire prendre
conscience aux pouvoirs publics de l’enjeu majeur qu’est la mobilité, assure le
jeune directeur. En presqu’île, il y a un
vrai problème à ce sujet. »
Les bénéficiaires? Des jeunes en quête
de formation, suivis par la Mission locale, et des allocataires RSA en recherche
d’emploi. Aucun critère d’âge, mais il faut
obligatoirement être titulaire du permis
AM (ancien BSR).
Il est possible de louer les scooters à
la journée (4,40 €), pour un entretien
d’embauche par exemple, à la semaine
(15,10 €) ou au mois (53,20 €). Casque,
coffre et antivol sont fournis. « Les locations
se font sur-mesure, en fonction du contrat
décroché par nos usagers. Si besoin, la durée
maximum d’un mois est renouvelable »,
2
ÊTRE MONITEUR D’AUTO-ÉCOLE
À LA CAMPAGNE
Façade en briques rouges, l’auto-école La Belle Conduite, tenue par Aurélie et Pascal, est
installée depuis maintenant dix ans à Roisel, bourg picard d’environ 1 700 habitants.
« Nos élèves viennent essentiellement du milieu rural. Ils ont tous besoin du permis
de conduire pour continuer leurs études et trouver un travail, comme beaucoup de
jeunes, mais ce besoin se fait plus sentir en milieu rural », confirme la monitrice.
« On visite beaucoup de domiciles à la campagne, on vient chercher les élèves chez
eux et on les ramène après les heures de code, ce qui ne se fait pas en ville. De plus,
je trouve qu’à la campagne il y a une ambiance familiale, nous les connaissons bien.
Il y a aussi un côté affectif, les élèves se confient souvent à nous. »
trice. Grâce à l’amélioration du réseau de
transports, dix-huit suffisent désormais, et
nous avons pu en prêter quelques-uns à nos
voisins guérandais. » D’abord cinq, puis
six, au vu du succès de l’opération lancée
en juillet dernier.
18 451
étudiants
Transports :
Le Flop 3
des villes
étudiantes
les moins
bien desservies
3 1
14 409
étudiants
30 460
étudiants
L AURA OUDART
LUCILE RICHARD
24
JUIN 2015
PHRASES
25
Appel aux pouvoirs
publics
PAUL DESCAMPS
1 ClermontFerrand
2 Reims
3 Limoges
Une quinzaine
de lignes de bus
2 citadines
et 2 lignes de bus
33 lignes
+ 5 de trolley-bus
Pas de ligne
de métro
Pas de ligne
de métro
Pas de ligne
1 ligne de tram
2 lignes de tram
Pas de ligne
Pas de station
Pas de station
Pas de station
1 gare proche
du centre-ville
1 gare proche
du centre-ville
2 gares
JUIN 2015
LE CHAMP DES TOURS
SANTÉ
UNE GROSSESSE AU VERT
Églantine habite dans un patelin du Pas-de-Calais. Elle a fait le choix de vivre au calme.
En mars, la jeune femme est tombée enceinte. Comment gére-t-elle sa grossesse loin
de la ville et des structures médicales ?
L
a campagne, ses grandes étendues de nature, la
tranquillité, le silence. Un atout charme qui séduit
une partie de la jeunesse. Mais, lorsque les jeunes
femmes tombent enceintes, le bonheur dans le pré
peut-il se transformer en cauchemar ?
« C’est une question d’organisation et d’adaptation », estime
Églantine, 23 ans, enceinte depuis le mois de mars 2015.
Cette amoureuse du monde rural, ne le quitterait pour rien
au monde. « J’ai toujours vécu à la campagne, mon conjoint
aussi. On ne se voit pas vivre ailleurs. »
Son village de 1 600 habitants, du Pas-de-Calais, se trouve
à trente minutes de route de la maternité, située à Calais.
« À chaque fois, je dois prendre une matinée ou un après-midi
pour aller à mes rendez-vous. Mais pour l’instant ça va, je ne
suis qu’au début de ma grossesse. »
Églantine a de la chance, elle réside dans une des régions les
mieux dotées en maternités, comme l’explique Nadège Lochet,
sage-femme libérale à Audruicq. « Le Nord-Pas-de-Calais est
un territoire à forte natalité. C’est une chance car les maternités
se sont multipliées. Le trajet maison-maternité n’excède pas
30 minutes. » Dans d’autres régions, comme dans le Sud, la
natalité est moins forte, il y a donc moins d’hôpitaux. « Dans
ces territoires-là, plus de femmes accouchent chez elles car il y
a une heure trente voire deux heures de route. »
Après l’accouchement, le médecin
du village prendra
le relais pour aider
Églantine.
« Il y a toujours un suivi »
Églantine ne prévoit pas d’accoucher chez elle. Ce qui ne
l’empêche pas de passer sa grossesse au vert. « J’adore être au
calme, avoir du terrain. C’est vraiment le lieu idéal pour nous.
Mon conjoint sera toujours là pour m’emmener à l’hôpital
quand je ne pourrai plus conduire. »
Une chance que n’ont pas forcément d’autres jeunes femmes,
qui se retrouvent bloquées chez elles. Un problème envisagé
et pris en charge par les régions. « Il y a toujours un suivi
pour les femmes enceintes. Il existe la Protection Maternelle
et Infantile (PMI), les sages-femmes du conseil départemental
ou encore, les Unités Territoriales de Prévention et d’Action
Sociales (UTPAS). Ces organismes se déplacent chez les femmes
enceintes et assurent les soins », ajoute Carine Massa, sagefemme libérale à Hazebrouck.
Le monde rural, si paisible, ne devient donc pas un lieu
hostile lors de ces grossesses. Outre les organismes d’Etat, les
sages-femmes libérales sont là aussi pour faciliter les déplacements de ces futures mamans. « Nous leur rendons beaucoup
service en étant implantées dans les petites villes ou les gros
villages. Lorsque je me suis installée en 2013, j’ai eu un afflux
rapide de clientèle. Je me suis rendue compte que le territoire
d’Audruicq en avait besoin », indique Nadège. Eglantine, de
son côté, profite de son petit village en attendant le mois de
décembre avec impatience. Et sans stress.
L AURA OUDART
PHRASES
26
JUIN 2015
PHRASES
Trois chiffres clés sur la maternité en France
14 KM
679
535
Entre 2001 et 2010, 1/5
des maternités a fermé en
France Métropolitaine.
Sources : INSEE, dress
27
Une femme accouche en
moyenne à 14 km de son
domicile.
+ de 30 Min
Pour 8 départements en
France le temps de trajet
et de plus de 30 min.
Alors que 50 % des
femmes mettent moins de
17 min au niveau national.
JUIN 2015
LE CHAMP DES TOURS
LE CHAMP DES TOURS
TECHNOLOGIE
LE HAUT DÉBIT EN DÉBAT
À l’heure où les grandes métropoles naviguent à des vitesses très élevées, certaines
communes rament encore. En plus d’une distance physique, c’est une distance numérique
qui vient agrandir la fracture contre laquelle doivent lutter les jeunes générations.
L
e problème commence là où
s’arrête le débit. C’est le constat
que doivent tirer quelques
communes. Comme le petit village d’Escobecques, à
seulement vingt minutes de la capitale
des Flandres. « Alors, c’est pour quand
l’internet ? », ironisent les autochtones.
Ils font pourtant partie des 98,3 % de
la population desservie par l’ADSL. En
théorie.
« Une vraie galère »
Il semble que rien ne fasse défaut aux
Escobecquois. Mais un mégaoctet vous
manque et tout est désœuvré. « C’est une
vraie galère. Envoyer et recevoir des e-mails,
ça va. Mais si vous avez le malheur d’y
ajouter une importante pièce-jointe, c’est
fichu » , expose d’emblée Alain Cambien,
le maire de la commune d’à peine 300
habitants. Pour travailler ou même jouer,
certains des 80 jeunes du village se sentent
exclus. « Pour des cours, pour échanger
en direct, pour travailler, c’est vraiment
problématique. Pour télécharger un document pour le lycée, il faut parfois plusieurs
heures... », explique l’un d’entre eux.
Le sombre bilan des jeunes étudiants
revient en boucle. « On minimise l’impact, alerte le maire, mais cela peut être
vraiment excluant pour les utilisateurs,
les jeunes en particulier », conclut-il.
Julien, étudiant, abonde dans ce sens
: « Ne serait-ce que pour les jeux de guerre
en ligne, par exemple. Le duel n’est plus
dans le principe même du jeu, mais dans
celui qui pourra réagir plus vite grâce à
sa meilleure connexion », sourit-il, un
brin amer. Alors, las d’attendre prostrés
devant un écran qui se fige, Escobecques
et vingt-deux autres municipalités se sont
100 % FIBRE, UNE PROMESSE À DÉFINIR
C’est sûr, en 2020, plus personne ne sera exclu du très haut débit. Tout le monde pourra regarder la télévision, en bavardant au
téléphone, et en téléchargeant (légalement) des dizaines de films. Même dans le Larzac ! C’est en tous cas la promesse faite par
les opérateurs et soutenue par l’État. En pratique, tout le monde ne bénéficiera pas de plusieurs centaines de Mégaoctets/seconde.
« C’est très cher de tirer un nouveau réseau pour porter la fibre optique. Ce qu’on étudie actuellement, c’est pousser le réseau cuivré
à son maximum », explique Laurent Herbois. La promesse de ne plus laisser des zones dans l’ombre semble être respectée : « En
jouant avec le cuivre, on pourrait atteindre du 30 Mo/seconde, ce qui conviendrait largement à de petites communes ».
Même si l’entretien du réseau cuivré coûte cher, les lignes tirées dans les années 70 ne sont pas près de mourir. « On étudie
financièrement comment ne pas faire disparaître prématurément le cuivre, affirme l’employé de chez Orange. L’entretien de la
fibre ne coûtera quasiment rien, exceptées les dépenses liées à la main-d’oeuvre, mais cela restera toujours moins cher pour le
moment de garder le cuivre pour les petites communes et de développer son potentiel. »
SOLUTIONS
DES ALTERNATIVES AU RÉSEAU CUIVRÉ
WIMAX
Le nom de ce mode de réception promet un débit du tonnerre. C’est par les ondes hertziennes
(comme celles de la télévision) que se propagent
les données. En théorie, c’est près de 70 Mo/
seconde sur une dizaine de kilomètres à la ronde
que propose le Wimax. En pratique, c’est entre 2 Mo/s et
10 Mo/s, ce qui est déjà assez rapide.
PHRASES
28
regroupées afin de crier leur ras-le-bol.
« Avec les maires des communes alentours,
on a décidé d’unir nos demandes, mais
pour l’instant, même l’unité n’y fait rien »,
regrette Alain Cambien.
Pertes
électromagnétiques
Il s’agit pourtant bien plus de considérations techniques que de décisions
politiques. Laurent Herbois, employé
chez l’opérateur historique Orange, explique comment une telle situation perdure : « Le réseau cuivré, qui permet de
délivrer l’ADSL, connaît des pertes électromagnétiques au fur et à mesure que le
câble s’allonge. Aujourd’hui, on essaye de
réfléchir à des alternatives autres que la
fibre, trop coûteuse, mais qui résoudront
tout de même le problème de ces ville ».
À cela s’ajoutent des « frais d’installation et d’entretien élevés » qui rendent
les opérations difficiles. Et c’est bien là le
nœud de la question pour le village qui
se situe à cinq kilomètres du central de
raccordement d’Haubourdin. SFR, en
charge du secteur sur lequel se trouve
Escobecques, avait promis à la bourgade
des travaux pour début 2015. En attente,
pour l’instant. « On en avait entendu
parler, et on sait que le maire effectue les
démarches... mais on attend toujours une
réponse de l’opérateur », se résigne un
habitant. Et même si le maire a aperçu
SATELLITE
« quelques techniciens en bordure de ville », rien
d’officiel ne lui a pour le moment été communiqué.
Village sous répondeur
Au désespoir du web vient s’ajouter celui du
téléphone, mobile ou non. « On nous a dit que le
village était couvert en 4G, ou au moins 3G, mais
il y a parfois de grosses carences. Pour le téléphone
domestique, c’est difficile d’avoir suffisamment de
COURANT PORTEUR
Le CPL est l’abréviation de
Courant Porteur de Ligne.
Vous l’aurez compris, il
s’agit là de transmettre
des données par le réseau
électrique d’EDF. En pratique,
cette méthode est peu fréquente, même si le débit est
correct. L’installation d’un tel
système se fait le plus souvent
à la maison, pour un réseau local.
Recevoir l’internet haut débit par voie satellitaire constitue
une bonne solution de remplacement. Le prix des matériels
ayant considérablement diminué ces dernières années, il
est possible d’obtenir partout en France ce type de réseau.
Certains départements
subventionnent d’ailleurs
l’achat du modem et de la
parabole.
JUIN 2015
réseau pour le peu que l’on soit sur l’ordinateur,
ou en train de regarder la télévision », désespère
Julien, dont les amis sont ultra-connectés. À
l’heure où 512Ko suffisent à effectuer les formalités, c’est trop peu pour vivre une vie « normale ». Et pour cause : « La télévision demande
d’avoir un débit d’au moins 4 Mo. Si on y ajoute
le téléphone et l’ordinateur dans le même temps,
c’est vrai que cela devient difficile… », concède
PHRASES
Laurent Herbois. Pour ce qui est de la promesse
du raccordement métropolitain à 100 % de la
fibre d’ici à 2020, le spécialiste de chez Orange
tempère la promesse : « En réalité, ce ne sera pas
100 % fibre. Ce sera la fibre dans toutes les grosses
métropoles, et un débit revu à la hausse dans les
communes en marge comme à Escobecques »
[lire ci-contre].
Tout le monde le connaît. Sur portable, tablette,
et même sur la télévision, on
y a accès. Le problème : si
le réseau domestique est
déplorable, le réseau sans-fil
qui sera émis le sera tout
autant. Il s’agit ici d’une
autre source d’émission que
votre Box. Les ondes radio de
la WiFi sont donc propagées
par un réseau aérien, et peuvent être captées par celui
qui possède une antenne de
réception.
29
RÉMY EYLETTENS
WI-FI
JUIN 2015
LE CHAMP DES TOURS
Abdellah réalise un salto
arrière à l’entraînement,
au Pôle Deschepper de
Roubaix.
LE CHAMP DES TOURS
« La logique peut vous mener
d’un point A à un point B.
L’imagination peut vous mener
partout. » A. Einstein. Les traceurs
en ont fait une devise.
NOUVELLE DISCIPLINE
LE PARKOUR FORME LA JEUNESSE
De sacrés phénomènes déambulent dans les rues de Roubaix
(Nord). Plus connus sous le nom de traceurs, ce sont les 80
licenciés de l’association Parkour 59. Une jeunesse physique
abonnée aux prouesses techniques.
C
hevelure teintée de rouge, pendentif jaune vif : Kim Cleton
arbore des airs de chasseuse
indienne. Elle en a d’ailleurs
toutes les qualités : un regard
perçant, une posture gracieuse, tout en
souplesse et en agilité. Seulement, en lieu
et place des plaines, elle arpente les trottoirs
et franchit les murs. En fait, elle traque les
meilleurs spots pour s’entraîner…Ou, selon
le jargon du parkour, pour tracer. « J’ai fait
beaucoup de sports différents : du break, de
l’équitation, de la boxe française, de l’escalade.
Je suis tombée par hasard sur une vidéo de
parkour. C’est le sport qu’il me fallait. »
Kim a 22 ans. Elle découvre le parkour en
septembre dernier. Elle vient alors d’obtenir
son brevet professionnel de la jeunesse, de
l’éducation populaire et du sport. « J’avais
envie de grimper partout. En même temps, je
veux enseigner le sport. J’ai donc pris contact
avec Larbi Liferki, le président de l’association
Parkour 59. »
parkour depuis un ou deux ans maximum.
Il ne faut pas s’attendre à voir des Yamakasis [film de Ariel Zeitoun] sauter dans tous
les sens. On en a quand même quelques-uns
qui débordent d’énergie et qui ont une très
bonne détente. Ils peuvent te faire un salto
arrière sur place. »
Pour autant, les muscles ne suffisent pas.
Pour tenir sur leurs pattes, ces acrobates
cultivent aussi l’équilibre mental. Là-dessus,
Amine est encore plus exigeant : « Ils ne
doivent pas prendre des risques inconsidérés. C’est la mentalité qu’on leur inculque à
l’entrainement : observation, concentration,
maîtrise de soi. »
La ville devient
un terrain de jeu…
Ici, la place
François-Mitterrand,
près de la gare
Lille-Europe.
L’imagination des traceurs n’a pas de
limite. L’investissement de la ville est quant
à lui plus hésitant. Yann Masia, vice-président de Parkour 59 déplore l’absence, dans
la métropole lilloise, de salles réservées
au parkour. « On doit jongler entre la salle
Buffon, la salle Lejeune et le Pôle Deschepper.
On perd du temps dans l’organisation. On
ne peut pas non plus investir dans des infrastructures sérieuses, puisqu’il faudrait les
déplacer d’un lieu à un autre. » Une situation
qui s’étend à l’échelle nationale : il n’ y a pas
de fédération française de parkour, même
si c’est un français, David Belle, qui a créé
Athlète mental
Après six mois d’entraînement intensif,
cette sportive chevronnée commence son
service civique début mars. « Il faut une certaine condition physique, que j’avais déjà un
peu au départ, heureusement. Mais le mental
reste le plus important. Il faut surmonter sa
peur. » Il n’y a cependant pas que la peur
du vide qui guette les traceurs : « Il ne faut
pas craindre de se ridiculiser, surtout devant
les gars. Entre Kaïna, une fille de 16 ans, et
moi, règne un esprit de compétition. Amical ,
bien entendu. Chacune chambre l’autre, on se
marre, et ça l’aide à dépasser ses blocages ».
Amine a dépassé les siens depuis belle
lurette. Animateur de 19 ans, en contrat
d’avenir au sein de l’association, il pousse
les jeunes à se surpasser. « La plupart font du
la discipline. « Le parkour est né en France,
mais il est bien plus développé dans les pays
anglo-saxons, s’étonne Yann. À Londres, tu
trouves des parkour-park sans problème. »
Le fossé se creuse encore outre-Atlantique. Yann l’observe : « Aux États-Unis,
le Ninja Warrior, qui se rapproche le plus
du parkour, est très développé. Les tenants
de la discipline négocient en ce moment
avec le comité olympique pour que l’art du
déplacement devienne un sport olympique.
On ferait un sacré bond en avant ! »
En attendant que le rêve se réalise, l’association multiplie les projets, qu’elle sou-
met à la ville dans l’espoir de recevoir des
financements. Et continue de trimbaler ses
jeunes entre salles de gym et spots de rue.
Yann y reste très attaché : « Le parkour se
développe d’abord sur des lieux qui ne sont
pas faits pour au départ ». Un banc, un
muret, un lampadaire. Chaque élément
du décor urbain peut servir au parkour.
Mais pour cela, le traceur doit être créatif. À chaque entraînement, Amine le répète : « C’est l’essence même de la discipline.
Émancipez-vous des contraintes, transformez
votre environnement en terrain de jeu ! »
PIERRE JULIENNE
«Tracer à plusieurs, ça te donne
des idées de figures, et ça aide à
te surpasser ! » Matthieu.
« Le parkour
se développe d’abord
sur des lieux qui ne
sont pas faits pour…
au départ. »
YANN MASIA
PHRASES
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JUIN 2015
PHRASES
31
JUIN 2015
LE CHAMP DES TOURS
LE CHAMP DES TOURS
FOOTBALL
BOXE
“ JE PASSE POUR UN EMMERDEUR ! ”
UN EMPLOI AU BOUT DES GANTS
Le temps passe et les connexions se font de plus en plus nombreuses entre urbains et ruraux. Cependant, les rencontres de football dominicales restent un théâtre où s’affichent les
antagonismes. À 25 ans, l’arbitre Benjamin Maugé en est le témoin privilégié. Chargé d’études marketing la semaine, il vient de siffler la fin de sa 12e saison sur les gazons.
L’ancien champion du monde de boxe Christophe Tiozzo a fondé la première Académie qui
porte son nom après les émeutes de 2007 à Villiers-le-bol. Elle vise à donner accès à la boxe
au plus grand monde et à favoriser l’insertion professionnelle.
À quel niveau exercez-vous ?
Je suis arbitre régional, affilié au club de
Quiberon, ma ville d’origine. J’arbitre donc
à travers toute la Bretagne, principalement
en DSE (7e échelon national). Il m’arrive
également de faire la touche pour des
matchs de CFA et CFA 2.
Avec quatre équipes en L1 (en comptant Nantes), le foot professionnel breton
se porte bien. Les petits clubs aussi ?
Pas tous. Ici, la distinction est assez nette
entre villes et campagnes. En zone rurale,
les clubs sont souvent bien mieux structurés. L’encadrement y est fidèle et plus
nombreux, les infrastructures souvent en
meilleur état, il y a de la place pour recevoir le public... En ville par contre, il n’y
a pas assez de moyens pour financer tous
les clubs. Dans la banlieue de Lorient par
exemple, sept clubs évoluent à mon niveau.
Trouver un terrain décent pour tout le
monde, c’est presque mission impossible.
Quelles sont les conséquences de ces
inégalités ?
Pour moi, il est plus difficile d’arbitrer dans
les clubs de banlieue à moyens réduits.
Souvent, leurs terrains sont également
utilisés en semaine pour les loisirs, et je
dois notamment me battre pour avoir des
filets en bon état. Quand je constate une
irrégularité, je passe directement pour un
emmerdeur qui veut les enfoncer. Pas les
meilleures conditions pour commencer
un match ! Une fois, j’ai également dû
arrêter une partie une demi heure parce
que les supporters se tenaient trop près
du terrain. Mais je comprends certains
comportements : assister à un match entre
des tours et derrière une grille qui fait
vraiment prison, ce n’est pas très agréable...
Footballistiquement, y a-t-il de vraies
oppositions de style entre campagnards
et banlieusards ?
Pas toujours. Mais dans l’ensemble, ça
joue beaucoup mieux en ville. Plus de
passage, plus de joueurs techniques qui
viennent de centres de formation... À la
campagne, le jeu est plus physique et basé
sur la solidarité. Je dois donc faire preuve
de pédagogie quand les deux mondes
s’affrontent. Les jeunes de cité sont rapidement frustrés, partent plus au quart de
tour, après un contact ou une parole mal
Benjamin Maugé (au centre), fier d’arborer
le drapeau breton au Stade de France.
perçue. Quand je sens que ça va être un
match à cartons, j’attends un peu avant de
mettre le premier.
L’espoir d’un emploi
En douze saisons d’arbitrage, tu as
remarqué des évolutions ?
Je n’ai pas remarqué de changements
profonds. Par contre, j’ai vu évoluer certains clubs. J’ai en tête l’exemple d’un club
vannetais, l’Association sportive des Turcs
de l’Ouest. Il y a quelques années, ça se
passait toujours très mal chez eux. Il y avait
un manque cruel d’organisation, beaucoup
de bagarres, des arbitres frappés, etc. Puis
peu à peu, la communauté turque – mais
pas que – s’est soudée pour mieux encadrer
les équipes. Avant, j’aurais presque eu
peur d’y aller, aujourd’hui c’est un plaisir.
Ils sont chaleureux, accueillants, proposent aux arbitres sandwich et boisson...
Leur accession au niveau régional joue
certainement aussi. En-dessous, les juges
de touches sont fournis par les clubs, ce
qui favorise la mauvaise foi et engendre
souvent des tensions !
L’Académie met en relation ses boxeurs
assidus et volontaires avec des entreprises
partenaires qui présentent leurs métiers et
proposent, le cas échéant, formations et
emplois. « Douze académiciens ont retrouvé
un emploi grâce à nous », se félicite Frantz
Basinc, président du club depuis un an. Le
parcours d’insertion professionnelle est très
encadré, il faut être licencié du club depuis
au moins six mois et être sélectionné par
l’entraîneur. « Le volontaire signe ensuite
une charte d’engagement et fait valider son
projet professionnel par le pôle insertion »,
détaille le président.
Christophe Tiozzo a eu l’idée de ces Académies après les émeutes de 2007 à Villiersle-Bel. L’ancien champion du monde des
super-moyens WBA** a voulu ouvrir des
salles de boxe dans les quartiers délaissés
pour canaliser la violence et faire de l’insertion par le sport. Celle de Villiers-le-Bel
a été fondée en avril 2008, c’est la première
des dix-huit académies qui portent son
PROPOS RECUEILLIS
PAR PAUL DESCAMPS
« En zone rurale, les clubs sont
souvent bien mieux structurés. »
Benjamin Maugé (en bas à gauche)
sur la pelouse, prêt à jouer...
PHRASES
T
he Eye of the Tiger résonne
dans la salle de l’Académie
Tiozzo à Villiers-le-Bel,
rythmé par les coups sourds
des gants sur les sacs de
frappe. Ludovic se livre à une séance de
shadow-boxing*. Il se remet tout juste
de son dernier combat, disputé il y a une
semaine. « J’ai perdu par arrêt de l’arbitre au
deuxième round », explique-t-il, les dents
serrées. Mais pas question pour lui de jeter
l’éponge : « J’ai pris une semaine de repos
et je m’y suis remis. Enfiler les gants, ça fait
du bien ». Ce club de boxe, il en a entendu
parler sur Internet. Il a d’abord vu le nom
Tiozzo : « Je me suis dit : “Ah ça je connais”
C’est un grand nom de la boxe ». Puis il a
appris l’existence du parcours d’insertion
professionnelle de l’Académie Tiozzo. Il a
alors quitté Dijon dont il est originaire. « Je
suis parti parce que niveau emploi, je n’avais
plus rien là-bas », résume-t-il.
JUIN 2015
nom. Aujourd’hui, grâce à elle, ce sont
115 licenciés qui ont accès à la boxe. Jean
est l’un d’eux. Il est venu au noble art « par
admiration pour François Pavilla », un
boxeur martiniquais des années soixante.
Une légende sur son île d’origine.
La boxe avant tout
Jean n’est pas là pour trouver un emploi mais pour apprendre à boxer, tout
simplement. Il participe chaque semaine
à tous les entraînements. « Ça t’apporte
force, endurance et vitesse, explique-t-il. Et,
ici, on peut pratiquer dans des conditions
idéales. Il y a deux rings et du bon matériel. » Et même s’il descend du ring avec la
lèvre inférieure gonflée et ensanglantée, le
jeune homme vante l’atmosphère de l’Académie : « Au club, l’ambiance est familiale,
car si tu commences à boxer méchant, l’autre
va te rendre les coups plus fort. Ce n’est pas
le but à l’entraînement ». Jean bat en brèche
« J’ai quitté Dijon parce que niveau emploi,
je n’avais plus rien là-bas. »
LUDOVIC
BENJAMIN MAUGÉ
32
Ludovic a trouvé l’Académie Tiozzo de Villiers-le-Bel
sur Internet, attiré par le nom de l’ancien champion du monde.
PHRASES
33
le cliché selon lequel son sport est violent :
« Au contraire, la boxe permet de se fixer des
objectifs et de relativiser certaines choses. Je
sais que dehors, ça ne sert à rien d’en venir
aux mains. Tu as tout à y perdre. Mieux
vaut passer son chemin et tracer sa route ».
CLÉMENT VARANGES
* Boxe dans le vide devant un miroir
**World Boxing Association
Jean s’entraîne trois fois par semaine
sans relâche.
JUIN 2015
LE CHAMP DES TOURS
LE CHAMP DES TOURS
LILLE-SUD
“ LE CENTRE SOCIAL ? C’EST NOTRE POINT DE REPÈRE ! ”
Lille-Sud est un quartier « au bout
de tout ». Au milieu des nouvelles
habitations, se dressent deux
géants : les centres sociaux Lazare
Garreau et de l’Arbrisseau. Deux
institutions qui permettent aux
jeunes d’échapper à la rue.
Même après la fermeture du centre social, les jeunes restent ensemble. Ils se sentent ici comme chez eux.
U
n quartier presque exclu de
la ville, peu de transports en
commun, peu d’espaces de
loisirs. Pourtant, dans les rues,
les jeunes ne zonent pas. Dès
18h, la plupart se réfugient dans les centres
sociaux. En arpentant les rues, le regard
est intrigué par une masse de béton, une
« soucoupe » comme disent les habitants.
Le centre social Lazare Garreau est posé là,
au milieu d’immeubles encore en travaux
ou flambant neufs.
Quelques rues plus loin, c’est son homologue que l’on découvre. Bloc soviétique
« Après le centre, ils rentrent
chez eux, il n’y a plus rien à faire.
Personne ne s’occupe d’eux en
dehors de nous. »
RACHID EL HMAM
PHRASES
ou vaisseau spatial ultra-moderne, il est
impossible de le rater. Le nom et le logo du
centre social de l’Arbrisseau sont inscrits
en grosses lettres sur le portail.
Les deux centres sociaux ne manquent
pas d’attirer l’œil. Comme un pied de nez
à la rue. Mais alors, quel est leur véritable
rôle pour les jeunes du quartier ?
Une liberté
de mouvement
L’accueil des 16-25 ans ne peut pas se
faire de manière classique. « Ce ne sont
plus des enfants, on ne peut pas leur dire
de venir de telle heure à telle heure, ni leur
imposer une activité », explique Rachid El
Ouahab, le coordinateur du secteur jeunes
adultes du centre social Lazare Garreau.
C’est pourquoi ici, l’accueil se fait en soirée,
de 18 h à 21 h, voire plus. C’est dans une
petite salle, au rez-de-chaussée, qu’ils se
retrouvent tous. Autour d’une table, d’un
billard ou d’un babyfoot, ils viennent
34
ici chercher des réponses, un défouloir,
ou simplement une présence. « C’est un
accueil libre, il n’y a pas de contrainte. En
fait, c’est une réponse à un besoin », poursuit Rachid. Le but est d’attirer les jeunes
pour qu’ils puissent fréquenter le centre
social. « On essaie de nouer un lien avec
eux, on s’identifie en tant qu’animateurs,
on instaure une relation de confiance. C’est
compliqué parfois. » Compliqué mais réussi.
À l’année, environ 150 jeunes passent par
le centre social, selon les actions. Une
cinquantaine vient très régulièrement,
pour une recherche d’emploi, des activités
sportives ou des séjours.
La plupart débarquent dès l’enfance.
« Mes frères sont venus, du coup j’y suis
allé aussi. Aujourd’hui, c’est un lieu de
rencontre, on se donne rendez-vous ici. Le
centre social ? C’est notre point de repère »,
indique Younesse, 22 ans.
La notion d’accueil est importante, primordiale, pour Rachid El Ouahab : « Le
JUIN 2015
centre social est une maison de quartier intergénérationnelle, avec des projets collectifs, dans lesquels
les jeunes doivent s’impliquer ». C’est en effet la
contrepartie : les jeunes sont accueillis mais ils
doivent donner un peu de leur temps et s’impliquer
dans les projets et la vie du centre social. Certains
font partie du conseil d’administration, d’autres
montent des projets. Younesse, casquette sur la
tête, affalé sur une chaise, parle du centre comme
de sa seconde maison. Il a réussi à « monter des
projets ski, plusieurs fois, pour pouvoir partir avec les
autres ». Sans le centre social, le natif de Lille-Sud
avoue qu’il n’aurait peut-être jamais vu la neige.
Au centre social de l’Arbrisseau, les objectifs
sont les mêmes : « On cherche à favoriser l’insertion
sociale et professionnelle, on est là pour écouter
et apporter des réponses », explique Reda Ghali,
coordinateur du secteur jeunesse. Le but est
alors de mettre en avant les valeurs de respect, de
tolérance, de partage et de solidarité, qu’ils n’apprendraient pas dans la rue. Il poursuit : « On aide
les jeunes à monter des projets autonomes, comme
des séjours. Mais on organise aussi des débats, sur
PHRASES
la citoyenneté notamment, avec des associations.
On parle de la place des jeunes dans la société ».
Les 16-25 ans font partie d’une tranche d’âge
spécifique, qui n’a pas les mêmes besoins que les
plus jeunes. « Ils attendent beaucoup de nous,
parfois leurs parents sont moins présents, alors
c’est vers nous qu’ils se tournent. On adapte notre
offre pour eux, il faut savoir être innovant parce
qu’ils sont vite blasés ! », plaisante Reda.
Pour les jeunes, une chose est claire : sans le
centre social, ils ne feraient rien. « J’ai rejoint la
troupe de danse du centre, dans laquelle je suis très
impliqué. Ça m’a aussi permis de partir en voyage,
de sortir du quartier », annonce Kévin, 17 ans.
Une liberté cadrée, qui répond parfaitement à
leurs besoins et à leurs problématiques.
exemple, on devait avoir des emplois pour les
jeunes… Mais au final ils ont embauché d’autres
personnes. Avec le projet Lillenium, ça va être pareil : toujours des paroles en l’air », peste Rachid
El Hmam. Malgré les venues des politiques, la
plupart des problématiques des jeunes restent
sans réponse. « Ils demandent plein de choses.
Nous sommes les seules personnes à qui ils peuvent
tout dire », explique Karim Dahmani, animateur.
« Je sais que je peux les aider. Juste être attentif et
savoir être à l’écoute pour les guider, ça les aide »,
poursuit-il. Sans le centre, les jeunes resteraient
sans réponse. Les autres instances prennent peu
la peine de les écouter. « Heureusement qu’on les
accueille », indique Karim.
Laissés pour compte ?
Le centre social est un lieu clé du quartier,
une seconde maison pour tous ceux qui le fréquentent régulièrement. « Ça devient presque un
automatisme de venir ici ! », s’amuse Marouane, 20
ans, habitué du centre Lazare Garreau. Yasmine,
Yania et Farah, trois copines, parlent et rient
très fort dans le hall. Quand on leur demande
pourquoi, à 19 et 20 ans, elles ressentent encore
le besoin de venir au centre social, la réponse est
unanime : « C’est notre maison ici ! »
« Aujourd’hui, ils viennent pour se défouler ou
pour parler. On doit être là pour eux à tout moment », renchérit Rachid El Hmam, éducateur
sportif et animateur. Assis sur un banc, le regard
posé sur les jeunes qui jouent au foot, Rachid parle
avec une once de regret, parfois même avec un
peu de colère. « Après le centre, ils rentrent chez
eux, il n’y a plus rien à faire. Personne ne s’occupe
d’eux en dehors de nous. »
Avant, ils pouvaient se retrouver dans la salle
de la Chênaie, à deux rues du centre social Lazare Garreau. Mais aujourd’hui, elle est fermée,
privant le quartier de complexe sportif. « Depuis
la fermeture de la salle, je pense qu’une quinzaine
de jeunes sont en prison », annonce Rachid. Depuis, ils doivent aller à Loos ou à Porte de Douai
pour pouvoir jouer au foot. « C’est quand même
incroyable : nous devons aller à la salle, ce n’est pas
la salle qui vient à nous », regrette-t-il. Derrière la
salle de sport, il y avait un réel accueil. « Du coup,
maintenant, ils retournent à leurs magouilles… »,
déplore Rachid.
À travers le sport, c’est tout un travail qui est
fait. « Parfois, on doit rattraper l’éducation des
parents. Par exemple, un jeune est arrivé, il ne
savait pas dire une phrase sans placer une insulte.
Aujourd’hui, ça va mieux. Bien sûr, ça prend du
temps. Rien ne se fait en un jour. »
Des paroles mais peu d’actes
Pour ne rien arranger, la plupart des promesses
des politiques volent en éclat. Le quartier se métamorphose, mais pas au rythme ni à l’avantage
de la population. « Ça casse les motivations, les
jeunes ne croient plus en la politique. Ça nous
décrédibilise aussi : on relaie des promesses qui
ne sont jamais tenues. Avec le Grand Sud, par
35
Mot d’ordre : convivialité
« Juste savoir être à
l’écoute pour les guider,
ça les aide. »
K ARIM DAHMANI
Les sourires sont sur toutes les lèvres. Animateurs comme jeunes ne se voient pas ailleurs.
Bilal, stagiaire, n’a jamais cessé de venir. « J’ai été
relogé avec ma famille à Mons-en-Baroeul quand
j’avais 11 ans. Aujourd’hui, j’en ai 19 et je ne veux
pas partir d’ici. C’est comme revenir aux sources ! »
Pour Rachid El Hmam, le centre social est « un
endroit où tout le monde se réunit. Un point de
repère, parfaitement situé géographiquement dans
le quartier ». Tout favorise l’écoute : « Le cadre est
posé, rien n’est pressé. Les jeunes se sentent à l’aise,
on les comprend mieux et ils nous comprennent
mieux », poursuit-il. Tout le monde parle du
centre social, c’est un point fort, une institution
indispensable. « S’il n’y avait pas le centre social,
les jeunes seraient dans les rues », avoue Rachid. Il
conclut : « Le mieux, c’est quand on se rend compte
que le centre social a pris le dessus sur la rue »
NINA DWORIANYN
JUIN 2015
LE CHAMP DES TOURS
LE CHAMP DES TOURS
CULTURES URBAINES
PLOUCSTA RAP
QUAND LE HIP-HOP EFFACE LA FRONTIÈRE
DU PÉRIPH’
MC CIRCULAIRE : ON N’EN A PAS FAIT LE TOUR
Un langage fleuri qui sent bon la campagne, un accent et des punchlines efficaces : le style
du rappeur MC Circulaire a traversé les frontières vendéennes au point de devenir un genre.
MC Circulaire, peux-tu présenter ta
carrière et nous expliquer le ploucsta rap ?
Je suis MC Circulaire, morbihano-vendéen
exilé en Suisse, dix ans dans le “Rap Game”
et prophète du ploucsta rap en toute humilité… Du coup, c’est du rap de plouc, pour
et par les ploucs.
En transmettant sa passion du hip-hop aux plus
jeunes, le danseur Sammy Adel (au centre) fait bouger
les frontières du quartier de Lille-Sud.
O
n va leur montrer qu’à Lille-Sud y’en
a qui sont chauds, qu’à Lille-Sud
ça freestyle sévère* ! ». Ultimes répétitions avant la représentation.
Sammy Adel, 26 ans, motive ses
jeunes danseurs. Les ados de la troupe « 109 »
sont invités à participer à un gala de danse. Ils
peaufinent leur chorégraphie de hip-hop au
centre social de l’Arbrisseau. Sammy, natif du
quartier, mène la danse avec exigence : « Dans
mon travail, je veux que les choses soient bien
faites. Je ne me prends pas au sérieux, mais ça,
c’est du sérieux ». Pour tirer le meilleur de chacune de ces graines de danseurs, il n’hésite pas
à hausser le ton quand la bande d’adolescents
s’éparpille à chahuter. Un simple rappel à l’ordre
de cet expert du popping** et du lockin’***, et
toutes les têtes se recentrent sur lui. Ce grand
frère un peu ours, au regard tendre et plein
de bienveillance pour les jeunes du quartier.
Sammy est entré dans le milieu du hip-hop
il y a 9 ans. « Je m’y suis mis sérieusement il y a
4 ans. J’ai pris des cours sur Roubaix, Tourcoing,
Villeneuve d’Ascq… Il y avait des cours à LilleSud. Mais les tarifs n’étaient pas accessibles pour
un jeune du quartier. » Il se souvient, tout sourire : « J’ai commencé à danser pour délirer avec
des copains. Pour impressionner les filles aussi ! »
Ce qui n’était au début qu’une distraction est
devenue sa profession : il est aujourd’hui chargé
de développement culturel au centre social de
l’Arbrisseau. « C’est la seule chose que j’aimais
et que je voulais faire, à un moment de ma vie
où je n’avais pas de travail. » Il s’est formé, et
transmet aujourd’hui sa passion aux jeunes
de 12 à 25 ans. De sa détermination est née la
troupe « Eclec’Street », puis plus récemment
« 109 », en janvier 2015.
Pour le plaisir de s’affronter
sur scène
INFO PRATIQUE
Centre social et culturel de l’Arbrisseau / www.larbrisseau.com
PHRASES
Lille-Sud est un quartier en pleine mutation
urbaine, mais il reste malgré tout enclavé par sa
situation géographique. À l’emplacement des
anciens remparts de la ville, dont le démantèlement a commencé après la première guerre
mondiale, se trouve aujourd’hui le boulevard
périphérique. Le « rempart de pierres » s’est
transformé en « rempart routier ». Rachid El
Ouahab est éducateur au centre social Lazare
Gareau. Pour cette figure du quartier – il y
travaille depuis quinze ans – même si l’isolement des habitants n’est plus aussi flagrant
qu’il y a quelques années, il reste une réalité :
« On entend parfois encore des jeunes dire :
“Je vais à Lille”. Dans leurs esprits, ce sont
deux territoires différents. Ils ne se sentent pas
36
Lillois, mais habitants de Lille-Sud. Lille, c’est
une autre ville ».
Les démonstrations et les battles**** de
hip-hop organisées par Sammy, et son riche
réseau dans le milieu des cultures urbaines,
attirent des danseurs qui n’auraient jamais
mis les pieds à Lille-Sud s’il n’y avait pas ces
rencontres. « Aujourd’hui, j’ai gagné la confiance
des habitants et des acteurs du milieu du hiphop. Nous avons organisé un grand battle il
y a quelques mois. Nous avons reçu des gens
du coin, mais aussi d’Arras, de Paris, et même
d’Amsterdam ! Il n’y avait pas de récompense
à la clé, comme il peut y en avoir parfois. Ils se
sont juste déplacés pour le plaisir de s’affronter. »
La passion de Sammy l’a emmené loin,
jusque de l’autre côté de l’Atlantique. « Je suis
allé à Los Angeles. L’Amérique, ça fait rêver les
jeunes. Pourtant je ne me suis pas “retrouvé”
là-bas. Humainement, la grande expérience,
c’est l’Afrique. » Il a le projet de la faire partager
aux jeunes. La petite troupe se mobilise pour
récolter des fonds qui leur permettront de
partir au Sénégal, si tout va bien, à la Toussaint. « Je n’ai pas la prétention de favoriser la
mobilité des jeunes. Mais c’est certain que ce
« concept » qu’est le hip-hop favorise les rencontres. Il peut participer à les faire grandir plus
vite que d’autres. » En attendant de s’envoler
pour l’Afrique, à Lille-Sud aujourd’hui, ça
freestyle sévère.
ANNE LEBURGUE
* Ça bouge grave !
** Le popping est une danse dont le principe de base est
la contraction et la décontraction des muscles en rythme
*** Le lockin’ est un type de danse funk rattaché à la
culture hip-hop
**** Les battles sont des défis de danse entre deux
danseurs
JUIN 2015
Qui t’inspire dans le rap ?
J’écoute surtout les classiques : Dre, Nwa,
Public Enemy, Mos Def, Dmx, Krs One etc...
Mais en ce moment, j’écoute de la trap*, je
vais peut être m’y mettre d’ailleurs.
Qu’est-ce-que tu fais en ce moment ?
En ce moment, je bois une bière... (rires) J’ai
enregistré de nouveaux morceaux, dont un
feat avec Patrick51. Ça devrait sortir cet été.
Beaucoup de monde veut voir notre groupe
aux quatre coins de la France. Seulement, il
y a peu de concerts qui se goupillent, donc
avis aux programmateurs, on ramène du
monde en général.
Grandir en Vendée, est-ce qu’il y a pire ?
Ah y’a pire que de grandir en Vendée, j’aurais
pu grandir à Paris.Et à l’heure actuelle, je
ferais de la house...
Dans Demain, c’est trop tard (1 500 000
vues sur Youtube), tu plains la France
qui « squatte » les arrêts de cars à boire
de la Valstar. Que penses-tu de la politique menée envers la jeunesse des bleds
paumés ?
C’est simple, y’a pas de politique menée
envers la jeunesse rurale. On est la France
oubliée. Ils en ont rien à foutre les politiciens… Pas nombreux, pas dangereux,
on ne rapporte pas de voix. Autant te dire
qu’ils s’en beurrent le c.. de la jeunesse à la
campagne. Ils construisent un parc pour les
petits et espèrent ramener une famille ou
deux. De temps en temps, ils repeignent un
skate-park à l’abandon. Ils se battent pour
que leur bourgade soit élue ville fleurie. Ils
ajoutent à cela un playground en gravier,
emballé c’est pesé. espagnol. Tant que t’as le frisson quand les
basses partent, fais-toi plaisir.
Tu dis dans une chanson, que les vieilles
fraises tiennent des propos racistes. Aujourd’hui, il semble que le Front National
attire également les jeunes...
Je n’ai aucun avis sur la question. J’en ai
rien à foutre de la politique d’autant plus
qu’ils n’en ont rien à cirer de moi. Je n’ai
jamais voté, c’est leur jeu avec leurs règles…
Ils ne m’ont pas attendu pour y jouer et ils
ne parviendront pas à me faire croire que
je pourrais éventuellement arbitrer.
Toujours pas de page Wikipédia mais
tu es cité sur celle de la Valstar …
Pas de page Wiki ? Je sais pas si je vais m’en
remettre...On n’est pas hyper présent sur le
net parce qu’on a autre chose à foutre. Et
puis parce que ça prend du temps, qu’on
n’a pas envie d’envoyer une photo du plat
de mogettes qu’on va bouffer pour que les
gens nous disent: c’est génial des mogettes !
On préfère lâcher des morceaux et puis
rester sur l’essentiel !
À quoi ressemblerait, selon toi, la campagne sans le foot et la mobylette ?
Manquerait plus qu’ils nous prennent l’alcool… On picolerait plus, mais vu ce qu’on
torche déjà, je ne sais pas si c’est humainement possible. On se ferait encore
plus chier et, pareil, c’est difficile
à imaginer...
ARTHUR CONANEC
* Hip-Hop électro
Comment expliques-tu
le phénomène hip-hop en
campagne ?
Je ne sais pas. Y’a pas mal
de points communs entre
la campagne et la banlieue.
Même si évidemment, il y a
beaucoup de différences, il y
a le même ennui. Tous deux
sont des milieux populaires. Dans l’un comme
dans l’autre, on se
sent exclu. Du
coup, on partage
la même colère… Et puis
après, c’est la
musique.
Tu p e u x
écouter du
f lamenco
sans être
« J’en ai rien à foutre
de la politique d’autant plus
qu’ils n’en ont rien
à cirer de moi. »
PHRASES
37
JUIN 2015
LE CHAMP DES TOURS
LE CHAMP DES TOURS
HANGAR DES MOUETTES : L’ART PREND SON ENVOL
DE L’ART SUR LE PORT
LES RAMIFICATIONS DU JOKELSON
D
« Jokelson & Handsaem,
entreprises maritimes » : un
bâtiment à l’abandon dont la
jeunesse dunkerquoise s’est
emparée il y a une dizaine
d’années. Au « Joke », ils se
retrouvaient pour organiser
des concerts, des performances, ou encore des rencontres
artistiques. Ses portes et ses
fenêtres sont aujourd’hui
condamnées. Pourtant, son
esprit perdure. Sur le Môle, le
vent n’est pas près de s’arrêter de souffler. Il propage les
initiatives artistiques et culturelles sur le port industriel.
© Flavie Leleux
DE L’ENTREPÔT DES SUCRES ÉMANE FRUCTÔSE
N
ous avons toujours ouvert les bâtiments avant de les avoir. Au bout
d’un moment, la mairie en a marre de devoir changer les serrures », raconte Benoît, amusé. Le plasticien vidéaste est l’un des
premiers artistes à s’être installé sur le Môle 1 du port industriel
de Dunkerque. Ici se dressent plusieurs entrepôts désertés, marqués par l’usure du temps et l’air marin. Un cadre empreint de l’âme portuaire
dunkerquoise propice à la création et à l’inspiration. L’association Fructôse a
vu le jour en 2008, sur ce vaste site de 3 000 m2.
La naissance de cette fabrique artistique trouve son origine dans le Jokelson.
La vie de ce lieu de diffusion était gérée par plusieurs associations. « Il y a eu
des petits clashs et les gens sont partis. Emilien, l’un des artistes qui fréquentaient
le site a décidé de rester et d’investir le bâtiment voisin, l’entrepôt des sucres »,
explique Benoît.
Au début, ils étaient quatre à squatter cette bâtisse désaffectée de 1 000 m2. « Jeff
et Anna, qui occupaient eux aussi les lieux, nous ont soumis l’idée d’officialiser les
choses. Ils nous ont proposé d’aller voir la communauté urbaine de Dunkerque pour
présenter un projet d’accueil et d’accompagnement », se souvient Benoît. Avec du
temps, de l’obstination et de l’huile de coude, ce qui était le squat d’une poignée
d’artistes s’est transformé en une véritable ruche autour de l’entrepôt des sucres.
Les projets pluridisciplinaires y fourmillent. En résidence temporaire ou pour
l’année, musiciens, plasticiens, ou encore performers sèment l’art sur le Môle*.
Clémence de La Ducasse
devant la porte du Joke.
PHRASES
* Un Môle est un brise-lames, une construction telle une digue ou une jetée, établie devant un port
38
JUIN 2015
ans le hangar des mouettes, on
sculpte, on peint, on illustre…
A l’occasion de Dunkerque 2013,
capitale régionale de la culture,
Fructôse a bénéficié d’une subvention de près d’un million d’euros pour la
création d’espaces de travail. Une vingtaine de
modules, adaptés à toutes les disciplines, ont
été inaugurés en octobre 2014. Pour un loyer de
30 à 50 euros, les artistes disposent d’un atelier
où créer et développer leur pratique. « Nous
leur demandons une participation active dans la
vie du collectif en contrepartie du faible loyer »,
explique Marlène, chargée de communication
de l’association. Pour obtenir un atelier, il faut
déposer un dossier, puis passer par « la petite
communion » : une commission composée
d’un salarié de Fructôse, trois artistes et un
membre du conseil d’administration.
© Fructôse
LA DUCASSE DANS LES CONTAINERS
O
n a eu l’envie de retrouver quelque
chose d’un peu plus léger, comme à
l’époque du Joke. » Clémence travaille à Fructôse. Elle s’est lancée en
2011 dans le projet La Ducasse**,
accompagnée de quelques amis. Dans un cadre
moins formel, moins institutionnel, la vocation
de cette association de bénévoles est d’organiser
des micro-événements dans des containers du
port, sur le Môle.
Les copains bricoleurs se sont retroussés les
manches, et se sont attelés à métamorphoser l’un
des anciens caissons métallique de transport de
marchandises qui avait échoué sur le site. Dans
le container résonnent aujourd’hui les accords
des musiciens à l’occasion de soirées concerts.
Au fil des événements, ses parois intérieures se
tapissent de gravures, de collages artistiques, ou
de sérigraphies.
JOKE, CE MAG’
N’EST PAS
UNE BLAGUE
ANNE LEBURGUE
L
© Fructôse
** La ducasse est une fête traditionnelle de village, en Belgique et dans le nord de la France
PHRASES
39
a couverture de notre premier numéro, c’était la photo de la façade du
Jokelson. Son nom est dédié à ce lieu
mythique. » Cyril est le directeur de publication du Joke magazine. La rédaction s’est
installée dans l’entrepôt des douanes fin
2014. L’équipe de Fructôse lui a fait une petite place dans ses bureaux administratifs.
Ce trimestriel gratuit à destination des
15/25 ans, a été créé en 2014 par des étudiants issus de l’université du littoral. « Il
centralise l’information sur les événements,
la vie culturelle et artistique de Dunkerque
et ses environs, explique Cyril. Notre objectif, c’est que les gens arrêtent de dire qu’à
Dunkerque, il ne se passe rien. Ça bouge. Il y
a de plus en plus de Lillois qui débarquent.
Avant c’est nous qui allions sur Lille pour
faire la fête, maintenant c’est l’inverse ! »
JUIN 2015
LE CHAMP DES TOURS
LE CHAMP DES TOURS
TESTÉ POUR VOUS
RENCONTRES
ÉLEVEURS, L’AMOUR VACHE
Parmi les agriculteurs, les éleveurs sont les plus touchés par le célibat. Comme Jean-Rémy,
ils souffrent d’un isolement social et géographique.
LA PYRAMIDE, PHARAON
DE LA JEUNESSE AUDOMAROISE
Chemise blanche et coupe au gel. Bienvenue à la “Pyra”, lieu phare de la fête en campagne.
Deux d’entre nous l’ont testé le temps d’une soirée.
T
Et pourtant... L’amour est dans le prè.
J
ean-Rémy a 26 ans et vit à Saint-Médard, un petit hameau à vingt minutes de route d’Agen. Il n’a jamais
quitté sa région et travaille dans
l’exploitation agricole de son père.
« On a des vaches laitières et des vaches
à viandes, un sacré boulot. » Le célibat,
Jean-Rémy connaît : « Depuis plusieurs
années, il ne se passe rien dans ma vie. »
Malheureusement, la situation du jeune
éleveur n’est pas un cas isolé. « Au-delà de
mes amis agriculteurs, c’est l’ensemble des
corps de métiers qui est concerné ici. » Le
jeune homme évoque, avec le sourire, un
ami vendeur de voitures « très beau gosse »
mais célibataire endurci. Jean-Rémy a
déjà connu la vie de couple, « mais ça
n’a jamais duré. Vivre avec un éleveur
demande des sacrifices ».
Si certaines régions rurales attirent un
nombre croissant de citadins en quête
d’une qualité de vie meilleure, ce n’est
pas le cas dans ce petit coin de paradis,
au bord de la Garonne. « C’est vrai, ici
les jeunes sont partis, il ne reste plus que
les vieux », confie Nina, étudiante à Lille
et originaire de Lapouleille, non loin de
Saint-Médard (Lot-et-Garonne).
« C’est aussi une question d’opportunités, beaucoup de gens se rencontrent
PHRASES
au boulot, explique Jean-Rémy. Moi au
travail, la seule personne que je croise,
c’est mon père. »
Toutefois le jeune éleveur ne provoque
pas la chance. « Je ne suis pas fan des
rencontres un peu forcées. » Alors peu
d’espoir pour ces dames de le croiser
lors d’un speed-dating ou de l’une de
ses déclinaisons, l’agri-dating, un rassemblement destiné exclusivement aux
agriculteurs. « Je préfère les rencontres
“naturelles”, en boîtes de nuit ou ailleurs. »
Jean-Rémy ne consulte pas non plus les
sites web destinés à trouver l’âme sœur,
« pour une simple et bonne raison : je n’ai
pas d’ordinateur, ni d’accès internet. »
Quant aux émissions telle L’amour est
dans le pré ? « Jamais je n’envisagerai d’y
participer. » Une émission dont le succès
est constant depuis dix ans et qui se targue
d’avoir engendré nombre de mariages
et grossesses. « Mais les agriculteurs ne
la voient pas forcément d’un bon œil »,
affirme Christophe Giraud, sociologue à
l’université Paris Descartes. « Ils se sentent
souvent moqués. Ils ont le sentiment que
cette émission nourrit les clichés dont ils
sont déjà l’objet. »
S’il souhaite battre en brèche ces a priori, le sociologue reconnaît que « lorsqu’on
40
se lance dans ce métier, il faut parfois subir
de longues périodes de célibat. Toutefois,
dans l’ensemble, les agriculteurs ne sont
ni plus ni moins célibataires que les autres
catégories socio-professionnelles. »
Il est nécessaire de distinguer les
grandes exploitations des petites, qui
sont les plus touchées par le célibat.
Les éleveurs, par exemple, rencontrent
davantage de difficultés. Leurs exploitations sont souvent situées dans des
zones reculées, loin des bassins d’emploi. Ils peinent à y attirer d’éventuelles
compagnes. « Contrairement à ce qu’il
se passait il y a quarante ans, les femmes
sont émancipées, surtout financièrement.
Elles sont peu nombreuses à vouloir y
renoncer », explique le sociologue.
Des contraintes qui n’effraient pas
Jean-Rémy, l’éleveur bovin du SudOuest : « Je ne changerais de vie pour
rien au monde. »
Christophe
Giraud,
sociologue,
enseignant
à l’université
Paris Descartes
ournez à gauche », indique la douce
voix du GPS. Le véhicule s’engouffre
dans un petit chemin de campagne
à travers champs. Il fait nuit noire.
Tel un phare de la Côte d’Opale,
le projecteur de La Pyramide balaye le paysage
champêtre.
À une dizaine de kilomètres de Saint-Omer,
dans le patelin de Serques, entre les contrées
de - préparez-vous - Moulle, Houlle et Bayenghem-lès-Éperlecques, se dresse un bâtiment au
sommet pointu . Les lumières qui émanent de ses
extrémités lui donnent un air d’ovni. La bande son
d’X-Files se prêterait parfaitement à l’endroit. Mais
ce sont bien les tubes, plus ou moins actuels, qui
viennent briser le calme campagnard.
Un samedi soir printanier à Serques, il est minuit passé. Quelques jeunes sont déjà présents.
Seuls deux se déchainent sur le podium central
de la piste de danse, déserte. Il fait froid. Chair
de poule sur les bras, un petit tour au bar devient
rapidement indispensable. Dylan, un jeune de
18 ans et ami du patron, tient fièrement l’unique
bar de la discothèque. Ici, pas besoin de se ruiner.
Le cocktail coûte en moyenne cinq euros. Une
obligation selon Fabien Bozec, le propriétaire :
« Le pouvoir d’achat est trop bas dans ce secteur.
Je suis obligé de pratiquer des tarifs attractifs ».
Ce palais de la “ cuite pas chère ” se remplit peu
à peu. Un Cuba Libre dans le gosier, une bonne
dose d’audace, il est temps d’aller enflammer le
dancefloor. Une cinquantaine de personnes est
répartie aux quatre coins de l’établissement, qui
peut en contenir plus de 1 000 selon le boss. Les
« Est-ce que vous êtes
là ce soir ? »
Les jeunes se chauffent sur le dancefloor.
petits courageux qui se déhanchent ne passent
pas inaperçus. Ici tout le monde se croise, il est
quasi-impossible de perdre ses copains, à moins
qu’ils ne soient allés se réfugier dans le carré VIP.
Comme toute boîte qui se respecte, la “ Pyra ”
propose un coin privé. Quelques marches au
dessus du parterre des danseurs, trois lettres
géantes brillent : VIP.
À la bonne franquette
Une vingtaine de mètres carrés, des canapés en
velours. Un groupe de jeunes engage rapidement
la conversation. Une atmosphère intimiste et bon
enfant règne. « Nous venons dans ce club parce que
ce n’est pas loin et ce n’est pas la même ambiance
qu’en ville. C’est plus familial », précisent-ils. L’un
d’entre eux se dirige vers le fumoir. Pas besoin de
“ se les cailler ” pour “clopper”. Devant la porte de
la minuscule pièce enfumée, une dizaine de personnes. « On ne fume pas sa cigarette à l’intérieur,
ça sent trop le tabac. Tout le monde reste devant
le temps de s’en griller une », indique un vigile.
Le DJ vient vite interrompre ce moment de
convivialité. « Sauteeeez, sauteeeez, sauteeeez »,
lance-t-il dans le micro. Le mot magique
est prononcé. Les groupes se précipitent
sur le dancefloor. « Est-ce que vous êtes là ce
soir ? Je ne vous entends pas ! » Les jeunes se
défoulent, endiablés par la house music. Au
milieu, l’un d’entre eux fait le show. Il attire
les regards grâce à ses talents de jumpstyler.
Sourire aux lèvres, quelle que soit
la mélodie, il jumpe, encore
et toujours, jusqu’à en laisser
tomber la chemise. À l’aise…
Bobos, flambeurs et cagoles
circulez ! La “ Pyra ” n’est pas
faite pour vous. Ici, c’est la fête
comme à la maison. Comme
on l’aime.
LUCILE RICHARD
ET ALICE DOUCHET
ARTHUR ASQUIN
« Moi, lorsque je suis au travail,
la seule personne que
je rencontre, c’est mon père. »
JEAN-RÉMY
JUIN 2015
Un joli jumper.
PHRASES
Nicolas, le DJ, balance
sa meilleure playlist
de house music.
41
JUIN 2015
PAUL
ARTHUR
1
2
LUCILE
3
PIERRE
6
1 - PAUL DESCAMPS
3 -AÏNA ROGER
06 71 54 15 72
In memoriam
[email protected]
2 -ARTHUR CONANEC
07 89 55 88 23
[email protected]
10
5
ANNE
4 -LUCILE RICHARD
LAURA
8
AMÉLIE
NINA
4
PIERRE
AÏNA
RÉMY
1 1
ARTHUR
7
5 -NINA DWORIANYN
12
7 -PIERRE JULIENNE
06 21 44 93 62
06 98 73 89 43
[email protected] pierrejulienne.maen
@gmail.com
06 88 10 62 15
6 -ANNE LEBURGUE
[email protected] 07 82 07 71 63
[email protected]
9
ALICE
13
8 -PIERRE VEILLÉ
10 -AMÉLIE BOUCLET
12 -ARTHUR ASQUIN
9 -LAURA OUDART
11 -RÉMY EYLETTENS
13 -ALICE DOUCHET
06 43 39 56 95
[email protected]
06 86 64 09 97
[email protected]
06 86 50 58 02
[email protected]
06 35 48 74 68
[email protected]
07 62 41 24 68
[email protected]
06 84 46 22 74
[email protected]
CLÉMENT
14
14 -CLÉMENT VARANGES
06 33 35 51 53
[email protected]
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
SOMMAIRE
P.48 Les champions de la PHR
P.71 ClapdefinpourWilliamsCaptier
P.50 L’Aisne Nouvelle : retour aux sources
P.72 Loindesyeux,loinducœur?
P.51 Réforme territoriale : réorganiser
P.73 Jeu:«T’asd’beauxyeux,tusais»
sans se cantonner
P.74 L’impressionwaterlessRiccobono
P.52 Histoires de familles et de presse
P.75 FleurPellerinredistribuelescartes
P.54 La PHR fait peau neuve
P.76 Lesdétaillantsdepresseenpleinecrise
sur le numérique
P.78 Lesgratuits,unesecondeviepourlaPHR?
P.56 À Biarritz, la PHR s’amuse
P.79 LePohertapedanslemille
P.58 SPHR : Vincent David remplace
P.80 Mensuelsrugby,essaistransformés?
Éric Lejeune
P.60 La PHR délie les langues
P.82 KévinLourenço,croqueurd’actualités
P.84 PHR,filièredecœur
P.62 Mais qui est donc Publihebdos ?
P.64 Les jeunes journalistes au service
des hebdos
P.66 Dossier : le traitement de Charlie Hebdo
par la PHR
P.70 Liberté hebdo : sur le fil du rasoir
Pour les 20 ans de la filière
PHR de l’ESJ Lille,
retrouvez les portraits des
anciens au fil des pages
du magazine...
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
TOP 3 FACE À LA CRISE
LES CHAMPIONS DE LA PHR
Dans un secteur sinistré, la presse hebdomadaire régionale résiste mieux que la moyenne,
emmenée par quelques locomotives qui ne connaissent pas la crise. Les trois leaders
révèlent les secrets de leur succès.
1
LA MANCHE LIBRE,
L
LEADER INCONTESTÉ
es années passent et rien n’y fait, La Manche Libre reste en tête dans le secteur
de la PHR. Son directeur général, Benoît Leclerc, détaille les points forts de
cette insolente réussite.
Une vocation départementale dès l’origine, élargie dans les années 80.
Une ligne éditoriale intemporelle qui ne se préoccupe pas de plaire ou d’être consensuelle.
2
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
Jean-Michel Maussion,
directeur de publication
du Courrier Cauchois.
LE COURRIER CAUCHOIS,
SOLIDEMENT ANCRÉ
N
otre hebdo est très populaire dans sa
zone de diffusion [de Rouen à Fécamp, en passant par Le Havre]. Ce
qui fait notre succès est notre relation particulière avec les lecteurs. » Jean-Michel Maussion,
directeur actuel du journal créé en 1948, peut
compter sur un lectorat attentif et fidèle.
« D’une blague, une rubrique a même vu le
jour : Le Courrier Cauchois à travers le monde.
Les gens s’approprient le journal et se prennent
en photo avec lui quand ils sont en voyage. »
Fort d’une rédaction centrale basée à Yvetot,
et de deux micro-locales, à Fécamp et Lillebonne, le canard est très réputé dans le pays de
Caux. Il suffit de se présenter pour couvrir un
événement, et la question revient comme un
leitmotiv : « C’est pour Le Courrier ? »
« Les lecteurs apprécient grandement la
plus-value apportée par les journalistes,
confie le directeur. Ces derniers connaissent
sur le bout des doigts les villages et les gens.
On sait donc personnaliser les articles, pour
intéresser les acheteurs. »
Bon deuxième depuis plus d’une dizaine
d’années, Le Courrier Cauchois bénéficie
d’un taux de pénétration de plus de 50 %.
Avec la poussée pressante du numérique,
le journal compte bien tenir le cap avec
une ligne claire : « Pas de web gratuit. Internet nous permet d’être complémentaire
au papier, et nous a permis d’augmenter
notre nombre d’abonnés».
RÉMY EYLETTENS
Une information de proximité qui s’ouvre également aux grands faits politiques, culturels,
économiques, sociétaux, régionaux, ainsi qu’à l’actualité nationale et internationale.
3
De nombreuses agences locales et un large réseau
de diffusion pour être au plus proche des lecteurs.
Une maquette rénovée régulièrement.
Une modernisation constante de l’outil de production, pré-presse
et impression, pouvant offrir jusqu’à 128 pages « tout-quadri ».
Une extension progressive de l’activité plurimédias : création en 1982 de la
première station radio indépendante de Normandie, Tendance Ouest : présence
sur internet depuis 2000, lancement de deux gratuits à Caen et Rouen en 2009.
PAUL DESCAMPS
20
QUELQUES CHIFFRES
68 039
EXEMPL AIRES DIFFUSÉS
JOURNALISTES
Benoît Leclerc, directeur
général de La Manche Libre.
42 ans
Chef
d’édition
au
Parisien
Un bon papier qui
marque
Gaëtane
Bossaert
Modèle journalistique ?
ILS ONT FAIT LA PHR
850
Boulette ?
Oublier la pellicule
en cours de photo Un souvenir ?
Intervenant
marquant ?
Alain
Puiseux
L’année en général, l’ambiance
Actu marquante
quand tu étais à l’ESJ ?
Attentats du RER Paris
PHRASES
150
CORRESPONDANTS
LOCAUX
POINTS DE VENTE
Expression de ta promo ?
Je suis surbooké !
48
7
ÉDITIONS LOCALES
Lieu favori
à L’écoLe ?
BiB doc
01
re
JUIN 2015
Samuel Thomas,
rédacteur en chef
du Messager.
LE MESSAGER,
L
EN QUÊTE
DE NOUVEAUTÉS
e Messager, c’est LE journal du Chablais », expose
Samuel Thomas, rédacteur en chef de toutes
les éditions du journal. Avec une diffusion de
près de 24 000 exemplaires sur un territoire
d’environ 100 000 habitants, le titre est très bien
implanté. « Nous sommes très ancrés localement, confirme
Samuel Thomas, même si je n’irais pas jusqu’à dire qu’on
se porte bien. Ce n’est le cas d’aucun journal dans le monde
actuellement. » Le troisième hebdo le plus diffusé est dans
la même situation que beaucoup d’autres : « Le challenge
permanent est de chercher de nouveaux lecteurs en conservant les anciens ». Pour atteindre cet objectif, la rédaction
de Thonon-les-Bains et les autres ont récemment suivi
une formation sur les attentes des lecteurs. Le rédacteur
en chef tranche : « Plus personne n’achète le journal pour
une photo légende sur la galette des rois. Il n’y a aucune
retombée de ce côté-là ». Le Messager va donc faire évoluer
son contenu, celui produit par les journalistes mais aussi
celui des correspondants. Désormais, quand ces derniers
se rendront à un conseil municipal ou intercommunal, ils
seront dédommagés mais il n’y aura pas systématiquement
d’article publié dans le journal. Ce sera uniquement le cas
s’il y a un sujet d’intérêt à rapporter. Aux journalistes, sa
consigne est simple « Oser et entreprendre. Les lecteurs
veulent des sujets qui les surprennent ».
CLÉMENT VARANGES
PHRASES
49
JUIN 2015
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
L’AISNE NOUVELLE
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
RÉFORME TERRITORIALE
« Il ne faut plus
forcément penser
en terme d’articles
papier ».
© : Gaël Hérisse.
RETOUR
AUX
SOURCES
RÉORGANISER SANS SE CANTONNER
Fusions de régions, de cantons... Les journaux d’actualités locales se trouvent eux aussi impactés. Pour la réforme territoriale, Jean-Michel Desaunay, rédacteur en chef du Courrier
de la Mayenne, explique comment sa rédaction a fait face.
N
Le quadri-hebdomadaire
L’Aisne Nouvelle, dirigé
par Samir Heddar, s’est
réorganisé en avril 2015.
Le journalisme de terrain
est remis à l’honneur.
J
’avais besoin qu’on clarifie les différentes postures
au sein de la rédaction ». Samir Heddar est un
rédacteur en chef qui sait où il va. Son franc
parler peut parfois bousculer ses interlocuteurs
mais il motive toujours pour aller de l’avant. C’est
dans cette optique qu’il a décidé, en avril dernier, de
réorganiser son journal et son équipe.
« On ne savait pas qui faisait quoi et quand. C’était
brouillon. » Avec trois locales (Saint-Quentin, Ternier
et Guise), des postes différents (sport, locale, départementale, desk, photo, fait-divers), des bureaux éloignés,
et quatre parutions dans la semaine (lundi, mardi,
jeudi, samedi), la communication et l’organisation du
journal étaient compliquées. « La polyvalence nuisait
à la rédaction. Un journaliste devait aller sur le terrain,
écrire son papier, monter des pages, relire les papiers de
correspondants, écrire pour le web... Il fallait revoir cela. »
Chacun son rôle
Il repense alors toute l’organisation du métier. « J’ai
créé deux groupes : des journalistes de terrain et ceux
éditeurs ». Désormais, les journalistes dits de terrain
renouent avec le cœur du métier, l’humain, le contact,
la chair. Ils écriront leur papier en rentrant et ça s’arrête là. Les éditeurs prennent ensuite le relais. « Il y a
Grand
reporter
à France
Football
PHRASES
Expression phare de ta promo ?
39 ans
« Enfiler un pull », nom de code
pour aller boire un coup
Arnaud
Tulipier
Un travail d’équipe
Cela peut étonner, ou même déranger, mais le rédacteur en chef l’assure : tout se fait en équipe. « Notre
force, c’est notre petit nombre. Nous sommes tous dans
les mêmes locaux donc si un journaliste de terrain n’est
pas d’accord avec l’éditeur, ils en discutent. Pour l’instant,
il n’y a pas eu de grincements de dents. » Samir reste
prudent mais il voit sa courbe des ventes se redresser.
« Certains ont plus de temps pour aller sur le terrain, ils
sont donc plus proches des habitants. Ils se retrouvent
davantage dans nos papiers. » En mettant l’accent sur
le traitement web (photo, vidéo, brève, live) l’audience
internet croit, elle aussi. Pas de doute, le rédacteur en
L AURA OUDART
chef est satisfait.
CE QU’ILS EN PENSENT
Journaliste
de terrain
Olivier de Saint Riquier,
responsable adjoint des locales. Ancien fait-diversier.
« C’est un confort, on a
que ça à faire : aller chercher de l’info. Il y a une
grande confiance dans les éditeurs. On est sûr
que nos articles ne vont pas être déformés. On est
en train d’adopter un bon rythme de croisière. »
Journaliste
éditeur
Mélanie Chof far t,
éditrice. Ex-journaliste
localière.
« Je trouve que c’est
une bonne formule. Ça
donne plus de temps aux
journalistes pour aller sur le terrain. C’est un
gain de temps important. De mon côté j’ai plus
de recul sur les articles, je suis plus vigilante
sur les erreurs dans les papiers. »
Modèle journalistique ? Intervenant
Gérard Ejnès
Boulette ?
Sûrement,
mais on ne me
l’a jamais dit
Actu marquante
quand tu étais à l’ESJ ?
Ça remonte....
50
marquant ?
Éric
Maitrot
Un souvenir ?
Lorsque je suis revenu
comme intervenant
Lieu favori
à L’écoLe ?
Surnom ?
Nono
ILS ONT FAIT LA PHR
un vrai boulot de mise en valeur des articles. » Samir
en est convaincu, sa méthode est gagnante. « L’éditeur
va évaluer si le titre, le chapô, la photo, sont assez vendeurs pour le print comme pour le web. Il gère la mise
en forme. Il peut aussi décider d’un article pur web. »
Ils s’occuperont aussi de monter les pages, relire les
papiers des correspondants et ceux des journalistes.
Autre changement, les trois locales sont maintenant
dirigées par un seul rédacteur et un adjoint pour une
meilleure organisation.
Le choix des communautés
de communes
Face à cette réduction drastique, il a fallu
casser les habitudes du journal en optant pour
une nouvelle organisation. « Nous avons donc
choisi les communautés de communes. Les nouveaux cantons ne représentaient rien pour les
Mayennais. Par exemple, Lassay se retrouvait
dans le même canton que Commer alors que les
actualités des uns et des autres ne les intéressent
pas » [NDLR: les villes sont distantes de 30 kms]
affirme Jean-Michel Desaunay. Avant d’ajouter : « Pour le journal, j’estime que l’avenir est aux
communautés de communes. Elles représentent
quelque chose pour les Mayennais, au contraire
des cantons. »
Que ce soit pour l’édition de Mayenne ou de
Laval, les actualités des communes se lisent en
forme d’escargot. « On part d’abord des grosses
villes du département et ensuite on fait le tour
des communautés de communes en s’éloignant
Jean-Michel Desaunay et sa rédaction
ont délaissé les cantons.
petit à petit », détaille le rédacteur en chef.
Après deux mois de mise en application,
cette nouvelle organisation n’a pas perturbé
les lecteurs. « Nous n’avons eu aucun retour
positif ou négatif. Alors que d’habitude, quand
quelque chose ne va pas, les gens sont prompts
à réagir. La transition s’est faite en douceur »,
se réjouit Jean-Michel Desaunay.
PIERRE VEILLÉ
« Nous avons donc
choisi les communautés.
Les nouveaux cantons
ne représentaient rien
pour les Mayennais ».
JEAN-MICHEL DESAUNAY
UNE RÉFORME QUI A CHAMBOULÉ LES HEBDOS ?
02
La sortie
ous avons pris la décision de changer le déroulé du journal avant les
élections départementales d’avril »,
raconte le patron de la rédaction.
Dès le mois de février, dans la
salle de conférence, journalistes et personnel
administratif échangeaient sur le nouveau sens
de lecture du journal. Sous le regard bienveillant des Unes de journaux vieilles de plusieurs
dizaines d’années accrochées aux murs. C’est ici
qu’une partie de la décision s’est faite. « Avant
la réforme, notre journal était organisé par canton. Cette dernière a fait passer en Mayenne le
nombre de cantons de 32 à 17. On ne pouvait
donc pas conserver cette configuration », détaille
le rédacteur en chef.
e
JUIN 2015
V
otée en mars 2015, la réforme territoriale remodèle en profondeur le paysage administratif français. Quid de la pagination des
journaux d’actualités locales ? Aux quatre coins de la France, la
situation est variable. « Ici on continue de mettre les infos en fonction
des villages et non des cantons », explique, avec son accent chantant,
Bruno Aufrère, directeur du Progrès de Saint-Affrique. « La réforme n’a
eu aucun impact sur le journal », conclu l’homme du Sud.
À Saint-Malo, au Pays Malouin, même son de cloche : « La réforme n’a
rien changé pour nous. Nous gardons l’organisation par canton même
si la réforme ne colle pas aux espaces de vie des habitants », explique
Samuel Sauneuf, rédacteur en chef.
Entre Valence et Avignon, à La Tribune de Montélimar, s’il n’y a pas eu
de changements majeurs une réflexion est en cours. « Le journal est organisé par bassin de vie. Auparavant, la pagination était par canton »,
explique Laure Ostwald, rédactrice en chef. Avant de poursuivre : « Un
des cadres du journal est venu me voir pour que l’on change la pagination de son édition. On ne peut pas faire édition par édition. Il faut une
P.V.
réflexion globale pour ne pas perturber nos lecteurs. »
PHRASES
51
JUIN 2015
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
MÉDIAS
La famille Anglument devant le château
d’Ilbarritz près de Biarritz.
À L’OUEST, FAMILLE DE PRESSE
D
eux régions, un giron : familial. Les Anglument ont
fait du Poitou-Charentes et du Limousin les berceaux
de leurs journaux. Au total, six hebdomadaires, tels
Info-éco ou Le Confolentais, gérés par deux groupes de presse : Edit France et Public Media. Roger Anglument a fondé le
premier en 1995. Le second, en 1998. Mais il ne s’est pas lancé
dans l’aventure en novice : « J’ai été journaliste dans la presse
havraise. Puis directeur départemental de L’Union de Reims,
avant d’être le rédacteur en chef de Centre Presse à Poitiers. »
De l’expérience, donc. Une famille aussi : derrière chaque
homme de presse, il y a une femme.
Ainsi, Martine Anglument possède des parts dans la société
de son mari, qu’elle accompagne depuis 1994. « Je connais mon
mari, et j’ai confiance en lui : le journalisme, c’est son métier. Il
en fait depuis longtemps, et il aime ça. » Cette enseignante en
lettres et arts plastiques a même pris une année sabbatique, en
1994, pour accompagner son mari repérer les lieux et mettre
en place Edit France. Ils ont donc quitté Merlieux-et-Fouquerolles en Picardie pour s’installer à Payré, dans la Vienne.
« Pour que l’affaire fonctionne, il fallait qu’il se sente bien dans
sa peau, et que le nid soit réuni. » Nid il y a, car petit il y eut.
Bastien Anglument est aujourdh’ui journaliste multimédia et
travaille comme secrétaire de rédaction au Journal de Civray.
« J’ai fait mon stage de 3e chez France 3, puis un autre en fin de
licence, chez Public Media. » Chez papa, Public Media donc.
Mais il n’a joui d’aucun traitement de faveur. « J’ai commencé
petit, avec le nettoyage et les étiquettes. Les responsabilités, je
les ai acquises peu à peu ! »
IMPRIMER
EN LIGNÉE :
HISTOIRES
DE FAMILLES
ET DE PRESSE
Jean-Michel Desaunay (à gauche), rédacteur en chef du Courrier
de la Mayenne, aux côtés de la famille de Guébriant.
EN MAYENNE, SUCCESSION ASSURÉE
S
i dans 15 ans, l’entreprise fonctionne encore, ce sera une véritable réussite professionnelle », explique Loïk de Guébriant à l’aube de la retraite. S’il est temps
pour lui de se mettre au vert, le nouveau propriétaire du Courrier de la Mayenne
ne devrait pas changer de nom. En effet, deux de ses fils ont depuis quelques années
repris le flambeau. Jean-Baptiste et Bertrand se sont investis dans l’entreprise familiale. L’un est responsable commercial, l’autre est contrôleur de gestion. Un cadeau
empoisonné ? Pas vraiment, selon le patriarche : « Ils ont de la chance de se lancer avec
une entreprise, à eux maintenant de la diversifier».
Pour l’instant, Loïk de Guébriant assure toujours un rôle de PDG, influe sur la ligne
éditoriale mais se défend de toute intrusion : « Je laisse les pleins pouvoirs à Jean-Michel
Desaunay, et découvre les articles après leur publication ». La transition est en marche.
Elle permet au Breton de se tourner vers une autre occupation : le tourisme, par le
biais du château de Craon. Encore un bien qui devrait rester dans le giron familial.
Modèle journalistique ?
Déjà journaliste
Petit, tu te voyais ?
Journaliste
à La
Montagne
Ondine Millot
Un souvenir ?
Le congrès à Arcachon
Boulette ?
Jamais
PHRASES
L’IMPARTIAL N’A QU’UNE FAMILLE
B
ienvenue chez toi, Simon ! » Voilà comment un journaliste de la rédaction a accueilli le jeune Simon Rouxel.
Au plus grand soulagement d’Anne Deval-Ostorero,
responsable de la publication, qui voit son neveu franchir
les portes de la rédaction : « Il fallait une continuité, elle est
assurée ». La maison reste donc dans la famille, une histoire
qui dure depuis plus de cent ans, soit la cinquième génération
qui s’engage dans L’Impartial de la Drôme.
Pour l’instant, Anne Deval-Ostorero reste solidement à la
tête de la rédaction, elle compte lâcher les rênes petit à petit
mais « souhaite garder un rôle de consultante ». Ce sera au
tour de Simon Rouxel de prendre les décisions, et ce pour
une quinzaine de salariés. Conscient de sa jeunesse, il sait
d’ores et déjà qu’il lui reste un certain nombre de choses à
apprendre : « C’est grâce au savoir-faire des différents salariés
que je me ferai respecter dans le milieu professionnel ».
UNE « PRESSE » QU’ ÎLE FAMILIALE
Intervenant
marquant ?
Alain
Puiseux
Actu marquante
quand tu étais à l’ESJ ?
La Coupe du monde 98
Lieu favori
à L’écoLe ?
machine à café
52
Surnom ?
Nico
41 ans
Petit à petit, les grands
groupes de presse
font leurs nids en
régions. Publihebdos
à l’ouest, Ebra à l’est,
Sud-Ouest en son fief,
La Voix préserve ses
terres du Nord, quand
Hersant parsème tout
le territoire. Du reste,
d’autres, plus petits,
gèrent leurs canards
en famille.
Simon Rouxel et Anne Deval-Ostorero.
ILS ONT FAIT LA PHR
Nicolas
Faucon
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
03
N
ul homme n’est une île. » Mais pourquoi pas une famille ?
Comme celle de Thierry Verret, qui a racheté, en 2000, Le
Phare de Ré, l’hebdomadaire local. L’homme de presse, actuel
directeur de publication du groupe Sophia (La Recherche et L’Histoire),
a également repris Le Littoral en 2011. Le temps de lui faire remonter
la pente et d’en confier les rênes à sa fille, Bertille Schmidt. Celle-ci
quitte alors Paris et cède à l’appel du large (et du tirage) pour s’installer
à La Rochelle avec son mari. Elle est désormais directrice générale,
tandis que lui s’occupe de la partie commerciale. L’air iodé n’a en
rien érodé son enthousiasme : « Je suis ingénieur de formation, mais
je fais ça avec passion. Et mon père me fait entièrement confiance ».
D’un sourire espiègle, elle précise : « Il valait mieux, car j’ai toujours
été une fille indépendante ». Une indépendance qui a gagné chaque
étage du Phare, puisque le journal n’a plus de rédacteur en chef
depuis 2010. Et s’en porte très bien. « Soit ils avaient le melon, soit ils
étaient trop engagés politiquement. » Pour autant, les journalistes ne
sont pas inféodés à la politique locale : « On ne doit pas leur cirer les
pompes, mais il faut bien vivre ensemble », fait valoir la Rochelaise.
« Nous devons avant tout faire notre travail en bonne intelligence. »
En quinze ans, Le Phare de Ré est devenu rentable et Le Littoral tire
à 7000 exemplaires. Mais le chemin parcouru pour en arriver là n’a
pas été une sinécure. « Avant notre arrivée, le journal était imprimé
en noir et blanc. » Mais ça, c’était avant. Désormais, pour attirer ses
lecteurs, Le Phare émet en couleur.
Hélène Payras
et Paul Didier.
L’OPINION INDÉPENDANTE :
SAGA FAMILIALE…ET TOULOUSAINE
O
n ne choisit pas sa famille », se lamentent certains moutons
noirs. D’autres, par contre, choisissent leur journal. Comme
L’Opinion Indépendante, à Toulouse. Un titre que Hélène
Payras, l’actuelle rédactrice en chef, a racheté avec son ex-mari en
1987. Elle se souvient : « Le journal allait disparaître. On a développé
le contenu rédactionnel. C’est désormais le leader en matière d’annonces
légales en Haute-Garonne ».
Si ces annonces sont une manne financière non négligeable, elles ne
suffisent pas à constituer un journal. Car pour bénéficier du régime
fiscal propre à la presse d’information politique et générale, il faut
des articles, des chroniques… Bref, des journalistes. « Nous avons
créé une page culturelle et une page politique. »
Pour cela, rien de tel qu’un journaliste écrivain, Christian Authier,
lauréat d’un prix Renaudot en 2008. Une plume au service d’une ligne
éditoriale libre. « Nous nous permettons d’attaquer tous les bords »,
affirme Mme Payras. Paul Didier, associé et fils de madame, acquiesce
d’un hochement de tête. Mais si l’union fait la force, chacun respecte
néanmoins l’indépendance d’autrui : « Je m’occupe de l’administratif
et Paul du développement web. Il ne faut pas de direction bicéphale » ,
détaille Hélène. Ce qui n’empêche pas la famille d’être attaché à son
canard : « Nous avons envie de le transmettre. Nous avons beaucoup
d’affection pour ce journal. Eh, nous sommes tous Toulousains ! Et puis
ce n’est pas n’importe quel bien, c’est un produit intellectuel. »
e
JUIN 2015
PAR PIERRE JULIENNE ET ARTHUR CONANEC
Bertille Schmidt et Thierry Verret.
PHRASES
53
JUIN 2015
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
SUR LE WEB
LA PHR FAIT PEAU NEUVE SUR LE NUMÉRIQUE
Le constat est indéniable : le support numérique prend de plus en plus de place dans l’offre
d’information. 38 % des lecteurs possèdent une tablette et 53 % un smartphone. Alors pas
question d’être à la traîne ! Voici quelques nouveautés qui méritent un coup d’œil.
1
PAR LUCILE RICHARD
GRAND ZOOM SUR L’ACTU
L’Echo de l’Ile-de-France nous en met plein les yeux dès
l’arrivée sur son site. Complètement relooké depuis mars
dernier, le journal est passé d’une version 1 à une version
4 : le grand écart ! Et c’est plutôt réussi. Très moderne, ce
site est le dernier né du groupe Sogémédia. Il n’est certes
pas encore terminé, mais visuellement il est percutant. Le
dernier article mis en ligne s’affiche automatiquement en
Une. Le journal, qui couvre trois départements, a voulu un
site classe et moderne.
Il y a une meilleure identification des lieux avec la présence
des numéros des départements, donc plus de visibilité pour
les internautes. Ne manquent plus que les widgets tels que
la météo, la plate forme d’annonces légales et un moteur
de recherche de formation professionnelle (nationale) qui
ne sauraient tarder.
www.echoidf.fr
LE VOTE
DU PUBLIC
sera toujours présent, la barre de vote, mise en
place début 2015. Ainsi, les internautes pourront
toujours donner leur avis à la fin des articles mis
en ligne. Il leur suffira juste de répondre à la question : « Quelle est votre réaction ? » en cliquant soit
Journaliste
à La Voix
du Nord
PHRASES
Petite, tu te voyais ?
37 ans
Géographe ou Haroun
Tazieff. J’adorais
les volcans.
Gaëlle
Caron
Boulette ?
Prendre une
photo en cour
d’assises
Actu marquante
quand tu étais à l’ESJ ?
54
marquant ?
Frédéric
Baillot
Un souvenir ?
Le voyage à Chambéry
La coupe du monde de
football en France
ET EN PRESSE NATIONALE ?
www.lobservateurducambresis.fr
Modèle journalistique ? Intervenant
Serge July
www.memorialdelisere.fr
sur « enthousiaste », « amusé(e) », « indifférent »,
« triste » ou « en colère ». Une idée plutôt chouette
qui permet à chacun de s’exprimer en dehors des
commentaires.
Lieu favori
à L’écoLe ?
La cour
Surnom ?
Nono
ILS ONT FAIT LA PHR
Le Mémorial de l’Isère a lancé le 19 mai dernier son
nouveau site baptisé « mémolive » et s’est offert une cure
de jouvence. Anciennement chez Oyez, c’est maintenant
la News Company qui l’héberge. Il est désormais plus
épuré, plus moderne et plus « punchy ». Le journal a
choisi de supprimer et de rajouter certains widgets,
dont ce réservoir d’infos. Il propose aux internautes
les actus locales et nationales et des informations
internationales ! Depuis le 1er juin, l’AFP propose au
journal dix à quinze dépêches par jour pour alimenter
le flux d’infos mondiales. Les journalistes se chargent
de choisir quelles informations mettre en ligne. De ce
fait, le lecteur a toutes les infos sur un plateau. Pourquoi
aller voir ailleurs ?
LA MATINALE DU MONDE : LE FORMAT INNOVANT
2
Les sites du groupe Sogémedia vont connaître
un nouveau changement d’ici quelques semaines.
Ils seront tous calqués sur le modèle des sites
du Courrier d’Hirson et de La Thiérache. Résultat : des sites plus fonctionnels. Mais un widget
3
DE L’INFO
EN DIRECT
04
e
JUIN 2015
D
epuis début mai 2015, le Monde a lancé
une nouvelle application : La Matinale.
Quasi révolutionnaire, elle permet au
journal du soir de créer un rendez-vous avec
ses lecteurs, le matin.
Emmanuelle Chevallereau, responsable éditoriale,
PHRASES
explique : « Ce que l’on a voulu, c’est avoir un objet
fini, et pas un objet de flux. La Matinale délivre
l’équivalent d’un journal chaque matin dès 7h. Et
il n’y a pas de réactualisation. »
Le but est de présenter l’actualité d’une manière
plus ludique, « un peu à la manière de Tinder »,
55
plaisante Emmanuelle Chevallereau. Le lecteur
gagne ainsi du temps : « L’application permet
d’être bien informé sans avoir besoin de trier soimême les articles dans la masse d’informations »,
poursuit la responsable éditoriale. Avec un nombre
d’articles limité, seul l’essentiel de l’information
est proposé. Pas forcément besoin d’être abonné,
quelques articles sont disponibles gratuitement.
L’équipe n’est composée que de sept personnes,
dont trois pour l’édition et une rédactrice de nuit
basée à Washington. « Le travail rédactionnel est
fait par toute la rédaction : on prend des articles
des Décodeurs, du journal, du magazine et du web.
Mais on a aussi des productions exclusives pour
l’application », annonce Emmanuelle Chevallereau.
Le succès est au rendez-vous, les retours sont
excellents : « Le 25 mai nous étions déjà à 160 000
téléchargements », indique-t-elle.
Transposer ce modèle à la presse hebdomadaire
régionale, est-ce envisageable ? « Le champ des
possibles est large. Il faut voir les tranches d’âges
des lecteurs, et leurs usages. » Les lecteurs et
leurs usages, c’est bien à cela qu’il faut prêter
attention aujourd’hui.
« La presse est en perpétuelle recherche de transformation. Le modèle papier n’est plus viable alors
on s’adapte aux lecteurs », conclut Emmanuelle
Chevallereau.
NINA DWORIANYN
JUIN 2015
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
CONGRÈS
Dernier repas, un axoa dans la joie.
À BIARRITZ, LA PHR S’AMUSE
Réunis en congrès les 28 et 29 Juin 2015, les participants
ont lié l’utile à l’agréable. Deux jours rythmés par des
ateliers et des spécialités basques.
Entre deux ateliers, avant la montée des marches.
À la Cité de l’Océan, Bruno Hocquart de Turtot
et Vincent David (à droite) comme des poissons
dans l’eau (et les bulles).
PHRASES
Buffet servi,
tous à table !
56
JUIN 2015
PHRASES
Arcangues... Comme un air de Rolland Garros.
57
JUIN 2015
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
PRÉSIDENCE SPHR
CHANGEMENT : VINCENT DAVID REMPLACE ÉRIC LEJEUNE À LA BARRE DU SPHR
Après six ans à la présidence du Syndicat de la Presse Hebdomadaire Régionale (SPHR),
ERIC LEJEUNE, L’APPEL DU LARGE
O
SI ÉRIC LEJEUNE ÉTAIT....
- une ville : Londres
- un acteur : Anthony Hopkins
- une chanson : Riders on the Storm (The Doors)
- un objet : le couteau Laguiole (gravé à mon nom offert par un ami
éditeur pour mon départ)
- un sportif célèbre : Sugar Ray Léonard
- un livre : Le Chardonneret de Donna Tartt
- un animal : l’écureuil de la Caisse d’Épargne
- un héros : Spiderman
Directeur
adjoint
de France
bleu, en
charge du
numérique
PHRASES
Vivement l’avenir
Féminisation des équipes, réglementation
des annonces légales, mise en place du jeu
Le mois des hebdos, passage au numérique...
La liste de projets marquants est longue.
Mais Éric Lejeune retient bien plus : « La
présidence c’est beaucoup de rencontres et
de souvenirs impérissables ». Comme le
congrès européen de la presse hebdomadaire
régionale à Mulhouse, sa rencontre avec
Frédéric Mitterrand, les participations au
prix littéraire... Les souvenirs sont nombreux
mais l’ancien président ne regrette rien: « Ce
n’est pas dans ma nature d’avoir des regrets »,
précise-t-il. Aujourd’hui, le père de famille
compte se consacrer à des projets « plus personnels ». Sans pour autant perdre de vue le
SPHR. « Cette famille de presse fait partie de
mes passions. J’aurai toujours la même envie
dans dix ans... »
ALICE DOUCHET
- un journal : La Presse de Vesoul, évidemment !
- une citation : « C’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses »
- un journaliste : David Carr
- un plat : la cancoillotte chaude
Expression phare
de ta promo ?
“ Ça se règlera
autour du baby ”
Actu marquante
quand tu étais à l’ESJ ?
La tempête de 99
58
L
e congrès s’est passé à merveille » se réjouit
Vincent David, « avec des grands hauts
et quelques petits bas ». Le directeur des
éditions du groupe PMSO élu lors de
l’ouverture du congrès a notamment
apprécié la qualité des intervenants. « La prestation
de Cécile Dupont (directrice de La gazette ariégeoise)
m’a impressionné. C’est le type de personnalité qui
incarne l’avenir de la PHR. »
Une presse dont il connaît les difficultés, « dans
l’ensemble nos ventes baissent, même si nous résistons mieux que la PQR ». Maigre consolation. Afin
d’enrayer le phénomène et donner un nouvel élan
à la presse locale, le nouveau président souhaite
« une intégration intelligente du numérique au sein
des rédactions ».
« Je suis un optimiste
de nature. »
VIVENT DAVID
C’est un des chantiers qui attendent le nouvel
homme fort du syndicat. D’ailleurs ses premières
semaines en tant que président sont bien remplies.
Congrès de la presse agricole, renégociations
des tarifs postaux pour la presse et de multiples
rendez-vous dont les vingt ans de la filière PHR à
L’ESJ-Lille. Mais à court terme, le remplacement
de William Captier est une de ses préoccupations
majeures. L’emblématique président de la commission sociale du syndicat part en retraite après
trente-deux ans de bons et loyaux services. « C’est
Santé !
un job à plein temps, qui nécessite des connaissances les ardeurs des jeunes talents. « C’est vrai, il y a
juridiques et des qualités de négociateurs hors pair. » une fuite des cerveaux vers les presses plus rémunéMais pour le moment, « nous n’avons personne ». ratrices. » S’il souhaite se rapprocher des salaires
Il s’agit pourtant d’un un poste clé, puisque
Légende
pratiqués en PQR, le néo-président ne fait pas
en septembre s’ouvriront les négociations sur la de mystère : « Ce ne sera jamais le cas, nous ne
revalorisation de la grille salariale des journalistes. sommes pas sur le même modèle économique ».
« Je suis un optimiste de nature, mais je suis scep- N’en déplaise aux anciens de la filière PHR qui
tique quant à l’issue de ces discussions. » Vincent l’ont chambré sur le sujet, lors de son discours
David craint que les négociations trainent pour, pour les 20 ans de la filière.
au bout du compte, s’achever sur un statu quo. Il
Mais Vincent David compte sur la jeune géy a quinze ans une offre était sur la table, « rien de nération née avec le web. « À eux de dépoussiérer
mirobolant », mais les syndicats l’avaient refusée. l’image parfois vieillotte de la presse locale et de
Pourtant, Vincent David en a conscience, les renforcer son lien avec la modernité. »
faibles salaires de la presse locale peuvent freiner
ARTHUR ASQUIN
ILS ONT FAIT LA PHR
Modèle journalistique ?
Norman Mailer
Journaliste
38 ans
d’énergie, mais l’ex-président ne regrette rien
« Ces années m’ont permis d’évoluer. Une telle
fonction change forcément un homme ».
Intervenant
marquant ?
JeanPierre de
Kerraoul
Lieu favori
à L’écoLe ?
Surnom ?
Ils n’ont jamais
osé me le dire
Erwann
Gaucher
Petit tu te voyais ?
ILS ONT FAIT LA PHR
VINCENT DAVID, MAÎTRE À BORD
BaBYfooT
Bertrand
Prevost
05
e
JUIN 2015
39 ans
Journaliste
à
La Dépêche
de Tahiti
PHRASES
Expression de
ta promo ?
« Pika Pika ». La
chanson d’un groupe
de rock de l’ESJ
Leçon de surf à Biarritz
n se sent plus léger ! » Ultime
réunion du bureau du SPHR
lors du 42e congrès à Biarritz
pour Éric Lejeune, l’ancien
président, tire sa révérence.
« Je laisse place à la nouvelle équipe pleine
d’entrain » confie-t-il. Pour le directeur
de presse, c’est la fin d’une belle aventure,
mais il ne compte pas quitter le syndicat.
« J’ai eu un véritable coup de cœur pour la
profession il y a bientôt trente ans. Je serai
membre jusqu’à la fin de ma carrière ».
Le « coup de cœur » a eu lieu dans les
années 80. Éric Lejeune, pur autodidacte,
commence à travailler en PHR et rejoint
le syndicat en 1989. Vingt ans plus tard,
il en prend les rênes. Plus qu’un poste de
président, c’était pour lui une manière de
renvoyer l’ascenseur, « C’est avec eux que
j’ai appris mon métier parce qu’il n’y a pas
d’école de directeur en PHR ». Sa nomination était un symbole fort à ses yeux : « la
reconnaissance de ses pairs ». Les deux
mandats qu’il a effectué durant six ans
lui ont demandé beaucoup de temps et
Éric Lejeune a passé la main à Vincent David en marge du 42e congrès, à Biarritz.
Modèle journalistique ?
Un genre :
le portrait.
Boulette ?
Foirer
la Une du
PHRases…
La saLLe Pao
Intervenant
marquant ?
Yves
Sécher
Actu marquante
quand tu étais à l’ESJ ?
Le passage du XXe
au XXIe siècle
59
Lieu favori
à L’écoLe ?
Un souvenir ?
06
L’interview de
Max Romeo
Petit, tu te voyais ?
Pirate, j’adorais
Albator !
e
JUIN 2015
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
PATRIMOINE
LA PHR DÉLIE TOUTES LES LANGUES
PICARDIE
Picard, basque, breton ou alsacien, la presse hebdomadaire n’oublie ses origines.
Petit tour d’horizon de canards qui explorent le patrimoine linguistique des régions.
JEAN-MARIE FRANÇOIS,
CONTEUR D’SIN COIN
J
BRETAGNE
’ai arrêté la pêche pour le picard », plaisante Jean-Marie
François. Pour sûr, le sexagénaire est un passionné. Depuis
maintenant treize ans, sa chronique Histoire en picard ouvre
Le Journal d’Abbeville, dans la rubrique Min coin. « Chés diries
à Jean-Marie, Jean-Marie ch’est mi : Diseu, Berdleu, Cratcheu,
Conteu, pi... un molé minteu! * »
Des contes à rires, des légendes, des histoires inspirées du patrimoine local. « Les gens du coin ne connaissent pas toujours l’histoire
de leur région », précise Jean-Marie François. Le spécialiste du
parler picard souligne l’attachement des lecteurs pour ces rubriques
régionales : « J’ai appris qu’un abonné découpait chaque semaine
mes histoires pour les envoyer à un membre de sa famille expatrié
dans une autre région ». Que l’on soit bilingue picard-français ou
non, un petit dictionnaire de traduction permet le décodage de
ces papiers écrits dans la langue romane.
YA ! DEIZ HA BLOAZ LAOUEN DEOCH*
L
’hebdomadaire breton fête ses
dix ans et n’a pas sa langue dans
sa poche. Inspiré de la Setmana,
un journal occitan, Ya a gardé la
même structure qu’à ses débuts.
Yann Fanch Jacq, le fondateur, accompagne
toujours Gwennolé Pavec, le seul journaliste. « C’est du bénévolat, il fait ça en plus
de son travail à l’école Diwan** », raconte
le rédacteur. Du pain béni pour les 1300
abonnés du canard à qui la langue est tirée !
Un engagement sans couleur politique car
ici seul le gwen ha du*** compte.
« C’est quand on quitte le pays qu’on
prend conscience de ce qui importe réellement », théorise Yann Fanch. Un voyage
qui aurait du être réalisé par de nombreuses
autees personnes. Pourtant, à 61 ans, il ne
veut plus perdre son temps à convaincre
les bretonnants à lire en breton. Toutefois
il reconnaît qu’ « un nouveau lecteur ne se
“ trouve pas sous le sabot d’un cheval ” ».
ARTHUR CONANEC
* Bon anniversaire à toi
** école bilingue
*** blanc et noir : drapeau breton
Gwennolé Pavec, rédacteur en chef
ANNE LEBURGUE
*Les histoires de Jean-Marie, Jean-Marie c’est moi : raconteur (diseur), beau
parleur, embobineur, conteur, et... un tout petit peu menteur!
PYRÉNÉES ATLANTIQUES
HERRIA, UN JOURNAL QUI COLLE AUX BASQUES
I
l y a en France entre soixante et
soixante-dix mille locuteurs basques.
Notre journal a sa base et donc son
lectorat », explique Peio Jorajuria,
rédacteur en chef du journal. Si
Herria ne compte que deux salariés, la
rédaction bayonnaise s’appuie sur une
cinquantaine de bénévoles. « Nous avons
une quarantaine de correspondants qui
parcourrent le Pays Basque des deux côtés
de la frontière. »
Le journal traite de l’actualité locale
mais n’exclue pas l’actualité nationale
quand elle peut être abordée par le prisme
basque. Un seul objectif : « défendre la
culture basque et sa langue ». L’hebdomadaire a fêté l’an dernier ses 70 ans et est
aujourd’hui le plus vieux journal basque.
Si l’hebdomadaire a tiré jusqu’à 10 000
exemplaires dans les années 60, aujourd’hui
il fonctionne essentiellement par le biais
d’abonnements. Le journal n’est proposé
ALSACE
qu’à 180 exemplaires par semaine dans
quelques kiosques. En revanche il compte
plus de 1 000 abonnés et certains reçoivent
leurs numéros outre-atlantique. « Pour
nous, c’est un gage de sécurité. Nous avons
un prévisionnel sur nos revenus et nos
dépenses. On cherche de nouveaux lecteurs
par des opérations de communication. Notamment en le distribuant gratuitement dans
des villages ou dans des écoles bilingues. »
ARTHUR CONANEC
37 ans
PHRASES
Modèle journalistique ?
Florence Aubenas
Boulette ?
Se battre
avec un mec
de la promo
Lieu favori
à L’écoLe ?
Intervenant
marquant ?
Un tête à queue en voiture,
Laurent Brunel conduisait
Frédéric
Baillot
Actu marquante
quand tu étais à l’ESJ ?
une pièce avec Le Pen au 2e tour
des gros poufs
60
Un souvenir ?
07
Surnom ?
L’absent.
Je sortais
beaucoup
et seul
Journaliste
chargé du
multimédia
à Voix de
l’Ain
Petit, tu te voyais ?
Étienne
Grosjean
Garde-pêche ou avocat
ILS ONT FAIT LA PHR
e
JUIN 2015
E
L’AMI HEBDO :
LE ZITUNG DE L’EST*
n Alsace, un journal né il y a plus d’un siècle, n’a jamais délaissé son
identité. Très attachés à leur dialecte local, les Alsaciens
savent qu’en lisant L’Ami Hebdo, ils pourront y trouver leur
compte. « Depuis 1960, le journal comprend des rubriques en
français et en allemand, explique Bernard Deck, directeur de la
publication. Puis en 1980, il y a eu un regain pour la langue régionale. Nous avons donc introduit, en plus de l’allemand, une partie
dialectale à notre journal. »
Avec 600 000 locuteurs du dialecte alsacien, le journal ne peut (et ne
veut) se passer de ces rubriques : « Au niveau du service des abonnements, il arrive souvent que des vieilles personnes ne s’adressent à la
rédaction qu’en alsacien ! »
Même si six journalistes sur sept sont originaires de la région, le journal
fait appel à une aide extérieure : « Nous n’écrivons pas les articles en
alsacien et en allemand. Ce sont des collaborateurs qui le font pour nous.
Les rubriques en alsacien représentent actuellement 3 % de la pagination et
celles en allemand, 5 % ». Les lecteurs peuvent, par exemple, trouver le programme TV en allemand ou des rubriques, écrites en alsacien, sur des thèmes
que les lecteurs connaissent déjà comme le baccalauréat, le printemps… Une
manière ludique qui permet de découvrir ou de redécouvrir la langue tout en
s’informant.
*Le journal de l’Est
PHRASES
LUCILE RICHARD
61
JUIN 2015
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
ÉCONOMIE
MAIS QUI EST DONC PUBLIHEBDOS ?
de Publihebdos
de Publihebdos
Publihebdos est aujourd’hui le groupe qui rassemble le plus de journaux de PHR en France.
En 2014, il a racheté les hebdomadaires du groupe SEPR. Francis Gaunand, président du
directoire, donne quelques clés sur l’entreprise.
Deux stratégies
« Nous voulons développer les hebdomadaires qui sont dans le groupe : en print et en
numérique. D’une part, nous voulons renforcer
le leadership en local avec les marques de nos
journaux. C’est le cas par exemple pour Le
Trégor et Le Pays Malouin. Ça nous permet
d’asseoir notre position avec le numérique et
d’avoir un complément de revenu permettant
d’aider le modèle économique qui est chahuté
en ce moment.
D’autre part, nous voulons informer le plus
grand monde avec un autre modèle. C’est le
cas avec Normandie actu ou le petit dernier
Côté Toulouse. Il y a des équipes spécifiques,
même si elles peuvent bénéficier de l’appui des
journaux papiers. »
Francis Gaunand,
président
du directoire
de Publihebdos.
AU REVOIR INDESIGN, SCP…
BONJOUR V3+ !
Le groupe équipe ses titres d’un nouveau logiciel de montage.
En 2015, Publihebdos, ce sont :
En 2015, Publihebdos, ce sont78
: hebdomadaires payants
78 hebdomadaires payants
15 journaux gratuits
15 journaux gratuits
Des rachats à venir?
« Nous sommes de plus en plus vigilants et très sélectifs. Il faut que ça ait du sens en
matière de territoire et de développement, que les journaux puissent compléter un dispositif ou répondre à une stratégie de développement, qu’ils ne soient pas trop chers et
qu’on puisse vite rentabiliser l’achat, qu’ils ne soient pas trop dépendants des annonces
FRANCIS GAUNAND
légales et de la publicité. »
RACHAT
CROIX DU NORD, C’EST (PRESQUE) FAIT
PHRASES
62
rédaction de l’hebdomadaire chrétien. Outre
l’arrivée d’une éditrice (Bénédicte De Chivré),
et le départ de deux journalistes (dont le rédacteur en chef), l’organisation devrait rester
inchangée. « Nous étions déjà passés sur
InDesign avant le rachat, et étions déjà sur
les réseaux sociaux. Les quelques modifications restantes seront sans doute sur le site
web, avec une interface plus simple, propre
au groupe Publihebdos », résume Thomas
RÉMY EYLETTENS
Levivier.
JUIN 2015
37 ans
Journaliste
à
Sud-Ouest
PHRASES
La fermeture du camp de
migrants à Sangatte
lèle de gratuits, Publihebdos n’a pas hésité à
se lancer dans le rachat de SEPR. « Pour Croix
du Nord, c’est différent, concède Thomas
Levivier. Mais pour des titres comme Voix
du Jura ou Voix du Midi qui appartiennent
également à SEPR, le groupe porte un fort
intérêt. Au-delà des gratuits, pour les titres
rachetés comme Croix du Nord, c’est surtout
une pérennité qui est assurée. »
Par ailleurs, les changements engendrés par
le rachat ne devraient pas bouleverser la
Séverine
Guillemet
Actu marquante
quand tu étais à l’ESJ ?
F
in octobre 2014, le groupe Publihebdos
s’implique dans le rachat de la Société
d’Édition de la Presse Régionale (SEPR),
à laquelle appartient Croix du Nord. Depuis,
le mastodonte possède une participation majoritaire à 70 %. « Pour les 30 % restants, c’est
toujours en attente. Cela devrait se faire bientôt, du moins c’est en cours », précise Thomas
Levivier, rédacteur en chef de l’hebdomadaire
chrétien lillois.
Très impliqué dans le développement paral-
ILS ONT FAIT LA PHR
Aurore Ymonnet, Le Républicain Sud-Gironde:
« Le passage d’InDesign à la V3 a été plus simple que ce que j’imaginais.
Le logiciel a des avantages comme la simplicité des cartons, le système
“ tétris ” de la mise en page où tu dois imbriquer tes blocs de façon
homogène. Par ailleurs, InDesign permettait une plus grande liberté, tu
pouvais vraiment prendre en main tes pages, ce que la V3 limite un peu
plus je trouve. C’est valable surtout quand on fait la Une et le dossier. »
Francis Gaunand, président du directoire de Publihebdos:
« C’est un système éditorial plus élaboré, plus performant que celui que
nous avions auparavant. Il permet la publication sur le web. Je pense
qu’il a plus d’avenir. Il est beaucoup plus adapté aux utilisateurs que
sont les journalistes. »
DONNÉES ET PROPOS RECUEILLIS PAR NINA
DWORIANYN, AMÉLIE BOUCLET ET ANNE
LEBURGUE
Modèle journalistique ?
Raphaëlle
Bacqué
Intervenant
marquant ?
Frédéric
Baillot
Un souvenir ?
Un reportage dans un gallodrome
Petite, tu te voyais...
Boulette ?
Un sujet
Lire ou danser, mais pas
bidonné...
travailler !
63
08
e
JUIN 2015
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
JEUNES JOURNALISTES
COMMENT PEUVENT-ILS SERVIR LES HEBDOS ?
INITIATIVES ET PARTAGE
JULIEN VEYRE, 29 ANS
Avec l’arrivée du numérique, les jeunes journalistes sont attendus de pied ferme dans les
rédactions pour apporter des idées fraîches. Et leur présence devient un enjeu primordial
pour les éditeurs de presse locale.
Journaliste sportif à Voix de l’Ain
À la sortie de l’école, les jeunes journalistes ont été formés à proposer des sujets, et surtout à prendre des initiatives. Pour ma part, à
Voix de l’Ain, j’ai très vite eu la responsabilité des pages Sports. J’ai
aussi travaillé à la création du Mensuel Rugby et son application pour
smartphones.
Les jeunes comme les plus vieux ne sont pas indispensables à une
rédaction, mais savoir créer ce melting pot peut permettre de canaliser des ardeurs ou de bénéficier d’expériences de chacun. Au final,
créer une rédaction hétérogène permet d’apprendre en permanence
et de nourrir le débat.
LE RÉFLEXE NUMÉRIQUE
ANTOINE BAYET, 30 ANS
Directeur de l’information numérique, délégué
aux nouveaux médias, chez France Info
Il y a des temps et des formats différents. Le jeune journaliste apporte son expérience de rapidité dans l’écriture
d’articles factuels.
Il sait également comment réagir, quels réflexes avoir, et
comment préparer l’information en amont.
Les nouveaux outils font également partie de son savoir,
pour gagner un temps primordial dans la conception
d’infographies, d’histogrammes, de cartes interactives, etc.
Il sait aussi débattre des pratiques du web. C’est un
consommateur d’information numérique qui saura accrocher de nouveaux lecteurs. Le web est l’affaire de
tous, et avoir quelqu’un de neuf peut aider.
Même à l’heure du virage numérique, le papier demeure, doit demeurer, au premier plan. Il faut lui
laisser une place primordiale et
réussir à le développer. Le jeune
journaliste peut apporter ce renouveau. Avec l’expérience des
anciens, il peut travailler à varier
les traitements de l’information.
Faire un top 5 des anecdotes de
la fête du village, c’est bien mieux
que de faire un compte-rendu de
celle-ci.
On peut également intéresser des
lecteurs à des sujets qui, de prime
abord, ne les séduiraient pas. Par
exemple, on peut insérer du local (personnalités, gastronomie,
etc.) dans un portrait de sport, et
le sujet touchera un plus grand
nombre de lecteurs.
Le jeune journaliste doit jouer
là-dessus.
©Christophe Abramowitz / Radio France
LE REGARD CURIEUX
PLANA RADENOVIC, 29 ANS
PHRASES
64
35 ans
Pdg de
N’ayons
pas peur
des mots
JUIN 2015
PHRASES
L’actu marquante ?
Ne pas être un vieux briscard, ne pas avoir vu une kyrielle
de choses glauques et morbides, tout cela peut permettre
au jeune arrivant d’exprimer une vision novatrice et curieuse
des évènements. Il y a un éternel étonnement, encore plus
dans la fraîcheur des débuts.
L’autre avantage de cet œil neuf est la simplicité qui peut
être apportée dans l’écriture. Les papiers peuvent, de fait,
être plus accessibles auprès de personnes qui ne suivent
pas forcément certains faits précis.
Lille 2004, la naissance des
maisons folie
Geoffrey
Sébille
JASON ESNAULT, 24 ANS
Journaliste au Journal d’Ici
Modèle journalistique ? Intervenant
Thomas VDB
Boulette ?
Ne jamais
avoir demandé
une carte de
presse
Petit tu te voyais ?
Batteur de Queen
65
marquant ?
Fred
Baillot
Un souvenir ?
Un premier emploi
qui a mal tourné
Lieu favori
à L’écoLe ?
L’amphi
Surnom ?
Geoff
ILS ONT FAIT LA PHR
Fait-diversière à La Voix du Nord
RENOUVELER LE PAPIER
09
e
JUIN 2015
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
ATTENTATS CONTRE CHARLIE HEBDO
PRISE D’OTAGE
À DAMMARTIN-EN-GOËLE :
LE JOURNAL LA MARNE
SUR LE COUP
UN COUP D’ŒIL SUR LE TRAVAIL DES JOURNALISTES
À gauche et à droite, deux des pages
spéciales du journal consacrées aux
évènements.
À gauche, la page contenant l’interview
du maire de Dammartin-en-Goële, encerclée par des articles traitant sur le
lendemain, Le jour d’après, avec un
ton plus léger. Enfin, un témoignage
d’un artiste de la région revenant sur
la disparition de Wolinski.
Vendredi 9 janvier : la journée vient à peine de
commencer quand les médias relayent l’info : les
frères Kouachi sont localisés et retranchés dans
une imprimerie à Dammartin-en-Goële, le secteur
du journal La Marne.
À droite, une page photos sur le rassemblement à Dammartin-en-Goële.
10 000 personnes ont défilé pour la
liberté d’expression. Impossible pour
le journal de mettre toutes les photos...
Les deux pages sur le déroulé de la
prise d’otages.
Heure par heure, les journalistes ont
retraçé tous les évènements vécus
sur place. La deuxième prise d’otages
dans une épicerie casher à Vincennes
est également présente dans le résumé. Des photos, des témoignages de
gendarmes ainsi que du gérant de
l’imprimerie viennent compléter cette
première page.
L’accès à Dammartin-en-Goële
était bloqué par le GIGN et la
gendarmerie.
PHRASES
La rédaction sort dix pages spéciales
sur la prise d’otage. Indispensable pour
Carine Thomas : « C’était un rappel des
faits parisiens, des faits dammartinois,
les hommages des villes du Nord de la
région 77. Nous avons aussi évoqué la
mort de l’une des victimes de Charlie
Hebdo, la première, qui était du Sud du
77. » Une double page sur le déroulé de
l’opération aussi. « On voulait rendre les
choses vivantes en faisant un déroulé des
évènements, minute par minute, dans un
encadré. » Les vagues de solidarité ont
66
maire de Dammartin-en-Goële aussi,
ainsi que le témoignage d’un employé
d’une entreprise située juste à côté. Les
autres journalistes sur place, Pascal et
Arnaud, ont traité les évènements avec
un angle plus décalé : « Arnaud, par
exemple, est resté comme nous jusqu’à
l’assaut. Il était au plus près et a raconté
l’assaut façon « Testé pour vous ». Une
journée éprouvante, forte en émotions
et en souvenirs : « Ce qui montre aussi
que ce n’était pas une journée comme
les autres, c’est que j’ai été contacté par
une radio italienne pour témoigner des
évènements en direct ! », s’étonne Gurvan. « J’ai expliqué que je ne parlais pas
italien, mais ils voulaient absolument
un journaliste local sur place. Alors j’ai
expliqué ce que je savais en français
pendant dix minutes et une traduction a
ILS ONT FAIT LA PHR
Delphine
Decourcelle
35 ans
Journaliste
au
Républicain
été faite en direct. » La PHR, toujours au
plus près de l’info.
LUCILE RICHARD
JUIN 2015
PHRASES
La Voix du Nord
Actualité particulière,
édition particulière
Sur la seconde page, la fin de la prise
d’otage est racontée. Le mini portrait
de l’adolescent accro à Twitter y figure
également, une sorte d’immersion
dans l’assaut d’Arnaud Dewaste vient
terminer cette double page.
aussi trouvé une place dans l’édition du
mercredi 14 janvier. L’interview du
Intervenant
marquant ?
Hervé
Leroy
Un souvenir ?
Boulette ?
Revenu sans
aucun son d’un
reportage radio
à l’île d’Oléron
Surnom ?
Doune
Images et
pdf de la
double page
© La Marne
les communiqués de presse. Mais Gurvan
et ses collègues s’activent. « Nous voulions
prendre des photos et surtout recueillir des
témoignages d’habitants, nous avons pu
bouger. J’ai suivi un jeune de 17 ans pendant une heure qui prenait ça à la légère, il
tweetait régulièrement sur les évènements
et il était contacté par des chaînes du monde
entier, ça l’amusait beaucoup ! »
Modèle journalistique ?
C
’est le branle-bas de combat.
Habitué à couvrir l’actualité
de Dammartin-en-Goële,
Gurvan Abjean, un des journalistes de La Marne, écoute
les infos au volant de sa voiture : « J’ai
appris la présence des deux preneurs d’otages sur la route du boulot. Je roulais et
j’ai entendu l’information à la radio. À
ce moment, mon directeur des ventes me
prévient par téléphone. J’ai tout de suite
appelé la rédaction pour dire que je me
rendais sur place ».
Quatre autres journalistes le rejoignent,
sur les six que compte la rédaction. « Les
deux autres sont restés pour avoir des informations par les réseaux annexes et les
relayer sur internet », explique Carine
Thomas, rédactrice en chef. « Au final, les
journalistes restés à la rédaction avaient
plus d’informations que nous. Quand nous
sommes arrivés, les autorités ne communiquaient pas », ajoute Gurvan.
Les journalistes sont confinés au gymnase de Dammartin-en-Goële en attendant
La fête des 10 ans de la filière
Actu marquante
quand tu étais à l’ESJ ?
Un braqueur en série
surnommé « le Gominé »
67
Lieu favori
à L’écoLe ?
BaBYfooT
10
e
JUIN 2015
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
ATTENTATS CONTRE CHARLIE HEBDO
OLIVIER DE SAINT-RIQUIER : “ IL FAUT TOUJOURS RAMENER AU LOCAL ”
Si les médias nationaux et internationaux ont traité
les attentats de ce début d’année pendant plus
d’une semaine, les titres de PHR ont suivi ces faits
de manière locale. Olivier de Saint-Riquier, journaliste à L’Aisne nouvelle de Saint-Quentin, témoigne.
> Le 7 janvier
« J’étais aux Assises lorsque la nouvelle
est tombée. Le soir même, notre rédacteur en chef, Samir Heddar, a décidé de
lancer un rassemblement dans la ville.
C’était notre rôle, en tant que journalistes, de participer à ces événements au
niveau local. » Deux cents personnes
répondent présents. Le lendemain, le
journal fait sa Une sur un fond noir, les
articles reprennent les dépêches AFP
qui retracent le déroulé des attentats du
7 janvier. Les autres articles parlent du
rassemblement local.
> Le 8 janvier
« Ça nous tombe sur la gueule dès le
lendemain. J’étais encore au tribunal. J’apprends, via les réseaux sociaux, que les frères
Kouachi ont braqué une station essence à
Villers-Cotterêts. Cette zone n’entre pas
dans notre secteur. On s’est posé la question
avec Samir : j’y vais ou pas ? » Au fil de la
journée, Olivier apprend que les suspects
seraient toujours sur place, il décide donc
d’y aller. « C’était sans précédent. Il y avait
le GIGN, le GIPN, le Raid, la BRI, des hélicoptères tournaient au-dessus de nous [les
journalistes]. Nous cherchions les policiers
qui eux-mêmes traquaient les suspects. »
Grâce à Twitter, il apprend qu’il se
passe quelque chose à Corcy. « J’y vais
et je croise le GIGN qui déboule à toute
vitesse. » Durant tout ce temps et au fil de
la journée, Olivier tweete ce qu’il voit et
prend des photos. Ses tweets seront relayés
par le site du journal. « Je ne voulais pas
en dire trop. Les débats sur les informations
que donnaient les journalistes le 7 janvier
amenaient à réfléchir. Lorsque j’étais à
Corcy, je préférais parler d’un petit village
de l’Aisne. » Olivier est alors au cœur de la
traque, il suit le GIGN qui fouille chaque
maison. « Il y en a même un [membre du
GIGN] qui m’a demandé un cachet pour
le crâne, c’était déconcertant ! » Le reste
de la journée, il attendra avec les autres
journalistes, derrière une barrière de sécurité. « On avait beaucoup de demandes
d’interviews. La BBC a appelé au journal,
CNN a demandé des images au Courrier
Picard, mes tweets étaient repris par Le
Figaro. » Vers 1h du matin, il décide de
rentrer à Saint-Quentin.
> Le 9 janvier
Veille de bouclage et journée de la
prise d’otage à Dammartin-en-Goële.
« C’était beaucoup trop loin de notre
secteur et au niveau local, cela ne nous
aurait rien apporté de plus. » Quatre
pages sont dédiées aux attentats. Pour
les autres articles : des reprises de l’Union
(journal concurrent) et de l’AFP sur
les derniers événements et des articles
sur les rassemblements prévus pour le
week-end. « Quant à moi, j’ai décidé de
faire un déroulé de la traque à VillersCotterêts heure par heure. J’ai anglé sur
le fait que l’espace d’une journée, l’Aisne
était devenue le centre du monde. Il faut
toujours ramener au local. »
L AURA OUDART
« On avait beaucoup
de demandes
d’interviews. »
OLIVIER DE SAINT-RIQUIER
Le journal local a plusieurs fois bouleversé sa pagination.
ILS ONT FAIT LA PHR
L’ACTU
EN 3 TWEETS
PHRASES
Légende
Lucie Croes
Modèle journalistique ?
32 ans
Journaliste à
L’Observateur
du
Valenciennois
68
JUIN 2015
PHRASES
Bruce Toussaint
Les manif’ anti-CPE
J
ournaliste au quadri-hebdomadaire
L’Aisne nouvelle depuis 2008, Olivier
de Saint-Riquier était fait-diversier
depuis plusieurs années. Depuis ce
début d’année, il occupe le poste
d’adjoint aux locales. C’est lui qui a couvert les événements visant l’attentat de
Charlie Hebdo.
Il a été au plus près des événements, de
la traque des frères Kouachi pendant le
braquage d’une station essence à VillersCotterets, à la découverte de leur passage au
restaurant Quick de Laon. Des événements
qui resteront gravés dans sa mémoire.
« J’apprends par une de mes collègues qu’apparemment les frères Kouachi seraient passés
manger au Quick de Laon, le mercredi 7 janvier.
Ce n’était que des rumeurs et, au début, je n’y
ai pas trop prêté attention. » Le lendemain,
la rumeur devient plus crédible grâce à une
source d’un de ses collègues. Olivier appelle
la police de Laon qui confirme les faits. « Ils
m’ont expliqué que deux personnes ressemblant
au portrait-robot se seraient arrêtées au Quick
aux environs de 15h30 – 16h30. » Olivier décide
de faire une brève web. « Il y a eu un débat au
sein de la rédaction car je voulais employer le
conditionnel et mon chef voulait mentionner
l’exclusivité. Le conditionnel n’a pas été retenu. »
Le lendemain, 15 janvier, l’édition du jeudi sort
en kiosque. Olivier décide de ne pas angler sur
les faits car ce repas dans un fast-food « prête à
sourire ». « J’ai remarqué qu’aucun média n’avait
retracé le parcours des suspects entre la Porte
de la Villette et le braquage à Villers-Cotterêts.
J’ai donc fait mon article sur leur parcours, en
mentionnant leur arrêt au Quick de Laon. » Le
journal en a fait sa Une.
Olivier rappelle qu’au niveau local, même
pour des attentats de cette ampleur, il faut
penser aux lecteurs du coin. « Si les gens veulent
des détails sur les attentats, ils ne vont pas nous
lire. Ils nous attendent sur ce qu’il se passe dans
l’Aisne. Il faut en permanence arriver à trouver
des angles intéressants. »
Actu marquante
quand tu étais à l’ESJ ?
Olivier de
Saint-Riquier
se souvient
encore
du jour
de la traque.
© Gaël Hérisse
> Le 13 janvier
Un souvenir ?
Une intensive au Pays Briard
Intervenant
marquant ?
Hervé
Frasque
Surnom ?
Lulu !
Lieu favori
à L’écoLe ?
Les canapés de La saLLe de pause
69
11
e
JUIN 2015
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
TRIBUNAL
SEMEUR HEBDO
LIBERTÉ HEBDO : SUR LE FIL DU RASOIR
CLAP DE FIN POUR WILLIAMS CAPTIER
Le tribunal de commerce a prononcé le 17 juin la liquidation judiciaire avec poursuite
d’activités de Liberté Hebdo. Le jour même de l’audience, une offre de reprise a été déposée.
À soixante ans, Williams Captier a pris sa retraite d’éditeur et de directeur de publication
du Semeur Hebdo en septembre 2014.
A
L
iquidation avec poursuite d’activités : ce 17 juin le tribunal de
commerce de Lille Métropole s’est
prononcé sur le sort de Liberté
Hedbo, en redressement judiciaire
depuis le mois d’août 2014. Une offre de reprise
ayant été déposée, il n’est pas encore l’heure de
mettre la clé sous la porte du dernier journal
“coco” du Nord-Pas-de-Calais.
Avant de se rendre à “l’audience de la dernière chance”, Mathieu Hébert, le délégué du
personnel, ne faisait pas de pronostics : « On ne
sait jamais trop à quoi s’attendre. Ce n’est pas la
loterie, mais presque. À la première convocation,
nous pensions que la situation financière ne
nous laisserait aucune chance. Pourtant, ils ont
été sensibles à notre cause : “Vous avez un rôle
social à jouer, il est important que vous restiez
en vie” ». Alors qu’ils arrivaient plus confiants
à l’audience de réexamen en avril, l’accueil fut
différent. Le tribunal a tiré la sonnette d’alarme
qualifiant la situation du canard de « très
dégradée ». Le renouvellement de la période
d’observation a pourtant été accordé en dépit
des doutes émis par les juges.
Canard en chute libre
L’hebdomadaire lillois est en souffrance financière depuis trois ans. Il ne reste aujourd’hui
qu’un seul journaliste : le rédacteur en chef, le
secrétaire de rédaction et un autre journaliste
ont été licenciés depuis le début de l’année 2015.
Dur de boucler les pages du journal « sans vie
de rédaction » regrette Mathieu Hébert. Des
conditions précaires de travail qui ne lui font
pourtant pas baisser les bras.
Pour lui, Liberté Hebdo, c’est avant tout « une
PHRASES
« 13 à la douzaine » et
« PHR pas peu fiers ».
Rédac’
chef
adjointe à
La Semaine
de Metz
Expression de ta promo ?
33 ans
ment social de l’hebdomadaire. Le 22 juillet, le
tribunal de commerce examinera les offres de
reprise. D’ici-là, pour eux, on croise les doigts.
ANNE LEBURGUE
Williams Captier a quitté Seumeur Hebdo à
l’occasion des 70 ans du journal en septembre
2014. Le titre a été vendu au groupe Presse
et Médias du Sud-Ouest.
il a été le grand témoin des évolutions qu’a
connu la presse ces dernières décennies.
« C’est sans doute celle qui a su le mieux
se transformer et prendre les bons virages,
juge-t-il, nous tissions du lien social bien
avant Facebook et nous continuons à en
créer bien plus. »
CLÉMENT VARANGES
WILLIAMS CAPTIER TOUJOURS
À LA CARTE
L’ex-directeur du Semeur Hebdo a une autre particularité : il collectionne les
menus et les programmes des congrès du SPHR ! « Le premier auquel j’ai
participé était celui de Strasbourg en 1979, se rappelle-t-il. En tout j’en ai fait
trente-six. Je n’en ai raté qu’un seul, celui de Mulhouse en 2011, et j’ai bien
sûr demandé à ce qu’on me rapporte les menus. Ça me permet de retrouver
des souvenirs, de me replonger dans les bons moments. »
DÉCÈS DE JEAN-PIERRE BONIS
UNE VIE AU SERVICE DE LA PRESSE
Modèle journalistique ?
SORJ CHALANDON
Petite, tu te voyais ?
Collègue de bureau
Actu marquante
quand tu étais à l’ESJ ?
Les élections
présidentielles
70
Lieu favori
à L’écoLe ?
Intervenants
marquants ?
Aurélia
Salinas
ligne éditoriale critique sur le capitalisme, qui
donne la parole à des personnes qui veulent
changer les choses ». Il n’est pas carté au parti
communiste, mais est très attaché à l’engage-
Hervé Leroy
et Laurent
Brunel
ILS ONT FAIT LA PHR
Mathieu Hébert, dernier journaliste de Liberté Hebdo.
près quarante et une années
passées au Semeur Hebdo,
Williams Captier tire sa révérence. Rien ne le destinait
pourtant à devenir directeur
du journal dans lequel il fit ses premiers
pas en 1973 comme correspondant. Il
obtient même son diplôme d’avocat
quelques semaines après être devenu
administrateur général du Semeur, à
seulement 21 ans. « Mais je n’ai jamais
exercé », s’amuse-t-il.
« Ce qui m’a le plus frappé dans le métier
de journaliste, retient l’ancien directeur du
Semeur, c’est le contact avec les gens. J’ai eu
la chance de rencontrer l’abbé Pierre et Sœur
Emmanuelle. Mais aussi des anonymes qui
se demandaient pourquoi on venait les voir
alors qu’en fait ils avaient beaucoup de
choses à raconter. » Car Williams Captier
estime que la presse hebdomadaire régionale a une mission humaniste : « Notre
rôle est de relayer les actions positives qui
sont réalisées. »
Le jeune retraité de la presse a également présidé pendant quatorze ans la
commission sociale du SPHR avec deux
réalisations d’envergure : une refonte
de la grille salariale et surtout un accord
de branche sur les droits d’auteur. « Nous
sommes la seule forme de presse qui a réussi
à le faire », se félicite-t-il. À la commission
sociale comme à la tête du Semeur Hebdo,
La cour
12
e
JUIN 2015
J
ean-Pierre Bonis était un patron
comme on n’en fait plus. « Si l’un de
nous se mariait ou partait en retraite,
il faisait toujours un discours assez
émouvant », se souvient Maryse
Courtoisier, responsable des annonces
légales à La République de Seine et Marne.
« Il avait une grande mémoire et beaucoup
de culture. » Directeur du journal de 1981
à 2001, puis membre du Comité de surveillance pendant dix ans, il est mort le 1er
juin à 79 ans, sans jamais vraiment quitter
PHRASES
son canard. Quand elle évoque son ancien
patron, qui a commencé comme journaliste en 1966, Maryse Courtoisier décrit
un travailleur chevronné au caractère
bien trempé : « Quand il tapait du poing
sur la table, on faisait comme il disait. Il
avait une boîte à faire tourner. » Héritée
de son père, elle était à la pointe: « Il aimait la technologie. On avait toujours du
matériel dernier cri. » Avec lui, l’une des
figures marquantes de la PHR disparaît.
PIERRE JULIENNE
71
JUIN 2015
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
JEU
OUTRE-MER
“ T’AS D’BEAUX YEUX, TU SAIS ” LOIN DES YEUX, LOIN DU CŒUR ?
Certaines destinations font envie. Loin des vaches normandes, le journal Nouvelles
Semaine couvre l’actualité des Caraïbes. Un journal pour trois départements d’Outre-mer.
À qui sont ces beaux regards du congrès ? Trouvez-les et remplissez les cases !
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1
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ILS ONT FAIT LA PHR
Benoist
Pasteau
29 ans
Front page
editor à
Europe 1
PIERRE VEILLÉ
* « Après la pluie, le beau temps » en créole
JUIN 2015
PHRASES
Les élections municipales
Les journalistes de la rédaction servent aussi
de relais pour les médias de la métropole. Une
manière de contrer les clichés des journaux
nationaux ? « On trouve qu’il y a souvent une
exagération. Parfois on a l’impression que l’on se
trouve à Kingston. Certes, il y a de vrais problèmes
sociaux mais la solidarité entre les habitants empêche l’explosion », analyse le rédacteur en chef.
Un éloignement géographique qui se fait
9
Actu marquante de ton
année à l’ESJ ?
Casser les clichés
aussi sentir avec le syndicat de la Presse
Hebdomadaire Régionale (SPHR). Affilié
à celui-ci, Nouvelles semaine reçoit les actualités du groupement des titres de PHR.
« De temps en temps, on les appelle quand
on a un problème. Mais étant donné notre
éloignement, ce n’est pas notre interlocuteur
privilégié », regrette Jacques Dancale.
Loin de la métropole, le journal fait aussi
la part belle à la langue locale : le créole.
« On fait souvent des clins d’œil dans les
titres et dans les papiers. Ici, le créole est la
langue parlée tous les jours », affirme Jacques
Dancale. Après un démarrage difficile, Nouvelles Semaine a fait son trou. Une réussite
due à son ancrage local ? « Casse pas la tête,
la plie y farine, soleil va revenir. »*
6. Florent Rimbert
7. Bruno Hocquart
de Turtot
8. Betül Balkan
9. Éric Lejeune
PHRASES
avant tout centré sur l’actualité politique, « ce
qui fonctionne le plus », comme le confirme
Jacques Dancale. Et pour la couvrir, il s’organise autour d’une rédaction unique basée à la
Baie-Mahault, en Guadeloupe. « Nous avons
des correspondants qui nous envoient les informations locales. Lorsque nous ne pouvons pas
nous déplacer nous-même, la Martinique n’est
qu’à une demie heure de vol de la Guadeloupe. »
1. Loïc de Kerraoul
2. Vincent David
3. Williams Captier
4. Alain Marchi
5. Martine Cameau
I
l aura fallu cinq ans pour que le journal
Nouvelles Semaine fasse son trou. « Nous
sommes rentables depuis deux ans », se
réjouit Jacques Dancale, rédacteur en
chef de l’hebdomadaire d’Outre-Mer.
Pour ce titre d’informations locales l’aventure a
commencé le 8 avril 2010 Aujourd’hui,le journal emploie une douzaine de personnes, dont
cinq journalistes, et traite les actualités de la
Guadeloupe, la Martinique et la Guyane. « Soit
un énorme bassin de population. Rien que sur
la Guadeloupe et la Martinique, cela représente
800 000 habitants », explique Jacques Dancale.
Les deux îles bénéficient d’une version
papier. Pour la Guyane, c’est une version numérique qui est proposée aux lecteurs. « Le temps
d’acheminement du journal vers ce département
était trop long. Nous avons donc opté pour la
solution digitale », raconte le rédacteur en chef.
Présent sur trois territoires, le canard est
3
Modèle journalistique ?
Le style « Le Monde »
Les intensives, les projets
avec les généralistes Intervenants
Un souvenir ?
marquants ?
Lieu favori
à L’écoLe ?
Bertrand Labasse
et Hervé Leroy
La SaLLe de beLote
73
13
e
JUIN 2015
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
IMPRIMEUR
RÉFORME DES SUBVENTIONS
RICCOBONO : DU PAPIER TOUT BEAU, RECYCLÉ
FLEUR PELLERIN
REDISTRIBUE
LES CARTES
L’imprimerie verte, c’est le pari des usines Riccobono. Le secret : un papier 100 % recyclé et
une impression sans eau.
Légende
Depuis 2009, l’entreprise propose
une impression « verte »
Thierry Doll, directeur commercial
Delphine
Kwiczor
Journaliste
à Nord
Littoral
PHRASES
Anecdote ?
31 ans
Je me suis déguisée en
prostituée au Peuple Belge
pour une photo
d’illustration.
ILS ONT FAIT LA PHR
Boulette ?
Battue avec
une fille de la
promo et je ne
regrette pas !
Un souvenir ?
Les larmes de fin d’année
Actu marquante
quand tu étais à l’ESJ ?
Barack Obama
74
L’absence de « mouillage » préserve le papier : cela implique moins de pertes dues au
démarrage de la presse et aux repiquages.
Adieu la gâche liée au réglage encre et eau.
Bye bye les pertes dues aux étirements de
la bande sous l’effet de l’humidité.
Chez Riccobono-imprimeurs, on imprime sur du papier tout beau et recyclé.
Du100 % écologique, labellisé par des
organismes garants d’une gestion durable
des forêts. La technologie a fait des progrès, oublié le papier écolo « papyrus à
grumeaux ». Déchiqueté, filtré, désencré
puis repulpé, le progrès a fait disparaître
les défauts pelucheux du papier recyclé du
passé. Thierry Doll l’assure : « Il n’a rien à
envier aux supports les plus qualitatifs ! »
PUBLIREPORTAGE
Q
uel est le point commun entre
Le Courrier français, Le Régional, Le Républicain d’Uzès,
ou encore Le Patriote ? Leur
imprimeur ! Toutes les pages
de ces hebdomadaires sortent des rotatives
du groupe Riccobono. Implantées aux “sept”
coins de la France, ses usines mettent sous
presse quotidiens et hebdomadaires nationaux, ainsi que de nombreux titres de PHR.
« Vous nous envoyez votre fichier lundi à
12 h. Nous vous livrons mardi à 12 h », assure Thierry Doll, le directeur commercial.
« Les rotatives des usines sont en activités
24/24 h. Nous sommes en mesure d’imprimer
plusieurs millions d’exemplaires par jour »,
ajoute-t-il.
Depuis 2009, l’entreprise propose une
impression « verte », lancée sur rotatives
sans sécheur et Waterless. Waterquoi ?
Waterless, c’est un procédé d’impression
sans eau.
Celui-ci permet une économie qui peut
atteindre plusieurs centaines de milliers de
litres d’eau par an comparé à une imprimerie traditionnelle à volume comparable,
et la suppression des adjuvants chimiques.
La ministre de la Culture et de la
communication Fleur Pellerin
a rencontré les éditeurs
de presse le 2 juin dernier.
Elle leur a annoncé trois mesures
phares : des aides directes élargies,
une aide postale ciblée et la création
d’un fonds d’aide à la création
de médias.
L
a presse dans son ensemble a bénéficié de 820 millions d’euros
d’aides en 2014, directement ou
indirectement. La principale,
l’aide au transport postal, est
aussi celle qui évolue le plus. Accordée
jusqu’ici à tous les titres de presse, elle va
désormais, d’après les préconisations de
la Cour des comptes, être réservée à deux
catégories : la presse d’information politique et générale et la nouvellement créée
« presse de la connaissance et du savoir ».
« Nous sommes
en mesure
d’imprimer plusieurs
millions d’exemplaires
par jour .»
Régime sec pour
les divertissements
Les grands perdants sont les magazines
considérés « de divertissement » (people,
loisirs, programmes télés). Les hebdos
Téléstar et Télépoche verront par exemple
leur budget amputé de 5 millions d’euros. Laurence Pieau, directrice de la rédaction de Closer, parle de « mise à mort
de la presse populaire ». Son homologue
d’Auto Plus, Laurent Chiapello, regrette
une « inégalité de traitement » et prédit
des conséquences sociales dramatiques :
« Des centaines de titres vont fermer et des
milliers de personnes seront licenciées ».
Mais ce constat alarmant ne prend
THIERRY DOLL
Modèle journalistique ?
Sylvie Larrière.
Ce n’est pas pour lui
cirer les pompes!
Intervenant
marquant ?
Maurice Decroix
Lieu favori
à L’écoLe ?
La cafet’
14
e
JUIN 2015
Fleur Pélerin lors de son
discours à l’occasion des
90 ans de l’ESJ LILLE.
© Xavier Rauffet
« Des centaines de titres
vont fermer et des milliers
de personnes seront
licenciées. »
L AURENT CHIAPELLO, AUTO PLUS
PHRASES
pas en compte la redistribution des
sommes économisées, estimées entre
50 et 70 millions d’euros. Ainsi, les aides directes aux titres d’information
politique et générale à faibles ressources
publicitaires ne seront plus réservées aux
quotidiens. « La démocratie n’a pas de
périodicité », claironne Fleur Pellerin.
Ces titres recevront des aides quelle que
soit leur fréquence de parution.
La presse hebdomadaire régionale
n’est a priori pas touchée par la réforme.
Elle se trouve dans la catégorie la mieux
subventionnée et devrait y rester.
Une aide supplémentaire
Par ailleurs, le fonds stratégique d’aide
à l’innovation va être élargi et un fonds
spécifique d’aide à la création de médias
sera mis en place. Ce dernier aura pour
mission d’« accompagner les besoins
75
d’investissement et de fonctionnement
des structures émergentes », dixit la
ministre. Le sociologue des médias
Jean-Marie Charon, à l’initiative de cette
mesure, estimait nécessaire de créer un
« incubateur » pour favoriser et suivre
la transition numérique. Qui pourra
en bénéficier ? « Ce n’est pas encore
défini, répond le sociologue. Nous en
sommes encore au stade des déclarations
d’intentions. » Pour Fleur Pellerin, les
bénéficiaires devront en contrepartie
faire preuve d’une « dynamique éthique
et volontariste » (en signant une charte
de déontologie par exemple).
Enfin, une aide reste commune à
toute la presse, la TVA à 2,1% (au lieu
de 20%). La ministre compte batailler
avec les instances européennes pour
maintenir ce taux avantageux.
PAUL DESCAMPS
JUIN 2015
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
“ NOUS SOMMES
DEVENUS
UN SHOWROOM ! ”
LES DÉTAILLANTS DE PRESSE EN PLEINE CRISE
L’ENVERS DU DÉCOR
Ils se lèvent à l’aube et découvrent nos journaux les premiers.
Ce sont eux qui divulgent le fruit de notre travail. Et, ils souffrent.
J
’ai eu envie de tenir un tabac-presse très
tôt. Ça doit être inné », sourit Pascal
Lemaire. Depuis cinq ans, le jeune
quinquagénaire tient avec sa femme
Véronique “ La Boutique du Fumeur ”,
institution lilloise située place de Béthune.
Derrière le comptoir, un mur de paquets de cigarettes. Au
fond de l’établissement, une cave à cigares. Mais surtout, un
impressionnant étal de journaux et magazines, qui traverse la
pièce de part en part. Plus de 3 000 titres s’y affichent. « C’est
presque trop, mais je trouve notre rayon très beau ! », lance
Pascal. Trop, car certaines parutions ne sont jamais vendues.
« L’Expansion par exemple, on en reçoit toujours une pile qui
repart telle quelle », poursuit-il.
HAZEBROUCK
“ QUAND UN LECTEUR DISPARAÎT,
IL N’EST PAS REMPLACÉ. ”
LILLE
À
Versailles, les halles du quartier Notre-Dame sont toujours
animées. Et plus encore ce samedi, jour de marché. NomLAVAL
breux, les passants s’arrêtent au kiosque de Serge Queste
et repartent avec leur lecture du week-end sous le bras. Le
marchand de journaux est aux premières loges pour observer
l’évolution du lectorat de la presse. Et, selon lui, il ne se renouvelle pas : « Je vois
des gens de toutes les tranches d’âge et de toutes les catégories sociales et professionnelles. Mais
quand un lecteur disparaît, il n’est pas remplacé. Il n’y a pas de “vrais jeunes” qui viennent au
kiosque, j’entends par là ceux qui ont une vingtaine d’années. Ils sont nés avec des écrans et n’achètent
pas le journal papier. Mais je les comprends, ils ont toujours connu ça et il est impossible de revenir
en arrière ». En revanche, en
ces temps de marasme pour la
presse, Serge Queste estime que
les hebdomadaires régionaux s’en
tirent bien : « Je suis étonné de
voir à quel point Toutes les nouvelles résiste bien par rapport aux
grands quotidiens nationaux, qui,
eux, s’effondrent. Je vends 50 à
60 exemplaires par semaine des
Nouvelles. Cela varie selon les
unes mais les ventes se maintiennent ».
BAISSE DES VENTES AU SULLYS, AUSSI
L
es gens sont moins intéressés par les journaux d’informations locales aujourd’hui », affirme Thierry Lebeau, 54
ans. Le gérant du bar tabac Le Sullys est propriétaire depuis seize ans de ce petit bistrot à quelques encablures
de la Mayenne, à Laval. Pour ce quinquagénaire, père de deux
enfants, les titres de PHR, tel que Le Courrier de la Mayenne,
souffrent avant tout d’un problème de lectorat. « Il ne faut pas se
leurrer, Le Courrier de la Mayenne, c’est pour les gens d’un certain âge. Les
jeunes d’aujourd’hui n’achètent pas de journaux de PHR. Ça ne les intéresse
pas », analyse-t-il. Les journaux peinent à se vendre, en témoignent les
invendus qui restent sur le comptoir. « Parfois, lors d’évènements ponctuels
tels que le festival Les 3 Eléphants, j’en vends beaucoup plus qu’à l’habitude.
Sinon, les gens vont sur internet pour avoir des informations », regrette cet
amoureux du papier. « Mais la baisse ne touche pas que la PHR, c’est général.
La presse nationale est plus durement touchée je trouve », tempère le patron.
Devise de promo ?
Journaliste
au
Courrier
Cauchois
Bon courage pour
la mairie.
29 ans
Un mot d’ordre ?
Surprendre
Intervenant
marquant ?
Hervé
Un souvenir ? Leroy
Boulette ?
Euh ... panne
de réveil !?
Les larmes du red chef
en fin d’intensives
Actu marquante
quand tu étais à l’ESJ ?
Lieu favori
à L’écoLe ?
BaBYfooT
Montée du FN aux Régionales
PHRASES
76
PIERRE VEILLÉ
Surnom ?
Martin matin
Martin
Drouet
PAUL DESCAMPS
VERSAILLES
CLÉMENT VARANGES
ILS ONT FAIT LA PHR
Quant aux hebdos locaux, on ne peut pas dire
qu’ils soient en tête des
ventes. « Liberté Hebdo,
on en vend généralement
deux sur les trois qu’on
reçoit. Croix du Nord,
on ne l’a même pas », explique le commerçant,
qui s’estime victime des
systèmes d’abonnements.
« Nous sommes devenus
un showroom. Les gens
feuillettent puis s’abonnent en rentrant chez eux », soupire-t-il.
Pourtant, la distribution de presse reste leur deuxième source
de revenus, à égalité avec les jeux mais après la vente de tabac.
Contraint de diversifier son offre pour s’assurer un revenu correct, le couple se dit toutefois heureux d’exercer cette activité :
« Nous n’avons aucune visibilité sur l’avenir, mais on espère rester
ici jusqu’à la retraite ! »
JEAN-BENOÎT FORTANT :
“ J’AI CHOISI CE MÉTIER
POUR LE LIEN SOCIAL ”
15
e
JUIN 2015
PHRASES
I
l est bientôt 19h à Hazebrouck. Tous les
commerçants ferment leurs portes, sauf
Jean-Benoît, assis en terrasse face à son
commerce La Maison de la Presse. Presque
tous le connaissent ici, sa boutique ne
désemplit pas.
« J’ai choisi ce métier pour le lien social », confiet-il. Installé en tant que marchand de presse
depuis deux ans, ce qui l’anime c’est le contact, les
rencontres, les habitués. Lorsqu’on le questionne
sur son travail au quotidien, le commerçant est
lucide. « Bien sûr qu’on l’a dure. Notre taux de
commission sur la vente de journaux est ridicule.
Nous ne sommes pas maîtres de ce que l’on vend,
et c’est bien le problème. »
Selon lui plusieurs facteurs sont à pointer
du doigt. « Je ne vends pas de pain. Pourtant, le
boulanger, lui, vend la Voix du Nord ! À chacun
77
son travail, non ? » Confiant dans l’avenir de la
presse locale, il émet tout de même quelques
réserves. « La génération actuelle est celle de la
zapette, du jetable, du numérique, des tablettes.
Elle ne prend pas le temps. » Autre ombre ---au
tableau, les formules d’abonnement : « Lorsque
les éditeurs pratiquent des prix cassés sur les
abonnements avec en prime des cadeaux, comment
voulez-vous attirer les clients ici ? C’est de la
concurrence déloyale ».
Pour s’en sortir, il investit dans les jeux à gratter,
la librairie, la carterie, le relais colis.
Loin d’être défaitiste, il préfère se concentrer
sur l’aspect social de son commerce. « On a
toujours dit : le maire, le curé et l’instit. Je pense
que la quatrième personne importante dans une
ville, un village, c’est le marchand de presse. »
L AURA OUDART
JUIN 2015
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
NOUVEAU CAP
ANNIVERSAIRE
LE GRATUIT, UNE SECONDE VIE POUR LA PHR ?
LE POHER TAPE DANS LE MILLE
Faire payer l’info sur Internet... ou développer le papier gratuit ? Les groupes de presse de
PHR sont nombreux à privilégier cette seconde option. Seul moyen d’attirer de nouveaux
lecteurs. Une métamorphose qui n’est pas sans conséquence sur le contenu du journal.
Dans le Centre Bretagne, un événement a marqué l’actualité de la presse. Le Poher, à l’aube
de ses vingt ans, a publié son millième numéro. Un anniversaire de taille pour ce 36 pages
édité dans le mille-feuilles de la presse hebdomadaire régionale.
H
E
alls de gare. Salles d’attente.
Rues commerçantes. Ils sont
parmi nous. Lancés en 2010
dans plusieurs grandes villes
où le groupe Publihebdos s’est
implanté, les gratuits ont trouvé leur place.
L’hebdomadaire Côté Quimper, par exemple,
tire à 25 000 exemplaires, avec un taux de
retour de 0,01 %.
Un suucès désarmant quand on sait dans
quelle situation se trouve Metronews, le quotidien gratuit dont TF1 a décidé d’interrompre l’édition papier. Francis Gaunand,
président du directoire chez Publihebdos,
analyse à son échelle la situation des gratuits,
et leur réussite : « On les distribue dans les
centres-villes. Ils sont proches des gens, et de
nos annonceurs. Nous visons l’audience la plus
large possible. » Ce qui n’est pas une sinécure.
« Une information généraliste est plus difficile à vendre qu’une info spécialisée. » Avec
830 000 exemplaires diffusés au gré de plus
de 70 titres hebdomadaires, l’entreprise sait
ce qu’elle fait. « Le local, c’est notre ADN. On
veut faire vivre les pays. »
Tous les gratuits n’affichent pas une forme olympique : TF1 a annoncé
fin mai qu’il interrompait la version papier de Metronews.
trains qui arrivent en retard, il les redirige vers le
web. Du reste, un gratuit papier qui fonctionne,
ce sont des journalistes et des commerciaux.
Le rédacteur en chef quimpérois le vit au
quotidien : « Il faut savoir faire des compromis, sans que cela devienne un empiètement.
On peut écrire pour un gratuit sans perdre sa
conscience de journaliste ». Car un journal, s’il
veut vivre, doit vendre. Et pour cela, articles
et publicités sont aussi indispensables. Dès
lors, que faire quand le lecteur ne veut plus
payer ? Francis Gaunand l’a compris : « On
n’est pas dans une crise de la presse, mais dans
celle du payant ».
Presse et pub,
sœurs ennemies ?
Et un pays qui vit, c’est un citoyen qui lit.
Sébastien Joncquez, rédacteur en chef de Côté
Quimper, le sait. Et si le canard se maintient
à flot, c’est qu’il s’intéresse au lecteur : « On
favorise l’information positive dans nos pages.
Pas de polémique, pas de faits divers, pas de
politique. C’est le lecteur qui le demande ! » Les
PIERRE JULIENNE
LE GRATUIT FAIT DES PETITS
Pascal Pallas, rédacteur en chef de Côté Toulouse (titre gratuit édité
par Publihebdos et lancé le 19 mars) :
« Ce n’est pas un journal d’opinion. Ni un agenda loisirs. Nous fournissons de l’information “concernante” au lecteur. Aujourd’hui, nous tirons à 45 000 exemplaires. Et avec notre ancrage local, on a de l’info exclusive. Il le faut. La gratuité ne suffit pas à attirer les lecteurs. »
Pauline Le Diouris, rédactrice en chef de Le Mans ma ville (édité
par Loire Hebdo et lancé le 20 mai) :
« Mon but, en tant que journaliste, est d’intéresser le lecteur. Que cela soit gratuit ou non, ça ne change rien. Seulement, on évite l’information anxiogène. Je pense que presse payante et gratuite sont complémentaires. Nous, nous faisons de l’info pratique et à consommer. Qui pousse à agir. Et ça fonctionne. Les liens sociaux s’en trouvent renforcés ! »
Journaliste
à La
Semaine
des
Pyrénées
PHRASES
La triplette magique !
30 ans
Modèle journalistique ?
J-M Manach
Boulette ?
Les « rares »
fois où j’ai
oublié de me
réveiller...
Actu marquante
quand tu étais à l’ESJ ?
Intervenant
marquant ?
Ils sont
tous géniaux
Un souvenir ?
L’année en général, l’ambiance
Accident de Fukushima
78
Surnom ?
Binôme ou
l’ours des
Pyrénées
Mathieu
Houadec
Expression de ta promo ?
ILS ONT FAIT LA PHR
Lieu favori
à L’écoLe ?
BiBLio
16
e
JUIN 2015
ntre les Monts d’Arrée et les
Montagnes Noires, le Poher est
un pays à part. Avec une identité, une géographie typique et
un journal. Un hebdomadaire
qui a pris de l’altitude cette année, jusqu’à
devenir un roc dans un paysage de granit.
“Like a Rolling Stone”, le journal a fait mentir le dicton : pierre qui roule peut aussi
amasser de la mousse. S’il a été racheté en
1999 par Le Télégramme, à la rédaction,
on ne l’a pas vécu comme un caillou dans
la chaussure. D’ailleurs Marcel Quiviger,
directeur du Poher et rédacteur en chef
du Télégramme, rappelait à l’occasion du
millième numéro : « Jamais Le Télégramme
n’est intervenu dans la ligne éditoriale du
journal ». Une indépendance qui ne laisse
pas de marbre. Au sein de la rédaction, on
se satisfait de cette collaboration. « C’est
bien d’avoir une structure comme Le Télégramme derrière nous. Cela nous assure
un appui logistique de taille », explique
Thierry Le Corre, journaliste.
Une émancipation également vis-à-vis
du fondateur du titre Christian Troadec,
maire de Carhaix-Plouguer et leader du
mouvement des « bonnets rouges ». « Les
manifestations bretonnes ont été un bon
indicateur pour le journal. Nous avons
traité le sujet sans prendre parti, en laissant
L’équipe du Poher, dans la rédaction de Carhaix.
la parole aux différents protagonistes »,
rappelle Laurent Marc, rédacteur en chef
du Poher. Selon lui, le journal est encore
« considéré à tort comme le journal de
Christian Troadec ». Pourtant, ce dernier
CHRISTIAN TROADEC, LE POHER RANGER
Le candidat à la présidentielle de
2017 est heureux de voir son bébé
devenir un jeune adulte. Défenseur
du Kreizh Breizh (Centre Bretagne),
l’idée lui est venue de créer un journal
qui embrasse les frontières du pays.
« Les deux quotidiens (Ouest-France,
Le Télégramme) locaux étaient très
départementalisés. Or le Poher se
situe à cheval sur trois départements, explique l’élu. On a eu de la
chance : dès la première année, nous
sommes devenus bénéficiaires. » Pour
Christian Troadec, le rôle du Poher
était de valoriser le Centre Bretagne et ses habitants. Montrer les attraits économiques du pays, relayer
les initiatives et accompagner les habitants dans les difficultés du quotidien : le véritable rôle d’un Poher
Ranger. « Il fallait prendre fait et cause pour la défense du Centre Bretagne, lâche le Finistérien. Un combat
que je mène encore aujourd’hui. »
PHRASES
79
rappelait à l’occasion d’une interview pour
la chaîne Tébéo que l’hebdo ne se dérangeait
pas pour « l’égratigner ». Preuve que ce sont
de bons journalistes d’après lui.
Indépendant et autonome, bien ancré
sur le territoire, il est temps maintenant
pour Le Poher de regarder vers l’avenir.
Pour son rédacteur en chef, cela passe par
une présence plus forte sur internet : « Pour
l’instant, nous n’avons qu’une page Facebook,
c’est une vitrine ». Selon lui, il va également falloir composer avec les nouvelles
populations s’implantant dans le Centre
Bretagne. « Notre lectorat est plutôt rural,
affirme Laurent Marc. Seulement, l’arrivée
de “rurbains” va modifier notre manière de
travailler. Nous devrons nous adapter si l’on
veut durer vingt ans de plus. »
ARTHUR CONANEC
« Le journal est encore
considéré à tort comme le journal de Christian Troadec. »
L AURENT MARC
JUIN 2015
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
SUPPLÉMENT
MENSUELS RUGBY, ESSAI TRANSFORMÉ ?
Cocotte, tampon, caramel, cathédrale...
Quand la PHR chausse les crampons, elle ne fait
pas dans la dentelle. Coup de projecteur, sur deux
projets, deux visions, deux mensuels.
LA VOIX
DU RUGBY
Nicolas Gosselin (à gauche)
et Julien Veyre (à droite),
duel de piliers.
J
uin 2013. La fin d’une belle saison pour
le rugby de l’Ain. Oyonnax grimpe
en Top 14 et Bourg-en-Bresse en Pro
D2. Julien Veyre, journaliste à Voix
de l’Ain, et son rédacteur en chef
Nicolas Bernard s’en réjouissent. « On s’est
dit qu’il fallait faire quelque chose. » Cet
exploit sportif est l’occasion pour les deux
amateurs de sport de créer un nouveau
supplément pour l’édition papier. Ils
transforment rapidement l’essai. Deux
mois plus tard, le premier numéro du
Mensuel Rugby est lancé.
Une fois par mois, le petit nouveau
est encarté dans le journal. Les capitaines, la
mêlée, les agents, les familles : à chaque mois son
thème, traité de A à Z. Pour les amateurs « d’actu
chaude », les deux journalistes ont tout prévu. En
janvier 2014, Voix de l’Ain lance en complément
sa première application mobile spécialisée en
ovalie. « L’appli du Mensuel permet de suivre les
matchs en direct, l’évolution de la saison et bien
d’autres choses. Elle est totalement gratuite. »
Bien accueilli par les clubs du département, le
complément booste les ventes du papier de 2,3 %
en moyenne lors de sa sortie (par rapport à la
moyenne mensuelle). Un succès qui a inspiré Le
Républicain. Il y a un an, l’hebdo du Sud-Ouest
lançait Oh Valie.
À première vue, les deux suppléments semblent identiques. En apparence seulement :
« Nous n’avons pas du tout le même public, alors
c’est difficilement comparable, constate Julien
Veyre. Même si nous nous adaptons en cas de
grosse actu, nous sommes vraiment tournés sur
le format magazine dans le style. Nous avons des
rubriques similaires, les petits clubs par exemple,
mais je trouve que nous les traitons de manière
LE RAFFUT D’OH VALIE
Se placer dans la mêlée
80
à notre présence sur le net, il faut nous habituer à y être en permanence », poursuit
Nicolas Gosselin. En effet, aujourd’hui c’est
aux journaux de s’adapter aux usages des
lecteurs. « Les gens attendent de nous le
lien social, alors on le leur donne ».
ILS ONT FAIT LA PHR
Vincent
Cappoen
NINA DWORIANYN
32 ans
« En trois mois, notre page
a atteint les 750 “j’aime”.
On peut dire qu’il y a un
vrai engouement ! »
Pigiste à la
recherche
d’un poste
NICOL AS GOSSELIN
JUIN 2015
PHRASES
Allez on va faire
un gros baby
Le but d’Oh Valie est de conquérir
d’autres secteurs et de doper les ventes
du dernier numéro du mois (le mensuel
est distribué gratuitement avec le journal). Sur la vente au numéro, l’impact est
difficile à cerner : « Nous avons un
numéro qui a cartonné parce que
Sud-Ouest était en grève, et sur le
deuxième nous avions un gros fait
divers en Une », commente Nicolas.
Pourtant sur Internet, l’évolution
est bel et bien là. « En trois mois
notre page Facebook a atteint les
750 “j’aime”. On peut dire qu’il y a
un vrai engouement ! », annonce
le journaliste.
Peu à peu, Oh Valie se fait une
place. « Avant, le journal était
assez passif sur Internet. Mais le
mensuel nous permet de réellement booster ce côté-là. » Le tout
est de se faire connaître du lectorat, de se faire une place. « Au
départ nous n’avons pas assez
mis en valeur le mensuel. Mais
aujourd’hui, on est bien présent
et il ne faut pas que l’on se relâche.
Si le lecteur arrive à s’habituer
Modèle journalistique ?
EDWY PLENEL
différente. Chaque mensuel a mis sa patte.
Ainsi, nous ne développons qu’un seul angle par
numéro et travaillons beaucoup le côté visuel.
Chez Oh Valie, les sujets sont plus diversifiés et
plus nombreux dans un magazine qui compte
plus de pages ».
Mais le journaliste bressan n’en dira pas plus à
propos du “petit frère” comme il le surnomme :
« Eux regardent ce qu’on fait, pas nous », plaisante-t-il. Entre l’Est et l’Ouest, c’est le début
d’un choc frontal, digne d’une entrée en mêlée.
Au sujet de ses projets de développement, Julien
souhaite rester discret mais ne manque pas
d’humour : « Je n’en dis pas plus. Je ne souhaite
pas que nos idées se retrouvent dans Oh Valie… »
ALICE DOUCHET
À chaque sortie,
le Mensuel booste
les ventes de 2,3 %
en moyenne.
Intervenant
marquant ?
Gaëtane
Bossaert
Un souvenir ?
Ambiance terrible de franche camaraderie
pendant le congrès à Brive-la-Gaillarde
Actu marquante
quand tu étais à l’ESJ ?
Les élections présidentielles
81
Lieu favori
à L’écoLe ?
Surnom ?
Vince
PHRASES
de l’Ain. Nous ne sommes pas tout à fait
dans le même registre. Nous avons choisi
de nous éloigner du côté sportif, pour se
rapprocher de l’associatif, du bénévolat,
des histoires à raconter en fait », indique
Nicolas Gosselin. La cause ? Dans le secteur du Républicain, la plupart des clubs
sont amateurs. « On cherche moins à être
dans le résultat qu’à raconter des histoires
comme les grandes gueules de la région, les
bastons, les mythes. On cherche à s’éloigner
de ce que Voix de l’Ain fait parce que ce n’est
pas porteur pour nous ». La différence est
pourtant minime. Au niveau du contenu,
les deux mensuels cherchent à se rapprocher du format magazine.
L’expression de ta promo ?
L
e mensuel rugby du Républicain (Lot-et-Garonne et Sud
Gironde) pousse ses premiers
cris. Né en 2015, il est encore
en construction. « Lors de mon
entretien d’embauche, on m’a demandé ce
que je pouvais apporter au journal. J’ai
proposé cette idée parce que Julien Veyre
nous en avait parlé en cours, et je trouvais
que c’était un projet intelligent », explique
Nicolas Gosselin, ancien étudiant de la
19e promotion de la filière PHR de l’ESJ
Lille, et à l’origine de la création d’Oh
Valie. Un projet intelligent, surtout en
Aquitaine, terre de rugby. « C’est le sport le
plus fédérateur ici, puis il y avait des intérêts
commerciaux : quand on parle de rugby,
les annonceurs sont intéressés », poursuit
le jeune journaliste.
Oh Valie n’est pourtant pas une simple
copie du mensuel Rugby de Voix de l’Ain.
Nicolas reconnait l’influence du journal,
mais nie avoir voulu faire un copier-coller :
« Bien sûr que le point de départ c’est Voix
17
e
PaS Le ru !
JUIN 2015
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
PORTRAIT
KÉVIN LOURENÇO, CROQUEUR D’ACTUALITÉ
Un jeune journaliste de la 19e promotion PHR de l’ESJ Lille utilise son talent de dessinateur
au service de l’information. Pour éclairer les lecteurs, Kévin Lourenço manie aussi bien
les guillemets de citations que les bulles de bandes dessinées.
Quand l’information
devient bande dessinée
Kévin Lourenço considère qu’il n’est
pas possible de pousser la dérision en
presse locale aussi loin que dans la presse
satirique, qu’il dévore avec passion en tant
que lecteur. « Je pense qu’on ne peut pas se
permettre d’émettre un avis franchement
tranché. Il ne s’agit pas d’un journalisme
militant. »
Dans L’Axonais, il traite sous forme de
reportage dessiné, des sujets variés, de
la fermeture d’un bar café littéraire au
gala de boxe. « Je pense que le reportage
BD intrigue le lecteur. Il peut déclencher
un “tilt” et l’attirer sur un domaine qui ne
suscite pas son intérêt au premier abord »,
explique-t-il. Et d’ajouter : « Je me souviens
avoir appris au tout début de ma formation
à l’ESJ que le regard du lecteur est immédiatement accroché vers les photographies
et les illustrations. Inconsciemment, c’est
ce qu’il regarde en premier lorsqu’il ouvre
son journal. Ces images pourront guider
ses choix de lecture ».
Avec son crayon, Kévin Lourenço transforme les personnes en « personnages »,
et les met en scène dans les cases de ses
planches de bandes dessinées. « J’ai de bons
retours de la part des gens concernés. Ils sont
aussi surpris et amusés lorsqu’ils découvrent
que le journaliste qu’ils ont rencontré est
aussi le dessinateur. » Il exerce aujourd’hui
avec plaisir un métier alliant ses deux
passions. L’ ambition du journaliste pour
le futur, c’est Charlie Hebdo : « J’en rêve
depuis l’époque du collège. Si j’y arrive un
jour, je serai le plus heureux des hommes ! »
« Dans le monde de
l’édition, les ventes
de BD sont en
progression
par rapport aux
romans. Rien ne
m’interdit de
penser qu’il pourrait
en être de même
dans la presse locale.
Je pense que c’est
une tendance qui va
se développer dans
les années à venir. »
VINCENT GÉRARD, ÉDITEUR
ANNE LEBURGUE
Légende
POUR DÉCOUVRIR
UN PEU PLUS
SON COUP DE CRAYON
Kevin Lourenço alimente régulièrement son blog :
http://suntodessinateur.tumblr.com/ On y retrouve
des dessins qu’il réalise pour L’Axonais, mais aussi
des travaux plus personnels. Ce blog permet à
l’artiste de se lâcher et de pousser davantage
la caricature et l’humour noir qu’il affectionne.
ILS ONT FAIT LA PHR
Simon
Playoult
Journaliste
au
Syndicat
Agricole
Autoportrait
de Kévin Lourenço,
alias Sunto.
82
JUIN 2015
PHRASES
Anecdote ?
23 ans
Modèle journalistique ? Intervenant
TINTIN
Boulette ?
Un camarade
a foncé sur
une bagnole
en Rosalie
Actu marquante
quand tu étais à l’ESJ ?
Attentats de Boston
83
marquant ?
Pascal
Jacquart
Un souvenir ?
Surnom ?
Michto
PHRASES
dans la presse locale. Je pense que c’est une
tendance qui va se développer dans les
années à venir ». Vincent Gérard se réjouit
d’avoir recruté Kevin Lourenço dans son
équipe et souligne son talent.
Lors de la remise des
diplômes, on s’est lancé un
défi : placer nos surnoms
dans les discours
U
n crayon pour écrire l’actualité, un autre pour la dessiner :
Kévin Lourenço, 27 ans, est
entré dans le monde de la
presse hebdomadaire, carnet
de croquis sous le bras. « Mon père travaille
dans l’édition. Il y avait énormément de
livres à la maison. J’ai commencé à m’intéresser à la bande dessinée et au dessin de
presse très jeune. » Ce journaliste a grandi
en se nourrissant du Canard enchaîné,
d’Hara-Kiri, ou encore de Charlie Hebdo : « Cabu, c’est pour moi le plus grand,
le maître. Mon admiration pour lui, pour
Charlie, n’est pas née après les événements
de janvier, elle remonte à mon enfance ».
Issu de la filière Presse Hebdomadaire
Régionale de l’École Supérieure de Journalisme (ESJ) de Lille, il travaille depuis sa
sortie de l’école à Soissons pour L’Axonais.
Au sein du journal, il exerce le métier de
journaliste de presse écrite. Son joli coup
de crayon vient ponctuellement animer
les pages de l’hebdomadaire. Avant son
entrée dans le journalisme, il a d’abord
suivi une formation en bande dessinée
et graphisme à l’école des Beaux-Arts de
Tournai (Belgique). Ce sérieux bagage
artistique lui permet aujourd’hui de capter
et retranscrire avec aisance les événements
qu’il rapporte dans les pages du journal.
« Pour des sujets qui s’y prêtent, je réalise
des reportages dessinés », explique ce croqueur d’informations. Le classique papier
« article + photographie » prend alors la
forme d’une planche de BD. « Ce type de
format permet d’apporter une pointe de
fantaisie, un brin d’humour et de pédagogie
que l’on ne peut pas toujours se permettre
dans un article », ajoute-t-il.
Son directeur de publication, Vincent
Gérard, est à l’initiative de cette proposition originale : « L’Axonais est le seul titre
de PHR en France à proposer ce nouveau
genre de reportage ». L’idée lui est venue en
découvrant le travail de Guy Delisle. « Il est
l’auteur de Pyongyang, et des Chroniques de
Jérusalem. Je trouve cela génial de raconter
la vie en la dessinant », explique-t-il. Et
d’ajouter : « Dans le monde de l’édition,
les ventes de BD sont en progression par
rapport aux romans. Rien ne m’interdit
de penser qu’il pourrait en être de même
Planche de bande
dessinée réalisée
par Kévin Lourenço,
extraite de L’Axonais.
Le mobilhome
pendant le congrès
Lieu favori
à L’écoLe ?
BaBYfooT
18
e
JUIN 2015
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS
PASSION NORDIQUE
COUPLES
A
PHR, FILIÈRE DU CŒUR
La foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit ? Pas à l’ESJ Lille en tout cas : en
PHR, de nombreux couples ont vu le jour. Des histoires pas comme les autres dans un
monde pas comme les autres : le journalisme.
PAR PIERRE JULIENNE
UN BÉBÉ
CANARD
I
ls n’ont encore culotté aucun enfant. Mais en
ont déjà mis un sous presse. « On a créé Le
Sans-Culotte en 2007. Guillaume connaissait bien la Vendée, dont il est originaire. Il y
a une identité très forte là-bas. C’était le lieu
rêvé pour se lancer. » Le couple a donc installé la
rédaction entre « le lit et la fenêtre ».
Ces deux anciens de la 7e promo PHR ont
co-signé la ligne éditoriale. « À l’école déjà, on ne
rentrait pas dans le moule. Après le stage d’été, on
a travaillé dans plusieurs canards différents, ce qui
nous a permis de mûrir notre projet : on ne voulait
pas travailler pour un titre qui serait à la botte de
grandes enseignes commerciales à cause de la pub. »
Ils ont donc potassé un lourd dossier-projet intitulé
Créer un journal, comme d’autres bachotent Bébés
pour les nuls. Ils ont même demandé conseil auprès
d’Anne Carpentier, fondatrice de La Feuille, hebdo
satirique et indépendant du Lot-et-Garonne. Le
résultat : un mensuel à trois euros le numéro,
dépourvu de publicité. Mais même si les premiers
pas du Sans-Culotte coïncident avec ceux de La
Brique, journal de critique sociale à Lille, Marie
Coq tient à faire le distinguo : « Nous ne sommes
pas là pour faire un journal engagé. Nous voulions
seulement pouvoir traiter n’importe quel sujet, sans
aucune contrainte. Nous dénonçons quand il y a
matière à le faire ». Politiques de gauche comme
Marie Coq, 35 ans et Guillaume Fonteneau, 38 ans, rangent
le courier des lecteurs « sous les verres d’apéro ».
de droite, démarches commerciales suspectes,
ils passent tout au crible. Une tâche ardue : « Le
niveau d’exigence de nos lecteurs est encore plus
grand comme nous sommes un journal indépendant. Ils nous font confiance, nous n’avons pas le
droit à l’erreur ».
Marie Coq
et le Marteau-Piqueur
Aujourd’hui, Marie occupe le poste de rédactrice
en chef, aux côtés d’un autre journaliste. Guillaume,
s’il a quitté le métier pour devenir responsable
d’espaces verts, reste membre de l’Association qui
PHRASES
« C’est un scandale » et
« Ça passe crème ».
À la
recherche
d’un poste
L’expression de ta promo?
25 ans
NOCES
DE
PORCELAINE
Modèle journalistique ?
MES CAMARADES
Actu marquante
quand tu étais à l’ESJ ?
Intervenant
marquant ?
Hervé Leroy et
Laurent Brunel
La mort de Nelson
Mandela et la libération Lieu favori
des otages français en à L’écoLe ?
Syrie.
La cour
84
Surnom ?
Charly
ILS ONT FAIT LA PHR
Charlotte
Provin
édite le journal. Et il a toujours son mot à dire.
« Il sert de garde-fou, confie Marie. En conférence
de rédaction, si on n’est pas d’accord, il me rentre
dedans. On le surnomme le Marteau-piqueur. Ça
nous arrive d’avoir des prises de bec. Heureusement! C’est grâce à cela que Le Sans-Culotte existe
encore. » Il n’aurait cependant pas vu le jour sans
une première rencontre, amoureuse, à l’ESJ : « On
s’est mis ensemble dès la soirée d’intégration ». La
genèse du Sans-Culotte remonte loin dans le passé.
Quant à l’avenir : « On voudrait trouver un local
pour sortir le journal de la maison ». Même chez les
canards, le bébé doit un jour quitter le nid familial.
vec eux, le journalisme a trouvé son yin et son yang. « Lui, c’est plutôt
un Stakhanov, une brute de travail ! », confie Hélène avec amusement. « Moi, je suis plus dans le flou artistique. » Les différences ne
manquent pas entre ces deux anciens PHR, très complémentaires.
« Ce que j’admire chez lui, poursuit Hélène, c’est son énergie. Il écrit
très vite. » Benoît, lui, reconnaît chez Hélène une « vraie touche-à-tout ». Elle
joue de la flûte traversière en harmonie. Sa marotte à lui, ce sont les oiseaux.
Il y a consacré un bimensuel : La France colombophile. Deux passions bien
implantées dans leur région.
Benoît est rédacteur en chef de L’Indépendant du Pas-de-Calais. Elle, chef
de cabinet d’un élu de la commune de Blendecques. « On s’est rencontré avant
l’école. On travaillait pour deux titres concurrents, sur le secteur de l’Audomarois-Cambrésis. Mais on n’a jamais voulu travailler ensemble. On ne voulait pas
de rapports hiérarchiques. » Ils ont eu une fille, Marie, en 2005. Un amour qui
perdure malgré des opinions politiques divergentes : « Hélène a des penchants
communistes, moi, c’est plutôt centre-droit ». À l’ESJ, cela ne les a pas non plus
empêchés d’avoir des manières différentes (et originales) de travailler. « Je
me souviens d’un exercice d’écriture que j’ai fait en cinq minutes à 2 heures du
matin. J’ai eu la meilleure note.
Benoît et Hélène Cailliez Hétuin, Elle, c’était lors de l’épreuve d’expression libre au concours. Il
40 ans, ont abonné leur fille
fallait s’inspirer du carambar
Marie à Mon Quotidien.
qui était posé sur notre table
« Elle fera du journalisme si elle
d’examen. Elle a fait un truc sur
le souhaite ! »
la fellation ! »
Le plus mémorable reste
la déclaration d’amour de
Benoît : « Je faisais un article
sur le village de Nortkerque
qui inaugurait son géant pour
le carnaval. Je l’ai décrit avec
les traits d’Hélène ». L’effet de
surprise est monnaie courante
entre eux. Mais plus répandu
dans l’écriture d’Hélène : « Je
passe mon temps à mettre des
points d’exclamation partout,
lui à les enlever ! » L’équilibre du
yin et du yang : ce couple PHR a
trouvé le secret de la longévité.
19
e
JUIN 2015
Aurélie Beaussart, 32 ans, et Jacques Taquet,
52 ans, sont les parents de Solal, éponyme du
1er roman d’Albert Cohen.
UNION DE TERRAIN
Q
ui a dit que les filières étaient hermétiques à l’ESJ ?
Jacques Taquet entre à l’école en 1978 pour le master
généraliste, quand Aurélie sort diplômée de la 9e
promo PHR en 2004. « Nous nous sommes rencontrés
sur le terrain. Il était rédacteur en chef d’une radio
locale, tandis que je faisais un stage à L’Observateur de l’Avesnois. »
Elle faisait ses armes, lui connaissait le coin. Il était aimable et
ouvert. Elle était curieuse et rêvait d’apprendre.
« Les gens ne se rendent pas compte des réalités de notre travail,
explique Amélie. Jacques connaît les contraintes du métier. Quand
j’étais responsable des faits divers, j’ai été appelée un 31 décembre
à cause d’une fusillade entre forains. J’ai dû lâcher tout le monde
en plein repas ! Mais Jacques comprenait très bien. » S’ils ne sont
pas trop regardants sur leur emploi du temps respectif, ils le sont
davantage sur leur travail. Ainsi, l’un se fait toujours le critique de
l’autre : « Nos conversations sont toujours enrichissantes. Le métier
de journaliste, de toute façon, tu l’apprends tous les jours ! » Ils
emménagent à Reims en 2005. Deviennent parents en novembre
2013. Mais ne souhaitent pas travailler ensemble : « On l’a fait une
fois, lors d’un festival de cinéma à Jeumont. Le rapport hiérarchique
était bizarre, nous n’avons pas voulu répéter l’expérience ». Il est
donc toujours journaliste indépendant, pendant qu’elle travaille
à la locale de L’Union, à Reims. Une séparation indispensable
pour préserver l’union qui compte le plus : la leur.
(2)
(1)
L’ESJ a fêté vendredi 12 juin ses 20
ans de mariage avec la filière PHR.
Une centaine d’anciens étaient
présents. La promo 16 s’est prêtée
au jeux, comme de nombreux
autres, les pieds dans la paille et
fourche à la main (1) pour tourner
en ridicule les clichés qui collent
à la peau de la presse locale. Le
buffet a, quant à lui, réuni les
journalistes de demain et leur
papa lapin, Frédéric Baillot(2).
PHRASES
85
JUIN 2015
ÉCOLE SUPÉRIEURE
DE JOURNALISME DE LILLE
La plus ancienne
des 14 écoles de
journalisme
reconnues par la
profession
La meilleure
école de
journalisme
de France
(dernier classement Le Figaro
StreetPress)
Formations
(de la L1 au Master 2)
et prépas
au journalisme :
∫ Académie ESJ Lille (de la
Licence 1 à la Licence 3)
∫ Licence pro
PHR Presse écrite/web
∫ Licence pro
Journaliste Sportif
∫ Master 2
Journaliste et Scientifique
∫ Master management
médias en ligne
s ancienne des ∫ des
Double diplôme ESJ Lille et
14 écoles de Sciences Po Lille
journalism ∫ Télépréparation aux concours
des écoles de journalisme
∫ Prépa égalité des chances
aux concours des écoles de
journalisme
www.esj-lille.fr
@ESJLille
facebook.com/esj.lille